SÉANCE
du mardi 5 novembre 2024
13e séance de la session ordinaire 2024-2025
Présidence de M. Loïc Hervé, vice-président
Secrétaires : Mme Marie-Pierre Richer, M. Mickaël Vallet.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral, est adopté.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Avenir des industries en Meuse
Mme Jocelyne Antoine . - La Meuse connaît des vagues de désindustrialisation successives aux répercussions économiques et sociales dramatiques sur un territoire rural déjà fragilisé. Plusieurs entreprises, anciens piliers de l'emploi local, font face à de graves difficultés : 130 emplois sont menacés à la papeterie centenaire Stenpa à Stenay, au bord du gouffre moins d'un an après sa reprise par un fonds d'investissement étranger, faute d'investissements. Nouveau coup dur, Bonduelle annonce la fermeture de son site de Saint-Mihiel : 159 salariés risquent de perdre leur travail. Sans un engagement fort de l'État, la désindustrialisation de nos territoires ruraux ne pourra être évitée. Dans la Meuse, où l'industrie constitue le dernier rempart contre l'exode rural, ces fermetures accélèrent la baisse démographique et le vieillissement de la population de nos petites communes rurales.
Dans ce contexte sombre, heureusement, il y a parfois des éclaircies. Des salariés se réunissent en société coopérative participative (Scop) pour donner un nouveau souffle à leur entreprise, comme chez l'emblématique fabricant de laine Bergère de France et La Meusienne, producteur de tubes en acier inoxydable. Mais un accompagnement technique et financier important est nécessaire pour que ces initiatives soient couronnées de succès.
Je vous accueillerai avec plaisir dans mon département. Comment préserverez-vous l'emploi industriel et accompagnerez-vous les entreprises en difficulté ? Réviserez-vous la loi Florange pour éviter que des fonds d'investissement ne se retirent sans investir durablement ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Merci de votre invitation. Avec les ministres Antoine Armand et Marc Ferracci, l'État est aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux pour préserver les sites et les emplois.
Pour chacune des situations, l'État a favorisé, avec les élus locaux, des reprises avec des succès notables comme la Scop de Bergère de France. Les services de l'État, pleinement mobilisés, s'assurent aussi que les projets de reprise reposent sur une vision industrielle pérenne et une stratégie de moyen ou de long terme. Vos territoires doivent se développer sans être soumis à des stratégies d'investissement agressives. L'État est très attentif à ces sujets à fort enjeu d'aménagement de nos territoires, notamment ruraux.
AMI « Rebond industriel » pour Morlaix communauté
M. Jean-Luc Fichet . - Morlaix communauté s'est portée candidate fin septembre 2022 à l'appel à manifestation d'intérêt national (AMI) France 2030 « Rebond industriel », qui vise à accompagner 54 projets industriels, pour un potentiel de 110 millions d'euros et 300 emplois créés, sur des territoires touchés par des restructurations économiques.
L'agglomération de Morlaix a été l'un des neuf territoires retenus en décembre 2022, avec une phase d'ingénierie de janvier à avril 2023 et la mise à disposition d'un cabinet de conseil pour 100 jours-hommes, puis une phase d'investissement sur 12 à 18 mois mobilisant 1,5 million d'euros de soutien à l'investissement productif, pour financer des projets industriels innovants et structurants pour le territoire. Un comité de pilotage (copil) a identifié, de janvier à avril 2023, les projets et les structures porteuses, afin d'opérer rapidement un choc industriel. Les dossiers priorisés et validés par le copil territorial devaient être soumis au copil ministériel le 4 octobre 2023.
Nous sommes en octobre 2024, le choc industriel prévu n'est pas arrivé : seules deux entreprises ont été financées, à hauteur de 340 000 euros. Trois entreprises sélectionnées ne sont pas financées : Hemarina, entreprise innovante dans la transplantation d'organes, Sermeta, entreprise industrielle phare du pays de Morlaix, et Ineo Défense. Disposeront-elles des sommes promises, levier à leur investissement ? Si tel n'est pas le cas, que deviennent les fonds non utilisés fléchés pour les entreprises du Pays de Morlaix ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - En complément des moyens d'ingénierie, le dispositif « Rebond industriel » soutient des projets participant à la dynamique de rebond et de diversification du tissu industriel. Les projets recherchés doivent être matures, avec un fort impact territorial, environnemental et sociétal. Primel Gastronomie et Bosch elm.leblanc ont bien été aidés, pour un montant cumulé d'aides de 343 700 euros, et ont signé leur contrat avec Bpifrance en décembre 2023.
Un refus a été notifié à trois entreprises : Ineo Defense n'a pu être soutenue en raison du droit européen en matière d'aides d'État. Le projet Sermeta relatif à l'industrialisation de pièces pour chaudières à gaz entre en contradiction avec les objectifs de planification écologique du gouvernement. Enfin, l'Agence de l'innovation en santé (AIS) n'a pas considéré les essais cliniques d'Hemarina suffisamment probants.
Le territoire disposait d'une enveloppe de 1,5 million d'euros ; le reliquat, plus d'un million d'euros, reste affecté au territoire de Morlaix Communauté. Les services de l'État et Bpifrance poursuivront l'identification de nouveaux projets industriels aux côtés de la communauté.
Défense de nos industries stratégiques
M. Guillaume Gontard . - Dans le Sud-Grenoblois, tout un écosystème industriel pourrait disparaître si l'usine Vencorex n'est pas reprise. Fragilisée par la concurrence chinoise et placée en redressement judiciaire, elle est au coeur de la chimie locale. Elle produit du chlore, de l'eau oxygénée, des tolonates et du perchlorate - un élément du carburant de la fusée Ariane. Le chlore sert à Framatome pour le gainage des réacteurs nucléaires. Cette fermeture aurait des conséquences en cascade catastrophiques.
Toujours en Isère, le fabricant de panneaux solaires Photowatt meurt du dumping étranger, notamment chinois, comme GE Hydro naguère. En Savoie, une usine Ferroglobe produisant du silicium a fermé en 2022 et le site de Niche Fused Alumina (NFA) a failli être liquidé.
Les plans sociaux s'enchaînent, un savoir-faire s'éteint. Le Gouvernement parle de souveraineté industrielle, mais face à la mondialisation débridée, l'État reste attentiste. Salariés et élus locaux vous alertent pourtant sur les conséquences pour l'emploi, la balance commerciale et notre souveraineté.
L'État fera-t-il pression sur les grands groupes dont il est parfois actionnaire ? Seriez-vous prêts à nationaliser temporairement Vencorex, comme pour les chantiers de l'Atlantique ? Comment stopper cette hémorragie ? À quand un véritable protectionnisme à l'échelle européenne, avec des droits de douane, des quotas et des critères sociaux et environnementaux ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Le Gouvernement est aux côtés des salariés et des élus locaux pour sauver les usines, le savoir-faire et les emplois. Notre travail collectif a porté ses fruits pour NFA : 119 emplois ont été sauvés, alors que l'entreprise était en redressement judiciaire.
Marc Ferracci est en lien permanent avec les syndicats, la direction et les élus. Nous sommes attentifs au devenir des salariés et de la pérennité de la plateforme de Pont-de-Claix, ainsi qu'aux enjeux environnementaux et de sécurité.
Au-delà de ces cas particuliers, nous défendons nos industries stratégiques par des mesures structurelles. À l'échelle européenne, le Clean Industrial Deal doit servir à mieux protéger notre filière de l'acier. Nous instaurons des droits de douane de 30 à 50 % sur les véhicules automobiles électriques importés de Chine. Le Gouvernement sera à vos côtés pour défendre l'industrie et notre souveraineté.
M. Guillaume Gontard. - Il est urgent d'intervenir pour Vencorex : plus de 500 emplois sont menacés. C'est l'ensemble de la chimie en France qui risque de s'effondrer. Nous souhaiterions que le ministre Ferracci et le Premier ministre se rendent sur place. C'est tout un écosystème qui est menacé, avec à la clé des implications très graves pour notre souveraineté.
Traitement des déchets de l'amiante
Mme Michelle Gréaume . - Avec 100 000 victimes à l'horizon 2025, l'amiante est un scandale sanitaire historique. L'immense chantier du désamiantage et du traitement des déchets est un enjeu de santé publique et de sécurité sanitaire. Quelque 97 % des 300 000 à 600 000 tonnes de déchets par an eux sont enfouis.
Des solutions de remplacement sont en cours de développement ou existent déjà, notamment l'inertage par vitrification qui détruit totalement l'amiante. Dès 2014, un rapport sénatorial préconisait déjà la mise en place d'une structure interministérielle de coordination publique. Des associations de victimes proposaient la création d'un pôle public d'éradication de l'amiante. La feuille de route pour le traitement du désamiantage des déchets, inscrite dans la loi Économie circulaire et attendue pour 2023, n'a toujours pas été publiée. Il semble qu'aucun projet ne soit en cours pour trouver des méthodes autres que l'enfouissement. Cette inaction, couplée aux coûts importants demandés par les entreprises spécialisées pour démonter et évacuer les déchets, conduit à des comportements inadaptés et dangereux, ainsi qu'à des dépôts sauvages de déchets hautement toxiques.
Quelle suite donnerez-vous aux préconisations émises depuis dix ans en matière de recyclage des déchets ? Le Gouvernement veut-il constituer une véritable filière de repérage, de détection et d'éradication de l'amiante ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Ces déchets dangereux ont des modalités de transport, de traçabilité et de traitement particulièrement encadrées tant au niveau français qu'européen. La loi Économie circulaire a renforcé les moyens d'action du maire et les sanctions contre les auteurs de dépôts sauvages, et a permis la mise en place en 2023 de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) de matériaux et produits de construction du secteur du bâtiment afin de faciliter, entre autres, la prise en charge des déchets amiantés.
La solution de traitement privilégiée à l'échelle européenne reste l'enfouissement. Bien que ne détruisant pas les fibres d'amiante, il constitue un moyen sûr de traiter ces déchets et d'éviter leur dispersion dans l'environnement. Pour autant, les méthodes autres que l'enfouissement font l'objet d'une attention particulière en France. L'inertage par vitrification reste à ce stade d'une capacité très limitée avec des coûts bien supérieurs au stockage. Fin 2021, les travaux de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et du Conseil général de l'économie ont permis d'identifier en France quatre projets de procédés thermochimiques, dont l'efficacité doit être confirmée. L'État encadre actuellement une étude auprès de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) visant à s'assurer de leur viabilité technique ; des expérimentations sont en cours. Par ailleurs, des travaux sont menés sous l'égide de la Commission européenne.
COP 29 de Bakou
Mme Marie-Arlette Carlotti . - La COP 29 se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre 2024. Les pays les plus riches ont accepté de mobiliser collectivement 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à s'adapter au changement climatique. Un nouvel objectif de financement devrait être formalisé lors de la COP 29, mais pourquoi avoir choisi l'Azerbaïdjan, un pays qui vit des hydrocarbures, notamment russes ? Cet État autoritaire présente un bilan désastreux en matière de droits de l'Homme et réprime toute opposition dissidente - notamment des manifestations pour la défense de l'environnement et de nombreux journalistes. Un opposant, réfugié sur le territoire français, vient même d'être assassiné. L'Azerbaïdjan mène des opérations hostiles contre la France en Nouvelle-Calédonie, nous traitant de colonisateurs. Il n'est pas une grande puissance militaire, mais une puissance d'influence malveillante.
Enfin, ce pays met en cause l'intégrité territoriale de l'Arménie et pratique le nettoyage ethnique sur 100 000 Arméniens dans le Haut-Karabagh. Ses plus hauts responsables, Aliyev en tête, évoquent une guerre prochaine. La COP 29 de Bakou sera la COP de la honte. Une quarantaine de ministres vont y participer, dont notre ministre de la transition écologique. La France a-t-elle fait entendre fortement sa voix pour dénoncer ce lieu ? Aura-t-elle un message fort à l'encontre de ce régime qui porte atteinte aux droits de l'homme et qui remet en cause la liberté dans l'ensemble de la région ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Fin 2023, les Nations unies ont choisi l'Azerbaïdjan pour présider la COP 29 en fonction de leurs propres règles et en suivant le principe de rotation géographique. L'Azerbaïdjan a été choisi par consensus par le groupe Europe de l'Est, l'un des cinq groupes géographiques de l'ONU.
La France, fidèle à son engagement climatique et à son héritage de l'accord de Paris de décembre 1995, reste pleinement engagée dans les négociations climatiques. C'est pourquoi la ministre Agnès Pannier-Runacher se rendra à Bakou pour la COP 29. Les enjeux sont importants : s'accorder sur le nouvel objectif collectif quantifié qui doit succéder à l'objectif des 100 milliards de dollars par an. Sur la base de l'article 6 de l'accord de Paris, il s'agira de définir un cadre international aux marchés carbone et de définir le cadre des futures contributions nationales afin que chaque pays actualise son programme de baisse d'émissions et respecte la trajectoire de 1,5 degré.
Pour autant, les droits de l'Homme sont au coeur de notre diplomatie. Lors de cette COP 29, nous serons très vigilants sur la participation de la société civile et sur le respect de ses droits, conformément aux règles des Nations Unies. Nous avons transmis des messages en ce sens à la présidence azerbaïdjanaise.
Surveillance sanitaire de l'acide trifluoroacétique
Mme Anne Souyris . - Plusieurs rapports du Réseau européen d'action sur les pesticides et de Générations futures ont révélé, cet été, une contamination massive de l'eau par un polluant éternel, l'acide trifluoroacétique (TFA) : 100 % des eaux de surface et souterraines testées sont contaminées - et pire, 94 % des eaux du robinet. La concentration de TFA dans l'eau du robinet dépasse souvent la limite européenne du total de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) autorisée fixée à 500 nanogrammes par litre, avec une moyenne de 740 nanogrammes de TFA par litre.
À Paris, la contamination explose avec une moyenne de 2 100 nanogrammes par litre. Rien de surprenant, car les zones de captage de l'eau potable ne sont protégées ni de l'épandage de pesticides, probable responsable de la présence de TFA, ni des forages pétroliers, responsables de la pollution aux hydrocarbures, comme à Nonville, en Seine-et-Marne, où Eau de Paris et la Ville de Paris attaquent en justice deux projets de forage. Rien n'est possible sans une aide systémique de l'État afin d'obliger les industries polluantes à prendre des mesures de prévention.
Le plus alarmant reste l'absence de surveillance toxicologique de ces composés chimiques, malgré les alertes des scientifiques. La classification du TFA comme « métabolite non pertinent » par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) le place en dehors de tout cadre réglementaire contraignant. Pourquoi ? L'Allemagne a récemment demandé de classer le TFA comme substance reprotoxique. Ce polluant éternel s'accumule inéluctablement dans l'eau tant que les sources de ce métabolite sont utilisées et répandues dans l'environnement. Le Gouvernement va-t-il se saisir de ce sujet ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - Dès novembre 2022, le Gouvernement a saisi l'Anses afin qu'elle détermine des valeurs toxicologiques de référence pour les PFAS et qu'elle dresse un bilan de la contamination des milieux, notamment de l'eau, par ses composés. Ces éléments font partie intégrante du plan d'action interministériel sur les PFAS d'avril 2024. Le taux de TFA dans les eaux est mesuré dans le cadre de la campagne nationale exploratoire 2024-2026 du laboratoire d'hydrologie de Nancy.
La Commission européenne a demandé à l'Allemagne de soumettre un dossier de classification pour le TFA à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en mars 2024. L'issue de ces travaux nous éclairera sur la pertinence de ce métabolite. En juillet 2024, la Commission européenne a saisi l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour qu'elle fixe les valeurs toxicologiques de référence pour le TFA. Les conclusions de ces travaux, attendues pour fin octobre 2025, contribueront à déterminer les valeurs de gestion dans les différents milieux - dont les eaux - fondées sur des données scientifiques validées par la communauté internationale. Compte tenu de ces travaux déjà engagés, il n'apparaît pas opportun, à ce stade, de solliciter de nouvelles expertises.
Mme Anne Souyris. - Il existe le principe de précaution ! L'Allemagne a déjà classé le TFA comme substance neurotoxique. Pourquoi la France ne fait-elle pas de même en attendant les résultats de cette étude ?
Écocontribution et avenir de la filière bois
M. Simon Uzenat . - La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi Agec a introduit la responsabilité élargie des producteurs (REP) des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB). L'objectif était de réduire le prix des produits vertueux pour l'environnement - or les textes d'application produisent l'effet inverse, en particulier pour le bois.
Selon la Fédération nationale du bois (FNB), l'écocontribution pour 2025 s'élèverait, après la hausse de 50 % prévue, à 15 euros la tonne de bois commercialisée, contre 1 ou 2 euros la tonne de béton ou d'acier. Un arrêté du 1er mars 2024 a modifié le cahier des charges de la REP PMCB, mais les inquiétudes demeurent.
Comment comptez-vous garantir la cohérence entre les ambitions affichées en matière de décarbonation et l'équité économique et écologique de la contribution des entreprises ?
Mme Laurence Garnier, secrétaire d'État chargée de la consommation . - La mise en place de cette filière était attendue, notamment des collectivités locales qui assument une part des coûts de gestion des déchets du bâtiment.
De récents arrêtés contraignent les éco-organismes à différencier, dans les barèmes d'écocontributions, les produits en bois frais de ceux en bois secs et rabotés, majoritairement importés ; les éco-organismes doivent prévoir un abattement de contribution pour les produits engendrant des déchets les mieux valorisés. Le gain pour la filière serait de près de 45 millions d'euros. Un projet de décret, en cours de validation, vise à mutualiser les obligations de reprise sans frais des distributeurs de PMCB entre sites proches. Le gain pour l'ensemble de la filière REP serait d'au moins 180 millions d'euros.
Enfin, les éco-organismes ont mis en place des primes en faveur des produits intégrants des matériaux issus de ressources renouvelables gérées durablement et sont incités à les amplifier.
Gendarmeries : loyers impayés par l'État
Mme Céline Brulin . - Les loyers des casernes de gendarmerie impayés par l'État devraient être régularisés d'ici à la fin de l'année. Mais la situation pourrait perdurer l'an prochain en raison de l'insuffisance des crédits inscrits dans le budget pour 2025.
Selon un rapport du Sénat, l'enveloppe allouée aux travaux de casernes est inférieure de 50 % aux besoins. À Terres-de-Caux, en Seine-Maritime, les loyers ne suivent pas les taux d'intérêt des emprunts contractés pour financer la construction du casernement ; le déséquilibre financier atteindrait cette année 35 000 euros.
Contrairement aux déclarations selon lesquelles elles contribueraient au déficit, les collectivités territoriales assurent le service public en construisant ces bâtiments pour le compte de l'État. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer qu'elles ne seront pas pénalisées par cet engagement ?
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien . - En raison de l'engagement exceptionnel de nos forces de sécurité intérieure, notamment en Nouvelle-Calédonie, le programme 152 a été doté de crédits supplémentaires et la priorité a été donnée au financement des activités opérationnelles.
Le paiement des seuls loyers de septembre, octobre et novembre dus aux bailleurs institutionnels métropolitains, soit 90 millions d'euros, a donc été retardé. Les bailleurs les plus fragiles et ceux d'outre-mer ne sont pas concernés. Un recensement des baux nécessitant une mesure d'exception est en cours.
Le ministère de l'intérieur s'engage à régler les loyers et les intérêts moratoires associés en décembre. Le ministre de l'intérieur souhaite réfléchir au modèle immobilier de la gendarmerie : le PLF 2025 prévoit ainsi de reprendre l'entretien du parc domanial.
Élu local, je sais combien les collectivités contribuent aux investissements et non aux déficits.
Mme Céline Brulin. - L'engagement des collectivités est réel : seules 649 des 3 700 casernes appartiennent à l'État. Nous serons vigilants sur le PLF 2025.
Lutte contre les infractions et atteintes faites aux élus
M. Jean-Marie Mizzon . - En Moselle, des maires excédés et épuisés ont signé un protocole relatif au traitement des infractions et atteintes faites aux élus dans le ressort de la cour d'appel de Metz, afin de renforcer la lutte contre ces faits qui se multiplient.
Ce protocole associe tous les échelons institutionnels : la fédération départementale des maires, l'association des maires ruraux, les procureurs de la République, la direction interdépartementale de la police nationale, le commandement du groupement départemental de la gendarmerie nationale et le département.
Monsieur le ministre, est-il envisageable de le promouvoir via une campagne dans les médias, qui affirmerait la volonté intraitable de l'État de mettre un terme à ces actes inadmissibles ? Il y a urgence !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien . - Ces violences inacceptables provoquent indignation et colère. Pour y remédier, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a été votée et un centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calaé) a été créé ; un numéro dédié, une expérimentation de boutons d'appel d'urgence - dont j'ai bénéficié - et une dotation de caméras ont été mis en place. La police nationale met à la disposition des associations d'élus des chargés de mission et la gendarmerie conduit des opérations #PrésentPourLesElus.
La prévention est aussi un axe majeur, notamment à travers l'enregistrement des coordonnées des élus en cas d'appel au 17 ou le renforcement de la surveillance des permanences.
S'agissant du protocole signé à Metz, vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour le promouvoir.
M. Jean-Marie Mizzon. - Les dispositifs doivent être mieux connus des administrés pour être respectés. Il est important que, en 2026, nous ayons une pluralité de candidats aux élections municipales.
Médecine scolaire
Mme Laure Darcos . - Deux rapports récents dressent un constat inquiétant de la médecine scolaire et de la santé à l'école. La démographie médicale a fortement décru entre 2017 et 2021 et les départs à la retraite vont s'accélérer. Dans l'Essonne, on compte un peu moins de 14 ETP pourvus sur 36.
Comment garder les médecins titulaires en poste ? À mon sens, en réévaluant leur grille indiciaire et en redéfinissant les objectifs de santé. Comment attirer des médecins contractuels ? Grâce à un salaire attractif et cohérent avec celui des médecins titulaires en début de carrière. Comment revaloriser un métier exercé dans des conditions précaires et assurer une meilleure coordination avec les autres professionnels de santé ? Comment mieux associer les médecins scolaires aux décisions des MDPH dans le cadre de la scolarisation inclusive ?
Comment comptez-vous revaloriser la médecine scolaire et répondre aux besoins de santé grandissants des élèves ?
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . - La médecine scolaire connaît de réelles difficultés : la moitié des postes de médecins scolaires sont non pourvus et les dossiers confiés à la médecine scolaire se multiplient.
Face à cela, la rémunération des infirmières scolaires a été revalorisée de 200 euros nets par mois, pour renforcer l'attractivité du métier.
Par ailleurs, avec la ministre, nous souhaitons réunir prochainement les professionnels oeuvrant à la santé des élèves pour analyser la situation et améliorer l'organisation de la santé scolaire, mais aussi les missions des personnels mobilisés, en nous appuyant sur les préconisations du rapport de l'inspection générale. Les parlementaires seront associés à cette réflexion.
Mme Laure Darcos. - Je vous remercie pour ces informations. Il s'agit aussi d'améliorer l'offre de soins permettant d'assurer le relais des diagnostics des médecins scolaires. Nous comptons sur vous.
Enseignants non remplacés dans le secondaire
M. Stéphane Le Rudulier . - Le 7 octobre dernier, j'ai été interpellé par le maire de Sausset-les-Pins au sujet de l'absentéisme grandissant que connaît le collège Pierre Matraja, notamment en français et en mathématiques. En 2023-2024, plus de 1 500 heures n'ont pas été remplacées, ce qui représente une perte de 30 % du temps d'apprentissage pour certaines classes. Nombre d'élèves sont concernés pour la troisième année consécutive.
Ces lacunes auront des effets sur leur scolarité. Sans remettre en cause les raisons légitimes justifiant l'absentéisme de ces enseignants et tout en tenant compte des effets de la crise des vocations sur le fonctionnement des collèges, force est de constater qu'aucun changement profond n'est intervenu, en dépit de la supposée action des précédents gouvernements depuis sept ans.
Quelle solution pérenne apportée à l'absentéisme des enseignants ?
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . - Le remplacement des enseignants absents est une priorité du Gouvernement. Nous allons tout faire pour régler cette situation que les élèves paient au quotidien.
D'abord, il faut éviter les absences en positionnant, depuis la rentrée 2024, en dehors du temps scolaire, 100 % des heures de formation et de réunion.
Ensuite, il faut améliorer l'efficacité des remplacements de moins de quinze jours, grâce au Pacte enseignant. En 2023-2024, le taux d'efficacité de ces remplacements a été multiplié par trois.
Enfin, sur les absences de plus de quinze jours dont le taux de remplacement est de près de 95 %, le ministère travaille avec les rectorats pour garantir la continuité des enseignements sur tout le territoire.
L'établissement que vous citez fait l'objet d'un suivi régulier du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille et est prioritaire en termes de recrutements.
M. Stéphane Le Rudulier. - Il y a urgence : la justice administrative a condamné l'État à réparer le préjudice subi par des enfants ayant connu une rupture de scolarité.
Mineurs non scolarisés à Mayotte
M. Saïd Omar Oili . - À Mayotte, où la moitié de la population a moins de 25 ans et où le manque d'infrastructures scolaires est notoire, près de vingt mille enfants seraient non scolarisés, selon la Fédération des parents d'élèves. Ces chiffres sont-ils exacts ?
M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l'enseignement professionnel . - Mayotte fait face à un choc démographique, lié à une forte pression migratoire. Quelque 63 800 élèves sont scolarisés dans le premier degré, soit mille de plus que l'an passé. Ainsi, 1 063 postes de professeurs ont été créés depuis 2018, et, entre 2019 et 2024, le taux de scolarisation à cinq ans est passé de 85 à 95 %. Les emplois et la solidarité nationale sont au rendez-vous.
Une convention a été signée entre l'Agence française de développement, l'association des maires de Mayotte, la préfecture et les rectorats pour accompagner la construction d'écoles. Nous renforçons aussi les moyens du centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav).
Tous les enfants présents sur le territoire ne sont pas connus de l'éducation nationale. Je ne peux vous confirmer le chiffre de vingt mille, mais, selon mes informations, entre six et dix mille enfants seraient non scolarisés, dont la moitié sont âgés de 3 ans.
À Mayotte, comme partout sur le territoire de la République, le Gouvernement fait tout pour que les enfants soient scolarisés.
M. Saïd Omar Oili. - Le rectorat, dans une réunion de concertation, m'a indiqué que 60 % des élèves de 3 ans ne sont pas scolarisés. Nous préparons un bataillon d'enfants susceptibles de tomber dans la délinquance. Selon le ministre de l'éducation nationale, il manquerait 12 000 places pour scolariser les enfants. Il faut faire en sorte que cette île devienne vivable.
Plan Destination France
M. Henri Cabanel . - La situation est incompréhensible. Le plan Destination France prévoit 20 millions d'euros, via le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), au service d'actions structurantes pour les ports de plaisance. Malgré les notifications officielles, l'incertitude règne depuis septembre et l'inquiétude est grande chez les acteurs. Certaines opérations pourraient être remises en cause. Les engagements de l'État seront-ils respectés, et dans quels délais ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Votre question, très importante, est liée au contexte budgétaire.
Les ports de plaisance et bases nautiques d'avenir soutiennent des projets collectifs et structurants. Des annonces ont eu lieu. En 2023, vingt projets ont été sélectionnés : onze au titre des « ports de plaisance exemplaires », pour 6 millions d'euros, et neuf au titre des « bases nautiques exemplaires », pour 4 millions d'euros.
Cependant, au regard des contraintes très fortes qui pèsent sur notre budget, des efforts ont été demandés, avec deux annulations de crédits. C'est l'impasse : manquent 16 millions d'euros. Depuis 2024, le Cerema a informé les porteurs de projet de ces difficultés, dont nous sommes tout à fait conscients. Les conventions de financement n'ont pas encore été signées. Pour lever ces difficultés, des discussions sont en cours : elles confirmeront ou non les subventions. Le ministère est prêt à trouver des solutions.
M. Henri Cabanel. - Je sais que vous êtes attachée à la confiance que nous accordent les citoyens. Les élus ont construit, il leur faut de la visibilité. Il serait dommage que le Gouvernement ne tienne pas ses promesses.
Difficultés dans l'ostréiculture
M. Mickaël Vallet . - Les ostréiculteurs subissent des fermetures administratives depuis deux ans, à cause d'épidémies de norovirus liées à des dysfonctionnements des stations de traitement des eaux pluviales. Tout le secteur est pénalisé. Quand un bassin tousse, tout le monde s'enrhume : en 2023, ce furent 28 jours de fermeture et 5 millions d'euros de pertes sèches.
La méthode de détection, qui ne dit rien de la virulence du norovirus, pose problème. On nous promet une nouvelle méthode, celle du programme Oxyvir 2 ; or on ne voit rien venir, et l'on s'inquiète pour l'hiver prochain.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Je connais bien le problème : en Ille-et-Vilaine, nous avons même une appellation d'origine protégée (AOP) moule de la baie du Mont-Saint-Michel ! Cette filière économique est très importante, pourvoyeuse d'emplois, et mon collègue Fabrice Loher la soutient.
Le Gouvernement a répondu à la crise en 2023-2024, avec des mesures de trésorerie et de communication. Il a mis 500 000 euros sur la table pour que les consommateurs ne se détournent pas de ces produits et a débloqué des fonds pour l'équipement en bassins de purification.
Le programme Oxyvir 2 reste insuffisant pour définir une méthode robuste et systématique de détection. Le projet Copernic vise à obtenir les données manquantes. Si la méthode est convaincante en décembre 2025, elle pourra être appliquée, après évolution de la réglementation européenne. Les fonds européens aident aussi à l'acquisition de bassins de purification.
Le Gouvernement vise l'amélioration structurelle de la qualité de l'environnement des professionnels, et les échanges avec les collectivités territoriales, auxquelles incombe la responsabilité de la qualité de l'eau, sont sérieux.
M. Mickaël Vallet. - Je vous remercie pour ce calendrier. Il nous faut des résultats très concrets. Le jour où un pays étranger grand consommateur et importateur considérera que la méthode ne lui convient pas, je crains le pire.
Problèmes assurantiels des collectivités territoriales
Mme Amel Gacquerre . - Les collectivités territoriales rencontrent de grandes difficultés à s'assurer, et les relations avec les assureurs se dégradent, entraînant des ruptures unilatérales de contrat, l'augmentation des primes et une absence de réponses aux appels d'offres.
La situation, étudiée par la mission d'information de la commission des finances du Sénat visant à « garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », s'aggrave : 60 % des communes rencontrent des difficultés, et 90 % de celles qui ont plus de 10 000 habitants.
Or les problèmes viennent de l'instabilité des contrats et des multiples dysfonctionnements du marché de l'assurance, qui se raréfie. Cet oligopole prive de choix les collectivités et le manque de concurrence les expose aux hausses de tarifs. Qu'envisagez-vous ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Cette question récurrente est très importante, nous en avons parlé hier lors du séminaire gouvernemental. Je salue le rapport sénatorial, comme celui qu'ont remis Alain Chrétien et Jean-Yves Dagesse en avril 2024.
Les risques climatiques et de cybersécurité s'accroissent, tout comme ceux liés aux violences urbaines. Le marché des assurances s'est raréfié. Ainsi, primes et franchises augmentent de manière insupportable, tandis que des appels d'offres restent sans réponse.
Nous allons mettre en oeuvre une série de recommandations de ces deux rapports, en travaillant sur une meilleure prévention et une meilleure connaissance du patrimoine des communes.
Incohérences de la loi SRU
Mme Sylviane Noël . - La loi SRU a deux effets pervers.
D'une part, la modification du seuil de tension de logement social de 20 à 25 %, imposée par le décret du 29 mars 2023, a des répercussions lourdes pour plusieurs communes de Haute-Savoie. Ainsi, la commune de Marignier a vu sa pénalité passer de 40 000 à 85 000 euros. L'équilibre budgétaire de nombreuses communes est menacé, notamment dans l'agglomération de Cluses.
D'autre part, comment expliquer que l'on applique cette pénalité quand les permis de construire ont déjà été délivrés ? Des communes actives et volontaires, déjà fragilisées par la rareté du foncier et des retards en tout genre, sont ainsi doublement sanctionnées. Leurs efforts sont méprisés.
Il faut corriger ces effets délétères !
M. le président. - C'est une excellente question.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Voici la règle générale : les communes ont une obligation de 25 % de logements sociaux. Quand la tension est limitée, une réduction du seuil à 20 % est possible. Le ratio de tension est défini tous les trois ans.
Sur la période 2023-2025, le décret a reconduit le ratio fixé à quatre demandes de logement social pour une attribution. Or l'agglomération de Cluses a vu sa tension passer de 3,98 demandes à 4,56 demandes pour une attribution : ainsi, des communes situées sur ce territoire se voient appliquer le taux commun de 25 %.
Je comprends les implications. Nous connaissons les difficultés pour construire des logements sociaux, notamment en centre-ville. Pour en tenir compte, l'État prend en compte les déclarations d'urbanisme de permis de construire, et non pas la date de livraison des logements.
Par ailleurs, la loi 3DS autorise les communes réunies en intercommunalité à signer un contrat de mixité sociale ; le préfet pourra apprécier le lissage de l'effort dans le temps.
Bonification de retraite pour les élus locaux
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Les fonctions de maire, d'adjoint au maire, de président ou de vice-président d'intercommunalité, de plus en plus prenantes et techniques, amènent certains à renoncer au moins partiellement à leur activité professionnelle, ce qui est pénalisant pour leur retraite.
Le Sénat est très attaché à une reconnaissance de leur engagement sous la forme de trimestres attribués pour un certain nombre d'années de mandat, sur le modèle de ce qui se fait pour les pompiers volontaires. Le rapport de nos collègues Canayer, Cozic et Lahellec et les assises nationales de la démocratie locale, que votre prédécesseur avait conduites, l'avaient préconisé, et c'était l'article 3 de votre proposition de loi que le Sénat a adoptée il y a quelques mois.
Quand et comment ce chantier pourrait-il aboutir ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Merci de cette question importante. Plusieurs initiatives ont été dans le bon sens, comme le renforcement de la protection des élus ou votre proposition de loi sur les secrétaires de mairie.
Le mécanisme de bonification au bénéfice des sapeurs-pompiers est très particulier, en l'absence de lien entre salariat et retraite. La situation des élus exécutifs locaux est un peu différente, parce qu'ils touchent des indemnités et paient des cotisations sociales. Par le biais de différentes lois de finances, les élus locaux peuvent décider de s'assujettir aux cotisations de sécurité sociale, la collectivité devant automatiquement s'acquitter de la part patronale.
Le Sénat a voté à l'unanimité la proposition de loi que vous avez mentionnée, il y a eu une initiative à l'Assemblée nationale qui n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour et le Gouvernement a mené des réflexions. Le Premier ministre a indiqué vouloir avancer sur le statut de l'élu et le Gouvernement fera une proposition sans doute sous la forme de reprise d'une des deux propositions de loi. Si c'est celle du Sénat - c'est un peu la tendance... -, elle contient cette disposition.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous souhaitons que la proposition du Sénat soit inscrite à l'ordre du jour par le Gouvernement. Nous devons cette reconnaissance aux élus.
Rénovation des ponts
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Comme le montre l'effondrement la semaine dernière d'un pont dans le Var, le plan national de diagnostics demandé par la mission d'information sénatoriale a révélé l'état préoccupant de nombre de ponts et mis en exergue les lourdes conséquences induites pour les communes concernées : les études et devis complémentaires ne sont pas pris en charge au titre de la DSIL et le coût des travaux est entièrement à leur charge. On ne peut laisser les communes gérer entièrement ces projets dont la dimension s'apparente à des obligations de sécurité. La proposition n°2 du rapport d'information préconisait la constitution d'un fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales dans la surveillance, l'entretien et la réparation de leurs ouvrages d'art. Y donnerez-vous suite ? Après la fin du programme national en 2025, envisagez-vous de mettre en place un nouveau programme ? Peut-être faudrait-il prévoir des crédits dans les futurs contrats de plan et fonds structurels européens ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Nous connaissons les effets des catastrophes naturelles répétées - je pense à l'Ardèche, à la Loire et à ce que vivent nos amis Espagnols en ce moment. Le programme « ponts », initié en 2020 dans le cadre du plan de relance sur la base du rapport d'information du Sénat, s'étend jusqu'en 2025. Avec l'appui du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), un diagnostic très utile de tous les ouvrages d'art ou presque a été réalisé. Il était prévu que le financement des travaux passe par d'autres fonds d'État, notamment la DETR ou la dotation d'investissement des départements. L'instruction annuelle envoyée aux préfets en février 2024 a priorisé le soutien à ces investissements de sécurité, permettant à 1 000 projets d'être soutenus depuis 2018 pour environ 125 millions d'euros. Je demanderai au Cerema, que je reçois cet après-midi, de faire un bilan des opérations et de ce qu'il reste à entreprendre. Naturellement, le Sénat sera informé, sans compter les initiatives qu'il peut prendre par lui-même.
Péages à flux libre
Mme Anne-Catherine Loisier . - Les défaillances de l'information sur les péages à flux libre ont des conséquences financières pour les usagers : la première autoroute concernée, l'A79 de Montmarault à Digoin, a enregistré en un an 180 000 impayés, 80 000 dossiers de pénalité et 600 000 courriers pédagogiques - c'est dire l'incompréhension.
L'absence de portail de télépéage laisse à penser que le tronçon est gratuit. Pour les détenteurs d'un badge de télépéage, l'opération est indolore et les habitants résidant à proximité ont globalement été informés. Mais pour des usagers occasionnels, le panneau expérimental est peu clair et, à 130 km par heure, ils ne réalisent pas ce qui se passe. Comment comprendre qu'il est possible de payer a posteriori en créant un compte sur le site internet du concessionnaire ?
En cas de non-paiement dans les 72 heures, les usagers dont les coordonnées ont été retrouvées risquent une amende de 90 euros, en plus du montant du péage, voire de 375 euros après 60 jours. Pourquoi toutes les sociétés d'autoroute ne développent-elles pas le flux libre ? La société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef) l'a mis en place également sur un trajet Paris-Normandie A13-A14 courant 2024.
Comment pourrions-nous faciliter les recours de bonne foi et harmoniser les systèmes de paiement, par exemple en proposant une plateforme de paiement unique pour tout le territoire ? Comment mieux informer les usagers ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - L'État a lancé une campagne de communication en juin 2024 pour informer les usagers via un site internet ; mais l'information n'arrive toujours qu'à ceux qui la cherchent.
Sur l'A79, des renforcements de signalisation vont être déployés. Le retour d'expérience révèle une meilleure appréhension avec la croissance continue du paiement spontané. La plateforme unique est d'ores et déjà intégrée au nouveau cahier des charges type des contrats de concession. Pendant les premiers mois d'exploitation, les sociétés exonèrent les usagers en défaut de paiement pour la première fois de majoration. L'évaluation se poursuit. François Durovray sera très attentif à cette question.
Ligne nouvelle Paris-Normandie
Mme Corinne Féret . - C'est avec stupeur que les Calvadosiens ont appris en septembre dernier l'adoption par le conseil régional d'Île-de-France d'une motion d'opposition au projet de ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN).
Ce projet d'intérêt national est pourtant vital. Annoncé par Nicolas Sarkozy en 2009, il a été soutenu par les présidents successifs et son aspect prioritaire a été confirmé à maintes reprises par la commission Mobilité 21 et par le Conseil d'orientation des infrastructures.
On ne compte plus le nombre de ministres ayant reconnu la dette ferroviaire de l'État à l'égard de la Normandie. C'est la seule solution pour augmenter la capacité d'une ligne saturée, ce qui est crucial pour favoriser le report modal de la route vers le rail pour les voyageurs comme pour le fret, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Ce n'est pas un simple projet ferroviaire de désenclavement de la Normandie, mais bien un levier incontournable de compétitivité, de modernisation et de développement durable - sans parler de la politique maritime. Pouvez-vous réaffirmer l'engagement total de l'État dans ce projet ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Je vous confirme l'attachement du Gouvernement à ce projet qui avance, puisque les sections Paris-Mantes et Rouen-Barentin sont en phase d'étude préalable à la déclaration d'utilité publique.
Nul n'ignore la motion d'opposition de l'Île-de-France, même si sa présidente avait exprimé son soutien au projet. Nous pensons qu'il y a une forte valeur ajoutée aussi pour les Franciliens. Le maître d'ouvrage SNCF Réseau a lancé une mission d'écoute auprès de l'ensemble des territoires concernés.
C'est dans le souci des besoins de mobilité de l'ensemble des territoires et le respect de leurs préoccupations que les conditions de poursuite du projet seront examinées dans les prochaines semaines. François Durovray est particulièrement attentif à ce projet essentiel.
Échangeur de La Varizelle
M. Hervé Reynaud . - Le chantier de l'échangeur de La Varizelle, à Saint-Chamond, d'un montant de près de 25 millions d'euros, inscrit dans le volet territorial du contrat de projet État-région, est à l'arrêt en raison du non-respect par l'État de son engagement, alors que les travaux préparatoires se sont achevés cet été. Où sont passés les 12 millions d'euros que l'État s'était engagé à mettre sur la table ?
Après l'annulation du projet d'autoroute A45, pour laquelle 400 millions d'euros ont été budgétés en substitution, il ne faudrait pas que les habitants de la métropole de Saint-Étienne subissent une double peine, d'autant que les liaisons entre Saint-Étienne et Lyon sont très dégradées pour les 125 000 usagers quotidiens de l'autoroute et les 21 000 usagers du TER, et pas seulement à cause des dernières inondations.
Comment l'État entend-il fluidifier les déplacements et respecter ses engagements ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Ce chantier s'inscrit effectivement dans un programme multimodal d'amélioration des mobilités entre Lyon et Saint-Étienne, décidé après l'abandon du projet d'autoroute. Une enveloppe de 400 millions d'euros venant de l'État est prévue, en plus des contrats de plan État-région.
Fin 2024, près de 190 millions d'euros auront été mobilisés, dont plus de 70 % pour le volet ferroviaire et 30 % pour les autres modes. Nul au sein du Gouvernement ne conteste la nécessité de respecter les engagements de l'État, notamment pour compléter le demi-échangeur de La Varizelle ; l'État, maître d'ouvrage, a confirmé son financement à hauteur de 50 %. Mais nous connaissons tous le contexte budgétaire, qui impose une forte priorisation dans l'allocation des ressources.
François Durovray est très attentif à votre préoccupation.
M. Hervé Reynaud. - Un projet aussi lourd à faire aboutir qui s'arrête après les phases préparatoires, ce n'est pas acceptable. La semaine dernière, il fallait autant de temps pour aller de Saint-Étienne à Lyon que de Lyon à Paris !
Aéroport d'Orly
M. Christian Cambon . - L'aéroport d'Orly, très enclavé dans le tissu urbain, génère des nuisances sanitaires et environnementales telles qu'elles peuvent réduire de trois ans l'espérance de vie des riverains. Malgré l'instauration, dès 1968, d'un couvre-feu entre 23 h 30 et 6 heures, la situation ne s'améliore pas : d'où le lancement d'une étude d'impact, en 2023, par le ministre d'alors.
Dans ce cadre, près de 225 élus, toutes tendances politiques confondues, y compris le président de la métropole du Grand Paris et le président du Sénat, se sont positionnés en faveur d'un couvre-feu à 23 heures, afin de réduire de 6 décibels le bruit, et ils ont été suivis par l'agence régionale de santé (ARS) et Bruitparif.
Le précédent gouvernement avait choisi d'attendre le renouvellement des flottes d'avion, dont les moteurs sont moins bruyants. Le nouveau ministre délégué aux transports compte-t-il suivre les élus ? Cette mesure serait utile pour améliorer la santé et le cadre de vie de nombreuses familles.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Les conclusions de l'étude d'impact demandée en 2023 ont été transmises aux ministres de la transition écologique et des transports en février dernier.
Sur ce fondement, les ministres ont soumis à la consultation du public, du 29 avril au 29 juillet, un scénario qui comporte des mesures inédites.
Le Gouvernement est attentif au réalisme des propositions. Le ministre délégué François Durovray vous tiendra informé rapidement des décisions prises.
Statut de l'élu local
Mme Marie Mercier . - Madame la ministre, aurez-vous de bonnes nouvelles à annoncer à l'occasion du Congrès des maires, qui s'ouvre bientôt ? Les maires et les élus locaux, qui dépensent toute leur énergie sans compter leur temps, sont la première porte pour la solidarité nationale.
Il est difficile de concilier l'exercice d'un mandat, la vie professionnelle et la vie familiale : comment les encourager ?
Le Sénat, leur maison, a travaillé sur cette question : en 2018, avec le rapport « Faciliter l'exercice des mandats locaux : enjeux et perspectives » ; en 2023, avec le rapport sur l'avenir de la commune et du maire en France. Le rapporteur Mathieu Darnaud avait réfléchi à la piste de l'indemnisation, mais il est difficile pour un maire de proposer l'augmentation d'indemnités. Pouvons-nous donc réfléchir à la prise en charge d'une part salariale d'un maire qui diminuerait son temps de travail ?
Par ailleurs, l'agresseur d'une maire de mon département a écopé d'un stage de citoyenneté de huit heures...
Madame la ministre, la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, issue du rapport de 2023, pourra-t-elle être inscrite à l'ordre de jour de l'Assemblée nationale ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - La création d'un statut de l'élu local, l'une de mes grandes préoccupations au Sénat, est une grande urgence : 106 communes sans candidat en 2020, les démissions, la fatigue...
Le Sénat a proposé beaucoup de mesures en faveur de la protection des élus ou encore des secrétaires de mairie. S'agissant du statut de l'élu, le texte issu du rapport de 2023, déjà voté au Sénat, serait préféré à celui qui a été déposé à l'Assemblée nationale, même s'il comportera des améliorations venant du Gouvernement ou de l'Assemblée nationale. Le Premier ministre a confirmé qu'il s'agissait d'une priorité de son gouvernement, mais le texte ne sera pas examiné avant le début d'année prochaine.
Mme Marie Mercier. - Nous connaissons votre attachement aux élus locaux ; ils sont le « sourire social » de notre pays, protégeons-les.
Dotations de l'État aux collectivités territoriales
Mme Christine Herzog . - Alors que le Premier ministre a déclaré, le 2 octobre, qu'il fallait « essayer de faire beaucoup avec peu », le sort de la DGF me semble incertain. Dans le PLF pour 2025, son montant serait identique à celui de 2024, soit 27,2 milliards d'euros. Or les compétences déléguées par l'État aux collectivités territoriales augmentent d'une année sur l'autre. Ce déséquilibre est inquiétant.
L'État a réduit de 10 milliards d'euros de la DGF entre 2014 et 2017. Pèsent aussi sur les comptes des collectivités territoriales la suppression de la réserve parlementaire en 2017 et de la taxe d'habitation en 2023, l'explosion du coût des énergies, la réduction de 60 % du fonds vert en 2025.
C'est beaucoup pour nos communes rurales ! Ce sont les premières victimes de cette politique qui délègue toujours plus et finance toujours moins. Quelle sera la trajectoire budgétaire du Gouvernement en matière de dotations aux collectivités pour 2025 ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - Le Sénat, qui examinera bientôt les dotations de l'État aux collectivités territoriales prévues dans le PLF, pourra compter sur la sagesse et la responsabilité de l'État.
La dette est le deuxième poste de dépenses publiques : surendetté, l'État doit redresser ses finances - je ne critiquerai jamais les collectivités territoriales. La pérennité de nos services publics dépend de ce redressement, qui génère des contractions budgétaires, et c'est une véritable difficulté.
Le Parlement présentera sa copie, en respectant cette note de bas de page, pour éviter une crise financière - je ne rappellerai pas celles qu'ont connues certains pays européens.
Cela dit, le montant de la DGF a été maintenu et, pour le fonds vert, il faut considérer la consommation réelle en 2023.
Arrêts de travail abusifs
Mme Anne-Sophie Romagny . - Nous cherchons tous des pistes d'économies pour équilibrer le budget : l'interdiction des sites frauduleux en est une. Ainsi de ceux qui fournissent des arrêts de travail abusifs : des hommes ont été arrêtés pour douleur menstruelle ! L'identité de véritables médecins est usurpée, et ils pourraient même être sanctionnés...
Alors que j'ai interpellé à maintes reprises plusieurs ministres, ce matin, les sites sont encore en ligne - je tiens leur nom à votre disposition.
En attendant la suppression des arrêts de travail au format papier et le tout électronique sécurisé, je vous demande solennellement d'interdire sans tarder ces sites et de prendre des sanctions exemplaires contre ces abus.
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - En 2023, les faux arrêts de travail ont coûté 7,7 millions d'euros à l'assurance maladie contre 5 millions d'euros en 2022. Nous devons lutter contre les pratiques frauduleuses.
La Cnam lutte contre les fausses déclarations sociales d'indemnité journalière et cherche à mieux identifier les faux déclarants. En 2023, plus de 1 million de contrôles ont été menés par le service médical de la Cnam et plus de 77 000 reprises de travail ont été notifiées. Nous devons faire mieux.
La Cnam a engagé des procédures judiciaires à l'encontre des sites délivrant des faux arrêts de travail. Elle a également déployé un nouveau formulaire Cerfa infalsifiable, dont l'utilisation sera obligatoire à compter de juin prochain. Plusieurs sites ont été signalés par l'administration au procureur de la République, en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Enfin, le décret du 5 juillet dernier facilite les contre-visites médicales diligentées par l'employeur.
Mortalité infantile
M. Patrice Joly . - La mortalité infantile a augmenté ces dernières années en France : en 2023, on compte quatre décès pour mille naissances vivantes ; 55 000 enfants naissent prématurément chaque année ; or ils représentent 75 % de la mortalité néonatale et la moitié des handicaps d'origine périnatale.
Sont en cause la fermeture de lits, des difficultés d'accès aux soins, la pénurie de soignants et l'insuffisance des maternités dans les départements pauvres et ruraux.
Doit-on continuer à fermer les yeux sur la tiers-mondisation de notre système de santé ? Devrons-nous, à l'instar de l'arrêté pris par la maire de Decize dans la Nièvre, Justine Guyot, légiférer pour empêcher les femmes issues des territoires ruraux de tomber enceinte ? Comment « réarmer démographiquement la France » sans moyens ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le taux de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile stagne, voire se dégrade ; nous ne pouvons pas nous en accommoder.
La feuille de route pédiatrie et santé de l'enfant 2024 à 2030 propose d'atteindre un taux d'équipement en réanimation néonatale de 1 lit pour 1 000 naissances dans chaque région d'ici à 2027 ; d'ouvrir chaque année 600 postes d'internes en pédiatrie ; d'améliorer la qualité des données périnatales.
Il s'agit également d'« aller vers » les populations les plus éloignées du système de santé.
Nous attendons les suites du rapport d'Annick Jacquemet et Véronique Guillotin sur l'avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale.
Enfin, lorsqu'une fermeture s'impose, la priorité est d'assurer la continuité de service pour sécuriser les accouchements ; les centres périnataux de proximité jouent aussi un rôle majeur.
M. Patrice Joly. - Il faut revoir le maillage des maternités, car il a des conséquences sur le taux de morbidité. Il faut également ouvrir davantage de postes aux médecins français étudiant à l'étranger et souhaitant faire leur internat en France.
Suivi des agents de la fonction publique
M. Thierry Cozic . - La Sarthe, département rural, manque structurellement de médecins du travail. La réforme de la santé au travail issue de la loi du 2 août 2021 a conduit à de très vives tensions entre les services de prévention et de santé au travail et les entreprises adhérentes. L'association Santé au Travail 72 a décidé d'arrêter le suivi de 10 000 agents des collectivités et établissements publics. Les services de santé au travail sont débordés, ce qui expose les agents à des risques accrus de maladies professionnelles et d'accidents du travail.
Quelle est la responsabilité du Gouvernement dans cette situation ? C'est la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) des Pays de la Loire qui a demandé à Santé au Travail 72 de se dessaisir. Comment comptez-vous faire face à la pénurie de médecins au travail et garantir que les services de prévention et de santé au travail disposent des ressources nécessaires ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le décret du 10 juin 1985 impose aux autorités territoriales de veiller à la sécurité et la protection de la santé de leurs agents. Cette mission est assurée par des équipes pluridisciplinaires, dont un médecin du travail qui peut, à titre subsidiaire, relever d'un service de prévention et de santé au travail interentreprises. Mais la Dreets peut demander à ce service de cesser de suivre les agents publics s'il ne dispose plus des ressources médicales suffisantes pour mener à bien ses missions premières.
Plusieurs services de prévention de santé au travail interentreprises assurent ainsi le suivi des personnels de la fonction publique en région Pays de la Loire. La Dreets a invité le service de prévention et de santé au travail de la Sarthe à oeuvrer prioritairement dans son champ d'agrément, d'où la décision de ce dernier de ne plus assurer le suivi des agents publics, qui pourront néanmoins être suivis par le centre de gestion de la fonction publique. Par ailleurs, la Dreets va recruter quatre médecins du travail.
Budget des centres régionaux de dépistage des cancers
Mme Nicole Bonnefoy . - Le 17 octobre dernier, j'ai interrogé la ministre de la santé sur la diminution de près de 30 % des dotations des centres de coordination du dépistage des cancers en Nouvelle-Aquitaine. Réponse : la diminution du budget ne s'accompagnera pas d'une baisse des dépistages ; elle serait liée au seul transfert de certaines missions à l'assurance maladie, dont l'envoi de courriers...
La réalité est tout autre : la mission de service public de prévention et de détection des cancers est menacée en Nouvelle-Aquitaine ! Avec des dotations en diminution de plus de 26 %, le centre régional de dépistage doit renoncer à certaines actions majeures, sur le cancer du col de l'utérus ou le cancer colorectal, notamment.
Madame la ministre, comptez-vous reprendre ce dossier pour préserver les centres néo-aquitains de dépistage des cancers ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - En effet, avec un budget de 11 millions d'euros, alors que le financement délégué par l'agence régionale de santé (ARS) est de 9 millions d'euros, ce centre est déficitaire. C'est le résultat d'un décalage important entre les orientations prises par le centre et celles prévues par l'ARS : absence de stabilisation des effectifs, campagnes de communication qui s'écartent des directives... L'ARS va examiner la situation, afin de permettre au centre de remplir ses missions.
Tels sont les éléments que m'a transmis ma collègue. Nous ne manquerons pas de revenir vers vous pour trouver des solutions.
Mme Nicole Bonnefoy. - Plus de prévention, plus de dépistage précoce, c'est moins de personnes malades et de moindres dépenses de santé. Cette coupe budgétaire n'est pas une économie ! Madame la ministre, reconsidérez cette décision, un non-sens sanitaire et financier.
Référents handicap dans les universités
Mme Patricia Demas . - La loi du 11 février 2005 prévoit le recrutement de référents handicap dans toutes les universités de France. À la rentrée 2022, on dénombrait plus de 59 000 étudiants en situation de handicap dans l'enseignement supérieur, soit sept fois plus qu'il y a vingt ans. C'est une bonne chose, mais un étudiant en situation de handicap sur cinq n'est toujours pas accompagné. Les référents en handicap sont peu connus, peu formés, et l'on constate de grandes disparités entre universités.
Combien y a-t-il de référents handicap et comment sont-ils répartis ? Comment le Gouvernement envisage-t-il de les faire mieux connaître ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est pleinement investi dans l'accueil des étudiants en situation de handicap : leur accompagnement est l'un des axes prioritaires de son action.
En 2023-2024, près de 64 000 étudiants se sont déclarés en situation de handicap. Deux circulaires, du 6 février 2023 et du 10 juillet 2024, ont précisé les aménagements possibles. Un guide vers l'autonomie a été publié en octobre, avec des exemples de bonnes pratiques mutualisables. Les étudiants en situation de handicap bénéficient de quatre points de charge supplémentaires pour l'attribution d'une bourse. Cet engagement concerne tout le parcours étudiant, de Parcoursup jusqu'au plus haut niveau de formation.
Chaque établissement dispose d'un référent handicap pilote et d'un service qui peut compter jusqu'à 4,5 ETP. Deux modèles de fiches de poste ont été transmis aux établissements et le ministère anime ce réseau, avec l'association Apaches. Le budget concerné atteindra 21 millions d'euros en 2025, soit une multiplication par trois en trois ans.
Surpopulation carcérale en Guadeloupe
Mme Solanges Nadille . - Lundi dernier, à la suite d'une énième agression, les surveillants ont bloqué l'accès au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, en Guadeloupe. J'adresse mon plein soutien au surveillant agressé et à ses collègues. Leur ras-le-bol est compréhensible !
La surpopulation carcérale explique ces agressions. Les conditions de détention sont indignes. Près de 700 détenus sont incarcérés, pour 540 places. À la maison d'arrêt pour hommes, 126 prisonniers dorment sur des matelas posés à même le sol. Le manque de moyens humains pour assurer la sécurité est criant.
La Guadeloupe n'est pas un cas isolé : les taux d'occupation dépassent les 200 % à Mayotte, les 150 % en Guyane.
Madame la ministre, le point d'alerte est atteint : il est urgent d'agir. Que comptez-vous faire face à cette situation qui ne peut plus durer ?
Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance . - Le garde des sceaux vous remercie pour votre question qui rend hommage au travail quotidien des surveillants, parfois au péril de leur sécurité. L'agression du 27 octobre dernier est inadmissible : la personne responsable a été transférée vers un autre établissement et des engagements ont été pris auprès de l'intersyndicale afin de répondre aux attentes des agents.
Quelque 730 personnes sont incarcérées à Baie-Mahault, pour 620 lits disponibles, soit un taux de surpopulation carcérale de 149 %. Si le taux d'occupation du centre de détention est optimal, celui de la maison d'arrêt est très élevé, à 196 %. La direction de l'administration pénitentiaire tâche de désengorger autant que possible les maisons d'arrêt, une stratégie qui porte ses fruits. Des transferts réguliers vers l'Hexagone se poursuivent également.
Le centre pénitentiaire est dans une situation favorable en termes de moyens humains, avec un taux de couverture des emplois de surveillance de 94 %. La présence d'équipes locales de sécurité pénitentiaire en outre-mer sera renforcée et quatre postes supplémentaires seront créés à Baie-Mahault.
Rapatriements depuis Gaza
Mme Raymonde Poncet Monge . - La situation à Gaza est apocalyptique. Le système de santé s'est effondré : structures de santé bombardées, personnel médical visé... Les familles déplacées vivent dans un dénuement total, sans eau, sans nourriture, sans médicaments, sans soins. En mai 2024, en réponse à ma question orale sur l'accueil d'enfants palestiniens blessés, il m'avait été répondu que nous étions prêts à accueillir 50 enfants... Mais seulement 16 enfants, venus d'Égypte et non directement de Gaza, ont été accueillis. Où en est-on ?
Le 19 novembre 2023, le Président de la République a annoncé qu'un porte-hélicoptères, d'une capacité de 40 lits, prendrait en charge des civils blessés. Ces quarante lits sont-ils utilisés ?
Enfin, l'association Palmed France s'est vue refuser l'entrée de cinq médecins français à Gaza et demande que la France sollicite l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires. Monsieur le ministre, pouvez-vous intervenir ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Vous connaissez notre position constante : la France s'engage pour la reprise du dialogue politique dans la région, afin que deux États vivent côte à côte, en sécurité. Nous devons donc oeuvrer pour un cessez-le-feu, la libération inconditionnelle de tous les otages et l'accès sans entrave de l'aide humanitaire.
Sur place, la France a été la première nation occidentale à soigner des civils gazaouis, notamment à bord de notre porte-hélicoptères médicalisé, le Dixmude, qui a pris en charge de plus de 120 blessés. En France, nous avons accueilli 17 enfants palestiniens blessés ou malades.
Je rappelle aussi l'engagement de la France pour l'aide humanitaire au Liban, avec la grande conférence internationale organisée le 24 octobre, qui a permis de lever un milliard d'euros, dont 800 millions fléchés vers l'aide humanitaire.
Notre engagement est collectif, car notre sécurité est liée à celle du Proche-Orient. Nous sommes décidés à faire entendre notre voix singulière. Jean-Noël Barrot sera à nouveau dans la région jeudi.
Droit de préemption pour la protection des terres agricoles
M. Jean-Baptiste Blanc . - Les dispositifs liés au droit de préemption des collectivités territoriales pour protéger les terres agricoles sont de plus en plus détournés, et nos communes en souffrent.
Dans le Vaucluse, Caumont-sur-Durance a noué un partenariat avec la Safer (société d'aménagement foncier et d'établissement rural) visant à l'exercice d'un droit de préemption sur les terrains agricoles non acquis par des exploitants. Mais certains propriétaires se livrent à des manoeuvres pour limiter l'efficacité de ce droit, initiant des baux emphytéotiques. Si cette pratique est légale, elle sert, en l'occurrence, à perpétuer des usages non conformes de terres agricoles.
Face à ces détournements qui compromettent la protection des espaces agricoles, comment le Gouvernement compte-t-il renforcer le droit de préemption et sanctionner les stratégies destinées à en réduire la portée ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Je vous prie d'excuser l'absence d'Annie Genevard, en déplacement dans l'Aude et le Tarn auprès des agriculteurs et viticulteurs.
La question que vous soulevez est épineuse, car il est difficile de qualifier a priori le caractère frauduleux d'un bail emphytéotique dans la perspective d'une préemption. En vertu de la jurisprudence, si le bail prévoit le transfert du droit réel de propriété en fin de contrat, il est soumis au droit de préemption. Il appartient aux notaires de déterminer quels baux sont soumis à ce droit, et nous recommandons la plus grande vigilance à l'ensemble de la profession.
Quant aux Safer, elles exercent leur droit de préemption conformément à leur mission qui est de garantir le maintien de l'usage agricole. Idem pour le cahier des charges qu'elles établissent et l'étude qu'elles mènent au regard des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles.
Par ailleurs, les collectivités territoriales qui possèdent des pouvoirs d'aliénation peuvent les exercer sur des baux emphytéotiques ou se prémunir contre des constructions illicites en zone naturelle ou agricole. Ces pouvoirs ont été renforcés en 2019 par la loi Engagement et proximité.
Inquiétudes des jeunes agriculteurs
M. Alain Duffourg . - Je relaie les inquiétudes dont m'a fait part le président des Jeunes agriculteurs du Gers, au nom de la profession. Lors des manifestations de grande ampleur du début de l'année, le précédent gouvernement s'était engagé à faire droit aux demandes légitimes des agriculteurs, mais il n'en a rien été.
Certaines mesures doivent être prises en urgence. En particulier, la profession demande le maintien du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés agricoles non bâties. L'État doit aussi respecter les engagements pris pour l'indemnisation des planteurs de coriandre.
L'élevage de palmipèdes à foie gras a été fortement touché par l'influenza aviaire. Le Gouvernement va-t-il rétablir l'aide au niveau promis, soit 85 % des pertes ?
Quant à la filière viticole, elle subit de nombreux aléas climatiques depuis trois ans : gel, grêle, pluie. S'y ajoute la surtaxe chinoise sur les exportations, notamment d'Armagnac. Comment le Gouvernement compte-t-il la soutenir ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Le Gouvernement partage votre engagement auprès des jeunes agriculteurs.
Face à la baisse des rendements agricoles due aux conditions climatiques, le Gouvernement a annoncé un dégrèvement partiel de la taxe foncière sur le non-bâti. Ce dispositif a prouvé son utilité et l'absence de démarche est gage de simplification.
Les demandes d'aide à la conversion en bio pour la coriandre ont connu cette année une hausse importante, liée au montant élevé de la prime associée à cette culture, sans lien avec l'évolution de la demande. La préfecture de la région Occitanie a appliqué un plafond de trois hectares, rehaussé à neuf hectares pour les jeunes agriculteurs.
S'agissant de l'influenza aviaire, les résultats de la stratégie vaccinale - la même qu'en 2023 - sont très satisfaisants. Les modalités de financement de la campagne en 2025 sont en cours d'arbitrage.
En ce qui concerne la viticulture, l'assurance récolte, dont le cadre a été réformé, repose sur un partage équitable du risque : les aléas courants sont pris en charge par les agriculteurs et les aléas significatifs par l'assurance récolte, dont les primes sont subventionnées à 70 % et qui indemnise à partir de 20 % de pertes ; enfin, les aléas catastrophiques sont pris en charge par la solidarité nationale.
Viticulteurs ayant souscrit une double assurance sanitaire et climatique
M. Hervé Gillé . - Confrontés à des risques sanitaires et climatiques croissants, amplifiés par le changement climatique et le recul de l'usage de produits phytosanitaires, les viticulteurs de Gironde et d'ailleurs sont très inquiets. Au gel et à la grêle se sont ajoutées ces dernières années des maladies comme le mildiou, l'oïdium ou le black-rot ; aggravées par l'humidité et les vagues de chaleur, elles s'installent dans nos vignobles.
Alors qu'il devient quasiment impossible de distinguer des dégâts liés au climat de ceux causés par les infections sanitaires, les viticulteurs qui souscrivent une assurance climatique avec complémentaire sanitaire sont pénalisés à double titre : d'une part, un abattement sanitaire est appliqué par l'État et les assureurs sur les indemnisations climatiques ; d'autre part, leur couverture sanitaire n'ouvre droit ni à la subvention de la PAC ni au fonds de solidarité nationale (FSN).
Pourquoi cette injustice ? Pourquoi la France n'inclut-elle pas les risques sanitaires dans les conditions de soutien de la PAC et du FSN, alors que l'Union européenne l'autorise ? Le climatique et le sanitaire seront de plus en plus entremêlés : il faut, à tout le moins, expérimenter une dérogation pour les viticulteurs ayant souscrit une double assurance.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Les maladies que vous citez sont des maladies courantes contre lesquelles les viticulteurs ont des moyens de lutte bien établis. En vertu du cadre européen, ces pertes sanitaires, amplifiées ou non par les conditions climatiques, ne sont prises en compte ni par le dispositif assurantiel ni par la solidarité nationale. En revanche, les aléas sanitaires plus atypiques sont pris en charge par le fonds national de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) qui bénéficie de financements publics à hauteur de 65 %.
Les règles européennes excluent une ouverture expérimentale aux viticulteurs et agriculteurs du régime dérogatoire au plan stratégique national pour la PAC. Mais la réforme de l'assurance récolte a amélioré la prise en charge des aléas affectant les viticulteurs, qui, désormais, bénéficient tous de la solidarité nationale. Et, en début d'année, les viticulteurs dont les revenus ont le plus baissé ont bénéficié d'un fonds d'urgence de 80 millions d'euros.
S'agissant de la réduction de l'usage des produits phytosanitaires, l'État travaille au développement de nouvelles solutions pour protéger les cultures. Un appel à manifestations d'intérêt a été lancé en juillet dernier : il financera à hauteur de 90 millions d'euros des projets innovants, notamment pour l'expérimentation de contrats couvrant la prise de risque liée au changement de pratiques.
M. Hervé Gillé. - Je vous demande de regarder cette situation de près : il semble que la position française soit différente de celle d'autres pays européens. La crise viticole actuelle est l'une des plus graves depuis la Seconde Guerre mondiale ! Une réponse collective s'impose.
Interdiction de la benfluarine
Mme Marie-Claude Lermytte . - Le 14 février dernier - hasard du calendrier -, j'ai exprimé ici tout mon amour pour les filières de l'endive et de la chicorée.
Le règlement européen du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas l'approbation des produits à base de benfluarine utilisés pour lutter contre l'invasion des chénopodes. Les autorisations de mise sur le marché (AMM) sont retirées et l'utilisation des stocks n'est plus permise. Pourtant, aucune alternative n'a été trouvée, hormis un désherbage manuel fort coûteux.
Ces filières font partie intégrante du patrimoine du Nord. La maîtrise des cultures est assurée par une filière structurée, la transformation de la plante par plus de deux cents planteurs, sécheurs et torréfacteurs, qui garantissent des produits de qualité. Nos filières représentent la quasi-totalité de la production nationale et un quart de la production mondiale.
Hélas, leur avenir est incertain. Les professionnels ne demandent plus le retour du bonalan, mais nous partageons tous ce mantra : pas d'interdiction sans solution. Ne laissons pas ces filières historiques s'éteindre au profit d'une chicorée indienne à mille lieues de nos normes environnementales !
En février, le ministre de l'agriculture de l'époque affirmait que des travaux étaient en cours pour examiner les solutions de substitution parmi les herbicides autorisés et promettait des expérimentations dès cette année. Où en est-on ? Comment accompagner les filières dans l'attente des nouveaux produits ? Quel recours s'ils ne fonctionnent pas ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - Selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), la benfluarine ne répond pas aux critères d'approbation ; les méthodes d'atténuation des risques proposée par la France pour maintenir l'approbation ont également été écartées. La Commission européenne n'a donc pas renouvelé l'approbation de la benfluraline. À la demande de la France, le délai pour la distribution et l'utilisation des stocks a été porté à quinze mois.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a retiré les AMM, avec une utilisation des stocks possible jusqu'au 12 mai 2024. Cette période a été prolongée d'un mois compte tenu des pluies qui ont retardé les semis.
La filière a été tenue informée. Afin d'anticiper le retrait de la benfluraline, une dérogation a été octroyée en avril dernier pour expérimenter une autre substance. Par ailleurs, une convention portant sur 100 000 euros a été conclue avec les producteurs d'endives pour des essais de désherbage avec des molécules alternatives.
Les résultats montrent que la benfluraline est substituable dans des conditions techniques acceptables. (Mme Marie-Claude Lermytte se montre dubitative.) Les dérogations pourront être reconduites, et le désherbage des chicorées figure parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté alimentaire pour les fruits et légumes.
Crise agricole et absence de réponses
M. Lucien Stanzione . - La filière viticole du Sud-Est est en plein désarroi. Mme Genevard est dans l'Aude pour faire de nouvelles annonces : il est temps, car la colère de nos agriculteurs ne cesse de monter. Ce matin, j'ai appris que de grandes surfaces vendent le litre de Côtes-du-Rhône de qualité à 1,90 euro... Comment voulez-vous que les viticulteurs s'en sortent ?
À quand la mise en place concrète du dispositif d'arrachage viticole dans le Sud-Est ? Pourquoi n'est-il pas conditionné à des diversifications destinées à la production alimentaire humaine ? Alors que les structures les plus fragilisées risquent d'arracher leurs vignes en totalité, l'enveloppe de 120 millions d'euros sera sûrement insuffisante.
Par ailleurs, le plan « agriculture climat Méditerranée » reste largement méconnu alors qu'il est essentiel pour l'avenir agricole de nos territoires méridionaux. Enfin, l'eau est au coeur des enjeux : sans stratégie claire ni plan de financement, que deviendront les projets d'irrigation comme Hauts-de-Provence rhodanienne ?
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe . - L'État finance des plans d'investissement pour adapter l'agriculture au changement climatique dans le cadre de France 2030 et de la planification écologique. Il a également réformé l'assurance récolte pour mieux soutenir les agriculteurs victimes de catastrophes climatiques. Ces mesures structurelles se traduisent dans divers plans sectoriels de souveraineté. En outre, l'État met en place très rapidement des dispositifs de soutien économique. Nous continuerons à appuyer les filières qui en auront besoin, comme le prouvent les annonces récentes aux éleveurs victimes de maladies vectorielles.
La filière cerise a perçu 3,6 millions d'euros au titre de l'aide exceptionnelle de 2023, et a également bénéficié d'un guichet dédié au financement d'agroéquipements spécifiques pour accompagner la lutte contre les ravageurs et les conséquences du changement climatique.
La filière lavandicole bénéficie d'un accompagnement important. Un dispositif d'assistance technique de 1,1 million d'euros, géré par FranceAgriMer, sera prochainement lancé. Le travail de construction mené par l'État et la filière a permis de définir des actions structurelles.
Comptez sur la ministre de l'agriculture pour apporter des réponses rapides aux situations d'urgence que connaissent nos agriculteurs.
Faillites des constructeurs de maisons individuelles
M. Jean Hingray . - Entre janvier et mars 2024, 284 entreprises de construction de maisons individuelles ont fait faillite. De futurs propriétaires, armés de rêves et de plans, se retrouvent perdus en mer, sans phare à l'horizon. Les chantiers sont à l'arrêt, et les maisons sont encore dans les cartons ! Pendant que les commandes s'évaporent avec la flambée des taux d'intérêt, nos concitoyens se voient exclus de l'accession à la propriété.
Et que dire de l'obligation légale de garantie des chantiers ? Les assureurs, jugeant le risque trop élevé, ferment la porte aux nouvelles constructions. C'est un cercle vicieux : moins d'acheteurs, moins de chantiers, moins de garanties.
« Je réclame le droit de rêver au tournant », disait Aragon. Je réclame, moi, le droit de rêver en construisant une jolie maison dans une bourgade, le droit de m'émouvoir de son charme scintillant, sans craindre une dérobade ! (Mines admiratives)
Madame la ministre, il est grand temps de débloquer la situation ! (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - Indéniablement, la situation de tension actuelle affecte les entreprises de la construction. Pour autant, il paraît difficile de revenir sur la garantie obligatoire des contrats de construction de maisons individuelles, qui protège les acquéreurs contre une défaillance du constructeur. Cela dit, nous travaillons à une simplification des démarches et des contrats, pour qu'ils soient plus assurables.
Le Premier ministre a d'ores et déjà annoncé un élargissement du prêt à taux zéro (PTZ), afin d'encourager sur tout le territoire la primo-accession dans le neuf, individuel et collectif. Le Sénat s'emparera bientôt du projet de loi de finances : nous comptons sur vous pour dessiner des pistes pour les investisseurs privés, pour faire le relais du Pinel, pour accompagner la production de logements par les bailleurs sociaux. Avec la baisse du taux du Livret A et celle des taux d'intérêt, tous ces éléments aideront à relancer la dynamique et à sortir de cette période difficile.
M. Jean Hingray. - Vous pourrez compter sur notre implication, madame la ministre. L'extension du PTZ est une bonne nouvelle, pour accompagner les plus modestes, pour construire et continuer à faire vivre nos territoires, notamment ruraux.
Diagnostic de performance énergétique
M. Jean-Michel Arnaud . - À compter de 2025, les biens classés G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE) seront interdits à la location ; idem pour les logements classés F en 2028 et E en 2034. Ces obligations s'appliqueront également aux meublés de tourisme. Les délais s'avèrent bien courts pour réaliser les nécessaires travaux de mise en conformité. De plus, les calculs ne sont pas fiabilisés en fonction des situations : ainsi, pour un bien identique par ailleurs, l'écart atteint deux classes selon qu'il est situé sur le littoral niçois ou dans le bassin gapençais dans les Hautes-Alpes ! On risque de voir se développer un marché « gris ». Quelles mesures d'adaptation et de différenciation comptez-vous prendre pour rendre ce DPE fiable et applicable ?
J'attire aussi votre attention sur les entreprises proposant des services de sous-location et de conciergerie aux propriétaires, en contrepartie d'un loyer mensuel assuré. Souvent proposées via des plateformes en ligne, ces offres visent une clientèle touristique. Alors que la France manque de logements, cette ubérisation du parc immobilier accentue le déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché de la location. Le Gouvernement compte-t-il réguler ces pratiques ? (M. Jean Hingray applaudit.)
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - Dans la majorité des cas, des travaux simples et soutenus par l'État avec MaPrimeRénov' permettent de sortir des classes G et F. L'arrêté du 25 mars 2024 a modifié les seuils des étiquettes du DPE s'appliquant aux logements de moins de 40 m2 ; c'est un ajustement de bon sens. Le Gouvernement travaille actuellement à adapter les règles concernant les copropriétés - cela se fera via la proposition de loi portée par MM. Marchive et Echaniz, dans le cadre d'une niche transpartisane.
Concernant la prise en compte du climat dans les calculs, un logement situé dans une zone plus froide, comme le bassin gapençais, aura des consommations calculées plus élevées qu'un logement présentant des performances similaires en termes d'isolation et de système de chauffage, mais qui serait situé dans une zone plus chaude, comme le littoral niçois.
Sans remettre en cause la loi Climat et résilience, nous nous attachons à la mettre en oeuvre de la manière la plus pragmatique possible, en apportant les petits ajustements nécessaires.
S'agissant de la sous-location, je ne peux vous répondre à ce stade, mais sachez que nous regardons ce problème avec attention.
M. Jean-Michel Arnaud. - Merci pour ces précisions. Les critères DPE posent de vraies difficultés en zone de montagne. Mon département des Hautes-Alpes compte un pourcentage très élevé de résidences secondaires, d'où des difficultés d'accès au logement permanent. L'assouplissement annoncé va dans le bon sens. Je salue également le travail fait sur les copropriétés, qui sont une véritable bombe à retardement.
Pénurie de logements à Paris et dans les grandes villes
M. Ian Brossat . - Les chiffres du mal-logement sont connus : 735 morts de la rue en 2023, 2 000 enfants qui dorment dehors faute d'hébergement, 2,7 millions de demandeurs de logement social, qui attendent parfois jusqu'à dix ans. Pour remédier à cette crise du logement sans précédent, il faut agir sur deux leviers. D'abord, construire. Nous n'avons jamais construit aussi peu de logements que cette année, depuis vingt-quatre ans ! Ensuite, utiliser les logements existants pour loger des habitants. Or dans nos grandes métropoles touristiques, le nombre de logements vacants s'accroît - soit des logements totalement inoccupés, soit des résidences secondaires, inoccupées une bonne partie de l'année. À Paris, cela concerne 20 % des logements ; à Nice, 28 % ! Quels outils nouveaux, notamment fiscaux, envisagez-vous pour inciter à utiliser ces logements à l'année ? Allez-vous autoriser les communes à augmenter la taxe sur les résidences secondaires ?
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine . - Le nombre de communes concernées par la taxe sur les logements vacants est passé de 1 140 à 3 697 en 2024, et le taux de la taxe sur les logements vacants (TLV) a également été relevé de manière substantielle. En outre, les communes appartenant au périmètre géographique de la TLV peuvent moduler de plus 5 % à plus 60 % la cotisation de taxe d'habitation due au titre des logements meublés non affectés à l'habitation principale. Il n'est pas prévu pour le moment de revenir sur ces évolutions, trop récentes pour être évaluées.
À Paris, la part des logements vacants au-delà de deux ans dans le parc privé, c'est-à-dire confrontés à une vacance structurelle, s'établit à 1,9 % en 2023, soit environ 21 500 logements. Les jeux Olympiques ont pu créer une distorsion : il faudra regarder avec attention les données au 1er janvier 2025 pour évaluer la situation.
Je souhaite que la mobilisation du parc vacant passe avant tout par des mesures incitatives, comme le dispositif Loc'Avantages. Le dispositif Zéro logement vacant permet quant à lui d'identifier les propriétaires de logements vacants et de les informer sur les incitations à la remise sur le marché. Cet outil est utilisé à Paris depuis mars 2023, et la mairie de Paris a lancé trois campagnes ciblées « Louez solidaires » en octobre 2023, concernant près de 570 logements vacants. Nous travaillons en bonne intelligence avec les territoires pour trouver des solutions.
M. Ian Brossat. - Merci. Nous ferons des propositions pour taxer plus lourdement les résidences secondaires : 7 000 en plus chaque année à Paris, autant de logements qui n'accueillent pas d'habitants à l'année.
Coût du carburant en Guyane et aux Antilles
M. Georges Patient . - Le prix des carburants en Guyane contribue à la vie chère : le sans-plomb atteint 1,90 euro le litre, contre 1,72 euro dans l'Hexagone ; nos voisins du Suriname, du Guyana ou du Brésil, eux, le paient moitié moins, entre 94 centimes et 1,10 euro.
Selon le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) de 2022, le marché des carburants aux Antilles et en Guyane n'est pas un système de prix administrés mais un triple monopole au bénéfice de la Sara (Société anonyme de la raffinerie des Antilles) : sur l'importation des produits pétroliers, sur le raffinage, sur le stockage. Il préconise l'arrêt de l'activité de raffinage, seule solution pour baisser les prix, de 14 à 18 centimes. Qu'en pensez-vous ? Quelle est la légitimité d'un système où l'État garantit 23 millions d'euros de rémunération à l'actionnaire de la Sara et accepte des prix élevés pour le consommateur ?
Une telle baisse nous laisserait encore loin des prix pratiqués par nos voisins du plateau des Guyanes, tous producteurs de pétrole. La Guyane subit une double peine, entre obligation d'importer le carburant depuis l'Europe, et interdiction d'exploiter le pétrole présent dans son propre sous-sol, au titre de la loi Hulot. Pourtant, de nouveaux forages ont été autorisés en Gironde en 2023, et l'Europe achète la moitié de la production pétrolière du Guyana ! N'est-il pas temps de mettre fin à cette hypocrisie et d'abroger la loi Hulot pour la Guyane ?
M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer . - Le Gouvernement suit de près les prix des carburants et du gaz dans les Antilles et en Guyane, dans un contexte plus large de lutte contre la vie chère outre-mer. Le rapport de l'IGF de 2022 confirme la nécessité d'une réglementation des prix des carburants au regard de l'étroitesse des marchés locaux. Il propose des pistes pour améliorer la transparence dans la définition des prix, dont le réexamen du fonctionnement et de la rémunération de la Sara.
Une réforme de la régulation des prix et du système de distribution a ainsi été actée lors du Ciom (comité interministériel des outre-mer) de 2023. Des réformes sont à l'étude afin d'assurer un prix juste au consommateur, dans un contexte de développement durable des territoires : nous avancerons lors du prochain Ciom, au premier trimestre 2025.
La loi Hulot, qui met fin aux recherches ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, n'a jamais été remise en cause. Vous dire que je ne m'interroge pas, à titre personnel, serait mentir - d'autant que des entreprises françaises exploitent les gisements des pays voisins de la Guyane... Mais en l'état, l'interdiction demeure.
Il faut prendre en compte les problématiques d'approvisionnement. Les élus de Guyane et des Antilles seront associés au débat.
Absentéisme des agents de la Ville de Paris
Mme Agnès Evren . - Signe que nos services publics sont malades, les fonctionnaires sont absents en moyenne 14,5 jours par an, contre 11,5 jours dans le privé.
Un fonctionnaire absent, c'est la double peine pour les Français. Malgré le recrutement d'un million d'agents depuis 2000, 51 % des Français se disent insatisfaits de leurs services publics - et je ne parle pas de l'augmentation des impôts. Les absences désorganisent les services, avec à la clé des rendez-vous non honorés et des délais de traitement allongés. Comment voulez-vous fonctionner efficacement lorsque le cumul des absences équivaut à 300 000 ETP, soit plus de la totalité des effectifs du ministère de la justice et de l'intérieur ?
Ce ne sont pas les agents qui sont en cause, mais les gestionnaires. La Ville de Paris emploie plus de personnes que toutes les institutions européennes, que toutes les préfectures. Le taux d'absentéisme des fonctionnaires de la Ville atteint 10 %, soit le double des salariés du privé, pour un coût de 250 millions d'euros par an ! Avec Mme Hidalgo, nous vivons en Absurdistan : explosion des impôts et services publics dégradés entraînent l'exode de milliers de familles parisiennes chaque année.
Votre proposition de porter à trois le nombre de jours de carence va dans le bon sens - j'espère que vous aurez le courage de passer à l'acte. Selon l'Igas, 40 % des absences sont de courte durée, et souvent révélatrices d'un mal-être. Comment comptez-vous les réduire ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique . - Je partage votre constat. D'où le plan de lutte contre l'absentéisme que j'ai présenté la semaine dernière. Le nombre de jours d'arrêt maladie a augmenté de 80 % en dix ans : nous sommes à 77 millions de jours d'absence dans la fonction publique, pour un coût de 15 milliards d'euros par an. Ramené à la masse d'ETP, c'est plus que les effectifs totaux de La Poste ou de la SNCF.
Les premiers à souffrir de cet absentéisme sont les agents eux-mêmes, qui subissent la désorganisation du service et les contraintes qui en découlent.
Pour la Ville de Paris, le taux d'absentéisme atteint 9,14 %, soit le double du secteur privé. Le nombre de jours d'absence par agent et par an est assez parlant : 11,6 jours dans le privé, 14,5 jours dans la fonction publique, 39,6 jours à la Ville de Paris...
C'est pourquoi nous avons décidé d'agir - et j'aurai le courage d'aller au bout, soyez-en sûre ! - avec un plan très complet. Deux mesures de responsabilité : passer d'un jour de carence à trois, et réduire la prise en charge de 100 % à 90 %, pour rapprocher le public du privé. Trois mesures d'accompagnement, que j'évoquerai avec les syndicats ce jeudi, car les conditions de travail des fonctionnaires influent sur l'absentéisme : la débureaucratisation, l'amélioration de la qualité de vie au travail et la protection fonctionnelle face aux agressions.
C'est ainsi que nous arriverons à mieux lutter contre l'absentéisme, pour nos services publics, pour nos agents et pour nos usagers.
La séance est suspendue à midi quarante.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 14 h 30.