Rénovation énergétique du bâti ancien
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, présentée par M. Michaël Weber et plusieurs de ses collègues, à la demande du groupe SER.
Discussion générale
M. Michaël Weber, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K) Victor Hugo disait : « Il est de règle que l'architecture d'un édifice soit adaptée à sa destination - et à son environnement, faudrait-il ajouter - de telle façon que cette destination se dénonce d'elle-même au seul aspect de l'édifice. »
Après vingt-neuf années de mandat local, attaché au patrimoine et à l'environnement et la découverte de la France à travers ses cinquante-neuf parcs régionaux naturels, j'ai constaté dans nos villages des rénovations parfois désastreuses. La standardisation grandit, la beauté de nos régions s'efface. Nous partageons tous ce constat.
Les travaux de Sabine Drexler et de Guillaume Gontard nous ont montré la nécessité de protéger le bâti ancien. Réhabiliter le bâti ancien, c'est encourager une architecture et un environnement respectueux de l'humain. Réinvestir le centre-bourg, c'est renouer avec des méthodes plus écologiques. Cette proposition de loi contribue à la réinvention d'un espace de vie collectif et durable, accessible à tous, recréant une meilleure cohésion sociale.
Le bâti ancien, par ses qualités bioclimatiques, est résolument moderne. Il encourage l'économie circulaire et l'artisanat et promeut les ressources locales, contribuant au dynamisme de nos territoires.
Mettre en valeur le déjà-là, c'est promouvoir un logement qui vit avec son environnement, en obtenant naturellement ce qu'on a du mal à reproduire artificiellement. Le bâti ancien est innovant : il optimise l'accès à la lumière, offre de la fraîcheur, protège de la chaleur. Les murs porteurs lourds et épais ont une réelle qualité hygrothermique.
Réhabiliter l'ancien, c'est veiller à préserver les qualités écologiques de ce type de bâti. Le bois, le torchis, le pisé, la terre crue, le roseau, le chanvre ou la paille sont adaptés aux enjeux de l'ancien et sont performants. Les matières biosourcées ou géosourcées permettent d'éviter des matériaux polluants et inadaptés aux bâtiments anciens.
Recouvrir la vieille pierre d'un enduit en ciment, remplacer des menuiseries en bois par des fenêtres en PVC provoquent des dégâts irrémédiables. Les matériaux nobles pourrissent sous la couche de matière synthétique, menaçant la structure même de l'édifice et la santé des habitants : nous sommes à la veille d'un scandale sanitaire en puissance.
Réhabiliter l'ancien, c'est oeuvrer pour un meilleur confort des habitants, contribuer à un urbanisme circulaire, lutter contre la vacance et la sous-occupation et encourager la revitalisation des villages.
Il s'agit d'une politique ambitieuse. Privilégier le réemploi plutôt que le neuf, des matériaux de qualité et une main-d'oeuvre plus qualifiée, tout cela a un coût. Aussi, l'État doit soutenir les plus modestes.
Plus de 4 millions de personnes sont mal ou pas logées en France. La réhabilitation du déjà-là est une des solutions.
Cette proposition de loi est résolument moderne, et toutes les constructions modernes qui s'inspirent des bâtis anciens en sont la preuve.
Préservons la richesse de notre patrimoine bâti ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Yannick Jadot et Mme Marie-Laure Phinera-Horth applaudissent également.)
Mme Sylviane Noël, rapporteure de la commission des affaires économiques . - Sur les 37 millions de logements français, plus de 7 millions sont des passoires thermiques, classées F ou G ; en y ajoutant les logements classés E, ce sont 15 millions de logements. Les logements construits avant 1948 représentent un tiers du parc. Deux tiers d'entre eux sont classés E, F ou G. Donc 7 millions de logements classés E, F ou G sont des logements anciens, soit la moitié de ces logements ! À l'inverse, seuls deux tiers des logements construits après 2013 sont classés B ou C.
Nous devons faire vite pour les rénover, mais pas n'importe comment. Les travaux inadaptés conduisent au développement de moisissures par exemple, par manque de respiration. Ces travaux dommageables traduisent une forte méconnaissance du bâti ancien.
Dans son rapport de 2023, Sabine Drexler, sénateur du Haut-Rhin, a tiré la sonnette d'alarme. Elle a plaidé pour la prise en compte des spécificités du bâti ancien dans la rénovation énergétique et la préservation de ses qualités patrimoniales. Les spécificités sont culturelles, mais aussi économiques.
Les exceptions de la loi Climat et résilience ne concernent que les bâtiments protégés. Or nombre de bâtiments anciens ne le sont pas. Notre commission a salué l'initiative de Michaël Weber qui s'inscrit dans la suite des travaux de Sabine Drexler et de la commission d'enquête rapportée par Guillaume Gontard et présidée par Dominique Estrosi Sassone, sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. Je salue la qualité des échanges avec Michaël Weber.
Le texte issu des travaux de la commission établit un équilibre. Il préserve les qualités patrimoniales du bâti ancien sans créer d'instabilité ni de complexité normative, et limite les effets de bord de la loi Climat et résilience sans créer de nouvelles contraintes.
L'article 1er introduit une définition du bâti ancien dans la loi et prend en compte le confort d'été et d'hiver. L'article 2 adapte le DPE aux spécificités du bâti ancien, et prend en compte les caractéristiques hygrothermiques des matériaux.
À l'article 3, des compétences spécifiques sont exigées pour les auditeurs des bâtiments anciens. Malgré les efforts récents, les connaissances des diagnostiqueurs sont souvent insuffisantes.
L'article 5 prévoit un rapport du Gouvernement sur le soutien financier en faveur de la rénovation du bâti ancien ; cela peut passer par un couplage des aides MaPrimeRénov' et des certificats d'économie d'énergie (C2E).
Ce texte témoigne d'un équilibre à préserver entre les objectifs patrimoniaux et de rénovation énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du RDSE)
M. Stéphane Piednoir. - Très bien.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - Je vous prie d'excuser Mme Létard, retenue dans les transports - mais elle nous rejoindra. Ministre des relations avec le Parlement, je ne peux m'empêcher de constater avec plaisir que le groupe SER, malgré son opposition au Gouvernement, trouvera le soutien du Gouvernement sur ce sujet crucial.
Cette proposition de loi vise à concilier la préservation du patrimoine architectural, les impératifs de la transition énergétique et la sauvegarde du pouvoir d'achat des ménages. Les bâtiments anciens sont aussi un élément d'attractivité de nos territoires. Ils sont composés de matériaux qui ont traversé les siècles. Il s'agit de réduire aussi les factures d'énergie au travers de la rénovation énergétique.
Si certains bâtiments anciens sont très performants, d'autres sont des passoires thermiques. Pas moins de 29 % des résidences principales construites avant 1948 sont des passoires énergétiques, contre 14 % pour la moyenne des logements. Nous devons donc les rénover.
Rénover le bâti ancien présente des défis uniques. Une rénovation inadaptée peut nuire à ces bâtiments et au confort des habitants. Elle peut créer des problèmes de santé pour ses occupants ou le développement de moisissures.
Les ministres du logement et de la culture travaillent sur ce sujet : la semaine dernière, nous avons publié un guide pour les diagnostiqueurs.
Je remercie M. Weber d'avoir déposé ce texte qui comble une lacune de la législation actuelle, introduit une définition claire du bâti ancien et propose une meilleure prise en compte de ce dernier dans les DPE.
La ministre du logement a annoncé un plan pour fiabiliser les DPE et lutter contre la fraude. Nous serons impitoyables avec les diagnostiqueurs réalisant des DPE de complaisance. La formation des diagnostiqueurs doit intégrer des compétences en matière de bâti ancien.
J'en viens au financement, le nerf de la guerre. Rénover un logement coûte plus cher, du fait de l'utilisation de matériaux respectueux du bâti ancien, souvent locaux et durables.
Le recours à ces matériaux favorise la vitalité des collectivités territoriales. Ce sont elles qui savent le mieux quels matériaux employer. Je vous l'annonce, un décret paraîtra ce jour pour que les collectivités territoriales financent plus largement le dispositif MaPrimeRénov', en complément de l'aide nationale.
Cette proposition de loi montre que la transition énergétique peut aller de pair avec la préservation du patrimoine. Nous améliorerons la performance énergétique de notre parc immobilier tout en préservant notre héritage culturel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, sur quelques travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Jean-Pierre Corbisez . - La transition écologique comporte plusieurs échéances importantes ; la première est 2030, avec une division par deux de nos émissions de CO2, pour remplir l'objectif européen Fit for 55. La semaine dernière, nous avons débattu du ZAN, indispensable pour limiter les îlots de chaleur notamment.
Le secteur du bâtiment est responsable de 25 à 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Il est indispensable de rénover les logements. Les logements classés G sont interdits à la location depuis janvier 2024, ceux classés F le seront en 2028, et les E en 2034. Parmi eux le bâti ancien, c'est-à-dire les logements construits avant 1948. La moitié des 15 millions de logements interdits en 2034 pourraient être des bâtiments anciens. Faut-il pour autant les exonérer de rénovation et condamner à la précarité énergétique leurs résidents ?
Il est nécessaire de soutenir la bataille de la rénovation énergétique pour lutter contre le changement climatique. Il faut donc des moyens et tenir compte de la réalité des bâtiments. Il faut privilégier la réhabilitation et les matériaux biosourcés dans l'Hexagone aussi bien qu'en outre-mer - c'est le sens de notre amendement.
Les différentes techniques peuvent trouver des réponses économiques. Je regrette la suppression des subventions prévues initialement alors qu'elles sont la clé pour préserver un patrimoine de qualité sans rogner sur la performance énergétique. Nous espérons que la situation évoluera positivement lors du prochain PLF.
Mon groupe votera en faveur de cette proposition de loi attendue par une grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, du GEST et du groupe INDEP ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) « L'équation est claire : construire un immeuble nécessite 70 fois plus de matériaux et produit cinq fois plus d'émissions de gaz à effet de serre qu'une réhabilitation. Les rendez-vous du siècle nous imposent donc de ne démolir qu'en dernière extrémité, de focaliser nos efforts sur la transformation de l'existant et de construire moins, beaucoup moins », comme le dit Sylvain Grisot dans son ouvrage Réparer la ville.
Face à ce constat, nous saluons cette proposition de loi qui reprend une partie des propositions de la commission d'enquête portée par Guillaume Gontard et présidée par Dominique Estrosi Sassone.
Plus de 80 % de la ville de demain existe déjà. À Paris, plus de 80 % du bâti date d'avant 1948. En France, 15 millions de logements sont des passoires thermiques, dont la moitié est du bâti ancien.
Les bâtiments anciens reflètent le patrimoine de nos régions, qui doit être rénové grâce à des matériaux biosourcés et géosourcés, dont ils sont composés à 90 %. Nous défendrons l'amendement n°2 rectifié bis en ce sens. Votre annonce, monsieur le ministre, permettra de le voter !
Vouloir définir le bâti ancien sans privilégier fortement ces matériaux serait une erreur : la filière biosourcée représente 4 000 emplois directs et indirects sur le territoire.
Nous regrettons que cette proposition de loi n'aborde pas davantage la formation des professionnels du secteur, y compris les architectes.
La rénovation thermique est le chantier du siècle. En dépendent notre souveraineté énergétique, la décarbonation, l'artisanat, le pouvoir d'achat et l'habitabilité des logements. Pourtant, le budget 2025 de MaPrimeRénov' a été baissé d'un tiers, atteignant 2,1 milliards d'euros.
Malgré quelques réserves, mon groupe votera en faveur de cette proposition de loi. Selon Christine Leconte, ancienne présidente de l'Ordre des architectes : « Proposons de réparer cette ville plutôt que de chercher à en construire une autre. (...) Les lieux fabriquent des liens qui permettent de créer ensemble une société plus solidaire et conviviale ». (Applaudissements sur les travées du GEST, des groupes SER, CRCE-K et du RDSE)
M. Pierre Jean Rochette . - Depuis 2021, nous n'avons cessé de corriger les dispositions de la loi Climat et résilience. La semaine dernière, nous avons examiné la proposition de loi Trace, et dans deux semaines, nous examinerons une proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété.
Il est indispensable de réduire l'impact des bâtiments sur l'environnement. Nous devons améliorer leur efficacité énergétique, mais avec intelligence et pragmatisme.
Comment pouvons-nous évaluer avec la même grille la performance énergétique des bâtiments construits au début du siècle et ceux construits récemment ? Cette approche incite à rénover avec des matériaux modernes inadaptés, avec un impact environnemental plus fort, et qui dénaturent le patrimoine.
Cette proposition de loi est judicieuse. Nous saluons les ajouts de la rapporteure pour prendre en compte les spécificités thermiques du bâti ancien, notamment dans le DPE. Il faut considérer les atouts hygrothermiques de ce bâti. L'objectif doit être la simplification et la cohérence.
Inciter à l'utilisation de matériaux modernes relève parfois de l'absurdité totale. Rénover le bâti ancien nécessite des compétences spécifiques. Faut-il mobiliser un architecte des bâtiments de France (ABF) sur chaque audit ? Je ne le crois pas. Cela dit, ancien ne signifie pas patrimonial. Tous ces bâtis ne se valent pas. C'est uniquement quand il existe un intérêt patrimonial que solliciter cet auditeur est utile. Incitons les propriétaires à la rénovation. Ne rigidifions pas à l'excès.
Parce que le texte prône la simplification et l'efficacité, le groupe Les Indépendants votera ce texte. (M. Michel Masset applaudit.)
Mme Sabine Drexler . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je prendrai l'exemple d'une maison de Buschwiller, qui illustre la difficulté de préserver le patrimoine face aux exigences de rénovation énergétique.
Cette maison crépie a été sauvée grâce à deux passionnés de patrimoine rural. Leur inspection « clandestine » a révélé une façade du XVIe siècle. Une mobilisation citoyenne s'est organisée et un financement trouvé. Elle a été démontée avant sa destruction et sera prochainement remontée dans le parc de la maison alsacienne de Reichstett.
Ce texte contribuera à faire prendre la pleine mesure des dangers que court notre patrimoine. L'Alsace est une région reconnue pour ses maisons traditionnelles qui attirent les touristes. Pourtant, chaque année, trois cents d'entre elles disparaissent soit par démolition, comme à Buschwiller, soit à la suite de rénovations inappropriées qui portent atteinte à leur structure. Ce phénomène s'est accéléré avec la loi Climat et résilience.
D'abord, ce petit patrimoine manque de protection. Tout peut arriver : travaux inappropriés ou destruction.
Ensuite, rénover une maison ancienne pour la louer peut coûter plus cher que la démolition, ce qui pousse certains propriétaires à choisir cette option, faute d'aides financières.
Enfin, la pression foncière et immobilière fait que les terrains se négocient à des prix déraisonnables, comme c'est le cas à Buschwiller. Il est plus rentable de vendre un terrain que de réhabiliter une maison traditionnelle.
Ce triste constat repose sur une funeste ironie du sort : on sacrifie pour des raisons écologiques des maisons durables.
Pour endiguer ce phénomène, des mesures urgentes sont à prendre, notamment l'adaptation du DPE au bâti traditionnel avec des normes prenant en compte leur performance réelle plutôt que des modèles standards inadaptés.
Le soutien financier à une rénovation compatible avec le bâti ancien en est une autre, la transmission des savoir-faire et la formation aux techniques spécifiques pour ces rénovations également.
La disparition du bâti traditionnel - et l'uniformisation qui va avec - prive nos régions d'une partie de leur héritage et de l'art de vivre qui l'accompagne.
Le bâti traditionnel incarne une intelligence constructive dont nous devons nous inspirer. Il faut la faire reconnaître. Mon rapport et celui de la commission d'enquête en 2023 ont fait des propositions qui sont débattues. Nous faisons évoluer la législation, à petit pas, mais dans le bon sens. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - La proposition de loi vise à concilier performance énergétique et préservation du bâti ancien. Je salue l'initiative de Michaël Weber et le travail de la commission des affaires économiques, ainsi que celui de la rapporteure Sylviane Noël. Nous partageons la conviction que le bâti ancien est une richesse, mais c'est aussi un défi de taille en matière de rénovation énergétique.
Nous avons affirmé notre engagement en faveur de la transition énergétique en adoptant la loi Climat et résilience.
Toutefois, les spécificités du bâti antérieur à 1948 ont été insuffisamment prises en compte, comme en atteste le rapport de la commission d'enquête.
Nous devons donc adopter nos outils et méthodes au terrain. Les propriétaires sont confrontés à des injonctions contradictoires. Les aides sont mal calibrées ou inadaptées. Il faut des ajustements législatifs, d'où cette proposition de loi. Elle introduit des avancées majeures, notamment en définissant le bâti ancien et les matériaux biosourcés et géosourcés dans le code de la construction et de l'habitation. Le cadre juridique est clarifié. Les articles 2 et 3 intègrent ces spécificités au sein du DPE et des diagnostics.
L'article 5 soulève la question du soutien financier. Adapter le soutien financier au bâti ancien est nécessaire, il faut en évaluer l'opportunité.
Il faut aussi adopter une approche sur mesure pour prendre en compte les spécificités climatiques et architecturales des outre-mer. La réglementation thermique, acoustique et d'aération de 2010 a ainsi favorisé la ventilation naturelle pour limiter l'usage de la climatisation.
Le RDPI votera en faveur ce texte, pragmatique et utile.
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.) Représentant un tiers du parc de logements et 39 % de ses consommations d'énergie, le bâti ancien est un gisement important d'économies d'énergie et un levier de lutte contre la précarité énergétique.
Pourtant, les outils mis à disposition par le législateur, uniformes, se révèlent inadaptés. Le bâti ancien ne nécessite pas une approche exclusivement énergétique, mais globale, incluant les questions environnementales et patrimoniales. Ce n'est qu'ainsi que l'on préservera ses qualités techniques, environnementales et patrimoniales, ainsi que son confort, été comme hiver.
Ne créons pas de déséquilibre. Prenons en considération l'importance du recours à des matériaux naturels locaux, peu transformés, à base de terre cuite ou crue, de pierre et de bois.
Ce texte est un pas nécessaire vers une transition plus juste. Il y va de l'acceptabilité d'une politique souhaitable, qui exige pour réussir de ne pas être contestée.
Soyons vigilants : ces exigences ne doivent pas conduire à ce que le bâti ancien soit ou bien dégradé ou bien occupé uniquement par des publics précaires.
Si le bien-fondé du DPE n'est pas contestable, il faut l'adapter au bâti ancien. Le risque est que l'interdiction progressive des passoires thermiques n'entraîne une vacance des logements anciens ou une transformation vers des meublés touristiques. Ce phénomène d'éviction, déjà présent, est une source d'injustice pour des milliers de Français bloqués dans leur parcours résidentiel. Ce bâti ancien compose l'essentiel des habitations de centre-bourg, notamment dans le Lot-et-Garonne, mon département.
Pour lutter contre la désertification ou la disparition d'une partie de notre patrimoine, il faut concilier les objectifs de rénovation thermique avec ceux de la préservation du patrimoine bâti.
Nous voterons ce texte, même si la réécriture de l'article 5 vide la proposition de loi de son sens.
Un soutien financier est indispensable pour les ménages les plus modestes. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)
Mme Marie-Lise Housseau . - La rénovation énergétique s'est imposée comme une politique publique essentielle parmi les différents défis auxquels nous devons répondre. Premier enjeu, l'environnement : troisième secteur d'émissions de gaz à effet de serre, le bâti représente 18 % de ces émissions en France.
Ensuite, l'enjeu social : 5,2 millions de logements sont considérés comme énergivores, et 30 % des ménages ont souffert du froid en 2023.
Enfin, l'enjeu économique : il nous faut repenser notre modèle d'aménagement des territoires. Alors que 80 % des logements de 2050 existent déjà, les deux tiers sont mal isolés. Alors que les surfaces constructibles sont de plus en plus rares, le dérèglement climatique nous impose de revoir nos règles.
Le législateur s'est déjà interrogé sur l'ambition à donner à cette politique, qu'il s'agisse de revoir le classement des passoires thermiques ou de donner des marges de manoeuvre aux acteurs publics et privés du bâtiment. Les normes législatives et réglementaires fluctuent en fonction des crises. Or le secteur du bâtiment demande de la stabilité et de la simplification.
Selon le rapport d'information de la commission de la culture sur le patrimoine et la transition de 2023, la législation en vigueur ne tient pas compte du bâti ancien, à l'exception des monuments historiques.
Le bâti ancien regroupe les bâtiments achevés avant 1948, soit un tiers du parc national. Ce type de bâtiment est singulier : il est composé de matériaux naturels, il exige une rénovation incompatible avec les matériaux modernes. Il faut des processus rigoureux et individualisés, afin d'améliorer la performance énergétique des lieux tout en conservant leur valeur patrimoniale.
Ce texte propose d'inscrire dans la loi la définition du bâti ancien, qui se caractérise par une faible empreinte environnementale.
Il précise que le DPE et les travaux de réhabilitation doivent tenir compte de ses qualités. C'est souhaitable, car le DPE et le label RGE (reconnu garant de l'environnement) sont dévalorisés et incompris par les propriétaires. La politique de stop-and-go des aides participe à la non-atteinte des objectifs de rénovation. Et je ne parlerai pas du reste à charge qui représente 65 % des dépenses engagées...
Les propositions de travaux devront être adaptées aux contraintes patrimoniales du bâti, ce qui demande des compétences supplémentaires. Cette mesure fait partie d'un vaste plan de formation à la rénovation énergétique proposé dans un rapport de l'Assemblée nationale de 2023.
La réponse au problème du financement doit être ambitieuse. Il faut imaginer une perspective pluriannuelle, pour faire monter en puissance la filière. Pourquoi ne pas créer une banque publique de la rénovation garantie par l'État, à l'instar de ce qui se fait outre-Rhin, les établissements bancaires étant trop frileux sur ces sujets ?
Cette proposition de loi est nécessaire : elle répond aux problèmes posés par le poids du bâti ancien dans le parc de logements, d'une part, et rappelle, d'autre part, les multiples défis qui jalonnent toute politique : la formation, la simplification et le financement.
Notre groupe votera en faveur du texte (M. Michel Masset applaudit.)
M. Gilbert Favreau . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La rénovation énergétique est une priorité nationale. Nous voulons réduire la précarité énergétique, limiter l'artificialisation des sols, atteindre nos objectifs climatiques, mais il faut tenir compte du bâti existant.
Or la législation actuelle est mal adaptée au bâti ancien qui représente plus d'un tiers du parc immobilier.
La loi Climat et résilience est pensée pour le neuf, ignorant les spécificités des bâtiments d'avant 1948. Résultat : les travaux sont inadaptés, voire nuisibles. Une maison de campagne du XIXe siècle a été construite avec des matériaux respirants, son isolation repose sur une hygrométrie naturelle ; or les normes requises pour l'isolation intérieure imposent des matériaux étanches, comme le polystyrène ou la laine de verre. L'humidité ainsi piégée entraîne moisissures, condensation ou autres dégradations.
Les propriétaires financent parfois des rénovations qui accélèrent la détérioration de leur bien, pour que ce dernier reste louable.
Les aides comme MaPrimeRénov' sont inaccessibles ou mal calibrées pour le bâti ancien. Les dossiers sont complexes, les montants incertains, rendant les rénovations douteuses et risquées.
Les matériaux compatibles avec les constructions anciennes sont souvent plus chers mais paradoxalement moins bien subventionnés. Faute d'aide adaptée, beaucoup de propriétaires de maisons anciennes doivent vendre ou abandonner leur bien. Nous risquons de voir disparaître un pan entier de notre patrimoine, faute de solution de rénovation viable.
Il est donc urgent d'adopter une approche plus rationnelle et respectueuse du bâti ancien ; d'où cette proposition de loi, qui adapte les critères des évaluations énergétiques, prévoit un audit énergétique et patrimonial, encourage l'utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés, garantit une rénovation saine, en imposant une vigilance accrue sur la ventilation et l'hygrométrie. Il ne s'agit pas de freiner la modernisation de notre parc, mais de la rendre plus intelligente, plus respectueuse des réalités architecturales et des techniques du bâti ancien. Votons le texte sans hésitation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Rémi Cardon . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La question de la rénovation thermique est chère au groupe socialiste. Après ma proposition de loi contre la précarité énergétique, après la proposition de loi de Mme Bélim sur l'adaptation des matériaux et normes de construction aux spécificités des outre-mer, la présente proposition de loi trouve toute sa place dans la chambre des territoires.
Le bâti ancien est notre patrimoine. Il fait la fierté de nos territoires. Il est le fruit de l'intelligence de ceux qui nous ont précédés, qui ont su construire des bâtiments vivants, en osmose avec leur environnement, observer la nature pour en tirer le meilleur. En témoignent les qualités thermiques et hydriques naturelles du bâti ancien.
De la maison en pans de bois et torchis blanchi chez moi, dans la Somme, au mas de Provence, de la chaumière normande à la maison basque, le bâti ancien est infiniment varié. Il se caractérise par le recours à des méthodes de construction vernaculaire et à des matériaux naturels locaux : pierre, terre, cuite ou crue, bois. Rural ou urbain, il a été conçu pour s'adapter à son environnement.
L'ambition de cette proposition de loi est d'en préserver la qualité architecturale en améliorant ses performances énergétiques.
Le bâti ancien représente onze millions de logements, soit un tiers du parc. Près de 70 % du bâti construit avant 1948 est classé E, F ou G.
Alors que la France s'est engagée à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre et de 30 % sa consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030, la rénovation du bâti ancien est un enjeu majeur - écologique, mais aussi de justice sociale, car éradiquer les passoires thermiques, c'est lutter contre la précarité énergétique qui touche les plus modestes.
La rénovation du bâti ancien exige une méthode. Une rénovation inadaptée peut compromettre la régulation naturelle de la température et du taux d'humidité, diminuant l'espérance de vie du bâtiment et nuisant au confort et à la santé de ses occupants.
La rénovation des bâtiments anciens, c'est aussi une promesse d'avenir. Leur empreinte environnementale est faible : 90 % de ces constructions utilisent des matériaux biosourcés et géosourcés, issus de filières courtes, qui réduisent notre dépendance aux importations et favorisent l'économie locale et la souveraineté industrielle.
La rénovation en milieu rural limite l'artificialisation des sols et revitalise les centres-bourgs. Elle soutient les filières artisanales en valorisant des savoir-faire et des emplois locaux non délocalisables.
Le groupe socialiste propose une méthode : en prenant en compte les spécificités du bâti ancien dans les rénovations performantes, à l'article 1er ; en adaptant le DPE au bâti ancien, à l'article 2 ; en adaptant l'audit énergétique à ses spécificités, à l'article 3 ; enfin en soutenant le financement de ces travaux de rénovation énergétique.
Voter cette proposition de loi, c'est renouer avec l'intelligence et le savoir-faire de nos territoires, c'est préserver et valoriser notre histoire patrimoniale. C'est répondre aux enjeux environnementaux, sociaux et sanitaires. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Michel Masset applaudit également.)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°4 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - La notion de réhabilitation n'existe pas dans le code de la construction et de l'habitation, alors qu'elle est utilisée par les conservateurs. La rénovation, plus intrusive, peut transformer significativement un bâtiment ; la réhabilitation, plus respectueuse, vise à valoriser les éléments d'origine tout en les adaptant aux normes modernes. Elle est souvent utilisée pour les bâtiments patrimoniaux. Inscrivons cette notion dans le code, comme hier, dans la proposition de loi sur les ABF, nous l'avons inscrite dans la loi sur l'architecture.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Les services du ministère de la culture ont relayé cette préoccupation en audition. Cela dit, remplacer les terminologies serait source de complexité et de confusion. MaPrimeRénov', par exemple, finance la rénovation énergétique des logements, non leur réhabilitation. Ne créons pas deux régimes distincts. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. - Je vous prie d'excuser de mon retard ; je salue l'auteur de la proposition de loi, ainsi que Mme Drexler, que je sais très investie sur ce sujet. Je rejoins toutefois l'avis de la commission : attention au risque de confusion et de complexité qu'entraînerait cet amendement.
M. le président. - Le Sénat accepte bien volontiers vos excuses, madame la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre. - Merci, monsieur le président.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1 de M. Jadot et alii.
M. Yannick Jadot. - M. Mignola a annoncé la publication d'un décret sur la bonification des matériaux biosourcés et géosourcés dans la rénovation thermique. Vous pourrez donc voter mon amendement, qui en propose une définition sérieuse, à partir notamment des conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur la rénovation énergétique.
Ces matériaux stockent du carbone durant toute la durée de vie du bâtiment, et concourent à l'habitabilité d'été, dont on parle trop peu. La filière française de matériaux d'isolation s'appuie sur des matériaux issus de l'agriculture, en circuit court, comme la paille et le chanvre. Les inscrire dans la loi soutiendrait son développement.
M. le président. - Amendement n°8 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Cet amendement, qui rétablit une partie de l'article supprimée en commission, précise la notion de réhabilitation ainsi que la nécessité de conserver les matériaux existants dès que possible. En réduisant l'impact carbone du bâtiment, on s'inscrit dans une démarche écologique et durable.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Ces amendements remettent en cause le compromis trouvé avec l'auteur. On ne soutient pas une filière en introduisant des définitions dans la loi. La commission les a supprimées car elles risquaient d'être trop restrictives. Ainsi, le ciment aurait pu être considéré comme un matériau géosourcé.
La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est déjà mentionnée indirectement à travers la mention de la politique énergétique renvoyant au budget carbone.
Enfin, l'amendement n°8 conduirait à créer un régime à deux vitesses. Avis défavorable aux deux amendements.
Mme Valérie Létard, ministre. - Monsieur Jadot, ce décret, que j'ai cosigné, permet aux collectivités territoriales d'aller plus loin dans le soutien aux matériaux biosourcés. On pourra désormais cumuler le PTZ et MaPrimeRénov'. C'est un accompagnement significatif, notamment pour les ménages modestes, qui pourront ainsi acquérir et reconquérir du logement ancien.
Je partage l'avis de Mme la rapporteure sur la définition proposée, qui pourrait inclure des matériaux d'origine minérale comme le béton, ce qui va à l'encontre de votre objectif... Retrait sinon avis défavorable.
L'amendement n°1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°8 rectifié.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - C'est un amendement essentiel. Le bâti traditionnel, ce qu'on appelle le petit patrimoine, n'est pas protégé car il n'est pas identifié, notamment dans la ruralité, malgré son rôle dans l'attractivité de notre pays.
Vu les conséquences de l'effet croisé du ZAN et du DPE sur nos paysages architecturaux, il est urgent d'inciter les élus à répertorier leur bâti patrimonial dans les documents d'urbanisme, afin de limiter les travaux inappropriés et d'éviter sa disparition. La Collectivité européenne d'Alsace majore les subventions en cas de travaux de réhabilitation sur le bâti non protégé en cas d'inscription de ce dernier dans les documents d'urbanisme - mesure qui rencontre un grand succès.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Votre rapport de 2023 a mis en lumière le risque d'effacement progressif du bâti patrimonial non protégé.
Mais être situé dans une zone identifiée dans le PLU comme zone à protéger entraîne déjà des exceptions aux objectifs de rénovation énergétique. Sur ce plan, votre amendement est satisfait.
L'enjeu est d'encourager les collectivités à recenser les espaces à protéger. Ce n'est qu'une faculté, pas une obligation. Nous avons hélas très peu de données sur la mobilisation de cet outil. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°5 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Comme précédemment, il s'agit de préciser la notion de réhabilitation à l'article L111-1 du code de la construction et de l'habitation.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Cette modification sémantique entraînerait de la confusion et de la complexité. Cela reviendrait à créer deux régimes distincts. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Défendu.
L'amendement n°6 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23 de Mme Daniel et alii.
Mme Colombe Brossel. - Cet amendement promeut une vision plus équilibrée de la performance des bâtiments, en intégrant l'emploi de matériaux biosourcés et géosourcés, le confort d'été, la qualité d'air. La prise en compte du bien-être et de la santé améliore les conditions de vie des habitants. C'est fondamental, car l'habitat et le cadre de vie sont de plus en plus mis en avant dans les politiques de prévention.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Je propose un moratoire de cinq ans pour l'entrée en vigueur des interdictions de vente ou de louer des biens étiquetés E, F ou G. Il faudra adapter le DPE, notamment pour le bâti ancien. Alors que nous traversons une crise du logement sans précédent, voulons-nous sortir du parc quatre logements sur dix ? Donnons du temps pour ajuster la réglementation et réaliser les travaux.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°23. Gare à la multiplication des définitions : privilégions la simplicité et la lisibilité, pour que nos concitoyens gardent confiance dans le DPE et que les professionnels restent mobilisés. Le confort d'été et le renouvellement de l'air sont bien pris en compte.
Ce texte n'est pas le véhicule adapté pour un débat sur le calendrier issu de la loi Climat et résilience. En outre, l'amendement n°7 rectifié ferait coexister deux calendriers pour les mêmes bâtiments, ce qui serait facteur de complexité. Retrait ?
Mme Valérie Létard, ministre. - L'amendement n°23 est satisfait par l'article L171-1 du code de la construction et de l'habitation, qui cadre les exigences multicritères pour la construction et la rénovation, et par l'article L111-1 qui vise les bâtiments soumis à des contraintes architecturales et patrimoniales. Par ailleurs, le choix des matériaux doit se faire au cas par cas : imposer par la loi le recours à certains types de matériaux rigidifierait le dispositif. Demande de retrait.
Le report de plusieurs années du calendrier pour l'élimination des passoires thermiques n'est pas souhaitable, pour la crédibilité de l'action publique et pour protéger les occupants en situation de précarité énergétique - c'est une question de justice sociale et de pouvoir d'achat. Ce serait un mauvais signal envoyé à la filière de la rénovation, et un recul vis-à-vis de nos engagements climatiques. Avis défavorable à l'amendement n°7 rectifié, à défaut de retrait.
Nous aurons à débattre prochainement de la proposition de loi d'Amel Gacquerre qui apporte des assouplissements, tout en maintenant le calendrier. Je sais que la commission y travaille !
L'amendement n°23 est adopté.
L'amendement n°7 rectifié n'a plus d'objet.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°22 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - La question de la rénovation du bâti ancien est celle de l'adaptation au dérèglement climatique et de la précarité énergétique. À La Réunion et à Mayotte, j'ai vu les terribles conséquences matérielles et humaines des catastrophes climatiques.
Les logements anciens, en outre-mer, deviennent des passoires énergétiques. Pendant l'été austral, il fait plus de 40 degrés dans les salles de classe : difficile d'y suivre des cours ou d'y enseigner. Il faut rénover les bâtiments en établissant un diagnostic sérieux, tenant compte des particularités locales.
En Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, les logements classés G seront interdits à la location au 1er janvier 2028 ; ceux qui sont classés F au 1er janvier 2031. Il faut que la rénovation soit performante partout, y compris en outre-mer.
Un degré supplémentaire, c'est 8 MgW de puissance de consommation. Après un pic de 500 MgW en 2023, nous avons atteint 514 MgW en février 2025 : stoppons la surenchère.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Il n'existe un cadre pour le DPE qu'en Guadeloupe et en Martinique, adopté par le conseil régional.
Le DPE ne prend en compte que les caractéristiques physiques du bâtiment. Il ne peut intégrer le climat, sauf à modifier le mode de calcul, ce qui ne va pas dans le sens de la simplification.
La commission a toutefois précisé que les qualités hygrothermiques des matériaux des bâtis anciens - qui ont une empreinte locale forte - seront prises en compte par le DPE. C'est une façon de tenir compte autrement du climat spécifique dans les outre-mer. Avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Le Gouvernement a prévu d'adapter le DPE aux conditions climatiques particulières des départements et régions d'outre-mer, nous y travaillons.
En application de l'article L126-26 du code de la construction et de l'habitation, le DPE évalue la quantité d'énergie effectivement consommée ou estimée, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre induites. Or la modélisation de l'utilisation standardisée d'un bâtiment en outre-mer suppose la prise en compte des caractéristiques climatiques du territoire. Retrait : nous nous attelons vraiment à ce sujet.
L'amendement n°22 est retiré.
M. le président. - Amendement n°25 de Mme Noël, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°25, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Il faut prendre en compte la perspirance et l'inertie thermique des matériaux pour éviter les pathologies du bâtiment et améliorer son confort thermique sans altérer ses qualités d'origine.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - L'hygrothermie désigne le taux d'humidité et la température ambiante ; la perspirance, la capacité d'un matériau à réguler naturellement l'humidité ; l'inertie, la capacité à conserver la chaleur. Ces notions sont incluses dans les apports de la commission et seront forcément prises en compte dans les mesures réglementaires d'application. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis.
M. Guillaume Gontard. - Il faut préciser le DPE et le rendre plus performant, car c'est un outil efficace. Les logiciels prennent ces éléments en compte - mais les diagnostiqueurs les mettent-ils en application sur site ? Font-ils la différence entre un matériau biosourcé et non biosourcé ? Tout l'enjeu, c'est la connaissance et la formation - d'où la préconisation de notre commission d'enquête de créer une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs.
Mme Valérie Létard, ministre. - Oui, les remontées en ce sens sont nombreuses. Comment sécuriser le travail des diagnostiqueurs, les doter d'outils plus précis, mieux les former, contrôler, voire sanctionner en cas de comportements anormaux ? Nous avons formulé dix propositions, que j'ai présentées hier. M. Buzy-Cazaux travaille sur une formation post-bac à destination des diagnostiqueurs. Il y aura également de la formation continue, des certifications renforcées, des QR Code pour savoir qui est son diagnostiqueur. La consultation des DPE sera facilitée. Nous utiliserons l'intelligence artificielle pour améliorer les contrôles.
Sur quatre millions de DPE par an, il y en a 70 000 de complaisance - c'est peu mais déjà trop. Nous souhaiterions qu'il y en ait zéro. Le DPE doit être incontestable, irréprochable. C'est l'objectif pour 2025.
M. Michel Masset. - Il ne faut pas confondre le DPE avec l'étude thermique : l'un coûte 100 à 200 euros, l'autre 700 à 800 euros. L'étude thermique oblige à renseigner précisément la conception des matériaux.
L'amendement n°9 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 3
M. le président. - Amendement n°15 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Il s'agit de prendre en compte l'hygrothermie dans les travaux d'isolation thermique par l'extérieur. Si vous isolez par l'extérieur une maison à pans de bois avec du polystyrène, le bois pourrira en quelques années, et la maison ne sera plus habitable.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Je partage votre souci de favoriser les rénovations et isolations respectueuses du bâti ancien. Cela dit, la modification des règles relatives au droit de surplomb n'est pas une approche pertinente. En accord avec Michaël Weber, la commission a prévu la prise en compte de l'hygrothermie des matériaux dans le DPE. Retrait sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - La faculté de faire réaliser une isolation par l'extérieur en surplomb du fonds voisin en échange d'une indemnité n'est pas conditionnée aux techniques ou matériaux employés. Les rénovations énergétiques des bâtiments traditionnels doivent déjà être respectueuses, et ne pas entraîner de pathologies futures, notamment en veillant à la ventilation. Retrait.
L'amendement n°15 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié de Mme Drexler et alii.
L'amendement n°10 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°26 de Mme Noël, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement rédactionnel n°26, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié de Mme Drexler et alii.
L'amendement n°13 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié de Mme Drexler et alii.
L'amendement n°14 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - L'amendement rétablit une partie de l'article 3 supprimée par la commission, qui précise que le diagnostic énergétique est aussi patrimonial.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - La commission a supprimé l'audit énergétique et patrimonial car il était excessif de l'imposer à près d'un tiers du parc. Avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - L'audit énergétique réglementaire demande déjà une analyse des caractéristiques architecturales et patrimoniales du bien audité.
La prise en compte des enjeux patrimoniaux est une facette parmi d'autres, déjà intégrée dans l'audit énergétique. Ne complexifions pas. Avis défavorable.
L'amendement n°11 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Cet amendement précise que le réemploi des matériaux et que l'emploi des matériaux biosourcés et géosourcés doivent être privilégiés.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Remplacer le terme rénovation par réhabilitation n'est pas opportun. L'article L171-1 que vous visez concerne aussi le bâti neuf, soumis à une réglementation spécifique. Évitons tout effet de bord. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Encore un rétablissement d'une partie de l'article initial. Il est utile de préciser dans l'article L173-1 du code de la construction et de l'habitation que les travaux engagés dans les bâtis anciens à valeur patrimoniale doivent respecter leurs qualités hygrothermiques, de perspirance et d'inertie.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Défendu.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Ces amendements reviennent sur le compromis trouvé en commission afin d'éviter des coûts pour les propriétaires qui n'ont pas les moyens de payer des audits onéreux. L'article 2 que nous avons adopté précise déjà que les recommandations de travaux prennent en compte les spécificités du bâti ancien. Avis défavorable aux deux amendements.
Mme Valérie Létard, ministre. - La précision apportée par l'amendement n°16 rectifié n'est effectivement pas nécessaire. Elle risque d'être contre-productive et de compliquer inutilement la loi. Retrait.
Même avis pour l'amendement n°12 rectifié pour les mêmes raisons que pour les amendements nos10 rectifié et 11 rectifié.
L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°12 rectifié.
L'article 3, modifié, est adopté.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°18 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Nous proposons d'ajouter un article pour enfin interdire l'isolation par l'extérieur sur les bâtiments à pans de bois. Les matériaux dérivés du pétrole ont des effets délétères sur ce type de façade : ils font pourrir le bois, provoquent des moisissures et rendent les logements insalubres en quelques années. Ils accélèrent en outre la propagation du feu. Un décret dresserait la liste des matériaux à proscrire.
Le sous-amendement n°27 n'est pas défendu.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Il n'est pas pertinent d'inscrire dans la loi une telle interdiction. Tous les professionnels audités m'ont dit être défavorables à des mesures d'interdiction strictes, chaque bâtiment étant différent. Privilégions la formation. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.
Article 5
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis de M. Jadot et alii.
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement revient au texte originel en rétablissant une majoration de MaPrimeRénov' pour l'utilisation des matériaux biosourcés dans les bâtiments anciens.
Les matériaux biosourcés pour une rénovation, ce n'est pas forcément plus cher, mais c'est plus compliqué. Il faut de l'ingénierie, de la réflexion. Un tel bonus serait donc bienvenu : il lancerait un signal. Si l'on veut amorcer une réelle filière des matériaux biosourcés, il faut des encouragements. Cela ferait vivre les artisans qui se forment à ces matériaux, ce serait donc un cercle vertueux.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Cet amendement va à l'encontre du compromis adopté en commission. En 2025, les crédits de MaPrimeRénov' ont été réduits de plus de 1 milliard d'euros.
Plutôt qu'une majoration systématique, engageons une réflexion sur les contours possibles d'un soutien spécifique à la rénovation énergétique des bâtiments anciens, pour éviter les effets d'aubaine. Avis défavorable.
M. Yannick Jadot. - Sagesse !
Mme Valérie Létard, ministre. - Le contexte budgétaire est très contraint, mais la publication d'un décret permettant aux collectivités territoriales de bonifier MaPrimeRénov' permettra toutefois d'aller plus loin. (On en doute sur les travées du GEST.) Si, c'est une avancée réelle qui a demandé un travail de plus de trois mois. Cette bonification pourra être utilisée pour favoriser certains types de matériaux locaux.
L'Anah a lancé une expérimentation de trois ans pour 2024-2026 concernant les copropriétés de moins de vingt lots dans les centres anciens. Ses résultats pourront être utilisés pour adapter au mieux les aides aux spécificités du bâti ancien. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Guillaume Gontard. - Une précision concernant ce décret, que nous n'avons pas encore vu en détail...
Mme Valérie Létard, ministre. - Il a été publié ce matin !
M. Guillaume Gontard. - Ce sera à la charge des collectivités, non de l'État - même s'il est important qu'elles en aient la possibilité.
Il faut traiter cette question. Dans l'Isère, un bonus a été introduit dans la DETR pour l'utilisation de matériaux biosourcés. C'est un bon signal envoyé aux collectivités territoriales.
L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°24 de M. Michaël Weber et du groupe SER.
M. Michaël Weber. - Nous proposons que l'État engage une réflexion dans un rapport sur la bonification de MaPrimeRénov' pour l'utilisation de matériaux biosourcés dans les rénovations.
MaPrimeRénov' est plutôt bien consommée, ce qui est heureux. Avoir des informations plus précises serait bienvenu.
Pour réussir la transition énergétique et mettre en valeur notre bâti ancien, il faut construire ensemble des accompagnements financiers, avec les collectivités territoriales comme avec l'État. Ce n'est pas seulement une filière à créer, mais des validations techniques à obtenir. Proche de la frontière allemande, je peux constater que nos voisins sont plus efficaces sur ce point.
Pour nos concitoyens les plus fragiles, un tel accompagnement financier est nécessaire.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Dans la continuité des recommandations de la commission d'enquête de 2023, une telle évaluation serait pertinente. Avis favorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°24 est adopté.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié bis de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Cet amendement inclut dans le champ du rapport sur le dispositif MaPrimeRénov' une évaluation de la formation des accompagnateurs Rénov'.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Avis favorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°19 rectifié bis est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Après l'article 5
M. le président. - Amendement n°21 rectifié de Mme Drexler et alii.
Mme Sabine Drexler. - Nous souhaitons étendre le bénéfice de la déduction d'impôt associée à l'octroi du label de la Fondation du patrimoine aux travaux de rénovation énergétique portant sur les parties intérieures des immeubles. Il est difficile de placer une isolation à l'extérieur, aidons l'isolation intérieure.
Mme Sylviane Noël, rapporteure. - Lors du projet de loi de finances pour 2025, la commission des finances et le Gouvernement avaient émis un avis défavorable à cet amendement, qui détournerait les objectifs de la Fondation du patrimoine vers la rénovation énergétique et entraînerait un saupoudrage.
Même s'il s'agit d'une recommandation de la commission d'enquête, nous n'avons aucune évaluation chiffrée.
Le rapport prévu à l'article 5 recensera toutes les pistes de soutien à la rénovation du bâti ancien. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Valérie Létard, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Michaël Weber . - Je remercie la rapporteure pour son travail considérable, ainsi que la présidente de la commission.
Sur ce sujet, avec Sabine Drexler et Guillaume Gontard, nous avions pu trouver des consensus.
J'ai trouvé de l'écoute auprès de Mme la ministre, comme de Mmes Agnès Pannier-Runacher et Rachida Dati.
J'espère que nous saurons faire reconnaitre ce patrimoine, qui fait la richesse de notre pays. Je compte sur un vote unanime.
À la demande du groupe SER, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°238 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 341 |
Contre | 0 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
M. le président. - À l'unanimité ! (Bravos et applaudissements)