Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Conseil européen exceptionnel

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'Europe est à un tournant critique de son histoire. Cette nuit, Donald Trump, devant le Congrès, a claironné qu'il obtiendrait le Groenland, « d'une manière ou d'une autre ». Ce matin, Dmitri Medvedev a affirmé que la Russie devait infliger une défaite maximale à l'Ukraine. Est-ce cela, donner des « signaux forts » de paix, selon l'expression de Donald Trump ? Poutine ne s'arrêtera pas à l'Ukraine, pas plus qu'il ne s'est arrêté à la Crimée en 2014.

La nécessité de bâtir une défense européenne doit devenir une évidence. Tous les Européens en prennent conscience, dans la douleur. La France défend depuis toujours l'autonomie stratégique européenne. Ursula von der Leyen vient de proposer un plan de 800 milliards d'euros pour une montée en puissance militaire en urgence ; le Conseil européen exceptionnel de demain y est consacré.

La sécurité de notre continent passe par le soutien à la résistance ukrainienne. Après l'abandon de l'aide américaine, les Européens devront redoubler d'efforts. Nous devons nous réarmer : défense antiaérienne, missiles, artillerie, drones...

Comment allons-nous accélérer, pour aider l'Ukraine et faire de notre base industrielle de défense le socle de la défense européenne ? Quelle position allez-vous défendre demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC et du RDSE)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Les déclarations d'outre-Atlantique appellent une réponse claire : les frontières de l'Union européenne ne sont pas négociables.

Sur l'Ukraine, ces derniers jours ont montré de manière éclatante la dépendance inacceptable des Ukrainiens et des Européens vis-à-vis des États-Unis en matière d'armement - nous en avons débattu hier.

Par le passé, nous avons accepté de réduire la part de nos dépenses militaires dans la richesse nationale -  divisée par trois depuis les années 1950  - , mais depuis huit ans, sous l'impulsion du Président de la République, les deux lois de programmation militaire nous permettent de réarmer notre pays et d'approcher les 2 % du PIB.

Le Conseil européen sera l'occasion de réaffirmer que nous soutenons la résistance ukrainienne, première ligne de défense de l'Union européenne. Il sera l'occasion de nous accorder sur les moyens de réarmer les pays européens. Mme von der Leyen propose 800 milliards d'euros, avec un assouplissement des critères du pacte de stabilité et de croissance, une nouvelle facilité d'endettement à hauteur de 150 milliards d'euros et une nouvelle priorisation des fonds européens non utilisés.

Tout cela concourt à notre autonomie stratégique, que nous défendons inlassablement depuis huit ans, et à laquelle nos partenaires européens sont, enfin, en train de se rallier. (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP ; M. François Patriat applaudit également.)

Ukraine (I)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Près des deux tiers de nos concitoyens sont inquiets de la situation géopolitique depuis le retour de Trump. On les comprend : loi du plus fort, impérialisme russe, monétisation de la valeur paix par Washington...

Monsieur le Premier ministre, vous avez tenu hier des propos graves et responsables. Au nom du RDSE, j'ai rappelé notre attachement à ce que l'aide française et européenne soit maintenue à l'Ukraine, pour les Ukrainiens comme pour notre propre sécurité. Nous avons besoin d'une défense européenne crédible -  cela ne peut plus attendre.

Aider l'Ukraine et défendre la souveraineté stratégique ferait de nous des va-t-en-guerre ? Relisez les comptes rendus des débats des années 1930... Ces mêmes mots, ces mêmes postures ont conduit à notre capitulation face aux nazis.

Mais on ne peut pas donner aux jeunes une économie de guerre comme seul horizon : il faut aussi de l'espoir. Quels sont les atouts de la France et de l'Europe pour défendre le monde libre ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du GEST et des groupes INDEP, UC et SER)

M. François Bayrou, Premier ministre .  - Hier, vous avez affirmé à juste titre que notre priorité devait être l'autonomie stratégique. Ces mots peuvent sembler abstraits, mais cela veut dire, concrètement, être capable de se défendre par nos propres forces, en vertu de nos propres décisions.

Les Français et les Européens découvrent combien la situation est déstabilisée : aux Nations unies, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour que l'agression ne soit pas évoquée dans les résolutions.

Or notre autonomie stratégique n'est pas acquise : le droit américain prévoit en effet que les armes achetées auprès des États-Unis ne peuvent être utilisées en cas de veto - soit deux tiers des armes en Europe !

Depuis le général de Gaulle, la France a défendu l'idée que l'armement des Européens devait être européen (M. Jean-Baptiste Lemoyne approuve) - pourtant, nombre de pays y ont renoncé.

Que faire, alors ? Nous devons convaincre les décideurs européens qu'il est temps de relancer notre base industrielle et technologique de défense. Pour cela, l'opinion publique doit prendre conscience que notre destin se joue en Ukraine, mais que nous l'avons entre nos mains. Je vous remercie de l'avoir rappelé. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE, ainsi que sur quelques travées des groupes INDEP et UC ; M. Cédric Perrin applaudit également.)

Cyclone Garance à La Réunion (I)

Mme Audrey Bélim .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au nom de mon groupe, j'adresse nos condoléances et notre soutien aux victimes du cyclone Garance, ainsi que nos remerciements à tous ceux qui aident notre île à se relever.

Avec le dérèglement climatique, les cyclones s'intensifient : Belal, Chido, Garance... Météo-France confirme qu'ils seront de plus en plus forts dans l'océan Indien. Nous sommes-nous adaptés ?

Après Belal, j'avais plaidé pour l'enfouissement du réseau. À quoi bon élaguer les branches lorsque les arbres se couchent ? Il faudra que les 25 % du réseau électrique encore aériens fassent l'objet d'une réflexion si l'enfouissement n'est pas possible.

Après Belal, les fournisseurs d'eau devaient s'équiper de groupes électrogènes. Cela n'a pas encore été fait.

Il y a aussi le sujet des normes. Dans l'est de l'île, 80 % des toits emportés concernent des maisons construites il y a moins de quinze ans. (M. François Bayrou marque son approbation.) Vous avez décrété l'état de catastrophe naturelle, mais le prochain comité interministériel des outre-mer (Ciom) définira-t-il une stratégie à court, moyen et long termes ? Il y va de la protection des populations. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du GEST)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Nous nous inclinons devant ces cinq vies emportées par le cyclone, cinq vies de trop. J'adresse mes condoléances et mon soutien à tous les Réunionnais.

La mobilisation a été forte sur le terrain, où je serai dès demain. Le ministre de l'intérieur a mobilisé des moyens très importants.

Il faut mieux anticiper, vous avez raison : nous devons travailler avec Sidélec et EDF pour améliorer l'enfouissement du réseau et sauvegarder son intégrité. L'alimentation électrique a aussi un impact sur l'eau potable, qui doit être sécurisée. Il faut lancer une démarche de résilience de l'approvisionnement en eau. Avec la ministre du logement, nous devons mieux analyser l'adaptation de la réglementation à des phénomènes de plus en plus violents.

Nous en tirerons toutes les leçons lors de l'examen de votre proposition de loi, dans quelques instants, et cette question au coeur du prochain Ciom.

Ukraine (II)

M. Pascal Savoldelli .  - Trois ans de guerre en Ukraine...

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.  - Guerre d'agression !

M. Pascal Savoldelli.  - Trois ans d'échec face à l'odieuse agression de Poutine : échec d'avoir cru à la guerre comme unique issue ; échec d'une vision obsolète, celle d'un monde régenté par les États-Unis et où l'Europe est à la remorque. Et pourtant, votre atlantisme sous domination américaine perdure.

Le Gouvernement approuve-t-il le plan von der Leyen pour une économie de guerre et de rationnement ? L'Europe achète encore et toujours des armes américaines... Acceptons-nous que nos armées soient placées sous le commandement d'un général américain obéissant à Trump ? Quand allons-nous enfin sortir de l'Otan ? Le Président de la République, ce soir, fera-t-il le choix de l'escalade militaire ou de la paix et de la sécurité collective ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - L'escalade, ce n'est pas celle des Européens ou des Ukrainiens, mais celle de la Russie ! (Bravos et applaudissements nourris et prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE, du RDPI et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER, qui couvrent la voix de l'orateur ; vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K)

N'ayons aucune indulgence à l'égard de Vladimir Poutine : assassinats, déportations, crimes de guerre, asphyxie de sa propre économie, désinformation... (Mêmes mouvements) Est-ce que les Européens déportent les enfants de la Russie ? Provoquent-ils la Russie avec une rhétorique nucléaire ?

Mme Cécile Cukierman.  - A-t-on dit le contraire ? C'est scandaleux !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - L'agresseur, c'est la Russie de Vladimir Poutine.

Le Premier ministre vient de le dire : la préférence européenne est une priorité française. Tous les pays européens ont pris conscience que notre dépendance vis-à-vis des États-Unis compromet notre indépendance.

Oui, les 800 milliards d'euros de Mme von der Leyen sont une opportunité historique pour développer notre base industrielle de défense européenne. C'est en étant forts et indépendants que nous pourrons défendre notre vision du monde, qui repose sur le droit international et la justice.

Notre objectif n'est pas de sortir de l'Otan.

Mme Silvana Silvani.  - Au moins c'est clair !

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Notre objectif, c'est d'y développer nos capacités et notre stratégie, pour assurer notre propre sécurité, en Européens. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE, du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

M. Pascal Savoldelli.  - Votre réponse est haineuse et fausse. J'ai bien parlé de « l'odieuse agression de Poutine » ! (Applaudissements sur quelques travées) Et je réfute les arguments technocratiques, quand les morts se comptent en dizaines de milliers en Ukraine. Stop : assumez le débat démocratique !

Les marchés applaudissent, les profits s'envolent, on commande des armes avec de la dette publique. Mais les Français ne veulent pas de la guerre ! (Protestations sur plusieurs travées ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

Mme Cécile Cukierman.  - Exactement !

M. Emmanuel Capus.  - Personne ne veut la guerre !

M. Pascal Savoldelli.  - Trump propose 500 milliards de dollars pour les terres rares en contrepartie d'une trêve éventuelle. Allons-nous nous aligner sur une telle position ? Nous devons sortir du duo Trump-Poutine, sinon les Ukrainiens n'auront ni la paix ni la souveraineté et notre sécurité n'en sera pas mieux garantie.

Le monde a changé : il est multipolaire. Il faut être aux côtés des Ukrainiens et des Européens. Il faut de vraies négociations de paix, dans un cadre multilatéral : nous voulons une conférence de la paix, pas le bruit des armes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; protestations et huées sur d'autres travées)

Autoroute A69

Mme Marie-Lise Housseau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'autorisation environnementale de l'A69, qui doit relier Castres à Toulouse, au motif que la raison impérative d'intérêt public majeur n'était pas prouvée. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Pour les Tarnais, c'est un séisme et un désastre. Le chantier s'arrête à moins de dix mois de la mise en service, alors que 70 % des ouvrages d'art sont réalisés et que plus de 300 millions d'euros ont été dépensés. C'est un désastre social pour les 1 000 ouvriers sur le carreau, un désastre économique pour les entreprises, un désastre écologique et paysager pour les habitants (on ironise sur les travées du GEST), un désastre politique pour tous les élus et un désastre financier pour l'État et le contribuable.

Que va devenir le chantier ? Monsieur le ministre, merci d'avoir fait appel et demandé un sursis à exécution, mais quelles sont les chances de reprise du chantier ?

Ce jugement, qui pourrait faire jurisprudence, est une épée de Damoclès pour tous nos projets d'infrastructures. Ne faudrait-il pas modifier la loi pour que le pays ne soit pas mis sous cloche ? (Bravos et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; MM. Xavier Iacovelli et Hussein Bourgi applaudissent également.)

M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports .  - Ce dossier suscite de vives réactions -  c'est un euphémisme. Contrairement à ce que certains ont hurlé hier à l'Assemblée nationale, je ne remets pas en cause l'indépendance de la justice. (Mme Antoinette Guhl et M. Yannick Jadot applaudissent.) Je respecte l'État de droit. Mais je ne me résigne pas à l'insensé et ne suis pas davantage insensible à la situation des 1 000 personnes qui se retrouvent du jour au lendemain sans travail.

L'A69 est le projet d'un territoire qui se bat depuis plus de trois décennies pour son désenclavement. (M. Philippe Folliot le confirme.) La région Occitanie, le département du Tarn, les collectivités territoriales et les entreprises l'attendent. Comment ne pas être stupéfait qu'un projet déclaré d'utilité publique, qui a fait l'objet de six recours rejetés et dont les travaux sont avancés à 70 %, puisse être ainsi arrêté ?

M. Philippe Folliot.  - C'est scandaleux !

M. Philippe Tabarot, ministre.  - Alors, bien sûr, l'État fera appel et demandera un sursis à exécution, car les travaux doivent reprendre au plus vite.

L'empilement de procédures, qui paralyse notre action publique, est un mal profond. Tous nos projets de demain -  routes, voies ferrées  - sont menacés. (Marques d'approbation à droite)

Le droit environnemental est essentiel (M. Yannick Jadot ironise), sauf lorsqu'il devient un instrument d'obstruction systématique. (Protestations sur les travées du GEST ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. Max Brisson.  - Bravo !

M. Philippe Tabarot, ministre.  - C'est pourquoi nous simplifierons les procédures, sans renoncer à nos exigences environnementales. L'État de droit doit garantir la sécurité juridique des projets d'intérêt général ; il ne doit pas en être le fossoyeur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. Yannick Jadot.  - Alors, supprimez-le !

Mme Marie-Lise Housseau.  - Il faut mieux définir la raison impérative d'intérêt public majeur, qui ne doit pas être laissée à la seule appréciation, subjective, du juge administratif. (Protestations sur les travées du GEST) Ou alors, écrivons dans la loi que l'A69 est d'intérêt public majeur ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

Fermeture des usines Michelin de Cholet et Vannes

M. Grégory Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'inspection du travail reconnaît la détresse psychologique des salariés Michelin de Cholet et Vannes : certains pensent au suicide. Après l'annonce brutale de la fermeture, l'entreprise demande à ses salariés de continuer à produire à des cadences soutenues, pour le même salaire qu'il y a six ans.

En 2024, Michelin a réalisé 3,4 milliards d'euros de résultat opérationnel, mais refuse de lâcher quelques millions pour reconnaître le travail d'une vie. Plus que du mépris, c'est de la maltraitance ! Et les syndicats alertent déjà sur la situation à Montceau-les-Mines et à Troyes.

Licencier pour raison économique quand l'entreprise réalise des bénéfices records est illégal. Comptez-vous faire appliquer la loi ?

J'ai ici le procès-verbal d'une réunion de janvier, qui évoque le démantèlement des machines qui vont être délocalisées. Cela viole la loi Florange. Comment comptez-vous sanctionner et récupérer les aides versées à Michelin ? (Applaudissements sur les travées du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi .  - L'annonce des fermetures à Cholet et à Vannes a été un choc. La priorité du Gouvernement, c'est la continuité professionnelle et salariale pour les salariés et la continuité économique pour les territoires.

L'État ne décide pas d'un plan social, mais il s'assure que tout est fait pour la sauvegarde de l'emploi, via un repreneur ou la revitalisation du territoire. La loi Florange impose de rechercher un repreneur pendant la durée de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi.

Michelin a prévu 300 millions d'euros pour la reconversion des salariés. (M. Fabien Gay s'exclame.) Toutes les entreprises ne font pas le même effort ! Michelin s'est engagé à créer un emploi dans le territoire pour chaque emploi supprimé et participe à la recherche d'un repreneur.

Le Gouvernement est actif via son réseau de commissaires aux restructurations économiques et travaille avec le cabinet mandaté par l'entreprise pour identifier des repreneurs. France Travail est aux côtés des salariés pour élargir son offre. Nous devons absolument travailler, avec les partenaires sociaux, à la simplification drastique des dispositifs de reconversion.

Mais il nous faut aussi veiller à la compétitivité de nos entreprises. Lors de son audition ici même, le directeur général de Michelin a comparé les structures de coûts en France avec celles des filiales canadienne et allemande... À nous de préserver notre patrimoine industriel. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Grégory Blanc.  - Délocaliser les machines est illégal. Comment comptez-vous faire respecter la loi ? L'année dernière encore, Michelin alternait temps de travail à plein régime et chômage partiel - c'est nous qui avons payé ! L'année dernière encore, le groupe percevait des aides à l'emploi. Les 1 200 familles de Cholet et de Vannes vous regardent. Pour qu'un Gouvernement dure, il faut poser des actes. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)

Ordre international

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au nom du groupe Les Républicains et de tout le Sénat, je veux réaffirmer notre solidarité avec le peuple ukrainien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)

Monsieur le ministre, n'avez-vous pas le sentiment que les événements en Ukraine sont le révélateur de la fin du système international fondé en 1945, sur deux valeurs : la démocratie et la liberté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie-Arlette Carlotti approuve.)

M. Jacques Grosperrin.  - Vous avez quatre heures ! (Sourires)

M. Pascal Savoldelli.  - Il n'a rien dit sur Poutine !

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Merci pour cette excellente question ! (Sourires)

Nous ne savons pas très bien ce que l'avenir nous réserve. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Nous assistons au réveil des logiques d'empire, qui foulent aux pieds l'ordre international, fondé sur le droit, que nous avons bâti sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale. Les Nations unies ont été fondées pour écarter le risque de la guerre, sur le principe de l'intangibilité des frontières - sa Charte le rappelle.

Nous retrouvons dans les déclarations de la nouvelle administration américaine les germes de cet impérialisme. (Mme Cécile Cukierman proteste.)

Allons-nous renier cet héritage et rentrer, à notre tour, dans des logiques d'empire ? Non, car nous considérons que seuls le droit et la justice peuvent garantir une paix durable, et que les logiques d'empire nous entraîneraient dans des guerres que nous n'aurions pas choisies.

Mais pour défendre nos intérêts et notre vision du monde, nous n'avons d'autre choix que d'être plus forts, plus indépendants. Si nous restons dans la situation de vassalisation et d'asservissement dans laquelle nous nous sommes laissés enfermer, nous laisserons les empires dicter la loi et n'aurons plus voix au chapitre.

En renforçant l'Europe et la France, nous pouvons infléchir le cours des choses et faire entendre notre voix. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman.  - Lunaire !

M. Roger Karoutchi.  - Où était l'ONU, censée assurer la paix dans le monde, lors de la crise entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ? Où est-elle pour les Kurdes, pour les chrétiens d'Orient ? Quel jeu ambigu joue-t-elle au Proche-Orient ?

L'ONU a changé de nature. Elle fut fondée par des États majoritairement démocratiques, or les États démocratiques ne sont plus majoritaires dans le monde - et donc à l'ONU. Le système déraille.

Si nous voulons éviter d'autres Ukraine, il faut réformer profondément le fonctionnement de l'ONU. Et l'Europe et l'Occident doivent se réarmer moralement et militairement. La France a un rôle éminent à jouer : elle ne peut se laisser engluer dans des organisations internationales qui ne jouent plus le leur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC, du RDSE et du groupe INDEP)

Une voix à gauche.  - Il nous fait du Villepin !

Crise de l'eau en Guadeloupe

Mme Solanges Nadille .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) D'abord, une pensée pour nos amis de La Réunion, frappés par le cyclone Garance.

Les Guadeloupéens pâtissent de coupures d'eau récurrentes. Il y a trois semaines, les agents du Syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe ont entamé une grève, qui s'est muée en conflit autour du paiement des jours de grève. Au plus fort de la crise, la moitié de la population a été privée d'eau.

Les conséquences sont humaines et sanitaires, mais aussi économiques. De nombreux secteurs sont pénalisés et chaque jour de restriction menace l'activité des entreprises et l'emploi de milliers de Guadeloupéens.

Si le droit de grève est légitime, il est inadmissible de prendre en otage les habitants en les privant d'accès à l'eau.

Je salue l'action des collectivités locales qui investissent pour moderniser les infrastructures de production et de distribution d'eau.

La Guadeloupe n'est pas le seul territoire ultramarin où les difficultés, techniques, financières, et de gouvernance, impactent la continuité du service public de l'eau.

Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) de juillet 2023 avait acté le renforcement du plan Eau DOM. Où en est-on ? Il n'est plus possible qu'en 2025, nos concitoyens n'aient pas un accès continu à l'eau potable ! (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - La question de l'eau dans les outre-mer, notamment en Guadeloupe, nous mobilise. C'est l'objet du plan Eau DOM, et ce sera une priorité du prochain Ciom.

Le mouvement de grève lancé voilà trois semaines a donné lieu à des dégradations volontaires qui ont privé d'eau jusqu'à 112 000 habitants, soit 30 % de la population. Je condamne ces méthodes irresponsables. Les auteurs de ces actes de malveillance doivent être identifiés et poursuivis. Je salue les agents non-grévistes qui ont relancé les sites de production, sécurisés par les forces de l'ordre.

Le Syndicat mixte de Guadeloupe fait l'objet d'un contrat d'accompagnement renforcé depuis 2023 ; l'État lui apporte un soutien financier et technique. Les élus ont joué pleinement leur rôle, j'attends que chacun en fasse autant. C'est vital pour les Guadeloupéens. (M. François Patriat applaudit.)

Attentat de Mulhouse

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'intérieur, il y a une semaine, un homme mourait poignardé à Mulhouse (murmures à gauche), tandis qu'un autre, étranger, en situation irrégulière était interpellé. Il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais l'Algérie a refusé de reprendre cet individu à plusieurs reprises. C'est un fait divers, peut-être, mais ce fait divers se reproduit si souvent que cela en devient un phénomène attentant à la sécurité des Français et à nos relations avec l'Algérie.

Monsieur le ministre, qu'entendez-vous faire pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Une évidence : si l'Algérie avait respecté le droit, nos accords et ses obligations, il n'y aurait pas eu d'attentat à Mulhouse ni de victimes.

Une certitude : malgré des approches différentes sur les relations entre nos deux pays, si nous pouvons nous retrouver sur un point, c'est bien la sécurité de nos compatriotes. La sécurité est ma priorité en tant que ministre de l'intérieur.

Enfin, ma réponse : quelque 43 % des personnes retenues dans les centres de rétention administrative (CRA) sont de nationalité algérienne. Celles-ci seront libérées pour la majorité au bout de quatre-vingt-dix jours en l'absence de laissez-passer consulaire. C'est pourquoi le comité interministériel de contrôle de l'immigration, présidé par le Premier ministre, a adopté des réponses graduées vis-à-vis des autorités algériennes.

Je l'ai souvent répété : à titre personnel, j'estime que nous ne devons pas écarter la discussion sur l'accord de 1968, ...

M. Jacques Grosperrin.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - ... car celui-ci procure des avantages aujourd'hui injustifiés, alors que l'Algérie ne respecte pas l'accord de 1994.

Il faut protéger tous les Français, y compris Boualem Sansal. Que lui reproche-t-on ? D'avoir choisi un avocat français, juif ?

Une voix au centre.  - C'est une honte !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Que lui reproche-t-on ? D'être un amoureux de la langue française ? De trop aimer la France ? On veut le faire taire ? Nous ne nous tairons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

Mme Muriel Jourda.  - L'État doit la sécurité à chaque citoyen français. Vous en êtes convaincu. Puissiez-vous convaincre le Président de la République comme vous avez convaincu le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)

Ukraine (III)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Georges Berthoin, dont je voulais évoquer la mémoire en ces heures sombres, a participé à la création du traité créant la Communauté européenne de défense (CED) avec Jean Monnet. Plus tard, il admit être heureux que ce projet n'ait pas abouti : certes, le volet militaire était prêt, mais pas le volet politique.

Aujourd'hui, c'est l'inverse : le sommet de Londres et le Conseil européen qui se tiendra demain illustrent une volonté politique susceptible de donner corps au projet de défense européenne.

Reste néanmoins le volet militaire : les achats hors Union européenne représentent plus de 80 % du budget militaire des États membres ; les États-Unis fournissent 63 % des commandes européennes.

L'industrie européenne de défense souffre de faiblesses structurelles. Les coûts de production sont bien plus élevés en Europe.

Dès lors, à qui bénéficieront les 800 milliards d'euros d'investissements évoqués par la présidente de la Commission européenne ? Nous n'avons ni les chaînes de montage ni le personnel. Doubler le budget des armées sans renforcer les ressources humaines du secteur n'aurait aucun sens. À qui l'Union européenne achètera-t-elle le matériel dans les mois à venir ? À Israël, à la Turquie ou à la Corée du Sud ? (M. Philippe Folliot applaudit.)

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées .  - En quatre ou cinq ans, la part des armes françaises vendues en Europe a largement augmenté : en 2024, cela représente 10 milliards d'euros pour des exportations s'élevant au total à 18 milliards d'euros.

La situation politique de la Corée du Sud n'a pas rassuré les capitales européennes et les lignes de production américaines ne sont pas passées en économie de guerre. Surtout, le réarmement américain profitera à l'industrie américaine.

Les capitales européennes n'ont plus le choix : si elles veulent vraiment se réarmer, elles devront acheter au sein d'une base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne.

Je ne serai pas aussi catégorique que vous : certes, nos capacités de production ont diminué, mais nous avons préservé les ressources humaines. L'aide octroyée à l'Ukraine nous a permis de renforcer la production de munitions simples. Toutefois, le vrai segment critique concerne les munitions complexes, à l'instar du futur missile Aster 30 B1NT.

L'économie de guerre fonctionne : entre 2026 et 2030, les industries françaises pourront absorber 7 milliards d'euros de commandes nouvelles en matière de munitions. Les effets de l'économie de guerre se font sentir, les commandes doivent suivre. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Ces chiffres sont rassurants, même s'ils restent insuffisants. Les Ukrainiens n'ont plus le temps d'attendre. (M. Rachid Temal applaudit.)

Zéro artificialisation nette

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Guislain Cambier applaudit également.) Le Zéro artificialisation nette (ZAN) : quatre ans d'incompréhensions et de discorde.

Avec Guislain Cambier, Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer, Hervé Maurey à mes côtés, le Sénat se bat pour contrecarrer la logique planificatrice et dirigiste des gouvernements successifs. Depuis quatre ans, nous essayons de concilier sobriété foncière et accompagnement des élus.

Mais nous sommes las : une note de Matignon laisse à penser que l'État reviendra, encore une fois, sur sa parole.

M. Jean-François Husson.  - Impossible !

M. Jean-Baptiste Blanc.  - L'État veut maintenir des industries dans les territoires, mais refuse de prendre à son compte la consommation foncière qui en résulte. Il prétend être aux côtés des maires, mais ne fait rien pour que les préfets tiennent compte de la loi votée par le Parlement. Il annonce vouloir territorialiser, mais maintient la date couperet de 2034 pour l'application du ZAN à toutes les communes. Il veut plus de logements sociaux, mais continue de priver les communes de leur pouvoir d'agir sur le foncier.

Ma question est simple, monsieur le ministre : peut-on enfin vous faire confiance, alors que la proposition de loi Trace sera examinée au Sénat la semaine prochaine ? On trace ou on ne trace pas ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Mireille Jouve et M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation .  - Traçons notre chemin ensemble : nous en aurons l'occasion lors de l'examen de la proposition de loi que vous avez déposée avec M. Cambier, la semaine prochaine.

Une remarque, en préambule : avec le ZAN, nous avons choisi une approche descendante -  c'est une habitude dans notre pays. Je pense au contraire qu'il faut partir des territoires. C'est du bon sens. (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

C'est ce que nous faisons en essayant d'assouplir les dispositions en vigueur, en tenant compte des remarques de chacun.

L'objectif de sobriété foncière est déjà au coeur de l'action des élus de terrain, qui, depuis longtemps, préservent leur territoire d'une trop grande artificialisation.

J'ai proposé de décaler l'échéance, en prenant pour date de référence non pas 2021, mais 2024. La situation est complexe, car certaines régions n'ont pas encore mis en place leur Sraddet.

Je sais que vous n'y êtes pas favorable, mais je propose de conserver dans la loi une disposition tendant à vérifier que le dispositif a bien été respecté en 2034.

Votre objectif est le même que tous les maires de France : la sobriété foncière. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Baptiste Blanc.  - Dont acte, mais j'espère que c'est vous - et non votre administration - qui l'emporterez. (Applaudissements et « Bravos ! » sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Cédric Chevalier applaudit également.)

Je remercie Matignon d'avoir demandé à Bercy de nous aider à chiffrer des propositions financières et fiscales sur le ZAN. C'est pour cela qu'il nous faut voter la proposition de loi Trace. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)

Tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au Sénat, le 20 janvier dernier, le Gouvernement évoquait son intention de rationaliser son soutien aux énergies renouvelables, notamment vers les installations photovoltaïques les plus efficaces.

Depuis, un projet de révision de l'arrêté tarifaire nous alerte. Si je comprends la nécessité de réduire la dépense publique, ce changement abrupt de cap heurterait de plein fouet des initiatives vertueuses menées au niveau local. S'appuyer sur des leviers citoyens est formidable. (M. Jacques Fernique applaudit.) Nos voisins européens l'ont bien compris : l'Allemagne et les Pays-Bas, notamment.

Nous sommes le mauvais élève de l'Europe pour le photovoltaïque. La suppression du segment de 100 à 500 kilowatt-crête (kWc) risque d'aggraver notre retard, mais aussi d'exposer le pays à des sanctions financières.

Allez-vous revenir sur cette décision contraire à nos objectifs de décarbonation ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du GEST, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - Premièrement, l'État soutient le photovoltaïque depuis de nombreuses années. Depuis octobre 2021, l'arrêté que vous citez est un succès. En janvier dernier, nous avons atteint près d'un gigawatt de demande de contrat sur le segment que vous évoquez, soit la moitié de l'objectif annuel. Nous constatons un véritable emballement.

M. Yannick Jadot.  - Cela s'appelle un succès !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée.  - Cela nous conduit à ajuster le soutien de l'État.

Il ne sert à rien de produire ce qui ne peut être consommé ; les prix négatifs en sont une illustration.

Deuxièmement, vous évoquez un changement brutal : ce constat n'est pas partagé par les filières, qui ont été consultées. Le tarif proposé -  95 euros par mégawattheure  - est compatible avec son développement.

Troisièmement, la filière elle-même a proposé des dispositions alternatives pour résoudre ce problème -  un appel d'offres simplifié, entre autres. Les discussions continueront demain au sein du Conseil supérieur de l'énergie (CSE).

Nous poursuivrons le dialogue pour que le développement du photovoltaïque, auquel nous sommes très attachés, soit compatible avec les besoins énergétiques du pays.

M. Claude Kern.  - De nombreux comités de citoyens se sont créés et de nombreux projets en cours risquent d'être abandonnés. Espérons que les discussions iront dans le bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et du GEST)

Cyclone Garance à La Réunion (II)

Mme Viviane Malet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le cyclone Garance a fait cinq morts à La Réunion : avec mon groupe, j'adresse tout notre soutien à leurs familles. Aux centaines de familles sinistrées, nous exprimons notre solidarité. Je salue l'action de nos élus, des pompiers et des soignants, ainsi que de tous les agents qui ont contribué à secourir la population.

Après la dévastation de l'archipel mahorais, La Réunion est à son tour durement éprouvée : 21 pylônes de très haute tension à terre, des familles sans toit, 30 000 foyers toujours privés d'eau. Des commerces, des entreprises et des bâtiments publics sont fortement endommagés. La production agricole est totalement détruite, alors que les aides liées au cyclone Belal tardent encore à être versées. Le CHU a été inondé, dans un contexte où le risque d'épidémies est réel.

Monsieur le ministre d'État, vous serez sur l'île à compter de demain. Outre la mobilisation du fonds Barnier et la déclaration d'état de catastrophe naturelle et de calamité agricole, annoncerez-vous des mesures exceptionnelles pour aider les familles, soulager les entreprises et accompagner les collectivités ? Comment comptez-vous renforcer la prévention et l'anticipation des risques climatiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer .  - Vous avez raison de saluer la mobilisation de tous, services de l'État comme collectivités. Les effectifs engagés sont importants : 900 personnels des forces de sécurité, 245 personnels de secours et, depuis hier, 100 personnels de la sécurité civile, dépêchés sur place à la demande du ministre de l'intérieur.

Je suis particulièrement attentif à la restauration de l'accès à l'électricité, à l'eau potable et aux réseaux de télécommunications sur l'ensemble de l'île.

Je me rends sur place dès ce soir. Nous dresserons un état des lieux précis des actions prioritaires pour soutenir les sinistrés et lancer la reconstruction.

La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est en cours ; elle devrait aboutir en urgence avant la fin de la semaine.

La situation des agriculteurs, dont la production a été anéantie, doit être examinée avec attention et rapidement. La direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Daaf) et le préfet travaillent à la reconnaissance de calamité agricole. Je veillerai au versement rapide des indemnisations.

Je compléterai ces annonces sur place. Nous répondrons le plus vite possible à l'attente, forte, de nos compatriotes réunionnais.

Fusillade en Avignon

M. Lucien Stanzione .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Avignon mitraillée, Avignon meurtrie, Avignon terrorisée. (Sensation) Ce dimanche, une nouvelle fusillade a éclaté dans la cité des Papes, deux semaines après celle du quartier Saint-Chamand. La mécanique implacable continue de broyer des vies.

Comment ne pas penser au capitaine de police Éric Masson, assassiné en pleine ville sur un point de deal ? Trois ans plus tard, la situation a empiré : la délinquance s'affirme, les deuils se multiplient, la peur paralyse les habitants.

À Grenoble ou à Dijon, on brûle des bibliothèques en représailles contre les pouvoirs publics. En Avignon, on tire pour intimider et contrôler : l'an dernier, six narchomicides ont été commis, alors que les guerres de territoire s'intensifient.

Monsieur le ministre, vous avez intégré Avignon au dispositif des villes à sécurité renforcée ; je salue cette décision.

Il faut tirer les leçons des échecs passés. Gérald Darmanin multipliait les opérations spectaculaires, censées faire place nette. Mais une place nette sans projet, c'est une place vide, perdue pour notre République. À Saint-Chamand, Monclar ou La Rocade, combien de services publics, de centres sociaux et d'associations ont été laissés à l'abandon ? Or un quartier abandonné se remplit d'autres lois que celles de la République.

Nous avons besoin d'un État qui protège, d'une police formée et dotée de moyens suffisants, d'une justice efficace et juste. Je salue le travail du préfet Thierry Suquet, des forces de l'ordre et des acteurs de terrain menés par la maire Cécile Helle, qui tentent de ralentir cette spirale avec des moyens contraints.

Quels moyens durables allez-vous mettre en place en Avignon ? Nous vous attendons sur place dans les prochains jours. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Je vous remercie d'avoir rendu hommage au capitaine Éric Masson, dont la compagne était enceinte lorsqu'il a été tué.

En Avignon comme dans d'autres grandes villes, nous menons une lutte acharnée contre les trafiquants de drogue. La réponse durable de l'État, ce sera le vote de la proposition de loi de MM. Blanc et Durain dans quelques jours, j'espère, à l'Assemblée nationale.

Sans attendre, nous avons défini une nouvelle stratégie, globale, expérimentée à Grenoble et en Avignon : les coups de filet sont préparés avec l'autorité judiciaire, notamment en matière de renseignement ; nous occupons l'espace public et les transports et menons des fouilles ; nous tapons les narcotrafiquants au portefeuille en visant le système des blanchisseuses et en menant des enquêtes patrimoniales.

Mme Nathalie Goulet.  - Bien !

M. Bruno Retailleau, ministre d'État.  - Les premiers résultats sont visibles : 200 trafiquants interpellés, 30 kg de cannabis, 5 kg de cocaïne et 5 kg de kétamine saisis, 230 amendes forfaitaires délictuelles délivrées.

Nous continuerons de combattre les narcoracailles pied à pied. J'espère pouvoir vous dire un jour : Avignon libérée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Daniel Chasseing et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)

Avenir du Nutriscore

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2017, la France a commencé l'expérimentation du Nutriscore, censé indiquer la qualité nutritionnelle des aliments.

Cet étiquetage est contesté, car défavorable aux produits traditionnels, comme le fromage au lait cru et la charcuterie. Il soulève de nombreuses craintes au sein de nos filières de qualité.

En 2020, la Commission européenne a envisagé de rendre ce système obligatoire. Il y a quelques jours, le retrait de l'obligation a été voté, la France s'abstenant. Cet abandon est heureux, car l'obligation aurait fragilisé les filières de qualité.

Au lendemain du Salon de l'agriculture et du concours général agricole et alors que nous célébrons les cent ans de l'AOP Roquefort (exclamations amusées sur de nombreuses travées), la plus ancienne de France, je rappelle que la filière roquefort a été la première à dénoncer les incohérences et dangers du Nutriscore.

Quel est l'avenir de l'étiquetage nutritionnel dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie et Cédric Chevalier applaudissent également.)

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Quand le Nutriscore a été mis en place, on pensait que toute l'Europe s'en emparerait. En réalité, seuls sept pays l'ont adopté.

La filière roquefort a été la première à souligner les problèmes causés par cet étiquetage.

L'intention de départ était bonne : il est souhaitable de renseigner le consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits. Le problème pour le roquefort, chez vous, le comté, chez moi, ou pour toutes les magnifiques salaisons françaises, c'est que le classement de ces produits remarquables était très mauvais, car jugés trop gras, parfois trop sucrés.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - C'est la réalité !

Mme Annie Genevard, ministre.  - Ce système pose donc des problèmes à des filières de grande qualité.

Quand, en 2020, la Commission européenne a voulu rendre obligatoire cet étiquetage, la France a voté non. En 2023, l'algorithme a été revu, mais les effets négatifs du système n'ont pas été corrigés. Pis, le lait a été classé dans les boissons, ce qui lui a fait perdre le bénéfice de sa note A - c'est, à mon sens, proprement scandaleux.

D'un côté, nos politiques encouragent la consommation de produits laitiers : deux par jour pour les adultes, trois à quatre pour les enfants. De l'autre, on laisse entendre que ces produits ne seraient pas très bons. Il y a donc un problème.

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Annie Genevard, ministre.  - La décision a été prise il y a plus d'un an : l'arrêté est à ma signature, et je ne sais pas quelles sont mes marges de manoeuvre pour en corriger les effets négatifs. Je m'y intéresse de très près. Cela étant (marques d'amusement sur de nombreuses travées), les consommateurs apprécient le Nutriscore ; il faut en tenir compte aussi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

M. Bernard Jomier.  - Tout de même !

Filière photovoltaïque

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis plusieurs années, nos orientations en matière énergétique sont sinueuses, pour ne pas dire branchées sur courant alternatif...

Avec sa récente formule « plug, baby, plug », le Président de la République a laissé entrevoir une trajectoire un peu plus rectiligne vers une électrification des usages. Mais l'éclipse totale de la programmation pluriannuelle que nous réclamons depuis deux ans se poursuit.

Notre électricité est à 95 % décarbonée, grâce au nucléaire bien sûr, mais aussi à des installations photovoltaïques intégrées aux bâtiments et qui ne dénaturent donc pas les sols. Je pense en particulier aux installations de moins de 500 kWc, dites S21. Nombre de projets sont déjà lancés, par des collectivités, des particuliers ou des agriculteurs.

Mais les professionnels de la filière craignent un nouveau court-circuit général : le Gouvernement s'apprêterait, par décret, à mettre un terme brutal aux aides à ces petites installations. Quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

M. Jean-François Longeot.  - Bravo !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire .  - L'État soutient depuis plusieurs années le développement du photovoltaïque, notamment sur les toitures. Mais toute politique doit être budgétairement soutenable.

Or les installations photovoltaïques sur toiture coûtent deux fois plus cher que les installations au sol. C'est pourquoi nous souhaitons recentrer le soutien sur les installations les plus performantes.

L'arrêté tarifaire en vigueur depuis 2021 a donné lieu à une demande très forte : 1 gigawatt en janvier dernier, soit la moitié de l'objectif annuel.

Un ajustement est en cours, dans deux directions : pour les plus petites installations, nous favoriserons l'autoconsommation ; pour les injections sur le réseau, nous orientons le soutien vers les installations de plus grande puissance, économiquement viables. L'électricité ne se stocke pas, et il n'est pas du tout vertueux d'en produire plus qu'on ne peut en consommer.

Un arrêté sur le photovoltaïque au sol sera publié avant la fin du mois pour favoriser la performance et la diversification. L'État soutient le photovoltaïque, en favorisant l'autoconsommation et en orientant les aides vers les solutions les plus efficaces. Les contrats en cours ne seront pas concernés par ces modifications.

M. Stéphane Piednoir.  - Certains contrats non encore signés sont déjà bien engagés, sur la base des aides actuelles. Les acteurs de la filière ne sont pas contre une évolution des règles du jeu, mais dénoncent la brutalité de ce changement et les modifications réglementaires incessantes. Plus de 60 000 emplois locaux sont en jeu, du maçon au poseur. Ne fragilisons pas toute cette filière par une mesure brutale ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du GEST)

La séance est suspendue à 16 h 25.

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

La séance reprend à 16 h 35.