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Table des matières



Mise au point au sujet d'un vote

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Seconde partie

Enseignement scolaire

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport

Mme Monique de Marco

Mme Marie-Pierre Monier

M. Aymeric Durox

Mme Laure Darcos

M. Max Brisson

Mme Samantha Cazebonne

M. Ahmed Laouedj

Mme Annick Billon

Mme Evelyne Corbière Naminzo

Mme Colombe Brossel

Mme Agnès Evren

Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale

M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel

Mise au point au sujet d'un vote

Examen des crédits de la mission

Article 42 (État B)

Mises au point au sujet de votes

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Seconde partie (Suite)

Santé

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

M. Bernard Jomier

M. Stéphane Ravier

M. Daniel Chasseing

Mme Marie-Do Aeschlimann

M. Frédéric Buval

Mme Véronique Guillotin

Mme Nadia Sollogoub

Mme Céline Brulin

Mme Anne Souyris

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins

Examen des crédits de la mission

Article 42 (État B)

Après l'article 64

Immigration, asile et intégration

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la commission des finances

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Dany Wattebled

Mme Françoise Dumont

Mme Patricia Schillinger

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Isabelle Florennes

M. Ian Brossat

M. Guy Benarroche

Mme Corinne Narassiguin

M. Joshua Hochart

M. Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur

Examen des crédits de la mission

Article 42 (État B)

Article 45 (État G)

Mise au point au sujet d'un vote

Sécurités

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances. 

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Marc Laménie

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Patricia Schillinger

M. Michel Masset

Mme Isabelle Florennes

Mme Cécile Cukierman

Mme Mélanie Vogel

Mme Corinne Narassiguin

M. Stéphane Ravier

M. Olivier Bitz

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur

Examen des crédits de la mission et du compte spécial

Article 42 (État B)

Article 45 (État G)

Après l'article 64

Article 44 (État D)

Ordre du jour du mardi 3 décembre 2024




SÉANCE

du lundi 2 décembre 2024

32e séance de la session ordinaire 2024-2025

Présidence de M. Alain Marc, vice-président

Secrétaires : M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Michel Canévet.  - Lors du scrutin public n°135, nos collègues Vincent Delahaye et Claude Kern voulaient voter contre.

Acte en est donné.

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Seconde partie

Enseignement scolaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La mission « Enseignement scolaire » est toujours - et heureusement - la première mission du budget de l'État et devrait atteindre 64,5 milliards d'euros en 2025.

Si Marianne exerçait un métier, nul doute qu'elle serait professeur, tant la République et l'école ont leurs destinées entrelacées. Les « hussards noirs de la République », chers à Charles Péguy, incarnent cette symbiose.

Cette année, les crédits sont stables. Depuis 2022 ils avaient augmenté de 17 %, en raison de l'indispensable revalorisation des enseignants, qui représentent 74 % des 1,2 million de fonctionnaires de l'éducation nationale. En 2022, nos enseignants étaient moins payés que leurs homologues allemands ou portugais...

Des efforts substantiels ont été faits pour améliorer l'attractivité du métier. L'augmentation du point d'indice, la revalorisation des salaires et le pacte enseignant ont amélioré la situation, même si tous les agents ne bénéficient pas de ce dernier. Sans ces hausses de salaire, le budget de la mission aurait été inférieur de 4,5 milliards en 2025.

Le récif tranchant cette année est la baisse du plafond d'emplois : 4 000 postes pourraient être supprimés, dont 3 815 dans le premier degré, en raison de la baisse démographique, le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré ayant baissé de 6 % entre 2011 et 2023. Le phénomène s'accélère : entre 2023 et 2028, le premier degré perdra 350 000 élèves.

La politique ne saurait se résumer à un exercice comptable : elle doit rendre possible ce qui est souhaitable. Nous ne saurions nous résigner à ce que le taux d'encadrement demeure l'un des plus faibles de l'OCDE.

Mme Marie-Pierre Monier.  - C'est sûr !

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial  - La diminution du nombre d'enseignants ne doit pas être uniforme, mais progressive et ciblée sur le territoire. Elle présente un risque pour les écoles rurales, qui ont déjà perdu 8,6 % de leurs effectifs entre 2015 et 2023. (Mme Marie-Pierre Monier renchérit.) Leur fermeture s'accompagne souvent de forts risques de « désaménagement du territoire ». Je propose donc de limiter les suppressions à 2 000 postes.

Comme les années précédentes, l'école inclusive progresse : entre 2013 et 2023, 240 000 élèves supplémentaires ont bénéficié d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Au total, cela coûtera 4,5 milliards d'euros.

Du dédoublement en grande section, CP et CE1 au choc des savoirs, les réformes ont épuisé les enseignants. Point trop n'en faut : il serait souhaitable d'abandonner les réformes de trop grande ampleur.

En 2023, sur les 2 milliards d'euros consacrés à la formation des enseignants, seule la moitié a été consommée. La commission des finances ne comprend pas cette sous-consommation, et a déposé un amendement pour réduire les crédits.

La commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission, sous réserve de quelques modifications. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - Nous sommes dans une situation inédite, dans l'attente de je ne sais quelle décision. Merci de travailler dans cette incertitude.

Hors enseignement agricole, les crédits de la mission augmentent de 1,6 milliard d'euros.

Nous nous réjouissons des efforts en faveur de la scolarisation des élèves en situation de handicap, dont le nombre a progressé de 52,4 %, notamment grâce à la loi Vial.

La démographie scolaire diminuant, le Gouvernement propose la suppression de 4 000 postes, dont 3 150 dans le premier degré. Mais n'oublions pas les territoires ruraux, où l'école est souvent le dernier service public. Aussi défendrai-je un amendement, adopté à l'unanimité par la commission de la culture, pour réduire le nombre de postes supprimés. Il est urgent de repenser le maillage territorial.

Faisons de la contrainte démographique un levier pour la réussite des élèves. Je suis un fervent défenseur de l'école du socle commun, qui permet aux écoles rurales de se consolider autour des collèges. La question démographique doit nous conduire à réfléchir à une nouvelle organisation scolaire pour nos élèves. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport .  - Le programme 143 relatif à l'enseignement technique agricole a reçu un avis favorable de la commission, ce qui pourrait sembler paradoxal dans un contexte de réduction démographique. Le nombre d'élèves dans l'enseignement agricole progresse de 1 % par an depuis cinq ans. Il affiche un taux de réussite remarquable, malgré des indices de position sociale (IPS) défavorables.

L'agriculture fera face à un renouvellement générationnel de 30 % d'ici à 2030. L'augmentation de 35 millions d'euros est donc bienvenue. Mais nous sommes inquiets des mesures touchant l'apprentissage, qui a progressé de 49 % depuis 2019. Les ateliers et les fermes sont déficitaires car celles-ci privilégient la pédagogie à la rentabilité. Mme Genevard a annoncé un coup de rabot généralisé sur les crédits de son ministère, sans discernement pour l'enseignement agricole.

Nous ne pouvons nous en satisfaire : pour récolter, il faut semer et donc investir dans l'enseignement agricole. Nous devons améliorer la gestion du pacte enseignant, et confier plus d'autonomie de gestion aux chefs d'établissement en la matière. Néanmoins, l'avis est favorable sur l'adoption de ce budget. (MM. Olivier Paccaud et Jacques Grosperrin ainsi que Mme Samantha Cazebonne applaudissent.)

Mme Monique de Marco .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.) Après les années Blanquer, qui ont laissé des traces, l'année 2024 a été marquée par une instabilité ministérielle inédite : vous êtes la troisième ministre de l'année, la sixième du quinquennat. Cela nuit à la relation de confiance entre les enseignants et les autorités politiques. Votre formation n'a pas encore trouvé la bonne méthode pour s'adresser à eux...

Les constats diffèrent. Les enseignants insistent sur le sous-investissement structurel dans l'école selon l'OCDE, tandis que le Gouvernement s'appuie sur les enquêtes Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves) pour souligner la baisse de niveau.

En France, le budget par élève est inférieur de 11 % à la moyenne des pays de l'OCDE. Le taux d'encadrement est de 14,6 élèves par enseignant, contre 11,8 pour les autres pays de l'Union européenne. La baisse démographique est une opportunité historique pour rattraper notre retard. Nous déplorons l'absence de revalorisations salariales : il manquait encore 3 000 enseignants à la rentrée 2024.

Notre politique d'enseignement ne peut se limiter à une réussite mesurée par des critères quantitatifs. L'école doit être au coeur de la société, appuyée sur l'apprentissage des savoir-être, comme l'empathie, par exemple, qui devrait devenir un critère d'évaluation.

Il y a aussi un problème de méthode. Le ministère de l'éducation nationale est le premier employeur. La réussite des réformes dépend du soutien des enseignants, or le « choc des savoirs » leur a été imposé, sans débat parlementaire. Votre prédécesseur a décidé seul des savoirs fondamentaux à enseigner. Je me félicite de la décision d'annulation du Conseil d'État, qui vous obligera à réfléchir sur ces méthodes brutales. Je m'inquiète cependant de la réaction du ministère qui veut agir par décret. Pourquoi, après l'opposition du Conseil supérieur de l'éducation, la réforme des groupes de besoins a-t-elle du mal à se mettre en place ? N'est-il pas contradictoire de prôner l'école inclusive au primaire, avant de trier les élèves au collège ? Pour faire face aux difficultés scolaires, le modèle de 1977, fondé sur des classes hétérogènes, est une réponse.

L'année 2024 a été aussi marquée par l'affaire Stanislas. Certains, dans cet hémicycle, militent pour un renforcement de l'autonomie des établissements scolaires.

M. Max Brisson.  - Absolument !

Mme Monique de Marco.  - Attention : les Suédois, qui ont adopté ce modèle, sont sur le point de faire machine arrière ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)

Mme Marie-Pierre Monier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Jules Ferry disait : « entre toutes les nécessités du temps présent, entre tous les problèmes, j'en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j'ai d'intelligence, tout ce que j'ai d'âme, de coeur, de puissance physique et morale, c'est le problème de l'éducation du peuple ». 

Voilà notre boussole : proposer une éducation de qualité à tous nos élèves. Ce budget en est à mille lieues. Il supprime 4 000 postes, faisant peser 90 % des coupes d'effectifs de la fonction publique sur l'école. La raison invoquée - la baisse démographique - n'est pas entendable. Entre 2018 et 2021, 7 500 postes ont été supprimés dans le second degré en raison de la priorité donnée au premier degré, alors qu'il y avait 68 000 élèves de plus.

La France est le mauvais élève de l'Union : dans le premier degré, on compte 21,4 élèves par classe, 19 dans le reste de l'Union. Au collège, on est à 26 élèves par classe, contre 21 ailleurs.

Continuons à soutenir l'enseignement technologique et professionnel, qui bénéficie d'un meilleur taux d'encadrement. Je me réjouis du signal envoyé par les amendements de la commission des finances et de la commission de la culture pour réduire la baisse des effectifs.

Le groupe SER veut aller plus loin : nous avons déposé des amendements tendant à rétablir l'ensemble des postes supprimés.

Ces dernières années ont été marquées par un tourbillon de réformes coûteuses : fonds d'innovation pédagogique de 500 millions d'euros, campagne d'évaluation des établissements scolaires, choc des savoirs, etc. L'ancienne professeure de mathématiques que je suis est frappée par la lassitude exprimée par les enseignants. Disons-le tout net : ils sont au bout du rouleau !

Alors que des milliers de postes ne sont pas pourvus et que le nombre de démissions explose, nous devons écouter leurs revendications. Cela passe par une revalorisation de leur salaire -  les enseignants ont perdu 15 à 20 % de leur pouvoir d'achat en vingt ans  - et une amélioration de leurs conditions de travail. Soyons au rendez-vous pour les protéger contre les menaces et les attaques dont ils font l'objet - je le dis alors que le procès Paty est en cours.

Il faut saluer la création de 2 000 postes d'AESH, mais seront-ils pourvus ? Vingt ans après le lancement de l'école inclusive, il faut mettre un terme au bricolage. Je relève des signaux inquiétants dans la mise en place des pôles d'appui à la scolarité (PAS) ou dans l'application difficile de la loi Vial sur la prise en charge durant la pause méridienne.

Le budget de l'enseignement agricole est en hausse, mais il doit avoir les moyens de répondre aux enjeux du renouvellement des générations agricoles et de l'évolution des pratiques. Entre 2017 et 2022, 316 postes ont été supprimés, soit l'équivalent de 10 000 dans l'éducation nationale.

Le groupe SER votera contre ce budget, encore amputé de 170 millions d'euros par le Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

M. Aymeric Durox .  - « Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple : s'il ne l'est aujourd'hui, il le sera demain », disait Jules Simon, ministre de l'instruction publique en 1870 et sénateur durant plus de vingt ans. C'était vrai jusqu'aux années 1960 ; depuis, c'est la dégringolade. N'est-ce pas le but recherché, comme l'écrit Jean-Claude Michéa dans L'enseignement de l'ignorance ?

Le budget de l'enseignement scolaire traduit le « en même temps » : certes, il augmente de 2 %, mais il manque d'ambition et se résume à des mesures sans impact systémique - cours d'empathie, Conseil national de la refondation, éducation sexuelle, groupes de besoins, etc.

Vous affirmez que la maîtrise des fondamentaux est une priorité, mais le coût moyen d'un écolier reste inférieur à celui d'un lycéen, à l'inverse des pays de l'OCDE obtenant les meilleurs résultats.

Vous supprimez à nouveau des classes dans la France périphérique. Vous dédoublez les classes en REP et expérimentez le 8 heures-18 heures, mais en même temps, vous n'engagez aucune évaluation de l'éducation prioritaire pour faire évoluer un modèle obsolète

Vous multipliez les déclarations martiales sur la laïcité, mais en même temps vous refusez un indicateur sur la menace de l'islamisme radical sur nos enseignants, la laïcité et la République en elle-même ! Et ce, alors que 328 atteintes à la laïcité à l'école ont été recensées en septembre, et que les demandes de protection fonctionnelle pour les professeurs augmentent de 29 % en un an !

Le ministère de l'éducation nationale n'est pas un ministère dépensier. Il est, par essence, celui de l'avenir de la nation. Son budget est un budget d'investissement. Or investir sans vision stratégique revient à remplir le tonneau des Danaïdes. Pourquoi est-il impossible d'envisager des objectifs qualitatifs et éducatifs pour le milieu du siècle, alors qu'on parle bien d'objectifs de développement durable ?

Vous nous présentez un budget de routine, alors qu'il faudrait des mesures ambitieuses pour éviter le naufrage.

Le Rassemblement national est le seul mouvement politique ayant proposé une autre ambition pour l'école de la République, pour l'avenir de la nation.

Mme Laure Darcos .  - (Mme Sonia de La Provôté applaudit.) L'enseignement scolaire est à la croisée des chemins. La diminution du nombre d'élèves va s'accélérer, vu l'évolution de la natalité. Le premier degré a perdu 360 000 élèves entre 2011 et 2023, et en perdra 350 000 d'ici 2028.

Dans ces conditions, l'État, appliquant une logique comptable, peut être tenté de diminuer les crédits.

Ce serait une grave erreur, tant les besoins sont immenses. Pour redresser les résultats, objectivement mauvais, dans les matières essentielles que sont les mathématiques et le français, pour financer l'école inclusive, pour offrir une rémunération décente aux AESH et aux enseignants, pour tendre vers l'égalité des chances et relever le défi de la ruralité, les moyens de l'éducation nationale doivent être sanctuarisés.

Olivier Paccaud a considéré à juste titre qu'on ne pouvait supprimer 4 000 postes. Qui n'a pas été sollicité par un maire rural sur une fermeture de classe ? Attractivité du territoire, sentiment de déclassement : les effets sont terribles. Sortons du court-termisme et instaurons des politiques éducatives agiles qui répondent aux enjeux.

Le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ne cesse d'augmenter, ce qui invite à mieux coordonner l'école et le monde médico-social. Les pôles d'appui à la scolarité (PAS) y pourvoiront, en amont des notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Les conditions de mise en oeuvre de la prise en charge sur la pause méridienne doivent être clarifiées : la circulaire de juillet 2024 est d'une complexité inouïe.

Enfin, la médecine scolaire se verra retirer 30 millions d'euros en 2025, l'augmentation de crédits que nous avions votée l'an dernier n'étant pas reconduite. La santé psychologique de nos jeunes ne cesse de se dégrader. Les médecins sont trop peu nombreux et les départs à la retraite se profilent. Dans l'Essonne, seuls 14 ETP sur 36 sont pourvus, alors que le nombre d'élèves augmente.

Il faut réévaluer la grille indiciaire, attirer des médecins contractuels avec un salaire attractif et améliorer les conditions matérielles de ces professionnels qui travaillent sans locaux, sans moyens de dépistage, sans accès partagé aux données de santé, sans assistance médicale. Sans réaction urgente, il n'y aura plus de médecine scolaire dans quelques années.

Il existe des marges de progrès importants. Le groupe INDEP votera les crédits de la mission, tout en restant vigilant.

M. Max Brisson .  - En décembre 2021, la Cour des comptes dressait un constat implacable : « la performance globale du système éducatif français reste médiocre malgré l'importance des moyens mobilisés. » Comment lui donner tort, quand plus de la moitié des élèves entrant en 4e n'ont pas les compétences minimales en français et en mathématiques, et quand 62 000 élèves décrochent chaque année du système scolaire ? Quand la mobilité sociale est la plus faible d'Europe, les actes de violence en hausse, que 3 200 postes ne sont pas pourvus aux concours, et que 53 % des Français estiment que l'école fonctionne mal ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

Près de 40 % des élèves en fin de primaire ne possèdent pas les connaissances fondamentales. Plus de trois jeunes sur quatre déclarent avoir subi des violences à l'école, 29 % disent ne pas s'y sentir en sécurité, contre 10 % pour la moyenne de l'OCDE.

Pourtant, l'attachement à notre école demeure. Les Français espèrent son redressement.

Pour la majorité des acteurs, les réponses sont financières : il faut plus de moyens. Le budget 2025 ne déroge pas à la règle. Mais ne serait-il pas temps de questionner la légitimité de cette méthode ? Dépenser toujours plus pour toujours moins de résultats... On alimente un système trop vertical, trop uniforme, trop oublieux des particularités.

En Suède, la tendance est à l'autonomie. En France, c'est la verticalité, la centralisation et l'uniformisation, qui épuisent les initiatives et découragent les meilleures idées. Seules 10 % des décisions sont prises au niveau des établissements ! Le Conseil d'État vient de le rappeler sur les groupes de besoin.

Selon la Cour des comptes, les systèmes scolaires les plus performants sont ceux qui donnent le plus de place aux établissements, fédérant les enseignants autour d'un projet. Tout est dit ! Ce sont bien la liberté et l'autonomie qui font défaut. Ouvrons enfin une réflexion sur le sujet. Le pilotage par le haut est obsolète et inefficace. En avril 2023, le Sénat a adopté une proposition de loi sur les établissements publics autonomes d'éducation. Ces derniers pourraient contractualiser afin de décider de l'organisation pédagogique, de l'affectation des personnels, de l'allocation des moyens ou du recrutement des élèves.

Cette expérimentation s'appuierait sur des contrats de mission, a contrario du barème de l'ancienneté qui conduit à affecter les professeurs les moins chevronnés sur les postes les plus difficiles. C'est absurde ! Résultat : démissions, dépressions, places vacantes au concours. Certes, il existe des postes à profil, mais les contrats de mission reconnaîtraient réellement le service rendu à la République.

Il faut dissocier la formation des enseignants du premier et du second degré et renouer avec les écoles normales du professorat. Il faut agir sur le prérecrutement et lier formation initiale et formation continue en régionalisant les concours du second degré.

Nous devons réaffirmer l'attachement de la République à la liberté d'enseignement. L'école publique ne se rénovera pas en détruisant les réseaux qui fonctionnent ! Nous attendons de la clarté. Il faut rappeler la liberté de choix des parents, qui ont la primauté pour l'éducation.

Je salue quelques initiatives privées originales, comme les réseaux Espérance banlieue et Excellence ruralités, notamment dans les territoires à besoins éducatifs particuliers.

Regardons en face la crise dans laquelle s'enfonce inexorablement notre système éducatif. Nous avons besoin d'un cap, d'une vision. École inclusive, lycée professionnel : nous saluons les initiatives. Oui, il faut aller plus loin : relever la ligne d'horizon, comme dit le Premier ministre, entamer le redressement sur la base de la liberté et de l'autonomie.

L'école doit se recentrer sur ses missions premières : transmission des savoirs fondamentaux, différenciation des parcours via les groupes de niveaux, à rebours de l'uniformisation qui a été un échec absolu. L'hétérogénéité des classes n'est pas la solution. Permettons aux élèves de remédier à leurs difficultés, d'acquérir les compétences et les connaissances qui leur manquent. Cela se passe partout ailleurs dans la société, pourquoi pas à l'école ?

Pour rénover l'école, il faut aussi restaurer l'autorité des professeurs, personnaliser leur carrière, leur assurer une protection sans faille. Bref, retrouver ce qui fait la force de notre école, jadis tant admirée.

En responsabilité, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Samantha Cazebonne .  - Avec 88,9 milliards d'euros alloués à la mission - 64,5 milliards hors contribution au compte d'affection spéciale « Pensions » - l'éducation nationale demeure le premier budget de l'État. Elle enregistre une hausse de 1,68 milliard d'euros, qui s'explique par des facteurs mécaniques.

Dans un contexte aussi contraint, cette stabilité montre l'engagement du Gouvernement en faveur de l'éducation, pilier de notre société. Est prévue la suppression de 4 000 postes, surtout dans le premier degré. Entre 2024 et 2025, le nombre d'élèves y diminuera de 70 000 ; il baissera aussi dans le second degré dans les années à venir. Ce niveau de suppression ne va-t-il pas à rebours des politiques menées ? Nous partageons la volonté du rapporteur de limiter cet effort à 2 000 postes, pour prendre en compte les besoins des territoires ruraux - mais demeurons sceptiques sur la méthode, à savoir le transfert de 75 millions d'euros du pacte enseignant.

Alors que les crédits progressent constamment depuis 2017, ce budget est donc un budget de transition.

Certaines évolutions sont à souligner. Dans le programme 140, je note la mise en oeuvre d'un pilotage et d'un encadrement pédagogique qui garantissent l'efficience de l'action éducative et l'égalité de tous les élèves : plus de 1 milliard d'euros y est consacré.

Dans le programme 230, l'action « Santé scolaire » bénéficie de 732 millions d'euros, en hausse de 20 %, pour des actions d'éducation à la santé et à la prévention - sexualité, alimentation, etc. Ces politiques, sur lesquelles certains souhaiteraient revenir, sont clé, et je salue l'engagement du Gouvernement en leur faveur.

Le programme de lutte contre le harcèlement à l'école (Phare) sera renforcé. Nous défendrons un amendement visant à abonder de 2 millions d'euros le dispositif 3018, numéro unique pour les élèves victimes de harcèlement et de violences numériques.

Je me réjouis de la création de 2 000 ETP d'AESH, alors que le nombre d'élèves en situation de handicap a progressé de 5,6 % entre 2023 et 2024. Nous avons encore des marges de progression en matière d'inclusion, mais nous avançons rapidement. La loi de 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH a donné des résultats : ils sont 63 % à être en CDI, soit trois fois plus qu'en 2022. Quant à la loi de janvier 2024 sur l'accompagnement sur le temps méridien, il faudra veiller à sa bonne application.

Le programme 214, en légère augmentation, porte notamment les financements versés aux établissements publics nationaux administratifs participant à la mise en oeuvre de la politique éducative - dont les amendements du rapporteur spécial visent à restreindre encore plus le budget. Il faut au contraire s'appuyer sur ces opérateurs - j'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à soutenir le réseau Canopé, acteur incontournable de la formation continue des enseignants. Sénatrice des Français de l'étranger, je sais que l'expertise de ces opérateurs dépasse nos frontières. Les crédits destinés à la formation des enseignants sont sous-consommés : mieux vaut les flécher correctement que les diminuer.

Ce budget témoigne d'un engagement fort en faveur de l'éducation sous toutes ses formes. (Marques d'impatience sur plusieurs travées, l'oratrice ayant dépassé son temps de parole.)

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Samantha Cazebonne.  - Sous réserve de l'adoption de nos amendements et de l'amendement visant à diviser par deux le nombre de postes supprimés, le RDPI votera ces crédits.

M. Ahmed Laouedj .  - Bien que ce budget 2025 soit marqué par l'austérité, je me réjouis que les crédits en faveur de l'éducation nationale augmentent. Je déplore toutefois les suppressions de postes : le système éducatif doit s'appuyer sur des ressources humaines suffisantes pour garantir un encadrement adéquat. La baisse démographique dans certaines zones ne justifie pas une réduction uniforme des moyens humains. L'État doit prendre en compte la réalité territoriale et les défis particuliers que rencontrent certains départements, comme la Seine-Saint-Denis.

Cette baisse démographique pourrait être utilisée comme un levier pour améliorer les conditions d'enseignement et la qualité du service public de l'éducation. Nous devons mieux répartir les ressources. Ainsi, une meilleure coordination entre enseignants du primaire et du secondaire pourrait fluidifier la transition entre le primaire et le collège, un moment clé souvent mal vécu.

Nous devons orienter les ressources vers les départements sinistrés, comme la Seine-Saint-Denis, afin d'assurer l'égalité des chances. Le budget de l'éducation nationale doit prendre en compte la réalité démographique mais aussi les inégalités sociales et territoriales.

Le nombre d'élèves en situation de handicap ne cesse d'augmenter, or nous manquons d'AESH. Je m'interroge donc sur cette logique de suppression. J'ai été interpellé sur le manque d'un infirmier scolaire dans un lycée de mon territoire - poste pourtant essentiel pour gérer les soins du quotidien mais aussi pour alerter sur les situations de grande précarité et de vulnérabilité sociale.

En réorganisant les ressources et en renforçant l'inclusion, nous pourrons améliorer les conditions d'apprentissage.

Autre sujet essentiel : le coût des fournitures scolaires, qui a augmenté de 23 % pour les élèves de primaire. L'inflation qui pèse sur les finances des ménages creuse les inégalités. Je présenterai un amendement instaurant la gratuité des fournitures scolaires pour tous.

Jules Ferry voulait « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui viennent de la naissance, l'inégalité d'éducation ».

Il est temps d'appréhender l'école comme un investissement et non comme une dépense. Donnons à l'éducation la place qu'elle mérite !

Mme Annick Billon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue le travail rigoureux des rapporteurs.

Je me réjouis que le budget de l'enseignement scolaire demeure stable, malgré le contexte grave, entre contrainte budgétaire et baisse démographique, avec 75 000 élèves en moins à la rentrée 2025.

Sur le papier, la suppression de 4 000 postes d'enseignants est justifiée, mais la réalité du terrain n'est pas arithmétique. Les fermetures de classe dans les territoires ruraux risquent de s'accélérer. Maintenir ces postes, c'est améliorer l'encadrement des élèves et offrir de meilleures conditions d'apprentissage.

Les résultats de la France se dégradent au classement Pisa dans tous les domaines, malgré la volonté de vos prédécesseurs d'appuyer sur les savoirs fondamentaux. Un tiers des élèves entrant en sixième ont des difficultés à lire et à écrire. Nous défendrons un amendement pour abaisser le nombre de suppressions de postes à 2 000 ETP.

L'augmentation du nombre de postes d'AESH doit être relativisée, au regard du nombre de postes non pourvus et de notifications MDPH non respectées. Dans un rapport de 2024, la Cour des comptes s'interroge sur le caractère soutenable d'une telle hausse des effectifs d'AESH. Même si, grâce à la loi Vial, 63 % des AESH bénéficient d'un CDI, leur statut demeure précaire et peu attractif. En outre, les familles se heurtent à des lourdeurs administratives, notamment les conventions tripartites pour la prise en charge sur le temps méridien.

Les expérimentations comme la transformation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en pôles d'appui à la scolarité (PAS) inquiètent. L'État deviendrait à la fois prescripteur et payeur.

L'an dernier, le Sénat avait voté 30 millions d'euros supplémentaires pour la santé scolaire ; le Gouvernement avait retenu 22 millions. Ces crédits ne seront pas reconduits, pourtant je doute que la médecine scolaire ait retrouvé la santé... Pour rappel, près de 50 % des postes de médecins sont vacants. Or la santé scolaire est avant tout un enjeu de santé publique, au même titre que les séances d'éducation à la sexualité, dont moins de 15 % des élèves bénéficient.

L'éducation à la sexualité, n'est pas une option, mais une obligation légale. Soumission chimique, agressions sexuelles, non-respect du consentement : prenons garde à la dictature de la pornographie ! (Mme Colombe Brossel applaudit.) Une génération informée sera une génération protégée.

La formation des enseignants demeure un angle mort. Le rapport que j'ai rédigé avec Max Brisson montre qu'en 2023, seuls 62,5 % des crédits ont été consommés. Le problème n'est pas le manque de moyens mais leur mauvaise allocation, et des formations inadaptées... Parmi nos recommandations : favoriser une confrontation précoce avec le métier d'enseignant, rendre effective l'obligation de formation continue inscrite dans la loi depuis 2019. Nous appelons le Gouvernement à s'en saisir.

Le budget de l'enseignement technique agricole est stable, à 1,73 milliard d'euros. Les effectifs sont en hausse constante depuis 2019. La voie scolaire accueille plus de 200 000 jeunes, sachant qu'entre 40 et 60 % des agriculteurs partiront à la retraite d'ici à 2030.

Plusieurs points de vigilance. Ce budget ne tient pas compte du coup de rabot supplémentaire annoncé par le Premier ministre. Selon la ministre de l'agriculture, l'éducation technique agricole serait concernée à hauteur de 18 millions d'euros. Or nombre d'établissements, y compris privés, sont en difficulté financière. S'ajoute le déficit des exploitations agricoles adossées à ces établissements.

Peut mieux faire, donc ! Suppressions de postes, défis organisationnels pour les AESH, soutien à la santé scolaire : il faudra un suivi rigoureux. L'enseignement technique agricole mérite d'être soutenu.

La loi d'orientation agricole (LOA), dont le Sénat débattra en janvier, devra être accompagnée d'un soutien budgétaire adéquat.

La dégradation des comptes publics oblige à faire mieux avec moins. Le groupe UC votera ces crédits, en responsabilité. Au Gouvernement d'en faire preuve également. L'enseignement scolaire a besoin de visibilité - or il aura eu quatre ministres différents en un an. La stabilité suppose de ne pas changer de ministre avec les saisons ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Evelyne Corbière Naminzo .  - Madame la ministre, vous avez affirmé avoir trois priorités : élever le niveau, élever le niveau, élever le niveau. Pourtant, les grandes enquêtes internationales ne montrent aucune faiblesse singulière du niveau, qui est dans la moyenne des autres pays. En revanche, notre système est le plus discriminant socialement. Il ne répond plus à la promesse républicaine d'égalité. Votre priorité devrait donc être : une école égalitaire. Pour Mayotte et la Guyane, la promesse républicaine reste une fiction.

Ce PLF confirme la reconduction du « choc des savoirs », avec les groupes de besoins en 6e et en 5e, et les prépas lycées qui transforment le brevet en couperet et renforcent les inégalités en matière d'orientation.

Je me félicite que le Conseil d'État ait annulé les groupes de niveaux au collège. Les experts sont dans les classes, sur le terrain. Mais ils ne sont plus consultés sur les évolutions de l'école, depuis longtemps.

Selon le Conseil d'État, vos groupes de niveaux risquent d'accroître l'écart de niveau entre élèves. Pourtant, vous persistez dans cette politique libérale et renforcez la ségrégation sociale, en faisant porter la responsabilité d'une prétendue baisse de niveaux sur les élèves, les parents et les enseignants.

Vacances de postes et démissions attestent que vous ne réussissez qu'à décourager nos professeurs. Alors que 328 000 postes seront à pourvoir d'ici à 2030, le risque de désert d'éducation en France est réel.

Investissements insuffisants pour les lycées publics, orientation contrainte : vous mettez nos élèves face à un mur ! Votre considération pour les enseignants se traduit par l'absence de médecine de travail, les trois jours de carence et le gel de leurs salaires.

Double peine, donc, dans ce PLF : d'une part, 5 milliards d'euros d'économies imposées aux collectivités territoriales, chargées du bâti et du fonctionnement des écoles, collèges et lycées ; d'autre part, suppression de 4 000 postes d'enseignants, et partant, recrutement en hausse de contractuels. Preuve que la pénurie d'enseignants titulaires est organisée ! En vous contentant d'un bref entretien avant d'envoyer un novice devant une classe, vous dégradez le statut d'enseignant et abîmez la dimension universitaire de la formation.

Gratuité effective, revalorisation salariale inconditionnelle, recrutements massifs : telles seront nos propositions, issues du programme du Nouveau Front populaire. Je ne me fais pas d'illusions sur leur adoption ici, où l'on manie la seconde délibération pour écraser le débat parlementaire, mais elles sont partagées par la première coalition à l'Assemblée nationale et répondent aux attentes de l'écrasante majorité des personnels de l'école de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST)

Mme Colombe Brossel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST) Lorsqu'ils ont découvert ce budget, les syndicats ont déposé, en intersyndicale, une alerte sociale pour le dénoncer. Ce n'est pas rien ! C'est le signe d'une inquiétude profonde de la communauté éducative.

Je pense aux personnels de direction dans les établissements et aux personnels administratifs des rectorats, qui doivent mettre en oeuvre une série de réformes sans queue ni tête, non concertées. Je pense aussi aux personnels de vie scolaire, aux médecins et infirmiers, aux assistants d'éducation (AED), qui contribuent à la qualité du climat scolaire mais souffrent du manque de moyens.

Si la lutte contre le harcèlement est une priorité, pourquoi un tel manque de moyens pour les personnels médico-sociaux ? Convaincus de leur rôle dans l'accompagnement des élèves, nous présenterons des amendements pour augmenter le nombre de postes et les moyens de la plateforme 3018. Alors que la santé mentale est érigée en priorité nationale, l'éducation nationale doit mieux accompagner les élèves.

L'école doit être inclusive à tous égards : nous défendrons des amendements pour faciliter l'accueil et l'inclusion des élèves allophones.

Madame la ministre, vous ajoutez l'indignité au cynisme en diminuant de 600 000 euros les fonds sociaux des établissements, qui aident les familles en difficulté pour les sorties scolaires ou les fournitures. Vous faites les poches des plus pauvres ! Nous nous y opposons.

Chacun répète en choeur que la réussite des élèves est une priorité. Mais au funeste « choc des savoirs » s'ajoute le chaos budgétaire et institutionnel. Nous nous opposerons à ce budget, car nous, socialistes, aimons l'école publique et croyons à sa force. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Agnès Evren .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a quatre ans, Samuel Paty était décapité devant son collège. Le procès qui s'ouvre est aussi celui de nos renoncements et des maux qui rongent l'éducation nationale : malaise des enseignants, ensauvagement de la société, entrisme islamiste.

Longtemps, la France a été fière de son école. Notre modèle a inspiré le monde. Pour plusieurs générations, l'école a été le moyen de s'élever socialement. C'est la promesse républicaine de l'émancipation et de l'ascenseur social - hélas resté bloqué au rez-de-chaussée. J'en ai bénéficié, comme élève d'un lycée de zone prioritaire du Val-de-Marne.

L'école perd le sens de sa mission : transmettre savoirs et connaissances. On lui demande de devenir la caisse de résonance des préoccupations sociétales et sociales du moment. Au lieu de resserrer les apprentissages, on les a décentrés. Cette perversion s'est accélérée.

Sur une dictée, les élèves de CM2 font neuf fautes d'orthographe de plus que ceux de 1987 : c'est 81 % de plus en trente-cinq ans.

Madame la ministre, vous l'avez martelé, il faut élever le niveau. Vous vous en donnez les moyens puisque l'éducation reste le premier budget de l'État, malgré l'urgence budgétaire.

Mais plusieurs questions demeurent.

On observe une désaffection du métier d'enseignant, autrefois « le plus beau du monde », selon Péguy, qui, comme Camus, a dû son destin d'écrivain à un instituteur. Il faut une réflexion globale sur la rémunération, mais aussi sur la formation et les carrières, sujet cher à Max Brisson notamment.

Il faut restaurer l'autorité des professeurs et leur capacité à faire cours sans s'autocensurer - n'est-ce pas, Olivier Paccaud ? -, sanctionner toutes les atteintes à la laïcité et rétablir l'ordre dans les classes et sur le chemin de l'école. Autant de chantiers qui nécessitent des choix politiques et budgétaires forts.

Quels projets d'ampleur pour élever le niveau ? Plusieurs mesures du choc des savoirs sont en suspens. Après la décision du Conseil d'État, quel sera l'avenir des groupes de besoins, qui ont déjà mobilisé 2 330 ETP et dont vous avez annoncé l'extension en 4e et 3e ?

J'ai déposé une proposition de loi pour le dépôt obligatoire des téléphones portables à l'entrée des établissements. Il y va de la santé de nos jeunes. Le ministre Alexandre Portier a dit vouloir généraliser cette interdiction dès la rentrée. Allez-vous soutenir les départements qui devront financer l'installation de casiers dédiés ?

Nous avons tous une obligation de résultat, pour améliorer les conditions de travail des enseignants et relever le niveau des élèves. Il y va de l'avenir de notre société ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale .  - Ma priorité se résume en un mot : élever. Élever le niveau, élever notre jeunesse, élever notre exigence en matière de respect dû aux professeurs et en matière de laïcité. Nous partageons tous ces objectifs, tout comme nous partageons ce constat : défendre l'école, c'est aussi défendre son budget.

Avec 1,2 million de personnels dévoués à la réussite de 12 millions d'élèves, l'école est le premier service public. L'éducation nationale est le premier employeur de France et reste le premier budget de la nation. C'est à l'école que nous pouvons briser les inégalités de destins, vaincre les assignations et renouer avec la promesse républicaine.

Depuis 2017, nous avons investi plus de 14 milliards d'euros supplémentaires dans l'éducation nationale. Son budget, qui s'élevait à 49 milliards d'euros en 2017, sera de 63 milliards en 2025. Aucun quinquennat, aucun septennat n'a vu une telle progression.

Ces investissements se traduisent par des progrès sociaux et éducatifs sur tout le territoire. Nous achevons le dédoublement des petites classes en zone prioritaire. À l'entrée en 6e, les élèves sont plus nombreux à être en avance en mathématiques, moins nombreux à être en retard en français.

Depuis 2022, la rémunération des professeurs a augmenté de 258 euros nets par mois en moyenne, soit 11 %, hors pacte enseignant et mesures de crise. Celle des assistants sociaux et infirmiers a progressé de 200 euros. Ce bien-être de tous les acteurs de l'école est fondamental. Je le dis comme ministre, et aussi comme médecin.

Le pacte enseignant, c'est deux millions d'heures pour pallier les absences de courte durée dans les collèges et les lycées, 1,8 million d'heures de « devoirs faits », 1,2 million d'heures de stages de réussite, 800 000 heures de plus pour la voie professionnelle, 300 000 heures de découverte des métiers, avec une rémunération attractive des professeurs volontaires. Le supprimer priverait les élèves de millions d'heures d'école dont ils ont tant besoin.

Même si le budget augmente, si le niveau s'élève, beaucoup reste à faire. Pour la reconnaissance des personnels, la confiance des parents et la réussite des élèves, il reste beaucoup de chantiers à ouvrir.

Regardons la réalité de ce PLF. Les écoles publiques compteront en moyenne 21 élèves par classe, un niveau qui n'a jamais été aussi bas. Le nombre d'heures hebdomadaires d'enseignement progresse. Le budget de l'école inclusive a plus que doublé depuis 2017, il atteint 4,6 milliards d'euros en 2025, avec le recrutement de 2 000 AESH, désormais deuxième métier du ministère.

La baisse démographique aurait conduit mécaniquement à supprimer 5 000 postes d'enseignants. Vous proposez des amendements sur ce sujet ; je suis ouverte à des évolutions, notamment pour tenir compte de l'impact sur les fermetures de classe en milieu rural.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Très bien !

Mme Anne Genetet, ministre.  - L'école est à la croisée des chemins. Deux voies s'offrent à nous : le renoncement ou le sursaut. Renoncer, c'est détricoter tout ce qui a été fait depuis 2017, sans rien proposer d'autre. Qui en paierait le prix ? Les élèves des zones prioritaires et des zones rurales, les lycéens professionnels.

L'autre voie, c'est celle du sursaut, de l'exigence, pour élever chaque jeune au maximum de ses capacités. Je lancerai ce chantier. L'école doit ouvrir tous les chemins, pour que chaque élève puisse choisir le sien. Quand l'école progresse, c'est toute la République qui s'élève !

J'ai présenté l'acte II du choc des savoirs, pour relancer l'ascenseur scolaire. Nous étendrons aux 4e et 3e la dynamique engagée en 6e et 5e. Rien ne me fera dévier de cet objectif. Se réjouir de la suppression des groupes de besoins, c'est ignorer que la décision du Conseil d'État portait sur la forme et non le fond, c'est remettre en question l'aide individualisée des plus fragiles, c'est ignorer que l'urgence de la baisse du niveau scolaire commande de prendre des décisions.

M. Max Brisson.  - Très bien ! Absolument !

Mme Anne Genetet, ministre.  - Ces décisions, je les assume : renforcer l'apprentissage des savoirs fondamentaux, donner plus d'autonomie aux chefs d'établissement et offrir à chaque élève un accompagnement sur mesure, ramener l'ordre et la tranquillité dans certains établissements difficiles.

En annonçant dès à présent les mesures de la rentrée 2025, j'entends offrir stabilité, continuité et visibilité aux équipes de terrain qui l'attendent. Déstabiliser notre école, c'est déstabiliser en cours d'année des milliers d'élèves qui ont besoin de soutien renforcé.

Je sais que nos débats seront vifs, car ils révéleront la réalité des choix à faire, et fervents, car nous partageons une passion pour l'école. Je forme le voeu qu'ensemble, nous saurons consolider ce budget, mais aussi le protéger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce budget, élaboré dans des conditions inédites, est forcément perfectible. C'est le sens du débat parlementaire.

La réussite scolaire est la première mission de l'école, qui doit assumer de valoriser l'effort, de cultiver le mérite et de soutenir les élèves qui se donnent du mal. Elle doit viser la réussite pour tous, sans renoncer à l'excellence. Ce budget traduit cette ambition.

Nous prenons à bras-le-corps la question des élèves en situation de handicap, avec 4,6 milliards d'euros prévus en 2025, un niveau inédit. Nous créons 2 000 emplois d'AESH -  soit 3 175 accompagnants en plus  - , ainsi que 500 emplois d'enseignants dédiés aux unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) et à l'inclusion des enfants présentant des troubles du neurodéveloppement (TND). Le fonds dédié à l'achat de matériel pédagogique adapté sera doté de 25 millions d'euros.

La loi Vial, dont je salue l'auteur, est indispensable. Nous travaillons à sa mise en oeuvre. (Mme Agnès Evren applaudit.)

Il faut aussi défendre l'égalité des chances dans la ruralité.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Très bien !

M. Alexandre Portier, ministre délégué.  - Il est hors de question que l'école rurale soit l'éternelle sacrifiée ! L'effort doit être équilibré. Ce budget est porteur d'avancées importantes pour maintenir l'école au milieu du village, avec notamment 1 million d'euros supplémentaires pour développer les territoires éducatifs ruraux (TER) et la création de 3 000 places supplémentaires dans les internats d'excellence ruraux, pour près de 40 millions d'euros.

La voie professionnelle scolarise un tiers de nos lycéens. Elle doit être une voie d'excellence, au coeur et non à la périphérie de notre système scolaire. Pour être souverains, pour répondre aux grands défis de demain, nous avons besoin d'un lycée professionnel fort.

C'est la seule filière à gagner des élèves : en septembre 2024 nous avons ouvert 380 classes et recruté 580 enseignants. Les équipes de ces lycées ont été les premières bénéficiaires du pacte, avec 3 500 euros supplémentaires annuels en moyenne. Quelque 370 millions d'euros seront consacrés à la gratification des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) et les dispositifs de lutte contre le décrochage et ceux qui favorisent l'insertion professionnelle seront poursuivis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Annick Billon.  - Lors du scrutin public n°135, Christine Herzog et Jean-Marie Mizzon souhaitaient voter contre.

Acte en est donné.

Examen des crédits de la mission

Article 42 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-18 de M. Paccaud, au nom de la commission des finances.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - C'est un marronnier... Depuis des années, les crédits de la formation sont sous-consommés : 414 millions d'euros en 2020, 478 en 2021, 658 en 2022, et même 1,1 milliard d'euros en 2023 ! Vous me rétorquerez que le sujet est technique, mais cela aboutit à une présentation insincère, que la commission des finances ne peut accepter. Nous proposons donc de minorer ce budget de 1 milliard d'euros.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Il s'agit d'un quiproquo, de notre faute. Ce milliard d'euros semble sous-consommé, mais il est utilisé ailleurs. La rémunération des 20 000 professeurs stagiaires n'apparaît pas dans la ligne formation ; idem pour les contractuels. Nous remédierons à ce problème, mais nous vous demandons de nous faire confiance, car nous avons besoin de ces crédits : demande de retrait.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - La formation continue des enseignants doit mieux répondre aux besoins des enseignants sur le terrain, au regard notamment des missions supplémentaires qui ont été assignées aux enseignants. Décréter que les enseignants sont capables d'assurer leur métier sans formation, cela n'a pas de sens.

Pour que les enseignants acceptent de suivre des formations, il faut prévoir des remplaçants, car lorsqu'un enseignant n'est pas là, on le traite d'absentéiste !

Mme Marie-Pierre Monier.  - En matière de formation continue, la logique descendante prévaut : c'est moins une réponse aux besoins exprimés, que le service après-vente des priorités politiques du moment !

Les contenus sont parfois identiques d'une année sur l'autre. Voilà pourquoi les enseignants ne veulent pas suivre ces formations. Pourtant les enjeux ne manquent pas : école inclusive, éducation sexuelle et affective, protection de l'enfance, etc. Les enseignants doivent aussi monter en compétences dans leur discipline.

Et oui, les stages imposés hors temps scolaire ont rendu ces formations moins attractives : nous sommes contre cette logique.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Je ne retirerai pas mon amendement. Nombre d'enseignants souhaiteraient être formés à l'accueil des élèves en situation de handicap, mais ces formations n'existent pas partout.

M. Cédric Vial.  - Mettons en regard les 10 millions d'euros qui manquent à la mise en oeuvre de ma proposition de loi et les 1,1 milliard d'euros de crédits non consommés...

Mme Anne Genetet, ministre.  - Au total, le budget pour la formation initiale et continue est de 2 milliards d'euros. Tout est perfectible, mais nous avons absolument besoin de ces crédits.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°II-18 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°136 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l'adoption 228
Contre 116

L'amendement n°II-18 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-478 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - La semaine dernière, nous avons évoqué la nécessité de réaliser des économies significatives. D'où notre proposition de donner un coup de rabot de 5 % sur les crédits de la mission, qui, comme les autres, doit faire des efforts. Charge au ministère de décider ensuite de la répartition de ces économies.

M. le président.  - Amendement identique n°II-590 rectifié du Gouvernement.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Nous devons atteindre 5 % de déficit public en 2025. Cet amendement, qui traduit l'effort de mon ministère, porte sur la masse salariale et la réserve de précaution.

M. le président.  - Amendement n°II-477 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Amendement de repli.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Sagesse sur les amendements identiques nosII-478 rectifié et II-590 rectifié.

Demande de retrait de l'amendement n°II-477 rectifié qui sera satisfait en cas d'adoption des deux précédents.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Moins 24 millions d'euros pour le premier degré, ce sont 600 emplois supprimés : allez-vous le faire ? Moins 59 millions d'euros pour le second degré, ce sont 1 600 emplois supprimés : allez-vous le faire ? Moins 18 millions d'euros pour l'enseignement technique agricole : allez-vous le faire ?

Il n'y a pas d'argent magique qui dormirait dans les tiroirs de l'éducation nationale. Toutes ces coupes auront des conséquences sur l'éducation et le bien-être de nos élèves.

M. Bernard Fialaire.  - Cette diminution des crédits de l'enseignement technique agricole ne correspond pas à la décision prise en commission. (Mme Marie-Pierre Monier renchérit.) Je suis contre ce coup de rabot. (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

Les amendements identiques nosII-478 rectifié et II-590 rectifié sont adoptés.

L'amendement n°II-477 rectifié n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°II-19 de M. Paccaud, au nom de la commission des finances.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Cet amendement minore les crédits du réseau Canopé et majore ceux des maisons familiales rurales (MFR). Fin 2023, le réseau Canopé disposait d'un confortable fonds de roulement - 25 millions d'euros -, nous le réduisons de 20 millions d'euros.

Les MFR ont vu leur nombre d'élèves augmenter, d'où ces 12 millions d'euros supplémentaires.

M. le président.  - Amendement identique n°II-543 rectifié bis de Mme Billon et alii.

Mme Annick Billon.  - Nous avons bien vu, au cours de nos auditions, combien le réseau des MFR était important. Il a besoin de crédits supplémentaires pour prendre en charge 1 600 nouveaux élèves.

M. le président.  - Amendement n°II-143 de M. Durox et alii.

M. Aymeric Durox.  - Nous proposons une baisse de 17 millions d'euros. En dépit des engagements du Président de la République en 2022, les opérateurs prolifèrent. Ce sera aussi le sens de mes amendements suivants.

M. le président.  - Amendement n°II-323 rectifié de M. Chaize et alii.

Mme Micheline Jacques.  - Cet amendement propose 20 millions d'euros supplémentaires pour les MFR, au lieu de 12.

M. le président.  - Amendement identique n°II-428 rectifié de Mmes Havet et Cazebonne.

Mme Nadège Havet.  - Nous proposons nous aussi 20 millions d'euros supplémentaires pour les MFR : 8 millions d'euros pour les 1 600 nouveaux élèves ; 2 millions pour le coût formateurs ; 10 millions pour aligner le taux d'encadrement sur le reste de l'enseignement agricole.

L'amendement identique n°II-494 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-464 de Mme Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne.  - Le réseau Canopé, ce sont 1 200 agents sur nos territoires, y compris le mien, qui forment vos agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), qui forment à l'inclusion.

Les amendements n°II-19 et II-543 rectifié bis vont supprimer 300 postes de contractuels, qui sont dans vos communes ; les maires comptent sur eux. À Verdun, le 22 novembre, le maire a inauguré l'atelier Canopé.

C'est l'inverse qu'il faut faire : augmenter la dotation du réseau Canopé, car nous avons besoin de formation continue, surtout lorsque l'on recrute autant d'enseignants contractuels !

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Demande de retrait de tous les amendements qui ne sont pas identiques à celui de la commission, car ils seront satisfaits -  à l'exception de celui de Mme Cazebonne.

Madame Cazebonne, nous pensons tous du bien de Canopé. Mais ses agents ne sont pas dans nos communes, ils sont dans les villes-préfectures. Ils faisaient initialement de l'édition et se sont adaptés à de nouvelles missions, mais la formation des enseignants est avant tout dispensée dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé).

Notre proposition de minoration des crédits de 20 millions d'euros est liée aux 25 millions d'euros de fonds de roulement de Canopé : je ne les ai pas inventés !

Mme Anne Genetet, ministre.  - Monsieur le rapporteur spécial, vous souhaitez diminuer de près d'un quart la subvention de Canopé, dont les actions de formation sont complémentaires de celles de formation initiale des Inspé et de formation continue des écoles académiques, créées en 2022.

Nous avons besoin de mener une réflexion sur la formation continue (M. Olivier Paccaud renchérit), mais on ne peut ouvrir ce débat par un tel coup de rabot !

Un fonds de roulement réduit à 5 millions d'euros ne représenterait que dix jours de fonctionnement, alors que la norme prudentielle est de trente. Canopé fait déjà un effort, avec la suppression de 20 ETP.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Eh oui !

Mme Anne Genetet, ministre.  - En outre, votre proposition conduira à une perte de ressources commerciales et réduira le nombre et la qualité des formations suivies par 140 000 enseignants l'an dernier.

Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Samantha Cazebonne.  - En dix ans, la subvention de Canopé a été réduite de 10 millions d'euros.

Les ateliers Canopé sont implantés dans les territoires ruraux et dans les territoires ultramarins : en Guyane, ils vont former les enseignants en pirogue !

Mme Marie-Pierre Monier.  - Le PLF prévoit déjà une baisse de 3 millions d'euros pour Canopé. Lui retirer 20 millions, c'est énorme ! C'est un acteur essentiel de la formation continue, présent dans tous nos départements et dans tous nos territoires d'outre-mer.

Les agents ont besoin de formation : le réseau doit continuer à développer son offre. Nous ne voterons pas les amendements qui réduisent ses crédits.

M. Max Brisson.  - Je viens d'apprendre que Canopé était l'opérateur de la formation dans l'éducation nationale... Non, c'est avant tout un éditeur, que le rapporteur spécial encourage à développer ses ressources propres. La formation continue échoit avant tout aux inspecteurs de l'éducation nationale. Elle doit être effectuée en interne et non pas déléguée à une agence. Les professeurs attendent des formations très pratiques, d'échanges entre pairs, et des formations de très haut niveau, en lien avec l'université. Ne donnez pas à Canopé un rôle qu'il ne mérite pas. (M. Michel Canévet renchérit.)

Mme Colombe Brossel.  - Si c'était si simple, notre débat ne serait pas si vif. Inutile de s'énerver...

Nous soutenons le développement des maisons familiales rurales (MFR), mais ne prenons pas dans les poches de l'un parce que nous ne savons pas mettre dans les poches de l'autre !

Je pensais à ma grand-mère en nous écoutant : faire et défaire, c'est toujours travailler. Nous nous apprêtons à abonder de plusieurs centaines de millions d'euros la mission « Vie associative et jeunesse », au profit de l'agence du service civique dont la trésorerie a été asséchée par le Gouvernement... Nous ne sommes pas là pour gérer de petits équilibres budgétaires à la mords-moi-le-noeud !

Donnons les moyens à Canopé et aux MFR de remplir leurs missions.

M. Christophe Chaillou.  - Les contre-vérités fusent. Canopé, c'est d'abord la formation continue des enseignants ! (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Max Brisson le conteste avec véhémence.) Chaque année, vingt collèges du Loiret bénéficient de l'offre de Canopé -  240 000 enseignants dans toute la France.

Le réseau a fait des efforts de gestion très importants et conclu des partenariats. Monsieur le rapporteur spécial, l'effort que vous demandez n'est pas petit : 25 % de la subvention annuelle !

Comme l'a dit Colombe Brossel, opposer la formation continue aux MFR est une idée funeste. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Annick Billon.  - Lors de la discussion générale, plusieurs orateurs ont pointé les faiblesses de la formation continue. À l'inverse, le réseau des MFR fonctionne bien.

Au départ, 20 millions d'euros étaient demandés ; la copie a été revue à la baisse, à 12 millions, avec l'accord des MFR, qui comprennent très bien que tout le monde doit faire un effort.

Il faut revoir la formation des enseignants en profondeur. Nous y sommes tous très attachés, mais les enseignants ne s'y rendent pas, car elle n'est pas adaptée à leurs besoins.

Mme Laure Darcos.  - Je suis très partagée. Un tel coup de rabot, avec des conséquences pour les effectifs -  300 emplois pourraient disparaître  - , me choque. Mais je m'interroge aussi sur l'importance du fonds de roulement.

Monsieur Brisson, Canopé n'est plus seulement un éditeur, le réseau s'est concentré sur la formation. Je plaide comme Annick Billon pour une remise à plat totale de la formation.

Bien sûr, les MFR méritent aussi toute notre attention.

Je suis gênée de voter un tel coup de rabot, alors que les professeurs ont besoin de formation continue.

M. Bernard Fialaire.  - Comme Laure Darcos, je suis très mal à l'aise. Je souhaite que les MFR bénéficient de 12 millions d'euros supplémentaires. Mais amputer Canopé n'est pas un bon choix. Avec Christian Bruyen, nous avons mené une mission d'information sur l'intelligence artificielle et l'éducation. Nous comptons sur Canopé pour relever le défi : ne prenons pas encore plus de retard ! Il faut trouver un autre moyen de financer les MFR.

Mme Micheline Jacques.  - En tant qu'ancienne enseignante, j'abonde dans le sens de Max Brisson. La formation devrait s'adapter aux territoires. Or ce n'est pas le cas, notamment en Guyane.

Je retire l'amendement n°II-323 rectifié de Patrick Chaize au profit de l'amendement n°II-19 d'Olivier Paccaud.

L'amendement n°II-323 rectifié est retiré.

M. Aymeric Durox.  - Enseignant il y a peu, je n'ai jamais fait appel à une formation Canopé, mes collègues non plus. L'offre est en totale déconnexion avec les attentes du terrain. Les enseignants attendent des formations concrètes, directement applicables. La baisse de 25 % du budget du réseau sera indolore pour la plupart des enseignants. Prenons là où il y a du gras.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Je suis gênée qu'on oppose, une fois encore, le public et le privé. On supprime des crédits à un réseau public, certes perfectible, mais présent sur l'ensemble du territoire, pour renforcer l'enseignement privé.

S'il faut choisir entre le public et le privé, je sais où va ma priorité : pour une école de l'égalité des chances. Si on finance le privé, on est à côté de la plaque !

Disposer d'un réseau national, présent y compris outre-mer, est utile en cas d'événement grave -  crise du covid, attentats  -  : du jour au lendemain, les enseignants doivent réagir. J'étais enseignante : en un week-end, j'ai dû répondre à des questions d'élèves de CE1 sur le Bataclan. Il faut pouvoir compter sur un réseau national ! (M. Stéphane Piednoir s'exclame.)

À la demande du GEST, les amendements nosII-19 et II-543 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°137 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 309
Pour l'adoption 193
Contre 116

Les amendements identiques n°sII-19 et II-543 rectifié bis sont adoptés.

Les amendements nosII-143, II-323 rectifié, II-428 rectifié et II-464 n'ont plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°II-144 de M. Durox et alii.

M. Aymeric Durox.  - Pour lutter contre la gabegie administrative et amoindrir le rôle des opérateurs, nous proposons de minorer les crédits de la mission de 6,4 millions d'euros, afin de réinternaliser le Centre national d'enseignement à distance (Cned) à terme.

M. le président.  - Amendement n°II-451 de M. Chantrel et du groupe SER.

M. Yan Chantrel.  - Dans certains pays -  Algérie, Iran, Niger, Turquie  - , le Cned est la seule solution de scolarisation en français. Or, depuis deux ans, pour accéder au Cned réglementé, vous devez avoir été scolarisé pendant au moins un an dans une classe homologuée par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Nous proposons 6 millions d'euros pour mettre fin à cette restriction.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Le PLF 2025 minore les crédits du Cned de 6 millions d'euros : c'est de bonne politique. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Monsieur Durox, votre amendement reviendrait à supprimer le Cned. C'est pourtant un opérateur indispensable, qui accompagne 90 000 élèves chaque année, à l'étranger ou malades. C'est un acteur majeur de la continuité pédagogique, notamment via la plateforme Program'cours.

Il génère de surcroît 63 millions de ressources propres chaque année : ce n'est pas le moment de s'en priver.

Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Mathilde Ollivier.  - Je voterai l'amendement de Yan Chantrel.

Oui, le Cned est important pour les jeunes Français établis hors de France. Madame la ministre, je m'attendais plutôt à un avis favorable sur cet amendement, car on sait que certains élèves sont sans solution, qu'ils soient à Bakou, à Téhéran, ou au fin fond du Tyrol.

Mme Samantha Cazebonne.  - Souhaitez-vous que les binationaux connaissent notre langue, nos valeurs et nos programmes ? Certains élèves à l'étranger n'ont pas d'école française près de chez eux ou tout simplement pas les moyens de se payer l'école française. Le Cned est alors la seule ressource.

Que fait-on de ces élèves ? Vous les privez de l'accès à notre culture. Le Cned est le seul moyen de transmettre nos valeurs françaises ! Je voterai l'amendement de mon collègue Chantrel.

L'amendement n°II-144 n'est pas adopté.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°II-451 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°138 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 115
Contre 228

L'amendement n°II-451 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-20 de M. Paccaud, au nom de la commission des finances.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - L'office national d'information sur l'enseignement et la formation (Onisep) fait doublon avec les régions, qui ont la compétence formation, comme l'a pointé un rapport de la Cour des comptes.

Au regard de ses 6 millions d'euros de fonds de roulement, je propose une baisse de ses crédits de 5 millions d'euros.

M. le président.  - Amendement n°II-145 de M. Durox et alii.

M. Aymeric Durox.  - Défendu.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Demande de retrait.

M. Alexandre Portier, ministre délégué.  - L'orientation est une priorité du Gouvernement. Nous voulons remettre à plat cette politique et avons engagé une concertation avec tous les acteurs. Amputer les moyens avant les conclusions de cette mission est prématuré. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Marie-Pierre Monier.  - L'amendement n°II-20 ampute le budget de l'Onisep d'un quart de ses crédits. Réforme du lycée, Parcoursup, développement de l'offre privée d'enseignement supérieur : ces enjeux sont complexes pour les élèves et les étudiants. Pérenniser une structure nationale pertinente comme l'Onisep est essentiel. Quelque 75 % des établissements scolaires s'appuient sur ses ressources. Nous voterons contre ces amendements.

M. Max Brisson.  - Les amendements du rapporteur spécial s'apparentent à des coups de rabot. Cela dit, compte tenu du contexte budgétaire actuel, il faut mettre fin à l'éparpillement des acteurs, sur la formation comme sur l'orientation. (M. Olivier Paccaud renchérit.)

Il est grand temps de mener une vraie réflexion sur l'orientation, car le décrochage découle d'une orientation mal bâtie.

M. Michel Canévet.  - Les régions se sont vu confier la compétence de l'orientation, mais, sur le terrain, on a parfois du mal à comprendre qui fait quoi. Pourquoi augmenter les moyens de l'État alors que la compétence revient aux régions ? Le rapporteur spécial a raison de soulever la question. Dans une République dont l'organisation est décentralisée, l'État ne peut pas continuer à vouloir tout faire. Il faut plus de cohérence et de complémentarité entre les acteurs publics.

M. Bernard Fialaire.  - Je soutiens également la philosophie de cet amendement. La région doit être l'opérateur unique en matière d'orientation.

J'irai même plus loin : il faut opérer la même clarification pour les compétences médico-sociales des départements, dont la médecine scolaire. Chacun doit remplir pleinement son rôle.

Mme Laure Darcos.  - Je voterai également l'amendement. L'Onisep ne remplit plus sa mission d'orientation comme elle le faisait à l'époque que nous avons connue - souvenez-vous de ses fameuses fiches. À la fin du collège, nombre d'orientations sont décidées vers des voies de garage, ce qui montre une déconnexion entre cet organisme -  et d'autres encore  - et les réalités. Recentrons la politique d'orientation au niveau régional.

L'amendement n°II-20 est adopté.

L'amendement n°II-145 n'a plus d'objet.

M. le président.  - Amendement n°II-450 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Le groupe SER était opposé à la création du Conseil d'évaluation de l'école (CEE) dans la loi pour une école de la confiance. Il se trouve que j'y siège : j'ai donc une bonne connaissance de ce qui s'y fait. Les campagnes d'évaluation sont chronophages pour les personnels évalués, pour des résultats peu probants. Les établissements ont peu de moyens pour rédiger leur projet et les moyens ne suivent pas. Bref, beaucoup d'efforts pour peu de choses... En outre, certains travaux sont redondants avec ceux de la direction de l'évaluation du ministère, qui fait un excellent travail. C'est pourquoi nous supprimons les crédits alloués à cette structure.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - La question soulevée est tout à fait légitime. La pertinence de ce conseil d'évaluation interne se discute. Les processus sont en effet chronophages pour les écoles, alors que des inspections sont réalisées par ailleurs. Avis de sagesse, mais je pense que vous avez raison.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Avis défavorable : nous avons besoin d'évaluer plus, et mieux.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Je voterai l'amendement. Le Parlement et le ministère n'ont pas besoin de décréter que des évaluations sont nécessaires. Sur le terrain, l'autoévaluation des enseignants et des élèves eux-mêmes est encouragée. Les équipes sont capables de porter un regard objectif sur leurs pratiques. N'engageons pas des crédits inutiles pour une action qui se fait d'elle-même !

M. Max Brisson.  - Je regrette, monsieur le rapporteur spécial, mais je suis plutôt de l'avis de la ministre. Ces outils d'évaluation et de dialogue sont utiles dans la perspective de l'autonomie que je prône pour les établissements - je comprends que cela puisse déplaire sur les travées de la gauche. L'évaluation est certes chronophage, mais elle est une contrepartie nécessaire à l'autonomie.

Mme Samantha Cazebonne.  - Je suivrai également le Gouvernement. Pour avoir été longtemps proviseure, je mesure la nécessité de cette évaluation, ainsi que de l'autoévaluation. Elles permettent d'apprendre collectivement à remettre en question certaines pratiques. Évaluer, ce n'est pas juger a priori, mais aider chacun à réfléchir.

M. Aymeric Durox.  - Je suis peut-être l'un des seuls présents à avoir subi en tant qu'enseignant un tel processus. J'ai rarement vu une telle usine à gaz ! Et je ne connais pas un enseignant qui ait trouvé cela utile. Je voterai l'amendement du rapporteur spécial.

L'amendement n°II-450 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-147 de M. Durox et alii.

M. Aymeric Durox.  - Connaissez-vous le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq) ? Ce énième établissement public administratif emploie 120 agents et dispose même d'antennes à l'étranger. Faisons des économies en baissant ses crédits de 1,4 million d'euros.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Le budget du Céreq a déjà été un peu raboté par le Gouvernement. Avis défavorable.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-147 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-148 de M. Durox et alii.

M. Aymeric Durox.  - Dommage que tous nos amendements se heurtent à une opposition dogmatique. Celui-ci vise à minorer de 900 000 euros les crédits de France Éducation internationale, qui emploie 250 agents et dispose de locaux à La Réunion. Les économies, il faut bien les trouver quelque part ! J'espère au moins un avis de sagesse...

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Je suis navré : c'est une demande de retrait.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Avis défavorable.

M. Aymeric Durox.  - Je ne vois aucune raison de le retirer.

L'amendement n°II-148 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-554 rectifié de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - D'après une étude récente de l'Association des maires de France, le coût moyen d'un repas à la cantine a augmenté de 11,3 % et 60 % des communes font face à des impayés. Compte tenu des coupes dans les budgets locaux, il est à craindre que certaines communes n'augmentent les frais de cantine.

Il est essentiel d'aller vers la cantine gratuite. À La Réunion, un enfant sur deux vit dans un foyer pauvre ! Pendant la crise sanitaire, nous n'avons pas eu de second confinement, notamment car nous nous sommes aperçus que l'école assurait à nombre d'enfants au moins un repas quotidien. Aujourd'hui, nous assistons à une fracture de classe : certains élèves profitent de la récréation, quand d'autres sont obligés de faire la queue devant le bureau de la gestionnaire pour régler leur repas...

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Cet amendement est très généreux, mais très coûteux : plus de 1 milliard d'euros. Il existe des aides pour certains élèves dans certaines communes - d'aucunes, comme Saint-Denis, ont fait le choix de la gratuité totale. La loi Égalim prévoit un euro par repas et par enfant et des aides spécifiques existent dans les écoles rurales. Enfin, votre amendement concerne seulement l'éducation prioritaire (ZEP), ce qui me gêne. Avis défavorable.

Mme Anne Genetet, ministre.  - En plus d'être extrêmement coûteux, cet amendement manque sa cible : le problème ne se pose pas que dans les établissements REP et REP+ et vous oubliez les lycéens. Avis défavorable.

Mme Annick Billon.  - L'amendement méconnaît les actions menées par les collectivités pour apporter des réponses au plus près du terrain, notamment à travers les centres communaux d'action sociale. Les problèmes ne se posent pas uniquement dans les établissements d'éducation prioritaire. Il faut agir sur les causes, car la gratuité ne résout rien à long terme. On le voit pour les services, notamment de transport, rendus gratuits : il y a toujours quelqu'un qui paie - et les collectivités territoriales ont des moyens de plus en plus contraints.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - En effet, il faudrait viser plus large - en particulier, inclure les lycéens. La réalité, c'est que certaines familles optent pour l'externat dans une stratégie d'évitement, car la cantine est trop chère. Résultat : une partie des élèves ne mangent pas - mais vous ne les voyez pas dans vos tableaux. Comment parler de réussite scolaire quand des enfants ont le ventre vide ?

Mme Audrey Bélim.  - Je voterai l'amendement de ma collègue. Elle parle avec le coeur, parce que, à La Réunion, 46 % des enfants vivent dans une famille pauvre. Des communes ont instauré la cantine gratuite, un choix politique courageux. Pour réussir à l'école, il faut commencer par manger et dormir correctement !

L'amendement n°II-554 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-567 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Les assistants d'éducation (AED) sont le meilleur moyen de conquérir une école plus égalitaire. Or notre taux d'encadrement est particulièrement faible : un AED pour 115 élèves, bien loin des un pour 89 naguère promis par M. Attal. Le transfert de crédits proposé est nécessaire pour recruter et atteindre nos objectifs.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Oui, les AED - ceux qu'on appelle parfois les pions - jouent un rôle clé dans l'amélioration du climat scolaire. Leur nombre a déjà augmenté, de 61 000 à 67 000, en cinq ans. Certes, on peut vouloir « toujours plus », comme disait François de Closets. Mais le coût de votre amendement s'élève à 560 millions d'euros - pris, de surcroît, sur l'enseignement privé. Avis défavorable.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Je rends hommage aux AED, qui encadrent et soutiennent nos élèves. Ils sont souvent leurs premiers interlocuteurs en cas de harcèlement ou de difficultés familiales. Leur rôle est essentiel pour la sérénité de nos établissements. C'est pourquoi j'ai décidé d'ouvrir 600 postes supplémentaires à la prochaine rentrée. Nous serons bien à un AED pour 89 élèves. Avis défavorable.

Mme Annick Billon.  - Tous ces amendements retirent des financements à l'enseignement privé sous contrat. Cessons de le prendre en permanence pour cible ! Je rappelle qu'il a davantage mis en oeuvre le pacte enseignant.

L'amendement n°II-567 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-439 de Mme Brossel et du groupe SER.

Mme Colombe Brossel.  - Je parlerai moi aussi des AED, mais de leur rémunération. Un assistant à temps plein perçoit entre 1 305 et 1 487 euros nets, ce qui ne favorise pas leur fidélisation dans les communautés éducatives. Certains vivent encore sur un vieux fantasme selon lequel les AED seraient tous des étudiants. Mais près de 75 % d'entre eux ne le sont pas, et leur âge moyen est de 30 ans ! Nous proposons d'augmenter leurs traitements de 150 euros mensuels.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Cet amendement est très généreux : avis défavorable pour des raisons budgétaires. Des améliorations sont intervenues, notamment depuis 2022 : revalorisation du point d'indice et prime de pouvoir d'achat. En outre, les primes perçues en REP et REP+ ne sont pas négligeables.

Mme Anne Genetet, ministre.  - J'entends votre demande, mais les AED ont déjà été revalorisés de 1 070 euros nets par an pour un temps complet. Ce n'est pas rien. En 2015, la gauche a créé la prime REP et REP+ pour les seuls professeurs ; nous l'avons étendue aux AED. Nous poursuivrons aussi la politique de CDIsation, qui va dans le sens de la fidélisation. Avis défavorable.

L'amendement n°II-439 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-488 rectifié de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Nous souhaitons créer un fonds destiné à la réouverture d'écoles publiques dans les déserts scolaires. Pas moins de 2 238 écoles ont été fermées depuis 2017. En quarante ans, nous avons perdu plus de 17 000 écoles ! Les territoires ruraux sont les premières victimes de cette destruction du service public éducatif.

Au mépris du principe d'égal d'accès aux services publics, on oblige de nombreux enfants à parcourir chaque jour des dizaines de kilomètres. Dans nombre de villages, l'école est le dernier service public de proximité. Sa présence est un facteur d'attractivité pour l'accueil de nouvelles familles.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Vous avez raison : le soutien à l'école rurale est un enjeu essentiel. Nous partageons tous cette préoccupation - MM. Grosperrin et Sautarel, notamment, y travaillent. C'est pourquoi je défendrai dans quelques instants un amendement tendant à réduire de moitié les suppressions de postes prévues, afin que la ruralité soit moins saignée. J'ajoute que, une fois de plus et par facilité, l'amendement est financé en prenant 500 millions d'euros à l'enseignement privé. Avis défavorable.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Colombe Brossel.  - Je remercie Mme de Marco d'avoir déposé cet amendement, que nous voterons. On entend souvent sur les bancs de cette assemblée que le libre choix prévu par la loi Debré est essentiel, mais certains parents en sont privés parce qu'il n'y a tout simplement plus d'école publique dans leur commune !

M. Max Brisson.  - Vouloir retirer des fonds à l'enseignement privé est décidément le sport favori d'une partie de cet hémicycle...

Madame la ministre, on ne peut continuer à réduire le nombre d'écoles rurales au rythme actuel, avec une approche purement comptable. Les maires se projettent et planifient : face à eux, le ministère compte chaque élève et supprime des postes pour parfois un élève en moins. Cette approche est obsolète et ruine la confiance entre les maires et l'éducation nationale.

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport proposera une nouvelle méthode, pour prendre de la hauteur. On ne peut faire comme si la baisse démographique n'existait pas, mais pas non plus comme si nos territoires n'avaient aucun besoin.

Mme Monique de Marco.  - Vous voterez donc l'amendement ?

L'amendement n°II-488 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-562 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Alors que les salaires de nos enseignants sont inférieurs à la moyenne européenne, aucune revalorisation n'est prévue dans ce PLF. Le métier d'enseignant continue de glisser inexorablement vers le déclassement.

Certes, les traitements ont été augmentés en début de carrière et les promotions vers la hors-classe sont plus nombreuses. Mais il faudrait faire beaucoup plus pour restaurer l'attractivité du métier, tant le retard accumulé est considérable.

On nous opposera que l'amendement ponctionne encore le secteur privé. Mais, sans opposer les deux systèmes, on voit bien sur le terrain que les conditions d'exercice des enseignants sont différentes. Ce n'est pas aux plus fragiles qu'il faut demander un effort.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Avis défavorable, hélas. Oui, il faudrait mieux payer nos enseignants, parmi les moins bien payés en Europe. Mais des efforts ont déjà été faits, notamment en début de carrière. Et nous sommes en France, pas au Qatar... Reste que nous manquerons de plus en plus de professeurs s'ils n'y trouvent pas leur compte financièrement.

Mme Anne Genetet, ministre.  - J'entends votre préoccupation, mais la rémunération des enseignants a été augmentée de près de 11 % depuis 2017 - au-delà, donc, des 10 % promis par le Président de la République.

En outre, votre amendement prévoit la suppression du pacte enseignant. À mon arrivée au ministère, j'ai demandé un bilan de ce dispositif : l'an passé, il a permis le remplacement de 7,6 millions d'heures d'enseignement ; à La Réunion, 6 000 enseignants s'y sont engagés ; le complément de rémunération associé est de l'ordre de 2 500 euros annuels. Et, contrairement à ce que vous soutenez, le pacte enseignant n'est pas facteur d'inégalités entre les femmes et les hommes : 69 % des adhérents sont des femmes.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Ce pacte ne fonctionne pas : à quoi bon mettre un professeur devant des élèves pour qu'ils aient des heures de sport ou de mathématiques, s'ils perdent des heures de français ? Il faut valoriser les enseignants, reconnaître la qualité de leur travail. S'ils ont été volontaires pour intégrer le dispositif, c'est parce qu'aujourd'hui, hélas, on travaille plus pour gagner moins. Allez dans les écoles et parlez aux parents qui ne comprennent pas pourquoi leurs enfants ont des heures de sport ou de langues mais pas de mathématiques. On est bien loin de la promesse républicaine !

L'amendement n°II-562 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-563 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Amendement de repli, qui affecte les crédits supplémentaires du pacte enseignant à la revalorisation des professeurs du second degré. Rappelons que le temps de travail effectif des enseignants inclut un important travail de l'ombre, consacré aux préparations et corrections. Augmenter leur temps de présence devant les élèves accroît considérablement leur charge de travail.

L'amendement n°II-563, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-149 de M. Durox et alii.

M. Aymeric Durox.  - Le Gouvernement veut supprimer 4 000 postes d'enseignants, dont 3 155 pour le seul premier degré : le service public de l'éducation aurait rarement connu pareille saignée ! L'intersyndicale a lancé une alerte préalable à une grève unitaire. D'après le Snes-FSU, 8 865 postes ont déjà été supprimés dans le second degré depuis 2022. L'argument démographique est fallacieux : la baisse de la population scolaire serait l'occasion de réduire le nombre d'élèves par classe, ce qui améliorerait les conditions d'étude des élèves et les conditions d'exercice des enseignants.

M. le président.  - Amendement n°II-546 rectifié de M. Pillefer et alii.

Mme Jocelyne Antoine.  - Le Gouvernement entend supprimer plus de 4 000 postes en s'appuyant sur un argument mathématique. La baisse démographique est indéniable, mais elle est une opportunité à saisir pour redresser le niveau des élèves en améliorant le taux d'encadrement.

Les écoles rurales sont particulièrement vulnérables face aux suppressions de postes. Une suppression de poste y entraîne souvent une fermeture de classe. Cette politique accentue le clivage entre territoires ruraux et urbains. Nous proposons donc d'annuler les suppressions de postes envisagées.

M. le président.  - Amendement n°II-224 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - La France est le pays de l'OCDE dont les classes du premier degré sont les plus chargées - 22,1 élèves, contre 19,3 en moyenne. Nous proposons le recrutement de 15 809 enseignants pour ramener ce taux à 19 élèves par classe.

M. le président.  - Amendement n°II-77 rectifié de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Cet amendement annule les 3 155 suppressions de postes dans le premier degré. Par cette décision, le Gouvernement affiche son mépris pour le corps enseignant. Vous vous abritez derrière la démographie, mais les fermetures d'établissement s'enchaînent et nos enseignants travaillent déjà 43 heures en moyenne par semaine. Pour élever le niveau des élèves, abandonnez le choc des savoirs et épargnez ces emplois !

M. le président.  - Amendement n°II-557 de Mme Corbière Naminzo et alii.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Le premier degré public paie le plus lourd tribut aux suppressions de postes prévues par le Gouvernement. Il faut, au contraire, de nouveaux moyens pour nos écoles : nous proposons donc un plan pluriannuel de recrutement dans le premier degré, pour 5 000 postes supplémentaires d'ici à 2027.

M. le président.  - Amendement n°II-21 de M. Paccaud, au nom de la commission des finances.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Nous en arrivons au point saillant de l'examen de cette mission.

La réduction du nombre de postes d'enseignant se justifie pour des raisons démographiques, mais elle pose un certain nombre de problèmes pédagogiques et territoriaux. Dans une logique toute sénatoriale de sagesse et de responsabilité (marques d'ironie à gauche), la commission des finances propose de ne supprimer que 2 000 postes sur les 4 000 prévus. Le ministre délégué, qui est philosophe, connaît la formule : in medio stat virtus... (M. Alexandre Portier sourit.)

Les 74 millions d'euros nécessaires sont pris sur le pacte enseignant, dont le Gouvernement augmente les moyens par ailleurs. Cela ne déséquilibrera pas ce dispositif, utile dans certains cas mais qui constitue une réponse seulement partielle. Si nous avons tant de difficultés à assurer les remplacements de courte durée, c'est parce que le vivier des remplaçants a fondu.

M. le président.  - Amendement identique n°II-150 rectifié de M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - Oui, le nombre d'élèves baisse, mais l'approche du Gouvernement est trop comptable. Nous ne l'acceptons pas. Quand on supprime une classe dans une grande ville, les enfants peuvent assez facilement changer d'établissement ; en zone rurale, ils sont parfois contraints de faire 30 ou 40 minutes de trajet, deux fois par jour. Cet amendement a été adopté par la commission de la culture à l'unanimité.

M. le président.  - Amendement identique n°II-289 de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°II-544 rectifié bis de Mme Billon et du groupe UC.

Mme Annick Billon.  - Le groupe UC appuie la position pragmatique du rapporteur spécial. Près de 40 % des écoles se trouvent dans des territoires ruraux : une suppression de 4 000 postes aurait des conséquences graves sur le maillage des écoles.

M. le président.  - Amendement n°II-208 rectifié de M. Laouedj et alii.

M. Ahmed Laouedj.  - Quelque 3 155 suppressions de postes sont prévues dans le premier degré. Cette mesure a suscité une grande émotion dans les zones rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le rapporteur spécial propose de ramener cette baisse à 1 155 postes, mais cela nous semble insuffisant. Nous voulons revenir entièrement sur les suppressions prévues.

M. le président.  - Amendement n°II-431 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Depuis 2017, 9 437 postes ont déjà été supprimés, dont 7 000 dans le public. C'est grave ! La priorité doit être d'améliorer les taux d'encadrement et de remplacement : c'est un levier essentiel pour assurer la réussite scolaire et réduire les inégalités. Mes chers collègues, il est inutile d'appuyer les mobilisations locales si nous ne nous opposons pas, au moment de l'examen du PLF, aux suppressions de postes prévues ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. le président.  - Amendement n°II-223 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Nous revenons sur la suppression de 8 865 postes d'enseignants dans le second degré depuis 2017.

M. le président.  - Amendement n°II-556 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

M. Gérard Lahellec.  - Nous avons besoin d'un véritable plan pluriannuel de recrutement d'enseignants. Pour 2025, nous proposons 3 300 postes supplémentaires dans le second degré. L'article 40 nous oblige, à notre grand regret, à retirer les fonds nécessaires à d'autres actions.

M. le président.  - Amendement n°II-558 de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Cet amendement vise à recruter 180 nouveaux enseignants dans le second degré public. En sept ans de présidence d'Emmanuel Macron, 8 865 postes ont été supprimés. D'après le Snes-FSU, il faudrait recruter 45 000 professeurs pour retrouver le taux d'encadrement de 2006. Mais le Gouvernement préfère suivre l'IGF, qui veut supprimer les postes par milliers. Il faut cesser de considérer l'école comme une variable d'ajustement budgétaire ! Nos effectifs par classe sont parmi les plus élevés en Europe, nos professeurs parmi les moins payés et leur temps de travail parmi les plus importants.

M. le président.  - Amendement n°II-214 de Mme de Marco et alii.

Mme Monique de Marco.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°II-432 de Mme Monier et du groupe SER.

M. Yan Chantrel.  - Cet amendement rétablit 180 postes dans le second degré. Depuis 2017, le Président de la République procède à une casse de l'école publique : 8 000 postes supprimés dans le secondaire, 10 000 en comptant le privé. Avec près de 26 élèves par classe, la France est parmi les pays de l'OCDE ayant le plus faible taux d'encadrement. Il n'est pourtant pas acquis que le nombre d'élèves ait baissé - les données se situent dans la marge d'erreur. Avec autant de postes en moins, comment assurer l'école inclusive, lutter contre le harcèlement ou mettre en place les fameux groupes de besoins ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Je demande la priorité de vote sur l'amendement de la commission n°II-21 et les amendements identiques nosII-150 rectifié, II-289 et II-544 rectifié bis. Leur adoption satisferait en partie les autres, dont je sollicite le retrait.

La priorité, acceptée par le Gouvernement, est ordonnée.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Monsieur Paccaud, je vous remercie pour l'attention que vous portez aux besoins de nos élèves. C'est le sens de l'acte II du choc des savoirs.

Vous souhaitez réaugmenter les effectifs de 2 000 postes pour le premier degré ? Je suis assez réservée, les inégalités se consolident le plus dans le second degré.

Mesdames Monier et Ollivier, la baisse du nombre d'élèves par classe se poursuit : il était de 24 en 2017, c'est 21 aujourd'hui. (Mme Marie-Pierre Monier proteste.)

Mme Laurence Rossignol.  - C'est une moyenne !

Mme Anne Genetet, ministre.  - Pourquoi vous opposez-vous aux groupes de besoins, si vous considérez que la diminution du nombre d'élèves par classe joue un rôle important ? (Mme Laurence Rossignol proteste.)

Sagesse sur les amendements identiques nosII-21, II-150 rectifié, II-289 et II-544 rectifié bis. Avis défavorable à tous les autres.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.  - J'espère que le Gouvernement lèvera le gage.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Cela ne dépend pas de moi.

M. Bernard Delcros.  - Ces amendements reviennent sur la suppression de 4 000 postes. Je les voterai. Les gouvernements passent, mais la méthode en matière de carte scolaire, elle, ne change pas.

M. Max Brisson.  - Absolument !

M. Bernard Delcros.  - C'est toujours une approche comptable, descendante et linéaire. Il faut s'adapter à la réalité des territoires ! Vingt élèves dans une classe de CM2, ce n'est pas la même chose que vingt dans une classe rurale où les niveaux vont du CP au CM2...

Cette politique a des effets dévastateurs sur les territoires, tant en matière d'attractivité que d'offre éducative. Sans parler des conséquences politiques ! Il faut changer de méthode pour partir des besoins du terrain. Les élus sont responsables, ils peuvent comprendre les évolutions nécessaires. Il faut plus de concertation.

Élus, acteurs éducatifs, parents ont besoin de visibilité à trois ans sur la carte scolaire. Cette mention est inscrite noir sur blanc dans le plan France ruralités, appliquons-la !

Mme Colombe Brossel.  - Le groupe SER s'oppose à la suppression de 4 000 postes. Nous continuerons à réfuter l'argument démographique : quand les effectifs augmentaient dans les lycées, on supprimait aussi des postes ! En réalité, c'est l'argument budgétaire qui prévaut toujours.

Je suis d'accord : les enseignants et les élus souffrent d'un manque de visibilité, et les communautés éducatives ne sont pas assez associées aux décisions.

Nous voterons pour les amendements nosII-21 et II-150 rectifié de MM. Olivier Paccaud et Jacques Grosperrin et les identiques. Nous avons abouti à une position unanime au sein de la commission. Cela fera bouger les lignes, même si ce n'est pas suffisant.

Madame la ministre, nous sommes en train de danser au bord du cratère du volcan : en cas de 49.2 ou de 49.3, y aura-t-il des enseignants devant les enfants ? C'est là notre seule préoccupation ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

M. Stéphane Sautarel.  - Mon intervention s'inscrira dans la même veine. L'approche ne doit pas être uniquement quantitative. En outre, il faut de la lisibilité. Les recommandations inscrites dans le plan France ruralités doivent enfin être mises en oeuvre.

J'avais déposé un amendement visant à assurer une visibilité sur les fermetures de classe sur trois ans, mais celui-ci a été déclaré irrecevable.

Il faut organiser le dialogue : la communauté éducative et les élus locaux sont responsables. Éducation, santé, sécurité : voilà les trois services publics prioritaires. En responsabilité, en cas de besoin impérieux pour redresser nos finances, il faut prioriser les suppressions de postes d'enseignants qui ne sont pas devant les élèves.

M. Michel Canévet.  - En 2009, il y a eu 830 000 naissances, 700 000 en 2023, 326 000 au premier semestre 2024 : la baisse démographique est considérable.

Tout se joue dans le primaire : je voterai les amendements visant à réduire le nombre de suppressions de postes.

La gestion des effectifs des enseignants se fait en silos. Certains, qui ont des fonctions de remplacement, restent à la maison, faute d'activité. Or les besoins sont nombreux dans les territoires. Il faut plus de souplesse et de complémentarités pour réduire le nombre d'enseignants sans classe et de classes sans enseignant.

M. Ahmed Laouedj.  - Nous voterons les amendements nosII-21 et II-150 rectifié d'Olivier Paccaud et Jacques Grosperrin.

M. Max Brisson.  - Ces sujets méritent un débat. Madame la ministre, la pédagogie est l'art de la répétition : voilà plusieurs années que nous soulignons le caractère obsolète de la carte scolaire. On nous renvoie aux études, mais, sur le terrain, rien ne change. Lorsqu'on dit aux directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) que nous travaillons de manière pluriannuelle, ceux-ci nous répondent qu'ils appliquent les instructions.

Ne tombez pas dans le cratère dessiné par Mme Brossel ! Si vous poursuivez votre action avec votre ministre délégué (Mme Laurence Rossignol ironise.), il faut poursuivre ce chantier : le Sénat peut vous y aider. Le sujet est tout sauf consensuel, mais il faut remettre les choses à plat.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous suivrons la position de la commission, même si elle ne nous satisfait pas totalement.

L'amendement porte une attention particulière aux territoires ruraux. Quid des territoires ultramarins ? Certes, 2 000 postes supprimés, c'est mieux que 4 000, mais pensons à la Guyane et à Mayotte notamment. Le 20 novembre, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant, le cas des élèves mahorais et guyanais a été mis en avant. J'espère que les coupes qui s'annoncent ne toucheront pas davantage ces territoires.

À La Réunion, il y a de forts enjeux de formation, alors que les taux d'illettrisme et d'illectronisme ne diminuent pas et que le nombre d'élèves ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) s'accroît. D'où des inégalités particulièrement criantes dans ces territoires.

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nosII-21, II-150 rectifié, II-289 et II-544 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°139 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 340
Contre    0

Les amendements identiques nosII-21, II-150 rectifié, II-289 et II-544 rectifié bis sont adoptés.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Très bien !

Les amendements nosII-149, II-546 rectifié, II-224 rectifié, II-77 rectifié, II-557, II-208 rectifié et II-431 n'ont plus d'objet.

Les amendements nosII-223, II-556, II-558, II-214 et II-432 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-207 rectifié ter de M. Laouedj et alii.

M. Ahmed Laouedj.  - Nous voulons améliorer les conditions de travail des AESH, qui jouent un rôle crucial pour l'inclusion scolaire. Le manque d'attractivité du métier est un problème bien connu, notamment dû à la rémunération modeste, aux contrats précaires et à l'absence de prise en charge des frais annexes comme le transport. L'amendement s'inscrit dans la lignée de la proposition de loi Vial.

M. le président.  - Amendement n°II-78 rectifié de Mme Ollivier et alii.

Mme Mathilde Ollivier.  - Nous souhaitons mieux rémunérer les AESH, qui constituent le deuxième corps de métier de l'éducation nationale en termes d'effectifs. Nous saluons l'ajout de 2 000 ETP supplémentaires, même si cet effort est insuffisant.

Les AESH sont essentiels pour accueillir les enfants en situation de handicap. Or 96 % d'entre eux disent ne pas pouvoir vivre dignement. Nous ne pouvons regarder ailleurs ! Il faut une revalorisation catégorielle.

M. le président.  - Amendement n°II-438 de Mme Monier et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Malgré des efforts ces dernières années, les AESH continuent de gagner entre 800 et 1 000 euros par mois : cela revient à les placer dans une situation de précarité institutionnalisée. Plus de 90 % des AESH sont des femmes. Nous proposons une revalorisation de 220 euros par an, après leur CDIsation au bout de trois ans. Près de 80 % de ces personnels sont encore en CDD. Le turnover progressera si nous n'agissons pas !

M. le président.  - Amendement n°II-575 rectifié bis de M. Vial et alii.

M. Cédric Vial.  - Cet amendement garantit la bonne application de la loi : nous proposons d'abonder de 31 millions d'euros le programme « Vie de l'élève » pour assurer la prise en charge des élèves en situation de handicap durant la pause méridienne. Cette somme est issue des estimations des services du ministère sur une année pleine.

Nous ne voulons plus que l'on nous oppose l'argument budgétaire pour ne pas appliquer la loi. Car oui, la loi n'est pas appliquée ! Comme le dit Bruno Retailleau, quelqu'un qui n'applique pas la loi, c'est un délinquant. (On s'en amuse à gauche.) Foin des arguments budgétaires fallacieux ! Les 20 000 à 25 000 enfants qui ont besoin d'aide sur le temps méridien doivent être pris en charge.

Ce ne sont pas des recrutements supplémentaires : les AESH en poste demandent à faire plus d'heures. Environ 8 % des enfants ont besoin d'un accompagnement le midi. Il est temps de faire appliquer cette règle ! Vous n'êtes pas responsables, ni la nouvelle directrice générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), en poste depuis le mois d'août ; ce sont vos prédécesseurs qui le sont. Mais si vous ne faites rien, vous le deviendrez !

M. le président.  - Amendement n°II-570 rectifié de Mme Corbière Naminzo et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - C'est un amendement d'appel. La loi Vial impose à l'État de prendre en charge les enfants en situation de handicap durant le temps de midi. Pourtant, certains rectorats ne l'appliquent pas. L'application de la loi devient un véritable casse-tête face à la mauvaise volonté de certains services déconcentrés de l'État.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Les trois premiers amendements nosII-207 rectifié ter, II-78 rectifié et II-438 visent à améliorer la rémunération des AESH : retrait, malheureusement, pour des raisons budgétaires. Toutefois, mieux ces personnes seront payées, mieux ce sera. Des efforts ont été menés, notamment avec la CDIsation. En outre, le PLF 2025 prévoit une majoration de 60 millions d'euros pour améliorer leur situation. Il est injuste de faire le procès de l'inclusion scolaire aux gouvernements successifs : il y a plus de 135 000 AESH, 240 000 enfants en situation de handicap ont été inclus dans l'école. Le procès est cruel !

Je solliciterai l'avis du Gouvernement pour les amendements nosII-575 rectifié bis et II-570 rectifié, car la loi Vial n'est pas bien appliquée partout. Mais ce problème ne fait pas de Mme la ministre une délinquante... Il s'agit moins d'une question de moyens que d'une question d'organisation. La loi est compliquée à appliquer.

M. Max Brisson.  - On l'a compliquée !

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Dans mon département, l'Oise, certains enfants sont pris en charge sans problème. Ce n'est pas le cas pour d'autres. Il faut trouver des solutions.

Mme Anne Genetet, ministre.  - Monsieur Vial, je vous remercie pour cette loi, votée à l'unanimité et qui répond à un réel besoin. Lors de mon audition, vous m'avez alertée sur certaines difficultés : en effet, il semble plus facile de faire compliqué que de faire simple...

J'ai demandé la rédaction d'un projet de décret qui simplifie la règle et clarifie le régime de responsabilité. Il sera publié dans les prochains jours et remplacera la convention actuelle, qui manque d'agilité.

Le budget 2025 couvrira les besoins de la pause méridienne. Je salue le travail difficile des AESH. Nous avons revalorisé leur salaire, modifié leur contrat et travaillons encore à améliorer leur situation.

J'ai la volonté politique d'avancer et m'y engage. Retrait, sinon avis défavorable à votre amendement n°II-575 rectifié bis.

Avis défavorable aux amendements nosII-207 rectifié ter, II-78 rectifié, II-438 et II-570 rectifié.

M. Cédric Vial.  - Merci, madame la ministre, pour vos propos. Je ne suis pas sûr qu'un décret soit nécessaire : nous avons fonctionné sans décret entre 2005 et 2022. Dont acte, toutefois !

Monsieur le rapporteur spécial, certaines situations sont difficiles : on ne réglera pas tous les problèmes. Les contrats prendront en compte la volonté de l'agent, selon que ce dernier souhaite travailler ou non durant la pause méridienne. C'est un sujet majeur, ce n'est pas pour rien qu'il a fait l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée nationale !

Le système est devenu un casse-tête pour les collectivités territoriales, alors qu'on l'avait conçu pour leur simplifier la vie. Je maintiens mon amendement, pour que le sujet avance d'ici à la CMP.

Il faudra traiter le sujet de l'organisation de l'école inclusive, qui représente 4,6 milliards d'euros ! Le sujet de la compensation humaine est essentiel.

Les amendement nosI-207 rectifié bis, II-78 rectifié et II-438 ne sont pas adoptés.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial.  - Je le regrette, mais avis défavorable. Ce n'est pas une question financière, mais organisationnelle. Le montant n'est pas neutre : 31 millions d'euros.

M. Max Brisson.  - Je n'aime pas m'opposer au rapporteur spécial de la commission des finances... Mais la complexification introduite par une circulaire de huit pages de la DGESCO avait des motivations financières : on ne voulait pas que la loi soit mise en oeuvre ! Je voterai l'amendement de M. Vial.

L'amendement n°II-575 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°II-570 rectifié n'a plus d'objet.

M. le président.  - Il reste 55 amendements à examiner sur cette mission. Conformément à l'organisation de nos travaux, leur examen est reporté au samedi 7 décembre.

La séance est suspendue à 13 h 35.

Présidence de Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente

La séance est reprise à 15 h 05.

Mises au point au sujet de votes

Mme Samantha Cazebonne.  - Lors du scrutin n°136, l'ensemble du RDPI souhaitait voter contre.

M. Bernard Fialaire.  - Lors du scrutin n°114, Michel Masset souhaitait voter pour.

Mme Nadia Sollogoub.  - Lors du scrutin n°135, Christine Herzog, Jean-Marie Mizzon et Vincent Delahaye souhaitaient voter contre.

Mme Brigitte Devésa.  - Lors des scrutins nos118, 121, 122, 123, 124 et 130, je souhaitais voter contre.

Acte en est donné.

Projet de loi de finances pour 2025 (Suite)

Seconde partie (Suite)

Santé

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la commission des finances .  - La pertinence de cette mission, qui comporte trois programmes mais dont les crédits sont constitués à 80 % de l'aide médicale de l'État (AME), est douteuse.

Les crédits de la mission sont en apparence drastiquement réduits de 40 %, soit une diminution de 1,1 milliard d'euros. Mais cela est uniquement dû à la baisse des crédits du programme 379, créé fin 2022 pour recueillir les 6 milliards d'euros de crédits européens qui financent le volet investissements du Ségur de la santé.

Au fil des ans, de nombreuses actions du programme 204 ont été transférées à l'assurance maladie. Les actions maintenues sont disparates et de faible montant et mériteraient d'être repensées pour limiter le saupoudrage.

L'AME demeure l'élément principal de la mission. Les dépenses représenteraient 1,32 milliard en 2025, en hausse de 9,2 % par rapport aux crédits votés pour 2024. Cela résulte notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires, de 411 000 fin 2022 à 459 000 à la fin du premier semestre 2024, soit une hausse de 11 %.

Quelle doit être l'étendue des soins pris en charge par l'AME ? Dans de nombreux pays européens, seuls les soins urgents, de prévention, de maternité ou pour les mineurs sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière.

Au regard de l'éventail des soins couverts, notre AME est une exception injustifiable, que le Sénat dénonce depuis de nombreuses années en votant chaque année des mesures de restriction.

Le rapport Evin-Stefanini de 2023 - qui devait servir de base à une réforme réglementaire jamais vue - formule plusieurs recommandations en ce sens.

Les auteurs proposent notamment d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs aux prestations programmées non urgentes. En effet, l'accord de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) est actuellement requis pour les seuls bénéficiaires de l'AME depuis moins de neuf mois. Ce critère de durée est étonnant. Par amendement, je vous propose d'étendre l'accord préalable à tous les assurés, quelle que soit leur durée d'affiliation. Le but est d'encourager le Gouvernement à inclure davantage de prestations dans le panier des soins dits non urgents - masso-kinésithérapie, prothèses dentaires, hospitalisation à domicile, entre autres.

Mon second amendement en tire les conséquences budgétaires, environ 200 millions d'euros d'économies.

La commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés.

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales .  - La commission des affaires sociales a exprimé des inquiétudes et des réserves sur l'évolution des crédits de cette mission.

Sa baisse drastique de 40 % doit être nuancée : hors programme 379, le budget de la mission ne diminue que de 4,2 %.

Le programme 204 dédié à la prévention voit ses crédits baisser de 18 %, une trajectoire inquiétante qui s'inscrit dans la durée. La prévention devrait pourtant être une priorité et mériterait un investissement patient et continu.

Le programme 183 prévoit une hausse des crédits de l'AME de 9,2 % en raison de l'augmentation non maîtrisée du nombre de bénéficiaires. Dispositif sanitaire utile, l'AME doit néanmoins évoluer.

Dans la lignée du rapport Évin - Stefanini, la commission des affaires sociales souhaite une plus grande maîtrise de la dépense et une meilleure acceptabilité collective. L'accord préalable pour les prestations non urgentes programmées répondra à certaines critiques, sans remettre en cause ni l'accès aux soins ni la solidarité. L'AME doit rester un dispositif d'accès aux soins inconditionnel, mais proportionné.

Sous réserve de l'adoption de ses deux amendements, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Jomier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis des années, cette mission suscite la même question : où est la cohérence ?

La politique de santé et de prévention de l'État pâtit d'un double déficit d'ambition et de pilotage financier -  voyez les transferts de charges de l'État vers l'assurance maladie.

La politique de prévention est diluée dans 31 programmes budgétaires. Cette dispersion s'accompagne d'incohérences. D'où une vision fragmentée. Or pour bâtir une politique de prévention digne de ce nom, il faut des moyens, de la coordination et de la lisibilité.

L'action « Pilotage de la politique de santé publique » perd 14 millions d'euros ; l'action « Santé des populations » baisse de 8,92 % ; les crédits de l'action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » diminuent de 1 million d'euros ; l'action « Prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation » subit une baisse de 2 %. Ces coupes montrent que le covid n'a rien changé : le Gouvernement a renoncé à investir dans la santé publique. Les actes valent plus que les mots.

La santé mentale, annoncée comme grande cause nationale, est totalement absente des priorités budgétaires : rien dans le PLFSS, rien dans le PLF. Les mots, toujours les mots. (M. Patrick Kanner renchérit.)

La mission finance aussi l'Institut national du cancer (Inca) et l'Anses. Il est incompréhensible que des taxes censées aller à l'Anses aillent au budget général, alors que l'État plafonne les redevances touchées par l'Anses pour ses missions d'évaluation, ce qui fragilise l'équilibre financier de l'agence.

Chaque année, l'AME est la cible d'attaques injustifiées. Pourtant, le rapport Évin-Stefanini l'a rappelé avec force : ce dispositif de santé publique n'attire pas les migrants. Il est temps de sortir de la spirale de stigmatisation dans laquelle la majorité sénatoriale est entrée.

L'AME relève de la solidarité, mais c'est aussi une exigence déontologique pour les soignants. Vous devriez écouter toutes les institutions et organisations de soignants, unanimes, jusqu'à l'Académie de médecine, au lieu de sourire encore et encore à Mme Le Pen, comme M. Barnier. (Mme Florence Lassarade s'en émeut.)

Allez-vous réduire les soins aux enfants ? Rejeter les 100 % de femmes migrantes -  80 % d'hommes  - qui ont subi des violences sexuelles pendant leur parcours migratoire ? Demanderez-vous aux professionnels de santé de diagnostiquer des pathologies pour ne pas les soigner ? Renverrez-vous ces personnes et ces coûts vers l'hôpital, alors qu'il manque déjà 2 milliards d'euros pour l'hôpital public ?

Si nous voulons un débat sérieux sur le panier de soins de l'AME et baisser le niveau de fraude -  le plus bas de toute l'assurance maladie  - , appuyons-nous sur des données objectives, sans tenter d'apaiser le RN. (M. Jean-Jacques Panunzi s'exclame.)

Enfin, lisez le rapport Évin-Stefanini avec vos deux yeux, pas seulement l'oeil droit ! Soutenez l'extension de l'AME à deux ans, comme le préconise le rapport, et envisagez son intégration au régime général, comme le propose l'Académie de médecine.

Nous défendons l'AME en nous appuyant sur la réalité des faits et dans le respect de nos valeurs. En détricotant l'AME, vous portez atteinte aux valeurs des soignants et au principe de fraternité, pour un bénéfice financier probablement négatif. Vous ne faites que nourrir le discours du RN ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Stéphane Ravier .  - Léo, 4 ans, a une tumeur cancéreuse. Son opération urgente a été repoussée à trois reprises, à cause du manque de personnel de l'hôpital de la Timone à Marseille. C'est à hurler et pleurer de chagrin.

À l'hôpital Nord de Marseille, 30 % des infirmières du bloc ont rendu leur blouse depuis le covid. Un tiers des blocs sont fermés à Marseille. Et pourtant, les soignants ne baissent pas les bras : trois fois par semaine, ils font un Tetris pour faire entrer un maximum de patients dans un minimum de blocs.

Nous devrions parler d'investissement hospitalier, de rémunération des soignants, d'oasis médicales -  dans les déserts du même nom  - , de financement de l'innovation. Au lieu de cela, 80 % des crédits de la mission -  1,3 milliard d'euros !  - sont consacrés à l'AME, réservée aux seuls clandestins.

Un rapport de l'IGF et de l'Igas a reconnu en 2019 qu'il existait bien une migration pour soins.

Une voix à gauche.  - C'est faux !

M. Stéphane Ravier.  - Mais vous refusez obstinément de remettre en question cette pompe aspirante.

Selon l'Assemblée nationale, entre 2015 et 2021, les étrangers ont bénéficié de 14,8 % des transplantations alors qu'ils sont 7,4 % de la population. (Protestations à gauche.) Les passeurs se font payer 2 000 euros, quand l'opération nous coûte 40 000 euros. Cette immigration à la carte favorise un public jeune, qui est prioritaire par rapport aux Français. Après l'emploi et le logement, la préférence étrangère s'applique donc en matière de santé : on atteint le sommet de l'ignominie !

Mme Corinne Féret.  - Vos propos sont scandaleux, quelle honte !

M. Stéphane Ravier.  - Je le dis solennellement. Nous sommes face à un drame national : l'effondrement de notre hôpital, l'abandon de patients de tous âges, une scandaleuse préférence étrangère.

Mme Laurence Rossignol.  - Il ment et il le sait !

M. Stéphane Ravier.  - À défaut de grandes ambitions, je voterai les amendements du rapporteur spécial. Pourtant, souvenez-vous, vous aviez eu le courage de voter la suppression de l'AME l'an dernier ! Les crédits libérés devront aller à la restructuration médicale et hospitalière en faveur de nos compatriotes d'abord.

Mme Corinne Féret.  - Honte à vous !

Mme Laurence Rossignol.  - Ses mensonges sont gros comme lui !

M. Daniel Chasseing .  - Pour 2025, les crédits de la mission s'élèvent à 1,6 milliard d'euros, en baisse de 1 milliard en raison de la diminution des fonds européens destinés au financement de l'investissement hospitalier. Si on les exclut, les crédits de la mission augmentent de 4 %. Ceux de l'AME, de 9 %.

Les crédits consacrés à la prévention diminuent de 18 %, mais nous saluons le maintien de la subvention à l'Inca -  le cancer est la première cause de mortalité en France.

La dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) est stable à 8 millions d'euros ; il sera nécessaire de l'augmenter.

Notre AME est l'une des plus généreuses d'Europe. Ses crédits pour 2025 s'élèvent à 1,3 milliard d'euros. Le nombre de bénéficiaires a augmenté de plus de 20 % depuis 2022.

La rapporteure pour avis considère qu'une baisse des crédits de l'AME sans réforme ne se ferait qu'au détriment des établissements et des professionnels de santé. Je suis favorable à une meilleure maîtrise des dépenses de l'AME, tout en prenant en charge les soins urgents, selon une acception large.

Le rapport Évin - Stefanini, qui estime que l'AME est utile, formule plusieurs préconisations de lutte contre la fraude, même si seuls 10 % des migrants viennent pour l'AME : prise en compte des revenus des conjoints français ou en situation régulière, meilleur contrôle de l'identité, limitation des ayants droit aux seuls enfants mineurs.

La commission a adopté un amendement prévoyant une extension de l'accord préalable pour les soins programmés non urgents - qu'il conviendra de définir.

Il faut un équilibre entre humanisme, réalité sanitaire et réalité économique. Nous devons lutter contre les abus, comme en Allemagne, tout en conservant l'AME. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC, Les Républicains, du RDSE et du RDPI)

Mme Marie-Do Aeschlimann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En décembre 2023, à l'issue de débats passionnés, la Première ministre Élisabeth Borne s'engageait à faire évoluer l'AME.

Où en sommes-nous un an plus tard ? La réforme promise n'a pas eu lieu. En 2025, le budget consacré à l'AME est en hausse de près de 10 %, une inquiétante trajectoire financière.

Notre AME est en décalage avec ce qui existe chez nos voisins européens. Comment expliquer à nos concitoyens cette générosité sans équivalent, alors que nos finances publiques sont sous tension ? Les étrangers frappés de mesures d'éloignement pour un motif d'ordre public doivent-ils avoir accès à un panier de soins gratuit aussi étendu ? Cette exception française est de plus en plus difficile à justifier.

L'AME, accordée aux étrangers en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois, offre une gamme de soins bien plus large que chez nos voisins européens. Ces pays ne manquent pas d'humanité, mais leur rigueur de gestion nous fait défaut.

Entre 2001 et 2023, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 20 %.

En 2023, le rapport Évin-Stefanini soulignait la nécessité de renforcer les contrôles et la lutte contre la fraude, afin de renforcer l'acceptabilité sociale du dispositif. Le programme 183 ne fait l'objet d'aucun effort budgétaire...

L'idée d'instaurer un droit d'entrée forfaitaire revient périodiquement dans le débat. Prévue par la loi de finances pour 2011, cette disposition a été abrogée en 2012. La situation politique n'est malheureusement pas propice à l'émergence d'un consensus. La réforme de l'AME - pour la recentrer sur les besoins essentiels - est pourtant urgente. Je salue la proposition de la commission des affaires sociales, qui permet une économie de 200 millions d'euros, sans dégrader la prise en charge. Voilà une première réponse pour juguler une dépense qui ne cesse de croître.

Les autres crédits de la mission sont en réduction sensible. Le programme 379 touche à sa fin. Le programme 204 passe de 271 à 222 millions d'euros en 2025. Depuis 2014, l'essentiel des crédits de ce programme a été réorienté vers l'assurance maladie et il se concentre désormais sur l'Inca et l'Anses - qui sera dotée de 25 millions d'euros.

La subvention de l'Inca est reconduite à 34,5 millions d'euros, mais veillons-y, car ce financement est indispensable pour lancer le dépistage du cancer du poumon. Le cancer, qui touche un Français sur vingt, est la première cause de mortalité chez l'homme, la deuxième chez la femme, avec 385 000 cas diagnostiqués chaque année. Sa prise en charge représente 10 % du budget de l'assurance maladie. Les dépenses de prévention sont des dépenses de soins évitées !

Deuxième point de vigilance : l'agence de santé de Wallis-et-Futuna, dont le déficit atteint 8,5 millions d'euros en 2024. Une augmentation de 2,7 millions d'euros de sa dotation devrait permettre le redressement de sa situation financière et la reconstruction de l'hôpital de Futuna.

Mon rapport sur l'adaptation de l'offre de santé dans les territoires français du Pacifique avait souligné les difficultés de Wallis-et-Futuna, aggravées par la situation insurrectionnelle en Nouvelle-Calédonie.

Nous avons besoin d'une gestion rigoureuse de nos finances publiques, tout en maintenant les crédits dédiés à la prévention. Le Sénat propose d'amorcer la réforme attendue de l'AME.

Une dépense publique maîtrisée, ce n'est pas une moindre solidarité, mais la condition de sa pérennité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Delahaye et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)

M. Frédéric Buval .  - La baisse en trompe-l'oeil des crédits de la mission s'explique par l'épuisement du programme 379. L'essentiel des crédits concerne le programme 204 sur la prévention et le programme 183 sur l'AME.

Les crédits du programme 204 - 222 millions d'euros en 2025, contre 270 millions en 2024 - sont en cohérence avec la future stratégie nationale de santé. Cette diminution affecte particulièrement les actions 11 et 16 : soyons vigilants. Nous serons également attentifs au déploiement d'une véritable politique de prévention dans tous les territoires, notamment les outre-mer, qui accusent un retard.

Nous nous félicitons de la stabilité des crédits destinés à l'Inca et de hausse de la dotation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna, fragilisée par le covid et la crise en Nouvelle-Calédonie.

Le programme 183 porte les crédits de l'AME, ainsi que 8 millions d'euros pour le Fiva. Les crédits de l'AME vont augmenter de 9,2 %.

Le RDPI s'opposera fermement aux amendements des rapporteurs visant à étendre l'accord préalable et à baisser les crédits de 200 millions - nous nous étions déjà opposés à la transformation de l'AME en aide médicale d'urgence.

M. Bernard Jomier.  - Très bien !

M. Frédéric Buval.  - Nous nous félicitons néanmoins de l'évolution de la position de la commission.

En cohérence avec la position qu'il a toujours défendue, conscient de l'utilité et de la perfectibilité de l'AME, le RDPI votera contre les amendements des rapporteurs et contre les crédits s'ils venaient à être ainsi amendés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Dommage !

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) Chaque année, l'AME revient dans le débat public.

Le rapport Évin-Stefanini a rappelé le caractère utile et globalement maîtrisé de ce dispositif sanitaire, que le RDSE a toujours défendu. La proposition d'extension de l'accord préalable pour les soins non urgents est reprise par nos rapporteurs.

Notre groupe est particulièrement attaché aux valeurs humanistes qui fondent l'AME, à sa dimension sanitaire et à l'engagement des médecins à soigner tout le monde. C'est pourquoi nous nous étions opposés à la transformation de l'AME en aide médicale d'urgence.

Les rapporteurs proposent un régime d'accord préalable. Nous souscrivons à l'idée, bien que sceptiques sur le montant des économies attendues. Je défendrai donc un amendement visant à évaluer la modification, pour vérifier qu'elle ne conduit pas à une surcharge administrative.

Pour le reste, pas de tabou, la question de l'efficience et de l'acceptabilité sociale de l'AME doit être posée, alors que l'on demande des efforts à tout le monde. Je reprends une proposition de Véronique Louwagie qui exclut clairement certains soins esthétiques non rattachables à un acte de chirurgie reconstructrice -  même si les abus sont très minoritaires. Comme l'écrivait Boileau, « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. »

Les professionnels de santé doivent être étroitement associés à la réforme du panier de soins, si elle a lieu. Avant d'être une question politique, c'est une question de santé publique.

Restent 320 millions d'euros pour les deux autres programmes. Madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur la diminution des crédits du programme 379 ?

Le programme 204 est amputé de 10 millions d'euros. Le budget de l'Inca est stable, mais toujours insuffisant pour couvrir ses charges de fonctionnement, après une annulation de 260 000 euros en février. Cela nous inquiète, car la prévention est l'une des clés de la transformation de notre système de santé.

Nous réservons notre vote en fonction du sort des amendements. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MMBernard Fialaire et Daniel Chasseing applaudissent également.) La mission « Santé », composée de trois programmes disparates, avec des autorités de tutelle différentes, a du mal à faire émerger une stratégie globale lisible.

Elle vise d'abord l'amélioration de la santé de la population. Mais ses indicateurs de performance -  pourcentage de la population se déclarant en bonne santé générale et espérance de vie en bonne santé  - ne font pas apparaître les disparités territoriales d'accès aux soins : ils ne sont donc pas à la hauteur. Mieux identifier les inégalités permettrait de mieux cibler l'action publique, sans coût supplémentaire.

La commission des affaires sociales a insisté sur l'absence de prévention dans le PLFSS et les crédits du programme 204 diminuent. Or tous les acteurs s'accordent à reconnaître que la prévention est le meilleur des investissements. Au sortir d'une crise sanitaire majeure, pourquoi faire des économies sur la maîtrise des risques sanitaires ?

Les indicateurs de performance relatifs à l'objectif de réduction des inégalités territoriales et sociales de santé interrogent : taux de couverture vaccinale contre la grippe, taux de participation au dépistage organisé du cancer colorectal, prévalence du tabagisme quotidien... Il nous faut une autre grille de lecture, pour faire apparaître la dramatique réalité des inégalités d'accès à la santé, source d'une immense colère chez nos concitoyens.

Toutes les actions du programme 204 me semblent importantes, à commencer par le soutien aux associations de personnes atteintes de maladies neurodégénératives, mais aussi la prise en charge de maladies rares ou chroniques, comme la fibromyalgie, la maladie de Lyme ou le covid long.

Autre défi : la lutte contre le cancer. Certes, il faut soutenir l'Inca, mais nous avons aussi besoin d'un registre national du cancer, comme le prévoit la proposition de loi de Sonia de la Provôté, votée par le Sénat à l'unanimité.

Sur l'AME, en ma qualité de rapporteure pour avis du programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires », je considère que les politiques publiques doivent être articulées entre elles, et reposer sur un accompagnement social dans le temps ; c'est seulement ainsi que les personnes les plus fragiles retrouveront leur autonomie.

Je souhaite que l'AME reste transitoire, qu'elle soit un filet de sécurité, sans devenir chronique ; c'est le sens de l'amendement des rapporteurs.

Le groupe UC votera les crédits de la mission, en rappelant que la prévention et la réduction des inégalités d'accès aux soins doivent rester prioritaires. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Céline Brulin .  - La mission est marquée par le sous-financement des actions de santé publique, des coupes aveugles, qui laisseront les professionnels de santé bien seuls, et un énième débat sur l'AME -  idée fixe de certains.

En 2019, le rapport de l'Igas affirmait que la réduction du panier de soins était très peu pertinente. Le rapport Évin-Stefanini a également confirmé l'intérêt de l'AME dont l'abandon aurait des conséquences : dégradation de la santé des personnes concernées, impact sur la santé publique, nouvelles charges pour les hôpitaux.

Seule la moitié des bénéficiaires potentiels ont recours à l'AME, pour un coût limité à 0,37 % des dépenses totales de santé. La réduction du périmètre du panier de soins est dénoncée par l'ensemble des médecins. Il s'agit donc plutôt d'une opération de communication malsaine.

Pis : la mission « Santé » subit de nouvelles coupes budgétaires pour la prévention, alors que cette dernière ne représente que 1,9 % de nos dépenses de santé et que le curatif coûte plus cher que le préventif.

Je regrette la baisse de 1 million d'euros des crédits pour la communication en direction des victimes de la Dépakine. Le tribunal judiciaire de Paris a pourtant déclaré Sanofi responsable d'un défaut d'information sur les risques. La molécule serait responsable de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants et de troubles du neurodéveloppement chez 16 000 à 30 000 enfants. Sanofi a multiplié les recours juridiques. Résultat : l'État a indemnisé les victimes à sa place ! Conservons ces crédits pour que tous les malades fassent leurs démarches auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam).

Nous regrettons le détournement de nos débats pour des raisons politiciennes. Le groupe CRCE-Kanaky ne votera pas ces crédits, insuffisants. (Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Jomier applaudissent.)

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

Mme Anne Souyris .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) L'examen de ces crédits est placé sous le signe de l'inédit. Inédit, car d'un point de vue institutionnel, l'Assemblée nationale examinera dans deux jours une motion de censure qui entraînera vraisemblablement la deuxième chute d'un gouvernement de la Ve République.

Inédit, car la droite républicaine a répondu à l'appel du pied de l'extrême droite d'attaquer l'AME.

M. Stéphane Ravier.  - Bravo !

Mme Anne Souyris.  - Non, pas bravo ! Le Premier ministre a annoncé qu'il allait « sensiblement réduire » les soins de l'AME. Pourtant, madame la ministre, vous disiez il y a quelques mois qu'il ne fallait pas y toucher. L'année dernière, un de vos prédécesseurs a démissionné pour cette raison...

M. Bernard Jomier.  - Il avait du courage !

Mme Anne Souyris.  - ... et huit de vos prédécesseurs ont dit qu'il ne fallait pas attaquer l'AME.

Combien de fois faudra-t-il y revenir ? L'AME ne crée aucun appel d'air ! On ne constate pas moins de 40 % de non-recours - ce qui n'est pas satisfaisant.

Il s'agit du pilier sanitaire de notre fraternité. Lorsque l'Assemblée constituante de 1789 a instauré le droit aux secours pour les malades, elle n'a pas fait la distinction entre Français et étrangers !

M. Roger Karoutchi.  - Il y en avait beaucoup moins !

Mme Anne Souyris.  - Claude Évin et Patrick Stefanini ont relevé dans leur rapport combien elle était essentielle pour la santé publique. Une réduction du panier de soins ne fera que fragiliser encore plus les comptes des hôpitaux.

Dois-je vous rappeler le serment d'Hippocrate ? « Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. »

Les médecins des permanences hospitalières continueront à porter secours aux sans-papiers, quitte à vous désobéir, comme l'écrivaient 3 500 d'entre eux en novembre dernier. Cela creusera le déficit des hôpitaux : en 1993, 12 % de leur budget était consacré au séjour non financé des étrangers sans couverture.

Les médecins continueront de soigner, avec ou sans AME - et je les en remercie ! La supprimer n'aurait pour conséquence que de déshumaniser et désorganiser encore davantage notre système de soins.

Plus de prise en charge de l'opération de la cataracte, de la pose d'implants auditifs ou de prothèses du genou ? Vous voulez donc que la République restreigne aux personnes qui se trouvent sur son territoire le droit de voir, d'entendre et de marcher ?

Le GEST s'opposera à cette vision ni humaniste ni étayée, et défendra le maintien des budgets de la mission. (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l'accès aux soins .  - Les crédits de la mission « Santé » sont, avec le PLFSS, la traduction de notre politique d'accès aux soins, définie dans le cadre de la stratégie nationale de santé autour de trois grands objectifs : poursuivre et amplifier nos politiques de prévention pour améliorer la santé de tous les Français ; garantir un accès aux soins de qualité à tous dans tous les territoires ; assurer la sécurité sanitaire contre tous les risques, notamment épidémiologiques.

Tels sont les objectifs visés par les gouvernements successifs depuis 2017.

Pour y répondre, les crédits de la mission s'élèvent à 1,640 milliard d'euros pour 2025. Certes, cela équivaut à une baisse de 40 % des crédits par rapport à 2024, mais ce n'est pas le signe d'une baisse d'ambition, la baisse tenant à l'arrivée à son terme du programme 379.

Le plan national de relance et de résilience et sa composante Ségur sont en effet en voie d'achèvement. Le dispositif transitoire de compensation pour la branche maladie de la perte de recettes au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) n'a pas été reconduit en 2025.

Compte tenu de l'état des finances publiques, des amendements gouvernementaux sont examinés pour supprimer 5 milliards d'euros de crédits par rapport au PLF initial.

Les crédits du programme 379 seront diminués de 40 millions d'euros. Pour autant, nous ne cesserons pas de financer le Ségur investissement. Les investissements seront simplement lissés par rapport aux prévisions initiales.

Concernant le programme 204 sur la prévention, les crédits s'élèvent à 221,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 18 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Cela résulte d'une dynamique tendancielle de la dépense, notamment pour l'appel à projets européen Rescue. Un nouvel appel à projets a été lancé en 2024. L'année 2025 étant la deuxième année de cet appel à projets, les besoins sont mécaniquement moindres.

En dehors de la prise en compte de cette dynamique, le Gouvernement proposera en responsabilité une baisse de 10 millions d'euros sur le programme 204. C'est le pendant de l'effort réalisé sur le programme 379.

La mission « Santé » contribuera ainsi à hauteur de 50 millions d'euros aux 5 milliards d'euros d'économies attendues.

Je veillerai toutefois à ce que nos ambitions ne soient pas revues à la baisse, en accentuant l'efficacité et l'efficience de nos politiques, tout en misant sur la prévention, qui est un impératif de santé publique.

Le premier objectif est de renforcer la prévention et le repérage à tous les niveaux et avec tous les acteurs, en finançant notamment l'Institut national du cancer (Inca) et l'Anses.

Deuxième objectif : poursuivre la promotion de la recherche et la mobilisation des connaissances scientifiques, via notamment une meilleure utilisation des bases de données - notre volonté étant de sensibiliser différemment en fonction des publics.

Troisième objectif : renforcer nos cellules d'anticipation des risques et de prévention et lutte contre les vecteurs de maladie. Nous renforçons la formation des agents et renforcerons la réalisation des exercices de crise. Nous veillerons à la maintenance opérationnelle des outils de veille sanitaire.

Quatrième objectif : poursuivre la démarche de territorialisation des soins, avec une attention particulière pour les outre-mer, notamment l'agence de santé de Wallis et Futuna.

Toutes ces actions sont conduites au sein du programme 204 et s'inscrivent dans le prolongement de celles qui sont déclinées au sein du PLFSS.

Les crédits du programme 183 financent essentiellement l'AME. Ils s'élèvent à 1,3 milliard d'euros en CP. L'AME a une utilité sanitaire réelle. Sa suppression aggraverait la pression sur les services d'urgence et entraînerait une hausse, à terme, de la dépense en soins à cause de la détérioration de l'état de santé des patients. C'est une question de santé et de salubrité publique.

Comme l'ont souligné Claude Évin et Patrick Stefanini, c'est un « dispositif de santé publique qui doit vivre et continuer de vivre. Mais il peut être encore adapté, » ont-ils écrit. Nous continuerons de l'améliorer, sur la base de leur rapport.

Comme l'a dit le Premier ministre, il faudra maîtriser ces dépenses, comme toutes les autres dépenses publiques.

J'entends bien que l'AME est un totem politique, plus qu'une action concrète utile que l'on peut améliorer pour l'état sanitaire du pays. Mais je vous en conjure : ayons du bon sens !

Mobilisons les moyens nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires. Nous serons ainsi utiles aux bénéficiaires de l'AME et à l'ensemble de nos concitoyens. Nous continuerons les contrôles a priori et a posteriori pour lutter contre la fraude.

Ambition de la prévention, poursuite de la sécurité sanitaire, organisation de soins de qualité pour tous et partout, tels sont les enjeux principaux de ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mmes Véronique Guillotin, Nadia Sollogoub et M. Vincent Delahaye applaudissent.)

Examen des crédits de la mission

Article 42 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-36 de M. Delahaye, au nom de la commission des finances.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Nous attaquons par la fin... Cet amendement tire en effet les conséquences budgétaires d'amendements portant articles additionnels qui tiennent compte des conclusions du rapport Évin-Stefanini souhaitant, non supprimer l'AME, mais en revoir certaines règles, revoyant le panier de soins non urgent en imposant l'accord préalable de l'assurance maladie sur ces derniers.

Les crédits de l'AME sont prévus en hausse de 9,2 % dans le budget initial. Or il n'y a pas de raison de ne pas rationaliser ces dépenses. Cette diminution des crédits de 200 millions prend en compte les différents changements que nous proposerons tout à l'heure.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-249 de Mme Lassarade, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis.  - Il a été parfaitement défendu.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, nous aurions pu être favorables à certains amendements de minorant les crédits de 108 millions d'euros, ce qui aurait ramené le budget de l'AME à son niveau de 2024, mais les débats n'ont pu avoir lieu.

Le budget de l'AME doit participer, comme les autres, à l'effort national de réduction des dépenses.

Le rapport Évin - Stefanini fournit à cet égard des pistes ; nous les mettrons en oeuvre, le plus rapidement possible. Nous y travaillons avec le ministre de l'intérieur et les services du Premier ministre.

Notre travail doit être efficace, sans perdre de vue les besoins sanitaires du pays. Avis favorable.

Mme Corinne Féret.  - Madame la ministre, vous vous êtes déclarée opposée à la suppression de l'AME. Vous dites qu'il s'agit d'un totem politique ? En effet !

Le Premier ministre a répondu à l'exigence du RN, et de Mme Le Pen en particulier, qui demandait une réduction de 200 millions d'euros, et non de 100 millions. N'est-ce pas contradictoire avec vos propos, madame la ministre, sur l'intérêt de l'AME ? Vous refusez qu'on y touche, mais supprimez 200 millions d'euros ? La moindre prise en charge affectera les services publics de santé, au premier rang desquels les hôpitaux. Je dénonce une contradiction dans vos propos d'un jour à l'autre. Je le dis solennellement : cela démontre le mépris total du Gouvernement à l'égard du Parlement.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Madame la ministre, vous devez savoir que, depuis 2019, l'augmentation du budget de l'AME est corrélée à l'augmentation du public suivi, notamment les mineurs non accompagnés (MNA). Geler la ligne budgétaire quand la population concernée augmente, c'est déjà une baisse de crédits !

Vous le savez, l'accord préalable ne suffira pas : cela ne fera qu'augmenter le travail administratif pour la Cnam. Il faudra une réduction du panier de soins - comme elle se fera par décret, nous votons à l'aveugle.

Vous répondez à une injonction de l'extrême droite que vous dénommez « acceptabilité sociale ». Et la majorité sénatoriale, en bonne élève, accepte cette réponse de la droite à l'extrême droite...

Il y avait pourtant d'autres propositions dans le rapport, dont un examen médical pour chaque MNA.

Nous ne pouvons que nous opposer à la baisse des crédits de l'AME. Je rappelle qu'il y a 40 % de non-recours à l'AME !

M. Bernard Jomier.  - Examiner l'amendement qui coupe les crédits de l'AME avant celui qui propose un nouveau cadrage de la dépense est un peu contre-intuitif.

Pourquoi cette baisse de 200 millions d'euros ? Parce que vous donnez suite à la demande de Mme Le Pen. Le budget de l'AME était initialement maintenu et le dernier communiqué du Gouvernement ne s'adresse qu'au RN. (M. Jean-Jacques Panunzi proteste.)

M. Roger Karoutchi.  - Ce n'est pas vrai.

M. Bernard Jomier.  - Vous nous expliquerez la cohérence sanitaire de votre position. Les institutions sanitaires ne sont pas toutes infiltrées par les gauchistes ! Or toutes disent que c'est un non-sens sanitaire, mais aussi économique. Selon le comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires (Covars), cela coûtera plus cher in fine.

Mais vous n'en tenez pas compte ! Seule compte la posture politique, qui veut que l'AME soit un appel à l'immigration illégale. (On le confirme à droite.) Tous les rapports montrent pourtant que ce n'est pas le cas ! Je n'ai aucun respect pour ceux qui substituent au débat sur les opinions une remise en cause des faits. (Quelques applaudissements à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Madame la ministre, je m'adresse à vous, car cela fait des années que nous avons ce débat avec la droite sénatoriale - qui aura enfin obtenu ce que tous les gouvernements refusaient. Jusqu'ici, tous les ministres de la santé, sans exception, se sont opposés à cette suppression. Il fallait bien qu'il y en ait une qui finisse par l'accepter ! Je ne pensais pas que ce serait vous, un médecin. (M. Bernard Jomier renchérit.)

Santé publique ? Certainement pas ! C'est une affaire de phéromones, celles que votre Gouvernement envoie à Marine Le Pen et à ses électeurs pour les séduire, les attirer, leur demander encore un peu un répit... (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Et sur le dos de qui ? De la santé publique et des étrangers !

Mme Catherine Belrhiti.  - Les clandestins !

Mme Laurence Rossignol.  - Vous le savez, vous l'aviez dit : ce ne sont pas des faits, mais des mensonges, des opinions, de l'agitation politique que l'on fait autour de l'AME !

Les socialistes ont fait d'autres propositions au Premier ministre, qui nous a dit qu'elles ne pouvaient être acceptées par les macronistes. Manifestement, ce que ce qui passe bien auprès des macronistes, ce sont les amendements de l'extrême droite. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Kanner.  - Nous sommes plusieurs à vous dire notre sentiment de honte... (Vives protestations à droite)

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Ne restez pas avec nous en ce cas !

M. Patrick Kanner.  - J'ai assisté à la CMP sur la loi Immigration...

M. Stéphane Piednoir.  - Et vos amis de LFI ?

M. Patrick Kanner.  - ... j'ai bien vu vos petits jeux.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Parlons-en !

M. Patrick Kanner.  - Nous avions alors obtenu gain de cause sur l'AME. Élisabeth Borne avait pris l'engagement d'y revenir, et c'est vous, madame la ministre, un médecin, qui le mettez en oeuvre ! Et pour quoi ? Pour 200 millions d'euros, sur un budget de la sécurité sociale de 662 milliards d'euros ! (Protestations à droite)

M. Stéphane Piednoir.  - Cela ne coûte rien, c'est l'État qui paie !

M. Patrick Kanner.  - Vous allez céder à l'extrême droite...

Mme Pascale Gruny.  - Vous êtes mariés avec LFI !

M. Patrick Kanner.  - ... choisissant le déshonneur pour éviter la censure ; mais vous aurez la censure et le déshonneur ! Je le regrette pour notre pays. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous mettez à bas l'héritage du Conseil national de la Résistance et de la sécurité sociale. (Mêmes mouvements)

M. Roger Karoutchi.  - Vous n'êtes pas à la hauteur.

M. Patrick Kanner.  - Cela vous gêne, mais c'est bien de cela qu'il s'agit ! Vous démantelez l'héritage que vous êtes si prompts à défendre.

Ce vote est un symbole. Nous avons demandé un scrutin public pour que chacun s'engage.

M. Roger Karoutchi.  - Nous aussi avons demandé un scrutin public.

M. Patrick Kanner.  - Nous avons toujours défendu l'AME.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Avec LFI !

M. Patrick Kanner.  - Nous continuerons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Frédéric Buval.  - Il est faux de dire que l'AME jouerait le rôle de pompe aspirante. L'exemple de Mayotte le prouve : pas d'AME, et pourtant c'est le territoire le plus touché par l'immigration. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe SER)

M. Roger Karoutchi.  - C'est autre chose !

M. Frédéric Buval.  - Conséquence ? L'hôpital est surchargé, au bord de la rupture - exemple catastrophique de l'absence d'AME dans un territoire. (Plusieurs « Très bien » à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - (Mme Catherine Belrhiti encourage l'orateur.) Nous nous alignons sur l'extrême droite ? J'ai fait voter au Sénat un amendement sur la transformation de l'AME en aide médicale d'urgence en 2016. À l'époque, il n'y avait pas de péril de l'extrême droite, ou de motion de censure... Ne nous faites pas de procès absurdes : dites simplement que vous n'êtes pas d'accord avec nous, c'est tout ! Cela n'a rien à voir avec les équilibres politiques du moment.

En 1789, sur 28 millions d'habitants en France, il n'y avait guère que 50 000 étrangers non déclarés. Ce ne sont pas exactement les mêmes proportions ! (Mme Anne Souyris proteste.)

Ce que veut le Gouvernement, suivant en cela le rapport Évin-Stefanini et d'autres, ce n'est pas supprimer l'AME, mais revoir le panier de soins. On ne peut continuer à subir la hausse interrompue de ce budget.

En 2016, j'étais à la commission des finances. Marisol Touraine était ministre des affaires sociales. Le budget de l'AME était de 700 millions d'euros. Je lui avais dit que nous serions bientôt à 1 milliard. Elle m'avait répondu : « jamais ! Nous encadrerons la dépense pour l'éviter ». Ce budget est aujourd'hui de 1,3 milliard d'euros.

Monsieur Kanner, on peut parler de l'AME calmement, sans se jeter l'honneur et le déshonneur à la figure ! (Mme Véronique Guillotin renchérit.)

Nous verrons si cet amendement prospère en CMP - si elle a lieu - mais il faut arrêter ces exclusives absurdes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin.  - On peut parler de l'AME de manière posée et pragmatique, sans posture politique.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est de la politique !

Mme Véronique Guillotin.  - Nos finances publiques contraintes nous imposent des concessions, que nous avons acceptées dans tous les domaines. Il n'est pas immoral, inhumain, de discuter de l'AME, que l'on soit médecin ou non.

À titre personnel, j'ai un doute sur ce montant de 200 millions d'euros, mais il est nécessaire de réexaminer le panier, comme le recommande le rapport Évin-Stefanini - qui n'est pas de droite ou de gauche, et qui aurait dû être suivi d'effets avant ce PLF. Je m'abstiendrai sur les 200 millions, mais je ne comprends pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir un débat serein. (M. Bernard Fialaire applaudit.)

Mme Ghislaine Senée.  - Je n'ai pas de problème pour aborder les choses calmement. Monsieur Karoutchi, nous sommes dans une séquence politique particulière. La baisse du budget de l'AME vient après le chantage de Mme Le Pen. (On le conteste vivement sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Nous nous sommes battus cette semaine pour tenter de trouver des recettes en taxant ceux qui ont le plus de moyens. Si le Sénat avait voté la hausse de 0,1 point du taux de la TFF, nous aurions eu 600 millions d'euros de recettes en plus. Ce qui me choque, c'est que l'on tape sur la santé et sur l'AME, car c'est un symbole. La santé, c'est la vie de nos concitoyens ! Chers collègues qui défendiez l'AME lors de la loi immigration, que de couleuvres on vous fait avaler ! Je ne voudrais pas être à votre place, madame la ministre. Céder ainsi au RN est vraiment scandaleux. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Daniel Chasseing.  - Pourquoi ne pourrait-on pas parler de l'AME ? Depuis 2015, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 40%. Le rapport Évin-Stefanini souligne l'utilité de l'AME mais plaide pour une révision du panier de soins. Actuellement, tout est remboursé, sauf la PMA et les cures thermales. Il n'est pas question de supprimer l'AME, mais d'imposer un accord préalable pour certains soins non urgents.

Pourquoi parler de l'extrême droite ? Y a-t-il une dérive d'extrême droite au Danemark ou en Allemagne ? (« Oui ! » sur plusieurs travées du groupe SER) Non.

On pourrait réaliser un contrôle permanent et non pas seulement les neuf premiers mois de l'affiliation à l'AME.

Mme Nathalie Goulet.  - Comme nombre de sénateurs de mon groupe, j'ai toujours voté contre la suppression de l'AME.

Il n'y a pas une indignation de droite contre la fraude sociale et une indignation de gauche contre la fraude fiscale. Je lutte contre les deux.

Il faut réduire le panier de soins pour réguler les excès anormaux de l'AME. Réguler n'a rien à voir avec supprimer - si l'AME était menacée, je serais la première à agir.

Sans refaire l'histoire, je regrette que les engagements d'Élisabeth Borne sur un projet de loi à ce sujet n'aient pas été tenus. Cela nous aurait permis d'échapper à la pression de la période budgétaire.

Si le bon Dieu et Mme Le Pen vous prêtent vie durant les prochaines semaines, madame la ministre, il serait bon que nous en débattions.

Mme Laurence Rossignol.  - Ce n'est pas le bon Dieu, mais les concessions au RN.

M. Bernard Fialaire.  - La gauche n'en a pas demandé !

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Il est contre-intuitif de commencer par cet amendement, mais la procédure oblige à commencer par la fin. Certes, nous vivons une séquence politique particulière ; mais je suis à la commission des finances depuis 2011, et nous avons ce débat chaque année ! (Mme Laurence Rossignol s'exclame.)

M. Roger Karoutchi.  - Évidemment.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Ceux qui ont créé l'AME n'ont sans doute rien contre un réexamen du panier de soins.

L'AME pèse 1,3 milliard d'euros dans les finances publiques. (M. Michel Canévet le confirme.) On peut s'interroger de façon sereine et sérieuse sans crier au déshonneur, comme l'a fait le président Kanner.

J'espère que la majorité du Sénat adoptera ces amendements.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous êtes suivis tous les ans !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Je suis médecin et j'en suis fière. J'ai exercé pendant 25 ans à l'hôpital et en cabinet libéral, en toute honnêteté et avec éthique.

Mme Florence Lassarade, rapporteur pour avis.  - Très bien.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Vous faites de l'agitation politique...

Mme Laurence Rossignol.  - Ah !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - La situation budgétaire est mauvaise. Nous demandons des efforts à tous.

Mme Anne Souyris.  - Bah non !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Nous avions 5 milliards d'euros d'économies à faire dans le PLFSS.

Je suis arrivée dans ce ministère fin septembre, avec un budget à construire en deux semaines, et une contrainte budgétaire. Je pense que l'on peut faire des économies sur toutes les actions, y compris l'AME.

Les bénéficiaires de l'AME sont des malades qui ont besoin de soins ; ils continueront à être pris en charge. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je suis contre l'AMU et pleinement en faveur de l'AME. Ce qui a été proposé dès le départ, c'est de rendre les dispositifs cohérents avec certaines règles.

Le rapport Évin-Stefanini prône la suppression de certaines mesures qui ne sont pas indispensables. La demande d'entente pour certaines opérations a existé pour tous les Français...

Mme Laurence Rossignol.  - Pourquoi a-t-elle été supprimée ?

M. Bernard Jomier.  - Cela ne servait à rien.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Effectivement, si le nombre de personnes en situation irrégulière augmente, la dépense augmente également.

Notre devoir est d'être responsables, de réduire tous les budgets, y compris l'AME, tout en protégeant les personnes éligibles à l'AME et donc tous les Français.

Les paniers de l'AME ont déjà évolué au moins quatre fois : en 2008, 2011, 2015 et 2020.

Je sais que le Sénat aime appuyer sa réflexion sur des rapports, et qu'il en produit d'excellents. Appuyons-nous sur le rapport Évin-Stefanini, deux personnalités complémentaires, qui m'ont dit qu'il y avait encore du chemin pour rationaliser le panier de soins de l'AME.

Quant à dire si je vais vivre ou mourir selon le bon vouloir de Mme Le Pen, j'espère vivre le plus longtemps possible en meilleure santé, et toujours en gardant la tête haute. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, des INDEP et du RDSE)

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Bravo !

À la demande des groupes Les Républicains et UC, les amendements identiques nosII-36 et II-249 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°140 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 327
Pour l'adoption 201
Contre 126

Les amendements identiques n osII-36 et II-249 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-86 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Nous avons passé la semaine dernière à évoquer la situation budgétaire et la nécessité de trouver des recettes supplémentaires. Le Gouvernement ne nous a pas toujours suivis, hélas.

La situation actuelle exige des économies significatives. Cet amendement rabote les dépenses de la mission de 5 % pour participer à l'effort de rétablissement des comptes publics.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-577 du Gouvernement.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Il a été très bien défendu.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

Mme Laurence Rossignol.  - On essaie d'habiller cette affaire sous le prétexte de maîtriser les dépenses de santé. Mais d'autres solutions à 200 millions ont été proposées ! Les centristes avaient ainsi proposé d'augmenter la CSG sur les retraités au-dessus de trois Smic ; mais le Gouvernement et la majorité sénatoriale s'y sont opposés.

La question est bien celle de l'immigration irrégulière, avec l'éternelle histoire de l'appel d'air. Il y a un an, vous vous y êtes opposés à la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension. Et maintenant, vous voulez leur supprimer l'accès aux soins ? (Mme Catherine Belrhiti s'exclame.) Vous ne réglez rien ; au contraire, vous travaillez pour les marchands de sommeil et les exploiteurs du travail au noir ! (On se récrie sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Jomier.  - Pourquoi ce coup de rabot de 50 millions d'euros ? Lors de la CMP sur le PLFSS, vous avez abandonné 3,9 milliards d'euros de recettes ; puis, vers la fin, voyant que c'était beaucoup, baissé de 600 millions d'euros le budget des soins de ville, sans dire comment vous comptiez faire.

Vous nous dites que l'Inca a besoin de plus de moyens, mais concrètement, vous reprenez par ces amendements de l'argent à l'Inca. Vos votes sont totalement incohérents.

Vous lâchez des montants déraisonnables parce que le RN vous le demande. (Indignation sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Belrhiti.  - C'est insupportable !

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Occupez-vous de LFI !

M. Bernard Jomier.  - La trajectoire du PLF s'annonce dégradée et vous faites des économies de bouts de chandelle. L'instabilité politique n'est pas une bonne chose, je vous le concède, mais la trajectoire financière des textes financiers est plus mauvaise encore.

Ces 50 millions ne changent rien du tout, sauf pour l'Inca et l'Anses.

À la demande du groupe UC, les amendements identiques nosII-86 rectifié et II-577 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°141 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l'adoption 204
Contre 106

Les amendements identiques nosII-86 rectifié et II-577 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-481 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Je retire cet amendement de repli.

L'amendement n°II-481 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-541 rectifié de Mme Senée et alii.

Mme Ghislaine Senée.  - Ce week-end, le Téléthon a animé nos territoires. Près de 80 millions d'euros de promesses de dons ont été enregistrées.

Jusqu'à présent, les pouvoirs publics n'étaient pas en reste. La France a été le premier pays à se doter d'un plan national contre les maladies rares. En février 2024, le Premier ministre d'alors annonçait le lancement d'un quatrième plan. Hélas, les changements successifs de gouvernement et la situation économique de la France laissent craindre son abandon. La France est en passe de perdre son leadership.

Trois millions de Français sont touchés par 6 400 maladies rares ; 40 % des malades reçoivent un mauvais diagnostic et donc un mauvais traitement.

La France a un rôle stratégique. Sa base de données Orphanet est utilisée mondialement.

Vous avez refusé des recettes supplémentaires en première partie et maintenant, vous voulez raboter ; mais nous parlons de la santé et de la vie de nos compatriotes !

Madame la ministre, il faut 220 millions d'euros pour cette politique. Vous y engagez-vous ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Un communiqué du 1er mars 2024 annonce le lancement le plan contre les maladies rares, sous la houlette des professeurs Agnès Linglart et Guillaume Canaud. Les ministères auraient déjà engagé 36 millions de crédits. Quel est l'avis du Gouvernement ? Nous souhaitons plus d'informations.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Ce plan est financé. Le troisième plan prévoyait 155 millions d'euros par an. À la suite des revalorisations du Ségur et d'autres mesures nouvelles, l'enveloppe de 2024 s'élève désormais à 223,5 millions d'euros. Votre amendement est donc satisfait et pérennisé.

Pas moins de 603 centres de référence maladies rares, 23 filières de santé maladies rares, et 23 filières d'expertise et de coordination ont bénéficié de financements revus à la hausse, afin de rendre les parcours de soins et de diagnostics plus efficaces.

Un financement pérenne est garanti pour ce quatrième plan national maladies rares (PNMR4), en majorité par l'Ondam. D'où un avis défavorable à votre amendement.

Mme Ghislaine Senée.  - Je vais le retirer. Cela dit, si le quatrième plan a été annoncé le 29 février dernier, il n'est pas lancé officiellement : les services de l'Inserm l'attendent.

L'amendement n°II-541 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amt n°II-423 rectifié de Mme de Marco et alii.

M. Jacques Fernique.  - Cet amendement est un coup de rabot, non pas sur des crédits, mais sur la progression du cancer. Il vise à dépister systématiquement le cancer broncho-pulmonaire pour les populations à risque, à l'instar d'autres pays membres de l'Union européenne.

Nous proposons d'y affecter 20 millions d'euros. Le cancer est la première cause de mortalité en France.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Retrait. Sans nier l'importance de l'enjeu, il existe déjà des campagnes de dépistage. L'Inca mène un programme pilote de dépistage avec un scanner thoracique à faible dose. Il pourrait manquer 5 millions d'euros, mais l'Inca disposait en outre fin 2023 d'un fonds de roulement de 23,7 millions d'euros, et devrait donc pouvoir financer ce dépistage.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Je confirme les propos du rapporteur spécial. En juillet 2024, l'Inca a lancé un appel à candidatures pour ce programme qui sera lancé en 2025. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°II-423 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-453 rectifié de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Cet amendement vise à financer une campagne nationale d'information sur l'addiction aux paris en ligne, avec un financement de 10 millions d'euros.

La commission des finances a rendu un avis défavorable sur cet amendement. Mais comment nier que jouer comporte des risques d'addiction ? Quelque 62 % du chiffre d'affaires des sites de paris sportifs proviennent de personnes dépendantes et plus d'un tiers des 15-17 ans disent avoir déjà parié, alors que cette population est particulièrement à risque. Cet amendement s'inscrit dans la ligne du PLFSS 2025. Le Sénat a d'ailleurs réformé la taxation des jeux de hasard. L'an dernier, j'avais proposé de taxer la publicité sur ces jeux. L'amendement avait été adopté, avant de disparaître dans les limbes du 49.3...

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Le montant n'est pas négligeable pour une campagne de prévention. Cela renforcerait encore davantage le saupoudrage des crédits sur des actions déjà trop nombreuses. En outre, l'action 11 « Pilotage de la santé publique » comporte déjà des politiques d'information et de prévention des addictions. Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Avis défavorable, non parce que le sujet n'est pas important, mais parce que l'Autorité nationale des jeux (ANJ) veille à la préservation du cadre réglementaire actuel. Celle-ci a aussi lancé des campagnes de prévention, notamment envers les jeunes. Santé publique France a lancé des campagnes de marketing social : le fonds de lutte contre les addictions de la Cnam y contribue à hauteur de 3 millions.

Mme Nathalie Goulet.  - Dans le cadre de l'ouverture possible des casinos en ligne, le ministre du budget a réuni les acteurs chargés du traitement des addictions.

Nous aimerions avoir un document de politique transversale, un orange budgétaire, pour disposer d'une vision panoramique de ces politiques de prévention, à l'instar de ce qui est fait sur la radicalisation ou encore la fraude fiscale.

L'amendement n°II-453 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°II-457 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-459 rectifié de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Nous voulons débloquer des crédits pour établir un registre exhaustif des cancers. On recense 382 000 nouveaux cas de cancer et 157 400 décès par an.

La France détient le triste record du cancer du sein au niveau mondial. Pourquoi ? Nous n'avons pas de réponse, faute de surveillance sanitaire à l'échelle nationale. Les registres ne concernent qu'un quart de la population française, et encore pour certaines pathologies seulement, ou se limitent à une certaine localisation géographique.

Pour renforcer la prévention et améliorer la prise en charge des malades, il faut un registre national, ainsi que le prévoyait la proposition de loi de Sonia de La Provôté adoptée à l'unanimité par le Sénat.

Il s'agit d'une recommandation émanant non de gauchistes, mais de l'Académie nationale de médecine. Cet amendement pourvoit à son financement.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Je suis favorable à la mise en place d'un tel registre, mais la dotation de 5 millions d'euros me semble exagérée. L'Inca peut s'appuyer sur des registres généraux et spécialisés. De plus, la proposition de loi lui confiait le soin de centraliser les registres existants. Retrait.

Mme Laurence Rossignol.  - Sous-amendez pour réduire le montant !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Un registre national exhaustif des cancers serait utile, mais l'extension des registres existants engendrerait des coûts trop importants. L'Inca a créé une plateforme de données en cancérologie, très utile : celle-ci héberge depuis 2010 les données de la cohorte cancer, recueillies par le système national des données de santé. Elle est mise à jour chaque année par la Cnam. Nous disposons donc de données pertinentes. Elle est la seule autorisée à recueillir des données cliniques. Cette plateforme, unique en Europe, est reconnue pour sa qualité et sa richesse.

Continuons à la promouvoir plutôt que de créer un nouveau registre. Avis défavorable.

Mme Nadia Sollogoub.  - À titre personnel, je rejoins la ministre, en tant que rapporteur de la proposition de loi de Sonia de La Provôté.

Je comprends que le contexte budgétaire n'y est pas favorable, mais gardons l'objectif d'un registre national, comme le préconise l'Académie nationale de médecine.

L'amendement n°II-459 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-167 rectifié de M. Mouiller et alii.

Mme Florence Lassarade.  - Les avancées en matière de dépistage du sida et des infections sexuellement transmissibles (IST) sont nombreuses : 1,3 million de personnes ont été infectées par le VIH dans le monde en 2023, contre 3,3 millions en 1995. Toutefois, le financement de la lutte contre le VIH a diminué.

La mobilisation contre ces maladies est fondamentale, si nous voulons mettre un terme à cette maladie d'ici à 2030, échéance fixée par OnuSida et reprise par la France.

Pour y parvenir, il faut réduire le nombre de personnes séropositives qui l'ignorent. Nous prévoyons 3 millions d'euros supplémentaires en faveur de la prévention du VIH et des IST.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-592 rectifié de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Nous poursuivons le même objectif, mais la seule différence, c'est que nous ne le gageons pas sur l'AME.

L'incidence du VIH augmente sur une catégorie de population : les personnes étrangères. Ce serait un comble de diminuer le financement de l'AME, alors que ces personnes sont les premières concernées.

Hier, à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida, nous revenions sur la marche organisée à l'appel d'Act Up.

Nous n'en finirons pas avec la maladie d'ici à 2030. L'utilisation du préservatif ou de la Prophylaxie ré-exposition (PrEP) diminue. Il faut donc passer à la vitesse supérieure pour vaincre définitivement cette épidémie.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Retrait. La prévention de la transmission du VIH relève de l'assurance maladie, non de la mission « Santé ».

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-167 rectifié est retiré.

L'amendement n°II-592 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°II-166 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-547 rectifié de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Nous voulons financer une expérimentation réalisée dans trois départements : l'ordonnance verte. La ville de Strasbourg a instauré ce dispositif depuis 2022. Ainsi, près de 1 500 femmes enceintes ont droit à deux séances de sensibilisation aux perturbateurs endocriniens ainsi qu'à un panier gratuit de fruits et légumes biologiques pendant 28 semaines.

La lutte contre ces perturbateurs est essentielle : lançons une expérimentation, à défaut une mission d'évaluation.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Ces dispositifs sont certes intéressants, mais il faut les évaluer avant de les décliner ailleurs. Avis défavorable.

L'amendement n°II-547 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-550 rectifié Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Nous souhaitons financer une stratégie nationale de prévention contre le chemsex. Cette pratique, alliant sexualité et consommation de produits stupéfiants, cause de plus en plus de morts. La Ville de Paris a pris le problème à bras-le-corps.

La pratique touche de plus en plus de jeunes, et aussi de femmes. Il faut une approche communautaire et extracommunautaire.

Les associations attendent ! Le précédent ministre avait promis d'agir. Un an après, que s'est-il passé ? Rien. Nous plaidons pour une politique de réduction des risques, de lutte contre l'homophobie et contre les addictions.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - La commission n'est pas favorable à la prolifération des campagnes publiques de prévention afin d'éviter le saupoudrage et la dilution des moyens. (M. Bernard Jomier et Mme Laurence Rossignol ironisent.)

Celles-ci relèvent essentiellement de Santé publique France et de l'assurance maladie, non de la mission « Santé ». Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - La stratégie nationale de santé sexuelle a intégré la pratique du chemsex. Nous avons fait entrer dans le droit commun les centres de santé sexuelle.

M. Bernard Jomier.  - C'est vrai !

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Le projet Arpa-Chemsex (accompagnement en réseau pluridisciplinaire amélioré) est une expérimentation menée au titre de l'article 51. Attendons ses conclusions avant d'en tirer les enseignements et de les intégrer dans la prochaine feuille de route de la stratégie nationale. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°II-550 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-605 rectifié de Mme Souyris et alii.

Mme Anne Souyris.  - Nous souhaitons financer une surveillance toxicologique de l'acide trifluoroacétique (TFA) par l'Anses. Plusieurs rapports ont montré une contamination massive de l'eau par ce polluant éternel à l'été 2024 : 100 % des eaux de surface et souterraines testées sont contaminées et 94 % des échantillons d'eau du robinet.

L'absence de surveillance toxicologique du TFA est regrettable. Il est classé non pertinent par l'Anses, ce qui le place hors de tout contrôle, à l'inverse de l'Allemagne.

Afin de protéger la santé humaine, il faut établir une surveillance toxicologique de cette substance.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - L'Anses a instauré une campagne exploratoire sur les eaux brutes utilisées pour produire l'eau potable, ainsi que sur l'eau potable. Elle rendra ses conclusions en 2026. Nous sommes déjà saisis du sujet. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Une commission d'enquête a été constituée au Sénat sur les risques liés aux eaux en bouteille, à la demande du groupe SER.

L'amendement n°II-605 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-503 de Mme Brulin et du groupe CRCE-K.

Mme Céline Brulin.  - Nous voulons interpeller le Gouvernement, même s'il est en sursis...

M. Roger Karoutchi.  - C'est la vie !

Mme Céline Brulin.  - ... sur la nécessité de relancer les investissements en faveur des hôpitaux.

Depuis 2013, la dotation aux amortissements est supérieure aux investissements. Autrement dit, les équipements vieillissent et ne sont pas remplacés assez rapidement.

Je suis consciente de l'incongruité de ma demande, à l'instar de notre débat, vu le moment politique. (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Ce qui me semble incongru, ma chère collègue, c'est plutôt le montant de votre demande !

Les dépenses des hôpitaux ne relèvent pas de la mission « Santé », mais du budget de la sécurité sociale, et plus particulièrement de l'Ondam.

Créer un nouveau programme au sein du budget général complexifierait le suivi des dépenses des hôpitaux. Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-503 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-604 de Mme Bélim.

Mme Audrey Bélim.  - Le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion, établissement de référence dans l'océan Indien, est un acteur crucial de la solidarité nationale et internationale : les évacuations sanitaires mahoraises ont bondi de 400 en 2012 à 1 600 en 2023, dont un tiers concernerait des étrangers.

Certes, la revalorisation du coefficient géographique a été bénéfique, tout comme l'aide exceptionnelle au CHU.

Mais un décalage persiste entre les besoins et les moyens alloués. Il aurait fallu 8 points supplémentaires de coefficient géographique pour 2024. Nos établissements subissent des surcoûts qui ne sont pas compensés.

Notre amendement prévoit donc une hausse des crédits de 40 millions d'euros. C'est un amendement d'appel. Nous ne voulons pas réduire les crédits dévolus au pilotage de la politique de santé publique, mais que le Gouvernement lève le gage.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Avis défavorable également, mais j'entends votre amendement d'appel. Les coefficients géographiques seront régulièrement actualisés.

L'amendement n°II-604 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-472 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-571 de Mme Bélim.

Mme Audrey Bélim.  - La financiarisation de la santé a des conséquences fâcheuses à La Réunion. Entre 80 et 90 % des centres d'imagerie sont financiarisés, contre 10 à 20 % dans l'Hexagone. Les patientes peinent à accéder à une mammographie, alors que les délais sont moindres dans les cabinets indépendants. Les actes comme l'IRM et le scanner, plus rémunérateurs, sont favorisés.

Était-il opportun d'aborder un ruban rose au revers de nos vestes alors que les femmes réunionnaises ont de moins en moins accès à la mammographie ?

Malgré mes demandes et relances je n'ai reçu aucune réponse de l'ARS. L'excellent rapport de Bernard Jomier, Corinne Imbert et Olivier Henno sur la financiarisation de l'offre de soins a fourni, à ce sujet, des éléments pertinents.

Seulement 8 % des 2 500 centres de santé ont été contrôlés ces trois dernières années. (Mme Colombe Brossel applaudit.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Même avis. Nous sommes très mobilisés sur ces enjeux. Une mission de l'IGF et de l'Igas a été diligentée sur ces sujets. À l'appui de ses conclusions, nous analyserons les contournements éventuels des dispositions juridiques et leurs conséquences sur l'offre de soins. En fonction, nous adapterons notre cadre juridique si cela s'avère nécessaire.

Mme Audrey Bélim.  - Ce qui se passe à La Réunion est alarmant. Ce sont sans doute les prémisses de ce qui arrivera dans l'Hexagone. Soyons vigilants !

Mme Laurence Rossignol.  - Très bien !

L'amendement n°II-571 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-338 rectifié de M. Le Rudulier et alii.

M. Stéphane Le Rudulier.  - Nous voulons mettre en place la carte Vitale biométrique, moyennant 50 millions d'euros de crédits. La fraude sociale représente entre 14 et 45 milliards d'euros par an. La fraude à la carte Vitale est difficile à estimer, mais si l'on part du constat qu'il y a 2 millions de cartes Vitale surnuméraires, elle peut représenter jusqu'à 6 milliards d'euros. En 2019, le rapport Goulet-Grandjean estimait qu'il y avait entre 2 et 5,6 millions de cartes en trop. En février 2020, la directrice de la sécurité sociale a reconnu lors d'une audition au Parlement l'existence de 2,6 millions de cartes Vitale en trop.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-532 rectifié ter de M. Chasseing et alii.

M. Daniel Chasseing.  - Le rapport Évin-Stefanini préconise l'extension de l'exigence d'un accord préalable, actuellement prévu dans les neuf premiers mois d'admission à l'AME, et le renforcement du contrôle d'identité des bénéficiaires. Cet amendement va dans ce sens, avec la carte Vitale biométrique.

Si le montant de la fraude à la carte Vitale est difficile à chiffrer, il pourrait atteindre 6 milliards d'euros.

Je propose 20 millions d'euros, gagés par l'annulation de 20 millions d'euros de crédits sur l'AME.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Le Sénat a adopté, lors de l'examen du PLFSS 2025, un amendement de la commission des affaires sociales conditionnant la délivrance de la carte Vitale, matérielle ou immatérielle, à une preuve d'identité, appuyée sur le dispositif France identité numérique du ministère de l'intérieur. Demande de retrait.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-338 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-532 rectifié ter.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-374 rectifié ter de M. Iacovelli et alii.

Mme Annick Billon.  - Défendu.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable car l'amendement est satisfait.

L'amendement n°II-374 rectifié ter est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-379 de Mme Poncet Monge et alii.

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Cet amendement crée un observatoire national des pratiques d'isolement et de contention, sous l'égide de Santé publique France, avec le soutien de la Haute Autorité de santé (HAS), qui veillera à la régulation de ces pratiques et publiera un rapport adressé au Parlement. Ces pratiques étant hétérogènes sur le territoire, un tel observatoire fournirait un système d'information harmonisé au niveau national.

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans son rapport « Soins sans consentement et droits fondamentaux » et la HAS dans sa recommandation de bonnes pratiques « Isolement et contention en psychiatrie générale » préconisent l'instauration d'un tel observatoire.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Les mesures d'isolement et de contention sont systématiquement tracées dans les systèmes d'information des établissements de santé et régulièrement analysées notamment par l'Institut de recherche et documentation en santé.

Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°II-379 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Santé », modifiés, sont adoptés.

Après l'article 64

Mme la présidente.  - Amendement n°II-37 de M. Delahaye, au nom de la commission des finances.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Cet amendement adapte le régime de prise en charge des frais relatifs à des prestations programmées non urgentes dans le cadre de l'AME.

La prise en charge des frais correspondant à ces prestations est actuellement subordonnée à un délai d'ancienneté de neuf mois d'admission à l'AME. La liste des prestations, fixée par décret, inclut les opérations de la cataracte, la pose d'implants cochléaires et des interventions sur le canal carpien. Substituons à ce régime un régime d'accord préalable permanent par les CPAM.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-250 de Mme Lassarade, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Florence Lassarade, rapporteur pour avis.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-673 rectifié de Mme Guillotin et alii.

Mme Véronique Guillotin.  - C'est une demande de rapport, car il faut prévoir une évaluation financière.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Le Premier ministre s'était engagé à revoir l'AME à partir du rapport Évin-Stefanini, au-delà de la composition du panier de soins.

La demande d'accord préalable est vaste : comment cibler les maladies concernées ? Retrait, sinon avis défavorable. Nous ne caractérisons pas vraiment le sujet. Des mesures législatives seront prises par ailleurs, avec une étude d'impact.

M. Bernard Jomier.  - La ministre demande aux rapporteurs de retirer l'amendement censé économiser 200 millions d'euros. Je n'y comprends plus rien !

Nous ne sommes pas opposés à la révision du panier de soins de l'AME, mais il ne se révise pas au Parlement. La mesure proposée par le rapporteur sera totalement inefficace. La ministre a rappelé que des ententes préalables ont été supprimées, car elles étaient inutiles. La cataracte disparaît-elle au bout de six mois ? Va-t-on refuser de soigner les personnes atteintes de cataracte ?

Près de 54 % des dépenses de l'AME concernent la dialyse, et 43 % la chimiothérapie. Une fois que les personnes sont là, faut-il ne plus les mettre sous dialyse, au risque de les laisser mourir ? Où prendrez-vous vos 200 millions d'euros ?

M. Patrick Kanner.  - Un peu d'humanité !

M. Bernard Jomier.  - Les 100 % de femmes migrantes victimes de violences sexuelles n'auraient pas droit à des soins psychologiques, l'année où la santé mentale est grande cause nationale ? Tout cela est inconséquent.

Il n'y a pas de tabou mais beaucoup de postures. Et par ces postures, vous donnez corps à celles de Mme Le Pen. (Mme Colombe Brossel applaudit.)

Mme Corinne Féret.  - D'où proviennent ces chiffres ?

La réalité, c'est que plus de 43 % des personnes étrangères qui viennent en France arrivent pour des motifs économiques ; puis viennent les motifs politiques et enfin les raisons de santé, pour 10 %. Seuls 51 % des étrangers éligibles à l'AME en bénéficient. Refuser de faire des économies sur le dos de ceux qui ont le plus besoin d'être accompagnés, c'est une question de santé publique, d'éthique, d'humanité !

Mme Véronique Guillotin.  - Je retire le sous-amendement n°II-673 rectifié ainsi que l'amendement n°II-601 rectifié. Je voulais insister sur l'importance d'évaluer nos politiques publiques.

Le sous-amendement n°II-673 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°II-601 rectifié.

À la demande du groupe UC, les amendements identiques nosII-37 et II-250 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 210
Contre 127

Les amendements identiques nosII-37 et II-250 sont adoptés et deviennent un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-600 rectifié de Mme Guillotin et alii.

Mme Véronique Guillotin.  - Je suis convaincue qu'il n'y a pas, ou très peu de soins esthétiques remboursés par l'AME. Il faut clarifier les choses en les excluant du panier de soins, pour priver le RN de certains arguments populistes. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Proposition pertinente, mais qui relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-600 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-427 de M. Jomier et du groupe SER.

M. Bernard Jomier.  - Cet amendement demande qu'on étudie l'intégration de l'AME au régime général de la sécurité sociale, comme le recommandent l'Igas, l'IGF, le Défenseur des droits ou encore l'Académie de médecine. Ce serait un outil efficace contre le non-recours. Pour ceux qui se soucient de la lutte contre la fraude, cette intégration simplifierait les choses.

Nous demandons qu'un rapport soit présenté sur ce sujet d'ici six mois.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre.  - Même avis.

M. Bernard Jomier.  - Dommage !

L'amendement n°II-427 n'est pas adopté.

La séance est suspendue quelques instants.

Immigration, asile et intégration

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'examen des crédits de cette mission s'inscrit dans un double contexte : accentuation de la pression migratoire et clarification de la volonté politique.

La pression migratoire bat des records dans toute l'Europe. En France, le nombre de demandes d'asile a dépassé son record historique en 2023, à plus de 140 000. Le nombre de premiers titres de séjour délivrés est supérieur de moitié à il y a dix ans. Tout est à l'avenant.

Dans le contexte de réduction nécessaire des dépenses publiques, cette mission a dû porter des économies : les crédits baissent de 2 % en AE, soit 35 millions d'euros, et 5 % en CP, soit 110 millions d'euros. Pour la première fois, la mission intègre les dépenses liées à l'accueil des personnes fuyant l'Ukraine. En neutralisant cette évolution, la baisse du budget est de l'ordre de 300 millions d'euros, soit près de 15 %.

Plus précisément, les dépenses d'intégration des étrangers autorisés à séjourner durablement en France sont réduites de 79 millions d'euros. Le budget prévisionnel de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) baisse de 47 millions d'euros. Les crédits consacrés à l'hébergement refluent de 71 millions d'euros. Ceux destinés aux centres de rétention administrative (CRA), de 47 millions d'euros en CP et 115 millions en AE.

J'aurais préféré que certains postes soient préservés, y compris pour l'intégration, mais il faut faire des économies.

Le Sénat a rejeté les crédits de cette mission ces dernières années, car la politique menée était trop peu lisible. Cela a changé : le Gouvernement mène désormais une politique d'immigration claire. Nous devons moins subir la pression migratoire, éloigner les personnes en situation irrégulière et mieux intégrer ceux qui sont sur notre territoire.

Soyons vigilants, toutefois, sur les baisses de crédits dans les CRA. Cette année, 23 millions d'euros devraient être investis dans la construction de ces centres, soit 74 % de moins que le montant prévu. Or il est essentiel de porter le nombre de places en CRA à 3 000 en 2027 : les capacités d'hébergement suffisantes motivent les refus d'admission. J'entends que les difficultés de déploiement du plan sont liées aussi aux délais de validation des projets, mais nous devons nous assurer que les crédits prévus seront suffisants. J'accueille donc avec satisfaction l'amendement du Gouvernement qui rehausse les crédits d'investissement en faveur de ces centres.

La commission des finances recommande l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes et M. Olivier Bitz applaudissent également.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des lois a émis un avis favorable sur ces crédits. Cela peut sembler paradoxal, sachant que par le passé, elle a émis un avis défavorable sur des budgets supérieurs. Pourtant, rien n'est plus cohérent.

D'abord, la France est en grande difficulté financière et chacun doit fournir un effort. D'ailleurs, la restriction budgétaire est contrebalancée par l'amendement du Gouvernement qui dose mieux l'effort et devrait permettre de construire les places nécessaires en CRA.

Ensuite, suand une politique est mauvaise, rien ne sert d'abonder encore et encore les crédits. Or la politique migratoire annoncée par le ministre de l'intérieur est celle que la commission des lois recommande de longue date : nous devons gérer les flux entrants pour mieux accueillir et intégrer et faire respecter la loi à l'égard de ceux qui ne disposent pas de titre de séjour.

Telles sont les raisons de notre avis favorable sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Isabelle Florennes, Brigitte Devésa et M. Olivier Bitz applaudissent également.)

M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La réduction des délais de traitement des demandes d'asile est l'un des objectifs clés de notre politique migratoire. L'enjeu est humain, mais aussi budgétaire.

Nous sommes sur la bonne voie : la dynamique de réduction s'est poursuivie en 2024. S'il est encore loin de l'objectif de six mois, le délai moyen se situe désormais autour de neuf mois. Le transfert de 29 ETP de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) vers l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) devrait permettre de renouer rapidement avec une dynamique positive, qui s'est étiolée récemment. Quant à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), tout indique qu'elle continuera à purger ses stocks. L'expérimentation des espaces France Asile et la territorialisation de la CNDA devraient contribuer à la réduction des délais. Ces chiffres sont de bon augure, mais l'édifice est fragile et toute augmentation abrupte de la demande pourrait stopper la dynamique.

S'agissant des conditions matérielles d'accueil, le budget proposé pour l'ADA est ambitieux. Si l'on retranche les crédits fléchés vers les Ukrainiens, la baisse est de 47 millions d'euros - loin d'être anecdotique, même si la budgétisation est moins hasardeuse que par le passé. Un ajustement des crédits en gestion ne peut être exclu.

En matière d'hébergement des demandeurs d'asile, le PLF prévoit la suppression de 6 000 places et intègre le financement des places allouées aux Ukrainiens. Saluons le travail remarquable des agents de l'OFII et l'OFPRA pour fluidifier le parc et améliorer les délais. Il nous semble toutefois qu'un effet sur le taux d'hébergement est inévitable. Il faudra en limiter les conséquences, en particulier sur les demandeurs les plus vulnérables.

Enfin, en ce qui concerne les crédits d'intégration, nous saluons l'achèvement de la dématérialisation des procédures d'admission au séjour. Le contrat d'intégration républicaine (CIR) est épargné par les baisses de crédits, mais le passage d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, prévu par la loi Immigration, aura un coût. Les pistes envisagées pour le maîtriser nous semblent intéressantes : fin de l'obligation de suivi des enseignements, dématérialisation.

Ce budget n'est pas celui que nous espérions, mais, dans le contexte actuel, il constitue un compromis raisonnable entre maîtrise du déficit et efficacité de la politique migratoire. Compte tenu de l'engagement du ministre à réajuster les montants alloués à la mission, nous avons émis un avis favorable. (Applaudissements sur des travées du groupe UC)

M. Dany Wattebled .  - La baisse du budget consacré à l'immigration n'est pas acceptable. Le groupe Les Indépendants a conscience de l'état dégradé de nos finances et plaide pour une réduction de la dépense - mais pas n'importe comment. Il est des missions que l'État est seul à pouvoir accomplir ; ces missions régaliennes ne doivent pas voir leur budget réduit.

La France, comme ses partenaires européens, connaît cette année encore un fort afflux d'immigration. L'immigration irrégulière a franchi un seuil qui n'avait pas été atteint depuis 2016. Les demandes d'asile ont battu un nouveau record, accroissant la pression sur l'Ofpra. Or nous avons toujours besoin d'intégrer correctement les immigrés légaux et il faut continuer d'expulser ceux qui n'ont pas de droit au séjour.

Dans ces conditions, les Français ne pourraient comprendre que les fonds alloués à l'immigration diminuent, surtout après les polémiques suscitées par le faible taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français, les fameuses OQTF, qui reste inférieur à 10 % malgré les progrès accomplis. Il faut faire mieux, ce qui exige des moyens supplémentaires. Nous devons par ailleurs faire preuve de fermeté dans la négociation des laissez-passer consulaires. Nous ne consacrons que 61 millions d'euros à la lutte contre l'immigration irrégulière, deux fois moins qu'à l'hébergement des demandeurs d'asile et à leur allocation.

Seule l'Union européenne peut apporter une solution efficace en matière d'asile. Nous nous félicitons de l'accélération du traitement des demandes et espérons que le renforcement des effectifs de I'Ofpra raccourcira encore les délais - c'est aussi l'intérêt des demandeurs, qui seront plus vite fixés sur leur sort. La loi est la même pour tous ; elle doit être appliquée promptement.

Les crises s'enchaînent en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient. L'élection de Donald Trump et ses prises de positions sur l'immigration pourraient augmenter la pression migratoire sur l'Europe. Il y a deux sujets importants sur la table : l'accord d'Alger et l'accord du Touquet.

Nous ne voterons pas des crédits en diminution.

Mme Françoise Dumont .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Mission hautement stratégique, sur un sujet au coeur de l'actualité législative et médiatique.

Le volume de l'immigration irrégulière poursuit sa hausse. Le nombre des bénéficiaires de l'AME a dépassé les 441 000 en 2023, en hausse de 10 % sur un an. Les demandes d'asile augmentent également de 10 %. C'est dire si le défi est considérable.

La réponse ne peut être purement budgétaire. Alors que 57,5 % seulement des demandes de laissez-passer consulaires  aboutissent, un dialogue bilatéral franc et robuste avec les pays concernés s'impose. Notre commission des lois a constitué une mission d'information sur les accords internationaux conclus par la France en matière migratoire, qui apportera un surcroît de clarté.

L'aide publique au développement pourrait également mieux prendre en compte l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière. Le Parlement avait voté cette mesure dans la loi Immigration ; censurée pour des motifs procéduraux, elle pourrait utilement être rétablie.

Les enjeux liés à l'intégration sont tout aussi grands, à commencer par la mise en place des mesures adoptées en janvier dernier.

Nous avons depuis peu un ministre de l'intérieur qui a amorcé de vigoureuses mesures destinées à reprendre le contrôle de la politique migratoire. En contraste avec l'approche des années passées, il a manifesté sa volonté de contenir les flux entrants, ce qui correspond à la position historique du Sénat. Le groupe Les Républicains sont déterminés à le soutenir dans cette tâche majeure.

Le budget initial prévoyait une baisse de 5 % des CP - en réalité 14 %, compte tenu de l'évolution du périmètre de la mission. Cette baisse concerne en particulier l'intégration des primo-arrivants et les moyens de la lutte contre l'immigration irrégulière. Elle a pu inquiéter, alors que les besoins sur le terrain demeurent importants, le taux d'exécution des OQTF faible et la loi Immigration en cours d'application.

Nous saluons donc l'amendement du ministre, qui réévalue les crédits du programme 303, « Immigration et asile ». La lutte contre l'immigration illégale ne représentait déjà qu'une portion congrue des dépenses : il aurait été difficilement tenable de les réduire davantage.

Le ministre a annoncé vouloir consacrer une part substantielle de cette augmentation à la concrétisation du plan CRA 3000. Les 1 959 places actuelles sont largement insuffisantes au regard des besoins, ce qui complique les procédures d'éloignement et dégrade les conditions de vie des personnes retenues.

Les crédits de l'intégration doivent être mis en perspective avec les crédits exécutés en 2024, de l'ordre de 370 millions d'euros. Espérons que la mise en oeuvre de la loi du 24 janvier 2024 offrira des opportunités de rationalisation de certaines dépenses.

La baisse des crédits de l'ADA traduit les gains pouvant être réalisés en réduisant les délais de traitement des demandes d'asile. Nous espérons que la création de 29 ETP au sein de l'Ofpra consolidera les progrès réalisés en la matière. Nous saluons l'intégration dans la mission des dépenses liées à la protection temporaire des Ukrainiens : la sincérité de ce budget s'en trouve renforcée.

L'urgence budgétaire impose que tous les secteurs de l'action publique participent au redressement financier. Toutefois, gardons-nous de méconnaître les enjeux derrière les chiffres. Nous estimons que ces crédits, modifiés par l'amendement du ministre, correspondent à un équilibre. Nous les voterons donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Patricia Schillinger .  - Nous abordons un sujet au coeur des préoccupations des Françaises et des Français.

Les orientations prises dans cette mission traduisent la détermination du Gouvernement à poursuivre la dynamique engagée depuis le début du quinquennat pour renforcer la maîtrise des flux migratoires, améliorer les conditions d'accueil et d'intégration des étrangers en situation régulière et garantir un accès effectif et équitable au droit d'asile.

Le cadre budgétaire contraint exige des ajustements financiers. Nous devons maîtriser durablement la dépense tout en préservant les priorités essentielles de la mission.

Il s'agit d'abord de préserver l'exercice du droit d'asile. Avec 1,4 milliard d'euros pour le programme « Immigration et asile », le Gouvernement s'engage à améliorer les conditions d'accueil des demandeurs d'asile tout en réduisant les délais de traitement. Le délai de quatre mois atteint cette année est le meilleur en quinze ans. Nous saluons cet effort, tout en restant vigilants sur l'objectif ambitieux de le ramener à deux mois en 2027 grâce au renforcement des effectifs de l'Ofpra. Cette accélération est essentielle pour répondre aux attentes des demandeurs et limiter le coût de l'ADA.

Le contrat d'intégration républicaine doit rester un outil central. La réduction des moyens alloués au programme « Intégration et accès à la nationalité française » est préoccupante. Face à ces coupes budgétaires, il est impératif de préserver les initiatives renforçant l'intégration linguistique et civique des étrangers.

Par ailleurs, si la lutte contre l'immigration irrégulière reste une priorité gouvernementale, les moyens qui lui sont alloués baissent de manière significative. Les crédits doivent aller à la poursuite du plan CRA 3000 et au renforcement des contrôles aux frontières, notamment dans les zones sensibles. Nous prenons acte des ajustements annoncés par le Gouvernement. Par amendement, nous veillerons à ce que les moyens prévus soient à la hauteur des ambitions de la Lopmi.

Enfin, nous saluons le pacte européen sur l'asile et l'immigration, ainsi que l'accord franco-britannique pour renforcer la lutte contre l'immigration clandestine.

Il nous revient de trouver un équilibre entre maîtrise des finances publiques et respect des principes de solidarité, d'intégration et de sécurité. En soutenant ce budget, nous réaffirmons notre engagement pour une politique migratoire à la fois responsable et humaine, conforme aux valeurs de notre République. (M. Olivier Bitz applaudit.)

Mme Sophie Briante Guillemont .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Olivier Bitz applaudit également.) Ce budget a été préparé dans un cadre financier et budgétaire plus que difficile et avec des contraintes politiques fortes.

Cette mission voit ses CP baisser de 5 %. C'est beaucoup, surtout pour une mission considérée comme prioritaire. L'immigration est une préoccupation centrale des Français : près de vingt lois en vingt ans, peut-être une autre prochainement. Il y a une incohérence entre la place du sujet dans le débat public et les moyens qui y sont consacrés.

Du positif, tout de même : nous saluons les 29 recrutements au sein de l'Ofpra, qui a un besoin urgent de renforts. Le Gouvernement estime que ces recrutements permettront de réduire les délais pour atteindre l'objectif de 161 000 décisions par an. Mais l'objectif semble compromis, sans moyens supérieurs.

Pour le reste, nous sommes perplexes. Le programme 104 voit ses crédits baisser de 15 %, soit 65 millions d'euros - alors que la loi Immigration a renforcé les exigences linguistiques et exige désormais le niveau A2. La majorité de notre immigration est peu qualifiée : ces personnes n'ont pas ou peu été scolarisées.

L'immigration régulière représente aussi un enjeu pour notre économie, surtout quand notre population vieillit. Il est faux de laisser croire à une immigration zéro. (M. Stéphane Ravier s'exclame.) Nous vivons dans un monde globalisé, où les flux migratoires sont une réalité. La question devrait être : comment faire en sorte que l'immigration soit favorable à notre croissance ?

Je représente trois millions de Français qui vivent à l'étranger. Eux aussi sont des immigrés dans les pays qui les accueillent ; eux aussi se reposent largement sur leur communauté pour réussir leur intégration locale. Les accords migratoires reposent sur la réciprocité. Or la façon dont nous traitons les étrangers peut avoir des effets sur la façon dont les Français sont traités et dont notre pays est perçu à l'étranger, notamment en Afrique.

Nous voterons contre les crédits de cette mission, car l'intégration républicaine ne doit jamais être négligée. (Applaudissements sur les travées du RDSE et à gauche)

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Sur quel secteur faire porter les économies budgétaires ? Tous doivent contribuer à l'effort.

Le budget de cette mission connaît une baisse de 5 % en CP et 2 % en autorisations d'engagement (AE). Les amendements du ministre relativiseront cette baisse.

Le programme 303 « Immigration et asile » devra faire l'objet d'ajustements en cours d'exercice, car la situation internationale laisse présager une hausse des demandes d'asile, notamment de la part des femmes afghanes, depuis l'adoption, le 21 août dernier, d'une loi qui leur interdit de sortir seules ou de chanter, par exemple. La CNDA a jugé que toutes les femmes afghanes refusant ces mesures peuvent obtenir le statut de réfugiées. Cette situation dramatique est considérée comme telle par tous les États membres, à l'exception peut-être de la Hongrie.

Le traitement des flux migratoires doit être assuré au niveau européen. Le pacte européen sur l'asile et l'immigration aura des conséquences budgétaires dès 2025. Je salue votre volonté de traiter la question de Calais non plus dans un face-à-face avec les britanniques, mais dans une relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

En matière de gestion des flux migratoires comme dans bien d'autres domaines, le propos de Jacques Barrot reste d'actualité : « Je crois à l'effort persistant et continu plus qu'au coup de collier sans lendemain ».

Nous ne pouvons nous contenter d'une politique basée sur le taux d'exécution des OQTF, le nombre de demandes d'asile traitées ou les chiffres effroyables de migrants morts dans la Manche ou la Méditerranée. Nous devons avoir une vision de la place des étrangers en France comme de l'influence de la France dans le monde.

Afficher des positions radicales contre l'immigration illégale tout en sachant que cela mettrait à mal des pans entiers de l'économie, n'est-ce pas seulement un moyen de conquête du pouvoir ? Giorgia Meloni s'était engagée à réduire l'immigration : devenue présidente du Conseil, elle a suscité la venue de plus de 450 000 étrangers pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre de son pays.

Enfin, à l'heure où les accords de défense mis en place par la France après l'indépendance de plusieurs pays africains sont dénoncés un par un par ces pays, n'est-il pas temps d'avoir une politique d'échanges commerciaux, culturels et universitaires pro-active pour sauvegarder notre influence en Afrique ?

Peut-être ces pistes de réflexion inspireront-elles d'autres textes. Pour l'heure, le groupe Union Centriste votera majoritairement les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Olivier Bitz applaudit également.)

M. Ian Brossat .  - Monsieur le ministre, inutile de revenir sur les divergences qui nous ont opposés lors de la dernière loi Immigration. Elles sont encore plus fortes depuis que vous êtes ministre de l'intérieur. Vous souhaitez réduire l'immigration, et pas seulement l'immigration irrégulière.

M. Stéphane Ravier.  - Bravo !

M. Ian Brossat.  - Vous voulez faire de la France une terre moins attractive pour les candidats à l'immigration, en essayant de la rendre, pour ainsi dire, la plus repoussante possible.

Cette politique est non seulement injuste, mais inefficace. Ce ne sont pas tant les conditions d'accueil qui jouent que les conditions de départ dans les pays d'accueil.

Votre stratégie s'illustre pleinement dans le présent budget.

Je pense d'abord aux foyers de travailleurs migrants, qui accueillent des travailleurs en situation régulière, parfois présents en France depuis des décennies. En 1997, un vaste plan de rénovation a été décidé. Or ce budget prévoit de réduire les crédits de 85 %,...

M. Stéphane Ravier.  - Bravo !

M. Ian Brossat.  - ... ce qui entraînera une dégradation supplémentaire des conditions de vie dans ces centres.

Vous réduisez aussi les crédits de l'hébergement d'urgence. C'est dangereux et inquiétant, alors qu'un rapport de l'Unicef montre qu'en France, septième puissance économique du monde, 2 000 enfants dorment dehors, dont beaucoup sont en demande d'asile. Le risque est de multiplier les campements de rue, donc de créer des désordres.

Par ailleurs, les crédits de l'ADA baissent de 47 %.

M. Stéphane Ravier.  - Bravo !

Mme Raymonde Poncet Monge.  - Ça suffit !

M. Ian Brossat.  - Vous vous êtes opposés lors de la loi Immigration à ce que les demandeurs d'asile puissent travailler et ainsi sortir de cette assistance. Résultat : un risque de précarité.

Enfin, les crédits en faveur de la rétention administrative sont en nette diminution, alors que vous voulez retenir les personnes plus longtemps. S'il y a moins d'argent pour la rétention administrative, les conditions de vie dans les CRA se dégraderont, et les conditions de travail des encadrants de même.

Votre budget nous semble mauvais et votre politique ne tarira pas les flux, mais désorganisera les conditions d'accueil. Nous voterons contre les crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Benarroche .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Dans cet exercice plus difficile que jamais qu'est le budget, cette mission occupe une place particulière, car l'immigration est souvent l'objet de manipulations politiciennes.

Notre groupe s'oppose à des crédits qui traduisent une vision fantasmée de l'immigration. Cette dérive se fait au détriment de l'accompagnement des nouveaux arrivants, de l'accès aux droits des étrangers et de l'intégration.

Pour la troisième année consécutive, l'ADA baisse, ce qui est contradictoire avec l'incantation du mieux-intégrer. Nous demandons, que les demandeurs d'asile puissent travailler, comme cela a été prévu à juste titre pour les Ukrainiens. Cette baisse est un déshonneur. Comment penser l'intégration sans l'autonomie, sans la capacité de se loger, se nourrir et s'éduquer ? Nous proposerons, à tout le moins, de tenir compte de l'inflation. La farce qui justifie moins de budget par moins de demandeurs ne fait plus rire personne. Tout semble fait pour maintenir ces personnes dans l'illégalité, le travail au noir et la déstabilisation de leur statut administratif.

Les démarches administratives, parlons-en. J'ai alerté maintes fois sur les difficultés d'accès au guichet : illectronisme, délais raccourcis, impossibilité de contacter un agent de la préfecture... Tout complexifie les démarches, ce qui fonde de plus en plus de recours. Pendant ce temps, les gouvernements successifs réduisent les effectifs en préfecture : absurde et inique. Le parcours des étrangers est semé d'embûches, à mille lieues des discours populistes sur les profiteurs du système et les prétendus appels d'air.

La majorité sénatoriale n'est pas dupe. Lors de la loi Immigration, elle avait fait part des difficultés rencontrées dans les préfectures - pour justifier une dérogation pour les Anglais résidant en France !

Comme l'an dernier, la priorité du Gouvernement est la lutte contre l'immigration irrégulière. Mais cette politique repose sur une jambe : l'augmentation continue des places en CRA. Désormais, le ministre annonce sa volonté de voir les associations exclues de ces lieux d'enfermement. La multiplication des places alors que des éloignements ne sont matériellement pas possibles traduit toute l'absurdité de cette politique. Ce ne sont pas de nouveaux CRA qui répondront aux difficultés diplomatiques que posent les éloignements.

Moins d'intégration réussie sans réussite face à l'immigration irrégulière : ce sera le résultat de ce budget. Nous appelons de nos voeux un budget reflétant une vision humaine et réaliste de toutes les préoccupations liées à l'asile et l'immigration - accompagnement, accès effectif aux droits, intégration. (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Narassiguin .  - Le contexte politique est inédit : nous ne savons pas si le Gouvernement sera censuré d'ici 48 heures.

Le budget de la mission est en baisse, après plusieurs hausses consécutives. Il existe un fossé entre les ambitions du ministre et ces crédits. Pour 2024, ils étaient en hausse de 7,3 %, mais c'était insuffisant pour intégrer les personnes qui migrent dans notre pays.

Malgré la hausse prévue par l'amendement gouvernemental, le groupe SER trouve dans ce budget de nombreux motifs d'inquiétude.

D'abord, les crédits destinés aux CRA baissent de 5 %, soit une diminution de 6 500 places pour les demandeurs d'asile, l'hébergement d'urgence et les centres d'accueil et d'examen, alors que l'Observatoire des inégalités estime le nombre de SDF à 110 000 personnes. Cette suppression serait compensée par l'accélération des procédures devant l'Ofpra : cela nous semble aléatoire. Il est inacceptable de laisser des personnes dormir sur le trottoir ! Nous défendrons un amendement visant à maintenir le parc existant.

Ensuite, les crédits pour l'intégration des primo-arrivants baissent de 45 %. Pourtant, l'article 20 de la loi Immigration prévoit que ces personnes doivent disposer d'un niveau A2 en français.

Les crédits en faveur de l'ADA sont en hausse du fait de l'intégration des Ukrainiens, mais les dépenses diminuent en réalité de 47 millions d'euros. L'aide versée aux demandeurs d'asile ne leur permet pas de vivre correctement.

Par ailleurs, la circulaire Valls, centrée sur la régularisation des personnes exerçant des métiers en tension, dont la liste n'a pas été actualisée depuis 2021, est remise en cause.

Enfin, les délais de réponse pour les prises de rendez-vous en préfecture s'allongent : ils sont inadmissibles et entraînent des situations humaines dramatiques, avec parfois des pertes d'emploi. Sénatrice de Seine-Saint-Denis, je suis très souvent interpellée sur de telles situations. Or rien n'est prévu pour augmenter les moyens humains des services préfectoraux.

La majorité sénatoriale s'est opposée constamment à des budgets en augmentation les années précédentes. Cette année, elle soutient une baisse des crédits. Il semble que son choix dépende surtout de la personne qui occupe le poste de ministre...

Ce budget ne prévoit en rien des conditions d'accueil dignes pour les personnes migrantes. Nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)

M. Joshua Hochart .  - En 2023, la France a délivré plus de 330 000 titres de séjour et enregistré 137 000 demandes d'asile.

Chaque année, l'immigration nous coûte entre 20 et 25 milliards d'euros. Or non seulement rien n'est prévu dans ce budget pour réduire cette charge nette, mais les crédits destinés à l'accueil des immigrés augmentent encore, alors que nos services publics sont à l'agonie. Ainsi de l'aide médicale de l'État (AME), qui coûte désormais plus de 1 milliard d'euros, pendant que les Français peinent à trouver un médecin ou s'entassent sur des brancards aux urgences.

Quant à nos forces de l'ordre, elles doivent faire face à une délinquance croissante, largement alimentée par une immigration mal intégrée, mais surtout refusant de s'intégrer. Cette réalité a un coût financier, mais aussi social et sécuritaire.

Et que dire des expulsions ? Seules 9 % des OQTF sont exécutées. Cet échec flagrant alourdit la charge budgétaire de l'immigration et renforce l'exaspération des Français. Le Gouvernement refuse d'appliquer les lois qu'il prétend défendre, et c'est le contribuable qui paie.

Ce budget aurait pu être l'occasion de reprendre le contrôle de notre politique migratoire et de soulager nos finances publiques. Hélas, il ignore les réalités et détourne de précieuses ressources vers des dispositifs inefficaces qui alimentent l'immigration de masse.

Vous avez fait preuve lors de l'examen du PLFSS et de la première partie du PLF de mépris - c'est peu de le dire - envers les sénateurs Rassemblement National, en refusant la totalité de nos amendements, obligeant même le Premier ministre à reprendre à la volée, à quelques heures de sa chute annoncée, nos mesures de bon sens.

Ne vous en déplaise, nous sommes la première force politique du pays. Nos électeurs attendent autre chose et, si vous ne le comprenez pas, ils vous le feront comprendre de manière encore plus claire dans les urnes.

Les Français espéraient des mesures courageuses et adaptées à leurs préoccupations. Ils reçoivent un patchwork budgétaire mal ficelé, plus proche d'un exercice d'équilibriste que d'une vraie vision d'avenir. Visiblement, répondre aux attentes populaires n'était pas à l'ordre du jour...

Votre échec est total, mais il semble que certains aient développé une certaine affection pour le goût amer des demi-mesures et des promesses creuses. La France ne doit plus subir : nous devons reprendre le contrôle de nos finances, de nos frontières et de notre avenir ! (M. Stéphane Ravier applaudit.)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je vous remercie pour la tonalité générale de cette discussion. En écoutant les uns et les autres, j'ai le sentiment que nous avons, au Sénat, un lieu où la conversation civique est encore possible - dans les heures actuelles, nous en avons bien besoin.

Un budget est un acte financier, mais surtout politique. Les choix précèdent les chiffres.

Aucune politique publique ne peut s'exonérer d'optimiser ses dépenses. En France, depuis des années, on prétendait mesurer l'efficacité d'une politique à l'aune des moyens dépensés, sans vouloir faire de réformes. J'assume de faire des choix.

Le Gouvernement a choisi de reprendre le contrôle de l'immigration pour la réduire et combattre l'immigration irrégulière. Cette politique procède d'une exigence démocratique. Les Français, souvent divisés, sont 70 % à nous demander d'être plus fermes. Même une majorité d'électeurs de gauche considèrent que la fermeté en matière migratoire est indispensable.

Au Conseil des ministres « Justice et Affaires intérieures », certains de mes collègues ministres sont de gauche, d'autres de droite : je vous mets au défi de trouver une différence entre leurs positions. Au niveau européen aussi, un consensus se fait jour.

Nous mettons en oeuvre une stratégie globale pour maîtriser l'immigration à trois niveaux.

À l'échelle internationale, nous multiplions les accords bilatéraux. J'ai nommé dans ce domaine un missi dominici, Patrick Stefanini.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Un gauchiste...

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Au niveau européen, nous avons obtenu que, dans les cent premiers jours de la présidence polonaise, la Commission européenne formule une proposition pour modifier enfin la directive Retour, très mal nommée car il s'agit en réalité d'une assurance de non-retour.

Au niveau national, j'ai publié une circulaire de pilotage pour les préfets, remplaçant la circulaire Valls. Il faudra aussi un texte migratoire (Mme Marie-Pierre de La Gontrie ironise), pour rendre notre pays moins attractif, sinon les passeurs et trafiquants prendront la main.

Les crédites de la mission s'établissent à 1,7 milliard d'euros en AE et 2 milliards d'euros en CP. Ces crédits conforteront notamment les nouvelles places en CRA. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)

Ces crédits sont bienvenus, mais impliquent aussi un effort d'économies, que j'assume. Nous optimiserons les dépenses. Nous confortons l'Ofpra avec 29 ETP, pour un délai d'instruction plus rapide. Nous gérerons de manière plus efficace les places d'hébergement et de nouveaux outils numériques entraîneront des économies. Par ailleurs, ce budget est sincère, car nous intégrons les réfugiés ukrainiens.

Un mot sur les crédits du programme « Intégration et accès à la nationalité ». L'exécution en 2024 s'élevait à 370 millions d'euros, on vous propose 366 millions. Le but n'est pas de comparer une LFI à une autre - je parle bien de lois de finances (sourires) - mais de comparer ce qui a été effectivement dépensé.

L'intégration exigeante, c'est l'assimilation de la langue et des droits, mais surtout des devoirs et des valeurs de la République. Depuis la loi du 26 janvier dernier, on inverse la logique : pour le CIR, nous voulons des résultats plutôt que des moyens.

Pour la première fois, le programme Agir (Accompagnement global et individualisé des réfugiés) sera déployé sur l'ensemble du territoire en 2025. Pas moins de 25 000 réfugiés pourront bénéficier de ce programme à 360 degrés, avec un suivi personnalisé en matière de travail, de logement ou de santé. Ne dites pas que nous ne faisons rien.

L'apprentissage de la langue et des valeurs de la République n'en reste pas moins une exigence fondamentale, que nous assumons. Sans réussite à l'examen, pas de contrat. C'est du donnant-donnant, sans quoi rien ne peut fonctionner. C'est ce qui explique la panne de la machine à intégrer française.

Vous pourrez me donner le bénéfice de la constance sur ce sujet. Ce budget a pour objectif de reprendre le contrôle des flux migratoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Olivier Bitz applaudit également.)

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

Examen des crédits de la mission

Article 42 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-297 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - De 2012 et 2024, les opérateurs publics et associatifs ont vu leur budget croître de 48 à 81 millions d'euros, reflet de l'incapacité de l'État à rationaliser les missions qui leur sont confiées.

L'accueil des étrangers primo-arrivants nécessite une approche rigoureuse. Or l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) favorise des dépenses superflues. Réduisons de 55,2 millions d'euros les crédits alloués à cet accueil, pour réinternaliser progressivement cette mission au sein de l'État.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis défavorable. Le budget de l'ADA baisse déjà, il n'est pas opportun d'aller plus loin.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis. En 2019, la dépense au titre de l'ADA s'établissait à 490 millions d'euros, contre 336 millions pour le PLF 2025. Les efforts sont bien là.

L'amendement n°II-297 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-480 rectifié de M. Canévet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Je vais le retirer et défendre l'amendement n°II-474 rectifié, identique à celui du Gouvernement.

L'amendement n°II-480 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-474 rectifié de M. Canévet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-542 du Gouvernement.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Je suis évidemment favorable à l'amendement que n'a pas présenté Mme Goulet. (Sourires)

Nous souhaitons aligner les règles d'indemnisation des arrêts maladie des agents publics sur celles du privé.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nosII-474 et II-542 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-293 de M. Joshua Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Depuis des années, l'État a délégué une partie de sa souveraineté en matière migratoire à 1 350 associations. Cette délégation est-elle encore acceptable ? L'État leur verse 750 millions d'euros chaque année. Ce modèle est coûteux et inefficace. Ces structures, militantes et souvent de gauche, privilégient une approche idéologique...

M. Guy Benarroche.  - Et pas vous ? Vous vous fondez sur des chiffres ? (M. Jacques Fernique rit.)

M. Joshua Hochart.  - ... et alimentent un véritable appel d'air.

Il faut recentrer ces moyens, dans l'intérêt des Français. C'est impératif ! Ne finançons pas des réseaux associatifs qui entravent même l'application de la loi, notamment en matière d'éloignement.

Cet amendement est une réponse courageuse et nécessaire à l'urgence migratoire.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-295 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Deux à la suite... Les collègues de gauche vont hurler ! L'aide aux associations est passée de 306 millions à 1 milliard d'euros entre 2016 et 2022.

Les associations qui prétendent oeuvrer pour les migrants sont souvent hostiles à l'application des lois françaises, affaiblissant l'autorité de l'État. Le taux d'exécution des OQTF a chuté de 7 % en 2022. Cette situation est intolérable ! Cet amendement réduit de 500 millions d'euros les crédits dédiés à ces associations, pour les internaliser au sein de l'Ofpra, de l'Ofii et des services de l'État.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-525 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Contrairement à ce que vient d'indiquer le sénateur du RN, le secteur associatif a besoin d'être davantage soutenu.

Le centre Primo Levi, dédié aux soins des personnes victimes de tortures, a vu sa subvention non reconduite,...

M. Joshua Hochart.  - Très bien !

Mme Corinne Narassiguin.  - ... alors que cette aide financière est déterminante. Toutes ces associations font pourtant un travail aussi admirable que nécessaire ...

Mme Pascale Gruny.  - Pas toutes.

Mme Corinne Narassiguin.  - ... pour des raisons d'humanité et de santé publique.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis défavorables.

Pour répondre à notre collègue qui vient de s'exprimer,...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Elle s'appelle Mme Narassiguin !

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - ... nous parlons de plus de 1 milliard d'euros.

Regardons de près dans quelles conditions les associations rendent ces services. La commission des finances a sollicité la Cour des comptes sur ce sujet, la remise d'un rapport est attendue pour la fin de l'année. Le Gouvernement y sera certainement attentif.

N'ayons pas peur de regarder en face le caractère militant de certaines associations. Si elles touchent des financements publics, il faudra s'interroger sur les suites à donner.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Avis défavorables.

Je souhaite dire à Corinne Narassiguin qu'il est normal que l'effort soit reporté sur tous, en ces temps de disette budgétaire. Une précision : l'association dont vous parlez ne s'inscrit pas dans le cadre d'appels à projets.

Concernant les amendements nosII-293 et II-295, le Gouvernement ne peut sabrer les crédits d'un coup de baguette magique. Les versements des subventions ont été contractualisés, avant mon arrivée d'ailleurs. Pour l'hébergement, ces contrats sont signés par des préfets. Les remettre en question nous exposerait à des difficultés juridiques.

En revanche, il est vrai que certaines associations manquent à leur devoir de neutralité...

Mme Pascale Gruny.  - Tout à fait !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - ... alors qu'elles assument une mission de service public.

Le rapport de la Cour des comptes paraîtra effectivement dans quelques mois.

Mais je souhaite sanctionner contractuellement les associations qui ne respectent pas leur mission de service public et leur neutralité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Pascale Gruny.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Je souhaite aussi confier à l'Ofii des missions d'assistance juridique.

M. Guy Benarroche.  - Je ne donnerai pas un avis favorable aux deux premiers amendements. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Pascale Gruny.  - Vous n'avez pas à le donner !

M. Guy Benarroche.  - Beaucoup d'associations, y compris d'aide aux migrants, ne sont pas de gauche. (M. Joshua Hochart s'exclame.) Et si elles le sont, tant mieux pour nous, monsieur Hochart !

Vous pensez que l'État économiserait de l'argent, quelques millions, en prenant à sa charge toutes les aides apportées par ces associations, souvent bénévoles. Vous êtes donc très étatiste ! Vous êtes pour un État centralisateur ! Nous ne manquerons pas de transmettre les positions du Rassemblement national !

Bien entendu, il faut suivre ce que font les associations, car certaines peuvent déraper, politiquement et financièrement. L'administration fait bien ce travail. Mais cela ne justifie pas la suppression, par principe, de subventions versées à des gens qui travaillent pour l'État, bénévolement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Nous voterons l'amendement n°II-525 rectifié de Corinne Narassiguin, évidemment pas ceux du Front national.

Je veux répondre aux propos du ministre. Je note d'ailleurs l'extrême pédagogie dont il fait preuve à l'égard de ses nouveaux compagnons de majorité d'extrême droite...

M. Jean-Baptiste Olivier.  - La preuve !

Mme Pascale Gruny.  - Et LFI, ça ne vous dérange pas ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ces associations ne respecteraient pas les conventions qu'elles concluent avec l'État ? Vous remettez donc en cause le travail de votre prédécesseur, M. Darmanin, ou celui de vos services ? Vous prenez le parti d'un engagement politique supposé de ces associations, ce qui discrédite leur travail de manière peu rationnelle.

Soit on considère que les personnes qui sont sur notre territoire doivent, pour le bien de tous, être prises en charge d'une manière ou d'une autre, soit non.

Monsieur le ministre, vous devriez être plus circonspect dans vos prises de parole sur ces associations.

M. Grégory Blanc.  - Je n'ai pas bien compris si les associations mentionnées étaient pointées du doigt pour leurs positions dans le débat public ou pour la qualité de l'exercice de leur mission de service public. De telles prises de position existent dans tous les domaines, comme l'insertion ou le handicap.

De quoi parle-t-on ? On entre dans un autre débat : c'est du délit de faciès ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joshua Hochart.  - Je n'ai pas dit que l'ensemble de ces associations étaient de gauche, mais que la majorité des associations qui utilisent notre argent pour ne pas respecter la loi française soutiennent des partis de gauche.

Dans quel monde vivez-vous ? Les cadres dirigeants s'engraissent bien plus sur le dos des bénévoles qu'ils n'aident les migrants ! Et cet argent sert à intenter des procès à l'État !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Vive le Front national !

M. Roger Karoutchi.  - Pour ma part, je nous trouve très raisonnables. Les crédits restent très importants. J'ai été longtemps membre du conseil d'administration de l'Ofii, qui regrettait qu'on ne lui confie pas davantage de tâches juridiques sur l'aide aux migrants. Or c'est bien plus son rôle que celui d'associations. On a créé des structures étatiques pour l'accueil et l'intégration. Curieusement, elles sont doublées ou parfois contredites par des associations dotées d'une mission de service public, qui ne s'entendent pas avec l'Ofii.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas le même métier !

M. Roger Karoutchi.  - La politique migratoire, c'est la politique régalienne par excellence. Renforçons les pouvoirs de l'Ofii et ses capacités à agir. Il est bien plus logique qu'il agisse en la matière, plutôt que des associations ! Certaines d'entre elles font du très bon travail, mais les structures d'État ne sont pas partisanes. Je veux rendre hommage à l'Ofii.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Je veux dire à Marie-Pierre de La Gontrie, dont je connais les subtilités et la nuance politique, que nous accuser de proximité avec le RN, à un moment où ces groupes viennent de décider de mélanger leurs voix avec celles de LFI, qui vient de signer une proposition de loi visant -  tenez-vous bien  - à abroger le délit d'apologie du terrorisme, c'est un peu fort de café ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - C'est bien le Premier ministre qui a fait ces propositions à Mme Le Pen !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Dès lors qu'il y a relations contractuelles, il y a des contraintes. Le principe de neutralité doit être respecté.

J'ai apprécié les propos de Roger Karoutchi. La politique migratoire est au coeur des missions régaliennes de l'État, qui ne doit pas sous-traiter ces missions. Je suis pour que l'État exerce ses responsabilités.

Il y a quelques années, certains se sont drapés dans leur dignité pour dire que l'Ofii ne pouvait faire de contrôles médicaux dans les CRA. Cela s'est fait, et très bien, sans aucun problème. Je propose d'étendre ce système en matière de conseil juridique dans les CRA.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Ce n'est pas ce que vous avez dit tout à l'heure !

L'amendement n°II-293 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosII-295 et II-525 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-302 rectifié de Mme Goulet et alii.

Mme Nathalie Goulet.  - Chaque année, je demande à la commission des lois le document concernant les associations chargées de l'accueil et de l'intégration des migrants. On leur donne 1 milliard d'euros exactement, selon le document de 2023. Je n'ai pas dû être gentille, je n'ai pas eu les chiffres pour cette année... (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)

Cet amendement réduit les crédits destinés à ces associations, avec le même montant, en miroir, pour l'asile.

Les dysfonctionnements de ces associations sont nombreux. Certaines organisent des collectes en ligne pour détourner les procédures d'OQTF, donc contourner les lois de la République.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Très bien !

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis défavorable. Il faudra s'intéresser à l'ensemble des dépenses relatives à l'asile. La Cour des comptes avait rendu un rapport pertinent sur Coallia.

Ces associations sont aussi souvent sursollicitées et sous pression, ce qui dérègle leur fonctionnement, alors qu'elles faisaient autrefois un bon travail.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Je saisis bien l'objectif de Nathalie Goulet, mais diminuer les crédits du programme 104 revient à diminuer ceux de l'Ofii, outil essentiel notamment pour le CIR. (Mme Nathalie Goulet en convient.)

Mme Nathalie Goulet.  - Je retirerai l'amendement, mal ajusté, mais Coallia représente plus de 97 millions d'euros. C'est beaucoup d'argent !

Monsieur le ministre, le trafic de migrants est un vrai business : 7 milliards d'euros de blanchiment par an !

L'amendement n°II-302 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-294 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Je l'ai défendu tout à l'heure par erreur, au lieu de l'amendement n II-297.

L'amendement n°II-294, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-579 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Cet amendement a été adopté à l'Assemblée nationale. Le flux de réfugiés ukrainiens, c'est plus de 9,8 millions de personnes, dont 2,5 millions d'enfants. Quelque 65 000 déplacés ont été reçus en France en 2022, dont 98 % d'Ukrainiens.

Le conflit s'intensifiant en Ukraine, et compte tenu de la décision de la Commission européenne du 28 septembre 2023 qui prolonge la protection temporaire offerte aux Ukrainiens, le PLF 2025 doit prévoir des crédits d'accueil.

Concernant l'hébergement, le Gouvernement ne peut revenir sur sa capacité d'accueil, a fortiori dans les circonstances présentes, alors que les établissements « SAS Ukraine » contiennent 11 000 places. Nous souhaitons faire apparaître le montant de 328 236 000 euros dans le PLF, montant qui devra être de toute façon déboursé.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait. On ne peut que se réjouir que la mission intègre bel et bien ces crédits en faveur des Ukrainiens. Sous réserve des précisions du ministre, nous notons une tendance à la réduction du nombre de réfugiés ; cet amendement ne s'impose pas.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Premièrement, le Gouvernement est animé d'un souci de sincérité. Deuxièmement, alors que les réfugiés ukrainiens étaient 96 000 en 2022, ils seront 35 000 en 2025. Troisièmement, nous souhaitons que nos amis ukrainiens puissent sortir des dispositifs exceptionnels. Il est impossible d'enkyster des individus dans de tels dispositifs. Si la guerre perdurait, il serait toujours temps, pour le Gouvernement, de prendre les mesures nécessaires.

L'amendement n°II-579 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-298 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - L'explosion des coûts liés au droit d'asile est alarmante : c'est 80 % du programme. L'allocation pour demandeur d'asile coûte plus de 356 millions d'euros. Il ne revient pas à l'État de financer des dispositifs encourageant l'immigration incontrôlée. Nous voulons réduire ces crédits de 200 millions.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-583 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - L'allocation pour demandeur d'asile n'a pas été revalorisée depuis 2015. Les arguments apportés nous ont toujours surpris : moins d'arrivées, nouvelle loi Immigration... Mais le Gouvernement prévoit une augmentation de 5 % du nombre de demandeurs d'asile en 2025 - ce sont vos chiffres, monsieur le ministre. Dès lors, pourquoi une baisse de l'allocation ? D'autant plus que ces personnes ne peuvent signer de contrat de travail, contrairement aux Ukrainiens. Cette sous-budgétisation, inique, est la marque du manque d'ambition de la politique d'accueil du Gouvernement.

Le Gouvernement préfère diriger le budget vers les CRA et le refoulement. Le ministre de l'intérieur s'inscrit dans une logique de criminalisation des étrangers. Nous souhaitons revenir sur la baisse de 47,2 millions d'euros des crédits.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-527 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Notre amendement maintient l'allocation à son niveau de 2024. Nous ne comprenons pas la ligne du Gouvernement, qui consiste à réduire l'allocation aux demandeurs d'asile, tout en leur refusant le droit de travailler.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis défavorables. Chaque fois, les diminutions de crédits ont été possibles grâce au travail formidable de l'Ofpra. Les droits des demandeurs d'asile seront bien respectés.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

Monsieur Hochart, cela représente 300 millions d'euros en 2025, mais c'était 500 millions en 2019. Notre ligne est donc très volontariste.

En outre, nous avons ajouté 29 ETP pour l'Ofpra, ce qui représente 10 000 décisions supplémentaires. Nous visons un délai de traitement des demandes de deux mois, contre 4,8 aujourd'hui. Et ce n'est pas parce que l'on met plus d'argent qu'on est plus efficace. (Mme Nathalie Goulet renchérit.)

L'amendement n° II-298 n'est pas adopté, non plus que les amendements nosII-583 et II-527 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-520 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Ce budget prévoit la suppression de 6 500 places pour les demandeurs d'asile. Nous proposons de maintenir le parc à son niveau actuel, alors que la demande est considérable et que les demandeurs d'asile vivent souvent dans des conditions déplorables. Nous souhaitons garantir l'exercice effectif du droit d'asile et assurer des conditions de vie dignes aux demandeurs.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-539 de M. Brossat et du groupe CRCE-K.

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Nous vous proposons de renforcer l'action de l'État en matière d'hébergement pour les demandeurs d'asile. Les conséquences de la baisse de 6 500 places sont claires : cela fragilisera les personnes à la rue. Ces personnes sont des hommes et des femmes, souvent accompagnés d'enfants. Nous nous opposons à leur précarisation.

Les procédures seront accélérées devant l'Ofpra, dites-vous ? Mais rien n'est sûr : on prend des décisions vitales sur un fondement hasardeux. Nous devons tout faire pour éviter les conséquences sanitaires et humanitaires d'une telle mesure.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-587 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Monsieur le ministre, quand on met moins d'argent, on plus de chances d'être moins efficace. Seuls 65 % des demandeurs d'asile sont hébergés en 2024. En réduisant le nombre de places, l'État montre qu'il ne se donne pas tous les moyens d'un accueil digne, en contradiction avec la directive européenne sur l'accueil. Pourtant, en avril dernier, la direction des étrangers en France a défini le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés (Snadar), qui doit se déployer dès 2025 : tous les demandeurs d'asile ont droit à un hébergement. C'est en contradiction avec la suppression du nombre de places !

Or les réfugiés ukrainiens sont inclus dans ce chiffre. Le président Macron avait dit qu'il ne voulait plus voir personne dans la rue. C'était en 2017... Nous le rappelons à tous les gouvernements successifs depuis ! Sans parler de la promesse d'être gentil avec les gentils... (M. Roger Karoutchi s'en amuse.)

Nous souhaitons revenir sur cette décision du Gouvernement.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

Les crédits de paiement s'élèveront à 944,8 millions pour le prochain exercice. Actuellement, ces hébergements comptent 17 % de places indues, c'est-à-dire de personnes qui n'ont rien à y faire, comme les déboutés du droit d'asile. (Approbations sur les travées du groupe Les Républicains)

Les amendements identiques nosII-520 rectifié et II-539 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n° II-587.

Mme la présidente.  - Je vous rappelle que nous devons terminer l'examen des amendements à 20 heures...

Amendement n°II-584 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Défendu.  Ah ! » ! sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Philippe Tabarot applaudit.)

L'amendement n°II-584, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-486 du Gouvernement.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Cet amendement concrétise les crédits supplémentaires pour les CRA : 59 millions en AE et 34 millions en CP.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-606 de Mme Schillinger et du RDPI.

Mme Patricia Schillinger.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-299 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Pourquoi ne pas porter les crédits à 100 millions pour les CRA ? Cela évitera que neuf personnes ne s'évadent du CRA de Nice, par exemple.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis favorable aux amendements nosII-486 et II-606, avis défavorable à l'amendement n°II-299.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Mêmes avis.

Les amendements identiques nosII-486 et II-606 sont adoptés.

L'amendement n°II-299 n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-521 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous voulons renforcer les moyens du personnel de santé au sein des CRA.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-521 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-522 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - L'un des rares mérites de la loi Immigration et intégration est d'avoir interdit le placement des mineurs en CRA. Mais cette interdiction ne s'étend pas aux zones d'attente. Il faut leur proposer des solutions d'hébergement dignes.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Rapidement, car je doute de pouvoir revenir samedi (sourires) : le placement en CRA est conforme au droit international, notamment à la convention de Chicago, ainsi qu'au droit européen.

Mme Corinne Narassiguin.  - Il faut des moyens !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Ils y bénéficient d'un examen médical et d'un accès à un avocat. Le mineur est protégé.

L'amendement n°II-522 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-580 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Le nombre de femmes étrangères subissant des violences ou en ayant vécu depuis leur arrivée en France est considérable. Pourtant, la tarification des places qui leur sont dédiées n'a pas été revalorisée depuis longtemps : il faut prendre en compte les spécificités de ces personnes.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-580 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-528 rectifié de M. Bourgi et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous avions proposé d'interdire le placement en rétention des personnes en situation de handicap ou présentant des troubles mentaux lors de loi Immigration. C'est donc un amendement de repli : nous proposons de doter chacun des CRA d'un professionnel de la santé mentale, à l'heure où le Premier ministre veut en faire une grande cause nationale.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - À chaque placement en CRA, un examen de vulnérabilité est effectué, qui prend en compte l'état psychologique de l'étranger. Les CRA offrent aussi une assistance médicale. Avis défavorable.

L'amendement n°II-528 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-300 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Défendu.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-300 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-581 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Nous voulons créer un programme dédié aux opérations de recherche et de sauvetage en mer. Plus de 11 600 mineurs non accompagnés ont traversé la Méditerranée entre janvier et septembre 2023. Dans la Manche, 54 décès ont été recensés en 2024.

On a dit que les ONG étaient des auxiliaires de passeurs. Ces mafias gagnent des milliards ? Nous sommes d'accord. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Avec l'appui des ONG ? Nous ne sommes pas d'accord.

Nous regrettons cette vision sécuritaire qui transforme nos mers en cimetières !

Mme la présidente.  - Amendement n°II-608 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Défendu.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Demande de retrait. Il y aurait beaucoup à dire sur un certain nombre d'ONG, monsieur Benarroche. Mais le sauvetage en mer ne dépend pas de mon ministère, il dépend du secrétariat général à la mer, rattaché au Premier ministre.

L'amendement n°II-581 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-608 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-526 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous voulons rehausser le budget de l'Ofpra, pour améliorer la formation des agents de protection.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis. L'Ofpra bénéficiera de 29 ETP supplémentaires.

L'amendement n°II-526 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-523 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous voulons augmenter les crédits du pôle « Protection » de l'Ofpra, qui délivre les titres d'état civil.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-523 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-530 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Lors de l'examen de la loi Immigration, nous avons longuement débattu de l'apprentissage linguistique. La loi prévoit des exigences disproportionnées. Nous voulons abonder le programme « Intégration » de 100 millions d'euros, afin de répondre à ces nouvelles exigences.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-529 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Cet amendement prévoit d'abonder de vingt millions les crédits du programme 104.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-530 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-529 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-586 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - La non-maîtrise de la langue peut représenter un facteur d'exclusion, mais la langue est aussi un formidable outil d'intégration, quand on y met les moyens.

Or la loi Immigration prévoit des exigences supplémentaires. Supprimer les budgets alloués aux formations linguistiques rendra presque impossible l'accès à la langue française, et donc à la stabilité administrative. Pas de budget aux associations ni à l'Ofii, monsieur Karoutchi ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Ces nouvelles exigences sont discriminatoires, c'est un facteur d'exclusion.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait. Monsieur Benarroche, je ne peux pas laisser dire que rien n'est fait. Certes, nous passons avec la loi Immigration à une logique de résultats. Avec 600 heures en présentiel prévues, ainsi que des modules complémentaires à distance, oui, les étrangers pourront apprendre le français.

L'amendement n°II-586 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-585 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Défendu.

L'amendement n°II-585, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-296 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-540 de M. Brossat et du groupe CRCE-K.

Plusieurs voix à droite.  - Défendu !

Mme Evelyne Corbière Naminzo.  - Pardonnez-moi, mais nous parlons d'êtres humains qui se retrouvent sur le sol de la République. Il faut avoir un minimum d'égards envers eux ! (M. Stéphane Ravier s'exclame.)

Nous voulons renforcer l'action de l'État en faveur des foyers de migrants, pour leur garantir un hébergement convenable. Il s'agit d'hommes et de femmes, accompagnés d'enfants.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis défavorable pour l'amendement n°II-296, demande de retrait pour l'amendement n°II-540.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-296 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-540.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-524 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Cet amendement d'appel prévoit un nouveau programme consacré à la régularisation par le travail. Monsieur le ministre, votre politique est une impasse ! Vous laissez entendre que la France régulariserait à tours de bras, mais c'est faux. On compte 30 000 étrangers régularisés chaque année, soit 0,5 % de la population étrangère vivant en France. Sur ces 30 000, 10 000 le sont pour des raisons économiques. Ce n'est que 0,03 % de la population active ! Il y a urgence à aborder ces sujets avec responsabilité.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-582 de M. Benarroche et alii.

M. Guy Benarroche.  - Sans régularisation des travailleurs sans papiers, la politique d'intégration est sans issue. Certains l'ont bien compris, chers collègues de droite : le Medef, les représentants des chambres de commerce et d'industrie.

Ces étrangers travaillent en France depuis des années. (MM. Stéphane Ravier et Joshua Hochart s'exclament.) Ils travaillent dans le secteur du BTP, des plateformes, de la livraison ou du nettoyage. (M. Roger Karoutchi manifeste sa désapprobation.)

M. Stéphane Ravier.  - 500 000 de plus, camarade Benarroche !

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Notre pays compte plus de 460 000 étrangers en situation régulière qui sont inscrits à France Travail. Avis défavorable. (« Très bien ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°II-524 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-582.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », modifiés, sont adoptés.

Article 45 (État G)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-531 rectifié de Mme Narassiguin et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Cet amendement vise à créer un nouvel indicateur pour mesurer l'efficacité des moyens mobilisés en matière de formation linguistique. Depuis la loi Immigration et intégration, les primo-arrivants devront atteindre un niveau de français semblable à celui exigé par un étranger vivant en France depuis quatre ans.

Cela semble impossible, en plus d'être injuste et disproportionné, tant les centres de formation sont saturés.

Il faut un nouvel indicateur.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale.  - Sagesse.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-531 rectifié est adopté.

(Mmes Laurence Harribey et Patricia Schillinger applaudissent.)

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Laure Darcos.  - Lors du scrutin n°142, MM. Jean-Luc Brault, Louis Vogel, Alain Marc, Jean-Pierre Grand, Marc Laménie, Pierre Médevielle et Claude Malhuret souhaitaient s'abstenir.

Acte en est donné.

La séance est suspendue à 20 h 05.

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Sécurités

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des crédits de la mission « Sécurités » et du compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » du projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la commission des finances - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je veux commencer par adresser un message de reconnaissance à l'ensemble des forces sous votre autorité, monsieur le ministre - police nationale, gendarmerie, sapeurs-pompiers - pour leur travail extraordinaire en cette année 2024, où elles ont été diablement sollicitées : pour les anniversaires des différents débarquements, ainsi que pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), qui ont été un succès sportif, patrimonial, mais aussi sécuritaire. La sécurité des Jeux a coûté 1,1 milliard d'euros, cela a pesé dans le budget 2024. Je pense aussi aux événements d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie, en Martinique et à Mayotte, qui ont mobilisé beaucoup de moyens, pour un coût estimé à 150 millions d'euros.

À enveloppe constante, nous avons eu du mal à finir l'année, d'où les impayés de loyer de gendarmerie, pour 90 millions d'euros. Le projet de loi de fin de gestion permet un rattrapage.

Les crédits pour 2025, de plus de 24 milliards d'euros, s'inscrivent dans la suite de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Les besoins sont énormes, notamment pour la lutte contre le narcotrafic dont vous avez fait votre priorité, monsieur le ministre. Aucun département n'est épargné : dans la Vienne, nous avons été marqués par les événements de Poitiers, ville pourtant paisible...

Nous avons besoin de moyens humains. La copie qui nous est soumise ce soir en prévoit, notamment pour la police nationale - moins pour la gendarmerie. En zone police, la police nationale bénéficie du concours de la police municipale ; ce n'est pas le cas en zone gendarmerie. La question des moyens humains y est donc essentielle.

La police manque de moyens matériels. En 2024, l'enveloppe contrainte a empêché de procéder à certains achats ; il y sera remédié en 2025.

Pour la gendarmerie, l'effort porte sur l'immobilier. Nous avons besoin sur le terrain de gendarmeries, pour répondre aux missions et renforcer l'attractivité de la profession. Nous nous sommes déplacés à Dijon, à Satory. Il y a des projets de nouvelles gendarmeries dans la Vienne, à Loudun, ou dans la Nièvre. (Mme Nadia Sollogoub approuve.) Ces nouvelles brigades - 80 en en 2024, 57 en 2025 - devront être armées : on en revient à la question des moyens humains.

Lors de la mission « Immigration », nous évoquions la programmation de nouveaux centres de rétention administrative (CRA) : là aussi, il faudra des moyens humains pour les faire fonctionner. Même chose pour la police aux frontières, qu'il nous faudra renforcer tant que nous aurons un semblant d'Europe heureuse et une Afrique malheureuse...

Je ne m'étendrai pas sur la sécurité routière et le compte spécial « Radar » - nous y reviendrons lors de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.) Je veux saluer les sapeurs-pompiers, personnels navigants, formations militaires, démineurs et associations agrées de la sécurité civile, particulièrement mobilisés en cette année 2024. La réussite des JOP n'aurait pas été possible sans l'engagement des professionnels et des bénévoles qui font la force de notre modèle.

Des inondations sans précédents qui ont marqué l'année 2024 soulignent la nécessité de disposer de moyens humains et matériels adaptés. En ce sens, le PLF 2025 prévoit 861 millions d'euros en AE et 831 millions en CP. Dans l'attente des conclusions du Beauvau de la sécurité civile, le programme 161 est stable.

La baisse des crédits d'investissement par rapport à 2024 est à nuancer : les investissements varient d'une année à l'autre en fonction des commandes d'aéronefs - or le renouvellement de la flotte de bombardiers d'eau est reporté à 2030. D'autre part, la loi de finances initiale pour 2024 avait prévu d'importants crédits d'investissement pour la sécurisation des JOP et la création d'une nouvelle unité terrestre.

La baisse modérée des crédits ne remet pas en cause les capacités opérationnelles de la sécurité civile à court terme. La location d'aéronefs, les colonnes de renfort sont budgétées, notamment pour faire face aux risques de catastrophes naturelles.

La saison des feux de forêt de 2024 a été sous contrôle - heureusement, car l'hypermobilisation des agents pendant les JOP, doublée d'un taux de disponibilité anormalement bas des bombardiers d'eau, aurait pu conduire à une rupture capacitaire.

Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu, avec la livraison des trois premiers modèle H145 d'ici la fin de l'année. Le budget 2025 pérennise les crédits dédiés à la location, avec 30 millions d'euros pour la location de dix hélicoptères et six avions.

Je m'inquiète du renouvellement, sans cesse repoussé, de la flotte des douze canadairs français. Les deux premiers appareils commandés ne devraient être livrés qu'en 2030. Il faudra composer avec une flotte vieillissante au moins cinq ou dix ans, ce qui risque de conduire à faire évoluer la doctrine française de lutte contre les incendies.

Les pactes capacitaires sont destinés à renforcer les moyens des Sdis par l'acquisition de matériels, notamment de véhicules, cofinancés par l'État. Une enveloppe additionnelle de 150 millions d'euros en AE avait été inscrite dans le PLF 2023. Promesse tenue : 37 millions d'euros de CP ont été consommés en 2023, 29 millions en 2024, 45 millions d'euros sont prévus pour 2025. C'est une source de satisfaction, malgré quelques retards. La mutualisation des commandes au niveau national a permis de baisser le prix d'achat de 30 %. Notons toutefois que les pactes capacitaires sont un dispositif de financement exceptionnel dont l'entièreté des crédits devra être consommée d'ici à 2027.

La mission de nos collègues Rapin et Roux sur les inondations a mis en évidence les limites capacitaires auxquelles sont confrontés nos services de secours. Il faut réfléchir à des dispositifs de financement dédiés à la prévention et à la lutte contre le risque inondation.

Les événements de Valence rappellent l'impératif de disposer d'outils de communication et d'alerte fonctionnels. Les projets NexSIS, FR-Alert et la mise en place d'un numéro d'urgence unique sont en cours, mais nécessitent des financements publics et une volonté politique.

Le Beauvau de la sécurité civile devrait aboutir au printemps 2025 à la présentation d'un projet de loi pour « poser les bases d'un modèle de sécurité civile renouvelé », trente ans après la départementalisation des services d'incendie.

Par ses divers travaux de contrôle, par l'adoption de résolutions sur les sapeurs-pompiers volontaires, par ses débats sur le financement des Sdis par la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA), le Sénat a fait valoir ses positions.

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes et M. Marc Laménie applaudissent également.)

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - En conformité avec la trajectoire prévue par la Lopmi, le budget de la gendarmerie nationale augmente de 11,4 milliards d'euros en AE et 10,9 milliards en CP, soit une hausse de 500 millions d'euros. C'est une bonne nouvelle, mais le tableau est contrasté : effort sur l'investissement, coup d'arrêt sur les effectifs.

L'an dernier, l'augmentation des crédits avait été largement absorbée par les dépenses de personnels. Cette année, c'est l'investissement immobilier qui bénéficie de l'essentiel de la hausse : 295,2 millions d'euros en AE et 175,5 millions en CP. On réamorce enfin la pompe - mais on reste loin des 400 millions d'euros nécessaires. Seule une programmation inscrite dans la durée évitera la dégradation irrémédiable du parc et le glissement vers le locatif, plus coûteux à terme. Le nouveau directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) en a dessiné les contours lors de son audition. La suspension du paiement des loyers de 5 000 casernes aux collectivités, en raison des coûts non budgétés liés aux JOP et à la Nouvelle-Calédonie, n'aura pas renforcé la confiance.

La trajectoire budgétaire de la gendarmerie obéit à un mouvement de balancier : un coup les effectifs, un coup l'investissement immobilier. Ce n'est pas satisfaisant, mais il n'y a pas de solution miracle.

Notre commission préconise l'adoption des crédits, et attend une explication du Gouvernement sur l'amendement qui annule près de 19 millions d'euros de crédits au profit de la police nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Darras, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères .  - Le titre II du projet de budget de la gendarmerie nationale est correctement doté, avec une hausse de 83 millions d'euros par rapport à 2024 - mais celle-ci ne couvre que la mise en oeuvre des primes et mesures indiciaires. Aucun recrutement n'est programmé en 2025. L'absence des 500 emplois prévus dans la Lopmi complique le déploiement des 57 brigades annoncées en 2025.

Monsieur le ministre, vous dites vouloir faire évoluer ce schéma d'emplois. Ce serait une bonne chose, pour maintenir le lien de confiance avec les collectivités.

La baisse marquée du budget de la réserve, de 15 millions d'euros, est en contradiction avec l'objectif de la Lopmi de 50 000 réservistes en 2027 - sauf à diminuer le nombre de jours annuels effectués, au risque d'amoindrir la motivation des réservistes. La réserve assure un rôle de plus en plus important, assurant la quasi-totalité du spectre des missions.

Financés par le Royaume-Uni, 441 réservistes sont mobilisés contre l'immigration illégale sur les côtes de la Manche et de la Mer du Nord, dans des conditions très dures : les passeurs se professionnalisent, usent de violence, se servent d'enfants comme boucliers. Puisse le Royaume-Uni évoluer et rétablir une voie légale.

La réserve est donc bien une composante indispensable à la gendarmerie, y compris dans les conditions d'emploi les plus dures.

Un bilan de mi-parcours de l'exécution de la Lopmi pour la gendarmerie serait bienvenu. En attendant, notre commission préconise l'adoption des crédits du programme 152. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes applaudit également.) Plusieurs leçons doivent être tirées de l'exercice 2024.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - On va dire ça comme ça.

M. Henri Leroy.  - Le défi de la sécurisation des JOP a été relevé. Le coût de 1,1 milliard d'euros est important mais montre qu'il est possible de sécuriser efficacement l'espace public, si l'on s'en donne les moyens.

Les forces de l'ordre ont fait face à une succession de crises qui ont culminé avec les émeutes de Nouvelle-Calédonie. Ces crises étant récurrentes, nous devrions réfléchir à un système de provision pour surcoûts analogue à celui qui existe pour les surcoûts des Opex.

Alors que nos finances publiques sont dans un état critique, la mission « Sécurités » est préservée dans ce budget : c'était indispensable, au vu des enjeux sécuritaires.

Les crédits pour la police et la gendarmerie progressent de 4,2 %, ce qui n'est en rien négligeable. Cela dit, les schémas d'emploi nuls marquent un renoncement à l'objectif de la Lopmi qui prévoyait 856 ETP supplémentaires cette année. Cela risque de poser problème, dès lors que le programme de création de 238 nouvelles brigades de gendarmerie demeure, lui, inchangé.

S'agissant de la police nationale, la Lopmi n'a pas enrayé l'effet ciseau entre la masse salariale et les moyens matériels.

Des efforts structurels resteront à mener. Ainsi de la remise à niveau du parc immobilier de la gendarmerie, un colossal chantier estimé à 2,2 milliards d'euros. Monsieur le ministre, vous portez ce combat, la commission des lois vous soutiendra.

La hausse des crédits malgré le contexte budgétaire constitue un motif de satisfaction. La commission des lois préconise leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Isabelle Florennes et M. Marc Laménie applaudissent également.)

Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption du programme 161 relatif aux moyens de la sécurité civile, sanctuarisés malgré le contexte budgétaire contraint.

Cette année a de nouveau illustré le défi que représente le dérèglement climatique, qui exige des investissements massifs pour lutter tant contre les feux de forêts que contre les inondations.

La hausse des montants consacrés aux pactes capacitaires soutiendra les Sdis pour l'acquisition de camions-citernes et de moyens de pompage. Ces crédits sont néanmoins loin d'être suffisants. Il est urgent de définir un modèle de financement crédible pour nos Sdis, qui sont à bout de souffle.

La commission des lois a salué la hausse des crédits pour le renouvellement de la flotte d'hélicoptères : après les trois premiers H145 attendus au titre de 2024, ils financeront l'acquisition de huit autres appareils. La trajectoire définie par la Lopmi sera donc respectée.

La faiblesse des crédits pour l'achat de canadairs compromet le respect des objectifs annoncés par le Président de la République : les livraisons arriveront au mieux en 2028. Le renoncement en cours d'année à la commande de deux canadairs hors programme européen est un signal d'alerte. En attendant des réponses à l'échelle européenne, le maintien des montants de location des aéronefs garantit la réactivité de la flotte durant la saison des feux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Olivier Bitz applaudit également.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances.  - En application de l'article 46 bis, alinéa 2 du règlement du Sénat, je sollicite l'examen séparé de certains amendements au sein des missions « Économie », « Justice », « Relations avec les collectivités territoriales » et « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » pour permettre des regroupements par thématique et non plus par gage. On évitera ainsi les discussions communes sur un nombre excessif d'amendements.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien.

Il en est ainsi décidé.

M. Marc Laménie .  - Finances, lois, défense : trois commissions sont concernées, c'est dire l'importance de cette mission.

Après une année 2023 marquée par les manifestations contre la réforme des retraites, contre les mégabassines, ou les émeutes dans les banlieues, l'année 2024 a été une année d'engagement intense, avec la tenue des JOP - je salue les forces de l'ordre qui ont relevé le défi de leur sécurisation et participé à leur réussite - mais aussi de violents affrontements dans les outre-mer. En Nouvelle-Calédonie, les violences ont fait treize morts, dont deux gendarmes, et des centaines de blessés. Ces violences, ces dégradations sont inacceptables.

Nous nous félicitons que le budget « Sécurités » soit en hausse, car les Français nourrissent de fortes attentes en matière de lutte contre l'insécurité. Les contraintes budgétaires ne peuvent limiter l'exercice des missions régaliennes de l'État.

La Lopmi prévoyait une augmentation des recrutements. Le budget que nous examinons les suspend : cela ne va pas dans le bon sens. Nous devons respecter la loi de programmation et tenir notre engagement de remettre du bleu dans la rue, comme le demandent nos concitoyens. L'insécurité progresse : la lutte contre le narcotrafic et la criminalité organisée sera le grand chantier des années à venir. La gangrène touche désormais les villes moyennes, théâtre de règlements de compte, et même les zones rurales. Nous ne pouvons plus laisser faire. Dans la lignée des opérations « place nette », nous devons continuer la lutte contre ce fléau.

Nous comptons sur la gendarmerie et la police pour protéger nos concitoyens contre le risque terroriste, contre la délinquance du quotidien mais aussi contre les débordements imprévisibles - sans oublier les violences intrafamiliales et les interventions à caractère social. Face à l'augmentation des flux migratoires, il faut des moyens humains pour surveiller les frontières et éloigner les étrangers en situation irrégulière. Les forces de l'ordre veillent en outre à la sécurité routière.

Avec des missions aussi vastes, il est clair que les moyens des forces de l'ordre doivent être augmentés. Il nous faut susciter des vocations auprès des jeunes - je pense aux cadets de la gendarmerie. Des postes restent vacants dans les départements les moins attractifs. La réserve opérationnelle mérite notre attention.

Notre groupe sera attentif à ce que cette mission soit suffisamment dotée. Nous nous opposerons à tout amendement réduisant ses crédits.

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce projet de budget a été préparé dans un contexte difficile de dérapage record des finances publiques. Pourtant, la hausse de 0,7 milliard d'euros en AE et 1 milliard d'euros en CP en faveur de la police nationale et de la gendarmerie témoigne de l'effort consenti, qui résulte du choix fait par le Gouvernement de prioriser la sécurité publique.

L'urgence sécuritaire n'a pas été sacrifiée sur l'autel de l'urgence budgétaire. Monsieur le ministre, vos débuts remarquables et remarqués s'inscrivent dans les efforts de vos prédécesseurs et dans la trajectoire inédite de la Lopmi.

Pourtant, pour 1 000 euros de dépenses publiques, seuls 23 euros sont dédiés à la sécurité, contre 575 euros à la dépense sociale. Le budget régalien, quasi clochardisé, est à l'os, à côté d'un État social obèse et impotent. La vie de milliers de Français et la sécurité de millions d'autres sont en jeu.

La France est devenue l'homme dangereux de l'Europe : selon l'indice de paix globale, la France est classée troisième pays le plus dangereux d'Europe ; le taux de criminalité organisé est plus élevé que celui de ses voisins occidentaux.

Mme Nathalie Goulet.  - Et voilà !

M. Stéphane Le Rudulier.  - La douce France chantée par Charles Trenet a laissé la place au diktat des narcotrafiquants, souvent sur fond d'enclave islamique. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie proteste.)

Nous ne pouvons pas lutter contre cette nouvelle barbarie avec les moyens et les outils d'hier. Marianne défigurée doit retrouver sa dignité ! (Protestations à gauche)

La France Orange mécanique (Mme Marie-Pierre de La Gontrie exprime son exaspération) ne se combat que d'une seule manière : en donnant les moyens à ces héros anonymes du quotidien que sont les policiers et les gendarmes.

Ce budget est en hausse, mais il marque le pas en matière de recrutement : c'est un sujet d'inquiétude. Pour la gendarmerie nationale, c'est un recul important par rapport à la Lopmi, qui prévoyait une cible de plus de 500 ETP. Henri Leroy l'a dit, les objectifs opérationnels de la Lopmi restent inchangés.

Pour la police nationale, le gel des recrutements constitue un renoncement à 356 emplois. L'absence de moyens humains pourrait s'avérer préjudiciable à terme.

L'année 2024 a été celle du plus grand succès sécuritaire contemporain : les jeux Olympiques et l'organisation d'une cérémonie en plein air, le long de la Seine. On note également la baisse de certains types de délinquance. C'est à saluer, et le Gouvernement peut se féliciter aujourd'hui de la récolte du courage qu'il a semé. Mais nous ne remercierons pas nos forces de l'ordre par des gels de recrutements...

Le deuxième motif d'inquiétude est lié à la situation du parc immobilier de la gendarmerie nationale. La gendarmerie nationale est propriétaire de 649 casernes. Mais le sous-investissement chronique a constitué, d'après la Cour des comptes, une dette grise estimée à 2,2 milliards d'euros.

M. Michel Canévet.  - C'est vrai !

M. Stéphane Le Rudulier.  - Les crédits d'investissement sont en hausse de 62 millions d'euros, mais cela reste insuffisant pour la remise à niveau nécessaire. Le modèle de patrimoine de la gendarmerie nationale est à bout de souffle. Il faut un changement de paradigme, peut-être en facilitant le recours au partenariat public-privé. Monsieur le ministre, je sais que vous en êtes conscient.

Exceptés ces deux points d'inquiétude, le budget 2025 s'inscrit dans la continuité des priorités des précédents gouvernements. Il s'agit de faire de la sécurité un pilier central de nos politiques publiques.

De grâce, ne ralentissons pas le rythme : chaque euro d'argent public en moins pour la sécurité est une parcelle de plus grignotée par les narcotrafiquants, les criminels et les délinquants qui avancent à grands pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

Mme Patricia Schillinger .  - Nous abordons une pierre angulaire du budget de l'État : ces crédits s'élèvent à 24,3 milliards d'euros, en hausse de 1 milliard d'euros. Le RDPI salue cette hausse dans un contexte tendu et la volonté de sanctuariser les moyens grâce à la Lopmi. Mais la stagnation des effectifs prévus en 2025 s'inscrit à rebours des objectifs de cette dernière, notamment pour la gendarmerie, alors que la création de nouvelles brigades est indispensable.

Pour la police nationale, la cannibalisation des dépenses de personnel au détriment des dépenses d'investissement freine la modernisation pourtant essentielle.

Les crises récentes, en Nouvelle-Calédonie, ou l'organisation des JOP, ont montré la nécessité d'avoir des forces de l'ordre mobilisées et équipées. L'année 2024 a révélé la nécessité d'une provision budgétaire des crédits de la mission « Sécurités », sur le modèle des Opex.

En matière de sécurité numérique, la hausse de 49 % des crédits est un progrès mais nécessite des ressources humaines adaptées.

L'état préoccupant du parc immobilier de la gendarmerie, avec une dette grise de 2,2 milliards d'euros, pourrait appeler des innovations financières comme les partenariats public-privé.

Je salue l'engagement du ministre de l'intérieur de permettre aux gendarmes d'honorer les dettes de loyers dues aux collectivités territoriales. Il est impératif de garantir des conditions de travail dignes pour les forces de l'ordre notamment dans les zones rurales et outre-mer.

Fruit d'un compromis nécessaire, ce budget traduit toutefois une volonté sincère de poursuivre les efforts engagés en vue de garantir et renforcer la sécurité des Français. Mais pour y parvenir, il faudra renforcer les recrutements en respectant la Lopmi, réviser nos priorités en matière d'investissement, notamment immobilier et amplifier le soutien aux collectivités territoriales, partenaires indispensables pour équiper les Sdis.

Face aux défis, ce budget témoigne d'une réelle volonté de soutien aux forces de l'ordre. Le RDPI votera ces crédits.

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La mission « Sécurités » vise à assurer la sécurité intérieure et à intensifier la lutte contre les incendies et pour la sécurité routière. On doit donc sans trembler allouer les moyens nécessaires à des missions aussi essentielles.

La trajectoire globale proposée pourrait paraître insuffisante pour atteindre cet objectif. Les crédits augmentent de 3,6 % par rapport à 2024, mais il faut analyser la hausse au regard des coupes budgétaires et des dépenses exceptionnelles prévues en Nouvelle-Calédonie.

Pour les programmes 176 et 152, nous aurions souhaité davantage de crédits. La Cour des comptes a alerté sur le bilan contrasté de la première année d'exécution de la Lopmi. L'exécution budgétaire conduit le Gouvernement à un statu quo s'agissant des recrutements.

Pour la sécurité de nos concitoyens, la présence de bleu est un facteur clé pour retrouver un lien direct avec la population. Les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) sont une charge supplémentaire pour les collectivités, destinée à pallier le manque de policiers.

La formation initiale des policiers et des gendarmes devrait être renforcée, comme le suggérait le rapport de Maryse Carrère et Catherine Di Folco.

Sur la sécurité civile, nous avons débattu samedi dernier des amendements notamment du RDSE tendant à revaloriser la TSCA qui finance les Sdis. J'ai entendu les remarques sur le Beauvau de la sécurité qui traitera de ce sujet. Mais il est impératif d'allouer des moyens pour lutter contre les inondations ou les incendies ; le RDSE a organisé un débat à ce sujet voilà quelques semaines. Il faut des crédits d'investissement, par exemple pour l'achat de moyens de pompage pour lutter contre les inondations, dans le Lot-et-Garonne notamment.

Notre groupe votera ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Isabelle Florennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je salue l'engagement des forces de l'ordre dans l'organisation des JOP et dans la sécurisation des cérémonies de commémoration des débarquements de Provence et de Normandie et de la libération de Paris. Grâce aux 35 000 policiers et gendarmes, sans oublier les 45 000 bénévoles, la ferveur populaire a pu s'exprimer librement et sans crainte ; mais cette quiétude a coûté 814 millions d'euros pour la police nationale et 327 millions d'euros pour la gendarmerie nationale. Espérons que ces coûts, ainsi que ceux liés aux évènements de Martinique, Mayotte et Nouvelle-Calédonie seront cantonnés à 2024.

Dans le projet annuel de performance (PAP), rien n'est dit à propos des programmes 176 et 152 des mesures à prendre pour éviter que la France soit replongée dans les situations insurrectionnelles qu'elle a traversées et qui ont coûté 1 milliard d'euros de dégâts. Certes, l'action 01 « Ordre public et protection de la souveraineté » du programme 176 de la police nationale voit son budget augmenter de 14,28 % et l'équivalent pour la gendarmerie nationale augmente de 1,05 %, mais rien n'est spécifié.

Le rapport d'information de la commission d'enquête sur les émeutes avait recommandé 25 mesures, dont 6 susceptibles d'être reprises dans la loi de finances : garantir l'adéquation des forces de l'ordre, doter les forces de l'ordre de matériels contre les émeutes, consolider et amplifier les activités de renseignement dans les quartiers sensibles, faciliter le déploiement de la vidéoprotection, assurer un traitement judiciaire des violences urbaines efficaces en contexte d'émeutes. Ces propositions n'apparaissent pas dans le PAP pour 2025, je le regrette.

L'un des objectifs du programme 176 est l'accueil des usagers. Le département des Hauts-de-Seine compte 25 commissariats pour 1,6 million d'habitants et 36 communes, et l'on envisage d'en fermer 6 ou 7. Comment maintenir dans ces conditions un lien de proximité ? La réponse n'est pas dans le renforcement de la police municipale.

Malgré cela, notre groupe votera majoritairement ces crédits.

Mme Cécile Cukierman .  - Puisque tout le monde continue de faire comme si de rien n'était (M. Bruno Retailleau lève les yeux au ciel en signe de fatalisme), je ferai de même.

M. Philippe Tabarot.  - Cela ne dépend pas de nous !

Mme Cécile Cukierman.  - La sécurité est une des grandes missions régaliennes de l'État : c'est un élément essentiel du pacte républicain.

Trop souvent, nos concitoyens ont l'impression d'être abandonnés. Cela nourrit le sentiment d'insécurité au sein de la population. Les violences urbaines d'il y a un peu plus d'un an ont nourri ce désarroi.

L'État ne peut sans cesse se reposer, pour cette mission régalienne, sur les collectivités territoriales, même si elles sont indispensables. La police municipale ne remplacera jamais la police de proximité. Les Sdis seront efficaces aussi longtemps que l'État les soutient.

La sécurité n'est pas la propriété exclusive de quelques sensibilités politiques ; elle est notre bien commun. Ma sensibilité politique a eu à en connaître dès les années 1980 : je pense aux émeutes des Minguettes. Il s'agit de garder une cohérence communale : prévenir, assurer le vivre ensemble et, quand cela est nécessaire, réprimer.

Le déploiement du narcotrafic nourrit notre préoccupation. Nous en débattrons lors de l'examen de la proposition de loi d'Étienne Blanc et Jérôme Durain. Sur ce sujet-là, les polices municipales, armées ou non, et les caméras ne peuvent rien faire : il faut des forces de sécurité de l'État.

Nous souhaitons, par le biais de trois amendements, donner les moyens à la gendarmerie nationale d'exercer ses missions et déployer une véritable police de proximité, si regrettée depuis la décision de Nicolas Sarkozy. La question budgétaire ne peut imposer une baisse des effectifs. Tout s'est bien passé pendant les JOP, même si cela a été dur pour les policiers, privés de leurs congés. Pourquoi ? Dans les sites olympiques, les policiers ont exercé leur mission sereinement, car ils étaient nombreux. Cette alchimie a fonctionné pour eux, comme pour les visiteurs.

Nous ne voterons pas cette mission, car elle traduit une politique qui ne répond pas à nos attentes. Les premières victimes de l'insécurité ce sont les quartiers populaires, les plus pauvres, les plus démunis face aux trafics. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du RDSE)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Sans surprise, nous ne voterons pas la mission. Elle augmente de 3,5 %, bien sûr, mais cette hausse masque les évolutions structurelles choisies. Le budget de la mission est en contradiction avec la Lopmi, car il n'y a pas de schéma d'emploi - où sont les 8 000 emplois supplémentaires prévus ?

Le budget de la police judiciaire serait réduit de 8 %, alors que le Gouvernement fait de la lutte contre le narcotrafic une priorité. Les forces de l'ordre sont condamnées à faire de la politique du chiffre sur le terrain - politique épuisante, inefficace et insensée.

Autre mesure incompréhensible : la réduction des crédits de 2,9 millions à 1,6 million d'euros du plan dédié à la lutte contre le suicide chez les policiers, alors qu'on en compte plus de mille ces dernières années.

Incompréhension toujours, sur la réduction des moyens dotés de la sécurité civile, alors que le changement climatique augmente le risque d'incendie. Mais le Gouvernement coupe dans les budgets, mettant en tension les canadairs. Si les JOP sont finis, ce n'est pas le cas de la crise climatique. Que répondrez-vous à ceux qui auront perdu leur maison, brûlée par un mégafeu ?

Le budget augmente pour l'appareil répressif, mais baisse pour le secours aux personnes, alors qu'il faut une réforme d'ampleur : rétablir la confiance de la population envers les forces de l'ordre. Il faut mettre un terme aux contrôles d'identité discriminatoires, aux images de manifestants pacifiques au sol, aux tirs de LBD qui font perdre un oeil...

M. Joshua Hochart.  - Pacifiques ?

Mme Mélanie Vogel.  - Oui, je l'ai précisé ! Tout cela mine le rapport des citoyens avec la police. Parce que la doctrine du maintien de l'ordre que nous utilisons polarise et augmente la violence qu'elle devrait au contraire combattre. Il faut remettre la désescalade et le respect de la déontologie au centre.

La Cour des comptes recommande que les policiers qui encadrent les manifestations soient formés à cet exercice.

Pour éviter que des unités soient envoyées toujours plus loin dans les territoires qu'elles ne connaissent pas, il faut une police de proximité.

Il faut des réponses globales outre-mer, pour éviter des dépenses d'intervention importantes comme celles de 140 millions d'euros en Nouvelle-Calédonie.

Il faut créer une Autorité de contrôle indépendante pour la police nationale et la gendarmerie nationale, capable de sanctionner la méconnaissance des règles déontologiques. Mais votre budget ne prévoit rien de tel. Nos amendements visent à corriger le tir pour engranger des mesures structurelles ; sans cela, nous voterons contre les crédits. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Mme Corinne Narassiguin .  - (M. Michaël Weber applaudit.) Le groupe SER se félicite de l'augmentation des crédits pour les forces de sécurité intérieure, qui traduit de façon plutôt satisfaisante la Lopmi. Expliquez-nous tout de même le tour de passe du Gouvernement : un amendement augmente les crédits de 123 millions d'euros et deux autres les baissent de 80 millions d'euros ?

Nous portons toutefois un regard critique sur certains manquements. Ainsi, aucune création de postes n'est prévue. On nous rétorque que cela sera compensé l'année prochaine. Mais avec la publication du récent rapport de la Cour des comptes sur la police de Marseille, permettez-nous d'en douter !

Le rapport de Nadine Bellurot et Jérôme Durain, qui établit la nécessité de rééquilibrer les effectifs entre voie publique et investigation, avait fait consensus, tout comme le rapport de la commission d'enquête sur le narcotrafic. Nous avons pris bonne note de vos annonces de Marseille.

Permettez-nous de relever certaines inquiétudes soulevées par la Cour des comptes à propos de l'Office anti-stupéfiants (Ofast).

Mme Nathalie Goulet.  - Ça !

Mme Corinne Narassiguin.  - Des trafiquants ont essayé de récupérer de la cocaïne saisie à Roissy par l'Ofast le 22 novembre dernier ! La Cour des comptes relève des marges de progrès dans la lutte contre le blanchiment, notamment par des effectifs au sein de la police judiciaire. Comment répondez-vous à ce problème ?

Ensuite, le parc immobilier de la gendarmerie soulève des inquiétudes. La Lopmi a prévu la création de 200 brigades de gendarmerie d'ici la fin du quinquennat ; mais sans effort supplémentaire, nous n'y parviendrons pas.

Les crédits accordés à la sécurité civile sont réduits de 5,6 % par rapport à 2024 ; mais elle avait reçu 140 millions d'euros de plus cette année.

Nous ne déposerons pas d'amendements sur ce programme, afin de ne pas nuire à la hausse des moyens en faveur de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Néanmoins, nous avons quelques préoccupations. Les douze canadairs de notre flotte sont trop souvent défaillants, alors que nos pompiers sont confrontés à de plus en plus d'incendies : d'ici à 2050, la moitié de nos forêts seront soumises à des incendies de plus en plus fréquents. La Lopmi avait ainsi prévu l'achat de 16 nouveaux canadairs. La France a fait le choix de mutualiser ses achats avec ses voisins européens, mais aucun avion n'a été livré à la France...

Il faudrait envisager que l'industrie aérienne française produise son propre modèle d'avion bombardier d'eau. Rien ne sert de voter des lignes budgétaires si elles ne sont pas consommées.

Les effectifs des sapeurs-pompiers sont en berne, selon un rapport de l'IGA et de l'Igas, en raison d'un manque de reconnaissance financière et sociale, de la perte de sens et de l'épuisement. L'exécutif doit prendre ce sujet à bras-le-corps : revalorisation immédiate, campagne de recrutement dans les plus brefs délais, gratifications et bonifications pour la retraite.

Enfin, nous devrons moderniser nos infrastructures face aux aléas climatiques. Les inondations se multiplient et ne se limitent plus aux épisodes cévenols. Il faut agir dès maintenant. Formons le personnel de la sécurité civile à ces enjeux, injectons de nouveaux moyens pour moderniser nos infrastructures. Il nous faut des pactes sécuritaires avec les Sdis.

La gauche et Bruno Retailleau ne partagent pas beaucoup de points communs, si vous me permettez cet euphémisme. (M. Bruno Retailleau s'en amuse.) Mais, dans un esprit de responsabilité, nous voterons ces crédits.

Nous présenterons quelques amendements qui les améliorent : création d'un nouveau programme pour de meilleures conditions d'accueil des victimes de violences conjugales et sexuelles ; renforcement des moyens de l'office des mineurs ; quelques semaines après la publication du rapport annuel de l'IGPN, proposition de nouveaux indicateurs pour évaluer la mise en oeuvre des contrôles d'identité par les forces de sécurité - cela fait écho aux travaux du comité d'évaluation de la déontologie policière que vous ne manquerez pas de relancer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du RDSE)

M. Stéphane Ravier .  - En février 2024, le Gouvernement a annulé 154 millions d'euros de crédits de la police nationale et gendarmerie nationale. Résultat : en septembre 2024 la gendarmerie nationale a cessé de payer les deux tiers de ses loyers. La gestion des gouvernements Borne et Attal aura été calamiteuse. Pour les JOP, les forces de l'ordre ont réussi à assurer la sécurité, la première des libertés, ce qui est possible quand on la dote des moyens. Mais à faire cela, le Gouvernement a échoué.

La situation est tellement dégradée que le Gouvernement Barnier souhaite geler l'augmentation des effectifs, ce qui ne permettra pas d'ouvrir les 159 brigades de gendarmerie annoncées et d'augmenter les effectifs de la police aux frontières, si nécessaire pourtant pour mettre en place une politique migratoire ferme.

Je voudrais croire en votre détermination pour venir à bout de la crise en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, de la crise migratoire et pour lutter contre le narcoterrorisme, mais il faudra gagner les arbitrages dans ce gouvernement - ou le suivant...

Votre réconciliation avec Philippe de Villiers est une preuve de votre attachement à la France que nous aimons ; mais comment ne pas être inquiet à la suite de votre conférence de presse à Marseille, où le mot expulsion n'a pas été évoqué, ni le mot immigration, alors que 50 % des trafiquants sont des migrants ?

M. Guy Benarroche.  - C'est faux !

M. Stéphane Ravier.  - Pourquoi un tel déni ? Les Marseillais attendent de l'ordre dans leur ville, monsieur le ministre ; quand le pire devient leur quotidien, la fatalité s'installe et alors, la soumission et la corruption deviennent des options de vie...

Je ne ferai pas l'affront au Vendéen que vous êtes d'appeler à de l'audace, de l'audace, toujours de l'audace, mais je demanderai au ministre de l'intérieur de droite assumée de ne jamais abdiquer l'honneur d'être une cible pour la gauche et la racaille d'extrême gauche (Marques d'indignation à gauche) qui ne cesse de traîner dans la boue les forces de l'ordre, pourtant victimes d'un racisme anti-flics bien réel, lui !

Il faut mieux payer, mieux considérer, mieux reconnaître le travail quotidien de nos forces de l'ordre. Une police promue et protégée, c'est une France apaisée.

La mort de l'adjudant Éric Comyn, victime d'un refus d'obtempérer et celles du gendarme Nicolas Molinari et de l'adjudant-chef Xavier Salmon, en Nouvelle-Calédonie, nous obligent. (Marques d'impatience à gauche) Pour que leur sacrifice ne soit pas vain, agissez ! (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. Olivier Bitz .  - Cette année, le haut niveau d'engagement des gendarmes et policiers a permis de relever une succession de défis et de crises en métropole et dans les outre-mer, à commencer par la sécurisation des JOP. Saluons la mobilisation et le professionnalisme de nos forces.

Dans un contexte politique et financier inédit, l'esprit de responsabilité commande des arbitrages forcément difficiles.

Nous continuons de nous écarter de la trajectoire fixée par la Lopmi avec un schéma d'emplois nul pour nos forces de sécurité intérieure, alors qu'était prévue la création de 500 ETP pour la gendarmerie et 356 ETP pour la police. Ce renoncement interroge sur la capacité du ministère à créer les 238 nouvelles brigades de gendarmerie promises et à faire de la lutte contre le narcotrafic une priorité.

Du côté de la sécurité civile, le gel du schéma d'emplois temporise la montée en puissance de la quatrième unité de sécurité civile, à Libourne.

Nous formulons également une inquiétude sur les investissements : la pause de cette année sur les acquisitions de véhicules n'est que partiellement rattrapée avec la commande de 1 600 véhicules, sur les près de 2 000 jugés nécessaires. Les travaux lourds à réaliser à la base de sécurité civile de Nîmes ne pourront pas être sans cesse repoussés sans remettre en cause nos capacités opérationnelles.

Les augmentations prévues dans la mission viennent, pour l'essentiel, alimenter une dynamique forte des dépenses de fonctionnement liée aux engagements pris à l'égard des personnels et aux besoins de la gendarmerie en matière immobilière.

Ce budget marque ainsi une pause, ce qui peut être compréhensible compte tenu des contraintes financières. Mais cette pause ne saurait se prolonger sans remettre en cause les objectifs affirmés par le Gouvernement et que nous partageons.

Au-delà des créations de postes et de brigades, Nathalie Goulet et moi-même constatons dans l'Orne les grandes difficultés à pourvoir les postes ouverts, compte tenu du manque d'attractivité. J'ai attiré votre attention sur la situation au commissariat de Flers. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Si nous pouvons comprendre la temporisation sur les nouveaux postes, veillons à pourvoir effectivement les postes existants et ne jouons pas sur le taux de vacance pour faire des économies de bouts de chandelles.

Enfin, il faut conforter notre modèle de sécurité civile, qui nous assure une capacité d'intervention de grande qualité à un coût maîtrisé. Cela suppose de conforter le volontariat. Je vous sais, monsieur le ministre, particulièrement attaché au décret prévoyant sa prise en compte au titre de la retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC) Un budget, ce sont des chiffres, mais d'abord des choix. Comme cet après-midi, je commencerai par exposer les premiers, s'agissant du haut comme du bas du spectre.

Dans le haut du spectre, j'entends m'attaquer très vigoureusement au narcotrafic. Il ne faut pas céder à la fatalité : rien n'est jamais perdu, les beaux succès des dernières semaines en témoignent. Je salue le travail des policiers et des magistrats qui les a rendus possibles. Aujourd'hui même, vingt-et-un membres présumés de la DZ Mafia ont été appréhendés. À la fin novembre, une vingtaine de ses membres présumés avaient déjà été interpellés. La semaine dernière, un des chefs les plus dangereux de ce gang, déjà incarcéré, a été entendu par un juge d'instruction sur des narchomicides qu'il aurait commis depuis sa cellule. Saluons ces succès ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

S'attaquer au narcotrafic, c'est s'attaquer à la cause racine de la sauvagerie et des désordres, mais aussi à une menace existentielle, qui met en cause les intérêts fondamentaux de la nation : corruption, intimidations et, en définitive, fragilisation de notre démocratie. Les conclusions de la commission d'enquête présidée par Jérôme Durain et dont Étienne Blanc était rapporteur sont très claires. Nous aurons des résultats, j'en suis certain.

S'agissant du bas du spectre, qui empoisonne nos concitoyens, nous tentons une approche inédite : plus de liberté au terrain, contre des résultats. Nous voulons aussi cibler davantage les lieux et les publics les plus problématiques. Quelque 5 % de délinquants d'habitude sont à l'origine de 50 % des actes de délinquance. Il faut les cribler.

Il est fondamental de construire un continuum de sécurité. J'ai visité un certain nombre de villes : là où le continuum existe, les résultats sont là. Des maires s'y engagent à fond, mais d'autres restent imprégnés d'une idéologie antisécuritaire. (M. Guy Benarroche s'exclame.)

Ce budget a été élaboré dans des circonstances impossibles, au bord de la crise financière. Mais la mission est préservée. Elle respecte la trajectoire de la Lopmi et augmente la cible prévue de près de 300 millions d'euros. Il s'agit donc d'un budget renforcé, en hausse de 623 millions d'euros par rapport à 2024.

Pour la police nationale, la hausse est de 160 millions d'euros ; pour la gendarmerie nationale, de 520 millions d'euros. Je m'engage au respect du plan de déploiement des brigades de gendarmerie. Je sais le Sénat attaché à la couverture du territoire.

Les protocoles de 2022 doivent être respectés.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  -  Et les heures supplémentaires ?

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Sans vote du projet de loi de fin de gestion, pas de paiement des loyers aux collectivités territoriales, pas de primes JO : c'est aussi l'un des enjeux de la censure, et je remercie Mme de La Gontrie de m'y avoir fait penser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Le modèle immobilier de la gendarmerie nationale est à bout de souffle. Plus nous payons de loyers, moins nous pouvons financer l'investissement. J'ai demandé un rapport sur le sujet au nouveau directeur général.

En matière numérique, d'énormes marges existent pour soulager les policiers et les gendarmes. Nos outils numériques ne sont pas au niveau - je l'ai découvert en arrivant au ministère : ce n'est pas tolérable !

Notre modèle de sécurité civile repose sur la mixité des statuts et la complémentarité entre les moyens locaux et nationaux. Le pacte de 45 millions d'euros s'inscrit dans ce cadre. Il faut également repenser le modèle de la flotte, notamment en envisageant de produire des appareils en France.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - D'ici à mercredi, ça va être difficile...

M. Bruno Retailleau, ministre. - C'est l'ordre républicain qui tient notre devise : pas de liberté dans le désordre, pas d'égalité sous la loi du plus fort, pas de fraternité sans concorde ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)

M. le président.  - Je vous rappelle que la conférence des présidents a prévu pour l'examen de cette mission une durée de deux heures trente.

La discussion des amendements qui n'auraient pas pu être examinés dans ce délai sera reportée à samedi en fin d'après-midi - même si c'est peut-être bien théorique... (Sourires)

Examen des crédits de la mission et du compte spécial

Article 42 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-498 du Gouvernement.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Je ne suis pas sûr de revenir samedi : finissons ce soir ! (Nouveaux sourires)

Cet amendement augmente de 142 millions d'euros les crédits de personnel de la police nationale, notamment pour une meilleure reconnaissance des agents.

M. le président.  - Amendement identique n°II-603 de Mme Schillinger et du RDSE.

Mme Patricia Schillinger.  - Il s'agit aussi d'assurer une présence renforcée sur la voie publique.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Avis très favorable !

Les amendements identiques nosII-498 et II-603 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-479 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Cet amendement et le suivant accentuent le programme d'économies de fonctionnement. Je me satisferai de l'adoption du second, identique à un amendement du ministre. Je retire donc celui-ci.

L'amendement n°II-479 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-475 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°II-573 du Gouvernement.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Je remercie M. Canévet de donner la priorité à nos amendements identiques. Ces économies s'inscrivent dans le cadre des mesures visant à ramener le déficit à 5 % du PIB.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nosII-475 rectifié et II-573 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-497 du Gouvernement.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - C'est un transfert de crédits nécessaire à l'augmentation des dépenses de personnel de la police.

M. le président.  - Amendement identique n°II-602 de Mme Schillinger et du RDPI.

Mme Patricia Schillinger.  - Défendu.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nosII-497 et II-602 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-518 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Cet amendement vise à investir dans les camions-citernes de feux de forêt pour atteindre 10 000 camions d'ici à 2030, selon la recommandation de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - Un effort notable a déjà été fait dans le cadre du pacte capacitaire : 1 000 camions-citernes de feux de forêt ont été acquis. L'augmentation supplémentaire que vous proposez n'est pas raisonnable. Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis, même si je comprends l'objectif de Mélanie Vogel. En matière de feux de forêt, la stratégie est de les attaquer en moins de dix minutes. Ainsi, 5 220 feux de forêt n'ont parcouru que 5 400 hectares l'été dernier : c'est très peu, témoignant de l'efficacité de notre stratégie.

L'amendement n°II-518 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-516 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Cet amendement vise au remboursement intégral des consultations de soutien psychologique pour les pompières et pompiers qui en ont besoin.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait. Oui, les sapeurs-pompiers sont soumis à des blessures psychologiques. Tous les Sdis disposent de psychologues. Les sapeurs-pompiers peuvent aussi recourir à des consultations externes. Ce dispositif me paraît assez robuste.

L'amendement n°II-516 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-537 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - La sécurité civile est le parent pauvre de la mission, alors que le réchauffement climatique entraînera des phénomènes de plus en plus forts mobilisant les Sdis. La fragilité des services publics, notamment ceux en lien avec la santé, pèse aussi sur le fonctionnement de ces services. Il faut préserver notre modèle de sécurité civile, mais les départements seuls ne pourront y subvenir. Cet amendement d'appel vise donc à réévaluer le programme « Sécurité civile ».

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - Je partage le constat. Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques y contribuent. Mais l'amendement est trop peu précis quant à la destination des crédits. Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Demande de retrait. Il y a une baisse faciale des crédits, mais cela correspond à l'annulation de la commande de deux canadairs. Je signerai demain matin un décret créant la quatrième unité d'intervention militaire, à Libourne.

Je vous annonce qu'un autre décret est en préparation - je ne sais si j'aurai le temps de le signer... - accordant aux départements le bénéfice d'une exonération rétroactive de TICPE sur les véhicules des Sdis, pour 30 millions d'euros. (Nombreuses marques de satisfaction)

L'amendement n°II-537 est retiré.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - C'est cher le retrait ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°II-353 de M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc.  - Je ne retirerai pas cet amendement. Nous voulons abonder de 70 millions d'euros le programme « Sécurité civile », ce ne sera pas superflu pour nos Sdis. Le ministère de l'intérieur consacre 1,6 milliard d'euros à la police des étrangers, deux fois moins à la sécurité civile ! De nombreux Sdis classent les feux de forêt désormais en risque courant et non plus exceptionnel. Oui, la sécurité civile est prioritaire sur la chasse aux étrangers !

M. le président.  - Amendement n°II-517 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Défendu.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - Il faudra en effet disposer des moyens nécessaires pour lutter contre les inondations. Mais les montants prévus anticipent sur le Beauvau de la sécurité civile ; en l'absence de stratégie d'achat, ces crédits risquent d'être reportés. Retrait de l'amendement n°II-353.

Je demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement de Mélanie Vogel.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait, sinon avis défavorable. Il existe deux niveaux : départemental, ce sont les Sdis ; national, c'est le pacte capacitaire. Mais je souhaite créer un troisième niveau : européen. Je forme même le voeu - d'autres le réaliseront peut-être - de créer un Erasmus des sapeurs-pompiers !

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Quelque 3,6 millions d'euros ont été donnés aux Sdis. Le pacte capacitaire sera complété l'année prochaine.

À la demande du GEST, l'amendement n°II-353 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°143 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 113
Contre 230

L'amendement n°II-353 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-517 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-319 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Notre flotte de douze canadairs est souvent clouée au sol. Débloquons 50 millions d'euros pour leur entretien.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - Nous avons constaté une défaillance de la part du sous-traitant, certes, mais pour ce qui est de l'entretien, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) va rectifier le tir en 2025. Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Demande de retrait. Il s'agit avant tout d'un problème d'acquisition : la société Havilland n'a pas remis en route sa chaîne de production. D'où mon souhait d'étudier une solution française.

L'amendement n°II-319 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-321 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Parlant de solution française : finançons à hauteur de 5 millions d'euros les solutions proposées par les start-up Hynaero et Kepplair Evolution, qui travaillent à des projets de bombardier d'eau.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.  - La promesse du Président de la République a jeté le trouble : il s'agissait de porter de 12 à 16 le nombre de canadairs à l'horizon de 2027, alors que la chaîne de production n'était pas repartie et qu'il faut six ou sept ans pour en construire un ! La DGSCGC cherche un avionneur qui puisse construire de tels avions ou assimilés, très particuliers et coûteux. L'entreprise canadienne n'est pas sûre de pouvoir assumer ses commandes dans les délais. L'objet du programme 161 n'est pas de financer des entreprises privées. Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Idem.

L'amendement n°II-321 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-360 de M. Durain et du groupe SER.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Feux d'artifice : satisfaisons l'engagement du Premier ministre pris le 25 novembre pour renforcer de manière significative la lutte contre les violences faites aux femmes.

Il faut traiter trois sujets : l'accueil, l'enquête et le dépôt de plainte. L'accueil, ce sont des personnels formés, des locaux, des caméras ; l'enquête, ce sont des enquêteurs spécialisés ; le dépôt de plainte, c'est la possibilité de déposer à l'hôpital. Votre budget ne pouvait prendre en compte cet engagement, à savoir mettre en place ces mesures dans 377 structures d'ici à la fin de 2025. Ce soir, nous vous proposons de vous aider à défendre la cause des femmes.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - J'ai une pensée pour une jeune fille de mon village, une victime, qui, un soir à 17 h 30, n'a pu déposer sa plainte au commissariat, celui-ci n'ayant pas le temps de la recevoir. C'est un sujet sensible. Votre amendement mérite plus qu'une ligne spécifique dans un programme spécifique. Je vous remercie d'avoir évoqué le sujet. Retrait.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Cela ne suffit pas !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Difficile de faire court sur un tel sujet.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Faites long !

M. Bruno Retailleau, ministre.  - J'ai reçu l'association Women Safe et les correspondantes de la DGPN et de la DGGN. La prise de conscience est importante. La police nationale a professionnalisé l'accueil du public. On compte 638 référents accueil, spécialement formés. Ils s'ajoutent aux 800 correspondants d'aide aux victimes.

Depuis le 1er janvier 2024, une délégation départementale d'aide aux victimes est constituée. Toutes les circonscriptions disposent d'un délégué d'aide aux victimes, et des solutions d'appui se sont développées, qu'elles soient numériques ou non. Le dispositif est robuste, si j'avais eu plus de temps je l'aurais détaillé.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Monsieur le ministre, votre réponse consiste à dire que les annonces du Premier ministre n'ont pas de raison d'être. Ce nombre de personnels de police, ce n'est rien au regard de la nécessité d'avoir un interlocuteur disponible à tout moment. Concrètement, vous considérez que ce qui existe est bien, et que ce qui a été annoncé n'est pas nécessaire. Vous vous trompez.

À la demande du groupe SER, l'amendement n°II-360 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°144 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 112
Contre 213

L'amendement n°II-360 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-375 rectifié ter de M. Iacovelli et alii.

Mme Salama Ramia.  - Défendu.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Idem.

L'amendement n°II-375 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-357 rectifié de M. Durain et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Le budget de la sécurité est marqué par une baisse de 8 % des moyens de la police judiciaire. Cet amendement vise à revenir dessus. On ne peut pas faire de la lutte contre le narcotrafic une priorité tout en affaiblissant la police judiciaire. Vous avez contesté cette baisse, en indiquant qu'il ne s'agit que d'une modification de la présentation comptable. Les 280 millions d'euros qui n'apparaissent plus doivent donc se trouver ailleurs : où donc ?

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait, sinon avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Avant la réforme de la police, la structuration budgétaire globalisait toute la filière de la police judiciaire. Depuis il y a un double comptage : direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) et criminalité organisée au niveau central, et d'un autre côté les unités territoriales. Il faut donc additionner les deux : en additionnant le tout, les moyens ne baissent pas, au contraire.

Cela ne veut pas dire pour autant que la filière Investigation de la police nationale n'est pas en souffrance. C'est un métier difficile, et mon rôle est de la conforter. Avis défavorable.

L'amendement n°II-357 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-511 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Défendu.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait.

L'amendement n°II-511 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-538 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Les loyers de gendarmerie sont un vrai sujet. Nous cherchons le bon montage avec Claude Raynal et Jean-François Husson. Nous souhaitons voter le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour rattraper les arriérés de l'année 2024. Puissent les jours à venir nous le permettre. Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait.

Mme Cécile Cukierman.  - On ne sait pas de quoi demain sera fait. Je le maintiens. (Sourires)

L'amendement n°II-538 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-576 de Mme Ramia.

Mme Salama Ramia.  - Le parc immobilier de la gendarmerie nationale de Mayotte s'est densifié au cours des vingt dernières années. Les augmentations d'effectifs ont entraîné de très nombreuses prises à bail : 80 % des militaires sont désormais logés hors caserne. Nos militaires ont besoin de se loger, de travailler dans des conditions dignes. Pour renforcer la sécurité à Mayotte, il faut leur donner des moyens.

Le présent amendement abonde de 150 millions d'euros le budget de la gendarmerie nationale, pour répondre aux besoins des militaires.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait. Il faut suivre cette question avec attention.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

Ce matin, une grosse opération de décasage a commencé à Mayotte.

Les études de faisabilité sont en cours. Le terrain est partagé entre le conseil départemental et des partenaires privés, mais on y arrivera.

L'amendement n°II-576 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-591 de Mme Ramia.

L'amendement n°II-591 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-595 rectifié de M. Jacquin et du groupe SER.

M. Olivier Jacquin.  - Cet amendement apporte des solutions au financement des petites casernes de gendarmerie en cas de reconstruction à neuf. Avec des loyers au maître d'ouvrage plafonnés, dont le montant est proportionnel au nombre d'unités de logement, l'équilibre financier est difficile à atteindre pour les petites gendarmeries en secteur rural, où il est déjà difficile de financer des services publics. Les collectivités territoriales doivent faire un effort financier plus important qu'en secteur dense. On en a parlé dans la Lopmi.

Nous proposons d'abonder de 50 millions d'euros le programme 152, car les gendarmes, notamment dans les territoires ruraux, ont besoin de locaux de qualité.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Nous y travaillons. J'en ai parlé avec Nadia Sollogoub pour la Nièvre. Nous examinons si l'on peut démembrer la partie logement et la partie bureaux. Pour l'heure, demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

M. Olivier Jacquin.  - Dans mon département de Meurthe-et-Moselle, deux petites gendarmeries ont des difficultés économiques. Notre amendement permettrait de les financer.

L'amendement n°II-595 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-318 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Défendu.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait.

L'amendement n°II-318 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-510 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Il s'agit de mettre en oeuvre un plan de recrutement d'intervenants sociaux pour l'accueil de victimes de violences conjugales et sexuelles. On en compte 430, ce n'est rien par rapport aux besoins. Il est indispensable de créer de nouveaux postes.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait. Le vecteur de financement n'est pas adapté. Ce ne sont pas la police nationale et la gendarmerie nationale qui financent les postes d'intervenants sociaux. Elles mettent seulement des locaux à disposition.

L'amendement n°II-510 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-358 rectifié de M. Durain et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Les crédits alloués à la formation de la police nationale sont opaques. Jusqu'à l'an dernier, une ligne budgétaire les indiquait ; ce n'est plus le cas, et l'action de contrôle du Parlement est entravée. Toutefois, il semble que les moyens alloués ne soient pas au rendez-vous. Renforçons les crédits de formation, pour recruter des personnels de formation de haut niveau.

M. le président.  - Amendement n°II-320 de M. Hochart et alii.

M. Joshua Hochart.  - Défendu.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait. Des efforts sont en cours.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-358 rectifié n'est pas adopté,non plus que l'amendement n°II-320.

M. le président.  - Amendement n°II-536 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.

Mme Cécile Cukierman.  - Nous sommes viscéralement attachés au fait de déployer une police présente au quotidien, dans nos communes. Tel est le sens de notre amendement.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Avis défavorable. Nous avons demandé aux policiers et aux gendarmes une plus grande présence sur la voie publique, dans nos départements. L'idée est simple : la bonne patrouille, au bon moment, au bon endroit.

L'amendement n°II-536 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-589 de M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc.  - Il s'agit de créer un fonds de soutien aux collectivités territoriales. Depuis quinze ans, le taux d'engagement des forces de sécurité sur le terrain baisse. Parallèlement, l'État demande aux collectivités territoriales de renforcer leurs moyens de police municipale, y compris pour intervenir en cas de trouble à l'ordre public. On leur demande donc d'assurer des missions dévolues à l'État. Un mécanisme de compensation doit être mis en place, lorsque la police municipale intervient en complément des forces de police.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Ce n'est pas le bon vecteur. Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-589 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-588 de M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc.  - Amendement de repli : quand il existe un contrat de sécurité intégrée (CSI), si la police municipale intervient en substitution ou comme force auxiliaire de la police nationale, l'État doit payer ce qu'il doit.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°II-588 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-519 de Mme Vogel et alii.

M. Jacques Fernique.  - Le nombre de cyclistes tués sur les routes a augmenté de 60 % depuis 2010. Pas moins de 221 cyclistes ont trouvé la mort l'année dernière. On a tous en tête la mort de Paul Varry, écrasé après une altercation. La protection des cyclistes n'est pas une priorité, alors que ce chantier est énorme. Cet amendement ne mettra pas fin aux morts, mais c'est un premier pas.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait.

L'amendement n°II-519 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-499 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-359 rectifié de M. Durain et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Cet amendement rétablit le budget alloué au programme de sensibilisation contre le suicide, que le Gouvernement réduit drastiquement. Dans la police, le taux de suicide est deux fois plus élevé qu'en population générale.

M. le président.  - Amendement identique n°II-509 rectifié de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Cet amendement maintient les crédits pour les actions de lutte contre le suicide des forces de l'ordre. L'an dernier, vingt-quatre agents se sont donné la mort. Ce n'est pas acceptable.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - C'est un sujet sensible. Nous pensons aux familles et aux proches de ces fonctionnaires. Des psychologues ont été recrutés. Sagesse.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Retrait. Les crédits exécutés sont de 1,3 million d'euros en 2023 et 1,2 million en 2024. Nous proposons 1,6 million d'euros pour 2025. Les crédits nécessaires sont donc au rendez-vous.

Les amendements identiques nosII-359 rectifié et II-509 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-361 de M. Durain et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Il s'agit de doter l'Office mineurs de postes supplémentaires.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Avis du Gouvernement ?

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Avis favorable.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Avis favorable, donc.

L'amendement n°II-361 est adopté.

Les crédits de la mission « Sécurités », modifiés, sont adoptés.

Article 45 (État G)

M. le président.  - Amendement n°II-362 rectifié de M. Durain et du groupe SER.

Mme Corinne Narassiguin.  - Nous invitons le Gouvernement à prendre à bras-le-corps le sujet des contrôles d'identité. Pourtant aucune donnée statistique fiable n'existe. Selon une évaluation de la Cour des comptes, on en compterait 47 millions par an.

Selon le Défenseur des droits, deux policiers ou gendarmes sur cinq trouvent ces contrôles peu ou pas efficaces. Afin de redonner du sens aux missions des forces de l'ordre et rétablir le lien de confiance entre la police et la population, créons un nouvel indicateur budgétaire, pour comptabiliser le nombre de personnes contrôlées, la récurrence des contrôles, le nombre de palpations et le nombre de suites judiciaires données.

M. le président.  - Amendement n°II-514 de Mme Vogel et alii.

Mme Mélanie Vogel.  - Le Défenseur des droits a alerté sur l'ampleur des contrôles au faciès dès 2017. Le Conseil d'État a tranché pour dire qu'il fallait une politique publique pour y remédier. Mais nous n'avons aucune donnée.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Retrait. Trop d'indicateurs tue les indicateurs.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même chose. Soit l'indicateur serait fondé sur des déclarations, soit il se fonderait sur le fichier des contrôles d'identité ; cela manque de fiabilité. La caméra-piéton pourra régler ce problème.

L'amendement n°II-362 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-514.

Après l'article 64

M. le président.  - Amendement n°II-596 rectifié de M. Jacquin et du groupe SER.

M. Patrice Joly.  - De nombreuses gendarmeries sont vétustes. Mais les rénovations sont difficilement finançables par les petites collectivités. Il est proposé un rapport dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi de finances initiale pour 2025.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Une réflexion a commencé à la suite de notre rapport. Pour l'heure, retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Même avis. Le rapport de Bruno Belin de l'été ouvre des pistes. J'ai également demandé un rapport au nouveau DGGN. S'agissant des coûts plafonds qui contraignent les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux, nous avons remonté ce plafond de 10 %, pour leur redonner de l'oxygène.

M. Patrice Joly.  - Je retire mon amendement, mais il existe un problème de qualité des constructions et de récupération de la TVA.

L'amendement n°II-596 rectifié est retiré.

Article 44 (État D)

M. le président.  - Amendement n°II-473 rectifié de M. Canévet et alii.

M. Michel Canévet.  - Il s'agit de contribuer à l'effort de réduction des dépenses publiques.

M. le président.  - Amendement identique n°II-548 du Gouvernement.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - Défendu.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

Les amendements identiques nosII-473 rectifié et II-548 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°II-364 rectifié bis de M. Bazin et alii.

M. Laurent Somon.  - Augmentons de 36 millions d'euros les crédits du compte d'affectation spéciale en direction des collectivités territoriales, notamment des départements, en vue de l'entretien de leur réseau routier et de l'amélioration des infrastructures.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Bruno Belin, rapporteur spécial.  - J'ai en commun avec M. Somon d'avoir présidé un département, mais, à regret, c'est une demande de retrait.

M. Bruno Retailleau, ministre.  - J'ai plus d'un point commun avec Laurent Somon, dont celui d'avoir présidé un département, mais avis défavorable. Nous avons voté dans la loi 3DS la possibilité pour les collectivités de déployer des radars. Quelle répartition de ce produit entre l'État et les collectivités territoriales ? Nous pourrons en rediscuter...

L'amendement n°II-364 rectifié bis n'est pas adopté.

Les crédits du compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », modifiés, sont adoptés.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 3 décembre 2024, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit quinze.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 3 décembre 2024

Séance publique

À 9 h 30, à 14 heures et le soir

Présidence :

M. Alain Marc, vice-président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, M. Dominique Théophile, vice-président, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp, Mme Véronique Guillotin

1. Questions orales

2. Projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025 (n°143, 2024-2025)

=> Économie

=> Travail, emploi et administration des ministères sociaux

=> Justice