Questions d'actualité (Suite)
Financement de l'effort de guerre (I)
Mme Mélanie Vogel . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Notre devoir, depuis le 24 février 2022, est de rendre certain l'échec de l'agression russe en Ukraine. Depuis que les Américains ont élu un impérialiste autoritaire totalement erratique, aux mains d'un autocrate impérialiste froidement calculateur, notre devoir d'Européens est d'assurer notre sécurité et de défendre nos valeurs.
Les nécessaires investissements dans la défense se feront, nous dit-on, sans taxer les riches, c'est-à-dire sur le dos du climat, des services publics, du vélo, et même des retraites. C'est terriblement dangereux et complètement idiot.
L'année dernière, l'Europe a donné 19 milliards d'euros à l'Ukraine, mais elle en a aussi donné 22 à la Russie en échange de ses énergies fossiles. La France est le premier importateur de gaz naturel liquéfié (GNL) russe. Notre inaction climatique finance directement l'agression poutinienne contre nous !
La transition énergétique fait partie intégrante de notre arsenal pour battre Poutine. Il en va de même de la justice sociale : les avoirs russes se montent à 210 milliards d'euros en Europe, et une taxe Zucman sur les 1 800 ultrariches rapporterait 20 milliards d'impôts ! Allez-vous demander aux Français de payer des chars avec leurs services publics et leurs retraites, alors que les ultrariches s'achètent des yachts avec les impôts qu'ils ne payent pas ? En faisant cela, vous minerez l'indispensable soutien citoyen à l'effort de guerre et jetterez les électeurs dans les bras de ceux qui préfèrent se soumettre à Poutine.
Avez-vous vraiment plus peur de taxer les riches que de laisser Poutine gagner ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Nous sommes, Français et Européens, derrière l'Ukraine depuis trois ans, et le soutien américain a repris, si j'ai bien compris. Ce soutien devra durer jusqu'au rétablissement d'une paix durable.
Une nouvelle phase s'ouvre pour assurer la défense de l'Union européenne et de la France, avec la participation de tous et toutes. Le Premier ministre et moi-même allons veiller à financer un effort accru en faisant participer l'ensemble des Français, dans le respect de notre modèle social et de la transformation écologique (M. Yannick Jadot ironise), qui demeure une priorité. L'effort de paix prend une place plus importante, hélas, mais la dureté des temps le requiert.
Nous travaillons avec les autres pays européens pour préciser cet effort, qui doit aussi permettre de consolider notre industrie, avec le rapatriement des filières industrielles en France et en Europe, afin de renforcer notre indépendance.
M. Yannick Jadot. - Et le GNL russe ?
Financement de l'effort de guerre (II)
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sous nos yeux, l'ordonnancement du monde est bouleversé et notre sécurité remise en question. Dans ce contexte inédit, il nous faut plus que jamais s'adapter et prendre des décisions fermes et fortes.
Le Président de la République et le Gouvernement ont fixé un nouvel objectif, que je partage, de hausse de notre effort militaire au-delà de la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM).
Cet effort pèsera sur le budget de l'État. Il nécessitera un financement spécifique de nos entreprises pour adapter leurs capacités de production. Le tout sans augmentation d'impôts, sans toucher à nos dépenses sociales, sans accroître notre dette.
Alors, quelles seront les sources de financement ? À quelle hauteur ?
Le Parlement débattra-t-il bientôt de ces questions ? Un projet de loi de finances rectificative (PLFR) sera-t-il déposé d'ici à l'été ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - Ce défi majeur, nous l'abordons d'abord au niveau européen : le Conseil des ministres de l'économie était consacré à l'investissement futur dans une industrie de défense européenne ; puis au niveau national.
Vous connaissez mieux que quiconque la trajectoire de nos finances publiques. (M. Jean-François Husson mime une montagne en formation.) En 2024, le déficit budgétaire était de 6 %. Nous voulons descendre à 5,4 % cette année, et nous nous sommes engagés à atteindre 3 % en 2029. C'est un effort de 40 milliards d'euros par an, entre dépenses et recettes. Il faudra l'accroître, dès cette année sans doute, pour financer l'effort de défense.
Cela suppose un changement de nos trajectoires, de nos habitudes. Avec Amélie de Montchalin, nous nous engageons à dialoguer avec vous chaque mois pour définir, de façon collégiale et transparente, cet effort national. Il faut inverser notre trajectoire. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. André Reichardt s'exclame.)
M. Jean-François Husson. - Je crains, au regard de la gravité de la situation internationale, qu'il faille à nouveau changer de braquet. Un débat au Parlement s'impose. Il faut fixer la trajectoire - sans bis repetita des augmentations de fiscalité presse-bouton, sur lesquelles vous vous êtes engagé à ne pas revenir.
Pas de dette, pas d'impôt, pas de remise en cause des dépenses sociales, c'est intenable ! Nous devons la vérité aux Français. Nous devons avoir du courage pour réformer. En cela, je soutiens la position du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Enseignement scolaire à Wallis-et-Futuna
M. Mikaele Kulimoetoke . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) C'est la deuxième fois que j'interviens sur l'enseignement primaire à Wallis-et-Futuna. Je remercie l'État d'avoir enfin pris l'engagement, cinquante-cinq ans après, d'intégrer le personnel enseignant et non enseignant dans la fonction publique d'État. C'est conforme aux dispositions de la loi de 1961 qui a accordé à Wallis-et-Futuna le statut de territoire français d'outre-mer et institué l'école publique, tout en garantissant le respect de nos spécificités locales.
Le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) a été rendu ; le préfet et la vice-rectrice ont réuni les élus, les représentants des chefferies coutumières, la mission catholique, les syndicats, les parents d'élèves. Un consensus a été trouvé. La réunion interministérielle définitive s'est tenue le 7 mars dernier.
Quel véhicule législatif allez-vous utiliser pour rendre à l'État sa compétence et garantir le statut de l'enseignement primaire à Wallis et Futuna, avant l'été 2025 ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Nous avons pris ce dossier à bras-le-corps depuis mon arrivée. Oui, l'État va tenir sa parole. Le protocole signé en juillet 2023 est fondamental. L'évolution du statut des enseignants doit permettre d'assurer l'égalité territoriale.
M. Jacques Grosperrin. - Il y a aussi la métropole !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Cela doit aussi être un levier pour la réussite des élèves. Une mission interministérielle a rendu ses conclusions, qui prévoient des mesures législatives et réglementaires. Nous privilégions un projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnance, qui va être transmis au Conseil d'État, pour un examen la semaine du 12 mai à l'Assemblée nationale et du 2 juin au Sénat.
Nous devions être prêts pour la rentrée du 17 février ; une mesure compensatoire sera donc mise en place pour qu'aucun enseignant ne soit lésé par ce retard.
Il doit s'agir d'une réforme au bénéfice des élèves wallisiens. Notre ambition éducative doit bénéficier à tous les élèves de France. Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation lors de l'examen au Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Simplification des normes
M. Marc Laménie . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Pour les jeux Olympiques, pour la reconstruction de Notre-Dame ou pour Mayotte, le Gouvernement a présenté des textes d'exception pour s'autoriser lui-même déroger aux lourdeurs administratives imposées aux citoyens, aux acteurs économiques.
Une autre solution serait d'alléger cette lourdeur administrative pour tout le monde en réduisant drastiquement les normes.
Le président Rietmann nous alertait déjà en 2023. Le maire de Charleville-Mézières, Boris Ravignon, a rédigé deux rapports de grande qualité sur la simplification.
Pas moins de 50 % d'entreprises qui auraient pu bénéficier d'aides publiques disent avoir renoncé devant la complexité.
Le coût macroéconomique de la réglementation pesant sur les entreprises est estimé à 3 % du PIB, soit 60 milliards d'euros par an - plus que le budget de la défense !
Quel est le programme de travail en matière de simplification administrative ? D'autres projets de loi de simplification seront-ils présentés, en sus de celui que nous avons adopté au Sénat en avril et qui sera prochainement examiné à l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification . - Nous ne nous arrêterons pas au projet de loi de simplification qui sera examiné à l'Assemblée nationale à la fin du mois. Le Premier ministre l'a dit dans sa déclaration de politique générale : en tant que haut-commissaire au Plan, il a mesuré le poids des normes, parfois mal fagotées, qui compliquent le rapport entre les citoyens et les administrations.
Je ferai prochainement des propositions qui viendront s'ajouter au projet de loi de simplification adopté au Sénat l'année dernière. Nous devons changer de méthode, inverser la charge, voir ce que l'administration peut faire à la place de nos concitoyens.
Je compte m'appuyer sur les bonnes volontés au Parlement. Sans partir dans un concours Lépine, le Gouvernement est prêt à travailler à l'Assemblée nationale et au Sénat sur des textes courts, précis, de nature à régler les problèmes concrets rencontrés par les entreprises, les collectivités, le monde associatif. Il y a beaucoup à faire.
Le Gouvernement agira avec l'ensemble des ministres concernés pour prendre le chemin de la simplification - préoccupation majeure de nos concitoyens. Nous avons besoin des parlementaires pour nous accompagner. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. Marc Laménie. - Nous soutiendrons cet effort. Depuis 2022, les codes du travail, du commerce, de l'environnement et de la consommation ont vu leur volume enfler de 2,5 à 3,5 %. Il est urgent d'agir. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Jocelyne Antoine applaudit également.)
Syrie (I)
Mme Valérie Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dès 2011, lors du printemps arabe, un slogan aux relents génocidaires était prononcé par les Frères musulmans : « l'alaouite au tombeau, le chrétien à Beyrouth ».
Malheureusement, encore une fois, l'histoire bégaie : que ce soient les chrétiens et yézidis massacrés en Irak et en Syrie par Daech, les Kurdes par la Turquie, les juifs par le Hamas, les Arméniens d'Artsakh par l'Azerbaïdjan, les Européens par le totalitarisme islamique au travers de vagues d'attentats, et désormais encore les minorités en Syrie.
Le massacre ces derniers jours de milliers de civils chrétiens et alaouites contredit les promesses de Jolani, qui prétendait en décembre que tous les Syriens étaient frères. Djihadiste relooké par le media-trainer turco-qatari, comme l'a dit Gilles Kepel, il n'était plus considéré comme un sanguinaire mais un combattant de la liberté, puisqu'il portait une cravate. (M. Yannick Jadot proteste.) Pourtant, ce loup islamiste déguisé en agneau démocrate a refusé de serrer la main de la ministre allemande des affaires étrangères.
Dès 2014, j'avais alerté, avec François Fillon, sur la disparition des populations autochtones, devenues minoritaires, victimes de crimes contre l'humanité et de génocide depuis 1915. (Murmures sur certaines travées à gauche)
M. Yannick Jadot. - Bachar, c'était mieux ?
Mme Valérie Boyer. - Comme en Irak et en Artsakh, la France assiste impuissante à une épuration ethnique revendiquée par les Frères musulmans. Ne laissons pas notre pays faillir à son devoir historique et moral de protection des minorités.
Alors que l'Union européenne s'est précipitée pour rencontrer Jolani, que compte faire la France pour que l'Europe parle d'une même voix et pour protéger les minorités menacées d'extinction ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. François Patriat et Franck Menonville applaudissent également ; M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux . - Je vous prie d'excuser le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en partance pour le G7 au Canada.
Nous avons tous été choqués par les images insoutenables de Syrie. Nous condamnons ces crimes inacceptables avec la plus grande fermeté : tous les coupables devront être jugés et punis.
Nous n'avons jamais eu ni naïveté ni complaisance envers le nouveau pouvoir syrien. Nous avons exprimé à M. Chibani, ministre syrien des affaires étrangères et des expatriés par intérim, notre indignation collective et notre exigence de protection de toutes les populations.
Nous condamnons aussi les tentatives de déstabilisation de la Syrie par des groupes proches du régime d'Assad, peut-être appuyés par des ingérences étrangères. Nous prenons note de l'annonce d'une commission d'enquête et d'un comité de préservation de la paix civile. (Mme Cécile Cukierman proteste.)
Toutes les composantes du pluralisme syrien doivent être traitées à égalité dans la nouvelle Syrie. L'accord entre les nouvelles autorités syriennes et les Kurdes des Forces démocratiques syriennes est de bon augure. La communauté internationale a exprimé ses attentes, qui ont été entendues par les autorités syriennes.
La France ne ménagera aucun effort. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Valérie Boyer. - Comment faire confiance à Jolani, comment éviter la solution finale, l'extermination totale de ces minorités ? Permettez-moi de citer l'Évangile selon saint Luc (vives protestations à gauche) : « Si ceux-ci se taisent, les pierres mêmes crieront. » Il sera trop tard, demain, pour que la langue du Christ soit encore parlée par les Araméens, un peuple en menace d'extinction ! (Les protestations se poursuivent à gauche ; applaudissements à droite.)
M. Yannick Jadot. - Et la laïcité ?
Praticiens diplômés hors Union européenne (I)
Mme Émilienne Poumirol . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis une semaine, trois cents praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue) sont en grève de la faim pour alerter sur leur précarité.
Selon le Président de la République lui-même, ces médecins tiennent à bout de bras nos services de soins. Pourtant, ils sont nombreux à ne pas bénéficier de l'autorisation de plein exercice, ce qui les place dans une situation précaire : ils exercent sous statut d'interne et ne perçoivent souvent pas beaucoup plus que le Smic. Certains doivent renouveler leur autorisation de séjour chaque année, voire tous les six ou trois mois.
Pour être inscrits au tableau de l'ordre des médecins, les Padhue doivent valider des épreuves de vérification de connaissances (EVC) particulièrement sélectives et accomplir un parcours de consolidation de deux ans. Or les résultats de la session 2024 des EVC ont suscité une vive colère : sur les 4 000 postes ouverts, seuls 3 000 ont été pourvus. Les Padhue dénoncent des critères opaques et arbitraires. Pour toute réponse, on leur promet une réforme du concours, qu'ils devront passer une énième fois.
Quand allez-vous enfin proposer des mesures concrètes et pérennes pour favoriser la régularisation médicale et administrative de ces médecins ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Nous devons gérer cette situation avec rigueur et humanité. De fait, dans bon nombre de nos hôpitaux, 30 à 40 % du personnel est diplômé hors de l'Union européenne.
Au concours 2024, 1 700 postes de plus ont été pourvus par rapport à 2023, soit une augmentation de 46 %. Nous avons créé une autorisation d'exercice transitoire, et chaque Padhue se voit attribuer un poste de praticien hospitalier contractuel.
Catherine Vautrin et moi-même sommes pleinement mobilisés. J'ai rencontré l'ensemble des syndicats de Padhue. À la demande du Premier ministre, je prendrai prochainement une mesure réglementaire de simplification de la voie interne, qui associera notamment les chefs de service et les doyens à la validation des stages.
Il faut avancer aussi sur le terrain législatif, pour transformer l'actuel concours en examen. Tous les Padhue ayant réussi leur évaluation pourront ainsi exercer. Nous le ferons l'année prochaine, avec vous.
Praticiens diplômés hors Union européenne (II)
M. Jean Sol . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs années, les praticiens diplômés hors de l'Union européenne (Padhue) jouent un rôle essentiel dans notre système de santé. Nombreux dans les hôpitaux publics, ils pallient souvent le manque de médecins, notamment dans les spécialités et territoires en tension.
Pourtant, leur situation reste précaire : régularisations longues et complexes, reconnaissance professionnelle inégale selon le territoire.
Depuis la publication des résultats des dernières épreuves de vérification de connaissances, ils dénoncent une sélection inéquitable et incohérente. Le nombre de postes pourvus est inférieur au nombre de postes ouverts : en médecine générale, 563 candidats seulement ont été admis, pour 826 postes ouverts. En santé mentale, une priorité nationale, seuls 39 praticiens ont été reçus, pour 263 postes ouverts ! Les critères de sélection semblent avoir varié au gré des jurys : certains candidats n'ont pas été admis avec une note supérieure à dix, tandis que, dans une autre filière, d'autres l'ont été avec une note inférieure.
Ces médecins exercent souvent dans nos hôpitaux depuis des années, dans des conditions salariales précaires. Ils se sentent abandonnés, alors que le Président de la République s'était engagé à régulariser leur situation, qui compromet leur avenir professionnel et leur vie familiale, mais aussi la qualité des soins prodigués.
Que comptez-vous faire pour répondre à leur colère et à leur sentiment d'injustice ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Les vingt mille Padhue inscrits au Conseil national de l'ordre participent grandement à l'accès aux soins dans notre pays. Nous devons simplifier leur situation.
Comme je l'ai expliqué il y a quelques instants, nous allons, par voie réglementaire, mettre en place une voie interne, effective dès cette année. Sur le plan législatif, il faudra, en 2026, transformer le concours en examen - je rappelle que, dans le cadre d'un concours, le jury est souverain. Nous éviterons ainsi le sentiment d'injustice des Padhue et leur permettrons d'exercer durablement et dans de bonnes conditions, sans le stress permanent que certains subissent aujourd'hui.
Syrie (II)
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Pierre Médevielle applaudit également.) « Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples. Je savais que, au milieu de facteurs enchevêtrés, une partie essentielle s'y jouait. Il fallait donc en être. » Vous connaissez tous cette formule du général de Gaulle.
Enchevêtrés, les facteurs le sont bel et bien en Syrie. Les violences qui viennent d'être évoquées sont insoutenables. Au même moment, un espoir de reconstruction se lève, avec l'accord récent qui intègre les Kurdes et les Druzes.
La Syrie doit être débarrassée des influences étrangères : celles des Iraniens, des Frères musulmans ou encore des Israéliens, qui ont bombardé hier le sud du pays.
Chacun joue sur les divisions communautaires, mortifères dans la région. Armes chimiques, djihadistes incarcérés, stocks de captagon : la situation est des plus délicates.
On nous avait parlé des talibans inclusifs. Comment la France, qui a joué un rôle important dans la reprise du processus de reconstruction, compte-t-elle s'impliquer ? Peut-on faire confiance au président par intérim, sans jouer les idiots utiles de l'un ou l'autre des prédateurs régionaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Raphaël Daubet applaudit également.)
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux . - La France condamne toutes les exactions contre les civils, quels que soient leurs victimes et leurs auteurs.
La Syrie ne pourra retrouver stabilité et prospérité sans un processus politique qui garantisse la sécurité et les droits de toutes les communautés. La lutte contre le terrorisme passe par le respect des droits et intérêts des Kurdes, ainsi que par la destruction des stocks d'armes chimiques.
Les accords conclus avec les Kurdes et les Druzes sont très encourageants. L'Organisation internationale d'interdiction des armes chimiques va se déployer dans le pays pour détruire les stocks du régime de Bachar al-Assad.
Ce travail doit se poursuivre, car se joue en Syrie une partie de notre sécurité. Nous ne pourrons accepter de nouvelles levées de sanctions sans garantie que les exactions commises ne resteront pas impunies.
Enfin, nous appelons Israël à la retenue : toute action militaire unilatérale en Syrie ferait le jeu d'acteurs à l'agenda déstabilisateur, à commencer par l'État islamique. (Applaudissements sur des travées du RDPI ; M. Olivier Cadic applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. - Il faut conforter la commission d'enquête mise en place par le président par intérim et le dialogue national avec les chrétiens. Il faut aussi assurer notre présence. Je n'ai pas eu, pour ma part, l'occasion de rencontrer Bachar al-Assad à différentes reprises. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Yannick Jadot. - Bravo !
Mme Nathalie Goulet. - Mais je sais que nous avons un rôle à jouer, notamment pour lutter contre les djihadistes. Oui, une partie de notre sécurité se joue en Syrie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Jacques Grosperrin et Jean-Jacques Panunzi applaudissent également.)
Financements publics des laboratoires départementaux d'analyses
M. Jean-Gérard Paumier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 20 février dernier, la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a adressé au ministère de l'agriculture un questionnaire sur les financements publics des laboratoires départementaux d'analyses.
Cette démarche fait suite à la nouvelle plainte pour concurrence déloyale déposée, le 27 mai 2024, par les laboratoires Aprolab et Eurofins contre les quatre plus grands laboratoires publics français, qui travaillent pour plus de la moitié des départements. Ces laboratoires privés s'étaient pourtant engagés, à la suite du décret sur les services d'intérêt économique général, à mettre un terme à ce contentieux vieux de plus de quinze ans.
Eurofins est une entreprise du CAC 40 dont le siège est au Luxembourg, dont les dirigeants habitent en Belgique et qui a défrayé la chronique dans plusieurs dossiers récents. Il serait justifié de s'intéresser de plus près à ses pratiques.
Les laboratoires départementaux d'analyses jouent un rôle clé dans le maillage sanitaire français ; ils ont pris une part essentielle à la gestion des crises récentes - covid, grippe aviaire, fièvre catarrhale ovine. Comment comptez-vous leur permettre d'exercer sereinement leurs missions au service de notre agriculture, de notre environnement, de notre santé et de notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Vincent Louault. - Excellent !
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Mes services traitent ce dossier depuis la plainte déposée par Aprolab en 2014 contre les compensations accordées par les conseils départementaux aux laboratoires départementaux d'analyses. Cette procédure a été suspendue en 2020 par la Commission européenne au bénéficie d'une recherche de solution amiable : mettre en place des mandats de service d'intérêt économique général, chantier mené à son terme quatre ans plus tard.
Malgré les engagements pris, le plaignant estime que des laboratoires continuent de percevoir des aides d'État incompatibles avec le marché intérieur. La Commission européenne a interrogé la France, en février dernier, à la suite du dépôt de nouvelles plaintes. Mes services travaillent activement, en liaison avec les laboratoires concernés et les représentants des collectivités territoriales, pour répondre à la Commission. Vous pouvez compter sur mon engagement personnel à défendre le système mis en place l'année dernière. Je considère comme une priorité la défense du maillage territorial des laboratoires, qui garantit une réponse rapide aux événements sanitaires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du RDPI ; M. Michel Masset applaudit également.)
M. Jean-Gérard Paumier. - Merci de votre vigilance, car cette question, d'apparence technique, revêt une grande importance pour nombre de nos territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Baisse du tarif de l'électricité photovoltaïque
M. Jean-Jacques Michau . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le projet d'arrêté en consultation prévoyant une baisse brutale et rétroactive des soutiens aux petites et moyennes installations solaires en toiture provoque colère et incompréhension.
Les dirigeants de PME de l'Ariège s'inquiètent de ce coup de rabot gouvernemental, alors qu'ils font vivre le tissu économique local. Idem pour les agriculteurs, qui comptent souvent sur ces installations pour compléter leurs revenus.
Les particuliers qui se sont tournés vers l'autoconsommation risquent de ne pouvoir faire ces investissements coûteux. En effet, le taux réduit de TVA à 5,5 % n'entrerait en vigueur qu'en octobre prochain, alors que les aides gouvernementales ont pris fin au 1er février.
Le Pacte solaire, signé il y a moins d'un an, est-il tombé aux oubliettes ? Toute une filière risque de faire les frais de ce stop and go.
Êtes-vous prêts à renoncer à la dégressivité brutale du prix d'achat, à la rétroactivité, et à faire coïncider la baisse de TVA avec l'évolution des prix d'achat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; Mme Vanina Paoli-Gagin applaudit également.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics . - Je vous prie d'excuser l'absence de Marc Ferracci.
La priorité de la France est de respecter la trajectoire zéro carbone 2050, en s'appuyant sur plusieurs briques : le nucléaire, avec de nouveaux investissements ; le déploiement de l'éolien terrestre et maritime ; une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie, la précédente ayant conduit à des surproductions d'énergie solaire en journée, d'où des prix négatifs et une surcharge pour les finances publiques.
L'arrêté en concertation vise d'une part à encourager la production individuelle et l'autoconsommation, via une TVA à 5,5 %, et d'autre part à massifier les installations pour atteindre une masse critique et éviter les surcoûts de raccordement pour RTE. Une production trop fragmentée coûte très cher en raccordement.
Bref, nous nous concentrons sur la décarbonation et cherchons à préserver les deniers de l'État. Mais une consultation n'est pas une décision. Nous restons à l'écoute de la filière pour développer la meilleure solution et encourager ceux qui veulent accompagner la transition vers la décarbonation. Celle-ci ne se fera pas par des décrets, mais par une mobilisation générale ! (M. François Patriat applaudit.)
M. Jean-Jacques Michau. - Cette politique risque de détruire 60 000 emplois sur le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)
Programme d'éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité
Mme Sylviane Noël . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) L'enseignement doit être exempt de tout prosélytisme. Or plusieurs éléments du programme d'éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (Evars) relèvent du militantisme.
Ainsi, la lutte contre les stéréotypes de genre, omniprésente dès la maternelle, prend la forme d'une contestation systématique des représentations du masculin et du féminin. Dès la cinquième, le programme introduit la dissociation artificielle entre sexe et genre. Est-ce à l'école de la République de susciter un doute identitaire chez nos adolescents sur des réalités biologiques établies ? (Exclamations tantôt indignées, tantôt moqueuses, sur les travées du GEST et sur certaines travées des groupes SER et CRCE-K) À l'inverse, des enjeux fondamentaux de la vie affective et relationnelle sont occultés.
L'enseignement à la sexualité impose de transmettre des informations objectives, adaptées à l'âge des élèves.
Vous avez annoncé deux jours de formation pour former les intervenants. C'est irréaliste. Qui assurera ces séances ? Le Planning familial ? (M. Mickaël Vallet proteste.)
Que dire, enfin, de l'exclusion incompréhensible des parents de l'information préalable ? L'éducation sexuelle ne saurait être le cheval de Troie de la théorie du genre et du transactivisme dans nos écoles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; protestations indignées à gauche) Face à ces dérives, nous demandons le respect du principe de neutralité, un renforcement de la prévention sur les dangers réels et un droit à l'information des parents. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je comprends les questions que peut soulever l'éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité.
Mme Colombe Brossel. - Nous, non !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - En juin 2023, alors Première ministre, j'avais demandé au ministre de l'éducation nationale de saisir le Conseil supérieur des programmes (CSP) pour disposer d'un cadre pédagogique incontestable. Ce programme a été adopté à l'unanimité du Conseil supérieur de l'éducation, qui comprend les parents d'élèves et les associations familiales.
Les experts du CSP ont veillé à la progressivité, en fonction de l'âge : dans le premier degré, une éducation à la vie affective et relationnelle ; dans le second degré, une dimension d'éducation à la sexualité.
L'enseignement sera dispensé par les professeurs de l'éducation nationale, assistés des personnels de santé scolaire ; ils seront formés.
Oui, il est important de lutter contre les stéréotypes de genre dans notre pays, quand on sait que seuls 25 % des ingénieurs sont des femmes. (Applaudissements sur plusieurs travées à gauche)
M. André Reichardt. - Cela n'a rien à voir !
Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. - Les familles seront associées et informées du contenu de ces programmes, notamment lors des réunions parents-professeurs en début d'année.
Garantir à chaque enfant une éducation au respect, au consentement, à l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est lui donner les clés pour se protéger et grandir en confiance. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, du GEST, du RDSE et du RDPI ; M. Laurent Lafon applaudit également.)
Incidence des cancers chez les jeunes
Mme Annick Jacquemet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Une étude portant sur les adolescents et les jeunes adultes de 15 à 39 ans, dans dix-neuf départements, montre une hausse constante de l'incidence de plusieurs types de cancers : entre 2000 et 2020, les glioblastomes ont augmenté de 122 %, les carcinomes du rein de 90 %, les liposarcomes de 74 %. La tendance observée pour les carcinomes colorectaux, les cancers du sein et les lymphomes de Hodgkin est également préoccupante.
Cette évolution n'est pas propre à notre pays : selon le British Medical Journal Oncology, le nombre de nouveaux cas chez les moins de 50 ans est passé de 1,82 million en 1990 à 3,26 millions en 2019.
Il faut mieux comprendre les facteurs de risques liés à certaines expositions et y sensibiliser les jeunes adultes. Comment le Gouvernement entend-il soutenir la recherche médicale ? Allez-vous affiner les stratégies de prévention et faciliter l'accès précoce au dépistage ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Bernard Jomier et Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - Effectivement, le nombre de cancers progresse, particulièrement chez les plus jeunes, et nous avons du mal à en cerner les facteurs.
M. Yannick Jadot. - Un peu les pesticides, non ?
M. Yannick Neuder, ministre. - Ils sont probablement multifactoriels : PFAS, microparticules...
M. Yannick Jadot. - Pesticides !
M. Yannick Neuder, ministre. - Nous avons lancé avec l'Inserm un programme de recherche, doté de 50 millions d'euros, pour comprendre les déterminismes.
Au pays de Pasteur, nous devons aussi lutter contre l'obscurantisme ; nous sommes mobilisés, avec Catherine Vautrin.
Au titre des mesures concrètes, la première des préventions est la vaccination. Nous avons les moyens d'éradiquer le papillomavirus. Aussi nous posons-nous la question de rendre obligatoire cette vaccination chez les 11-14 ans, pour prévenir le cancer du col de l'utérus. Il faut aussi pouvoir faire un rattrapage vaccinal sur la méningite.
Nous travaillons également sur les autres facteurs que sont le tabagisme, l'alcool, la malbouffe. (M. Yannick Jadot s'exclame.) Avec Annie Genevard, nous avons ainsi obtenu une diminution du taux de sel dans le pain. (M. Bernard Jomier et Mme Émilienne Poumirol ironisent.)
J'ai saisi la Haute Autorité de santé sur la pertinence d'un éventuel abaissement de l'âge de dépistage du cancer de sein, comme l'ont fait certains pays européens, pour dépister mieux sans dépister trop.
Enfin, la dernière dimension de notre stratégie est le développement du sport santé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur quelques travées du RDPI et du RDSE)
Mme Annick Jacquemet. - Les jeunes touchés par ces maladies précoces témoignent des répercussions fortes sur leur vie sociale, familiale et professionnelle. N'attendons pas que la tendance s'accélère pour réagir. Merci d'avoir pris le problème à bras-le-corps. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.