SÉANCE
du mercredi 19 mars 2025
70e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nicole Bonnefoy.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Réforme des retraites (I)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, par lettre du 16 janvier vous m'avez confirmé votre engagement pour que la concertation sur les retraites se déroule sans totem ni tabou (« oh ! » à droite), pas même sur l'âge de départ...
En s'attaquant aux inégalités salariales, à l'emploi des seniors, à la justice fiscale, cet équilibre financier est à portée de main. Or pas une semaine ne se passe sans que vous vous immisciez dans les discours des partenaires sociaux, qui devaient être libres.
C'est un sabotage du dispositif que vous avez vous-même imaginé ; vous dégradez ainsi le dialogue social, vous contournez le Parlement, vous méprisez les citoyens qui se sont massivement mobilisés contre la réforme.
Allez-vous respecter vos engagements pour que les partenaires sociaux puissent construire une solution sans miner le terrain des négociations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Vous soulevez deux questions, en réalité : d'abord, les partenaires sociaux sont-ils légitimes pour travailler au financement et à l'équilibre du système des retraites ?
Certains pensent que non, ce n'est pas mon cas ; je leur ai donc donné la main. Cela dit, me suis-je immiscé dans leur débat ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Oui !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Jamais je ne me suis immiscé dans leur débat ; je ne leur ai même pas présenté le rapport de la Cour des comptes.
Vous avez rappelé ma lettre de mission ; elle indique que l'on ne peut pas dégrader l'équilibre financier. Dans une autre, j'ai expliqué qu'il fallait revenir à l'équilibre - la Cour des comptes a en effet montré qu'on avait atteint un déficit à hauteur de 7 milliards d'euros par an, qui va croissant.
On m'a demandé s'il était possible d'atteindre l'équilibre : à mes yeux, cela n'est pas possible en revenant à 62 ans. C'est mon analyse...
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous êtes Premier ministre !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Cette affirmation est partagée sur de nombreux bancs, y compris dans l'inconscient de ceux qui me posent la question... (Protestations à gauche)
J'ai rencontré de nombreux protagonistes qui veulent continuer à s'investir sur ce sujet. Je souhaite que l'on trouve les aménagements nécessaires pour atteindre l'équilibre financier indispensable à l'avenir de notre système. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-François Longeot et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. Patrick Kanner. - Mon inconscient va très bien.
N'êtes-vous pas en train de céder aux sirènes qui sifflent sur les places Beauvau et Vendôme ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Bruno Retailleau s'en amuse.)
Vous prétendez être du centre droit, ne vous dirigez-vous pas vers l'extrême droite du centre ? (Applaudissements à gauche ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Vous laissez se développer ici un débat qui vise à recycler des mesures d'extrême droite censurées par le Conseil constitutionnel, cautionnées par vos ministres ; c'est une dérive ! Nous ne vous suivrons pas sur ce tapis rouge que vous déroulez au RN. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Réforme des retraites (II)
M. Jérémy Bacchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Selon le Premier ministre, la démocratie sociale n'est pas négligeable. Qui croire ? Le Premier ministre de la déclaration de politique générale ou le Premier ministre des plateaux de télévision ?
En janvier, vous promettiez une discussion sans tabou et maintenant c'est un non ferme au retour à 62 ans. Après le 49.3 parlementaire, voici le 49.3 de la démocratie sociale.
Nul n'a le droit de proposer un retour à 62 ans avec un financement alternatif. Qui écouter ? Les ministres sociolibéraux ou les ministres clairement libéraux ? Le Premier ministre nous indique que le contrat n'a pas changé, mais, à force de saboter les négociations, il n'y aura bientôt plus personne autour de la table. Allez-vous oeuvrer contre les intérêts du plus grand nombre et refuser un retour à 62 ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a dit qu'il fallait faire confiance au dialogue social et aux partenaires sociaux ; ces règles ne changent pas. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K) La légitimité des partenaires sociaux est nécessaire et reconnue. Notre démarche est inédite.
Mme Cécile Cukierman. - Ah oui ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - D'abord, car nous avons demandé un diagnostic irréfutable à la Cour des comptes, qui indique que notre déficit atteint 7 milliards d'euros. (Mme Cécile Cukierman le conteste.)
Ensuite, dans une lettre de mission aux partenaires sociaux, le Premier ministre a rappelé l'exigence sine qua non de l'équilibre à 2030 pour notre régime de répartition. Quand vous arriverez à la retraite, vous et vos administrés pourrez ainsi bénéficier d'une retraite décente. (M. Fabien Gay proteste.) Démarche inédite aussi, car nous avons demandé aux partenaires sociaux d'établir un ordre du jour. Ils se réunissent tous les jeudis pour discuter sur divers sujets. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Cette discussion doit parvenir à son terme, pour corriger les injustices, notamment la pénibilité et la carrière des femmes. (M. François Patriat applaudit ; M. Fabien Gay s'exclame.)
Le Gouvernement veut réduire la part des dépenses de retraite dans le PIB, comme l'indique le rapport de la Cour des comptes : atteindre 13 centimes de retraites par euro produit en 2045 contre 14 centimes actuellement.
Ces menaces incitent les retraités à se mobiliser demain. Je salue leur mobilisation, ainsi que celle notamment des professions portuaires qui veulent faire reconnaître la pénibilité de leur métier et leur exposition à l'amiante. Pour nous, 64 ans, c'est toujours non ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER et du GEST)
Financement de la relance nucléaire
M. Vincent Delahaye . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Conseil de politique nucléaire a repris plusieurs propositions de la commission d'enquête sénatoriale sur le prix de l'électricité, ce dont je me félicite.
Nous nous réjouissons également de l'annonce du financement des six EPR 2, de la mise en place du contrat pour différence, de la relance de la quatrième génération des réacteurs à neutrons rapides et du renforcement de l'aval du cycle avec une nouvelle piscine à la Hague et une optimisation du recyclage.
Quel est le montant estimé des investissements nécessaires à la relance de la filière dans les dix prochaines années et comment se répartissent-ils entre l'État et les acteurs de la filière ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; marques d'ironie sur les travées du GEST)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - La filière nucléaire est au coeur de notre stratégie énergétique, comme le rappelait le Président de la République lors de son discours de Belfort en février 2022. Le Conseil de politique nucléaire a fait le point sur le programme des six EPR 2 qui seront en service d'ici à 2038. Une maîtrise des coûts tout comme de l'organisation par EDF sont nécessaires. Le financement de l'EPR 2 sera fondé sur un prêt bonifié accordé par l'État à EDF, à l'instar de ce que la Commission européenne a accepté pour la République tchèque. En phase d'exploitation, il y aura un contrat pour différence, c'est-à-dire une modalité de rachat de l'électricité nucléaire dont le niveau a été fixé pour garantir un prix compétitif pour les industriels tout en assurant la soutenabilité du modèle économique d'EDF.
Le traitement du combustible nucléaire nécessite d'investir dans de nouvelles technologies, afin de fermer le cycle du nucléaire. Nous devons être indépendants des sources d'approvisionnement d'uranium naturel, localisé dans des pays qui ne sont pas toujours très fiables.
M. Yannick Jadot. - Allez !
M. Marc Ferracci, ministre. - Ce programme fait l'objet d'une contribution de l'État avec des prêts bonifiés et au titre de France 2030, à hauteur de 200 millions d'euros pour les petits réacteurs modulaires. Le programme EPR 2 coûtera environ 70 milliards d'euros. (M. Yannick Jadot ironise.)
M. Guy Benarroche. - Quelle histoire !
M. Vincent Delahaye. - Votre réponse ne nous rassure pas tout à fait. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Les acteurs de la filière ont besoin de lisibilité. Le partage de la participation à la relance doit être clair. On emprunte pour payer les salaires des fonctionnaires et leurs retraites, nous pourrions le faire aussi à hauteur de 10 milliards d'euros par an pour le nucléaire. (On ironise sur les travées du GEST.) C'est vital pour la France. Nous avons besoin du nucléaire pour notre économie, nos emplois et l'avenir des Français. (Exclamations sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Réforme des retraites (III)
Mme Raymonde Poncet Monge . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les déclarations se multiplient pour contraindre les débats du conclave : la ministre du travail interfère en plaidant pour le départ à 65 ans et la capitalisation, le président du Conseil d'orientation des retraites (COR) outrepasse sa fonction en trouvant le débat dérisoire en période d'économie de guerre, la ministre des comptes publics le déclare irréaliste. Et voici que le Premier ministre lui-même interdit le retour aux 62 ans.
Pourquoi le rapport de la Cour des comptes n'a-t-il pas chiffré ce retour à 62 ans ? Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas suspendu la réforme le temps de la concertation ?
Vous rendez le débat forclos et méprisez une deuxième fois la démocratie sociale. Exit l'explosion des exonérations non compensées, les mesures pour une égalité salariale effective et l'amélioration des taux d'emploi et du rendement des cotisations. Le conclave se voit imposer sa conclusion et tourne au marché de dupes. Si vous sabotez votre propre conclave, comment comptez-vous donc revenir devant le Parlement ?
Le Parlement sera-t-il saisi des propositions et paramètres qui auraient dû être discutés par les partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; MM. Mickaël Vallet, Simon Uzenat et Ian Brossat applaudissent également.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi . - Le dialogue va se poursuivre : laissons les partenaires sociaux travailler sereinement.
La Cour des comptes a fourni un rapport sur la trajectoire financière. Dans deux semaines, elle publiera un rapport sur les conséquences macroéconomiques, notamment du taux d'activité des seniors. Elle a répondu à une demande des partenaires sociaux sur la projection financière d'un retour à 62 ans.
Je souhaite que les partenaires sociaux puissent travailler sereinement. (Rires sur plusieurs travées du GEST)
M. Yannick Jadot. - Lesquels ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. - Il faut retrouver l'équilibre dès 2030 : un régime par répartition déséquilibré est une menace pour les futurs pensionnés. Il faut travailler sur les carrières hachées, le travail des femmes et la pénibilité.
Encore une fois, laissons les partenaires travailler sur les thèmes qu'ils ont choisis : vous aurez vos réponses.
Mme Raymonde Poncet Monge. - En cessant votre politique des caisses vides, qui justifie vos réformes antisociales et votre volonté de livrer nos retraites aux marchés, il est possible de revenir à 62 ans. Ayez au moins le courage d'en débattre ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol, MM. Simon Uzenat et Ian Brossat applaudissent également.)
Voile dans le sport
M. Michel Savin . - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà un mois, le Sénat a adopté à une large majorité la proposition de loi interdisant le port de signes religieux lors d'événements sportifs. (Murmures désapprobateurs à gauche)
Vous avez soutenu cette proposition de loi en mettant fin à la déplorable cacophonie du Gouvernement, et je vous en remercie.
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Michel Savin. - L'entrisme religieux est dangereux. Monsieur le ministre, parce que les actes valent mieux que les mots, quand inscrirez-vous cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Alain Marc applaudit également.)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Merci d'avoir eu le courage de déposer cette proposition de loi importante (on ironise à gauche) pour réaffirmer le principe de laïcité, qui ne souffre aucune exception.
Le Gouvernement a une seule ligne : soutenir cette proposition de loi. Un terrain de sport n'a pas à être un terrain d'entrisme religieux. Aucun maillot ne doit être politique ni religieux. (Protestations à gauche)
M. Patrick Kanner. - Amalgame !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - Le Gouvernement inscrira votre proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous devons réaffirmer nos valeurs. (Mme Mathilde Ollivier proteste.) Ceux qui empêchent la pratique des sports, ce sont ceux qui imposent aux femmes une tenue différente de la tenue sportive !
M. Patrick Kanner. - Amalgame !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée. - La liberté, c'est la laïcité ; et la laïcité, c'est l'émancipation, notamment des femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Akli Mellouli proteste.)
M. Jacques Grosperrin. - La gauche est absente ?
M. Michel Savin. - Me voici rassuré sur votre volonté d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Contrairement aux ministres des sports et de l'éducation nationale, je veux souligner l'urgence de légiférer. Il ne se passe pas un week-end sans qu'un président de club, un éducateur, voire la police, ne constate que le sport est devenu un terrain de conquête pour l'islam politique. Tous demandent un cadre clair.
Lorsque l'on participe à une compétition, on n'a pas besoin de connaître l'appartenance politique ou religieuse de son adversaire. Le voile est un objet politique, que les femmes qui le portent en aient conscience ou non. (Murmures désapprobateurs sur les travées du GEST) C'est l'instrument d'un projet politique échafaudé par les tenants de l'islam radical, qui se réjouissent de l'aveuglement et de la naïveté, voire de la complicité, de dirigeants et d'élus. Nous sommes face à un véritable enjeu de société, et ce n'est pas à la société de s'adapter !
Il faut un soutien sans équivoque du Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur quelques travées du groupe INDEP ; MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Bernard Buis applaudissent également.)
Difficultés rencontrées par les pêcheurs
Mme Nadège Havet . - (Mme Patricia Schillinger applaudit.) Fermeture du golfe de Gascogne, menaces d'interdiction de certaines techniques de pêche, problèmes liés au Brexit : les contraintes imposées aux pêcheurs sont nombreuses. Comme les agriculteurs, ils sont également sous la pression de certaines ONG. Ils ont un sentiment d'injustice.
Notre pêche, ce sont des emplois sur terre et sur mer. C'est l'identité de certains territoires, comme le pays bigouden. Au Guilvinec, madame la ministre, vous leur avez dit : j'enrage que notre pays, deuxième domaine maritime mondial, affiche un déficit commercial de plus de 5 milliards d'euros pour la pêche.
Depuis trente ans, la pêche française a fourni de nombreux efforts - quotas stricts, progrès techniques, sélectivité - qui ont porté leurs fruits. Il faut renforcer ce secteur, gage de souveraineté alimentaire. Pourquoi les mareyeurs doivent-ils importer des poissons par camion ou par avion ? (Mme Mathilde Ollivier et M. Yannick Jadot ironisent.) Il y a dix jours, des pêcheurs bretons ont fait part de leur ras-le-bol : ils ne veulent plus être montrés du doigt.
Alors que nous allons accueillir en juin la Conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc), qu'allez-vous faire pour rassurer nos pêcheurs ? Le soutien à la pêche sera-t-il un axe fort de la position française ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées des groupes SER, UC et Les Républicains)
M. Max Brisson. - Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Les pêcheurs auront tout mon soutien à l'Unoc. C'est mon rôle de valoriser leur action pour mettre en place une pêche durable, de lutter contre la pêche illégale outre-mer, mais aussi parfois au large de l'Hexagone, et de m'assurer qu'ils contribuent à la souveraineté alimentaire dans un contexte géopolitique difficile - sachant que nous importons 80 % des produits de la mer que nous consommons. C'est l'ambition de notre contrat stratégique de filière, signé avec le Président de la République à l'occasion du salon de l'agriculture.
Je souligne l'action menée s'agissant du golfe de Gascogne. Mes services essaient d'obtenir de la Commission européenne une compensation à la hauteur. Je souhaite rouvrir la pêche en 2027, avec des méthodes conciliant biodiversité et pêche.
Je travaille aussi sur la lutte contre la concurrence déloyale. Lundi prochain, je rencontrerai le commissaire Kadís, auprès de qui je m'assurerai que la pêche ne sera pas la variable d'ajustement des négociations post-Brexit. Je défendrai une lutte ferme contre la pêche illégale dans le cadre du pacte sur les océans (M. François Patriat applaudit.)
Journée mondiale de la trisomie 21
M. Jean-Luc Brault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Quatre-vingt-quinze euros : c'est ce qu'il reste à Loéline pour vingt heures de travail par semaine, une fois déduits les frais de transport à cause de son handicap.
Madame la ministre, auriez-vous la motivation de travailler vingt-quatre heures par semaine pour si peu ? Pas moi. Loéline, 19 ans, porteuse de trisomie 21, a ce courage. Lors du Duoday, le 21 novembre dernier, elle nous a exposé sa situation dans un discours très émouvant.
Son cas n'est pas isolé. Je puis vous fournir nombre d'exemples d'absurdités : une administration qui interdit à un père de représenter au téléphone son fils, porteur de trisomie avec des traits autistiques ; des employeurs, et j'en sais quelque chose, jetant l'éponge pour cause d'excès de paperasserie ; des aidants qui mettent des heures à monter un dossier pour obtenir, plusieurs mois plus tard, un refus non motivé ; une personne amputée des deux jambes qui doit attendre dix mois sa carte mobilité inclusion. On a l'impression que cela ne s'arrêtera jamais.
Les personnes en situation de handicap ne veulent pas être assistées : elles veulent oeuvrer à la vie de notre cité comme tout le monde. Vingt ans après la loi de 2005, nous en sommes au douzième comité interministériel du handicap (CIH). Il faudra qu'il cesse de se réunir un jour...
M. le président. - Quelle est votre question ?
M. Jean-Luc Brault. - Où en sommes-nous ? Où allons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques autres travées)
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap . - Vous avez raison : les personnes en situation de handicap demandent non à être assistées, mais à pouvoir se déplacer et vivre normalement, sans être entravées. Le Premier ministre et le Gouvernement souhaitent répondre à leurs aspirations légitimes.
Depuis 2017, il y a eu des améliorations. Nous avons augmenté le nombre d'enfants scolarisés, passé de 320 000 à 520 000, et il y a aujourd'hui plus de 80 000 AESH ; nous en recruterons encore davantage.
Nous augmentons la convergence entre les droits des personnes en situation de handicap et ceux de tous les salariés. À la demande du Premier ministre, la simplification a été au coeur du CIH du 6 mars.
Je réunirai une task force sur ces questions pour que, d'ici à la fin du premier semestre, nous présentions des mesures de simplification et d'efficacité, notamment dans les démarches des familles auprès des MDPH. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Traité pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine
M. André Guiol . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La France a ratifié le 5 février l'accord historique pour la protection des océans. Historique par ses objectifs, la protection de la haute mer et des grands fonds, et par sa méthode, car il complète la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
La conférence de Nice en juin prochain devrait entraîner d'autres ratifications. Le Parlement s'est prononcé unanimement pour sa ratification.
La France, qui se veut une puissance d'équilibre, dispose d'une opportunité pour augmenter son influence en la matière dans le monde.
L'ONU tente d'être un fédérateur en face de pays qui convoitent les innombrables ressources des mers.
Nos concitoyens sont très attachés à la protection des océans.
Où en sont les ratifications ? Il faut que 60 États le ratifient pour qu'il entre en vigueur. Pouvez-vous rappeler les principaux enjeux de l'accord et la position de la France ?
L'année 2025 est l'année de la mer. C'est une formidable occasion de promouvoir cette noble cause. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Merci de me donner l'occasion de m'exprimer sur le traité BBNJ. Je connais votre engagement à ce propos, puisque vous aviez fait voter ici une résolution à ce sujet.
Cet accord est le premier à concerner la haute mer, espace presque de non-droit, puisque la convention de Montego Bay de 1982 n'y interdit rien, sauf la piraterie.
C'est pourtant notre principal puits de carbone : elle absorbe près de 30 % du CO2 que nous émettons et capte plus de 90 % de la chaleur liée au réchauffement ; sans elle, le dérèglement climatique se serait emballé depuis bien longtemps. La mer nourrit une très large partie de l'humanité, assurant une sécurité alimentaire qui évite des migrations problématiques.
C'est un patrimoine génétique méconnu, dont les ressources sont immenses. C'est un poumon bleu qu'il était plus qu'urgent de protéger.
Après six ans de négociations, ce traité BBNJ a été signé en 2023 par 112 États, grâce à la mobilisation du Président de la République et de la France.
Avec Jean-Noël Barrot, nous faisons en sorte que tous les pays signataires le ratifient, pour le rendre utile. C'est important dans la perspective de la conférence des Nations unies sur la mer...
M. le président. - Il faut conclure.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - ... et pour défendre l'exigence de défense de la biodiversité en haute mer. (MM. François Patriat et Henri Cabanel applaudissent.)
Vins et spiritueux (I)
M. Daniel Laurent . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Président du groupe Vigne et vin du Sénat, élu de la région du cognac, je vous alerte à nouveau sur les menaces graves qui pèsent sur notre filière viticole.
L'annonce de Trump d'une taxe de 200 % sur les vins et spiritueux accentue l'instabilité. Après les taxes de 25 % entre 2019 et 2021, la filière, qui a toujours cherché à rester en dehors des conflits commerciaux, est une nouvelle fois en première ligne. C'est une réponse à la menace de la Commission européenne de taxer les bourbons en représailles aux droits de douane sur l'acier et l'aluminium. La solution est simple : Bruxelles doit la retirer !
À cela s'ajoute la crise avec la Chine, qui a provoqué l'effondrement à l'exportation de ce marché stratégique, avec des pertes estimées à 50 millions d'euros par mois. Investissements gelés, restructurations, licenciements : la crise est grave. La filière cognac et armagnac attend des mesures fortes.
Il est de notre responsabilité de protéger cette filière emblématique de notre patrimoine. Quelles actions urgentes comptez-vous mener pour répondre à cette crise sans précédent ? (Vifs applaudissements et bravos sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur quelques travées des groupes INDEP et UC)
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger . - Vous avez raison : notre responsabilité est de soutenir la filière des vins et spiritueux dans son ensemble face aux enquêtes antidumping de la Chine et à la guerre commerciale voulue par les États-Unis.
La France ne veut pas de cette guerre commerciale ! Elle n'est bonne pour personne, y compris les Américains. Nous dialoguons avec eux en permanence.
En cas de hausse des droits de douane, l'Europe doit savoir riposter, mais intelligemment, sans mettre en danger les filières. Je suis en lien avec le commissaire européen chargé du commerce, Maro? ?ef?ovi?. Nous avons jusqu'à avril pour déterminer la réponse la plus pertinente.
En ce qui concerne la Chine, marché vital pour le cognac et l'armagnac, le dialogue diplomatique se poursuit. Jean-Noël Barrot se rendra sur place à la fin du mois. Les enquêtes antidumping ne sont pas favorables à une relation diplomatique sereine. Des produits sont en outre retirés du duty free, ce qui n'est pas acceptable.
Nous n'abandonnerons pas la filière et nous la protégerons ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Bernard Buis applaudit également.)
M. Daniel Laurent. - Merci, monsieur le ministre, d'être venu en Charente-Maritime. Nous sommes au pied du mur pour sauver notre agriculture. Le Président de la République et le Gouvernement doivent se mobiliser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP ; Mme Anne-Sophie Patru et M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)
Mayotte
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après le passage de Chido qui a dévasté Mayotte, un fort élan de solidarité s'est exprimé dans l'Hexagone. La Fondation de France évoque une collecte de fonds record. J'ai pu mesurer la mobilisation des collectivités locales en Bretagne. Associations et ONG sont mobilisées.
La population mahoraise souffre d'une pénurie de denrées de première nécessité, dont l'eau. Imaginez : une famille avec des enfants, qui a de l'eau au robinet un jour sur trois, qui ne trouve pas de bouteilles d'eau dans des magasins, en France, trois mois après une catastrophe...
Pour couronner le tout, les aides humanitaires sont bloquées sur le port de Longoni. Les donateurs en numéraire ont une réduction d'impôt, mais pour les aides directes, il faut payer des droits portuaires... Cette situation est inacceptable dans notre République. Je vous demande d'agir pour permettre l'acheminement rapide de ces dons vers la population mahoraise en grande souffrance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement . - Veuillez excuser Manuel Valls, en déplacement dans les Antilles.
Comme vous, je salue l'élan de générosité à l'égard de nos compatriotes mahorais. Le port de Longoni est particulièrement sollicité, or il est sous-dimensionné ; des investissements seront nécessaires pour augmenter ses capacités et fluidifier le transport de marchandises.
Le préfet de Mayotte a réuni les acteurs de la chaîne portuaire et logistique, mais aussi de la grande distribution, pour fluidifier la sortie des conteneurs et l'achalandage. Le port fonctionne en continu de 6 h 30 à 15 heures, week-end compris. Il n'y a pas de blocage. Près de 1 300 conteneurs y sont actuellement stockés ; en sortie de crise sociale en 2024, il y en avait 7 000. La réquisition serait contreproductive : ce serait interférer dans le flux logistique. J'ajoute que nos militaires sont déjà mobilisés sur des missions prioritaires.
Il est important que les donateurs prévoient les frais dans leur intégralité, notamment de transit ou de manutention. Les biens destinés à l'aide aux victimes peuvent être exonérés de droits de douane et d'octroi de mer. Je rappelle que la TVA ne s'applique pas à Mayotte.
La loi d'urgence a facilité les dons.
Vous êtes dans votre rôle en remontant les difficultés du terrain, comme le fait aussi Salama Ramia. Soyez assuré de la pleine mobilisation de l'État aux côtés de nos compatriotes mahorais.
Situation migratoire sur la Côte d'Opale
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Monsieur le ministre d'État, vous êtes venu à deux reprises sur la Côte d'Opale pour mieux appréhender la situation migratoire, qui exige de déployer de gros moyens. Vous avez entendu les élus, les forces de sécurité, les sauveteurs en mer, dont la marine nationale, et testé les moyens de Frontex.
Lors de votre deuxième visite, vous étiez accompagné de votre homologue britannique, Yvette Cooper. La problématique tient en majeure partie à l'incroyable situation de l'emploi en Grande-Bretagne. Pouvez-vous dire à notre assemblée quelles suites ont été données par les Britanniques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Je me suis déplacé à deux reprises, la deuxième fois pour rendre compte des engagements pris lors de mon premier déplacement. J'ai détaillé les importants moyens supplémentaires accordés : moyens en matière d'enquête, renforcement des deux commissariats de Dunkerque et du Pas-de-Calais, notamment. Nous avons aussi obtenu une année de plus sur les accords de Sandhurst, pour ne pas perdre les financements britanniques.
Je m'étais engagé à faire évoluer les Britanniques sur l'attractivité du modèle anglais, qui reposait largement sur le travail clandestin. Il y a eu une petite révolution : le gouvernement Starmer vient de durcir la législation anti-immigration, ce qui a permis d'augmenter de près de 40 % les contrôles et sanctions pour travail clandestin.
L'attractivité du modèle britannique n'en demeure pas moins la principale cause de cet afflux migratoire, qui a déjà fait sept morts depuis le début de l'année.
Si l'on reste dans le face-à-face franco-britannique, on n'avancera pas. Notre frontière avec le Royaume-Uni est une frontière extérieure de l'Union européenne. Il nous faut patiemment reconstruire les mécanismes démontés par le Brexit, alors que 30 % de l'immigration irrégulière en Europe s'agrège sur les côtes de la Manche - cela suppose un cadre européen. Je m'y emploie, dans le cadre du groupe de Calais. Nous avançons vers un canal de réadmission et d'admission légale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Rapin. - Les conditions climatiques s'améliorent et le nombre de traversées va s'amplifier. Les élus veulent éviter des drames. Merci de votre bienveillance et de votre attention sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Embauche de travailleurs saisonniers
Mme Brigitte Devésa . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Lors du dernier salon de l'agriculture, nous nous sommes tous engagés à traquer les normes et contraintes qui pénalisent nos agriculteurs. Je suis donc navrée qu'un arrêté du 3 janvier 2025 vienne complexifier les procédures de recrutement de salariés hors Union européenne, indispensables à de nombreuses filières. Il impose de fournir une attestation sur l'honneur de logement décent pour un salarié qui, à ce stade, n'a pas de visa, ou encore la copie du contrat de travail signée des deux parties ! Un assouplissement a été accordé en urgence - la signature de l'employeur suffit - mais l'arrêté n'a pas été modifié.
Alors que se profile la saison des récoltes de fruits et légumes, il risque de manquer près de 5 000 saisonniers dans le Sud-Est.
Cet arrêté protège-t-il nos agriculteurs de la paperasse et du manque de salariés ? Si tel n'est pas le cas, il faut revenir dessus, comme vous le demandent les syndicats agricoles de mon département, ainsi que le président de la chambre d'agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol. - Des saisonniers, oui, des immigrés, non !
M. Pierre Ouzoulias. - Il y a un manque de cohérence !
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Les travailleurs saisonniers sont essentiels à certaines activités, notamment la cueillette.
Mme Laurence Rossignol. - Ils sont souvent immigrés.
Mme Annie Genevard, ministre. - Le Gouvernement est mobilisé pour les épauler. Le dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) a récemment été élargi aux coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma) et aux coopératives en fruits et légumes.
En 2024, le Gouvernement a élargi aux métiers saisonniers la liste des métiers en tension.
En outre, depuis 2020, mon ministère et Action Logement ont mis en place une aide financière pour le logement, facteur d'attractivité essentiel.
Mme Laurence Rossignol. - Certains dorment dans la rue...
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous sommes donc très actifs.
L'arrêté vise à combattre des abus, des fraudes parfois graves, qui relèvent du pénal. (Mme Laurence Rossignol ironise.)
Notre pays compte trois millions de demandeurs d'emploi. Il faut aussi, avec France Travail, trouver la main-d'oeuvre saisonnière dans ce réservoir d'emploi. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Brigitte Devésa. - Je connais votre détermination. Nous avons voté récemment la loi pour la souveraineté alimentaire qui vise à libérer l'agriculture de certaines surtranspositions normatives. Deux mots-clés : simplification et compétitivité. Mettons-les en pratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Campagne d'affichage de La France insoumise
M. Olivier Paccaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'intérieur... (« Ah ! » sur les travées du groupe SER ; M. Mickaël Vallet fait mine d'applaudir.)
M. Yannick Jadot. - On n'est pas au congrès des Républicains !
M. Olivier Paccaud. - ... pour nous tous, la liberté d'expression est sacrée, et même consacrée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La République a toutefois ses garde-fous : on ne peut tout dire ni tout écrire. Or il y a quelques jours, un parti, qui a pignon sur rue, pupitre à l'Assemblée et micro ouvert dans les médias, a publié une affiche odieuse, qui reprend tous les codes de la propagande antisémite nazie.
Elle n'émane pas d'un loup solitaire ou d'un déséquilibré, mais d'un parti organisé, braconnant aux confins du champ républicain et multipliant les provocations. Vous-même venez d'en être victime, sur une autre affiche. Saisirez-vous la justice ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - J'ai vu cette affiche. Elle représente deux animateurs : Cyril Hanouna et Pascal Praud. Elle a clairement des relents antisémites. Elle a été vite retirée, certes, mais qui, dans ce parti, s'est excusé ?
L'antisémitisme a muté, il revient en force. Longtemps, il était le fait de l'extrême droite ; c'est aujourd'hui résiduel. (Vives protestations à gauche) Désormais, il présente un double visage : celui de l'islamisme politique et celui d'une extrême gauche sectaire qui utilise l'antisionisme pour attiser la haine raciste et antisémite... (Marques d'acquiescement sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Roger Karoutchi. - Exactement !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - ... et instrumentalise la cause palestinienne à des fins électoralistes.
M. Max Brisson. - Très bien !
M. Bruno Retailleau, ministre d'État. - Vladimir Jankélévitch a dit, il y a quelques années, que l'antisionisme était une incroyable aubaine car il donne la permission d'être antisémite au nom de la démocratie. Nous y sommes. Jamais je ne céderai.
Ce même parti a déposé une proposition de loi pour abroger le délit d'apologie du terrorisme. Je ne céderai jamais, à chaque fois que cette ligne est dépassée. J'ai fait un signalement à l'autorité judiciaire.
Cette violence, cette outrance, cet antisémitisme n'est pas qu'un poison, c'est une trahison de l'idéal républicain, de la fraternité française qui est une fraternité civique et non religieuse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDPI et du RDSE ; Mme Raymonde Poncet Monge se gausse.)
M. Olivier Paccaud. - L'antisémitisme a l'âge de la Bible ; il a toutes les couleurs de l'arc-en-ciel : le vert de l'islamisme, le brun du fascisme, le rouge sang de LFI, la France indigne, ignoble, immonde, inculte. Ce parti se dit antifasciste mais incarne aujourd'hui le fascisme en France en nourrissant la bête immonde de sa pitance méphitique. (Protestations et marques d'exaspération à gauche) Chers collègues de gauche, réveillez-vous, vous qui êtes républicains ! Brisez les chaînes de la soumission électorale à LFI ! Amis républicains, faisons fi de LFI ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
Vins et spiritueux (II)
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En réponse aux projets de taxes Trump, je ne discerne toujours pas quelle est la stratégie du Gouvernement. Notre objectif doit être de préserver l'intégralité des positions de nos entreprises sur les marchés américain et chinois.
La Commission européenne est chargée de mener les négociations, mais quels sont les objectifs de la France pour les vins et spiritueux, les produits fermiers, l'automobile ou encore le luxe ? Quelle est votre méthode ? L'implication directe du Président de la République dans des négociations bilatérales avec les États-Unis est indispensable. La gravité du moment la justifie.
Rejetez-vous en bloc les augmentations ou accepterez-vous des aménagements ? Pour quels produits et avec quelles conséquences sur l'emploi et sur nos territoires ?
Cette déclaration de guerre économique menace de mort des filières sur le marché américain ; pour certaines, dont les vins et spiritueux, leur avenir même est en jeu. C'est un Gascon qui vous le dit : l'armagnac ne se remettra pas d'une taxe de 200 %. Au-delà des 20 % actuels, le déclin de nombreuses exploitations sera inéluctable.
Il faut viser le statu quo fiscal, notamment pour les filières sensibles. La viticulture, déjà en grande difficulté, ne peut être, une fois de plus, la variable d'ajustement de nos relations commerciales avec les États-Unis. Il y va de milliers d'emplois, de la vitalité de nos terroirs et de l'image pluriséculaire d'excellence de la France dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger . - Ni la France ni aucun autre pays européen n'a souhaité cette situation ; elle est de la seule volonté des États-Unis.
Cette guerre commerciale n'a que des effets néfastes, pour l'Europe comme pour les États-Unis. Nous continuerons à dialoguer et à proposer un agenda positif à nos alliés et amis américains, pour augmenter les flux commerciaux et les investissements entre nos pays.
Si des droits de douane venaient à être imposés à l'Europe, comme récemment sur l'acier, l'aluminium et leurs dérivés, la Commission européenne devra riposter par des mesures de rétorsion.
Soyons intelligents ensemble pour ne pas fragiliser nos filières. Nous ne laisserons pas tomber la filière des vins et spiritueux, d'autant que le cognac et l'armagnac sont déjà fragilisés en Chine. Nous avons quelques semaines pour mener ce dialogue avec la Commission.
M. Hervé Gillé. - Jusqu'au 7 avril !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué. - J'y travaille avec le commissaire Maro? ?ef?ovi?. Au plus haut niveau, la France oeuvre pour que la réponse européenne ne mette pas en difficulté la filière des vins et spiritueux.
M. Rachid Temal. - Il y a aussi d'autres filières !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué. - Comptez sur le Gouvernement pour défendre cette filière d'excellence ! (M. François Patriat applaudit.)
M. Hervé Gillé. - Bref, rien de nouveau...
Prix de l'électricité pour les industries hyper électro-intensives
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je vous interpelle à nouveau sur le coût de l'électricité pour les industriels hyper électro-intensifs, dont la situation devient critique. Le manque de visibilité, l'instabilité politique et les droits de douane aux frontières les incitent à déprogrammer leurs investissements prévus en France - je pense à un industriel japonais installé dans mon département.
Ces industriels, notamment du consortium Exeltium, s'inquiètent à la veille de la disparition de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique, l'Arenh. Ils attendent toujours qu'EDF propose un tarif, pour une signature qui ne pourra intervenir avant l'été. Certains se voient proposer des contrats irréalistes, interdisant toute compétitivité.
Ces productions sont des matières premières pour nos filières industrielles ; elles sont essentielles à notre souveraineté.
Alors que l'État est actionnaire à 100 % d'EDF, pourquoi le Gouvernement ne parvient-il pas à imposer que 10 % de la production nucléaire historique, amortie, serve à soutenir ces industriels ? Un cadre tarifaire compétitif et stable bénéficierait également à EDF, qui sécuriserait ainsi un important volume de consommation. Le Gouvernement prendra-t-il le risque que la position d'EDF fragilise ces filières, leurs emplois et notre souveraineté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie . - En effet, les prix de l'électricité sont un facteur essentiel de notre souveraineté énergétique et industrielle.
Les industriels électro-intensifs, notamment dans l'acier et la chimie, doivent relever un défi d'électrification pour la décarbonation. Ils sont essentiels à des filières entières - je pense à nos industries de défense.
L'accord signé entre l'État et EDF en novembre 2023 prévoit le cadre destiné à succéder à l'Arenh, avec la signature de contrats d'allocation de production nucléaire (CAPN), des contrats à terme, pour un volume global de 40 térawattheures.
J'ai demandé un bilan des négociations à la présidence d'EDF. L'objectif est loin d'être atteint : 12 térawattheures font l'objet de simples lettres d'intention et un seul CAPN a été signé, pour moins de 1 % de l'objectif total.
Dans une tribune, des parlementaires m'ont interpellé sur le lancement par EDF d'une enchère européenne de CAPN non réservée aux électro-intensifs. Cette démarche relève de la politique commerciale d'EDF, mais ne l'exonère nullement du respect des engagements pris en novembre 2023. Nous y veillerons.
Conflit en République démocratique du Congo
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une souveraineté territoriale bafouée, des millions de personnes déplacées, des civils massacrés, des ressources minières stratégiques : je ne parle pas de l'Ukraine, mais de la République démocratique du Congo. (M. Akli Mellouli applaudit.)
Le conflit dans le Kivu dure depuis plus de trente ans ; selon la responsable de la Mission de l'organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, c'est l'une des crises humanitaires les plus graves et les plus négligées de notre époque.
Notre groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique centrale a reçu des représentants de ce pays, le plus grand pays francophone du monde. Après Goma, en janvier, Bukavu est tombée en février. Le groupe rebelle M23, soutenu par des pays voisins, continue d'avancer.
Tensions ethniques, griefs historiques : les sources du conflit sont complexes. Mais le fait est que les sous-sols congolais attirent les convoitises. On peut même parler d'une malédiction des ressources naturelles... L'exploitation illégale des minerais rapporterait 800 000 dollars par mois au M23.
La résolution de l'ONU initiée par la France, qui exige le retrait du M23 et la fin du soutien rwandais, demeure lettre morte. Et c'est le Qatar qui a réuni, hier, les présidents congolais et rwandais pour une médiation.
Alors que d'autres puissances s'investissent sur le continent, la France doit reconstruire un partenariat fort avec l'Afrique. Nous avons une responsabilité historique et stratégique.
Comment la France et l'Union européenne agissent-elles pour favoriser une paix durable dans la région des Grands Lacs et renforcer notre coopération avec les États africains ? (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Akli Mellouli, Jacques Fernique et Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Je vous remercie d'aborder la crise qui déchire la région des Grand Lacs et salue votre engagement à la tête du groupe d'amitié France-Afrique centrale du Sénat.
Cette crise est l'une des plus graves du moment : sept millions de personnes déplacées, des victimes civiles par milliers. L'offensive du M23, soutenue par l'armée rwandaise, menace la souveraineté congolaise. Un embrasement de la région entière est à craindre.
La diplomatie française se mobilise sur tous les fronts. Aux Nations unies, nous avons fait adopter à l'unanimité du Conseil de sécurité une résolution condamnant les agissements du M23 et appelant au retrait des troupes rwandaises. À Bruxelles, nous venons de faire adopter des mesures restrictives visant neuf individus et une entité ayant violé le droit international. Au plan bilatéral, le Président de la République est en contact étroit avec ses homologues dans le cadre des processus de Louanda et de Nairobi.
Fin janvier, je me suis rendu à Kinshasa et à Kigali pour rencontrer les présidents Tshisekedi et Kagame et appeler à la cessation des hostilités. Plus récemment, j'ai décidé d'un appui financier de 3 millions d'euros pour répondre aux besoins vitaux des populations touchées.
Nous continuerons d'oeuvrer pour l'apaisement dans la région et pour traiter les causes structurelles du conflit. Nous comptons aussi sur la diplomatie parlementaire pour y parvenir. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de M. Alain Marc, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.