Réduction du nombre de conseillers municipaux dans les petites communes
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réduire le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, présentée par M. François Bonneau et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
M. François Bonneau, auteur de la proposition de loi . - La vie d'élu est d'abord un engagement personnel, pas toujours rationnel, au service de sa commune ; c'est un CDD qui sera ou non renouvelé par les habitants.
Dans nos petites communes, c'est un engagement largement bénévole, souvent à temps plein, malgré des incivilités croissantes. Près de 10 000 élus ont démissionné depuis 2020.
Dans nos territoires ruraux, la dynamique démographique évolue.
Les petites communes, tissu essentiel de notre ruralité, peinent à maintenir un conseil municipal complet et opérationnel. Atteindre le quorum est un obstacle récurrent.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Il a raison !
M. François Bonneau. - Cette situation paralyse la prise de décision et compromet l'administration de la commune.
Nous sommes témoins d'un taux alarmant de démission des élus. La Charente a connu une centaine de démissions pour 362 communes. Cela nécessite des élections partielles et fragilise la démocratie locale.
Le processus électoral lui-même pose problème : constituer des listes électorales complètes est un véritable casse-tête. Dans certaines communes, des candidats s'engagent simplement pour compléter des listes ! La commune risque de se retrouver sous tutelle préfectorale faute de candidats. Au fil des ans, ce désintérêt se transforme en absentéisme, compromettant l'efficacité du conseil municipal.
Soulignons l'inadéquation entre le nombre de conseillers municipaux requis et la réalité démographique de nos communes rurales. Cela peut représenter jusqu'à 10 % de la population.
En 2023, la France comptait 3 379 communes de moins de 100 habitants et 14 977 communes de 100 à 500 habitants. Si l'on s'en tient à l'état actuel du droit, il faut 23 653 élus pour les communes de moins de 100 habitants et 164 747 élus pour celles comprises entre 100 et 500 habitants. Cela rappelle combien la France est majoritairement rurale.
Ma proposition de loi concerne principalement les communes qui peinent à recruter suffisamment d'élus, pour mieux les accompagner.
Je propose, après examen en commission des lois, de réduire le nombre de conseillers municipaux à sept pour les communes de moins de 100 habitants, à neuf pour celles comptant entre 100 et 500 habitants, à onze pour celles de 500 à 1 500 habitants, à quinze pour les communes de 1 500 à 2 500 habitants et enfin à dix-neuf pour les villes de 2 500 à 3 500 habitants.
Cette réduction facilitera la prise de décision et assurera une gestion municipale plus efficiente et plus proche des besoins réels.
Une libre définition du nombre d'élus se heurterait aux exigences du Conseil constitutionnel et conduirait potentiellement à des disproportions.
Nos communes sont souvent les premières victimes des rigidités administratives. La situation est d'autant plus problématique si l'on exclut les résidents non permanents, les étudiants : le nombre de personnes éligibles se réduit drastiquement ! En allégeant ces contraintes, nous permettons aux communes de mieux servir leurs administrés.
Ne craignons pas la perte d'influence des petites communes dans les intercommunalités. La proposition de loi réduit le nombre de conseillers municipaux, sans toucher à leur poids politique dans les instances intercommunales ; son objet est de simplifier le fonctionnement local sans affaiblir la voix des communes dans les instances supérieures.
Cette proposition de loi s'inscrit dans une démarche de bon sens et de pragmatisme, afin de répondre au besoin de fluidité et d'efficacité de nos petites communes. La mairie est la porte d'entrée de nombreuses démarches. Aidons les élus locaux à mieux gérer leur municipalité.
Je remercie la ministre pour son écoute attentive, et vous invite à voter en faveur de cette proposition de loi pour renforcer la vitalité de notre démocratie locale, afin que nos communes restent des lieux de vie, de solidarité et d'engagement citoyen. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains ; M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois . - Nous sommes actuellement confrontés à une crise des vocations locales, régulièrement mise en lumière par les travaux du Sénat. Depuis leur élection en 2020, 1 787 maires, soit plus de 5 %, ont démissionné ainsi que 29 000 conseillers municipaux - des chiffres sans précédent !
Le nombre de candidats diminue. En 2020, 345 communes ne disposaient pas d'un conseil municipal complet contre 228 en 2014, soit une augmentation de 51 %. Cette situation crée de nombreuses difficultés de fonctionnement des conseils municipaux, notamment ruraux. Cela se traduit par le recrutement de conseillers municipaux moins motivés, un absentéisme élevé et des élections municipales complémentaires plus fréquentes.
La dégradation implacable des conditions d'exercice des mandats locaux est à l'origine de ce problème : violences, indemnités insuffisantes, complexification administrative, poids croissant des exigences locales, manque d'autonomie financière. Cela entrave l'action concrète de terrain, alors que les élus locaux, sentinelles de la République, sont garants du lien social. Nous avons besoin de ces hommes et de ces femmes.
À l'initiative du Sénat, de nombreuses mesures ont été prises, comme le vote d'une proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local et la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.
Je salue l'initiative de François Bonneau, avec qui j'ai travaillé en étroite collaboration, et les collègues cosignataires de mon texte portant sur le même sujet. Afin de combattre la crise des vocations dans la perspective des élections de 2026 et faciliter la constitution des conseils municipaux, l'article unique de la proposition de loi prévoyait initialement d'abaisser le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 500 habitants : de sept à cinq dans les communes de moins de 100 habitants et de onze à sept dans les communes de 100 à 499 habitants.
À titre d'exemple, le conseil municipal de Giroux, dans l'Indre, représente plus de 9 % de la population, contre 0,09 % des habitants à Châteauroux. Cet écart de représentativité est considérable.
La commission des lois a accueilli favorablement la proposition de loi, qui ne supprime pas les causes de la crise, mais facilitera la constitution du conseil municipal. Elle a apporté cinq modifications. Elle a étendu la baisse à l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants. Elle a modifié l'effectif des conseils municipaux pour les communes de moins de 500 habitants, pour éviter une baisse trop brutale du nombre de conseillers municipaux.
L'effectif des conseils municipaux des communes de moins de 100 habitants est porté à sept, et celui des communes de moins de 500 habitants à neuf. Les communes de moins de 100 habitants devront réunir sept conseillers municipaux, mais leur conseil municipal sera réputé complet avec cinq conseillers municipaux, ce qui évitera les élections complémentaires. Les communes de moins de 500 habitants devront en élire neuf, mais le conseil municipal sera réputé complet à sept.
La commission des lois a veillé à éviter tout effet de bord indésirable, notamment en abaissant le nombre maximal de conseillers forains dans les communes de moins de 500 habitants. Elle a enfin insisté sur la nécessité de garantir aux communes concernées de conserver le nombre d'adjoints au maire. En raison de l'application de l'article 40, nous n'avons pu l'adopter. J'en appelle à la ministre.
M. André Reichardt. - Très bien.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Il est urgent de résoudre les causes de la crise de la démocratie locale, en améliorant les conditions d'exercice de mandats locaux.
Il faudra mettre en place un statut de l'élu protecteur et généraliser le scrutin de liste à l'ensemble des communes. Je salue les travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, qui a adopté un rapport relatif à l'efficacité des conseils municipaux, en vue du dépôt d'une proposition de loi transpartisane.
Sous réserve de l'adoption de certains amendements, je vous propose d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat . - La commune est le coeur de la démocratie et le premier kilomètre d'une action publique efficace. Élus et citoyens, nous savons tous combien l'engagement municipal est précieux et exigeant.
Le conseiller municipal, dans une petite commune, s'applique à résoudre les problèmes du quotidien, donne de son temps pour ses concitoyens, écoute les parents d'élèves et prête toujours une attention bienveillante à ses concitoyens. Il y consacre énergie et générosité ; c'est la force et l'honneur de notre République. C'est la « démocratie implicative », pour reprendre les termes des travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.
Or nous connaissons tous la fragilité grandissante de cet engagement citoyen. Nos territoires ruraux ne sont pas épargnés par la lassitude qui frappe les élus locaux.
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a affirmé la haute idée qu'il se fait du rôle de nos collectivités territoriales dans la République. Il appelle à bâtir un nouveau contrat de responsabilité entre les collectivités et l'État.
Le Sénat connaît les difficultés, François Bonneau les a rappelées. Dans près de 3 700 communes soumises au scrutin de liste, les électeurs ont voté pour une liste unique. Depuis mars 2023, 1 466 élections partielles se sont tenues du fait de l'incomplétude des conseils municipaux. Inlassablement, le Sénat a oeuvré pour la protection des élus. Il a adopté la proposition de loi relative au statut de l'élu.
La proposition de loi examinée aujourd'hui est la première pierre d'une réflexion plus large à conduire avec les associations d'élus et les deux chambres du Parlement.
Elle apporte une réponse concrète et attendue par les communes de moins de 500 habitants. Elle s'inscrit dans le prolongement de la souplesse offerte par la loi Engagement et proximité de 2019, qui a prévu l'exception d'incomplétude des conseils municipaux.
Le texte de la proposition de loi reprend un certain nombre d'éléments issus du rapport d'information de Nadine Bellurot, Éric Kerrouche et Didier Rambaud.
Votre travail collectif et transpartisan a élargi la réflexion à l'ensemble des communes de moins de 3 500 habitants, confrontées à la difficulté de constituer une assemblée municipale.
Le Gouvernement partage votre préoccupation. Nous soutiendrons les évolutions proposées par strates de communes. Il est cependant nécessaire de veiller au respect des strates existantes dans le code général des collectivités territoriales, qui correspondent à des droits et obligations.
Au vu des échanges avec les associations d'élus, il ne nous semble pas pertinent de faire évoluer les effectifs pour les communes de plus de 3 500 habitants.
Je tiens à rassurer Lana Tetuanui : ce texte ne s'appliquera pas à la Polynésie française.
Prolongeant l'esprit d'équilibre du sénateur Bonneau, le texte tire les conséquences des modifications des conseils municipaux sur la représentation des communes de moins de 3 500 habitants au sein du collège électoral du Sénat. Le Gouvernement est très attaché à la représentation des communes rurales. Aussi, nous n'approuvons pas les amendements tendant à remettre en cause la place des petites communes dans le collège électoral des sénateurs, pour préserver le lien essentiel entre le Sénat et les territoires.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Tout à fait.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - L'exception d'incomplétude est importante : les conseillers municipaux peuvent ainsi élire leur exécutif sans devoir procéder à un renouvellement intégral. L'extension proposée pour les communes de plus de 1 000 habitants répond à un besoin fortement exprimé sur le terrain. Pour autant, il faut respecter le principe d'égalité devant la loi : les dispositifs laissant aux communes la liberté de déterminer elles-mêmes le nombre de représentants posent problème.
Aujourd'hui, la proportion des femmes dans les conseils municipaux de moins de 1 000 habitants est de 38 % contre 49 % dans les communes de plus de 1 000 habitants. Je salue les propositions sur le scrutin de liste, mais un tel sujet mérite une réflexion approfondie, avec le Parlement et les associations d'élus, et non d'être mis en place par amendement. Je connais la persévérance du Sénat, nous en reparlerons.
Nous sommes tous profondément attachés à l'engagement des élus locaux : la commune est le fondement de la République ; les élus locaux en sont le coeur. Nous devons leur donner les moyens de réussir. Faciliter la constitution des conseils municipaux est une conviction que nous partageons tous ici.
Mme Vautrin et moi-même sommes là pour trouver des solutions utiles à nos élus. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La République et la démocratie vivent dans nos territoires grâce à l'engagement des élus locaux. J'en profite pour saluer la présence en tribunes de Pierre Colomb, maire de Saint-Michel-sur-Savasse, commune de 600 habitants dans la Drôme, et de son conseil municipal. (Applaudissements) Nous applaudissons l'engagement de tous ces élus.
Or l'engagement diminue : selon le ministère de l'intérieur, 106 communes n'avaient aucun candidat en 2020. Au 31 janvier 2024, 1 454 maires élus en 2020 avaient démissionné de leur mandat, et 30 000 conseillers municipaux en mai 2023. C'est une situation très inquiétante, qui engendre des difficultés de fonctionnement, notamment dans les communes de moins de 500 habitants, où des élections partielles doivent être organisées.
Il y a plusieurs causes à cela : l'inflation normative, le manque de reconnaissance de l'engagement, ou encore les contraintes réglementaires, comme l'obligation d'atteindre le quorum ou la parité. C'est un véritable casse-tête pour les élus !
Cette proposition de loi apporte des dispositifs adaptés : la réduction du nombre de conseillers municipaux pour les communes de moins de 500 habitants est nécessaire ; l'extension aux communes de moins de 3 500 habitants est parfaitement adaptée. Les autres dispositifs apportent une souplesse bienvenue.
C'est une réponse utile, équilibrée et adaptée à la crise de l'engagement, d'autant que le corps électoral des élections sénatoriales n'en serait pas modifié.
Cela dit, ne devrions-nous pas élargir la réflexion au mode de scrutin électoral ? Il faut aussi bien faire évoluer le statut de l'élu que ses prérogatives, à l'instar de ce que nous avons fait pour les secrétaires de mairie.
Un an et demi avant les prochaines municipales, notre groupe votera ce texte.
Nous aurons l'occasion d'aborder ces questions lors de l'examen des textes portant sur l'efficacité du fonctionnement des conseils municipaux et l'extension du scrutin de liste paritaire aux communes de moins de 1 000 habitants. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Michel Masset . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le constat est partagé : l'engagement public local est en crise. Nous le voyons dans nos territoires. Une société fragmentée est une société désarmée, dans laquelle l'idéal républicain ne peut s'épanouir.
Les conseils municipaux sont souvent incomplets ; c'est le cas dans le Lot-et-Garonne où 80 % des communes ont moins de 1 000 habitants.
Plus que de traiter le fond du sujet, ce texte vise à en traiter les conséquences.
Comme plusieurs de mes collègues, j'ai consulté les maires de mon département : les opinions ont été mitigées. Cela ne fait pas partie de leurs priorités - les communes rurales font moins face à une crise des vocations qu'à la complexité normative. La mesure risquerait de réduire l'engagement actuel : la réduction du nombre de conseillers accroîtrait le travail des autres, qui n'est déjà pas simple. Les conséquences des modifications doivent être évaluées précisément.
La proposition de loi avait initialement pour objet les communes de moins de 500 habitants ; sont désormais concernées toutes les communes de moins de 3 500 habitants. C'est une décision verticale.
Ces questions relayées par les maires devraient nous conduire à prendre le temps de la concertation. N'apportons pas une réponse trop hâtive !
Je le sais, le Gouvernement est prêt à discuter d'un texte sur le statut de l'élu, protecteur, sur la base des travaux du Sénat.
Le RDSE est partagé sur cette question. Ses membres voteront, comme toujours, en leur âme et conscience. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Hervé Maurey . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je félicite François Bonneau de son initiative bienvenue. La question des effectifs des conseils municipaux est souvent évoquée lors de mes rencontres avec les maires. Voilà onze ans, nous en avions déjà débattu ici même à l'occasion du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires. Le Sénat avait mis en garde contre une réduction du nombre de conseillers municipaux, qui se ferait au détriment des territoires ruraux.
La loi Engagement et proximité de 2019 a également assoupli les dispositions pour les conseils municipaux des petites communes.
Cette proposition de loi prolonge donc plusieurs initiatives législatives. Le périmètre concerné a été élargi : toutes les communes de moins de 3 500 habitants sont désormais concernées.
Dans l'Eure, j'ai souvent évoqué cette question de la réduction des conseillers municipaux avec les maires, que j'ai consultés. Les opinions sont partagées : certains y sont favorables, parce qu'ils pensent que ce sera plus facile d'atteindre le quorum ; d'autres s'y opposent, car cela poserait un problème pour l'accomplissement de certaines tâches - la tenue des bureaux de vote, l'administration de la vie locale. Ce serait selon eux « un nouveau mauvais coup porté à la ruralité ».
Réduire le nombre de conseillers municipaux pourrait entraîner une réduction du nombre d'adjoints. Face à des attentes différentes, offrons de la souplesse aux élus : permettons aux communes de moins de 3 500 habitants de choisir le nombre de leurs élus au moment de leur renouvellement, en votant mon amendement.
M. André Reichardt. - Très bien !
M. Hervé Maurey. - La diminution du nombre d'adjoints serait de près de la moitié dans certains cas. Dans mon département, la commune de Clef-Vallée-d'Eure verrait son nombre de conseillers municipaux réduit. Cela pose des problèmes dans des communes nouvelles où figurent beaucoup de communes historiques et un grand territoire.
J'avais déposé un amendement visant à garantir aux communes nouvelles le droit de conserver le même nombre d'adjoints à l'issue du deuxième renouvellement suivant leur création. Je regrette qu'il ait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 puis de l'article 45.
Une réduction imposée, rigide et uniforme du nombre de conseillers municipaux et d'adjoints créerait des problèmes et serait mal accueillie par les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE, et du groupe Les Républicains ; M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme Cécile Cukierman . - Nous nous retrouvons une nouvelle fois pour lutter contre un phénomène que nous connaissons bien : la crise de l'engagement local.
Dans les communes les moins peuplées - elles sont nombreuses - les difficultés à constituer des listes complètes lors des élections sont, hélas, habituelles et significatives lors de leur renouvellement. L'enquête de l'institut CSA montre que plus de la moitié des 500 élus interrogés dans les communes de moins de 3 500 habitants ont rencontré des difficultés à constituer un conseil municipal lors des renouvellements.
À la fin du mois de mars dernier, j'ai interrogé les élus de la Loire : nombre d'entre eux y sont favorables, en raison des difficultés à trouver des volontaires pour s'investir dans la vie communale, notamment dans les communes de moins de 2 500 habitants.
Fonction exigeante et manque d'accompagnement sont des facteurs qui découragent l'exercice d'élu local. Les responsabilités augmentent, alors que les moyens stagnent.
Toutefois, prudence sur les inquiétudes des élus locaux ; prudence sur la réduction du nombre des élus locaux des communes de moins de 3 500 habitants. S'il est cohérent de réduire la demande face au manque d'offre, n'oublions pas l'ensemble des paramètres de l'équation. La démocratie locale doit être préservée ; les élus locaux témoignent de l'abondance de leurs tâches ; comment faire mieux avec moins ?
Il y a une dichotomie entre les communes de moins de 3 500 habitants et celles de moins de 500 habitants, avec des élus bénévoles : diminuer leur nombre risque de les pressurer davantage. En commission, nous avons réajusté les seuils pour tenir compte de cette réalité, mais entre 500 et 3 500 habitants il y a des marges, pour ne pas dire un univers des possibles. En l'état, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Voilà un sujet qui concerne particulièrement le Sénat ! Le GEST défend toujours les mesures incitant les citoyens à s'engager au service de leur commune et dans la vie politique.
Nous sommes tous à l'écoute de nos territoires et de la grande fatigue qui émane des élus. Néanmoins, la France comptait près de 1 million de candidats sur les listes électorales lors des dernières municipales ; le ratio est le plus élevé au monde. L'étude du Cevipof l'a illustré. Les missions sont de plus en plus nombreuses, mais il n'y a jamais eu autant de maires qui se représentent.
Les auteurs de la proposition de loi espéraient, en réduisant le nombre de conseillers municipaux dans les petites communes, éviter l'absence de liste candidate et donc une tutelle préfectorale.
La commission a mis en oeuvre la notion d'incomplétude de conseil municipal pour les petites communes, solution la mieux adaptée pour le fonctionnement des institutions locales.
Le rapporteur a étendu cette réduction du nombre de conseillers municipaux aux communes de moins de 3 500 habitants, mais les élus craignent l'augmentation de leur charge de travail. Certaines associations d'élus sont également plus nuancées.
Petit aparté, que vient faire le scrutin de liste dans un tel véhicule législatif, hormis pour une raison politicienne ? (Mme Françoise Gatel s'en étonne.)
Nous devons conforter l'attachement des Français à leur commune par diverses réformes : le référendum local, les conventions citoyennes, les budgets citoyens, et pourquoi pas les grands débats. Mieux former, mieux écouter, mieux rémunérer les élus, voilà comment faire vivre notre démocratie locale !
Si vous me permettez une image, plutôt que de réduire le nombre de joueurs de football d'une équipe qui a du mal à recruter - c'est exactement le raisonnement des auteurs de ce texte -, formons davantage ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Pierre-Alain Roiron . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui conserve toute son importance en dépit de la dissolution.
La délégation des collectivités territoriales a poursuivi ses travaux sur l'efficacité des conseils municipaux. Je remercie François Bonneau ainsi que la rapporteure.
Les petites communes sont le coeur battant de la démocratie locale, là où s'exprime pleinement l'idéal démocratique. Pourtant, elles sont particulièrement touchées par la crise de l'engagement local, auquel nous avons tenté d'apporter une première réponse par loi de 2019 et par la proposition de loi adoptée ici même, à l'unanimité, le 7 mars dernier.
Ce texte vise à répondre à un phénomène bien connu : la difficulté croissante à constituer des listes complètes dans les petites communes. En Indre-et-Loire, nous ne sommes pas épargnés par ces difficultés. L'enquête menée par l'institut CSA dans les communes de moins de 3 500 habitants montre que la moitié des élus font état de telles difficultés. Ce constat appelle une action forte.
Reste que réduire le nombre de conseillers municipaux n'est pas anodin : il faut procéder à une analyse fine et prévoir de la souplesse. En commission, nous avons exposé nos réserves sur une réduction uniforme et permanente. Nous les réaffirmons. La vraie réponse à la crise des vocations, c'est de mieux reconnaître et valoriser le statut de l'élu local, d'encourager l'engagement.
M. Michel Masset. - Très bien !
M. Pierre-Alain Roiron. - Nous proposons une marge d'adaptation de deux conseillers, pour que les communes soient libres d'ajuster le nombre de ceux-ci en fonction de leur situation. C'est le sens de l'amendement de M. Kerrouche, qui vise à étendre le dispositif dérogatoire du « réputé complet » aux communes de moins de 3 500 habitants.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, nous appelons à une réflexion plus large. Il faut notamment mettre un terme au panachage, qui conduit parfois à une chasse à l'élu. Les avantages du scrutin de liste ont été soulignés par le rapport de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne la parité - une exigence démocratique.
Cet ajustement pragmatique répond aux réalités de terrain et aux besoins exprimés par les élus. Nous voterons donc très majoritairement ce texte.
M. Joshua Hochart . - Légiférer sur la démocratie locale et les élus locaux est essentiel. Nous devons reconnaître leur rôle crucial auprès des citoyens : ils sont les garants du lien de proximité et du fonctionnement des services publics - ou de ce qu'il en reste.
Mais nous devons aussi admettre que la multiplication des conseillers dans certaines communes entraîne parfois des difficultés : listes incomplètes, débats qui s'éternisent. La réduction de leur nombre pourrait favoriser une réactivité et une efficacité plus grandes. La présente proposition de loi favoriserait ainsi une gestion locale plus agile, adaptée aux nécessités actuelles.
Reste que le manque de participation démocratique des citoyens doit nous inquiéter. Dans nombre de territoires, une désaffection croissante envers la vie municipale se manifeste : participation aux élections locales en baisse, réunions publiques peu fréquentées, initiatives participatives faiblement mobilisatrices. Il faut, en particulier, trouver des moyens d'impliquer la jeunesse. Sur ce problème d'engagement, votre récent tour de passe-passe électoral n'est pas propre à arranger les choses...
Cette réforme doit aussi s'accompagner de mesures pour renforcer la compétence et la formation des conseillers et favoriser une meilleure conciliation entre vie politique et vie professionnelle.
Les conseillers municipaux sont les premières pierres de notre structure démocratique. Pour leur donner un statut, vous avez, madame la ministre, trouvé sur votre bureau une magnifique proposition de loi...
Nous prenons acte de la réduction du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants et souhaiterions l'étendre à toutes les communes jusqu'à 30 000 habitants.
Dans une situation très préoccupante, la chambre haute doit se tenir au plus près de nos élus. Ne les abandonnons pas !
M. Dany Wattebled . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Comme l'écrivait Alexis de Tocqueville, « c'est dans la commune que réside la force des peuples libres. [...] Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n'a pas l'esprit de la liberté. » Rurale ou urbaine, petite ou grande, la commune est la cellule de base de la démocratie. La vitalité du monde rural doit beaucoup à l'engagement et l'abnégation des élus municipaux.
Mais, depuis plusieurs années, des inquiétudes se font jour sur le nombre de candidats, surtout en milieu rural. Ce problème risque de porter atteinte à la démocratie locale.
Le rapport d'information sur l'avenir de la commune et du maire fait état de 106 communes ne disposant pas de candidat lors du premier tour des élections municipales en 2020, soit 75 % de plus qu'en 2014. Inquiétant, ce phénomène risque d'entraîner une crise de la démocratie locale en 2026.
Notre collègue François Bonneau tente de remédier à ce désengagement en proposant que les communes rurales puissent constituer leur conseil municipal plus facilement. De fait, dans certaines communes, le nombre de conseillers peut être source de difficultés. La démocratie n'est pas un modèle figé : elle doit s'adapter aux évolutions des territoires.
Toutefois, cette proposition de loi suscite aussi des inquiétudes parmi les élus, car la réduction des équipes pourrait entraîner un alourdissement des tâches.
Cette initiative constitue un progrès, mais ne résoudra pas la crise de la démocratie locale. Il est nécessaire d'améliorer les conditions d'exercice du mandat et d'instaurer un véritable statut de l'élu.
Le groupe INDEP votera, dans sa grande majorité, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
M. Philippe Bas . - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Je salue Mme la ministre avec amitié et félicite M. Bonneau, ainsi que notre rapporteure, pour cette initiative utile.
En vérité, j'aurais préféré ne pas avoir à la soutenir ; cela aurait été un indice de vitalité de notre démocratie locale. Hélas, les faits démentent cet espoir, même si d'autres preuves existent du dynamisme de nos communes rurales.
La baisse du nombre de candidatures aux élections municipales inquiète, de même que l'augmentation des démissions : sans qu'on puisse parler de flambée, plus de 4 % des maires ont démissionné depuis 2020. La situation est suffisamment grave pour justifier une prise de conscience et des correctifs.
Mais nous devons nous attacher aux causes au moins autant qu'aux effets. Au premier chef, il faut un choc de simplification : les élus s'impatientent, madame la ministre, et nous sommes heureux de vous savoir à nos côtés.
La réduction proposée est raisonnable - il ne faudrait pas aller trop loin. Elle sera accueillie avec soulagement par certaines communes. Ses effets seront neutralisés sur le nombre des adjoints, qui doit être lié non à la taille du conseil, mais à celle de la population, dont dépend le niveau de services à fournir à la population.
Le Sénat a eu raison de refuser d'appliquer le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants. Dans plus de 40 % des communes entre 1 000 et 3 500 habitants, les électeurs n'ont plus de choix, du fait d'une liste unique. Ce système laisse à désirer du point de vue de la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et du RDPI)
M. Olivier Paccaud . - Savez-vous quel est le point commun entre Jacques Chirac et François Mitterrand, mais aussi Guy Roux, Francis Cabrel et Stéphane Bern ? (Marques d'amusement) Ils ont tous été ou sont conseillers municipaux ! (La gaieté redouble.)
C'est au Sénat que les débats les plus approfondis ont eu lieu sur la loi de 1884 qui régit toujours la vie de nos communes. Depuis cette loi, la France est devenue la championne du monde de la démocratie de proximité, avec plus de 500 000 élus locaux.
On compte un élu pour 130 habitants en France, contre un pour 530 en Allemagne et un pour 2 600 au Royaume-Uni.
Oui, certaines communes rencontrent des difficultés pour avoir des listes complètes. Peut-être faut-il s'adapter à cette situation en réduisant le nombre de conseillers. Mais n'est-il pas paradoxal d'entériner un phénomène que l'on déplore ? Ne devrions-nous pas plutôt chercher à y remédier ? Cette réduction obligatoire et uniforme risque de priver notre pays de dizaines de milliers de bonnes volontés précieuses ! (Marques d'approbation sur plusieurs travées à droite et au centre)
M. André Reichardt. - Absolument !
Mme Évelyne Perrot. - C'est juste !
M. Olivier Paccaud. - Pourquoi ne pas maintenir le nombre de conseillers municipaux là où il n'y a pas de problème de recrutement et le baisser là où c'est nécessaire, comme l'a suggéré M. Maurey ?
Les élus locaux sont les fantassins de la République, toujours en première ligne. Plus ils sont nombreux, mieux c'est. Abondance de biens ne nuit jamais...
Je défendrai donc un amendement autorisant les communes qui le souhaitent à conserver leur nombre actuel de conseillers. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Michel Masset applaudit également.)
Mme Marie-Jeanne Bellamy . - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi met en lumière les difficultés rencontrées dans les petites communes pour constituer les listes. Pour avoir été maire pendant seize ans et présidente de l'association des maires de la Vienne pendant quatre ans, je connais parfaitement ces difficultés.
Mon département comprend 265 communes et 25 communes associées. Les deux tiers d'entre elles comptent moins de 1 000 habitants.
Les communes de moins de 100 habitants peuvent compter 7 conseillers municipaux ou, de manière dérogatoire, 5. Pour les communes de 100 à 499 habitants, l'effectif est de 11. Jusqu'à 3 499 habitants, le nombre de conseillers varie de 7 à 23. Une ville de plus de 300 000 habitants en compte 69.
Ces seuils n'ont plus de sens face à la crise sans précédent de l'engagement local. Il est souvent difficile de former des listes, et les défections en cours de mandat se multiplient.
Ce texte répond à une attente forte des élus et je me félicite que la commission ait élargi la réduction aux communes jusqu'à 3 500 habitants, en corrigeant les effets de bord.
Mais il faudra traiter aussi les causes de ce désarroi local. Elles sont liées aux attentes nombreuses de nos concitoyens, au millefeuille administratif, à la violence dont certains élus sont victimes. Dans la Vienne, 19 maires et 147 adjoints ont démissionné depuis 2022.
Travaillons ensemble à un véritable statut de l'élu. Pour qu'une réforme soit applicable en 2026, il faudra se saisir du sujet rapidement. Le Sénat répondra présent.
Le groupe Les Républicains votera ce texte, si le nombre des adjoints n'est pas modifié. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; Mme Sonia de La Provôté applaudit également.)
Discussion de l'article unique
M. Henri Cabanel . - Je suis assez sceptique, car le fond du problème, c'est l'engagement citoyen. Pourquoi est-il en déclin ?
Plutôt que de nous en remettre à une solution partielle, il faut instaurer un statut de l'élu et réfléchir aux nombreuses compétences transférées aux communautés de communes, dans les exécutifs desquelles certains maires ruraux ne siègent même plus. La violence croissante envers les élus locaux est également une question importante.
Le socle de notre démocratie, ce sont les élus locaux. Je ne voterai pas cette proposition de loi. (M. Guy Benarroche applaudit.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne . - Les difficultés sont grandissantes, ce dont témoigne l'augmentation des démissions et élections partielles. C'est ce que me disaient, tout récemment, des élus du canton de Courson-les-Carrières.
Ce texte est donc utile, même s'il n'épuise pas le sujet. Les élus de l'Yonne m'ont fait des propositions sur le statut de l'élu, par exemple en matière de formation. Des progrès ont été accomplis en 2019, mais beaucoup reste à faire. Il faut, par exemple, mieux valoriser les compétences acquises en fin de mandat.
Un chantier se rouvre : nous devrons poursuivre ce travail.
M. Philippe Grosvalet . - Comme le disait non pas Coluche, mais Jean Lecanuet, je ne suis ni pour ni contre - bien au contraire... (Sourires) Demain ou dans dix ans, le législateur sera-t-il obligé de réduire à nouveau le nombre des élus ? Et pourquoi pas celui des communes ? Pour que les conseils municipaux puissent se renouveler et ne soient pas uniquement des regroupements de retraités, il faut absolument un statut de l'élu !
M. Gérard Lahellec . - Je ne peux pas ne pas mentionner dans ce débat Plussulien, commune de 500 habitants des Côtes-d'Armor dont le maire vient de démissionner, de guerre lasse et malgré les efforts de trois sénateurs pour l'en dissuader. Il n'avait pas été écouté sur la réforme de la carte scolaire.
Je reprends les termes employés dans un grand quotidien régional : cette démission ne fera pas trembler la République, mais il faut en tenir compte. J'y vois, pour ma part, une raison supplémentaire de nous abstenir sur ce texte.
M. André Reichardt . - Je suis perplexe. On justifie la réduction du nombre de conseillers municipaux par la difficulté de trouver des candidats en nombre suffisant, mais aussi l'absentéisme de certains conseillers municipaux qui auraient été pour ainsi dire racolés, sans avoir bien conscience des responsabilités.
De nombreux maires sont satisfaits de leur équipe : respectons ces situations. Quant à l'absentéisme, je signale qu'il existe dans le droit local d'Alsace-Moselle - dont tout le monde se fiche, mais qui existe - une disposition permettant de sanctionner les absences injustifiées. Elle est rarement mise en oeuvre, mais sa seule existence incite parfois des conseillers à se déplacer. Pourquoi ne pas s'en inspirer ? (M. Olivier Paccaud renchérit.)
M. Bernard Delcros . - Je suis favorable à ce texte, compte tenu de la souplesse introduite par la notion de conseil réputé complet. Dans la grande majorité des cas, le nombre maximal de conseillers sera atteint.
M. Jean-Gérard Paumier . - Du fait des intercommunalités, nombre d'élus s'estiment dépossédés de leurs compétences de proximité. Si les maires le pensent, imaginez ce que ressent un adjoint ou un simple conseiller. Nous devons réexaminer l'articulation entre communes et intercommunalité.
S'agissant de la réduction proposée, fixer une mesure obligatoire pour tout le monde - la toise - me gêne. Laissons un peu de liberté aux communes ! (MM. André Reichardt et Olivier Paccaud renchérissent.)
M. Éric Kerrouche . - Notre collègue Roiron a fait état des hésitations de notre groupe. Pour répondre aux attentes des élus locaux, le travail sur le statut est essentiel. J'espère que le texte déposé pourra prospérer avec votre aide, madame la ministre.
Certains aménagements sont possibles, mais ne perdons pas de vue qu'il y a une relation directe entre la démographie et la représentation politique. Au sein de la délégation aux collectivités territoriales, nous avons travaillé sur ce sujet ; lors des auditions, la question du nombre de conseillers est revenue régulièrement, finissant par emporter mon adhésion à titre individuel.
Dans une commune de 300 000 habitants, un élu représente 4 348 personnes ; dans une commune de 100 habitants, quatorze personnes. Certes, les missions ne sont pas les mêmes, mais la dissymétrie est forte. Une approche équilibrée est nécessaire pour que la baisse du nombre de conseillers ne soit pas source de difficultés.
M. Jean-Marie Mizzon . - La première attente des élus, c'est le statut. Nous comptons sur vous à cet égard, madame la ministre.
Les situations communales sont très diverses, y compris au sein d'une même strate. L'amendement de M. Maurey introduit donc une souplesse nécessaire.
Je ne voterai ce texte qu'à deux conditions : l'adoption de cet amendement et le maintien du nombre des adjoints.
M. Christian Bilhac . - La démocratie communale est malade. Les symptômes sont connus : absentéisme, démissions... Mais ce qu'on nous propose, c'est d'administrer un sédatif !
La multitude des compétences transférées à des intercommunalités trop vastes fait des mairies des chambres d'enregistrement. Les contraintes administratives étouffent les maires et les moyens manquent. Un vrai statut de l'élu s'impose.
Au lieu de travailler sur ces problèmes, on choisit le sédatif, comme pour dire aux maires : calmez-vous, vous continuerez à porter l'écharpe, à célébrer les mariages et à poser des gerbes le 11 novembre ou le 14 juillet... Ce n'est pas l'idée que je me fais de la démocratie locale ! Je voterai contre ce texte.
M. Guy Benarroche. - Bravo !
M. Daniel Chasseing . - Pendant l'été, j'ai rencontré 270 maires sur les 280 de Corrèze. Nombre des maires des communes de moins de 100 habitants souhaitent en effet une diminution du nombre de conseillers municipaux.
On a parlé de fusions de communes, mais il n'est pas possible de fusionner sans l'accord des populations ; il faut être constant sur ce point.
Il faut une certaine souplesse entre ce qui existe et ce qui est proposé. Laissons le conseil municipal se prononcer, au plus tard six mois avant les élections. Une même souplesse pourrait d'ailleurs s'envisager pour le nombre d'adjoints.
Mme Anne Chain-Larché . - Je suis extrêmement réservée. Certes, l'horizon s'annonce sombre en 2026, mais souvenons-nous du contexte de 2020, marqué par la crise du covid.
Mon village a moins de 1 000 habitants, mais compte quatorze hameaux : il est important que siègent au conseil municipal des représentants de chaque partie de la commune. (M. Hervé Maurey renchérit.) En outre, plus on diminue le nombre de conseillers, plus les tâches seront lourdes pour chacun.
La diminution proposée me paraît excessive et autoritaire. Je réserve mon vote final en fonction de la discussion.
M. Guillaume Gontard . - La crise démocratique est réelle, notamment dans les plus petites communes. Le conseil municipal est pourtant le coeur battant de notre République.
Ce texte apporte une mauvaise réponse à un vrai problème. Il faut convaincre de l'intérêt de l'engagement et instaurer un statut de l'élu, pour qu'il soit moins difficile de concilier mandat, vie professionnelle et vie familiale.
J'ajoute que certaines petites communes gèrent parfois des budgets très importants - je pense, en Isère, aux régies de stations de ski. Si l'on se retrouve à cinq pour décider de l'affectation de plusieurs millions d'euros, il y a un problème démocratique.
M. le président. - Amendement n°9 de M. Benarroche.
M. Guy Benarroche. - Nous proposons, plutôt que de réduire la taille des conseils municipaux, d'étendre l'assouplissement lié à la présomption de complétude aux communes jusqu'à 3 500 habitants.
Cette solution présente l'avantage de ne pas pénaliser les communes qui sont en mesure de réunir suffisamment d'élus. Ce que ferait, au contraire, la mesure prévue par le texte, laquelle affecterait en outre le nombre des adjoints et le respect de la parité.
Pour résoudre vraiment la crise des vocations, réfléchissons à une augmentation des ressources, notamment en ingénierie, pour mieux aider les élus dans l'exercice de leur mandat.
M. le président. - Amendement n°7 de M. Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. - C'est un amendement de liberté - de libération de la ruralité ! Il n'impose rien, mais fixe un nombre minimal et un nombre maximal de conseillers. La mesure prévue par le texte résoudrait certes des problèmes, mais tout en en créant d'autres.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié decies de M. Maurey.
M. Hervé Maurey. - Cet amendement ménage de la souplesse. Il est exact que certains maires souhaitent une réduction du nombre de conseillers. Mais d'autres n'en veulent pas du tout, et même y voient un mauvais coup supplémentaire contre la ruralité. Laissons le conseil municipal définir son effectif, six mois avant le renouvellement, dans la limite d'une fourchette. Cet amendement n'affecte pas le collège électoral.
M. le président. - Amendement n°16 de M. Paccaud.
M. Olivier Paccaud. - La souplesse, voilà un mot qui nous plaît ! C'est dans cet esprit que le Premier ministre a annoncé, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement, que le transfert de la compétence eau et assainissement deviendrait optionnel. Il est toujours préférable que la décision vienne du terrain. Évitons la toise, pour reprendre l'expression de M. Paumier.
Le problème de représentation des différentes parties de la commune, soulevé par Anne Chain-Larché, se retrouve fréquemment dans l'Oise. En outre, il ne faudrait pas se priver de bonnes volontés. Le conseil municipal doit pouvoir décider lui-même du nombre de ses membres.
M. le président. - Amendement n°8 de M. Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. - Amendement de repli.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié de M. Vial.
M. Cédric Vial. - Cet amendement respecte l'esprit du texte, mais ajuste les seuils en reprenant celui qui détermine le changement de régime électoral. Plus précisément, l'effectif serait maintenu à 11 élus jusqu'à 1 000 habitants, puis porté à 15 jusqu'à 2 000 habitants et 23 jusqu'à 3 500, pour permettre un bon fonctionnement des collectivités.
M. le président. - Amendement n°6 de Mme Cukierman.
Mme Céline Brulin. - Dans le même esprit, nous proposons de distinguer les communes de moins de 1 000 habitants des communes de plus de 1 000 habitants. En Seine-Maritime aussi, le problème du manque de candidats se pose, plutôt dans les très petites communes. Mais, alors que le travail des élus se complexifie, la diminution du nombre de conseillers peut vite s'avérer une mauvaise idée.
Nous devons nous interroger sur les raisons de la crise de l'engagement. L'exemple pris par mon collègue Lahellec est révélateur : quand un maire ne sait pas, trois jours avant la rentrée, si une classe menacée sera maintenue, beaucoup sont dissuadés de s'engager. De même quand les collectivités sont montrées du doigt comme les principales responsables des dérapages budgétaires. Ce n'est pas ainsi que nous redonnerons du sens aux mandats locaux.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié de Mme Pluchet.
Mme Kristina Pluchet. - Nous proposons de réduire à 13 plutôt que 11 l'effectif des conseils municipaux des communes de 500 à 1 500 habitants. Cette mesure serait moins brutale. Nous prévoyons une flexibilité à 11 dans les communes de moins de 1 000 habitants. Cet amendement nous paraît de bon sens.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié de M. Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. - Il y a la souplesse souhaitable et la souplesse possible... Encore une fois, une trop forte réduction du nombre de conseillers municipaux risquerait d'induire des variations excessives de représentativité, donc d'être inconstitutionnelle.
Dans le cadre de la mission sur les collectivités territoriales que j'ai conduite avec Françoise Gatel, nous proposions que la notion de conseil réputé complet s'applique également aux communes comptant de 500 à 1 000 habitants.
M. le président. - Amendement identique n°19 rectifié de Mme de La Provôté.
Mme Sonia de La Provôté. - Cet amendement introduit une souplesse de nature à simplifier la vie démocratique.
M. le président. - Amendement identique n°21 rectifié de M. Pointereau.
M. André Reichardt. - Étendons aux communes de 500 à 999 habitants le dispositif dérogatoire adopté en 2019 dans la loi Engagement et proximité.
M. le président. - Amendement n°24 de Mme Bellurot au nom de la commission des lois.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - C'est un amendement de coordination.
Nous avons tous à coeur d'accompagner au mieux nos élus locaux, et le Sénat y a déjà beaucoup travaillé : statut de l'élu, formation des élus, textes sur les secrétaires de mairie, ou encore sur les violences contre les élus. Nous essayons d'aider les élus, particulièrement ruraux. Il peut y avoir des communes où l'engagement est dynamique, mais ce n'est hélas pas le cas partout. Nous avons beaucoup travaillé avec l'AMF et l'AMRF, qui demandent une réduction du nombre de conseillers municipaux jusqu'au seuil de 3 500 habitants. Un sondage réalisé à la demande de la délégation aux collectivités territoriales a également montré que ce seuil était pertinent.
Il ne s'agit pas de défendre cette solution à tout prix, mais de faciliter la constitution de listes.
Au-dessus de 1 000 habitants, c'est un scrutin de liste : il est donc possible d'ajouter deux candidats. En dessous, c'est un panachage.
À la demande de l'AMRF, nous avons donc prévu que le conseil municipal serait réputé complet avec deux conseillers municipaux en moins, soit cinq sur un conseil de sept, sept sur un conseil de neuf. Je serai favorable aux amendements qui prévoient que le conseil municipal de onze membres soit réputé complet à neuf.
L'amendement n°9 supprime la diminution du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Pour enrayer le désengagement, il est essentiel de permettre aux communes rurales de fonctionner malgré la raréfaction des engagements.
L'extension de la présomption de complétude à l'ensemble des communes de 3 500 habitants est difficile : au-delà de 1 000 habitants, c'est un scrutin de liste, avec possibilité de deux conseillers municipaux supplémentaires. Avis défavorable.
Avis défavorable aux amendements nos7, 17 rectifié decies, 16 et 8 qui instaurent une variable pour les communes. Il serait certes pratique de pouvoir choisir le nombre de conseillers, mais il faut bien fixer dans la loi un nombre de conseillers municipaux par strate. La souplesse est déjà possible, avec un conseil municipal réputé complet à deux conseillers près. L'amendement est partiellement satisfait puisque cette souplesse existe pour les communes de moins de 500 habitants. Du reste, le réputé complet est robuste juridiquement, et a été validé par le Conseil constitutionnel.
Un nombre de conseillers municipaux variable, c'est alléchant, mais fait courir un risque constitutionnel. Le nombre de conseillers doit refléter la démographie de la commune, or, en l'espèce, une commune de 150 habitants pourrait avoir le même nombre de conseillers qu'une de 1 400 habitants. Une telle rupture d'égalité n'est pas justifiée.
Le nombre de conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants ne serait pas inscrit dans la loi, alors qu'il l'est au-delà de ce seuil. Ce n'est pas possible.
Pour les communes de plus de 1 000 habitants, le mode de scrutin permet d'avoir deux noms supplémentaires sur la liste.
L'amendement n°13 rectifié de Cédric Vial modifie considérablement les strates, avec pour effet qu'une commune de 2 200 habitants passerait de 19 à 23 conseillers municipaux. Difficile d'aller en ce sens. L'instauration d'une nouvelle strate démographique au-dessus de 1 000 habitants est compliquée, car on passe alors sur un scrutin de liste.
Avis défavorable à l'amendement n°6. Le seuil de 3 500 habitants a été établi à la suite d'un long travail de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales avec l'AMF et l'AMRF. De même qu'il faut représenter les différents quartiers des grandes villes, il importe que les différents hameaux des communes rurales soient représentés. Le nombre de conseillers municipaux que nous proposons devrait le permettre.
J'ai été maire d'une commune de 2 000 habitants, nous étions dix-neuf conseillers ; avec ce texte, nous serons à quinze plus deux.
L'amendement n°4 rectifié porte le nombre de conseillers municipaux de treize à onze dans les communes entre 500 et 1 500 habitants : c'est insuffisant pour faire face aux difficultés rencontrées. L'amendement est en outre partiellement satisfait puisque le conseil municipal sera réputé complet à neuf conseillers, pour les communes entre 500 et 1 000 habitants.
La commission a émis un avis défavorable mais on pourrait estimer qu'entre 1 000 et 1 500 habitants, le nombre de conseillers municipaux soit à treize, comme vous le proposez.
Avis favorable aux amendements identiques nos15 rectifié, 19 rectifié et 21 rectifié qui répondent à une demande de l'AMF et qui offrent une latitude bienvenue.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - On voit là toute la difficulté des seuils et des décisions monolithiques. Il y a 35 000 communes et autant de situations différentes.
Nous ne pouvons faire fi du principe constitutionnel d'égalité devant la loi. Comment expliquer que deux communes de même taille se retrouvent avec un nombre différent d'élus ? Laisser chaque conseil municipal choisir me paraît une solution très fragile, d'autant que les conseillers municipaux eux-mêmes ne seront peut-être pas d'accord entre eux ! On ne peut pas non plus renouveler la taille de l'effectif à chaque élection.
La proposition de loi de François Bonneau n'est ni une résignation ni une reddition en pleine campagne. Elle apporte des solutions à un problème bien identifié : la fragilité de l'engagement, municipal comme associatif. Nous croyons tous à la force de la représentation citoyenne dans les communes. La diminution du nombre de conseillers municipaux par strate est une réponse juridiquement sécurisée.
Il existe une batterie d'outils pour soutenir les élus. Il faudra aussi, un jour, s'atteler à la complexité.
Les associations d'élus sont en phase avec ces propositions. Au-delà de 3 500 habitants, il n'y a globalement pas de demande de modification, au-delà de ce qui a été proposé.
Avis défavorable à l'amendement n°9. Le travail intense de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales montre que l'on ne peut pas traiter les communes de 3 500 habitants de la même manière que les plus petites.
Cher sénateur Rochette, laisser chacun décider comme il le veut est impossible, constitutionnellement. Avis défavorable à l'amendement n°7.
Même avis pour l'amendement n°17 rectifié decies de M. Maurey : gare à la rupture d'égalité de représentation entre les communes.
J'apprécie fort la prose du sénateur Paccaud, moins le fond. (Sourires) Au-delà de 1 000 habitants, votre proposition est fragile. Et je doute que l'on trouve des majorités au sein des conseils municipaux !
M. Olivier Paccaud. - On vote, cela s'appelle la démocratie !
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Nous avons une différence d'approche.
Avis défavorable à l'amendement n°8.
Idem sur l'amendement n°13 rectifié qui prend un risque en modifiant les strates de communes, sans étude d'impact. Et qui augmente le nombre de conseillers...
Même avis sur l'amendement n°6.
L'amendement n°4 rectifié pose un vrai problème constitutionnel. Retrait ou avis défavorable.
Avis favorable aux amendements identiques nos15 rectifié, 19 rectifié, 21 rectifié qui apportent une solution équilibrée.
Avis favorable à l'amendement de coordination n°24.
M. Olivier Paccaud. - J'ai bien entendu notre rapporteur et notre chère ministre. Votre principal argument est l'éventuelle inconstitutionnalité des amendements, mais bien malin qui lit dans la boule de cristal du Conseil constitutionnel. Nous avons voté ici même des mesures qui ont été retoquées, sur l'immigration notamment.
Le « réputé complet » et le « plus 2 », qui donnent de la souplesse, n'ont-ils pas été validés par le Conseil constitutionnel ?
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Ce n'est pas pareil !
M. Olivier Paccaud. - Votons nos amendements, et nous verrons bien s'ils sont déclarés inconstitutionnels.
Les communes de 5 000 à 9 999 habitants sont très différentes, pourtant elles ont le même nombre de conseillers municipaux.
M. André Reichardt. - J'ai cosigné l'amendement n°17 rectifié decies, car j'y voyais la mise en oeuvre de la différenciation prônée - sinon mise en oeuvre - par le Président de la République. Un certain nombre de maires ne voient pas l'intérêt de réduire le nombre de conseillers municipaux. Pourquoi les y forcer ? Notre amendement ne fait que permettre de choisir entre le nombre actuel et le nombre prévu par la proposition de loi. Il n'y a pas de lézard !
Pourquoi la différenciation ne serait-elle pas possible ? Le Conseil constitutionnel accepte déjà des solutions différentes lorsque les situations sont différentes. Je ne comprends pas l'avis défavorable de principe. Essayons, votons, et nous verrons bien ce qu'en dira le Conseil.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'amendement n°7 est retiré.
M. Hervé Maurey. - L'argument de l'éventuelle inconstitutionnalité, c'est l'argument de ceux qui n'en ont pas ! (M. Olivier Paccaud renchérit.) Le Conseil constitutionnel accepte le « réputé complet ». La seule différence est que la situation est alors subie, tandis que nous proposons une solution choisie, au demeurant très encadrée par la loi. Cela mérite d'être tenté !
La ministre prône la confiance envers les élus, la souplesse, la différenciation, mais on impose ici une règle à des élus qui n'en veulent pas au motif que d'autres la souhaiteraient. C'est un mauvais signe, alors que le Premier ministre dit vouloir être à l'écoute des élus.
M. Olivier Paccaud. - Bravo !
M. Éric Kerrouche. - Les propositions de MM. Maurey et Paccaud paraissent séduisantes, mais on ne peut pas traiter différemment des situations identiques.
M. André Reichardt. - Elles ne sont pas identiques ! (M. Olivier Paccaud renchérit.)
M. Éric Kerrouche. - Quand la population est identique, il y a bien une rupture du principe d'égalité !
M. Hervé Maurey. - Et en matière fiscale ?
M. Éric Kerrouche. - S'écarter de la démographie, qui a guidé le redécoupage des circonscriptions, nous condamne. D'où notre solution.
M. Daniel Chasseing. - J'ai cosigné l'amendement n°17 rectifié decies, et je le voterai. Il faut de la souplesse. Dans une commune rurale où la population diminue, il peut être difficile de trouver des candidats ; dans une commune périurbaine où elle augmente, ce sera plus facile.
M. Vincent Louault. - Plus c'est simple, plus c'est compliqué ! (Sourires) Le principe de l'amendement me rappelle le mode dérogatoire dans les EPCI, qui n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel. L'argument n'est pas infondé !
M. Bernard Buis. - Pour ma part, je ne voterai pas l'amendement.
Laisser un conseil municipal en fin de mandat dire qu'il veut deux conseillers municipaux de moins ou deux de plus risque d'apparaître comme une magouille. Ce n'est pas au conseil municipal sortant de décider du nombre d'élus, mais à la loi.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Sans doute me suis-je mal exprimée. Chacun ici sait combien je suis persuadée que la différenciation est une solution à nombre de problèmes.
Permettre à chaque conseil municipal sortant, six mois avant les élections municipales, de « tailler » la dimension du conseil municipal, ce n'est plus de la différenciation, mais un menu à la carte.
Je n'ai jamais dit du mal des élus, qui sont des gens responsables. Mais protégeons-les des contestations qu'entraînera forcément pareille décision du conseil municipal sortant !
Le législateur est responsable de ce qu'il vote. Il y a une grande différence entre la liberté pour chaque conseil municipal de décider, six mois avant les élections, et ce qui est permis aujourd'hui. On ne peut décider de l'incomplétude d'un conseil municipal six mois avant les élections. Si le quorum n'est pas atteint, une tolérance existe. Attention à la différence de traitement !
Je ne m'oppose ni à la différenciation ni à la souplesse, mais je veux protéger les élus locaux. Jamais je n'ai entendu l'AMF ou l'AMRF réclamer qu'on laisse les communes fixer le nombre de leurs conseillers. C'est une question de sécurité juridique et de protection des élus.
L'amendement n°17 rectifié decies n'est pas adopté.
M. Olivier Paccaud. - L'amendement n°16 étant le même que le précédent, je le retire. Je ne suis pas masochiste... (Sourires)
M. Jean-François Husson. - Il est lucide en plus !
L'amendement n°16 est retiré, de même que les amendements nos8 et 13 rectifié.
L'amendement n°6 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°4 rectifié.
Les amendements identiques nos15 rectifié, 19 rectifié et 21 rectifié sont adoptés, de même que l'amendement n°24.
M. le président. - Amendement n°23 de M. Hochart.
M. Joshua Hochart. - Défendu.
L'amendement n°23, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°14 de Mme Tetuanui.
M. Michel Canévet. - Défendu.
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Mme Tetuanui souhaite préciser clairement que le texte n'est pas applicable à la Polynésie française. Le Gouvernement peut-il le confirmer ? Sagesse positive.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. - Ces dispositions ne sont pas applicables à la Polynésie française, je le confirme. Retrait ?
L'amendement n°14 est retiré.
Vote sur l'ensemble
M. Henri Cabanel . - Certaines petites communes rencontreraient des problèmes. Je n'en doute pas, mais avons-nous les chiffres ? Est-ce la majorité ? Je pense que cela ne concerne pas toutes les communes.
L'adoption de cette proposition de loi interdira à des candidats potentiels de s'engager comme conseiller municipal. Pour ma part, je ne la voterai pas.
Mme Anne Chain-Larché . - Je ne remets pas en question le travail de la rapporteure, mais ce texte, c'est cautère sur jambe de bois !
Le vrai problème des élus n'est pas leur nombre, mais l'opprobre subi, le manque de respect de la part des administrés, quand ce ne sont pas les agressions, le manque d'autonomie financière, la difficulté à concilier leur mandat avec leur vie professionnelle et personnelle.
Au contraire, le nombre est une garantie d'engagement civique. Empêcher des habitants de s'engager dans leur commune - bénévolement, à 99 % - me semble une erreur. La démarche est trop autoritaire. Je voterai contre ce texte.
M. le président. - Je rappelle qu'il s'agit d'un espace réservé. Si vous voulez examiner le deuxième texte, il faut accélérer.
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Olivier Paccaud . - Je ne voterai pas le texte. Je ne suis pas hostile à une baisse du nombre des conseillers municipaux, mais pas de façon autoritaire.
Savez-vous combien de conseillers municipaux vont disparaître avec votre texte ? Pouvez-vous me le dire, Monsieur Bonneau ? (Silence) Presque 40 000 ! Des cost killers disent que ça coûte cher ? Hop : 40 000 d'un coup !
Savez-vous combien il y a de communes entre 0 et 3 500 habitants ? (Silence) Non ? 13 600 !
On se prive de bonnes volontés précieuses. Je ne comprends pas.
M. Laurent Somon . - Si je comprends bien, on veut stimuler la participation citoyenne en réduisant le nombre de conseillers municipaux ? (M. Olivier Paccaud renchérit.) Cela revient à amputer quelqu'un pour mieux le faire marcher !
Va pour les communes de moins de 500 habitants, mais l'extension à 3 500 va trop loin.
Pour redonner du souffle à l'engagement citoyen, il faut accorder un statut de l'élu local, redonner des moyens aux communes, cesser de transférer leurs compétences aux EPCI !
Ce texte, dont le champ s'est fortement étendu par rapport au projet initial, crée plus de problèmes qu'il n'en résout.
M. Guy Benarroche . - Les raisons qui obèrent l'engagement citoyen sont connues. La solution proposée ici, dont l'efficacité n'a pas été évaluée, permettra surtout à un certain nombre de conseils municipaux de continuer à siéger ; rien ne dit que cela suscitera des vocations !
Au demeurant, c'est loin d'être une demande généralisée, ou même majoritaire, chez les maires. La sagesse commanderait de retirer le texte. Notre groupe votera contre.
M. Éric Kerrouche . - La tournure que prend le débat m'étonne.
La baisse de l'engagement local appelle plusieurs réponses. D'abord, le statut de l'élu, sur lequel nous attendons des avancées.
Ensuite, ce texte, qui ne part pas de rien. Si l'on a placé le curseur à 3 500 habitants, c'est que, selon les données dont nous disposons, il n'y a pas de demande au-delà de ce seuil. Mais en deçà, il y a bien une demande majoritaire des élus ! On constate un problème d'assiduité des conseillers municipaux, notamment depuis 2020. Le texte introduit simplement de la souplesse, en répondant aux demandes des élus.
Mme Céline Brulin . - Nous nous abstiendrons, car s'il y a une vraie demande des petites communes de réduire le nombre de conseillers, ce n'est pas le cas dans les communes de la strate au-dessus de 1 000 habitants. (M. Stéphane Sautarel renchérit.) Les communes de 3 500 habitants sont souvent des bourgs ou de centres-bourgs : leurs conseillers municipaux ont un travail important ; réduire leur nombre n'est pas leur rendre service !
Il y a le texte et le contexte. Le rapport Woerth, commandé par le précédent gouvernement, propose de réduire de 100 000, soit 20 %, le nombre de conseillers municipaux ; un récent rapport de la Cour des comptes prône la suppression de 100 000 agents dans les collectivités.
Nous ne nions pas la crise de l'engagement, mais ce n'est pas en disant à ceux qui se démènent qu'ils sont trop nombreux qu'on les remerciera de leur engagement ou qu'on suscitera des vocations !
Les obstacles sont financiers, et tiennent au poids des intercommunalités, à l'abandon des services de l'État dans nos territoires. Nous ne pourrons faire l'économie de cette réflexion.
M. Vincent Louault . - Certes, il n'est guère motivant pour les élus municipaux de s'occuper des chiens écrasés, dès lors que toutes les compétences sont confiées aux EPCI.
Mais il y a aussi un principe de réalité : le covid a eu des séquelles, et les conseillers élus en 2020 sont moins investis.
Dans les communes entre 1 000 et 3 000 habitants, il n'y a souvent qu'une seule liste - et ils ne veulent pas que cela change. La démocratie est abîmée, la diversité absente. Dans une vingtaine de communes de mon département, il n'y avait aucune alternative à l'équipe sortante. Envoyons un autre message politique que celui de ne rien changer !
M. François Bonneau . - Ce texte ne prétend pas répondre à tous les problèmes de nos communes ; il faudra travailler au statut de l'élu, entre autres.
Mais il fait suite à nos échanges avec les maires et reflète leurs préoccupations. L'enjeu est de défendre les maires qui sont en difficulté. Si nous ne faisons rien, nous accentuerons les problèmes.
Je remercie les rapporteurs. J'entends qu'il faut de la souplesse pour s'adapter aux différentes situations, mais le mieux est l'ennemi du bien. Je crois que ce texte va dans le bon sens.
M. Fabien Genet . - Je ne doute pas de la volonté des auteurs de répondre à des situations qu'ils ont pu observer, mais il demeure que ce texte affectera la grande majorité des communes où tout se passe bien. Je voterai contre, car je ne partage pas le message politique envoyé. Réduire de 40 000 le nombre d'élus locaux ne saurait être une réponse aux problèmes de notre pays. Délitement social, montée de la violence, augmentation des querelles de voisinage : nous avons besoin de plus d'engagement citoyen pour traiter les maux de la société !
Je crains en outre que la collégialité de la délibération soit affectée. Entre les absences et les démissions, les délibérations seront adoptées par très peu d'élus, leur qualité en pâtira.
M. Bernard Buis . - Pour ma part, je voterai ce texte. J'étais défavorable à la proposition de loi initiale qui ne visait que les communes de moins de 500 habitants. Mais les demandes de l'AMF et de l'AMRF ont été prises en compte. Ce week-end, lors de l'assemblée générale des maires ruraux de la Drôme, tous ont dit appeler de leurs voeux un tel texte. Il ne résoudra pas tout, mais c'est une pierre à l'édifice.
M. Stéphane Sautarel . - Je suis très embêté : j'étais initialement favorable au texte, mais je m'interroge désormais. Il y a une vraie attente des petites communes, mais l'extension de la diminution du nombre de conseillers municipaux aux communes de moins de 3 500 habitants pose un vrai problème. Nous enverrions un très mauvais message politique.
L'objectif a été dénaturé dans la version issue de nos travaux, que je ne peux voter à ce stade.
M. André Reichardt. - Bravo !
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, la proposition de loi, mise aux voix par assis et levé, n'est pas adoptée.
La séance, suspendue à 19 h 30, reprend à 19 h 35.