SÉANCE

du mercredi 22 janvier 2025

43e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président

Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Seconde partie (Suite)

Pouvoirs publics

Conseil et contrôle de l'État

Direction de l'action du Gouvernement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics », de la mission « Conseil et contrôle de l'État », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative » du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale.

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La mission regroupe les dépenses des différents pouvoirs publics constitutionnels : la Présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat et les chaînes parlementaires, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République (CJR).

Corollaire de la séparation des pouvoirs, l'autonomie financière est de rigueur. Chaque institution fixe elle-même ses crédits. Ils étaient prévus en hausse de 1,64 %, mais chacune des institutions, par souci d'exemplarité, a décidé de les reconduire à l'identique.

Le budget de la Présidence de la République s'élève à 122,6 millions d'euros, avec 3 millions d'euros de recettes propres. Si les dépenses de personnel sont contenues, les dépenses de fonctionnement augmentent de 11,8 %, notamment celles rattachées à l'action présidentielle. Les dépenses de déplacement de la Présidence, en hausse depuis plusieurs années, baisseraient de 5 % en 2025. Les dépenses d'investissement subissent l'effort consenti, avec 7,5 millions d'euros contre 9 millions initialement prévus.

Les assemblées recevront 607,5 millions d'euros de dotation pour l'Assemblée nationale et 353,47 millions pour le Sénat, et les chaînes parlementaires 35,25 millions d'euros.

L'Assemblée nationale prévoit, pour 2025, un budget de 643,6 millions d'euros. Celui du Sénat s'élève à 378,94 millions d'euros : 366,8 millions d'euros pour le fonctionnement, 12,87 millions pour l'investissement.

Au total, avec les 16,85 millions d'euros du Conseil constitutionnel et les 984 000 euros de la CJR, la mission atteint 1,136 million d'euros, soit une économie de 20 millions d'euros. Celle-ci ne résorbera pas le déficit de l'État, mais elle est symbolique.

Je note une forme de compétition, avec des années d'extrême modération qui rendent nécessaires des rattrapages par à-coups. Une nouvelle ère de forte modération, pour le Sénat, poserait problème. Le patrimoine historique nécessite en effet des investissements importants, de même que la rénovation énergétique. Je m'interroge cette année sur la possibilité d'atteindre les objectifs dans ce domaine, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone (SNBC)

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Marie-Arlette Carlotti et MM. Antoine Lefèvre et Olivier Cigolotti applaudissent également.) La mission « Conseil et contrôle de l'État », qui rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese) connait une hausse modérée de 1,8 %, à 899,7 millions d'euros. Un amendement gouvernemental diminue ces crédits de 7 millions d'euros. Monsieur le ministre, j'espère que vous préciserez quels postes seront touchés.

La revalorisation indemnitaire des magistrats financiers de 5 millions d'euros est bienvenue, pour les aligner sur les administrateurs de l'État. Il serait regrettable que ces juridictions perdent leur attractivité.

Je salue la baisse des dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes.

Le budget du Cese s'élève à 35 millions d'euros, en baisse de 22,4 %, en raison principalement d'une mesure de périmètre. Pour 2025, la justification au premier euro des dépenses consacrées à la participation citoyenne est de nouveau muette : ce n'est pas acceptable pour la bonne information du Parlement.

Le Conseil d'État et les juridictions administratives représentent les deux tiers des crédits de la mission, qui atteint 604 millions d'euros. La hausse de 3,5 % tient notamment à une revalorisation des rémunérations des magistrats administratifs, pour 8,8 millions d'euros. Attention au gel des effectifs, qui pourrait allonger les délais de jugement - je pense à la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP).

Nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur les moyens des juridictions administratives, qui assurent des missions régaliennes : on ne peut leur demander de raccourcir les délais sans leur donner les moyens de le faire.

Mais compte tenu de la situation de la France, j'appelle à voter les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui réunit les services du Premier ministre et plusieurs autorités administratives indépendantes (AAI), enregistre une baisse de ses crédits de paiement (CP), à périmètre constant, de 14,8 millions d'euros, soit 1,4 % en euros courants.

La baisse porte surtout sur les services du Premier ministre : moins 4 %, ce qui fait passer les crédits sous les 900 millions d'euros. À l'inverse, le programme 308 « Protection des droits et des libertés » connaît une hausse de 2,6 % en CP, à 140 millions d'euros.

Cette évolution contrastée se retrouve dans les schémas d'emplois : 20 ETP de moins pour le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », et 18 ETP en plus pour le programme 308. Au total, la mission regroupe 4 300 ETP, en légère baisse de deux ETP, contre une hausse de 156 ETP en 2024.

Dans mon rapport de contrôle, j'avais appelé à la cohérence entre le Haut-commissariat au plan (HCP), France Stratégie et le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE).

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Christopher Szczurek.  - La fusion du HCP et de France Stratégie va finalement plus loin que mes recommandations et pourrait avoir valeur d'exemple pour d'autres autorités administratives.

Les AAI du programme 308 bénéficient de moyens élevés. Certes, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et la Cnil ont à mettre en oeuvre le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act, DSN). Mais leur gestion pourrait être rationalisée, notamment dans le domaine immobilier.

La commission des finances propose de geler la dotation globale des autorités rattachées au programme 308, ainsi que celle de l'ordre national de la Légion d'honneur.

Le budget annexe « Publications officielles et information administrative », géré par la direction de l'information légale et administrative (Dila), devrait atteindre un pic de recettes de 180 millions d'euros, en hausse de 8,19 %, alors que ses dépenses seront en légère baisse. La Dila devrait dégager un excédent de 30,4 millions d'euros, soit un doublement par rapport à 2024.

La remise en cause par le Conseil d'État du statut de droit privé des agents issus de l'ancienne direction des Journaux officiels pourrait avoir des conséquences.

La commission vous recommande l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis huit ans, je vous présente le programme 129 dédié à la cybersécurité, à la lutte contre les ingérences et au renseignement.

Les cyberattaques, les guerres informationnelles, les tensions en Ukraine, au Moyen-Orient, et les opérations de déstabilisation outre-mer ont trois sources principales : Chine, Russie, et écosystème cybercriminel.

Notre dôme cyber a tenu en 2024 : je salue l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et Viginum, qui ont protégé les grands événements de l'année : élections européennes, élections législatives et jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Je salue l'ouverture de la plateforme de signalement 17Cyber que nous attendions depuis six ans.

Les crédits de la mission subiront une baisse de 3 %. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) devra fonctionner avec 8 millions d'euros en moins. Les crédits de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) baissent de 3 %. Le plafond d'emplois passe à 1 283 à 1 300 ETP.

Ce budget se caractérise donc par une baisse modeste des crédits et une augmentation des effectifs. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable à l'adoption de ces crédits. Néanmoins, j'estime que dans un contexte de contraintes budgétaires, les ajustements proposés par le SGDSN sont nécessaires et pertinents. À titre personnel, je n'ai pas souhaité entrer dans une logique de transfert de crédits : cela relève de la responsabilité du Gouvernement.

Avec Mickaël Vallet, nous avons rencontré des équipes motivées, qui ont besoin de notre soutien et de notre vigilance sur l'exécution budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Olivier Cigolotti et Antoine Lefèvre applaudissent également.) La menace augmente, mais pas les moyens.

La menace augmente : 3 703 événements de sécurité recensés par l'Anssi contre 3 018 en 2022, avec des cibles diversifiées - le ciblage du secteur social est une source d'inquiétude. Le niveau de maturité de la sécurité informatique des hôpitaux et des universités, ou aussi des collectivités territoriales, est encore très bas. On est loin des 10 % du budget informatique recommandés.

Nous saluons la réussite de tout l'écosystème cyber durant les JOP, malgré un niveau de menaces élevé, avec 55 milliards d'attaques, contre 5 milliards durant les JOP de Tokyo.

Pour la première fois depuis 2021, les crédits de Viginum n'augmentent pas, alors que les manipulations croissent. Les créations d'un laboratoire dédié à l'IA et d'un second centre de données sécurisé devront être reportées. Une telle stagnation est inquiétante, comme le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères, de Rachid Temal et Dominique de Legge, en témoigne.

La diminution de crédits -  de 25 millions d'euros et maintenant de 40 millions d'euros  - , par amendements du Gouvernement, amène la commission à donner un avis défavorable.

Cela dit, le consensus sénatorial sur les sujets de sécurité nationale ne doit pas être altéré. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. Éric Kerrouche, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La Présidence de la République, celles de l'Assemblée nationale et du Sénat ont renoncé aux hausses initialement prévues.

La mission devrait s'élever à 1 137 millions d'euros. Les dotations sollicitées étaient déjà structurellement insuffisantes pour couvrir leurs dépenses. Au cours des exercices passés, ces institutions ont équilibré leurs dépenses par des prélèvements sur leurs réserves, ce qui aboutit à les tarir. Ainsi, les réserves de la Présidence de la République sont tombées à 3 millions d'euros, contre 23 millions fin 2017.

Je salue la participation de ces institutions à l'effort commun pour redresser les finances publiques.

Attention cependant à l'attrition constante du financement de la démocratie parlementaire, qui affaiblit la capacité d'action des parlementaires, notamment les moyens humains pour mener à bien les travaux de législation et de contrôle. Les collaborateurs sont trop peu nombreux et trop peu rémunérés. Ne réduisons pas le coût de cette démocratie parlementaire essentielle pour contrebalancer l'expertise de l'exécutif. Je partage les réflexions de Grégory Blanc, rapporteur spécial, qui compare les moyens alloués dans les démocraties occidentales.

Néanmoins, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Mme Marie-Arlette Carlotti applaudit.)

M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 164 et 165, contrairement à ma position personnelle.

L'activité de ces juridictions est en hausse constante : elle ne baissera pas dans les années à venir. Certes, des CP étaient en hausse, mais seulement jusqu'à la dernière coupe du Gouvernement de 7,4 millions d'euros, dont on ne sait pas sur quoi elle portera. Les hausses sont moins importantes que prévu, donc les besoins connus des juridictions ne seront pas couverts.

Les juridictions financières, via le programme « JF 2025 », ont montré leur capacité à évoluer : division par deux du délai de publication des travaux d'examen de gestion, nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, mission d'évaluation des politiques publiques aux chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), ouverture citoyenne à travers deux plateformes. L'effort des agents est constant. Diminuer de nouveau les crédits nous semble difficile : la commission a déposé un amendement à ce sujet.

L'activité des juridictions administratives est toujours aussi soutenue, avec une hausse de 6,1 % des saisines contentieuses entre 2022 et 2023. Là encore, grâce à leur professionnalisme et à leur engagement, les magistrats et les agents font en sorte que le stock de contentieux ne soit pas trop important.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis.  - La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a territorialisé son action.

Bon gré, mal gré, les juridictions participent aux efforts. La commission des lois est favorable à l'adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Michel Masset, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La mission « Direction de l'action du Gouvernement » contribue de manière contrastée à l'effort budgétaire national, avec une baisse de 14,8 millions d'euros à périmètre constant.

Je salue la gestion exemplaire du budget annexe « Publications officielles et information administrative » : son excédent est passé de 15 à 30 millions d'euros.

Je soulignerai trois axes majeurs : le soutien à l'accès aux droits et à la transparence de l'information, premièrement. La France poursuivra sa politique d'ouverture des données publiques, pour laquelle elle se classe au premier rang européen.

Deuxièmement, le numérique est un enjeu crucial, avec la régulation des plateformes numériques. La coordination de la politique numérique de l'État s'intensifie avec l'application de la feuille de route de la Dinum.

Je salue le rôle de l'IA, qui offre des perspectives de compétitivité et de productivité dans tous les secteurs économiques et les services publics. La France se positionne comme un acteur clé à l'international. Il faut poursuivre et amplifier le mouvement, pour éviter le décrochage.

Troisièmement, le programme « Transformation numérique des territoires » concerne principalement les territoires ruraux.

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Mais elle n'a pas pu examiner l'amendement du Gouvernement diminuant les crédits de 41 millions d'euros.

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je salue la clarté des présentations des rapporteurs. Je m'attarderai sur la mission « Pouvoirs publics ».

Nous devons éviter les écueils démagogiques et faire montre de pédagogie. La dépense publique est particulièrement questionnée. L'augmentation des crédits de la mission aurait été difficilement justifiée, alors que le Gouvernement multiplie les amendements rabots.

Je salue la décision de la Présidence de la République et celles de l'Assemblée nationale et du Sénat d'avoir renoncé à toute hausse.

Toutefois, certains postes comme les frais de réception de la Présidence de la République interrogent. Henri Cabanel déposera un amendement sur ce sujet : je ne le voterai pas, mais je comprends sa position.

Le budget du Conseil constitutionnel baisse de 6 %, à 16,8 millions d'euros : cela s'explique par l'enveloppe exceptionnelle accordée l'an dernier pour des travaux. Mais les différences sont colossales par rapport à nos voisins : la Cour constitutionnelle italienne dispose de 65 millions d'euros de budget, 44 greffiers et 222 agents ; le tribunal constitutionnel espagnol compte 210 membres et un budget de 28 millions d'euros. Le Conseil constitutionnel affiche 87 ETP -  en plus des neuf membres du Conseil  - , loin de ses voisins européens, alors qu'il se transforme en véritable cour constitutionnelle, surtout depuis la mise en place des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Il faudra prévoir des moyens pour assurer la qualité des décisions.

Le refus de la hausse de budget de l'Assemblée nationale et du Sénat risque de poser problème pour les dépenses, notamment d'entretien du patrimoine. Doter le Parlement de moyens, c'est lui permettre d'assurer ses missions constitutionnelles, notamment son rôle de contre-pouvoir.

Si nos compatriotes attendent que les élus soient exemplaires, ils attendent aussi des lois de bonne qualité et des contrôles efficaces de l'action du Gouvernement. Je rejoins en ce sens le rapporteur.

Le RDSE votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MMOlivier Cigolotti et Teva Rohfritsch applaudissent également.)

Mme Olivia Richard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue l'engagement des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, notamment celui d'Olivier Cadic.

Les deux chambres ont annoncé un effort notable pour participer à la réduction des dépenses publiques.

Hier, nous examinions les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». La veille, le ministre avait déposé un amendement de rabot ; il devenait alors curieux, voire schizophrénique, d'examiner les amendements de hausse des dépenses.

L'examen du budget est un exercice ardu, qui nécessite du temps et des moyens humains. Je déplore les conditions dans lesquelles nous l'examinons. Je nous revois en décembre discuter du budget de la justice, sachant pertinemment que le Gouvernement serait renversé le lendemain... Aujourd'hui, nous reprenons l'examen du budget presque par surprise, avec des intervenants et des agrégats différents...

Éric Kerrouche regrette l'attrition continue des ressources de la démocratie parlementaire, et appelle à ne pas refuser le coût de la démocratie parlementaire, essentiel pour contrebalancer l'expertise de l'exécutif.

Il y a un an, j'étais nommée rapporteure sur une proposition de loi relative au contentieux du stationnement payant ; après une dizaine d'auditions, constatant la complexité du problème, j'en avais demandé le retrait de l'ordre du jour. Le rapporteur pour avis de la commission n'a pas voulu en discuter et semble le regretter en constatant que la CCSP est submergée : 40 % des recours contre un forfait post-stationnement (FPS) portent sur sa majoration au motif que celui-ci n'a pas été reçu. La connexion des fichiers entre l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) et la CCSP n'est toujours pas réalisée, alors qu'elle est prévue depuis 2018 ! (Mme Nathalie Goulet le déplore également.) La CCSP est dépassée. Cela amène à donner droit à l'usager, qui est incité à contester. La juridiction administrative avait souhaité que le législateur établisse, en l'encadrant, l'obligation d'acquitter le FPS avant contestation, mais la capacité à rembourser du Trésor public était remise en question, car trop souvent, les collectivités délèguent à des prestataires privés. Trop d'intervenants, aucun n'était d'accord : certes, il faut plus d'ETP, mais ce n'est pas la seule solution.

Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) nous alerte régulièrement sur l'état de la société. Il est présidé par l'ancienne ministre Bérengère Couillard et l'était auparavant par Sylvie Pierre-Brossolette, dont je salue l'action. J'ai peiné à trouver les crédits de l'organisme, rattaché au Premier ministre. Les locaux, les moyens et les ETP sont pris en charge par d'autres, mais qui ? C'est opaque. Les moyens du HCE doivent être sanctuarisés.

L'an dernier, j'évoquais le coût de la démocratie française à l'étranger : je regrette le caractère consultatif du mandat des conseillers des Français de l'étranger, qui sont pourtant élus au suffrage universel.

Cela dit, le groupe UC votera les crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Fabien Gay .  - Cette mission peut donner lieu à beaucoup de positions populistes, que je ne partage pas.

Nos assemblées parlementaires fonctionnent aussi grâce aux fonctionnaires, que je salue pour leur dévouement et leur professionnalisme, sans oublier les collaborateurs et collaboratrices parlementaires. Ils subissent de plein fouet l'inflation : leurs traitements doivent être revalorisés.

Nous sommes dans un moment de bascule : si nous ne regardons pas en face, nous serons emportés. Une grande alliance réactionnaire des néofascistes 3.0, de Milei à Meloni, d'Orban à Trump, se noue. Le grand capital a choisi : fini la social-démocratie et l'ordolibéralisme ! Ils veulent accaparer les profits...

M. Akli Mellouli.  - Bravo !

M. Fabien Gay.  - ... au détriment de la planète. Ils feront la promotion de l'AfD, de Nigel Farage, de Le Pen et Zemmour. Face à cette situation, ne baissons pas les bras. Je ne me résous pas à ce que nous soyons dans l'ère de la post-vérité, où les complotistes de tout ordre crachent leur haine des autres, des femmes, des homosexuels. Il nous faut retrouver une confrontation saine des idées ! Et le débat démocratique, ça coûte : il faut y mettre les moyens.

Le moment est surréaliste : nous avons repris l'examen du budget comme si rien ne s'était passé. La censure a frappé non pas M. Barnier, mais bien la politique menée depuis sept ans. Un président seul a décidé de dissoudre. Un président seul a décidé de ne pas respecter le vote populaire. Après Barnier, Bayrou ! Mais vous serez censurés...

Il faut réoxygéner la démocratie, à tous les étages. N'oublions pas que 50 % de nos concitoyens ne votent plus. Il faut redonner du pouvoir d'action aux salariés dans l'entreprise. Tout cela coûtera de l'argent. Nul changement de société radical pour la paix, la justice sociale, fiscale et écologique sans une démocratie renouvelée.

Nous voterons contre les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ces missions connaissent une baisse nette de leurs crédits, notamment de 7,3 % de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Alors que les coupes dans le budget de l'État amputent des fonctions vitales de la société -  les services publics, la protection sociale, la diplomatie  - et réduisent notre capacité à agir, notamment pour la transition énergétique ; alors que ce budget se trompe d'économies et transfère des coûts environnementaux, politiques et sociaux, il est tentant de dire que les pouvoirs publics doivent faire des efforts. Mais justifier les erreurs pour les autres en la commettant soi-même n'en reste pas une erreur.

M. Akli Mellouli.  - Bravo !

Mme Mélanie Vogel.  - J'ai passé dix ans au Parlement européen. Les crédits consacrés aux collaborateurs étaient de 29 757 euros par mois par député ! Ces crédits ne sont pas un coût, mais une ressource précieuse pour embaucher une équipe correctement rémunérée pour assurer les missions du Parlement. Le Parlement européen est plus fort, capable de bâtir une expertise indépendante par rapport à la Commission et au Conseil. Bref, ces crédits servent la démocratie.

Avec des crédits aussi faibles, nous resterons un Parlement faible, d'autant que cela renforce l'externalisation des services, comme en témoigne le décès tragique de Moussa Sylla à l'Assemblée nationale.

Même chose pour Public Sénat : alors que Donald Trump vient de prendre le pouvoir et qu'Elon Musk fait un salut nazi, l'audiovisuel public et Public Sénat sont un rempart qu'il faut renforcer.

Réduire les moyens des pouvoirs publics ne nous fait rien économiser. Bien sûr, nous devons être transparents sur l'utilisation des crédits, mais pas au détriment de l'efficacité de notre système démocratique. Le GEST votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du GEST, du groupe CRCE-K et sur plusieurs travées du groupe SER)

Mme Audrey Linkenheld .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La mission « Pouvoirs publics » avait un budget qui s'élevait initialement à un peu plus d'un milliard d'euros, en hausse de 1,64 %, indexé sur l'inflation. La Présidence de la République, l'Assemblée nationale et le Sénat ont ensuite renoncé à la réévaluation demandée. Résultat : la dotation 2025 est constante par rapport à 2024.

Il faut saluer l'effort de la Présidence de la République, même si certaines dépenses nous interpellent encore, notamment les déplacements à l'étranger du Président de la République. Les délégations n'ont pas besoin d'être si fournies, d'autant qu'elles accueillent parfois des personnalités contestées.

La démocratie parlementaire a un coût légitime, mais nous approuvons en conscience le choix de renoncer à ces augmentations. Sous ces réserves, le groupe SER votera les crédits de la mission « Pouvoirs publics », comme ceux de la mission « Conseil et contrôle de l'État », dont la hausse de 1,83 % s'explique par une augmentation bienvenue des dépenses de personnel des juridictions financières.

Le point d'alerte de cette mission réside plus dans le fonctionnement de certaines juridictions administratives : nombre de ressorts sont engorgés et fonctionnent au ralenti, faute de moyens adéquats. Le nombre de recours à la CNDA est stable - 60 000 - mais le délai de traitement est anormalement long : six mois et demi. La situation est encore plus inquiétante pour la CCSP.

En revanche, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui traduit en actes les priorités stratégiques de l'État. En 2025, les crédits s'élèvent à plus d'un milliard d'euros, mais, en réalité, l'augmentation prévue repose sur un changement de maquette, avec l'intégration du programme 357 « Innovation et transformation numérique ». Hors ce transfert, les crédits baissent en réalité d'environ 14 millions d'euros, avant même le coup de rabot de dernière minute.

À date, les crédits consacrés à la sécurité et à la défense subissent une baisse inédite de 14 millions d'euros, qui touche l'Anssi et le SGSDN. Certes, ces structures ont connu des hausses de budget ces dernières années, mais dans le contexte d'ingérences étrangères toujours plus fortes, il aurait fallu renforcer leurs moyens.

Le programme 308 est plus modeste, et bénéficie de quelques hausses ciblées, notamment pour la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et la Cnil.

Nous avons déposé plusieurs amendements visant à renforcer le potentiel de plusieurs institutions, comme l'Anssi, Viginum, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), le Défenseur des droits, entre autres. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ces trois missions sont indispensables au fonctionnement de notre État de droit.

Le budget des pouvoirs publics augmente de 1,64 %, moins que l'inflation, de 2 %. Finalement, la Présidence de la République et les deux assemblées ont renoncé à toute augmentation de leur dotation. Celle du Sénat est stable depuis de très nombreuses années. Je salue cette décision, mais ce ne sera pas sans difficulté pour les différentes missions de notre assemblée, dont l'exemplarité est toutefois bienvenue.

Les juridictions administratives et financières connaissent une hausse modérée de leurs crédits, due à la réforme de la haute fonction publique de l'État. Je salue le travail des juges administratifs et des greffiers, qui respectent les délais de jugement fixés par le législateur.

Les crédits du Cese baissent, mais cette diminution, due à un changement de périmètre, doit être relativisée.

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » regroupe des institutions très hétérogènes ; elle connaît une baisse notable des CP à périmètre constant. Le budget de l'IHEDN baisse de 300 000 euros, et les crédits de l'action Coordination de la sécurité et de la défense diminuent aussi. Si le groupe INDEP soutient la baisse des budgets des opérateurs, il faut néanmoins assurer les missions régaliennes de l'État. Notre groupe proposera de rétablir le modeste budget des opérateurs stratégiques pour la sécurité nationale et réserve son vote en fonction des amendements adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Rachid Temal applaudit également.)

Mme Lauriane Josende .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La séparation des pouvoirs laisse une autonomie financière aux institutions concernées par la mission « Pouvoirs publics ». Il y a lieu de se réjouir qu'elles aient renoncé d'elles-mêmes à toute hausse.

Les organes centraux de la démocratie, financés par cette mission, sont indispensables, mais soumis à une obligation d'exemplarité que nos concitoyens attendent. D'un commun accord avec l'Assemblée nationale, le Sénat a renoncé à l'indexation de sa dotation.

Le budget de la CJR s'élève à 984 000 euros. Ses dépenses se résument essentiellement au paiement d'un loyer de 530 000 euros rue de Constantine, contre 497 000 l'année précédente. Et le bail court encore six ans... Un effort particulier de gestion immobilière doit être consenti à tous les niveaux. La CJR doit envisager des solutions alternatives, sans tabou.

La mission « Conseil et contrôle de l'État » progresse de 1,8 % en CP. Une part substantielle des dépenses couvre les rémunérations des magistrats, peu pilotables. Cette faible hausse des crédits passe par une contraction des effectifs comme des dépenses hors titre II.

Attention aux délais de jugement et à la réduction du stock de dossiers. Toutefois, après l'adoption de la loi Immigration, qui simplifie la procédure contentieuse applicable aux étrangers, et la territorialisation de l'action de la CNDA, comme le recommandait le rapport Buffet en mai 2022, nous espérons dégager des marges de manoeuvre.

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » connaît une baisse de 3,1 %, hors effets de périmètre et inflation. Nous saluons la participation des services rattachés au Premier ministre à l'effort public.

Nous constatons une dynamique haussière du programme 308 « Protection des droits et libertés », qui regroupe de nombreuses autorités administratives indépendantes. La hausse est souvent le résultat de l'évolution du droit européen ; mais il faut suivre avec vigilance les dépenses dues à des changements de locaux, notamment pour la Cnil et la HATVP. Le rapport pour avis de 2023 de Nathalie Delattre a appelé à une vigilance en matière de stratégie immobilière. Des marges de manoeuvre importantes existent en la matière.

Saluons la bonne santé du budget annexe « Publications officielles et information administrative », grâce à la gestion rigoureuse de la Dila, notamment en matière de développement numérique.

Dans un contexte financier contraint, les institutions et juridictions ont consenti des efforts non négligeables ; elles devront les poursuivre. Le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Marc Laménie et Olivier Cigolotti applaudissent également.)

M. Teva Rohfritsch .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) D'une grande diversité, les crédits que nous examinons sont indispensables. Mais, au vu de la situation de nos finances publiques et du débat public, il est naturel que les institutions concernées montrent l'exemple.

Je salue la décision du Sénat, de l'Élysée et de l'Assemblée nationale de solliciter une dotation constante. Notre objectif doit être de dépenser moins et mieux.

Les moyens de la mission « Conseil et contrôle de l'État » sont en phase avec les priorités identifiées. Les crédits des juridictions administratives augmentent de 3,5 % -  le contentieux augmente de 5 % chaque année  - et ceux des juridictions financières de 2,2 %, pour poursuivre la mise en oeuvre de leur feuille de route, dont l'objectif est de fournir aux citoyens une information plus fiable, rendre les politiques publiques plus efficaces et garantir l'exemplarité de la gestion publique.

La diminution de 22,4 % de la dotation du Cese est le reflet de l'absence de convention citoyenne et d'une réforme de la retraite des anciens membres. Comme Christian Bilhac, je souhaite que les dépenses relatives à la participation citoyenne soient plus lisibles.

Dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement », je salue la diminution de 12,5 % des dépenses des cabinets rattachés au Premier ministre, tout comme l'amendement gouvernemental qui propose une économie supplémentaire de 25,6 millions d'euros.

Avec un budget en hausse, les AAI, notamment le Défenseur des droits, pourront répondre à un nombre toujours plus élevé de saisines de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Mignola, ministre délégué, chargé des relations avec le Parlement .  - Notre pays a besoin d'un budget. Celui-ci nécessite un effort inédit de maîtrise de la dépense publique, effort compliqué par un calendrier extrêmement contraint - ancien parlementaire, je sais combien il peut être inconfortable de recevoir des amendements aussi tardivement. Je tiens à vous remercier pour votre disponibilité et votre réactivité.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - On n'a pas le choix...

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Il est nécessaire de sincériser ce budget, puisque nous avons revu les hypothèses de croissance à la baisse, de 1,1 à 0,9 % du PIB. Il convient aussi de donner un sens à tout cet effort budgétaire que nous devons réaliser en commun : poursuivre la transformation de l'action de l'État et faire en sorte que les Français ressentent sur le terrain les effets de nos décisions.

Les trois missions examinées ce matin ont en commun d'être indispensables au bon fonctionnement de l'État. Elles se doivent d'être exemplaires. Je salue la décision des Présidents de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il est indispensable de montrer le chemin. Les excellents travaux de Grégory Blanc et Éric Kerrouche ont montré combien cela pouvait être difficile.

La revalorisation indemnitaire des magistrats était nécessaire pour maintenir l'attractivité des juridictions, telles que le tribunal du stationnement payant. Nous devons garder à l'esprit que les dépenses de la mission « Conseil et contrôle de l'État » sont passées de 525 millions d'euros en 2023 à 604 millions d'euros en 2025 et que, entre 2020 et 2024, le schéma d'emplois a été systématiquement fixé entre 29 et 41 ETP supplémentaires par an.

Le budget du Cese est stable, en raison d'une mesure de périmètre.

Je remercie les sénateurs Bilhac et Benarroche pour nos précieux échanges sur cette mission.

Enfin, le budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » s'établit à 1,63 milliard en autorisations d'engagement (AE) et 1,66 milliard en CP. À périmètre constant, le budget diminue de 15 millions d'euros, marquant un véritable effort de maîtrise des dépenses par les services du Premier ministre et les AAI qui lui sont rattachées.

Le Gouvernement souhaite continuer à accompagner les AAI face à l'accroissement de leur activité : la Cnil doit intégrer l'IA dans ses travaux, la HATVP faire face aux ingérences étrangères et le Défenseur des droits assumer une activité croissante.

Il vous sera proposé une mesure d'économie préservant au mieux les budgets de la HATVP et de la Cnil. Le Premier ministre a souhaité que ses services contribuent pleinement aux efforts de l'ensemble de l'État.

J'ai entendu l'inquiétude des rapporteurs et du président Perrin sur les besoins croissants de l'Anssi et de Viginum. J'ai donc pris l'initiative de proposer au ministre des armées le transfert de l'IHEDN dans son budget. Sébastien Lecornu a accepté : voyez-y un signe de notre écoute.

Ce budget marque un réel effort de réduction des dépenses. Les économies proposées ne mettront pas en cause la capacité des services à accomplir leurs missions.

Je salue les rapporteurs Cadic et Masset pour le temps qu'ils ont bien voulu m'accorder jusqu'à hier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)

Examen des crédits des missions et du budget annexe

Article 42 (Pouvoirs publics) - État B

M. le président.  - Amendement n°II-2202 du Gouvernement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Cet amendement ouvre 1,08 million d'euros de crédits pour le Conseil constitutionnel, en cohérence avec la dotation qui lui a été allouée en application de la loi spéciale du 20 décembre 2024. Cet amendement semble contre-intuitif, car il s'agit de verser un reliquat non consommé.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est osé.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est une avance. Bercy s'en souviendra...

M. le président.  - Amendement n°II-632 rectifié de M. Cabanel et alii.

M. Henri Cabanel.  - Cet amendement réduit de 10 % les budgets de la Présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ce serait un signal fort pour nos concitoyens.

M. le président.  - Amendement n°II-103 de M. Canévet.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-1764 de M. Lefèvre et alii.

M. Olivier Cigolotti.  - Le Parlement se doit de participer au redressement des finances publiques. Le 15 octobre, l'Assemblée nationale et le Sénat ont annoncé qu'ils renonçaient à la revalorisation de 1,7 % de leur dotation.

Le 12 novembre, malheureusement, l'Assemblée nationale n'a pas été en mesure de voter, pour ce qui la concerne, l'amendement présenté par ses trois questeurs.

La Présidence de l'Assemblée a donc écrit au Président du Sénat pour demander que les questeurs du Sénat présentent un tel amendement. Le voici. Il diminue de quelque 10 millions d'euros le budget de l'Assemblée nationale et de 6 millions celui du Sénat. Il diminue également la dotation de Public Sénat.

M. le président.  - Amendement n°II-101 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°II-1218 du Gouvernement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Nous diminuons le budget de la Présidence de la République de 3,1 millions d'euros, afin de répondre aux annonces conjointes de la Présidence de la République, du Sénat et de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement n°II-425 rectifié bis de M. Masset et alii.

M. Michel Masset.  - Nous renforçons les moyens du Sénat pour améliorer les rémunérations des collaborateurs d'élus, qui nous permettent de prendre des décisions éclairées. Il en va de l'indépendance de notre assemblée et de la démocratie.

M. le président.  - Amendement n°II-1939 rectifié de Mme Mélanie Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Cet amendement vise à augmenter de 4,5 millions d'euros l'enveloppe destinée à rémunérer nos collaborateurs. Financer nos équipes, c'est financer notre force de travail et nos institutions. Nous sommes structurellement sous-financés par rapport aux autres parlementaires européens : nous choisissons d'être faibles, face à un exécutif mieux armé. Même si cet amendement était adopté, le Sénat resterait l'une des assemblées les moins bien financées d'Europe.

M. Cédric Perrin.  - Quelle hypocrisie ! Vous défendez le contraire en permanence dans les médias !

Mme Mélanie Vogel.  - Absolument pas ! J'ai toujours dit qu'il fallait financer la démocratie.

M. le président.  - Amendement identique n°II-2004 rectifié bis de M. Chantrel et alii.

M. Yan Chantrel.  - Cet amendement prévoit la revalorisation salariale des collaborateurs de parlementaire, que je salue. Depuis 2020, leur salaire moyen n'a augmenté que de 6 %, alors que l'inflation a été de 13 %. Voyez les États-Unis, le Canada : un Parlement fort suppose des collaborateurs en nombre suffisant et bien payés.

M. le président.  - Amendement identique n°II-2107 de M. Gay et alii.

M. Fabien Gay.  - Voici un débat intéressant. Jouons-nous l'antiparlementarisme ou assumons-nous nos choix ? Je suis pour la deuxième solution : il n'y aura pas de Parlement fort ni de démocratie forte sans renforcement des moyens de nos équipes. Chaque parlementaire emploie deux ou trois collaborateurs : c'est bien trop peu pour contrôler l'action du Gouvernement. La réalité, mes chers collègues, c'est que nous ne votons pas le budget : nous l'avalisons !

Les salaires des collaborateurs ont augmenté de 6 %, l'inflation de 13 % : il faut de meilleures rémunérations non seulement pour les collaborateurs, mais aussi pour les fonctionnaires du Sénat. (Mme Nathalie Goulet s'exclame.) Ces 4,5 millions d'euros ne seraient pas de trop après quatre années de forte inflation.

M. Grégory Blanc, rapporteur spécial.  - Merci aux parlementaires qui ont déposé des amendements sur cette mission : c'est une première.

Selon l'expression du Conseil constitutionnel et en vertu de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), les pouvoirs publics déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement. Les institutions ont choisi de maintenir leurs dotations au niveau de l'an dernier.

Je demande la priorité de vote sur l'amendement n°II-1764, déposé par nos questeurs et auquel je donne un avis favorable.

Sur les amendements identiques nosII-1218 et II-101 rectifié bis, j'ai entendu des remarques sur les frais de bouche et de déplacement, mais nous votons une dotation globale : j'émets un avis favorable.

Les réserves du Conseil constitutionnel sont inexistantes : c'est un problème. Dès lors, sagesse sur l'amendement n°II-2202.

Retrait des autres amendements.

Les crédits de la démocratie française sont dans la moyenne basse et les moyens des parlementaires, insuffisants : nous devrons ouvrir le débat devant l'opinion, je m'y emploierai prochainement avec Éric Kerrouche.

La priorité sur l'amendement n°II-1764, acceptée par le Gouvernement, est ordonnée.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Sagesse sur cet amendement n°II-1764.

M. le président.  - S'il était adopté, les amendements nosII-632 rectifié, II-103, II-425 rectifié bis, II-1939 rectifié, II-2004 rectifié bis et II-2107 deviendraient sans objet.

M. Éric Kerrouche.  - L'amendement n°II-2202 est byzantin. Les réserves du Conseil constitutionnel sont faibles. La méthode nous interpelle, avec un dépôt au dernier moment.

Je ne comprends pas l'amendement n°II-632 rectifié de M. Cabanel. On a parlé du coût de la démocratie. Proposer un coup de rabot de 10 % pour les institutions qui font vivre la démocratie est une erreur : cela revient à dire qu'on peut toujours s'adapter et que nos travaux ont peu de valeur. Or il nous faut de l'expertise face au Gouvernement et à son administration. Ne dévalorisons pas nos institutions. Pas de démagogie !

M. Cédric Perrin.  - Pardon pour ma mauvaise humeur, tout à l'heure. La démocratie a un coût, évidemment. Nos collaborateurs ne sont pas nombreux. Cependant, j'aimerais que ceux qui défendent ici les collaborateurs le fassent aussi sur les plateaux de télévision. Des enquêtes sortiront prochainement - nous verrons comment s'exprimeront les uns et les autres...

Un exemple : lorsque vous devenez président de commission, vous n'avez pas droit à un collaborateur de plus. Pourtant, votre travail est surmultiplié : nous en avons parlé avec les questeurs.

La démocratie a un coût, discutons-en. Mais soyons tous cohérents : on ne peut avoir un discours démagogique dans les médias, raconter que les parlementaires se gavent, et dire ici qu'on manque de moyens. Il faut de la sincérité et de la clarté ! (M. Guy Benarroche s'exclame.)

M. Henri Cabanel.  - Désolé de vous avoir choqué, monsieur Kerrouche. Mon amendement était un amendement d'appel : on votera - ou pas - un budget qui réduit la voilure, et, pour nous, nous ne ferions rien ? J'entends les arguments, mais pourquoi ne pas diminuer l'avance sur frais de mandat (AFM) pour rehausser l'enveloppe allouée à la rémunération des collaborateurs ?

Je retire mon amendement. Mais on ne peut pas dire aux Français : faites ce que je dis, pas ce que je fais. Mon amendement visait à donner l'exemple. (M. André Guiol applaudit.)

L'amendement n°II-632 rectifié est retiré.

M. Marc Laménie.  - Cette mission « Pouvoirs publics » porte des crédits importants. Depuis de nombreuses années, le montant demandé par le Sénat s'élève à 323 millions d'euros.

Je comprends les auteurs des amendements relatifs aux crédits alloués aux collaborateurs. Je rends hommage à ces derniers et aux services du Sénat. De nombreux visiteurs sont accueillis dans nos murs et n'oublions pas l'entretien du jardin : tout cela demande du personnel. Le groupe INDEP votera l'amendement de M. Lefèvre.

M. Michel Canévet.  - Je suis surpris par ce débat. L'heure est au redressement des finances publiques, c'est-à-dire diminuer la dépense publique. (M. Pierre Jean Rochette renchérit.) J'invite tout le monde à être plus actif pour réduire les déficits. Je retire l'amendement n°II-103. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

L'amendement n°II-103 est retiré.

Mme Mélanie Vogel.  - Je n'ai pas bien compris l'intervention de M. Perrin ; je ne sais à quel reportage il fait référence. Pour notre part, nous n'avons jamais prôné la diminution du pouvoir d'achat des collaborateurs, ni du reste de quiconque.

Depuis 2020, avec l'inflation, le pouvoir d'achat moyen des collaborateurs a baissé. Ce n'est pas acceptable, alors qu'ils sont globalement sous-payés. Je ne comprends pas non plus les arguments de la droite, car cette mesure augmenterait le taux d'emploi et permettrait d'embaucher plus d'agents.

Je n'ai jamais tenu de position antiparlementariste, jamais. Je refuse que nous nous affaiblissions nous-mêmes.

M. Fabien Gay.  - Monsieur Canévet, vous avez décidé de réduire les dépenses publiques. Mais, en réalité, nous avons non pas un problème de dépenses, mais de recettes ! (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Eh oui, il n'y a pas que votre vision...

Les Échos, que l'on ne peut taxer de gauchisme, a indiqué que 100 milliards d'euros ont été versés aux actionnaires du CAC 40 - c'est un record historique ! Si on les taxait au même niveau que les revenus du travail, on aurait engrangé plus de 50 milliards d'euros. Mais vous ne voulez pas le voir.

Dans un pays où 5 000 enfants dorment dans la rue, c'est un scandale absolu ! Idem pour l'école et l'hôpital.

Nous sommes favorables au contrôle de l'utilisation des deniers publics. Si on réduit le budget de notre assemblée, cela ne peut pas porter sur le salaire des collaboratrices et collaborateurs. Un débat doit peut-être s'ouvrir avec les questeurs pour réviser l'architecture du budget de l'institution.

M. Daniel Chasseing.  - Ce sont les entreprises qui créent la richesse. Pour dépenser plus, il faut plus de recettes, et donc ne pas alourdir les cotisations des entreprises et des salariés.

Le contexte financier est très difficile, et chacun doit faire un effort. M. Canévet a retiré son amendement : c'est dommage, je l'aurais voté.

L'amendement n°II-1764 est adopté.

L'amendement n°II-425 rectifié n'a plus d'objet, non plus que les amendements identiques nosII-1939 rectifié, II-2004 rectifié bis et II-2107.

L'amendement n°II-2202 est adopté.

Les amendements identiques nosII-101 rectifié bis et II-1218 sont adoptés.

Les crédits de la mission « Pouvoirs publics », modifiés, sont adoptés.

Article 42 (Conseil et contrôle de l'État) - État B

M. le président.  - Amendement n°II-2205 rectifié du Gouvernement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Cet amendement prévoit des économies de 7,3 millions en CP, calculées en fonction du poids des dépenses des institutions concernées. Les dépenses d'investissement de la Cour des comptes et du Cese n'étant pas inscrites au budget de l'État, ces deux institutions sont moins impactées. Ces économies résultent de l'abandon de la mesure sur le délai de carence des fonctionnaires. Les effectifs sont inchangés.

M. le président.  - Amendement n°II-99 de M. Canévet.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-1924 rectifié bis de M. Canévet.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial.  - M. le ministre a ressorti le rabot, ce merveilleux outil adoré par Bercy !

On connaît le problème : les Français, de plus en plus procéduriers, multiplient les recours devant les juridictions administratives. À la CNDA -  il faut le voir pour le croire  - , c'est le chaos du monde. Dix-sept chambres où se bousculent interprètes et magistrats. Elle a besoin de moyens !

Toutefois, en responsabilité, compte tenu de la gravité de la situation financière, avis favorable à l'amendement n°II-2205 rectifié. Demande de retrait des amendements nosII-99 et II-1924 rectifié bis.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Demande de retrait des amendements nosII-99 et II-1924 rectifié bis, sinon avis défavorable.

L'amendement n°II-2205 rectifié est adopté.

L'amendement n°II-99 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement n°II-1924 rectifié bis.

Les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État », modifiés, sont adoptés.

Article 45 - État G

M. le président.  - Amendement n°II-1737 de M. Benarroche, au nom de la commission des lois.

M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis.  - Comme les deux années précédentes, nous vous proposons de faire évoluer les indicateurs de performance de la mission, pour tenir compte des nouvelles missions des juridictions financières issues du plan « JF 2025 », lancé par Pierre Moscovici en 2021 -  une réussite !

Parmi ces nouvelles missions des chambres régionales des comptes figurent l'évaluation des politiques publiques et la formulation d'un avis sur un projet d'investissement exceptionnel. C'est encore peu mis en oeuvre. Aussi, nous proposons un nouvel indicateur pour suivre ces missions. Il serait partiellement maîtrisé par les chambres, puisqu'elles peuvent s'autosaisir.

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial.  - Je suis très réservé sur la modification régulière des indicateurs, qui crée de l'instabilité. Le nombre de rapports des chambres régionales des comptes (CRC) n'est pas un bon indicateur, car il dépend des saisines des collectivités territoriales. Mais avis de sagesse.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Effectivement, le fait que les chambres puissent soit être saisies soit s'autosaisir peut poser un problème. Mais avis de sagesse, car il s'agit des prérogatives de contrôle du Parlement.

M. Guy Benarroche, rapporteur pour avis.  - L'indicateur actuel, « nombre d'auditions au Parlement », ne dépend pas des juridictions financières ! Au contraire de l'indicateur que je propose, et qui les satisfait. Merci pour cet avis de sagesse. J'invite le Sénat à voter cet amendement que la commission des lois propose depuis trois ans.

Mme Nathalie Goulet.  - On ne peut pas refuser !

L'amendement n°II-1737 est adopté.

Article 42 (Direction de l'action du Gouvernement) - État B

M. le président.  - Amendement n°II-2203 du Gouvernement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - C'est l'amendement le plus difficile que nous avons à examiner ensemble. Le Gouvernement propose de porter la réduction des crédits de la mission de 26 à 41 millions d'euros. Il y a bien sûr des inquiétudes sur les possibilités de redéploiement, notamment pour le SGDSN. Ce travail sera difficile, même s'il n'est pas impossible.

Le SGDSN représente 45 % des crédits. J'ai proposé le transfert du budget de l'IHEDN au ministère des armées à budget constant : le ministre des armées a accepté cet effort important. Le rabot est d'autant plus douloureux que le budget est petit. Le Sénat a eu la sagesse de maintenir le budget des armées, il pourra donc l'absorber, d'autant que c'est logique d'un point de vue fonctionnel.

Nous avons quelques jours devant nous. Sous réserve du vote de demain au Sénat, une commission mixte paritaire (CMP) se réunira. Je fais en sorte qu'il n'y ait pas de mise en difficulté des services qui sont sous la responsabilité du Premier ministre et je reste à votre écoute dans le cadre de la préparation de la CMP.

M. le président.  - Amendement n°II-1934 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-1936 rectifié bis de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial.  - Avis favorable à l'amendement n°II-2203 qui satisfait les suivants. Demande de retrait des amendements nosII-1934 rectifié bis et II-1936 rectifié bis, qui sont satisfaits, sinon avis défavorable.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Demande de retrait des amendements nosII-1934 rectifié bis et II-1936 rectifié bis, sinon avis défavorable.

M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères et de la défense.  - Connaissez-vous l'objectif de la guerre de haute intensité ? C'est de gagner la guerre avant la guerre - laquelle a déjà commencé. C'est la guerre du numérique, du cyber, de l'information, de l'ingérence. Nos moyens de réponse, ce sont l'Anssi et Viginum. La réduction de leurs crédits n'est pas acceptable. Nous devons faire des choix budgétaires, mais aussi stratégiques -  le rabotage ne peut pas être systématique, il y va de la cohérence avec la LPM.

Cela menace tous les Français. Pas moins de 1 112 attaques cyber en 2024, contre 832 en 2022 ! Le secteur de la santé représente 10 % des attaques ; les collectivités territoriales, 17 %.

Le SGDSN doit avoir les moyens de contrer les attaques chinoises et russes. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Mickaël Vallet, rapporteur pour avis.  - Vous êtes un peu emprunté pour défendre cet amendement, monsieur le ministre, et je le comprends, car il est extrêmement grave.

Nos services ont été parfaits pendant les JOP, les élections européennes, et les élections législatives, que personne n'attendait.

La commission d'enquête sur TikTok, que j'ai présidée, celle sur les influences étrangères, la revue nationale stratégique (RNS) aboutissent à la même conclusion : ne pas avancer, c'est régresser.

Certains naïfs ont dû attendre de voir les images du Capitole d'avant-hier pour se rendre compte qu'il y a un problème : Elon Musk, TikTok, élection présidentielle annulée en Roumanie, ingérence azerbaïdjanaise sur la Corse... Comment, dans ce contexte, faire des économies sur l'Anssi ou Viginum ?

Quand, sur le régalien, on touche ainsi à l'os, on ne fait plus notre travail. Je vous invite tous à voter contre cet amendement.

M. Dominique de Legge.  - Je rejoins mes deux collègues. Prétendre qu'on peut s'en sortir par un tour de passe-passe, c'est se moquer du monde. Lundi, à Rennes, le Président de la République a présenté ses voeux aux armées, en insistant sur le cyber. Et vous nous demandez ici de faire l'inverse ?

J'ai présidé la commission d'enquête sur les influences étrangères, dont les conclusions ont été adoptées à l'unanimité. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Le Premier ministre nous dit qu'il est à l'écoute du Sénat, et vous nous proposez d'ignorer nos propres préconisations ? Alors qu'il faudrait augmenter les crédits, nous demander de les diminuer est une provocation.

Et, pendant ce temps, des ministres se demandent s'il faut rester sur X ? Où est la cohérence ? Je ne voterai pas cet amendement. (M. Mickaël Vallet applaudit.)

M. Olivier Cadic.  - C'est un amendement difficile. Corapporteur de ce budget depuis huit ans, j'auditionne l'Anssi régulièrement, mais je n'achète pas l'idée que c'est parce qu'on mettra plus d'argent qu'on sera mieux défendus. L'Anssi et Viginum ont prouvé qu'ils avaient la capacité de répondre aux attaques.

Dans une entreprise, lorsque le chiffre d'affaires baisse, on fait des choix. Avec le précédent Premier ministre, nous avions envisagé d'intégrer le budget de l'IHEDN à celui des armées. Je remercie le ministre des armées de l'avoir accepté, ce qui permet d'amortir la baisse de crédits pour l'Anssi et Viginum.

Si nous ne prenons pas en compte notre situation budgétaire, nous irons vers de plus grandes menaces encore.

Mme Audrey Linkenheld.  - Le groupe SER avait prévu de voter contre les crédits de cette mission, qui baissaient. Désormais, c'est 41 millions supplémentaires !

Ce nouveau coup de rabot, aux conséquences extrêmement néfastes pour l'Anssi et Viginum, touche aussi au programme 308 sur la protection des droits et des libertés. D'où nos amendements pour augmenter les crédits de l'Anssi, de Viginum, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de la CNCDH, du Défenseur des droits et de la Cnil. Ces amendements sont donc défendus.

Mme Nathalie Goulet.  - Rapporteur spécial sur les crédits de l'action extérieure de l'État, j'ai servi de lièvre avec un amendement de 50 millions d'euros : le coup de rabot de 25,5 millions est passé plus facilement, grâce à cette mithridatisation !

J'ai été vice-présidente de la commission d'enquête sur les influences étrangères : quelle image donnons-nous du Sénat si nous rabotons les crédits de l'Anssi et de Viginum, alors que nos données personnelles sont massivement piratées ?

Je ne peux pas voter en conscience cet amendement.

M. Michel Canévet.  - Pour ma part, je crois que toutes les missions doivent participer à l'effort de réduction des dépenses. J'ai confiance dans les services du Premier ministre pour faire le nécessaire. Ces dernières années, les moyens de l'Anssi ont été démultipliés.

Depuis le 17 janvier, avec le nouveau règlement européen, les acteurs doivent se prendre en main ; ce qui pourrait décharger l'Anssi. (M. Mickaël Vallet secoue la tête en signe de dénégation.)

Monsieur Gay, oui, il faut diminuer les dépenses et augmenter les recettes. Mais pas en taxant les dividendes ! Tous les actionnaires ne sont pas riches ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K) Les dividendes sont déjà taxés à 30 % ; peut-être faut-il aller plus loin ? J'étais favorable à 35 %. Mais trop d'impôt tue l'impôt ! (Les exclamations redoublent.)

M. Mickaël Vallet.  - Prix de l'humour politique 2025 !

M. Emmanuel Capus.  - La position du groupe Les Indépendants est claire : réduire les dépenses publiques.

M. Fabien Gay.  - Et voilà !

M. Emmanuel Capus.  - Mais il faut faire des choix : réduire drastiquement les dépenses des missions non régaliennes, et préserver ces dernières. Le simple citoyen a-t-il les moyens de faire ce que fait l'Anssi ? Je ne le crois pas. La menace diminue-t-elle ? Faut-il réduire les crédits ? Je ne le crois pas non plus.

Je crains donc d'être obligé de voter contre l'amendement du Gouvernement.

M. Philippe Folliot.  - J'ai moi aussi des réserves : la menace n'a jamais été aussi forte. Elle est multiforme et nous devons avoir les moyens d'y faire face.

Ciblons plutôt d'autres crédits : la communication gouvernementale, par exemple, où des économies sont certainement possibles. De même, nous n'avons pas diminué le nombre d'enseignants à due proportion du nombre d'élèves. Faisons des choix courageux.

M. Thomas Dossus.  - Nous ne voterons pas ces amendements. En choisissant de prolonger l'examen du budget, le Gouvernement ne s'est pas posé la question de nouvelles recettes : c'est incompréhensible et inégalitaire.

Plusieurs collègues ont évoqué une dissonance entre les déclarations et les moyens. Mais on le voit sur les autres sujets ! Nous aussi, nous sommes en train de revenir sur les accords de Paris, en sabrant les budgets de l'aide publique au développement, de la recherche et de l'écologie, alors que nous sommes victimes de l'urgence climatique : un département, Mayotte, a été rayé de la carte ; nous avons connu des inondations monstres en fin d'année.

Il aurait fallu remettre à plat la fiscalité, car tout le monde n'est pas soumis aux mêmes impôts, c'est injuste. Résultat : des amendements qui tapent dans le dur et que nous ne voterons pas.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - À aucun moment le Gouvernement ne souhaite manquer de respect à la Haute Assemblée.

Madame Linkenheld, ce n'est pas une baisse de 41 millions d'euros supplémentaires, mais de 15 millions supplémentaires ; pour le SGDSN, ce sera 5,8 millions d'euros en moins. Pour Viginum, cela représente 58 000 euros.

M. Mickaël Vallet.  - Quel intérêt ?

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Je comprends bien vos arguments sur le signal, dans un monde toujours plus dangereux. Mais ce n'est pas un rabot aveugle. Je vous ai fait une proposition pour le compenser, avec le transfert du budget de l'IHEDN vers le ministère des armées, pour 7 millions d'euros : si vous l'acceptiez, nous ferions plus que compenser la baisse de 5,8 millions. L'Anssi et Viginum sont donc protégés. Nous sommes donc en phase sur les objectifs et l'effort demandé est accessible.

L'amendement n°II-2203 n'est pas adopté.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Nous revenons donc à la situation ex ante : dès lors, j'émets un avis favorable à l'amendement noII-1934 rectifié bis de M. Canévet.

L'amendement n°II-1934 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Patrick Mignola, ministre délégué.  - Avis favorable à l'amendement noII-1936 rectifié bis de M. Canévet.

L'amendement n°II-1936 rectifié bis n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 h 05.

Présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.