Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Défense du service public
Mme Cécile Cukierman . - Lors de votre déclaration devant le Sénat, monsieur le Premier ministre, vous avez souligné notre désaccord sur la question cruciale du service public.
Alors que je vous alertais sur les conséquences de votre politique libérale orthodoxe, qui a pour conséquence la casse du service public, vous avez répondu, non sans aplomb, que nous ne manquions pas de services publics - et que seule leur inefficacité était en cause.
Quel dogme peut aveugler au point de nier l'agonie des services publics dans nos zones rurales ou nos quartiers populaires ? Ignorez-vous la désertification médicale, les difficultés de l'hôpital public face à l'épidémie de grippe ? Sont-elles imputables à l'inefficacité du personnel ? Vous qui fûtes chargé de l'éducation nationale, ignorez-vous les difficultés de l'école - contractualisation à outrance, sous-paiement des professeurs, mépris des AESH, disparition de la médecine scolaire - ou les difficultés financières des collectivités locales, dernier rempart ?
Pourtant, vous persévérez dans l'austérité. Certes, il y a pire ailleurs, mais les services publics font la grandeur de la France, le ciment de notre société.
Les 10 milliards d'euros de coupes budgétaires que vous tentez d'imposer au Sénat trouvent leur source dans votre refus d'une meilleure répartition des richesses. Entendez-vous infléchir votre politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
M. François Bayrou, Premier ministre . - Nous avons une différence d'appréciation - non que je nie les difficultés que vous soulevez. Le problème du secteur de la santé, c'est que nous n'avons pas formé assez de médecins depuis quarante ans. Un accord avait été trouvé entre les gestionnaires de la sécurité sociale, l'État et les professions médicales autour d'une politique malthusienne, qui avait des avantages pour chacun.
Je ne crois pas que nos services publics soient au degré de naufrage que vous décrivez. Ils reçoivent énormément de soutien.
J'ai souri en entendant que nous mènerions une politique libérale effrénée.
M. Mickaël Vallet. - « Orthodoxe » !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Dites-le donc aux organes de presse qui ne sont pas de cet avis !
Ce budget comporte de nombreux efforts pour les services publics. Nous avons renoncé à supprimer 4 000 postes dans l'Éducation nationale - sachant que le problème sera surtout celui du recrutement - et 500 postes à France Travail.
Mme Frédérique Puissat. - Ce n'est pas assez !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Nous augmentons l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 3,3 % et le sous-Ondam hospitalier de 3,6 %. Nous créons 1 500 postes pour la justice. Nous abondons le budget des outre-mer pour reconstruire Mayotte et la Nouvelle-Calédonie. Sur l'écologie, un amendement ajoute 150 millions d'euros. (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Bref, nous apportons un franc soutien à la fonction publique, notamment territoriale, même en ces temps budgétairement difficiles. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Retrait américain de l'accord de Paris
M. Stéphane Demilly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Si certains espéraient retrouver un Donald Trump assagi, mauvaise pioche. Il a entamé sa présidence pied au plancher, en signant 46 décrets présidentiels déclinant ses promesses de campagne : exit de l'Organisation mondiale de la santé, et exit, à nouveau, de l'accord de Paris. On reconnaîtra sa constance : lui qui avait qualifié le réchauffement de « canular » tourne le dos, pour la seconde fois, au reste du monde dans le combat contre le dérèglement climatique, malgré les incendies de Los Angeles. Les États-Unis deviennent le quatrième pays à ne pas avoir ratifié l'accord, avec l'Iran, la Libye et le Yémen.
Ce pied de nez du deuxième pollueur mondial met en péril les efforts mondiaux face au dérèglement climatique, car si les États-Unis ne réduisent pas leurs émissions, il sera impossible de tenir l'objectif de 1,5°C. Cela risque en outre d'ouvrir la porte à d'autres désaffections.
Quelles mesures diplomatiques envisagez-vous pour contrecarrer cette triste décision et éviter que d'autres ne rejoignent le club des quatre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Émilienne Poumirol et M. Didier Marie applaudissent également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - La France regrette la décision des États-Unis, pays que vous connaissez bien. Mais cela renforce d'autant plus notre ambition de porter ces combats avec force au niveau international, au sein de l'Union européenne - Ursula von der Leyen a pris une position très claire.
Il y a dix ans, 195 pays ont signé un accord historique à Paris. Cet accord, qui fait notre fierté, a permis de ralentir la courbe d'augmentation des émissions de gaz à effet. Ce n'est pas suffisant, mais cela a été une avancée majeure.
Alors que Mayotte subit les conséquences du changement climatique - M. Thani Mohamed Soilihi, qui représente le quai d'Orsay, le sait bien - la France maintiendra son ambition. Nous travaillerons diplomatiquement pour continuer à agir aux États-Unis via les États fédéraux, au sein de différentes coalitions, et pour sécuriser, continent par continent, le soutien des autres pays à l'accord.
C'est une question de protection des populations - ceux qui ont vécu inondations, cyclones ou incendies le savent -, mais aussi de souveraineté régalienne, car il y va de l'accès aux biens communs essentiels : eau, énergie, matières premières. Comptez sur la France pour ne rien lâcher. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Jean-Yves Roux applaudit également.)
Attaques répétées contre l'écologie
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.) Comment ne pas être sidéré par l'arrivée de Trump à la Maison-Blanche ? Il menace militairement le Panama, le Groenland et le Canada, il déclare la guerre à l'État de droit, au droit à l'avortement, au droit du sol, aux immigrés et aux personnes transgenres ; Elon Musk, soutien de l'extrême droite allemande, exécute le salut nazi. (Protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Il y a huit ans, quand Trump avait sorti les États-Unis de l'accord de Paris et attaqué l'Agence américaine de protection de l'environnement, Emmanuel Macron avait ouvert les bras aux scientifiques américains.
Que s'est-il donc passé en huit ans pour que le trumpisme nous ait à ce point contaminés ? Pour que le Premier ministre agresse verbalement l'Office français de la biodiversité (OFB), déjà victime de certains syndicats agricoles ? (Huées à droite et au centre ; applaudissements à gauche) Pour que la ministre de l'agriculture soutienne l'obscurantisme de l'Inrae (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) ? (Huées à droite et au centre ; applaudissements sur les travées du GEST) Pour que l'on relativise, ici au Sénat, la vérité scientifique de l'Anses, que l'on questionne l'existence de l'Ademe, que l'on vote la disparition de l'Agence bio ? (Mêmes mouvements)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. - Quel sens de la nuance !
M. Yannick Jadot. - La démagogie et les vérités alternatives détruisent la démocratie. (Protestations exaspérées à droite et au centre, où l'on manifeste son impatience.) En sacrifiant le budget de l'écologie, en remettant en cause le fondement scientifique et rationnel de nos politiques publiques, ne sortez-vous pas la France de l'accord de Paris par la petite porte ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Vous m'accorderez qu'il y a un certain écart entre les propos de Donald Trump et la politique ambitieuse que nous portons en matière d'écologie. (Exclamations à gauche)
M. Hussein Bourgi. - Vous n'avez rien fait ! Vous venez d'arriver !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Vous avez appartenu, entre 2012 et 2017, à un gouvernement qui n'a pas tenu ses objectifs de baisse d'émissions de gaz à effet de serre. Nous, nous avons tenu nos objectifs et même rattrapé votre retard. (Applaudissements à droite et au centre, vives exclamations à gauche)
Je vous rappelle à nouveau l'impact budgétaire de la censure. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel ; vives protestations à gauche, qui recouvrent la voix de l'oratrice ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
M. Mickaël Vallet. - Vous en voulez une deuxième ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Ce sont 12 milliards d'euros, qu'il faut bien absorber. Les ministères qui, comme le mien, ont essentiellement des crédits d'intervention, ont perdu deux mois à cause de la censure. (Brouhaha)
Plutôt que de pleurer sur le lait renversé, travaillons ensemble. Le Premier ministre s'est engagé à reconduire le fonds Chaleur, à renforcer de 30 % le fonds Barnier, à ajouter 150 millions d'euros au fonds vert, dont une enveloppe pour le plan Vélo, à consacrer 1,6 milliard d'euros à la décarbonation de notre industrie. (Les exclamations continuent de fuser à gauche.)
M. Yannick Jadot. - Et l'OFB ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Ma porte est ouverte aux écologistes pour trouver un accord sur ce budget. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ainsi que des groupes Les Républicains et UC)
Chalutier attaqué dans le détroit du Pas-de-Calais
M. Jean-François Rapin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans la nuit du 14 au 15 janvier, dans le détroit du Pas-de-Calais, un chalutier français, légitime pour travailler, a subi une attaque en règle d'un navire de pêche battant pavillon anglais. Attaque préméditée, car l'approche s'est faite tous feux éteints, radars d'identification en rideau. L'imposant navire anglais a soulevé et tronçonné le câble de chalutage du navire français. Sans l'expérience et le sang-froid du pilote français, cette manoeuvre très dangereuse aurait pu provoquer un drame.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Exactement.
M. Marc-Philippe Daubresse. - Il nous faut Jean Bart !
M. Jean-François Rapin. - Comment le Gouvernement compte-t-il réagir à cette violente agression auprès des autorités britanniques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Sébastien Fagnen applaudissent également.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Un incident grave a eu lieu dans les eaux britanniques, au large du Pas-de-Calais, qui aurait pu mettre en danger la vie de nos marins-pêcheurs. Heureusement, les dégâts ne sont que matériels, mais cet incident est inacceptable. Nous avons échangé avec le patron pêcheur, M. José Leprêtre. Je sais votre engagement sur ce sujet, monsieur Rapin, ainsi que celui du député Fait.
Une plainte de l'armateur du navire boulonnais a été déposée le 17 janvier. La justice devra faire toute la lumière sur cette affaire.
Cet incident met en évidence les conflits d'usage concernant l'accès aux eaux de pêche britanniques post-Brexit. J'insisterai auprès de mon homologue britannique sur la nécessité d'éviter toute tension en Manche et en mer du Nord entre bateaux de pêche, quel que soit le pavillon.
Je verrai aussi début février les commissaires et les ministres européens pour préparer la négociation post-Brexit sur la pêche. Je plaiderai pour le maintien d'un accès de nos flottes aux eaux britanniques : il y va de la pérennité de notre filière pêche, et de notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Jean-François Rapin. - Ma question était en effet en lien avec les négociations post-Brexit. Il semble que le gentlemen's agreement sur les eaux de la Manche, désormais, n'ait plus cours.
Les Anglais interdisent l'accès aux aires marines protégées - or nous ne connaissons pas la doctrine du Gouvernement sur cette question. Nous attendons la réunion prévue à Nice prochainement, car toutes les eaux françaises pêchées sont concernées.
Madame la ministre, je compte sur vous pour faire émerger un vrai plan de gestion de la Manche : l'activité économique du territoire est en jeu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Immigration irrégulière à Mayotte
Mme Salama Ramia . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) L'insécurité liée au maintien à Mayotte de personnes en situation irrégulière entrave la reconstruction après le cyclone Chido.
Alors qu'une loi d'urgence est en cours d'examen, il faut explorer sans délai des leviers d'action concrets, adaptés aux réalités du territoire. Le titre de séjour territorialisé en est un ; il faut en éprouver les limites. Alors que les États européens se répartissent la prise en charge des migrants, la France refuse toute solidarité à l'égard de Mayotte, où ceux-ci accostent chaque année par milliers.
Les arrivées en masse se poursuivent sur un territoire dévasté. Cet effet cocotte-minute nourrit la violence : plus de 50 % des infractions pénales commises à Mayotte le sont par des personnes en situation irrégulière. Des échauffourées ont eu lieu entre la population et les migrants. Par usure, les Mahorais organisent eux-mêmes des expulsions, à leurs risques et périls. Ils sont en carence d'ordre, de sécurité et de justice.
Mayotte n'est ni une terre d'asile ni le réceptacle de la misère du monde. Quelles mesures comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Bitz applaudit également.)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Tous nos compatriotes mahorais le disent : on ne reconstruira pas Mayotte sans apporter de solutions concrètes et fermes à l'immigration illégale. Cela suppose une volonté, que nous avons, une stratégie globale et des moyens renforcés, dans quatre directions.
D'abord, la détection. Outre les quatre radars, restaurés, nous déployons quatre aéronefs, un Falcon 50 de la marine nationale, un satellite, des drones.
Puis l'interception. Nous construisons une base avancée sur l'îlot de Mtsamboro, pour aller au-devant des kwassa-kwassa, et la marine nationale déploiera sur le canal de Mozambique une frégate avec un hélicoptère Panther.
Ensuite, l'éloignement. En plus du centre de rétention administrative (CRA), désormais restauré, de 136 places, nous construirons une zone d'attente pour pouvoir retenir, dans des conditions dignes, des individus en situation irrégulière pouvant être expulsés immédiatement. Je visiterai prochainement les pays africains d'origine pour passer des accords, notamment bilatéraux, afin de faciliter l'éloignement.
Enfin, pour s'attaquer aux causes, il faut un changement législatif, afin de durcir le droit au séjour et traiter le problème des reconnaissances de paternité frauduleuses.
Le Gouvernement est totalement mobilisé. Nous apportons des réponses très concrètes à une question brûlante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC et du RDPI)
Politique pénitentiaire
M. Louis Vogel . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La surpopulation carcérale est devenue insoutenable. Lors de votre déplacement au centre pénitentiaire de Liancourt, vous avez exprimé votre préoccupation à cet égard. Le plan « 15 000 places » se voulait une réponse pragmatique, or notre taux d'incarcération continue d'augmenter. Il faudrait construire une nouvelle prison par mois pour répondre à la demande. Où en est le calendrier de construction ?
Vous avez dit qu'il fallait différencier les projets en fonction de leur destination. Vous avez prévu des établissements selon les peines : ainsi, vous avez évoqué une expérimentation de site pour les narcotrafiquants.
Ne devrions-nous pas profiter des contraintes financières pour rénover l'existant, investir dans des établissements spécialisés, notamment pour les détenus atteints de troubles psychiatriques, à l'origine de 80 % des incidents ? Nous devons remédier à la situation actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice . - Sur les 15 000 places de prison prévues depuis 2017, 6 500 places brutes ont été créées par le Gouvernement, soit en réalité 4 500 places nettes.
Les retards sont dus à différentes raisons, au premier chef la difficulté à trouver des lieux : les élus locaux souhaitent des prisons, mais pas chez eux. Ensuite, le ministère de la justice met sept ans en moyenne pour construire une prison, ce qui est inacceptable, puisque nous construisons toujours la même prison pour tout le monde. Les Français peinent aussi à faire confiance aux projets des élus locaux.
Vous avez raison : même si ce n'est pas la tradition française, il faut différencier les lieux de détention et donc les détenus.
La surpopulation carcérale est inacceptable : plus de 4 000 personnes dorment sur des matelas, principalement dans les maisons d'arrêt, notamment des personnes en détention provisoire, dans l'attente d'un jugement. Il faut aussi revoir donc l'audiencement, et donc l'organisation du ministère de la justice et le code de procédure pénale. Je proposerai sa simplification.
Nous devons séparer des détenus dont les profils sont différents : délit routier, radicalisation, criminalité organisée. Je proposerai dès demain un nouveau plan prison, que je vous présenterai aussi lors de la proposition de loi sur le narcotrafic. (M. Louis Vogel acquiesce.) La stratégie du Gouvernement ira tout à fait dans le sens de vos propos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et du groupe UC)
Office français de la biodiversité
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Lundi, madame la ministre, vous avez déclaré au Sénat que vous n'acceptiez pas que l'on mette des cibles dans le dos des agents publics. Je salue cette déclaration, qui va à contre-courant des critiques contre l'Office français de la biodiversité (OFB). (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Il peut y avoir des incompréhensions, mais les missions de police environnementale restent confiées par l'État : encadrement de la chasse, respect des règles environnementales, des arrêtés sécheresse... Si ces missions peuvent être contestées, les fonctionnaires ne doivent pas être mis au pilori.
Si les procédures sont trop lourdes, c'est au Gouvernement et au Parlement de faire leur autocritique et de revoir leur copie. Les attaques contre les bureaux de l'OFB sont inacceptables, alors que certains syndicats agricoles attisent les braises dans le contexte des élections aux chambres d'agriculture.
Notre police de l'environnement est une chance. Donald Trump a déjà fait sortir son pays de l'accord de Paris, alors que 7 000 hectares ont été ravagés par les incendies. Nous devons rester fermes sur la défense de l'environnement et des agents qui assurent ces missions.
Puisqu'il est de bon ton de les critiquer, les missions des agents de l'OFB sont-elles remises en cause ? Le cas échéant, qui les assurera demain ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe SER et du GEST et sur quelques travées du groupe CRCE-K)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Votre question m'offre l'occasion d'exprimer à nouveau mon soutien le plus ferme aux agents de l'OFB, en première ligne pour protéger notre environnement, notre eau et notre biodiversité.
M. Hussein Bourgi. - Celui du Premier ministre aussi ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Ce sont des agents publics qui exercent des missions de police, au même titre que la police, la gendarmerie ou la répression des fraudes.
Des idées fausses circulent sur l'OFB. La plupart du temps, les relations entre les agents et les agriculteurs sont apaisées, malgré, parfois, certaines tensions. Nous travaillons à y remédier, mais cela ne remet pas en cause la légitimité de leur mission.
Depuis début 2024, plusieurs mesures ont été instaurées : la circulaire de décembre dernier explicite le sens des contrôles pédagogiques et du port d'armes discret, et l'utilisation de caméras-piétons. Certaines mesures du projet de loi d'orientation agricole simplifieront les régimes de sanction, pour qu'elles soient administratives, afin de mieux proportionner les contrôles, les infractions et la sanction apportée, afin que les contrôleurs sachent rapidement ce qu'il en est.
Les équipes du Premier ministre recevront vendredi la direction de l'OFB et les organisations syndicales. (MM. François Patriat et Henri Cabanel applaudissent.)
Budget 2025
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les Français ne sont ni coupables ni responsables de la destruction de 50 milliards d'euros de recettes depuis 2020, de l'augmentation de la dette publique de 1 000 milliards d'euros sous Emmanuel Macron, de l'illusion de la théorie du ruissellement qui a aggravé les inégalités.
Nous sommes une opposition responsable (quelques marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) ; nous sommes à la table des négociations : nous avons obtenu des créations d'emploi ou leur maintien dans l'enseignement ou l'hôpital, oeuvré pour les collectivités territoriales hexagonales ou ultramarines - j'ai une pensée solidaire pour nos concitoyens mahorais.
M. Olivier Paccaud. - Bref, c'est votre budget !
M. Patrick Kanner. - L'injuste réforme des retraites est remise en chantier avec les partenaires sociaux, le Parlement ayant le dernier mot. (Murmures à droite)
Pourtant, le compte n'y est pas. Il ne reste que sept jours avant la CMP sur le PLF. Nous voulons des gages en matière d'écologie, de justice sociale et fiscale.
Monsieur le Premier ministre, quand présenterez-vous au Parlement la taxation des hauts patrimoines ? Allez-vous imposer aux salariés sept heures de travail non rémunérées ? Renoncerez-vous à diminuer l'indemnité journalière des fonctionnaires en cas d'arrêt maladie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K et du GEST)
M. Olivier Paccaud. - Elles sont belles, les concessions !
M. François Bayrou, Premier ministre . - Merci de votre question. Vous avez souligné les progrès considérables réalisés. Notre dialogue a permis de trouver des zones d'accord inédites, permettant de rassembler les différents groupes parlementaires, divisés jusqu'à voter une censure dont nous avons payé le prix - en milliards d'euros.
La réforme des retraites est remise en chantier ; c'est suffisamment rare pour que l'un des intervenants de la conférence sociale demande à ses collègues s'ils peuvent citer un autre pays où les partenaires sociaux se voient confier une telle responsabilité. (Marques d'ironie sur les travées du GEST) La réunion s'est très bien passée.
Nous avons trouvé des chemins d'accord sur le budget : l'augmentation de l'Ondam, l'annulation de la suppression de postes dans l'Éducation nationale, entre autres avancées.
Pour autant, le défi budgétaire est-il résolu ? Existe-t-il un puits sans fond où puiser des crédits ? Non. Il ne suffit pas de tirer des chèques pour résoudre les problèmes.
Sur les jours de carence, le Sénat a adopté deux mesures.
Plusieurs voix à gauche. - Pas nous, la droite !
M. François Bayrou, Premier ministre. - Nous avons abandonné les trois jours de carence sans indemnité pour les fonctionnaires en arrêt maladie. (On s'en désole à droite) En revanche, nous conservons la diminution, modérée, de 10 %, des indemnités journalières, nécessaire pour rétablir l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Revenir dessus ne serait pas raisonnable.
Voilà un exemple des accords que nous avons trouvés, et du sérieux budgétaire qui doit nous guider. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Patrick Kanner. - Merci pour la tonalité de votre réponse, mais vous ne m'avez pas vraiment répondu, notamment sur la taxation des hauts patrimoines. Dont acte. Il n'y aura pas d'égalité publique sans équité. Défendre les rentiers ou les salariés, il faudra choisir.
Nous ne sommes ni vos alliés ni vos partenaires, mais des interlocuteurs exigeants. Ne l'oubliez pas, car le moment venu, nous ne l'oublierons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Tirs au fusil d'assaut à Besançon
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'intérieur, depuis le 11 janvier 2025, Besançon a vu trois commerces mitraillés à la kalachnikov, à 200 mètres des maisons natales de Victor Hugo et des frères Lumière. Deux hommes avaient déjà été assassinés en pleine rue.
Vous avez décidé l'envoi de 80 policiers de la CRS 83, je vous en remercie, comme je salue la mobilisation du préfet, de la police et de la justice.
Vous vous êtes emparés de la lutte contre le narcotrafic et la criminalité, avec la volonté de réarmer l'État. La responsabilité de l'État est lourde, mais celle des communes aussi. Il est de la responsabilité des maires de protéger ses habitants. Selon le code général des collectivités territoriales, « le maire concourt par son pouvoir de police à l'exercice des missions de sécurité publique. »
Est-il acceptable qu'un maire refuse à sa police municipale les compétences permettant la complémentarité avec la police nationale ? Qu'il refuse la vidéoprotection, qui a démontré son efficacité ? (M. François Bayrou opine du chef.) Besançon n'a fait aucune demande à l'État en 2024, ni à ce jour. Est-il normal qu'un maire, par idéologie et dogmatisme, se défausse toujours sur l'État ?
Comment remporter ce combat essentiel si certains refusent de s'y associer ? Comment avancer sur ce sujet sans remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Sido. - Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 18 janvier dernier, à 01 h 40, les policiers ont été avisés d'un coup de feu sur la façade d'un restaurant, puis de coups de feu entendus près d'un garage - le gérant a indiqué qu'ils pouvaient être liés à un procès récent. Le 21 janvier, les résultats balistiques ont fait le lien entre ces deux faits, ainsi qu'avec d'autres tirs, la même nuit, dans une autre commune, sur un commerce dont le gérant est incarcéré pour association de malfaiteurs. L'enquête se poursuit. Il faut rester prudent, car la piste de règlements de comptes liés au narcotrafic n'est pas confirmée à ce stade.
Le trafic augmente depuis 2017, entraînant des actions toujours plus violentes. De nombreuses villes sont touchées par ce fléau, contre lequel Bruno Retailleau et moi-même menons une lutte acharnée.
Je salue la première étape importante qu'a constitué le rapport de MM. Durain et Blanc, qui a donné lieu à la proposition de loi sur le narcotrafic qui sera débattue ici le 28 janvier.
Le continuum de sécurité, la complémentarité entre police nationale et police municipale et les droits nouveaux à accorder à cette dernière sont au menu du Beauvau de la police municipale : nous ferons des propositions législatives avant l'été. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur quelques travées du RDPI et du RDSE ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
Accords commerciaux internationaux
Mme Karine Daniel . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'arrivée de Donald Trump inquiète. Une guerre commerciale avec l'Union européenne se profile, puisque le président menace de taxer les importations de produits européens.
Les États-Unis sont le premier partenaire vers lequel exporte l'Union européenne. Nos secteurs de l'aéronautique, du médicament, de l'agriculture et singulièrement notre viticulture sont menacés.
Cette crise n'est-elle pas l'occasion de renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne vis-à-vis des États-Unis, en matière d'énergie notamment ? Comment le Gouvernement entend-il se positionner avec ses partenaires européens pour être le moteur d'un commerce international équilibré et respectueux de l'accord de Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux . - Je le martèle : les États-Unis sont et resteront un partenaire important. Nous avons déjà l'expérience de cette administration. Le président Trump cherchera à pousser son avantage, parfois brutalement, mais nous serons fermes, en Européens.
Grâce à l'impulsion donnée par le Président de la République depuis 2017, l'Europe dispose de tous les leviers pour se défendre, protéger son industrie et sa souveraineté numérique. L'unité européenne est la condition pour peser. Nous sommes un marché de 450 millions de citoyens, qui peuvent décider de leur avenir. Pour cela, il faut s'affirmer ! L'Europe a les moyens de résister aux pressions commerciales et aux pratiques déloyales, nous l'avons montré sur les véhicules électriques chinois. La Commission européenne dispose d'un instrument anti-coercition ; elle peut l'activer si nécessaire.
L'Union européenne doit améliorer sa compétitivité et développer de nouveaux partenariats. Nous ne sommes pas opposés par principe aux accords commerciaux, nous regardons au cas par cas. Ainsi, nous sommes opposés, en l'état, à l'accord avec le Mercosur.
Face au retrait américain, la France est attendue et sera à la hauteur de ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Karine Daniel. - Nous assistons plus à une offensive américaine qu'à un retrait ! Pour le moment, la réponse française et européenne est confuse. Regretter la sortie de l'accord de Paris et importer plus de gaz issus de fracturations repousse les limites du « en même temps ».
Alors que tous les capitaux américains seront au service de l'administration Trump-Musk, nos exportations et notre compétitivité futures dépendent de nos investissements. Or le Gouvernement, soutenu par la majorité sénatoriale, rabote les crédits de France 2030, des universités et de la recherche. Voilà la réponse de la start-up nation aux 500 milliards de dollars que les États-Unis investissent dans l'intelligence artificielle ! Nous appelons la France et l'Europe à se ressaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)
Violences urbaines à Mâcon
M. Fabien Genet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'associe Marie Mercier à ma question.
Ce week-end à Mâcon, dans le quartier des Saugeraies, trois bâtiments communaux sportifs ou sociaux ont été détruits, des véhicules incendiés, les forces de police attirées dans des guet-apens. Les dégâts s'élèvent à plus de 1 million d'euros. Ces émeutes exaspèrent la population, ces dégradations désespèrent les contribuables. Les émeutes de l'été 2023 avaient déjà laissé la ville de Mâcon sans solution d'assurance satisfaisante pour ses bâtiments communaux, les franchises dépassant 2 millions d'euros par site.
Aux dires du préfet et du maire, ces actes interviennent sur fond de narcotrafic. Les tags sont explicites : « Donnez-nous un local ou c'est la guerre ». Les dealers en viennent à exiger des locaux communaux pour leur trafic et à embraser un quartier face à la résistance courageuse et légitime des pouvoirs publics !
Comment comptez-vous réarmer notre République pour gagner la guerre contre le narcotrafic ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Une cinquantaine d'individus ont érigé des barricades, incendié des véhicules, saccagé des bâtiments ; les forces de police ont travaillé jusqu'à 5 heures du matin pour ramener le calme. Des arrestations ont eu lieu, les procédures judiciaires sont en cours. Le ministre de l'intérieur a envoyé immédiatement des renforts de police sur le terrain, pour dix jours. Le ministre Rebsamen a échangé avec le maire, Jean-Patrick Courtois.
Le narcotrafic est présent sur tout notre territoire, quelle que soit la taille des communes. (M. François Rebsamen renchérit.) Je salue la mobilisation des services de police.
Nous comptons beaucoup sur le texte qui sera débattu ici la semaine prochaine, qui nous donnera des outils juridiques et pénaux pour lutter contre ce phénomène. Nous ne lâcherons rien. Nous travaillerons à améliorer la complémentarité entre police municipale et police nationale.
Nous sommes mobilisés, en tout temps et en tous lieux, pour lutter contre l'ultra-violence où la vie ne vaut plus rien face à l'argent du trafic. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Fabien Genet. - Je m'associe à l'hommage rendu aux forces de sécurité. La coopération entre l'ensemble des acteurs a été parfaite. Puisse le Gouvernement épauler ces collectivités qui font face à une double peine : dégradations et défaut d'assurance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Assurabilité des risques climatiques
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Le risque climatique est une réalité, qui se manifeste par des phénomènes de plus en plus fréquents et de plus en plus dévastateurs. C'est une menace croissante pour les infrastructures publiques.
Les collectivités sont de plus en plus nombreuses à être incapables de souscrire une assurance. Les primes ont augmenté de 90 % entre 2024 et 2025 et atteignent des niveaux prohibitifs pour plus de 1 500 communes. Certaines collectivités sont exclues du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Les outre-mer sont en première ligne face aux effets du dérèglement climatique - l'intensité des cyclones atteint des niveaux records. Le territoire métropolitain n'est pas en reste : le 1er janvier dernier, le maire de Breil-sur-Roya a interdit, par arrêté, les catastrophes naturelles sur son territoire... Cela prête à sourire, ou à pleurer. Cela traduit surtout l'effondrement du principe de socialisation des risques.
L'État doit intervenir, pour qu'aucune collectivité territoriale ne soit laissée dans l'impasse. Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il pour garantir à toutes nos collectivités territoriales une couverture face aux risques climatiques ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Les difficultés que vous mentionnez sont réelles, j'ai pu le constater après les inondations survenues dans le Pas-de-Calais entre novembre 2023 et janvier 2024. L'assureur de la commune de Blendecques - moins de 5 000 habitants - a exigé une franchise de 500 000 euros. Le contrat d'assurance de Breil-sur-Roya a été annulé unilatéralement en 2024. Ce n'est pas acceptable.
Le mode de fonctionnement du régime assurantiel, dans un contexte de dérèglement climatique, interroge. J'ai engagé des travaux avec la Caisse centrale de réassurance (CCR) pour trouver des solutions et faire évoluer les modèles. L'État devra être solidaire.
Malgré un cadre budgétaire très contraint, les crédits du fonds Barnier augmentent de 75 millions d'euros et le fonds vert est renforcé.
J'invite les collectivités territoriales qui ne trouvent pas d'assureurs à se rapprocher du bureau central de tarification (BCT), qui a permis de débloquer la situation de Breil-sur-Roya le 15 janvier dernier.
Nous devons aussi prévenir les risques. C'est l'objet du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) et de la mission Adaptation.
Avec Éric Lombard, qui exerce la tutelle des assurances, nous serons aux côtés des collectivités territoriales pour trouver des solutions.
Influenceurs algériens
M. Henri Leroy . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les Français sont exaspérés par ces comportements répétés qui bafouent nos lois, menacent notre sécurité et piétinent notre souveraineté. Ils attendent des actes forts.
Les appels à la haine diffusés par des influenceurs algériens résidant en France ne sont pas de simples provocations, mais des actes de déstabilisation, qui menacent directement notre sécurité intérieure. Ces individus, qui sapent nos valeurs, incarnent une cinquième colonne.
Nous saluons les arrestations et les expulsions. Mais l'Algérie a refusé d'accueillir un de ces individus. Monsieur le ministre, qu'allez-vous faire pour éradiquer ces menaces ? Envisagez-vous de suspendre la délivrance de visas ou de dénoncer l'accord de 1968 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Depuis quelques semaines, nous avons constaté, sur TikTok, des propos de haine inadmissibles d'influenceurs algériens : appels au meurtre, au viol, à la torture, propos antisémites...
Nous avons posé des actes fermes et nous ne laisserons rien passer. À chaque fois, Pharos a supprimé les vidéos. Nous avons localisé, interpellé, judiciarisé. Il y a quelques heures, un individu a été arrêté. Internet n'est pas une zone de non-droit.
Dans le cas de l'influenceur Doualemn, l'Algérie a méconnu le droit international - la convention de Chicago de 1944 et l'accord signé avec l'Algérie en 1994. Nous avions prouvé la nationalité de ce ressortissant, qui possédait un passeport biométrique, infalsifiable : son pays d'origine devait l'accueillir. Tel n'a pas été le cas.
Nous respectons la souveraineté des États et des peuples. Mais la France doit aussi être respectée. (M. Jacques Grosperrin approuve ; M. Michel Savin applaudit.)
Aucune douleur de l'histoire, fût-elle la plus vive, ne saurait justifier qu'on offense notre pays. Rien ne justifie non plus de détenir un grand écrivain franco-algérien, âgé et malade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)
Vous savez parfaitement ce que je pense de l'accord de 1968, puisque nous avions déposé, il y a quelques années, une proposition de résolution pour le dénoncer. Mais la gradation de la riposte ne m'appartient pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Bernard Buis et Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. Henri Leroy. - Vous n'êtes pas le seul à attendre ces décisions. Les Français sont de plus en plus nombreux à s'émouvoir de la situation. Vous avez pris le problème à bras-le-corps. Mais cet accord de 1968 est une insulte à la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Gestion des données sensibles
M. Mickaël Vallet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans l'affaire des données des centrales nucléaires françaises, qui a menti : Amazon sur son offre initiale, ou le Gouvernement devant la représentation nationale ? Éclairez-nous !
Il y a dix mois, j'ai interrogé votre prédécesseure sur la volonté d'EDF de confier à Amazon la gestion des données relatives au renouvellement des pièces de nos centrales nucléaires. Selon la ministre, cette expérimentation ne portait pas sur des données sensibles. S'agissant d'un contrat à 860 millions d'euros, cela valait la peine de le préciser !
Or, nous apprenons dans la presse que cette expérimentation aurait pris fin, faute d'avoir obtenu d'Amazon la garantie que les données seraient hébergées en France et qu'elles ne pourraient pas être transmises à des services américains. Il s'agissait donc bien de données sensibles !
Confirmez-vous les informations du Canard enchaîné sur les nouvelles exigences d'Amazon ? Le Gouvernement a-t-il menti sur le caractère sensible de ces données ?
Le technocapitalisme étatsunien pose à notre pays un défi inédit : les Français, tous actionnaires d'EDF, n'accepteraient pas que la start-up nation ait pu faire preuve d'incompétence ou de naïveté.
Ma question s'adressait à la ministre chargée du numérique. En son absence, j'apprécierais que son ministre de tutelle nous réponde. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - La protection de nos données exige toute notre attention. Je salue l'engagement de Clara Chappaz sur cette question.
Nous avons besoin, sur notre territoire, d'acteurs capables d'héberger des données souveraines et sensibles. La Caisse des dépôts a développé un tel projet.
Pour les données non sensibles, de grands acteurs internationaux proposent des services à des prix compétitifs, auxquels recourent des acteurs publics et privés. Les données d'EDF que vous mentionnez ne sont pas des données sensibles.
Nous veillons en permanence à la protection des données qui doivent l'être. Mon ministère suit ce dossier avec la plus grande attention.
M. Laurent Burgoa. - Eh ben !
M. Mickaël Vallet. - Pourquoi alors les exigences auprès d'Amazon ont-elles été rehaussées ? Voilà plusieurs semaines, j'ai demandé à EDF de me fournir le contrat, en vain. Le ministère m'aidera-t-il à l'obtenir ? Sinon, je solliciterai la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada). Nous finirons par y voir clair ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST)
Retrait des prestations sociales aux personnes condamnées pour trafic de drogue
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de la santé, je vous dois un triple remerciement : d'être venu ce lundi en Isère, département novateur ; de vous être rendu dans les services de la CPAM et d'avoir rendu hommage au travail de ses 900 agents ; enfin, d'avoir choisi d'y évoquer la lutte contre la fraude à l'assurance maladie.
Six nouveaux pôles interrégionaux d'enquêteurs judiciaires (Piej) ont été mis en place, à la suite de la LFSS pour 2023. Leurs agents engagés, aux profils variés, démantèlent les réseaux de fraude.
Un protocole singulier, liant le Parquet, la CAF et la CPAM, existe en Isère. Si une personne condamnée avait perçu des prestations sous condition de ressources, le procureur peut transmettre le dossier à la CAF et à la CPAM, à des fins de recouvrement d'éventuels indus. Comptez-vous généraliser ce dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M Olivier Cigolotti applaudit également.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins . - À l'heure où nous devons boucler le budget de la sécurité sociale, vous posez la question de la justice sociale. La fraude est inadmissible : tolérance zéro !
Mme Nathalie Goulet. - Ah !
M. Yannick Neuder, ministre. - Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) évoque jusqu'à 13 milliards d'euros de fraude.
Mme Nathalie Goulet. - Ah !
M. Yannick Neuder, ministre. - Je me suis rendu en Isère pour mettre en avant une initiative locale entre le procureur de la République, la CAF, la CPAM et les forces de gendarmerie et de police. De petites équipes de cyberenquêteurs travaillent au recouvrement des sommes fraudées. Ces fraudes sont inadmissibles pour les assurés sociaux. (Mme Nathalie Goulet lève les bras au ciel.) Je rappelle que notre sécurité sociale est issue du Conseil national de la Résistance et repose sur des valeurs qui nous rassemblent. Cette expérience s'est diffusée à Paris, Marseille ou encore Blois. L'enjeu est de former 450 cyberenquêteurs et d'améliorer la sécurisation des cartes Vitale.
Le Gouvernement est mobilisé pour prendre soin des Français, protéger nos soignants face aux attaques et lutter contre les fraudeurs. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) Que les narcotrafiquants bénéficient d'une protection sociale est insupportable pour nos concitoyens.
Je compte sur le Sénat pour généraliser ce dispositif dans le PLFSS pour 2025. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Frédérique Puissat. - Messieurs les ministres de l'intérieur, de la justice et de la santé, vous nous trouverez à vos côtés pour frapper les narcotrafiquants au porte-monnaie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Pollution des canalisations d'eau
M. Alain Duffourg . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) D'après Le Monde et Envoyé spécial, des substances cancérigènes seraient présentes dans les canalisations d'eau potable, en raison notamment de la dégradation des tuyaux en PVC des années 1980. Ce risque pour la santé publique concerne tous les territoires.
Pour y remédier, il faudrait remplacer les canalisations. Mais les moyens manquent. Quelle réponse peut-on apporter aux communes et syndicats concernés ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation . - La gestion de l'eau potable est un enjeu majeur. Notre objectif est triple : sécurisation de l'accès à une ressource qui se raréfie ; amélioration de l'efficience du service public de l'eau ; garantie d'une évolution contenue du prix pour le consommateur.
L'État est à l'écoute des élus locaux, comme en témoignent les travaux menés avec le Sénat, qui font le pari de la différenciation territoriale.
La problématique que vous évoquez est proche de celle des taux de nitrates dans l'eau, liée à un défaut d'investissement dans la protection des puits de captage ou dans l'assainissement. Il est vrai que les investissements à réaliser peuvent dépasser les moyens de certaines petites communes isolées. La mutualisation des moyens techniques et financiers, qui n'est plus obligatoire, est un levier d'amélioration.
L'État, par l'intermédiaire des préfets, des ARS et des agences de l'eau, établira une cartographie nationale du phénomène, avec une estimation des coûts. Il faudra alors, le cas échéant, soutenir les collectivités qui seraient incapables de réaliser les investissements nécessaires. Chacun prendra sa part, en veillant au respect des compétences des collectivités territoriales.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Mieux vaut boire du chablis !
M. Alain Duffourg. - Vous n'avez pas répondu précisément. J'avais pourtant déjà déposé une question écrite en octobre.
Monsieur le ministre, quand vous le voulez, vous savez faire de la politique politicienne, en écartant certains partis politiques...
Quelles mesures allez-vous prendre pour que nos concitoyens puissent enfin boire une eau propre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
La séance, suspendue à 16 h 30, reprend à 16 h 45.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente