Trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), présentée par MM. Guislain Cambier, Jean-Baptiste Blanc et plusieurs de leurs collègues.

Discussion générale

M. Guislain Cambier, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains) Déposer une proposition de loi n'est pas anodin. Avec Jean-Baptiste Blanc et les membres du groupe de suivi, nous en mesurons la gravité. La loi, c'est ce sur quoi une société s'accorde : elle unit, ne divise pas. Elle incarne une vision, fait l'objet d'un consensus. Hélas, parfois, ce n'est pas le cas. Nous devons alors apaiser, rassurer.

L'artificialisation est une nécessité et un défi. Depuis l'aube de l'humanité, l'homme aménage son environnement. Nous avons glorifié les voies romaines, célébré les civilisations urbaines et séparé les espaces urbains des espaces ruraux. Parce que nous sommes des thuriféraires du progrès, et non ses contempteurs, nous devons avoir une vision à long terme, pragmatique.

Pour que la loi soit l'expression de la volonté générale, un diagnostic partagé s'impose. Oui, nous avons trop artificialisé ces dernières décennies, poussés par un système financier et fiscal où la terre n'a que peu de valeur. Non, nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Les élus partagent ce diagnostic. Or les élus et acteurs n'artificialisent qu'avec raison. Il faut encourager le changement, et non, en édicteurs de morale, morigéner. Nous proposons une loi de confiance. Le discours de la méthode, c'est être rationnel. (On ironise sur les travées du GEST.)

Nous proposons un équilibre, un chemin de crête, une trace entre la nécessité de changer de modèle et la volonté de se développer. Nous ne devons exclure aucun territoire : voilà la promesse républicaine.

Cette loi est non pas un terminus, mais un chemin. Qui serions-nous pour édicter ce que sera la France en 2050 ? Restons humbles.

Nous voulons un cap clair, sans codicille. Les annexes obscures ne protègent que les initiés. (M. Grégory Blanc se montre sceptique.) Tremblons avant d'ajouter de nouvelles normes. C'est dans la clarté que nous bâtirons l'idéal de la République, pas dans les bureaux obscurs d'une administration hors-sol.

Nous vous proposons six articles - moins que le décalogue ! Il vous revient de les affiner, mais puissiez-vous en garder la simplicité. Les membres du groupe de suivi, Jean-Baptiste Blanc et moi-même, avons toute confiance dans votre travail.

Cette proposition de loi se veut ambitieuse - en gardant l'horizon de 2050 -, éclairante, aidante pour définir une trajectoire. Cette trace doit remplacer un acronyme devenu repoussoir.

Six articles, mes chers collègues. Comptabilité claire, trajectoire suscitant la confiance, calendrier revu, définition des projets d'envergure nationale et européenne, conférence fondée sur le dialogue, territorialisation véritable : avec cela, aurons-nous tout réglé ? Non ! Resteront l'équité territoriale, la ressource financière, la justice fiscale, la santé des sols.

Ce texte ira ensuite à l'Assemblée nationale. Là-bas comme ici, certains voudront un trophée... Nos concitoyens attendent une loi claire, un socle républicain et un avenir dégagé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; l'orateur brandit un paquet de bonbons Zan ; sourires) « Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves », disait René Char. Tel est notre objectif : privilégier l'action aux effets d'annonce.

Le Parlement est une nouvelle fois appelé à légiférer contre l'artificialisation. Depuis quatre ans, le Sénat essaie de corriger les effets de la loi Climat et résilience, devant la condescendance de la haute administration et des fausses pudeurs du Gouvernement face à l'écologie radicale.

Un jour faudra-t-il écrire l'histoire de ce zéro artificialisation nette (ZAN) ? L'objectif de 2021 devait être légitimé par une territorialisation concertée. Deux circulaires furent envoyées en ce sens aux préfets, qui passeront outre. S'en est suivie une vassalisation des régions par l'État. Le mépris continuera avec une ministre annonçant la fin du modèle pavillonnaire. Je pourrais aussi évoquer les décrets d'application de la loi Climat et résilience, contestés par l'Association des maires de France (AMF) devant la justice ; il fallut les réécrire dans la douleur.

Depuis quatre ans, nous ne cessons de demander de territorialiser le foncier ! Le Sénat s'est mobilisé pour parer au plus urgent : la loi de juillet 2023 a redonné de l'air aux élus. Mais une grosse partie du travail restait à accomplir. Nous avons consulté plusieurs milliers d'élus. Je me suis rendu avec Guislain Cambier dans plus de 80 départements.

Tous, au sein du groupe de suivi, nous avons considéré qu'il fallait traduire les demandes des élus ; d'où ce texte cosigné par 160 parlementaires, qui redonne un peu de souffle girondin à la sobriété foncière, sans revenir sur l'objectif de 2050.

M. Ronan Dantec.  - Et 2031 ?

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Nous proposons un contrat - un contrat ! - avec toutes les clauses nécessaires. Nous maintenons les espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf). Nous renforçons le poids des communes au sein des conférences régionales. L'article 4 met chacun face à ses responsabilités en sortant les projets d'envergure nationale ou européenne (Pene) des calculs.

Je suis un peu las et amer, mais je sais, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas responsable du passé. Votre expérience d'élu local fait que nous attendons beaucoup de votre action. Nous parviendrons ensemble aux solutions les plus pertinentes. Vous aurez l'autorité nécessaire pour faire entendre que, en 2025, l'administration doit obéir à la parole souveraine de la représentation nationale.

Abandonnons la planification ascendante du ZAN pour une trace que nous laisserons dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Il y a deux ans, le 16 mars 2023, le Sénat adoptait la proposition de loi de Jean-Baptiste Blanc.

Ce texte a permis des avancées certaines - traitement des grands projets, meilleure concertation, garantie communale  - , mais deux ans plus tard, nous devons malheureusement remettre l'ouvrage sur le métier. Car satisfaire les obligations du ZAN à droit constant, c'est la quadrature du cercle ! Dans toutes les réunions d'élus, le ZAN est le sujet n°1 ! (Protestations sur les travées du GEST)

Je remercie Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc. Merci à eux d'avoir effacé l'horrible acronyme du ZAN au profit du Trace, plus positif. Il y a un chemin vers la sobriété foncière qui ne soit pas celui du centralisme et de la contrainte.

Lors de l'examen du texte, la commission des affaires économiques a rendu certaines dispositions plus opérationnelles.

L'article 1er conserve les Enaf comme mode de comptabilisation, levant la contrainte sur les bâtiments agricoles.

L'article 5 imaginait une grande conférence régionale des maires. Finalement, nous avons conservé les conférences régionales de gouvernance, tout en augmentant la proportion des élus communaux.

Nous avons revu les modalités de gestion de la garantie d'un hectare, bouffée d'oxygène pour les communes rurales sans laquelle elles auraient été privées de toute capacité de développement. La mutualisation pourra se faire au niveau des intercommunalités, au-delà de l'échelon de l'EPCI. Elle demeurera toujours conditionnée à l'accord du maire de la commune. La procédure de modification simplifiée inscrira les effets de cette garantie et de la mutualisation dans les documents d'urbanisme.

Que se passe-t-il chez nos voisins européens ? Certains d'entre eux ont des densités de population cinq fois supérieures à celle de la France. Pourtant, en Allemagne, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, aucune contrainte. En France, un ZAN contraignant. C'est dire si on aime bien continuer à surtransposer dans notre pays. (Exclamations sur les travées du GEST)

Comme le disait Jean-Baptiste Blanc, c'est bien de laisser une trace de bon sens. Je remercie Amel Gacquerre pour notre excellente collaboration, ainsi que Daniel Gueret et la présidente Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-François Husson.  - Bravo !

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.) À mon tour, je remercie Jean-Marc Boyer et Daniel Gueret, ainsi que les deux auteurs de ce texte, qui ont été ouverts à la réflexion. Merci aussi à vous, monsieur le ministre, pour votre écoute attentive et nos échanges.

Les points de convergence sont nombreux. Je ne doute pas que cette proposition de loi puisse aboutir prochainement. Nous espérons que celle-ci entre en vigueur avant l'été - grâce à la procédure accélérée décidée par le Gouvernement.

Je salue l'engagement des collègues de tous les groupes ; tous ont cherché le compromis, car tous constatent que la loi Climat et résilience souffre de blocages. C'est toute la France des campagnes, des bourgs et des sous-préfectures que nous risquons de perdre ! (M. Yannick Jadot s'exclame.)

Nous avons soutenu deux orientations dans ce texte.

Premièrement, la politique de sobriété foncière ne doit pas être un frein à toutes les politiques publiques. Certes, 20 000 hectares artificialisés chaque année, c'est trop. Mais nous devons aussi prendre en compte la réalité : le foncier économique manque. Deux tiers des intercommunalités ont dû refuser l'implantation d'usines, faute de place. À l'heure de la réindustralisation, il nous faut être cohérents.

C'est pourquoi nous avons introduit des exemptions temporaires pour l'industrie, le logement social dans les communes carencées au regard de la loi SRU et les infrastructures de production d'énergies renouvelables.

Nous avons ensuite supprimé la baisse de 50 % d'ici à 2031. Ce chiffre, sorti du chapeau, dont j'ai vainement cherché l'origine, appliqué indistinctement, est le péché originel du ZAN. (Sourires) Nous souscrivons à l'objectif de ZAN d'ici à 2050 : nous n'y touchons pas, mais il faut tenir compte des dynamiques territoriales. Nous demandons aux régions de se fixer elles-mêmes leur trajectoire, compte tenu de leurs contraintes, de leurs projets et de leurs besoins.

Il faudra au moins deux objectifs intermédiaires d'ici à 2050 : c'est suffisant pour rendre la trajectoire crédible.

Cela dit, nous avons entendu les craintes sur un démarrage trop tardif de certaines régions. Nous fixons donc le premier jalon à 2034 - un grand pas (M. François Rebsamen le confirme)  - , mais nous n'y assignons pas d'objectif national chiffré. (On ironise sur les travées du GEST.)

M. Ronan Dantec.  - On simplifie !

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Il faut que ce jalon soit différencié selon les territoires : les dynamiques ne sont pas les mêmes partout.

Nous devons avancer ensemble : il ne saurait y avoir de loi ZAN 4. Si nouveau texte il devait y avoir, celui-ci devrait porter sur les dispositions fiscales et réglementaires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

M. Daniel Gueret, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC) Pour la troisième fois en moins de quatre ans, nous nous attelons à un texte améliorant le cadre de la sobriété foncière, faisant de ce travail législatif un véritable travail de Pénélope.

Depuis l'adoption d'une méthode descendante, tous les parlementaires sont devenus des pédagogues du ZAN - bon gré, mal gré  - , laissant les élus locaux souvent perplexes, voire inquiets.

Pour comprendre les réticences, il vaut mieux invoquer Descartes que Montesquieu : c'est le discours de la méthode qui est perfectible, aucunement l'esprit de la loi.

Il existe en effet d'impérieuses raisons scientifiques plaidant en faveur de la sobriété foncière. La gestion économe de l'espace est non pas un luxe, mais une ardente obligation. La préservation des sols se situe à la convergence de la biodiversité, de l'atténuation climatique et de la préservation du cycle de l'eau.

En adoptant une approche négative, les coûts sont de plus en plus élevés pour la société : inondations, pollutions, baisse de la capacité de stockage de CO2, fragmentation des espaces naturels. (M. Ronan Dantec renchérit.)

Nous devons sécuriser notre trajectoire vers la sobriété foncière et stabiliser le cadre normatif, pour mettre fin à l'insécurité juridique. Telle est la raison d'être de ce texte : réussir la sobriété foncière en associant les élus locaux. Nos deux commissions ont travaillé en étroite collaboration pour assouplir sans dénaturer.

Notre commission a confirmé son attachement à l'ambition originelle : réduire graduellement la consommation foncière pour viser l'absence d'artificialisation en 2050, via des évolutions calibrées et des assouplissements encadrés, en octroyant aux territoires la possibilité de décider. C'est un véritable acte de foi envers la capacité des élus locaux à proposer un modèle plus durable.

Nous avons veillé à ce que l'État s'astreigne à la même rigueur foncière. Nous avons conservé la comptabilité en Enaf, reporté les dates butoirs de modification des documents d'urbanisme, instauré un dialogue territorial qui associe tous les élus et maintenu la compétence décisionnaire des conférences régionales.

C'est en partant des territoires que la sobriété foncière deviendra un objectif partagé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je vous remercie pour votre accueil ; j'ai plaisir à être parmi vous pour examiner ce texte. Je salue les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier pour leur travail.

Je l'ai déjà dit ici : je souhaite que nous puissions tracer ensemble - permettez-moi ce jeu de mots (sourires) - ce chemin vers un ZAN compris dans ses ambitions et assoupli dans sa mise en oeuvre. Nous devons rassurer l'ensemble des élus locaux avec la poursuite de stratégies d'aménagement du territoire durables et équilibrées.

Le ZAN a été adopté lors de la loi Climat et résilience, qui inscrit dans notre droit l'ambition de diminuer l'artificialisation des sols, engagement issu de la Convention citoyenne pour le climat.

Plus récemment, la loi de juillet 2023, dont Jean-Baptiste Blanc était le rapporteur, a procédé à des ajustements et à des clarifications nécessaires. Ainsi, la garantie communale d'un hectare a été décidée, un forfait national pour les Pene a été prévu afin de ne pas grever les enveloppes locales et régionales. Idem pour le report de mise en compatibilité des documents d'urbanisme.

Tout cela traduit une conviction forte : certes, notre trajectoire vers le ZAN est nécessaire, mais elle doit être applicable. Pour ce faire, elle doit être ascendante, et non descendante.

Toutefois, il ne suffit pas de se fixer des objectifs ambitieux, encore faut-il se donner les moyens d'y parvenir.

Depuis mon arrivée en décembre dernier, je me suis entretenu avec vous, avec les députés, les élus locaux et les représentants de la vie économique et agricole. Tous ont évoqué des difficultés. Mais certaines collectivités se sont engagées avec ambition dans la démarche. N'imposons pas des choses depuis Paris, mais bâtissons des solutions adaptées aux réalités de chaque territoire.

Ce texte vise non pas à supprimer, mais à construire ensemble une trajectoire pour honorer notre objectif de 2050. Les ajustements que vous proposez et ceux que je vous proposerai nous permettront de mieux nous y préparer. Mais il faut veiller à respecter cette trajectoire fondamentale pour l'avenir de notre pays, car nous consommons proportionnellement plus de terres agricoles que nos voisins. (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER)

Les objectifs de sobriété foncière sont partagés par tous - surtout par les élus locaux.

Les conséquences agroécologiques de l'artificialisation des sols sont connues et nous les constatons chaque année : limitation du stockage du carbone, inondations, dérèglement du cycle de l'eau, érosion de la biodiversité. Je n'y reviens pas.

Je souligne en revanche les conséquences de l'absence de sobriété foncière en matière économique - un étalement urbain qui pénalise nos centres-villes, une dépendance aux mobilités carbonées, l'éloignement des citoyens de l'emploi, entre autres. Entre 2014 et 2020, les communes rurales représentent 65 % de la consommation d'espace pour 21 % des habitants et 28 % des nouveaux ménages. Le déséquilibre s'entend, à cause de l'isolement, mais nous ne pouvons nous en satisfaire.

Cette artificialisation mal maîtrisée contribue à la fragmentation des territoires et à l'éloignement des équipements essentiels. Elle vient creuser les écarts entre les territoires, laissant des zones rurales enclavées ou délaissées. En luttant contre l'artificialisation, nous luttons contre la désertification des coeurs de ville.

En moyenne, 24 000 hectares sont consommés en France chaque année - soit un quinzième du Vaucluse, un vingt-quatrième du Nord ou 1 430 terrains de foot ! (Sourires)

Cette artificialisation est totalement décorrélée de la progression démographique. Elle était de 30 000 hectares dans les années 2000, mais elle stagne désormais à 24 000 hectares - d'où la nécessité de passer à 12 500 hectares à mi-parcours. L'Espagne et le Royaume-Uni ont des niveaux relativement bas - autour de 3 000 hectares par an. C'est 6 000 hectares pour l'Italie, 20 000 hectares pour l'Allemagne, ce dès 2020.

Plusieurs travaux sont en cours : une mission d'information de l'Assemblée nationale devrait rendre ses conclusions à la fin du mois, une mission d'inspection sur la fiscalité du ZAN sera lancée prochainement pour enrichir votre proposition de loi lorsqu'elle sera examinée à l'Assemblée nationale avant l'été - comme je m'y suis engagé.

L'esprit de dialogue est constant au Sénat - je le sais. Je remercie tous ceux qui ont participé à la conception de ce texte. Il nous reste à trouver le chemin le plus souple sans affaiblir l'ambition initiale.

Trois objectifs sont essentiels pour le Gouvernement. J'ai la plus grande confiance dans les élus locaux et je veux les remettre au centre du dispositif. L'ambition de zéro artificialisation nette en 2050 doit être conservée. Enfin, nous devons assouplir ce dispositif, sans obérer un objectif de mi-parcours, que je propose de décaler à 2034. Cela permettra d'identifier les écarts et de les rectifier.

En effet, ceux qui seraient en retard doivent pouvoir atteindre l'objectif final en 2050 - il ne s'agit pas de les pointer du doigt. Nous devons identifier les territoires confrontés à des difficultés pour les aider à les surmonter.

Les rapporteurs proposent un autre jalon en 2034 - je tiens à les remercier sincèrement.

Certaines dispositions de cette proposition de loi ont reçu notre approbation.

Je pense à celles qui ont trait à l'industrie : représentant 5 % d'artificialisation chaque année, sans constituer un enjeu majeur dans l'économie du ZAN, l'industrie cristallise beaucoup d'interrogations. Je proposerai, en accord avec Marc Ferracci, un dispositif dédié : créer pour cinq ans une réserve de 10 000 hectares, en sus des Pene.

Cette réserve devrait être décomptée nationalement - j'emploie le conditionnel à dessein -, mais mutualisée entre les régions via leur schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Cela se fera selon une procédure simple, concomitamment aux déclarations d'urbanisme. Elle sera précisée par décret en Conseil d'État. La liste des projets sera rendue publique.

Je partage aussi votre objectif de garder la comptabilisation en Enaf après le jalon intermédiaire. Les élus ont l'habitude de procéder ainsi. Je n'ai pas déposé d'amendement, mais je rejoins les rapporteurs sur ce point. En soi, le retour à une comptabilisation en Enaf constitue un assouplissement important du ZAN.

Prenons un exemple concret : si on construit une maison au sein d'un lotissement, le retour aux Enaf conduira à ne pas décompter cette nouvelle construction, alors que c'était le cas après 2031 dans le droit existant.

Ce retour aux Enaf permettra de ne pas comptabiliser les mobilisations des dents creuses et de favoriser des projets de densification heureuse - celle qui n'empêche pas la réélection des élus qui la pratiquent.

Je suis favorable à l'inscription dans la loi d'une définition des zones périurbanisées. Essayons de nous appuyer sur la notion de faisceaux d'indices, issue de la jurisprudence. Cependant, cette différence de comptabilisation ne doit pas altérer la définition de l'artificialisation.

J'entends également votre souhait de vous appuyer sur les conférences régionales de gouvernance pour replacer les élus locaux au coeur des stratégies territoriales. Sans renverser la hiérarchie des normes, il s'agit de sécuriser les collectivités qui ont déjà commencé à réviser leurs documents d'urbanisme.

J'étais favorable à la fin de la prescriptibilité des Sraddet. Mais je mesure les difficultés qui pourraient en découler, notamment dans les régions où le travail a commencé. D'ailleurs, le travail n'a pas été conduit partout. Dans certaines régions, il n'y a pas de Sraddet.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Cinq.

M. François Rebsamen, ministre.  - J'espère que tout cela n'aura pas d'effet contreproductif. Aussi le compromis que je propose en décalant la période d'observation à 2034 entraînera-t-il un assouplissement à hauteur de 37 500 hectares, incluant les 10 000 hectares dévolus aux projets industriels.

Je suis favorable à la mutualisation des hectares obtenus par la garantie communale, soit à l'échelle des schémas de cohérence territoriale (Scot), soit à l'échelle des EPCI, si nécessaire. (M. André Reichardt proteste.)

Ces amendements de bon sens me semblent indispensables, d'autant qu'ils préservent l'esprit du dispositif.

Certaines améliorations de ce texte présentent toutefois un risque de vider de leur substance les objectifs.

Je ne suis pas favorable à l'abandon du terme d'artificialisation des sols, déjà mobilisé par d'autres textes juridiques, ni à la suppression d'un jalon intermédiaire, afin de ne pas réitérer les difficultés rencontrées pour la mise en oeuvre de la loi SRU. Je propose toutefois de neutraliser la période 2021-2023, pendant laquelle certaines collectivités territoriales ne pouvaient pas ralentir leur consommation foncière, et de décaler la période de référence à 2024-2034.

Je rappelle ma proposition qui consiste à défendre l'objectif initial de 37 500 hectares pouvant être mobilisés par les collectivités.

Je ne suis pas non plus favorable au décalage de la révision des documents d'urbanisme et des Sraddet. Ce serait source d'insécurité juridique pour les collectivités territoriales qui ont entamé leurs travaux ; ce report réduirait d'autant la période à disposition des collectivités pour atteindre l'objectif en 2050, les confrontant à la nécessité de décisions drastiques alors qu'un travail progressif permet de lisser les effets du changement dans le temps.

L'enjeu est donc de mieux faire comprendre le ZAN, son ambition et sa philosophie, pour une mise en oeuvre assouplie, progressive, et acceptée par l'ensemble des acteurs du territoire.

Cette proposition de loi ne doit pas interrompre une dynamique de sobriété foncière déjà engagée par les acteurs locaux, qui est la seule à même de réduire une consommation foncière qui pourrait mettre en péril notre agriculture, notre environnement et accroître notre vulnérabilité aux risques climatiques.

Je suis convaincu que, grâce au Parlement, ce texte sera un levier efficace pour une réussite collective. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Laurent Somon applaudit également.)

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) ZAN, trois lettres que nous avons tous identifiées et qui suscitent soit des critiques soit des inquiétudes... Il fut un temps où nous parlions d'artificialisation sans parler de ZAN. La notion, apparue en 2018 alors que Nicolas Hulot était ministre, a été reprise par la Convention citoyenne pour le climat avant de figurer dans la loi Climat et résilience. Sur le papier, l'intention était louable, mais sa mise en oeuvre fut chaotique. Elle s'est heurtée à la réalité de nos territoires, sans parler de décrets qui ne correspondaient pas à la lettre du texte. À tel point que le Sénat a adopté une loi ZAN 2 le 20 juillet 2023 pour accompagner les élus locaux, qui n'a cependant pas levé tous les blocages.

Le Sénat a donc décidé de lancer un groupe de suivi qui a mené en 2024 une concertation en ligne - ses résultats sont sans appel : 75 % des répondants estiment que les critères de territorialisation étaient insuffisamment pris en compte ; 77 % comptent utiliser la garantie de développement communal ; 81 % des répondants considèrent le changement de mode de comptabilisation de l'artificialisation en 2031 comme problématique.

Tel est le sens de cette proposition de loi : faire du ZAN un processus adapté aux réalités locales. Partons des besoins et des projets des collectivités territoriales. Il est donc utile de conserver la comptabilisation par les Enaf. Connus des élus locaux, ils permettent de mieux piloter la lutte contre l'artificialisation.

Je salue l'adoption d'un sous-amendement en commission visant à écarter la prise en compte des projets d'énergies renouvelables.

Nos débats en commission ont également démontré la nécessité de décaler les dates butoirs de 2027 et 2028 à 2031 pour les Scot et 2036 pour les autres documents d'urbanisme.

Le Sénat est une nouvelle fois la vigie attentive des élus locaux. Sans remettre en cause le ZAN, nous pouvons en faire un outil plus adapté. Nous démontrerons ainsi le sérieux de notre travail et que la démocratie représentative est utile. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Grosvalet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Cinquante années ont suffi pour artificialiser plus de terres qu'en cinq siècles ; en Loire-Atlantique, un siècle et demi a suffi pour artificialiser plus que depuis les origines !

Pour enrayer cette fulgurante accélération, la loi Climat et résilience a introduit le ZAN à l'horizon 2050. Dans mon département, j'avais initié cette ambition dès 2017, mais en lançant aux maires ce message : n'attendez pas qu'une loi vous y oblige. J'étais visionnaire, à voir la colère des maires face à ce qui est devenu une entrave supplémentaire pour la gestion de nos territoires.

Dès 2023, le législateur a apporté des assouplissements, notamment sur les Pene, la garantie communale et les conférences régionales. Mais cette initiative parlementaire bienvenue et les modifications réglementaires n'ont pas corrigé tous les défauts.

Il faut trouver un point d'équilibre entre l'impératif moral du ZAN, qui consiste à transmettre une terre vivable à nos petits-enfants, et l'absolue nécessité d'assurer un logement pour tous et de favoriser le développement industriel et l'attractivité des territoires.

Le RDSE accueille favorablement les articles 1, 3, 4, 5 et 6.

En revanche, nous estimons que l'article 2, qui supprime l'objectif intermédiaire, n'est en aucune façon une mesure de souplesse, mais une perte de repères. Le marin que je suis sait combien les balises sont indispensables pour atteindre le port quand la mer est mauvaise. Sans balise intermédiaire, nous prenons le risque de plonger les collectivités dans le brouillard et d'aggraver les inégalités territoriales.

Cette disposition fausse l'ambition du texte, qui parle pourtant de trajectoire. La trace n'est que le sillage qui reste derrière nous, et non le chemin restant à parcourir.

Quel message donnerons-nous aux maires élus en 2044, sachant que les dernières marches seront les plus difficiles à gravir ?

Le Sénat doit prendre ses responsabilités de chambre des territoires : tracer un objectif ambitieux et soutenable, sans le vider de sa substance. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.

Que chaque commune puisse dessiner sa trace en l'inscrivant dans son livre de bord. Telle est notre ambition ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-François Husson et Mme Micheline Jacques applaudissent également.) Je remercie Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc pour cette proposition de loi très attendue par les élus.

L'application uniforme de ce dispositif s'est avérée inadaptée aux réalités et aux besoins de nos territoires. Dans la Meuse comme ailleurs, chaque semaine, les élus nous font part de leurs vives inquiétudes. Notre département, classé intégralement France Ruralités Revitalisation (FRR), et qui a peu consommé de foncier, serait condamné à l'immobilisme : c'est inacceptable.

Nos élus sont trop souvent contraints pour construire des logements ou accueillir des entreprises. Ils font face à des injonctions contradictoires. En son temps, Valérie Létard avait pointé les failles du dispositif et travaillé à des assouplissements.

Mais il restait du chemin à faire. C'est pourquoi je salue le travail des deux auteurs et des trois rapporteurs.

Nous sommes tous conscients de l'importance de la sobriété foncière, mais il faut faire preuve de souplesse. Nous avons un sérieux problème de logement dans notre pays, chères Amel Gacquerre et Dominique Estrosi Sassone, et nous limitons les nouvelles constructions. Nous devons réduire la coercition, contreproductive.

Il faut octroyer davantage de libertés aux élus, les seuls capables de connaître les besoins de leur territoire. La différenciation territoriale sera un gage d'acceptabilité et d'adhésion.

M. Ronan Dantec.  - Nous sommes d'accord.

M. Franck Menonville.  - Les Enaf sont conservés : les collectivités pourront garder leur mode de calcul. Révision des documents d'urbanisme, fixation des objectifs par la conférence régionale : autant de simplifications.

Les projets industriels et les logements sociaux ne seront comptabilisés qu'en 2036.

Autre enjeu essentiel : les friches. Nous disposons d'un vrai levier en matière de renaturation.

Le groupe UC votera ce texte, dont je souhaite qu'il soit rapidement examiné par l'Assemblée nationale que nos territoires tracent leurs projets sur le chemin du bon sens et des libertés locales. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - La question de l'artificialisation des sols n'est pas nouvelle : c'est une préoccupation majeure pour les maires. Chaque année, entre 20 000 et 30 000 hectares sont artificialisés.

Je le dis d'emblée : de nombreux élus locaux font déjà des efforts en densifiant ou renaturant. Des élus qui ont peu artificialisé dans le passé se trouveraient tout aussi contraints que d'autres, qui l'ont fait beaucoup.

Nous n'allons pas reprendre l'ensemble des erreurs passées. Nous devons tenir compte des impératifs écologiques. Il faut un équilibre entre la préservation de la qualité de vie, l'environnement et l'attractivité et le dynamisme des territoires.

Demain, nous devrons construire des écoles tout en développant les îlots de fraîcheur. Nous devrons diversifier nos cultures tout en accueillant des commerces. Nous devrons réindustrialiser tout en évitant les délocalisations mais aussi les constructions vides de toute activité.

Certains Pene seront exemptés : il fallait les intégrer dans la loi.

Je salue les auteurs de ce texte ; ils ont trouvé des solutions et des points d'équilibre tout en tenant le cap pour 2050. Oui, ce texte ajuste le calendrier pour intégrer les difficultés des collectivités, notamment rurales.

Ne nous trompons pas : nous devrons continuer à travailler à de nouvelles améliorations, face à la raréfaction du foncier disponible.

D'où notre intérêt pour les friches, ces espaces bâtis mais délaissés. Nous devrions améliorer leur traitement : tel était le sens du rapport demandé et obtenu à l'article 10 de la loi Industrie verte. C'est une nécessité, mais, monsieur le ministre, quelle ne fut pas ma surprise : le rapport prévu n'a jamais été réalisé par le Gouvernement. C'est pourtant ainsi que nous surmonterons les difficultés.

Certaines collectivités n'auront pas besoin de ce texte pour mettre en oeuvre les changements déjà intervenus : 5 % des Scot sont déjà arrêtés en incluant une trajectoire ZAN.

Cette proposition de loi permettra à toutes les collectivités de mettre en oeuvre ces changements, offrant aux collectivités qui ont déjà travaillé de poursuivre leur action et de la souplesse pour les autres. Notre groupe poursuivra la trace de ce texte. (On apprécie au banc des commissions ; applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et UC)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Une citation, pour commencer : « Nous jugeons que la proposition de loi Trace n'offre pas en l'état toutes les garanties nécessaires à la préservation des terres agricoles. Nous demandons que la proposition de loi soit retravaillée pour conserver des objectifs et des moyens ambitieux de préservation des espaces agricoles. » Tout est dit dans ce courrier d'alerte du 7 mars dernier d'Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.

J'aurais pu vous citer aussi Maxime Buizard-Blondeau, référent foncier des Jeunes Agriculteurs, déclarant au média Contexte : « Nous allons nous battre pour que la proposition de loi Trace n'aille pas au bout de son parcours. » (M. Guillaume Gontard applaudit ; M. Yannick Jadot ironise.)

À quoi sert que Laurent Duplomb se décarcasse à montrer que la droite sénatoriale est la grande amie du monde agricole si, quelques jours après, vous piétinez allègrement vos propres éléments de langage sur la sécurité alimentaire et présentez une proposition de loi qui est une attaque frontale contre le monde agricole et ses syndicats ?

MM. Michel Canévet et Guislain Cambier.  - Non !

M. Ronan Dantec.  - À l'origine, la loi ZAN 3 voulait améliorer la loi Climat et résilience. La loi ZAN 2 s'était déjà attaquée aux difficultés, d'où la création des Pene et de la garantie rurale. Le GEST a toujours participé à tous les groupes de travail. J'avais proposé qu'on conserve les Enaf jusqu'en 2050 - cette proposition est retenue par le présent texte, je m'en réjouis.

Mais comment est-on passé de l'amélioration de la loi à sa démolition ? Plus les territoires ont adopté des documents d'urbanisme intégrant les 50 %, comme la métropole de Nantes-Saint-Nazaire il y a quelques jours, plus la droite sénatoriale se radicalisait. Pourquoi ? Une hypothèse : il fallait sauver le soldat Wauquiez, parti sabre au clair mener croisade contre le ZAN.

Mme Cécile Cukierman.  - Je ne suis pas sûre que ça le sauve !

M. Ronan Dantec.  - Va-t'en guerre tout fier, il annonçait à l'Alpe d'Huez qu'il ne respecterait pas la loi. Mais il s'est retrouvé seul puisque ses camarades, les Bertrand et Morin, ont préféré sagement écrire leur Sraddet en intégrant la réduction de 50 %.

Pour ne pas laisser le pauvre Wauquiez seul, il fallait agir. Peu importe que toutes les associations d'élus y soient opposées : le coup était parti, il fallait appuyer sur la gâchette, quitte à se prendre une balle dans le pied.

Le Gouvernement et les corapporteurs de l'Assemblée nationale sont hostiles à la remise en cause de la diminution des 50 %. C'est heureux, reste à le confirmer. Nous espérons une position aussi claire, monsieur le ministre, contre une remise en cause des lois de décentralisation de la gauche qui ont fait des régions des collectivités de plein exercice avec une capacité de planification. Réduire la portée des Sraddet au nom des conférences régionales ZAN est très préoccupant.

Résumons : non-prise en compte des terres agricoles pour la souveraineté alimentaire, refus de l'adaptation au changement climatique. C'est un cadeau aux territoires en développement, les métropoles, contre les territoires en difficulté, dont vous vous faites pourtant volontiers les porte-paroles.

Face à un tel bilan, l'opposition au texte me semble aller de soi. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous le savons tous : l'immense majorité des élus locaux sont engagés dans la sobriété foncière. La loi Climat et résilience, votée en 2021 par la majorité sénatoriale, fixait deux objectifs : la réduction de moitié de l'artificialisation en 2030 et le ZAN en 2050.

Le groupe SER n'a jamais dévié. En revanche, dès 2021, nous soulignions la nécessaire territorialisation de la démarche, nous demandions une concertation ascendante et des moyens d'accompagnement.

Mais, quatre ans plus tard, les blocages demeurent. Il y eut d'abord la proposition de loi de 2023 : ce bel exemple de travail transpartisan avait déjà assoupli les choses - report des dates pour les documents d'urbanisme, critères de territorialisation des enveloppes, mutualisation des Pene au niveau national, prise en compte des friches... Mais cela n'a pas suffi.

Ce texte pose de mauvaises questions, en témoigne son intitulé. Il n'apporte pas dès lors les bonnes réponses. La plupart des régions ont déjà révisé leur Sraddet et pris en compte l'objectif de sobriété. Allez-vous les placer en situation d'insécurité juridique ? Imaginez les disparités entre les régions avancées et les autres.

Nous ne pouvons accepter ce texte en l'état.

Nous souhaitons un objectif intermédiaire de baisse de 50 % de l'artificialisation ; nous formulerons plusieurs propositions sur les jalons intermédiaires afin de ne pas pénaliser les vertueux, notamment. Nous proposons une pondération au bénéfice des projets faiblement artificialisants, pour protéger les sols.

L'interprétation de la notion d'espace urbanisé en bordure de l'enveloppe urbaine risque de varier d'un territoire à l'autre, et donc de susciter des conflits permanents et de favoriser le mitage : il faut supprimer cette notion, tout comme le double décompte imposé aux Scot pour le suivi foncier, pour plus de simplification.

Nous proposerons un outil de diagnostic de la santé des sols, en ciblant l'artificialisation sur des sols aux performances moindres.

Nous voulons encourager les projets favorables à la neutralité climatique.

La garantie rurale de l'État est un dispositif dévoyé et complexe car il entraîne parfois un gel du foncier, soit l'inverse de l'objectif recherché. Nous proposons une clause de revoyure au plus tard en 2028.

La ligne du groupe SER est claire et n'a pas changé depuis 2021 : nous sommes favorables au ZAN d'ici à 2050 mais aussi à des objectifs intermédiaires. J'espère que nos débats seront sereins : cela apportera du réconfort dans les temps politiques que nous vivons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Joshua Hochart .  - Cette proposition de loi marque une avancée importante pour nos élus locaux, trop souvent considérés comme des exécutants des décisions prises à Paris. Or qui mieux qu'un maire sait ce qu'il convient de faire pour sa commune ?

Ce texte remet enfin un peu de bon sens. Il prévoit une trajectoire plus réaliste en associant enfin les élus locaux. Il clarifie des décisions floues et répond aux inquiétudes des élus locaux, piégés par des règles incohérentes.

Le RN votera cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. Depuis longtemps, Marine Le Pen alerte sur l'écologie punitive imposée par la technocratie parisienne. La loi Climat et résilience est une machine à empêcher.

Cette proposition de loi offre une bouffée d'oxygène mais ne règle pas tout : le Gouvernement poursuit sa politique de régionalisation à marche forcée, au détriment des petites communes, d'où une centralisation non plus vers l'État mais vers les métropoles. À terme, villages et zones rurales en paieront le prix fort.

Nous devons redonner aux maires la liberté d'agir, d'aménager les territoires et de construire en fonction des réalités locales. Liberté locale, souveraineté locale et respect des élus : voilà le combat du RN.

Parce que nous croyons à la France des territoires, nous voterons ce texte, mais nous continuerons à défendre une politique d'aménagement du territoire ne sacrifiant pas nos communes rurales.

M. Cédric Chevalier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.) Je remercie très sincèrement les auteurs de la proposition de loi, tout particulièrement Guislain Cambier, qui s'est rendu disponible à chaque fois que nous l'avons sollicité dans la Marne.

Merci aussi à tous les rapporteurs, qui ont organisé des temps d'échange pour essayer de construire une vision partagée et apaisée sur ce texte.

Il n'est pas un élu local qui ne m'ait exprimé son inquiétude sur le ZAN. Il n'est pas une séance de travail sur le Scot ou le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) sur le Grand Reims qui n'aborde pas cet enjeu. Je le dis tout de go : le sujet est complexe et son application, en matière de compensation, instable. En trois ans, le texte a fait l'objet de nombreuses retouches. Toutefois, sa rigidité et sa complexité dans son interprétation ne sont pas adaptées à la diversité de nos territoires.

La loi Climat et résilience avait posé les bases pour savoir comment moins et mieux consommer. Toutefois, elles ont imposé des modes de calcul injustes pénalisant les territoires qui ont mené une politique vertueuse.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Cédric Chevalier.  - Une application uniforme est regrettable. Réindustrialisation, construction de logements, renforcement de souveraineté alimentaire et énergétique : autant de motifs d'artificialisation. Or cette loi rigidifie tout. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l'excès inverse : il nous faut trouver le juste équilibre.

Les élus locaux sont en première ligne et constituent les meilleurs relais vis-à-vis de nos concitoyens. Il faudra de la conviction et du dialogue pour expliquer à une famille qui a payé des droits de succession sur un terrain constructible qu'il ne l'est plus : bon courage !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Exactement !

M. Cédric Chevalier.  - Redonnons du temps, élément essentiel pour faciliter la projection puis l'acceptation : cela passe par des délais adaptés et cohérents.

Nous devrons clarifier des définitions et bien maîtriser les notions d'exception : la simplification et l'agilité ne doivent pas déboucher sur les lourdeurs et l'incompréhension.

Si cette proposition de loi est adoptée, il faudra veiller à sa cohérence avec les dispositions en vigueur. N'ajoutons pas de la confusion. (On apprécie sur les travées du GEST.)

Quand le ZAN sera effectif, j'aurai 77 ans : je ne suis pas certain d'être encore dans cet hémicycle. (« Oh » sur les travées du GEST) C'est gentil ! Mais je forme le voeu que l'esprit de la loi Climat et résilience, à savoir la préservation de la planète et de ses ressources, demeure. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Vincent Louault applaudissent également.) Après l'adoption de la loi de juillet 2023, nous avions cru refermer le dossier ZAN. Mais, quatre ans après l'adoption de la loi Climat et résilience, l'inquiétude des élus ne faiblit pas, au contraire. Le ZAN est devenu un enjeu central pour notre compétitivité et notre réindustrialisation.

Les assouplissements de la loi ZAN 2 ont été insuffisants pour permettre l'application apaisée d'un principe dont nous partageons tous la philosophie. Le groupe de suivi sur l'artificialisation des sols a dressé un constat sans appel des blocages persistants, dans tous les domaines : logement, agriculture, industrie, services publics...

La présente proposition de loi apporte deux réponses structurantes : elle fait sauter le verrou du moins 50 % en 2030 et renforce le rôle des collectivités territoriales dans la définition des enveloppes foncières, à rebours de la logique descendante qui prévaut jusqu'à présent. Le groupe Les Républicains y est évidemment favorable.

Nous soutenons le droit à la différenciation : faisons confiance aux territoires pour identifier les meilleurs moyens d'atteindre l'objectif du ZAN en 2050. Cette approche devrait nous réunir au-delà des clivages.

Depuis 2021, la majorité sénatoriale a toujours refusé de remettre en cause l'objectif de neutralité foncière en 2050. Pas un seul amendement n'a été déposé en ce sens. Mais le ZAN ne peut signifier zéro avenir net.

MM. Vincent Louault et Cédric Chevalier.  - Bravo !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Le maintien de la comptabilisation en Enaf sera source de simplification. Tous les porteurs de projets le disent : le manque de foncier est une des causes majeures de notre défaut d'attractivité.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Tout à fait !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Veillons à ne pas désavantager les territoires ruraux, souvent vertueux par le passé. C'est le sens de la garantie communale, qui matérialise le droit au projet. Cette mesure est bienvenue, comme la levée de la contrainte sur les bâtiments agricoles, conformément aux dispositions votées dans la loi d'orientation pour l'agriculture, cher Laurent Duplomb.

Nous remercions le Gouvernement d'avoir engagé la procédure accélérée sur ce texte, ce qui permet d'envisager une adoption définitive avant la fin de la session. Nous sommes en mesure de créer une majorité de projet autour d'un texte structurant. C'est la voie de la responsabilité : soyons toujours plus nombreux à suivre cette trace-là. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

M. Yves Bleunven .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Voici un sujet qui n'en finit pas de cristalliser les tensions parmi les élus : l'usine à gaz du ZAN.

La simplification, objectif auquel tient beaucoup le groupe Union Centriste, est au coeur de cette proposition de loi Trace.

Un aménagement plus économe en foncier est souhaitable, mais nous ne devons pas obérer le développement économique des territoires. Alors que l'industrie est coûteuse en terrains, le foncier économique est le parent pauvre du ZAN. Je salue les exceptions prévues à l'article 4.

Je suis parti d'un constat très breton : nos paysages sont enlaidis par des bâtiments agricoles en ruines, que personne ne souhaite ni reprendre ni renaturer. L'intelligence collective peut permettre d'innover dans l'intérêt de tous. C'est le sens de mon amendement sur le sujet : il permettrait de supprimer ces verrues, tout en octroyant un droit à construire en contrepartie de la renaturation.

Nous avons besoin de trouver des modèles économiques durables pour réduire l'artificialisation tout en développement nos territoires et notre souveraineté.

Soyons aussi attentifs aux spécificités locales. En Bretagne, la plupart des communes rurales sont construites autour d'un centre bourg autour duquel gravitent de petits hameaux anciennement agricoles - qui ne sont pas considérés comme des espaces urbanisées, ce qui interdit d'utiliser les dents creuses. Il est impératif de densifier l'existant.

Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP ; Mme Muriel Jourda applaudit également.)

M. Sébastien Fagnen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Grégory Blanc applaudit également.) À l'automne dernier, trois de nos commissions étaient réunies pour adopter, dans un élan quasi oecuménique, les travaux du groupe de suivi. Je salue l'esprit de dialogue de Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc.

La situation d'aujourd'hui est quelque peu différente : nous oscillons entre déception et inquiétude devant les manques criants de ce texte. De fait, nous n'y retrouvons pas l'exhaustivité des constats ni des recommandations de nos travaux.

M. Ronan Dantec.  - Très juste !

M. Sébastien Fagnen.  - Deux lacunes me paraissent particulièrement dommageables.

D'abord, le besoin urgent d'ingénierie pour les collectivités territoriales. Si les élus souscrivent à l'objectif du ZAN, les priver d'ingénierie revient à leur demander de gravir le Mont-Blanc munis seulement d'une paire de moufles.

Ensuite, la fiscalité, qui est l'indispensable chemin vers un changement de modèle. En l'occultant, nous faisons de la résorption des friches et de la rénovation du bâti vacant une course d'obstacles, alors qu'ils représentent un gisement foncier considérable.

La suppression de l'objectif intermédiaire entraîne une insécurité juridique source de vives inquiétudes. Comment juger du respect de la trajectoire en l'absence de jalon intermédiaire ? Nous risquons d'ouvrir une boîte de Pandore juridique dont les élus seront les premières victimes.

Edgard Pisani disait : « aménager le territoire, c'est prendre conscience de l'espace comme richesse et comme devoir ». Ces richesses s'accompagnent de fragilités, dont la consommation foncière et l'appauvrissement des sols sont symboliques. Notre devoir est de défendre une vision durable, fondée sur la cohésion des villes et des campagnes, la sobriété foncière et une transition écologique audacieuse.

À ce stade, le texte ne répond manifestement pas à cette ambition ; nous espérons que le débat qui s'ouvre ce soir remédiera à ses lacunes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur de nombreuses travées du GEST ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un constat s'impose : si le principe de sobriété foncière fait consensus, la méthode retenue avec le ZAN pose de sérieux problèmes. Je remercie Jean-Baptiste Blanc pour les combats qu'il mène depuis quatre ans sur ce sujet.

Conscient des difficultés, le Sénat a mis en place une mission de suivi qui, durant cinq mois, a mené plus de 70 auditions et une consultation des élus locaux. Le constat est clair : la méthode est jugée rigide, technocratique et déconnectée des réalités locales. Pis : certaines communes pénalisées pour avoir été vertueuses par le passé ont un profond sentiment d'injustice.

La proposition de loi conserve la comptabilisation en Enaf pour éviter un changement de métrique dommageable et supprime l'objectif intermédiaire, sans toutefois changer la période de référence - elle aurait dû être révisée pour mieux prendre en compte les dynamiques. Elle exclut les projets d'envergure nationale ou européenne et renforce la place des élus locaux au sein de la conférence régionale du ZAN.

Ces mesures sont nécessaires pour sortir de l'actuelle logique descendante, mais seront-elles suffisantes ? Il faut aussi préserver les coups partis, c'est-à-dire des projets engagés avant l'instauration du ZAN, et renforcer la représentation départementale dans les conférences régionales.

Plus largement, il convient de mieux prendre en compte la diversité des territoires. Il ne peut y avoir une même règle pour une métropole et un village !

M. le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

M. Jean-Claude Anglars.  - Je m'en tiens donc là. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Cédric Chevalier applaudit également.)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - En 2017, le Président de la République, tout à son bonheur légitime d'avoir balayé une classe politique affaiblie et rejetée, a cru pouvoir gouverner seul, secondé par quelques brillantes élites de la technostructure et des ministres redevables.

Tout cela n'a eu qu'un temps, et le sujet qui nous occupe ce soir en est la parfaite illustration.

La loi Climat et résilience était censée marquer un tournant décisif dans la politique environnementale française. Des transports à l'agriculture en passant par le logement, rien ni personne ne pouvait échapper à une société plus durable et résiliente.

Seulement voilà : on nous a inventé une machine infernale, un monument de planification, un Gosplan à la française. Le tout conçu sans concertation, dans des cénacles ayant la science infuse, tandis que nous, sénateurs, étions des rétrogrades ignorants.

Ce salmigondis de plus de 300 articles impose pourtant des changements profonds dans le quotidien des Français, des entreprises et des collectivités. Au milieu du fatras, on trouve le ZAN. Entendons-nous bien : si la réduction de l'artificialisation des sols est unanimement souhaitée, il s'agit de savoir quel modèle culturel nous voulons.

Eh bien, au Sénat, nous ne voyons pas la France avec les lunettes de la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de la transition écologique et solidaire. Ni celles de l'ineffable Mme Wargon, qui qualifia avec mépris les maisons individuelles de non-sens écologique, économique et social. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC)

Le chaos politique dans lequel nous a plongés cette démarche solitaire et technocratique impose cette évidence : la politique ne s'improvise pas. Bien sûr, l'ancien monde, il est difficile de faire avec ; mais il est impossible de faire sans !

De cet ancien monde, Gérard Collomb - paix à son âme - était une incarnation. Au moment de claquer la porte, il avait mis en garde contre la déconnexion avec les territoires. Monsieur le ministre, vous dont le parcours atteste de l'enracinement dans les territoires de France, tempérez les ardeurs d'une administration devenue folle et laissez Mme Pannier-Runacher à son saut quantique dont on connaît l'issue !

Merci à Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc de leurs efforts pour nous sortir du pétrin et limiter la casse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP et sur de nombreuses travées du groupe UC)

Discussion des articles

Avant l'article 1er

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié ter de Mme Romagny et alii.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Plutôt que de recourir à des faisceaux d'indices de jurisprudence, nous proposons d'inscrire dans la loi une définition claire de l'enveloppe urbaine. Nous proposons une définition générale et consensuelle inspirée des travaux du Cerema : l'enveloppe peut être discontinue - je pense aux hameaux bretons dont a parlé M. Bleunven - et contenir des dents creuses, intègre les surfaces imperméabilisées et inclut une certaine distance autour des bâtiments - par exemple cinquante mètres, mais je suis prête à accepter moins.

M. le président.  - Sous-amendement n°184 de M. Bleunven.

M. Yves Bleunven.  - Ayons soin d'intégrer les hameaux dans la définition de l'enveloppe urbaine.

En effet, les dents creuses au sein des hameaux représentent un potentiel intéressant, dont l'exploitation résoudrait des difficultés locales tout en garantissant une urbanisation encadrée.

Le Conseil d'État a assoupli le critère de densité pour les secteurs urbanisés ; étendons cette règle aux hameaux dès lors qu'ils sont raccordés. Nous offrirons ainsi aux communes un levier essentiel.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Nous avons inscrit dans la loi les critères définissant un espace urbanisé en nous fondant sur la jurisprudence. L'enveloppe urbaine correspond à l'ensemble des espaces construits en continuité, y compris les dents creuses. Étendre l'enveloppe urbaine jusqu'à 50 mètres n'est pas souhaitable. L'intégration des hameaux dans les enveloppes urbaines, non plus : il faut apprécier au cas par cas. Avis défavorable au sous-amendement et à l'amendement.

M. François Rebsamen, ministre.  - La distance de 50 mètres que vous proposez est trop rigide. Mieux vaut plus de souplesse pour s'adapter aux spécificités locales - ce n'est pas le Sénat qui dira le contraire. Certains espaces forestiers méritent d'être conservés, comme les vignes dans les clos urbains de Reims. Avis défavorable à l'amendement n°9 rectifié ter.

Intégrer les hameaux complexifierait la définition en intégrant une ancienne notion de la loi Littoral, supprimée par la loi Élan. Avis défavorable au sous-amendement n°184.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Cette définition est un préalable à nos travaux. Monsieur le ministre, on n'arrachera pas de vignes dans la Marne... (Mme Cécile Cukierman s'en amuse.) Je suis prête à accepter 10 ou 20 mètres plutôt que 50 -  là n'est pas la question. Sans définition de l'enveloppe urbaine, il y a un vide. Résultat : des interprétations différentes selon les préfets et un problème d'équité entre territoires.

Mme Muriel Jourda.  - Je voterai le sous-amendement de mon collègue du Morbihan. Dans notre département, certaines parcelles, pouvant atteindre 800 mètres carrés, ne seront jamais utilisées par l'agriculture. Ce sont non pas les élus locaux, mais les services de l'État qui refusent de les considérer comme constructibles. De ce fait, on construit sur de bonnes terres agricoles autour des bourgs centres. Cette situation est inadmissible : il faut y remédier.

M. Michel Canévet.  - La jurisprudence pose un certain nombre de problèmes : à nous, donc, de légiférer. Comme Muriel Jourda, je voterai l'amendement de M. Bleunven. Les aberrations sont nombreuses dans nos territoires : du fait d'interprétation rigides de vos services, monsieur le ministre, il n'est pas possible de densifier les hameaux. Il faut que le bon sens revienne !

M. Yves Bleunven.  - La spécificité bretonne est réelle : peu de territoires sont aussi diffus. J'ai été maire d'une commune de 5 000 habitants, dans laquelle 45 % de la population habitait à l'extérieur du bourg. Nous parlons de parcelles qui ne reviendront jamais à l'agriculture.

M. Cédric Chevalier.  - Je voterai l'amendement et le sous-amendement, pour clarifier les choses. Actuellement, les élus locaux sont dans le brouillard.

Mme Sonia de La Provôté.  - Oui, il est nécessaire de définir précisément l'enveloppe urbaine, en s'adaptant aux multiples configurations. Quid, par exemple, des communes nouvelles présentant une discontinuité urbaine ?

M. Vincent Louault.  - Dans la vraie vie, quand on fait un PLUi, il est très difficile d'intégrer les hameaux. Il faut qu'ils soient dans le cadastre d'avant 1950 et les services de l'État vous en retirent la moitié de façon déloyale, même lorsqu'il y a un assainissement collectif.

M. Daniel Salmon.  - C'est l'heure des Bretons : j'interviens donc aussi... (Sourires) Dans notre région, un travail exemplaire a été mené et nous sommes parvenus à un équilibre. Les maires me disent : arrêtez de tout changer ! Certains territoires sont allés au bout de la démarche. Il faut respecter leur travail et ne pas tout détricoter.

Le mitage cause des dégâts considérables, avec des réseaux très coûteux à entretenir. Il faut préserver les espaces agricoles et tenir compte de l'état de nos finances publiques.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - J'aime bien la Bretagne, mais je vous parlerai de l'Auvergne... (Sourires) Nous avons aussi de nombreux hameaux. La proposition de loi règle le problème des dents creuses, mais ne donne pas une autorisation d'urbaniser.

M. Laurent Somon.  - Le périmètre à urbaniser (PAU) permet aux services de l'État d'orienter un PLU. On interdit de construire dans les dents creuses, alors que, pour éviter d'artificialiser des terres agricoles, il faudrait densifier !

Au reste, il faut s'en tenir à des termes officiellement reconnus plutôt que d'utiliser des notions comme « dent creuse », qui n'existent dans aucun code. (M. Vincent Louault renchérit.)

M. Philippe Grosvalet.  - L'avantage de la Loire-Atlantique, c'est que nous ne savons pas bien si nous sommes bretons ou non... (Sourires) En réalité, ce problème n'est pas spécifique à la Bretagne. La difficulté vient de la pression démographique : ces hameaux, comme envahis par de mauvaises herbes, sont devenus des zones pavillonnaires avec quelques belles pierres au milieu. C'est bien la démonstration qu'il faut réglementer les choses.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement a un sens. Notre rôle de législateur est de poser des règles ; sinon, c'est la loi de la jungle.

Ce qui fait débat depuis l'instauration du ZAN, c'est que les communes qui ont anticipé sont désavantagées.

Deuxième difficulté, l'interprétation. La région Auvergne-Rhône-Alpes compte douze départements : dans un tel ensemble, les différences d'interprétation sont amplifiées.

Je rejoins Daniel Salmon : les élus ne veulent pas de changement en permanence. Cinquante mètres, vingt, dix : nous n'allons pas lancer des enchères ce soir. Nous n'avons pas de définition commune, voilà le problème de départ.

M. Simon Uzenat.  - Nous partageons le constat sur les dents creuses - la Bretagne n'est pas la seule région concernée. Construire dans ces espaces peut permettre d'accueillir de nouvelles familles tout en limitant la consommation foncière. Le bon sens doit l'emporter. Mais l'amendement risque de favoriser le mitage. Monsieur le ministre, l'État doit envoyer des consignes claires. Actuellement, selon les territoires, les consignes ne sont pas les mêmes : il faut unifier les réponses, qui relèvent du domaine réglementaire.

M. Ronan Dantec.  - Je participe au débat en tant que Breton de Loire-Atlantique assumé... (Sourires) Nous avons un débat étrange, lié aux fantaisies de l'article 1er. En rester aux Enaf est plus simple, mais l'article 1er introduit la notion d'enveloppes urbaines - au pluriel sur un même territoire. Comment ça marche ? J'ai eu beau relire plusieurs fois, je n'ai pas compris... Je propose que nous supprimions toute référence à cette notion pour ne viser que les Enaf.

Mme Amel Gacquerre, rapporteure.  - Je comprends parfaitement la volonté de préciser cette notion d'enveloppe urbaine, source d'interrogations. Mais cette proposition de loi vise à simplifier, non à ajouter des notions.

En outre, prenons garde aux effets de bord. J'ignore les conséquences que pourrait avoir l'adoption de cet amendement.

Cette proposition de loi ne porte pas sur les règles d'urbanisme : ne nous trompons pas de débat.

Mme Céline Brulin.  - L'amendement et le sous-amendement tentent de définir l'enveloppe urbaine. Je trouve la distance de 50 mètres beaucoup trop importante. En revanche, je souscris à la nécessité d'une définition, qui ne détermine en rien ce que sera la politique d'aménagement du territoire ; c'est simplement une base sur laquelle les documents d'urbanisme pourront se fonder.

M. François Rebsamen, ministre.  - La Côte-d'Or, qui compte plus de 700 communes, comprend aussi de nombreux hameaux... Nous n'allons pas réécrire le code de l'urbanisme ce soir : ce n'est pas l'objet de ce texte. Restons clair en maintenant la notion de consommation d'Enaf.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Ne confondons pas étalement urbain en forme d'étoile et utilisation des dents creuses. Je déconseille aux maires de développer leur hameau en étoile, parce que les services de l'État le refuseront, mais aussi parce que cela entraînerait des dépenses élevées, par exemple en matière d'incendie ou d'éclairage public.

La ministre Pompili disait : en ville, il faut reverdir les dents creuses. Mais, dans les zones rurales, il est interdit de densifier les dents creuses. Laissons faire les élus locaux avec les PLUi et les Scot !

Le sous-amendement n°184 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°9 rectifié ter.

Article 1er

M. Yannick Jadot .  - Imaginons que, la semaine prochaine, le Gouvernement présente un projet de loi de finances rectificative en promettant l'équilibre budgétaire dans vingt-cinq ans tout en supprimant l'objectif intermédiaire de 3 %. Vous seriez les premiers à hurler à l'irresponsabilité... Qu'est-ce qu'une politique se fixant des objectifs à vingt-cinq ans sans objectif intermédiaire ? Le vide absolu !

S'il y a consensus sur l'objectif de zéro artificialisation nette, c'est qu'il ne veut plus rien dire. En fait, votre objectif est d'abroger ce dispositif et de revenir à la situation antérieure à 2021.

Oui, notre responsabilité est de fixer des objectifs intermédiaires, et des objectifs sérieux !

M. Laurent Duplomb .  - Monsieur Dantec, le ZAN, pour la protection des terres agricoles est un leurre - et va même devenir un danger. Si vous trouvez comme alliés les Jeunes Agriculteurs, c'est qu'ils n'ont pas compris. (On ironise sur les travées du GEST.) Je m'en suis expliqué avec le président des Jeunes Agriculteurs, que vous n'avez pas nommé. Il m'a dit : comme tu me l'expliques, je comprends. (Même mouvement) Aucun agriculteur ne pourra agrandir son bâtiment : il faudra apporter la preuve qu'on a déconstruit pour pouvoir construire !

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Laurent Duplomb.  - Vous dites être les défenseurs du revenu des agriculteurs... (« Oui ! » sur les travées du GEST) Les vôtres ne construisent sans doute pas de bâtiments ! Ceux que je défends, si. Financièrement, ils n'y arriveront pas. C'est pourquoi nous avions décompté les bâtiments agricoles dans la loi d'orientation agricole.

Je suis d'accord avec M. Jadot : j'étais pour l'abrogation du ZAN.

M. Yannick Jadot.  - Voilà ! C'est clair !

M. Laurent Duplomb.  - Dès lors qu'il faudra déconstruire pour reconstruire, sans règle qui protège les territoires ruraux par rapport aux territoires urbains, les agriculteurs seront les premiers visés : on déconstruira leurs bâtiments pour exporter ce droit à construire dans les villes. Ce sera ruralicide ! (M. Yannick Jadot s'exclame.)

M. Vincent Louault.  - Bravo !

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Dès l'article 1er, on parle de clarification - et ça coince.

La consommation, pour quel usage ? S'il s'agit d'urbanisation, on compense ; s'il s'agit de développement industriel, il y a les 10 000 hectares supplémentaires. Mais si un EPCI rural veut faire une petite zone artisanale, devra-t-il récupérer un hectare par commune, au titre de l'article 6 ? Bon courage à lui ! Devra-t-il compenser ? Ou plaider sa cause à la conférence régionale ?

Un décret signé l'an dernier par M. Béchu traite des Pene ; il évite ainsi que les zones d'habitat initiées avant 2018 ne soient décomptées. Mais dans ce document, il y a huit pages de projets en cours, dont des projets industriels. Ni permis de construire, ni décret d'application - on ne sait rien. Ces projets seront-ils inclus dans les 10 000 hectares ?

M. Grégory Blanc .  - Je crois à la volonté de Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier d'atteindre l'objectif, mais je ne comprends absolument pas ce texte.

La mission d'information sur le financement du ZAN n'a toujours pas rendu ses conclusions. La mission de suivi, elle, a pointé la défaillance de l'État - décrets non parus, absence d'accompagnement des communes, manque d'outils. Cette proposition de loi corrige-t-elle ce problème ? À l'exception des articles 1 et 6, elle ne fait que revoir et assouplir les objectifs.

Le vrai problème, c'est de pousser l'État à nous donner les moyens.

Je regrette une telle distorsion entre les objectifs annoncés de la proposition de loi et son contenu réel, à rebours de l'histoire.

M. Jean-Baptiste Blanc .  - Je remercie mon homonyme Blanc d'avoir recentré le débat. Monsieur Jadot, vous avez parlé de l'article 2 - sur lequel j'aurai des arguments précis à vous opposer.

Certains pensent qu'il faut planifier ; d'autres, dont nous sommes, qu'il faut contractualiser. Mais pas de contrat qui vaille sans rendez-vous ni financement. Une mission est en cours pour le financement du ZAN. Le ministre a accepté de nous aider à le chiffrer. Peut-être aurions-nous dû prévoir des mesures financières, mais nous avons fait le choix d'un texte court...

M. Ronan Dantec.  - Nous aurons une loi ZAN 4 ?

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Bercy nous aidera sur le chiffrage, nous affinerons nos propositions.

Je répondrai à M. Jadot à l'article 2.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - La proposition de loi de Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc ne tombe pas du ciel. Depuis quatre ans, on a auditionné tout le monde. (M. Jean-Pierre Corbisez le confirme.) Ils se sont inspirés de ces auditions pour tracer une trajectoire pour atteindre 0 % en 2050. Tout le monde était d'accord sur l'objectif.

M. Yannick Jadot.  - Non !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Si ! J'ai assisté aux auditions, vous n'y étiez pas.

Monsieur Jadot, avez-vous été écouter les élus sur le terrain ? Les maires qui vous ont parlé du ZAN étaient-ils contents ?

M. Yannick Jadot.  - Beaucoup ont fait le boulot !

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Cette proposition de loi s'inspire de leurs attentes. On ne fera pas une loi ZAN 5, ce serait ridicule. (On se récrie sur les travées du GEST.)

Les élus attendent cette réforme - pas à Paris, sans doute, mais tous ceux qui ont à gérer des demandes d'urbanisme. Allez leur expliquer qu'il faut répondre à l'administré qui a gardé un bout de terrain à construire pour son fils : c'est terminé, tu n'en as plus !

Mme Ghislaine Senée.  - Tous ceux qui ont porté un PLU y ont été confrontés.

M. Laurent Somon .  - Ne caricaturons pas le débat en comparant des choux et des carottes. Comparer le déficit budgétaire et la loi ZAN, ce n'est pas sérieux, monsieur Jadot.

Faut-il un jalon intermédiaire ? Pas forcément. Une preuve en chiffres : entre 2011 et 2022, selon le Cerema, la consommation est passée de 31 000 à 20 000 hectares.

M. Yannick Jadot.  - Elle ne baisse plus ! (M. Ronan Dantec renchérit.)

M. Laurent Somon.  - Cessez de vociférer. Ce que vous voulez imposer par la contrainte, nous voulons l'obtenir par la confiance et la contractualisation.

M. Ronan Dantec .  - Il faut objectiver le débat. Depuis le mitan des années 2010, la consommation foncière ne baisse pas. La main sur le coeur, les élus promettent la sobriété, mais, bon an mal an, on artificialise 20 000 à 25 000 hectares.

Laurent Duplomb n'a pas réussi à convaincre Arnaud Rousseau - qui construit pourtant de gros bâtiments ! Il considère que vous faites une erreur. La fédération nationale des Safer, tenue par des adhérents de la FNSEA, a étrillé votre loi. Voilà la réalité ! Le monde agricole est contre.

Nous ne connaîtrions pas les élus locaux ? Allons !

Les élus du Pays de Redon ont subi les inondations, mais ils nous ont dit : vous n'allez quand même pas revenir sur le ZAN ! Même le maire du Pouliguen, Norbert Samama - vu le prix au mètre carré, ce n'est pas un maire LFI ! - dit la même chose.

Ils ont intégré le ZAN et attendent que la loi ZAN 3 les aide à atteindre l'objectif.

M. Guislain Cambier .  - Tout le monde a pu s'exprimer en discussion générale. Nous devons livrer un texte pragmatique et utile pour les élus locaux, qu'ils souhaitent artificialiser ou non, et permettre aux habitants d'avoir des documents d'urbanisme qui soient clairs à long terme.

J'entends des propos caricaturaux, assortis de chiffres invérifiables.

À l'article 1er, la question est : sommes-nous d'accord pour conserver le compteur d'Enaf ? C'est tout !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

M. Cédric Chevalier.  - Pour faire en ce moment un PLUH et un Scot avec 153 communes dont la plupart de moins de 100 habitants, je remarque que la plupart des maires ont intégré la notion de sobriété foncière - et ce depuis l'époque où l'on a « grenellisé » les PLU.

Le problème, c'est le flou artistique sur les règles. Certains maires disent : je ne consommerai pas, d'autres se demandent comment consommer. Ils veulent des règles qui les rassurent.

Ce texte clarifie les choses, car la loi n'est pas claire.

M. le président.  - Amendement n°11 de M. Pla.

M. Sebastien Pla.  - Je souhaite rétablir la définition de l'artificialisation de l'article 92 de la loi Climat et résilience, en précisant qu'un sol a différentes fonctions. La lutte contre l'artificialisation des sols résulte d'un équilibre entre nécessaire renouvellement urbain, objectif de sobriété et préservation des paysages et des fonctions productives des sols. Les trames vertes et bleues contribuent à la résilience des paysages, et profitent aussi à l'agriculture. Ce sont de puissants puits de carbone. Ne faisons pas de la désartificialisation un totem, mais encourageons la renaturation.

M. le président.  - Amendement n°72 de M. Dantec et alii.

M. Ronan Dantec.  - Il y a ce que les rapporteurs et les auteurs nous disent du texte, et ce qu'il contient en réalité.

On veut simplifier les Enaf, très bien. Mais voilà que l'alinéa 5 ajoute que « n'est plus considérée comme consommation d'Enaf la création ou l'extension effective d'espace urbanisé en bordure de l'enveloppe urbaine » - et la commune peut avoir plusieurs enveloppes urbaines ! Cela devient psychédélique ! Comment prétendre simplifier avec une telle rédaction, qui plongera les maires dans un gouffre d'incertitudes.

Cette loi est un pur détricotage du ZAN, assumez-le ! Supprimons déjà les alinéas 4, 5 et 6.

M. le président.  - Amendement identique n°174 de M. Uzenat et du groupe SER.

M. Simon Uzenat.  - Sur la définition de l'espace urbanisé, c'est le flou intégral.

Les défenseurs de ce texte parlent de clarification - avec ces alinéas, c'est tout l'inverse, sans parler des coûts supplémentaires. Les élus attendent de la clarté et de la sécurité juridique.

En Bretagne, le travail a été très largement engagé. Les élus ne veulent pas avoir à défaire ce qui a été fait ! Ils ont investi, pris des engagements, une dynamique est lancée.

Soyons clairs, simples et efficaces, supprimons ces alinéas.

M. le président.  - Amendement n°136 rectifié du Gouvernement.

M. François Rebsamen, ministre.  - Je vous propose une définition souple mais sécurisante de l'espace urbanisé, consolidée dans les principes généraux du code de l'urbanisme. Elle doit être fondée sur un faisceau d'indices et permettre une appréciation à une échelle très fine, dans la maille de la subdivision fiscale, infra-parcellaire, pour faciliter l'appropriation.

La définition proposée par la commission est trop rigide, trop proche de la notion de secteur déjà urbanisé, propre à la loi Littoral.

Mieux vaut densifier au sein de l'enveloppe urbaine et éviter l'étalement urbain, mais pas sans condition sur la nature des dents creuses, qui s'apprécie au cas par cas.

Enfin, je ne peux pas soutenir la disparition complète de la notion d'artificialisation, qui s'appuie sur les fonctions des sols. Il faut la maintenir pour l'étude d'impact, et pour permettre un travail qualitatif sur le potentiel agroéconomique ou écologique.

Sécurisons, sans rigidifier.

M. le président.  - Amendement n°94 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Yves Bleunven.  - La notion de secteur déjà urbanisé est source d'insécurité juridique. Nous proposons donc qu'elle s'apprécie par rapport à l'existant : des constructions dans un périmètre constaté et reconnu, qui ne peut s'étendre, mais au sein duquel on peut densifier ou renaturer. Notre pays est fait d'aménagements multiples et diversifiés.

M. le président.  - Amendement n°185 de M. Jean-Marc Boyer et Mme Gacquerre, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°157 rectifié de M. Bleunven et alii.

M. Yves Bleunven.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°163 de M. Redon-Sarrazy et du groupe SER.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - L'extension en bordure d'enveloppe urbaine, c'est forcément une consommation d'Enaf. L'apprécier à l'échelle de la parcelle cadastrale revient à considérer que l'urbanisation en périphérie de l'enveloppe ne serait pas comptabilisée au titre de la consommation d'Enaf, ce qui n'a pas de sens. Notre amendement revient sur ces deux points.

M. le président.  - Amendement n°56 rectifié bis de M. Arnaud et alii.

M. Bernard Pillefer.  - Cet amendement exclut de la consommation d'Enaf dans les dents creuses, définies comme « espaces interstitiels non construits entourés de parcelles bâties ».

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié quater de Mme Romagny et alii.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Il s'agit d'atténuer le coefficient d'artificialisation des espaces perméables proches des nouveaux bâtiments tels que les jardins, en appliquant un coefficient de 0,5 pour l'artificialisation d'un jardin et de 1 pour une cour ou un bâtiment.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°11 : la comptabilisation en consommation d'Enaf est consensuelle.

Les amendements identiques nos72 et 174 suppriment la définition de la notion d'espace urbanisé et excluent les dents creuses de la consommation d'Enaf : avis défavorable.

L'amendement n°136 du Gouvernement redéfinit les espaces urbanisés, ne mentionne plus les dents creuses, ne rétablit pas la notion d'artificialisation : avis défavorable.

Il faut conserver les critères inscrits dans la loi : avis défavorable à l'amendement n°94 rectifié bis, qui ne clarifie pas l'urbanisation existante.

Il est plus avantageux de construire sur des parcelles vides en bordure de l'enveloppe urbaine plutôt qu'en extension ou en faisant du mitage. Cela favorisera la densification. L'amendement n°163 semble contreproductif. Avis défavorable.

L'amendement n°56 rectifié bis est satisfait par la rédaction actuelle : retrait.

Même argument que tout à l'heure sur l'amendement n°157 rectifié : avis défavorable.

La notion de consommation d'Enaf est binaire ; un coefficientage, comme le propose l'amendement n° 8 rectifié quater, n'irait pas dans le sens de la simplification. Comment comptabiliser une parcelle composée d'un pavillon et d'un jardin ? On risque de crisper les élus. Avis défavorable.

M. François Rebsamen, ministre.  - Je souhaite réintroduire la notion de la qualité des sols dans les principes généraux du code de l'urbanisme, mais la réintégration proposée à l'amendement n°11 se fait aux dépens de la définition de la consommation d'Enaf, qui est l'étalon en matière de sobriété. Demande de retrait, au profit de l'amendement n°136 rectifié du Gouvernement.

Sur les amendements identiques nos72 et 174, je partage l'objectif d'une définition souple, appropriable par les collectivités, fondée sur un faisceau d'indices. C'est l'objet de l'amendement du Gouvernement : demande de retrait à son profit, sinon avis défavorable.

Sur l'amendement n°94 rectifié bis, je souhaite faciliter l'appropriation par tous de ce qu'est la consommation d'Enaf : chaque territoire doit pouvoir s'appuyer sur un faisceau d'indices tenant compte des caractéristiques du territoire - type d'urbanisation, continuité, densité des constructions, voies de circulation ou réseaux. Votre amendement fusionne la notion d'espace urbanisé avec celle de secteur déjà urbanisé, propre à la loi Littoral. Ce serait source de confusion, et remettrait en cause les règles en matière de protection du littoral. Avis défavorable.

Sagesse sur l'amendement rédactionnel n°185.

L'amendement n°157 rectifié intègre la notion de hameau - ce qui complexifie inutilement la définition. En pratique, votre demande est satisfaite par la rédaction de la commission qui définit la consommation d'Enaf comme la création ou l'extension d'espaces urbanisés. Avis défavorable.

Le texte de la commission incite à l'étalement urbain, en excluant de la consommation d'Enaf les bordures de l'enveloppe urbaine : c'est contraire à l'esprit de sobriété foncière. Les outils de mesure de la consommation des espaces naturels créés par le Cerema sont à une maille infraparcellaire : avis favorable à l'amendement n°163.

Je souscris à l'objectif de l'amendement n°56 rectifié bis qui exclut les dents creuses, dans un souci de densification. Néanmoins, tous les espaces interstitiels ne se valent pas. L'espace ainsi consommé pourrait avoir un rôle écologique ou agronomique - à l'instar des vignes dans les clos urbains à Reims. Les acteurs locaux peuvent déjà construire dans les dents creuses. Retrait ou avis défavorable.

Je comprends l'intention de l'amendement n°8 rectifié quater, mais il faut conserver une appréciation souple de la consommation d'Enaf, qui permette aux élus locaux de répondre au plus près des besoins. Introduire des coefficients n'est pas facteur de souplesse : retrait, sinon avis défavorable.

Mme Anne-Sophie Romagny.  - Je suis prête à retirer mon amendement, si vous vous engagez à réfléchir à la question de la pondération. L'Allemagne a déjà adopté cette méthode. On ne peut pas considérer toutes les parcelles de la même manière.

M. Ronan Dantec.  - Je ne reconnais pas Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier dans ce texte ! Le rapporteur a dit : les Enaf, c'est binaire, soit on consomme de l'espace, soit on n'en consomme pas. Vous nous dites que les élus locaux sont pleins de bon sens : ils devraient donc logiquement choisir les terrains déjà enchâssés dans la trame urbaine, déjà desservis... Mais vous en doutez manifestement, puisque vous croyez nécessaire de les y inciter en excluant les dents creuses de la consommation des Enaf. C'est contradictoire. Il faut supprimer l'alinéa 5.

L'amendement n°157 rectifié est retiré.

M. Simon Uzenat.  - Monsieur le ministre, je n'ai pas très bien compris votre position. Vous avez dit que ce texte ne portait pas sur le code de l'urbanisme, or nous en avons beaucoup parlé...

Votre amendement n°136 rectifié n'est pas de nature à sécuriser les élus. Souvent, en fonction des territoires, les services de l'État donnent des interprétations contradictoires. En parlant de faisceau d'indices, vous redonnez le pouvoir aux administrations déconcentrées, non aux élus locaux. Votre amendement pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses.

L'amendement n°11 est retiré, de même que l'amendement n°56 rectifié bis.

M. François Rebsamen, ministre.  - Madame Romagny, je suis prêt à travailler lors de la navette si vous retirez votre amendement.

L'amendement n°8 rectifié quater est retiré.

Les amendements identiques nos72 et 174 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements nos136 rectifié et 94 rectifié bis.

L'amendement n°185 est adopté.

L'amendement n°163 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié de. M. Gold et alii.

M. Philippe Grosvalet.  - Nous voulons adopter une approche moins binaire que le décret de 2022, qui établit une dichotomie stricte entre les zones artificialisées et les zones non artificialisées. Nous proposons une nomenclature plus adaptée, fondée sur un gradient tenant compte du potentiel de renaturation des sols construits, ce qui permettrait une gestion plus fine des sols à l'échelle de chaque territoire.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - Dès lors que nous maintenons la comptabilisation en Enaf, la nomenclature n'a plus de sens. C'est justement pour y échapper que nous voulons revenir aux Enaf. Avis défavorable.

M. François Rebsamen, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°126 rectifié de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Céline Brulin.  - Cet amendement, issu d'une alerte de la Fédération des Scot, vise à éviter les doublons. Le code de l'urbanisme prévoit un suivi de la consommation foncière, qui doit être intégré au Scot. Inutile de le doubler avec celui de l'artificialisation prévu par la loi Climat et résilience. Nous proposons donc de comptabiliser en même temps consommation foncière et artificialisation. Simplifions !

M. le président.  - Amendement identique n°166 de M. Redon-Sarrazy et du groupe SER.

M. Christian Redon-Sarrazy.  - Depuis la loi Climat et résilience, c'est le bilan de la consommation 2011-2021 qui prime pour définir les objectifs, indépendamment de la date d'arrêt d'un Scot. Simplifions ce double décompte foncier.

M. Jean-Marc Boyer, rapporteur.  - L'objectif de simplification est compréhensible et même attrayant. Mais il ne s'agit pas d'une double comptabilisation : il y a une évaluation sur la période 2011-2021 une bonne fois pour toutes. Pour élaborer le Scot, il faut évaluer les espaces consommés au cours des dix années précédentes. Un Scot modifié l'an prochain a bien besoin de savoir où il en est de sa consommation.

Le bilan prévu au code de l'urbanisme est plus fin. Avis défavorable.

M. François Rebsamen, ministre.  - Vous proposez de simplifier le bilan de consommation des Enaf dans les Scot. En l'état actuel du droit, deux périodes s'imposent : les dix dernières années précédant l'arrêt d'un Scot et la période 2011-2021.

Je partage l'objectif. Je suis favorable à ces amendements et je proposerai d'élargir ces dispositions aux PLU et aux PLUi lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.

Les amendements identiques nos126 rectifié et 166 ne sont pas adoptés.