Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je salue notre nouveau collègue David Margueritte, qui a remplacé Philippe Bas. (Applaudissements)

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.

Ukraine (I)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les États-Unis reviennent sur la suspension de leur aide à l'Ukraine, un espoir de cessez-le-feu se profile, mais rien n'est encore gagné. À quelles contreparties l'Ukraine devra-t-elle consentir ? Quelle sera la position de la Russie ?

Pouvoir compter notre propre défense n'est pas une option, c'est une nécessité. Nous voulons une Europe forte, capable de défendre ses intérêts stratégiques. Cette ambition européenne doit être servie par une ambition nationale et un effort d'investissement important. Dans mon département du Lot, les entreprises de défense s'organisent.

Monsieur le ministre, si vous voulez que les Français consentent à un tel effort, une transparence totale s'impose. (Mme Maryse Carrère le confirme de la tête.) Nos possibilités de financement sont limitées. Si l'on mobilise l'épargne de Français, cela doit être consenti. Allez-vous créer un livret dédié au financement de notre défense ? Quand allez-vous faire des annonces concrètes ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - La question est sérieuse et nous y travaillons activement, depuis le discours de la Sorbonne du Président de la République sur l'autonomie stratégique de l'Europe. Les événements tragiques en Ukraine nous obligent à prendre en main notre défense. Nous avons décidé à l'unanimité des États membres de l'Union européenne un plan de soutien à notre industrie de défense. Le budget français de la défense est ambitieux, grâce notamment à la loi de programmation militaire.

La question des financements nouveaux, notamment privés, se pose. Le 20 mars, à l'occasion d'une réunion avec les investisseurs et les industriels de la base industrielle et technologique de défense (BITD), le ministre de la défense et moi-même ferons des annonces.

Je ne suis toutefois pas certain qu'un livret dédié soit la solution, car de nombreux outils d'épargne existent déjà. Nous souhaitons mobiliser l'épargne des Français pour assurer notre sécurité et celle de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Raphaël Daubet.  - J'attire l'attention sur la nécessaire transparence. Nous avons besoin de l'engagement de tous ! (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit également.)

Ukraine (II)

M. Didier Marie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après la tentative de racket sur les terres rares, l'humiliation dans le Bureau ovale, la trahison de l'arrêt de l'aide militaire, l'Ukraine vit un nouveau revirement américain avec le rétablissement de l'aide et la proposition d'une trêve.

Certes, c'est une bonne nouvelle, mais comment l'Ukraine peut-elle avoir confiance dans l'administration Trump, qui considère que les règles ne s'appliquent que quand elles servent ses intérêts ?

L'Ukraine a plus que jamais besoin du soutien de l'Europe. Nous avons pris des mesures fortes, avec une aide supérieure à celle des États-Unis et l'utilisation des intérêts des avoirs russes gelés. Mais quand les 210 milliards d'euros d'avoirs russes gelés seront-ils enfin utilisés ? Certains, au Gouvernement, émettent des réserves sur cette saisie. D'autres estiment que le droit coutumier international la permettrait.

Quel est le plus grand risque : l'utilisation de ces avoirs, ou la déstabilisation du continent européen ? Est-ce à l'agresseur ou aux citoyens européens de payer ? Allez-vous porter cette exigence de justice lors du prochain Conseil européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Mélanie Vogel applaudit également.)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Je rappelle le soutien indéfectible de la France et de l'Union européenne à l'Ukraine.

Jean-Noël Barrot et moi-même avons d'ailleurs accueilli la vice-première ministre ukrainienne, Yulia Svyrydenko, la semaine dernière à Bercy, pour un plan de soutien de 200 millions d'euros supplémentaires.

Les fonds que vous évoquez font l'objet de sanctions de l'Union européenne et leur produit est utilisé pour aider l'Ukraine. Nous maintiendrons ces sanctions tant que cette situation tragique perdurera.

Attention à ne pas risquer de perdre le produit de ces fonds, qui nous permettent de soutenir l'Ukraine. (M. Yannick Jadot proteste.) Si ceux-ci venaient à être confisqués, il en résulterait aussi une déstabilisation des marchés financiers. (M. François Patriat applaudit.)

M. Yannick Jadot.  - Mais non !

M. Didier Marie.  - Les Ukrainiens attendent des gestes forts de l'Europe. La Russie ne peut se prévaloir de la protection légale de ses actifs alors que Poutine piétine le droit international ! L'utilisation de ces fonds serait un élément de négociation.

L'Europe doit retrouver le goût du risque, de l'ambition et de la puissance, alors passons des paroles aux actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Jacques Fernique et Xavier Iacovelli applaudissent également.)

Ukraine (III)

Mme Michelle Gréaume .  - Mon groupe a toujours condamné l'agression odieuse de Poutine contre l'Ukraine, la violation du droit international et les crimes de guerre commis par son armée. Nous appelons à une paix juste, sans capitulation de l'agressé.

Depuis lundi, sous la pression de Trump -  impatient de mettre fin au conflit pour faire des affaires  - , des négociations se tiennent. Nous regrettons que l'Europe subisse le tempo américain.

Comment répondre au nouvel axe Trump-Poutine ? En accumulant toujours plus d'armes ? En suivant Mme von der Leyen, qui veut assurer la paix par la force ? Qui peut croire que les peuples gagneront à cette course folle aux armements ? En quoi le plan européen d'économie de guerre de 800 milliards d'euros est-il un gage de paix ?

Le Président de la République, jouant sur les peurs, a dit qu'il faudrait des réformes et du courage. Quels sacrifices allez-vous demander aux Français ? Quelles coupes budgétaires envisagez-vous ? La remise en cause de la retraite à 64 ans est-elle toujours à l'ordre du jour ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - L'Europe n'est pas aussi absente que vous le prétendez. L'histoire retiendra peut-être que le cessez-le-feu trouve son origine dans le voyage du Président de la République à la Maison-Blanche, avec le soutien du président Zelensky et de plusieurs dirigeants européens et le relais, ensuite, des Britanniques et de l'Union européenne. Ce projet permettra peut-être d'aboutir au cessez-le-feu attendu.

L'effort de guerre, c'est surtout un effort pour la paix. Dans un monde plus dangereux, l'Europe doit se protéger, en étant indépendante des États-Unis.

Dès lors, il faut des moyens nouveaux, qui doivent s'inscrire dans notre trajectoire de réduction des déficits. Nous travaillons au quantum d'investissements qui nous permettra de garantir la paix : il se traduira dans les prochaines lois de finances, mais ne doit pas entraîner une dégradation de nos finances publiques ou de notre modèle social. (MM. Xavier Iacovelli et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)

Mme Michelle Gréaume.  - Deux contradictions dans votre démarche. D'abord, vous voulez faire exploser le déficit public pour un effort de guerre sans précédent de 30 à 40 milliards d'euros supplémentaires par an, alors qu'il faudrait consacrer nos richesses au développement de l'humanité, non à sa destruction. Ensuite, vous dénoncez Trump, mais, s'en émanciper, ce serait sortir du commandement intégré de l'Otan ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Bravo !

Sécurisation des centres pénitentiaires pour narcotrafiquants

M. Olivier Bitz .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Notre pays a pris conscience de la menace du narcotrafic pour notre sécurité intérieure. L'administration pénitentiaire a un rôle fondamental à jouer. Il s'agit d'empêcher les prévenus comme les condamnés de poursuivre leurs activités criminelles depuis leur cellule.

Monsieur le garde des sceaux, vous voulez agir vite, avec le choix des deux premiers établissements pénitentiaires de haute sécurité, à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe. Le professionnalisme de leurs agents est ainsi reconnu.

Les effectifs de l'établissement de Condé-sur-Sarthe doivent être renforcés. Il faut attirer des profils expérimentés sans déshabiller le centre de détention d'Argentan, à quarante kilomètres de là.

Quel impact ce choix aura-t-il sur le tribunal judiciaire d'Alençon et les forces de police et de gendarmerie, qui seront mobilisées pour d'inévitables extractions ? Je pense aussi à la protection des agents pénitentiaires et de leurs familles contre les risques de pression, ainsi qu'à la lutte contre les activités illicites attirées par la présence de ces détenus hors norme.

On ne pourra pas faire avec les moyens actuels dans notre département rural. Pouvez-vous rassurer les Ornais sur le renforcement des moyens de l'État ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je vous remercie de votre soutien à ce projet. L'établissement de Condé-sur-Sarthe, que nous avons visité ensemble, et celui de Vendin-le-Vieil pourront accueillir rapidement les 100 plus gros narcotrafiquants. C'est d'ailleurs parce qu'il s'agissait déjà d'un établissement de haute sécurité que les magistrats ont décidé d'envoyer M. Amra en détention provisoire à Condé-sur-Sarthe.

L'une des originalités du dispositif du Gouvernement est de ne plus distinguer entre prévenus et condamnés, mais d'évaluer la dangerosité des personnes, ce qui soulagera les maisons d'arrêt.

Oui, il faut des moyens supplémentaires, beaucoup. Les agents habilités devront ainsi être toujours deux, pour éviter les risques de corruption et de menace. Nous prévoyons 5 millions d'euros par prison, pris sur le budget de mon ministère : ondes millimétriques, caillebotis aux fenêtres, lutte anti-drone, mesures empêchant les communications...

Nous attendons l'avis du Conseil d?État sur la réforme du régime de détention, qui permettra de limiter les extractions judiciaires, avec 100 % de visioconférence dans ces établissements. J'espère que ce texte sera adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et au Sénat, même si j'ai observé que les socialistes et les écologistes ne l'avaient pas voté en commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes INDEP et Les Républicains)