Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.
Grèves et service minimum
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis une semaine, la mobilisation sociale contre la réforme des retraites paralyse notre pays, exaspérant nos compatriotes. Comme d'habitude, ce sont les plus fragiles qui sont les plus pénalisés, ceux qui ne peuvent télétravailler et n'ont pas d'alternative aux transports en commun.
Il n'est pas acceptable qu'une minorité de Français prenne ainsi en otage les salariés qui veulent travailler. (Vives protestations à gauche ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Le droit de grève n'est pas un droit de blocage de tout un pays !
La loi de 2017 a prévu l'information des usagers, mais n'a pas abouti à un service minimum garanti. C'est pourquoi le Sénat a adopté, le 4 février 2020, une proposition de loi de Bruno Retailleau permettant enfin de limiter le droit de grève afin de garantir un service minimal. (Exclamations à gauche ; Mme Monique Lubin se gausse.)
M. David Assouline. - Toujours plus loin ! Abolissez donc le droit de grève !
Mme Pascale Gruny. - N'est-il pas temps, madame la Première ministre, de la reprendre à votre compte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; mouvements divers à gauche)
M. le président. - Merci d'éviter le charivari et d'écouter les orateurs.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Je pense aux nombreux Français qui vivent douloureusement les perturbations dans les transports publics et sont empêchés de retrouver leur famille ou d'aller travailler. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Nous devons respecter à la fois le droit de grève, garanti par notre Constitution, et les usagers. Aux slogans, je préfère des réponses efficaces, précises et concrètes.
Définir un service minimum en pourcentage ne répondrait pas à la problématique : trop haut, il serait inconstitutionnel ; trop bas, inefficace. Lors des grèves des contrôleurs à Noël, le service était de 50 %...
Dans l'esprit de la loi de 2007, nous devons apporter des réponses efficaces complémentaires. Les entreprises publiques peuvent améliorer la mobilisation interne, ce qui suppose de l'organisation, de l'anticipation, voire des habilitations de sécurité particulières. Nous pouvons également réfléchir à étendre les délais de prévenance, actuellement de 48 heures. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Pascale Gruny. - Depuis 2020, nous aurions pu y travailler ensemble. J'étais rapporteur de la proposition de loi du Sénat, nous avions proposé des solutions. Nous en avons besoin pour l'économie de la France. Il faut penser à ceux qui ont besoin d'aller travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. David Assouline. - Cela fait un siècle que vous dites cela.
M. Jean-Marc Todeschini. - Il faut retirer cette réforme !
Menaces de l'Iran contre la France
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous sommes nombreux à soutenir la révolution iranienne et à avoir parrainé des prisonniers. Depuis plusieurs semaines, l'Iran menace la France et les soutiens de la révolution. Massi Kamari, réfugiée politique en France, a vu ses parents menacés. Masih Alinejad a échappé de justesse à un attentat aux États-Unis. On pense à Salman Rushdie.
« Pourquoi l'Iran cible la France », titre un grand hebdomadaire. Le général Hussein Salami prévient que « les musulmans se vengeront », le ministre des Affaires étrangères iranien dit que la France dépasse les limites. Eux ont dépassé les leurs !
Les gardiens de la révolution ont une milice capable d'agir partout dans le monde, les pasdarans.
Enfin les frappes israéliennes contre les usines de drones à Ispahan font craindre une escalade. Vu les accords de défense entre l'Iran et le Qatar, le rôle de la Russie et de la Chine, notre sécurité est menacée.
Madame la ministre, quelles mesures prévoyez-vous pour protéger les Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP ; Mmes Laurence Cohen et Esther Benbassa applaudissent également.)
Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe . - Nous partageons vos constats sur la montée des tensions dans la région, sur la répression qui perdure contre les manifestants et sur les menaces. Nous répondons en Européens avec des sanctions et en accompagnant les revendications légitimes des Iraniens. Il n'y aura aucune impunité pour les auteurs de menaces.
Il y a eu quatre trains de sanctions européennes : 78 individus, dont plusieurs ministres et hauts responsables des gardiens de la révolution, ont été sanctionnés, et 27 entités. Les conclusions du Conseil européen nous permettent d'agir, y compris sur les prises d'otage.
Les sanctions contre les personnalités européennes participent du même aveuglement du régime iranien, qui s'enferme dans le déni et le complotisme. Elles ne sont nullement comparables avec les sanctions de l'Union européenne.
Vous pouvez compter sur nous pour continuer d'injecter du dialogue dans cette région troublée et protéger nos ressortissants.
Mme Nathalie Goulet. - Votre réponse est un peu décevante. L'Iran est un État terroriste. Nous voulons que les gardiens de la révolution soient inscrits sur cette liste des organisations terroristes. Comme si financer le Hezbollah, attaquer les ambassades et fournir des drones à la Russie n'était pas suffisant ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)
M. Borrell ne veut rien faire. Nous aurons la guerre - nous avons déjà le déshonneur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, RDSE et SER, ainsi que sur quelques travées du groupe CRCE)
Réformes des retraites (I)
M. Pascal Savoldelli . - Le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, a envoyé récemment une vidéo par mail pour vanter les mérites de votre réforme des retraites. De nombreux fonctionnaires ont été choqués de recevoir cette propagande sur leur mail personnel. Trouvez-vous éthique de diffuser une telle vidéo de commercialisation d'une réforme « non négociable » ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion . - Vous m'interrogez sur l'application de la réforme des retraites dans la fonction publique. (On le conteste vivement à gauche.)
M. Hussein Bourgi. - Non, sur la vidéo !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Le ministre de la transformation et de la fonction publiques a trouvé utile cet exercice de transparence. (Mme Éliane Assassi s'amuse.) Cette réforme concerne tous les fonctionnaires, comme l'ensemble des actifs, avec un relèvement progressif de l'âge de départ à la retraite de deux ans. Les spécificités du régime de retraite de la fonction publique sont maintenues, avec un calcul de la pension sur les six derniers mois et le bénéfice de la catégorie active.
M. Jean-Luc Fichet. - Ce n'est pas la question !
M. Hussein Bourgi. - Hors sujet !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Le Gouvernement souhaite que les années en tant que contractuel soient prises en compte pour la durée du service actif. (« Ce n'est pas la question ! » à gauche) Nous défendons la portabilité de la fonction de catégorie active, par exemple pour les officiers de police et les surveillants de prison. (Mêmes exclamations à gauche, qui couvrent la voix de l'orateur.)
Je me tiens à la disposition du groupe socialiste - que je sens nerveux - pour expliquer la réforme. Faites déjà le tri entre la position de votre premier secrétaire et celle de votre premier secrétaire délégué ! (Protestations sur les travées du groupe SER ; M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. Hussein Bourgi. - Un peu d'éthique, de vérité !
M. Olivier Dussopt, ministre. - Citons aussi la suppression de la clause d'achèvement qu'est l'ouverture de la retraite progressive aux agents publics. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Pascal Savoldelli. - Nous aurons une réponse à ma question, car la Cnil a été saisie de cette vidéo.
Sur le fond, vous continuez à défendre votre réforme irresponsable et impopulaire. Vous vous croyez tout permis, comme si la réforme était déjà votée. En témoignent la vidéo et la déclaration de la Première ministre selon laquelle les 64 ans ne sont « pas négociables ».
Écoutez l'opinion publique ! La rue vous a encore parlé hier. Vous aurez beau jouer du yoyo antidémocratique, entre le 49.3, le 47-1 et pourquoi pas les ordonnances, mais les jeunes, les femmes, travailleurs, les retraités ne sont pas dupes ! M. Guerini a parlé d'un effort collectif. Acceptez votre erreur et retirez cette réforme qui ne fait que des perdants, et dont personne ne veut ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)
Ehpad
M. Michel Dagbert . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Il y a un an, éclatait l'affaire Orpea. À la suite des révélations de Victor Castanet, la Gouvernement a lancé des enquêtes, administrative et financière.
La Caisse des dépôts et consignations (CDC) prend aujourd'hui le contrôle d'Orpea, dont elle devient l'actionnaire majoritaire. L'État sera donc aux manettes.
M. Jérôme Bascher. - Ce n'est pas le cas !
M. Michel Dagbert. - Plus largement, les métiers du social et du médico-social sont sous pression, pris en tenailles entre les exigences légitimes des usagers et de leurs familles et les impératifs budgétaires. D'où une perte d'attractivité et des difficultés de recrutement, alors que 30 % des étudiants arrêtent avant la fin de leur cursus.
Je vous sais attentif aux préconisations du Haut Conseil du travail social, monsieur le ministre. Comment faire en sorte que les professionnels du médico-social restent les acteurs de la bienveillance ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées . - L'investissement de la CDC, mais aussi d'acteurs de l'assurance, est un signal positif pour Orpea qui pourra accélérer sa transformation. C'est une bonne nouvelle pour l'emploi, pour le bien-être des résidents et des salariés.
M. Hussein Bourgi. - Et pour les actionnaires !
M. Jean-Christophe Combe, ministre. - C'est un marqueur de l'engagement de l'État dans le secteur du grand âge.
En 2020, le Gouvernement a créé la cinquième branche de la sécurité sociale. Elle sera dotée de 9 milliards d'euros au fil du quinquennat, pour accélérer le recrutement, augmenter les salaires et améliorer la qualité de vie au travail, pour renforcer l'offre à domicile, pour des Ehpad plus modernes, plus ouverts, plus verts, pour financer un plan de lutte contre la maltraitance.
Pour cela, nous aurons besoin d'un secteur associatif innovant, d'un secteur public efficace, d'un secteur privé exemplaire.
L'attractivité des métiers est une question complexe. Nous avons prévu des mesures complémentaires pour répondre à l'urgence, en qualifiant les « faisant fonction », en augmentant les salaires de 183 euros avec le Ségur de la santé, en renforçant la validation des acquis de l'expérience, en instaurant les deux heures supplémentaires à domicile. L'objectif, ambitieux, est de recruter 50 000 professionnels supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Réforme des retraites (II)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il y a dix jours, M. Dussopt affirmait que la réforme des retraites visait à rétablir un maximum d'égalité ; hier, que sans elle, le niveau moyen des pensions baisserait de 20 %... Vous-même, madame la Première ministre, assurez défendre le modèle social français ; Mme Brigitte Macron juge la réforme nécessaire ; le Président de la République, indispensable.
Bref une réforme idéale, la mère de toutes les réformes. Que demande le peuple ? Il vous l'a dit hier, dans la rue : cette réforme, ce nouvel impôt sur la vie, le peuple n'en veut pas !
Votre réforme sert à faire des économies sur le dos des ouvriers et des employés. Ne pouvez-vous les faire ailleurs ? Vous voulez offrir au Président de la République sa grande réforme. Mais il y a bien d'autres priorités, quand la fracture sociale s'aggrave, quand l'inflation rogne les petits salaires, quand il y a la queue devant la soupe populaire ! Quand retirerez-vous votre réforme des retraites ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que du GEST)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre . - Il y a des principes essentiels en politique : dire la réalité aux Français, sans tordre les chiffres, vendre des illusions, relayer des contrevérités. (Protestations à gauche)
M. François Patriat. - Très bien !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Le nombre d'actifs qui cotisent diminue par rapport au nombre de retraités : quatre pour un dans les années 1950 ; 1,7 aujourd'hui, et ce ratio s'amenuise.
M. Jean-Marc Todeschini. - Faites payer les entreprises !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Ce n'est pas une opinion politique mais une réalité démographique qui menace notre système de retraite par répartition. (On le conteste sur les travées du groupe SER.) Les déficits vont se creuser. C'est un fait, partagé par le Conseil d'orientation des retraites (COR). (Vives protestations sur les travées du groupe SER)
M. David Assouline. - Il dit qu'il n'y a pas d'urgence à réformer !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Aucun scénario du COR ne prévoit l'équilibre en 2030. D'ici dix ans, ce sont 150 milliards d'euros de déficit que nous laisserons à notre jeunesse si nous ne faisons rien.
M. Rachid Temal. - Et vous supprimez la CVAE !
M. Jean-Marc Todeschini. - Vous prenez tout sur les pauvres !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Le premier président de la Cour des comptes a déclaré que notre système n'était pas soutenable en l'état et qu'une réforme était indispensable. (Protestations sur les travées du groupe SER)
Voilà pour les faits, passons aux conséquences.
Nous avons débattu avec les organisations patronales, les syndicats et les groupes parlementaires, des moyens de sauver notre système par répartition en travaillant progressivement plus longtemps.
M. Jean-Marc Todeschini. - Et les syndicats sont d'accord ?
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - C'est ce qu'ont fait tous nos voisins européens. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SER) C'est ce qu'ont fait des majorités, de droite comme de gauche, avant nous. Vous-même, monsieur Kanner, avec le PS, avez soutenu la réforme de Mme Touraine ! (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et des groupes INDEP, Les Républicains et UC ; protestations sur les travées du groupe SER) Vous avez changé d'avis, c'est votre droit...
M. Hussein Bourgi. - C'est vous qui avez changé d'avis !
M. le président. - Si vous n'écoutez pas la réponse, le président Kanner ne pourra pas répondre...
M. Philippe Pemezec. - La gauche parle à la gauche !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Que proposez-vous pour financer notre modèle social ? Il n'y a que deux options : baisser les pensions (Protestations à gauche) ou augmenter drastiquement les cotisations et les impôts sur les salaires, brisant la dynamique de l'emploi. Quelle alternative proposez-vous ? Baisse du pouvoir d'achat ou hausse du chômage ? (Protestations à gauche)
M. Rachid Temal. - Démagogie !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Notre seul but est d'assurer l'avenir de notre système en travaillant progressivement plus longtemps. Je mesure ce que cela représente pour beaucoup de Français. Nous ne sommes pas égaux devant le travail, c'est pourquoi nous répartissons équitablement l'effort en tenant compte de ceux qui ont commencé à travailler tôt ou qui exercent des métiers difficiles.
Les femmes partiront en moyenne plus tôt à la retraite que les hommes, contrairement à aujourd'hui. (Protestations sur les travées du groupe SER, où l'on rappelle les propos de M. Riester.)
Cette réforme permettra d'augmenter les plus petites pensions des futurs retraités comme des retraités actuels - comme le souhaitait votre candidate à la présidentielle.
Nous entendons les inquiétudes et les doutes et sommes prêts à enrichir le texte.
M. Vincent Éblé. - Il ne faut pas l'enrichir mais le retirer !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. - Nul doute que le Parlement y contribuera. Nous travaillerons avec tous ceux qui veulent préserver notre modèle social. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Patrick Kanner. - Votre réponse est inéquitable. Vous ne demandez aucun effort aux plus aisés. Vous êtes la Première ministre des plus riches, manifestement. (Quelques exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. François Patriat. - Honteux !
M. Patrick Kanner. - Dans une manifestation hier, j'ai entendu : « Nous ne sommes pas des fainéants, nous voulons juste profiter un peu du fruit de notre travail avant de mourir. » Ayez un peu de bienveillance envers les Français, retirez votre réforme ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)
Situation financière des Sdis
M. Jean-Yves Roux . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Les 51 900 pompiers professionnels et volontaires se sont engagés avec force contre les incendies dévastateurs de l'été 2022. Revers de la médaille, les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ploient sous le poids des charges supplémentaires et des responsabilités qui ne leur incombent pas toujours. Nos pompiers font plus que jamais face aux conséquences du réchauffement climatique - incendies, inondations, éboulements - mais assurent aussi de plus en plus souvent les soins de premier secours dans les déserts médicaux.
Ils interviennent avec courage et dévouement. Mais jusqu'à quand ? La capacité d'action de notre sécurité civile est limitée par l'inflation. Les communes et départements contributeurs du Sdis n'arrivent plus à assumer les charges de personnel et à investir dans du matériel. Nombre d'élus dressent le constat d'un modèle de financement devenu inadapté. Or tout défaut d'investissement ne pardonne pas. « Sauver ou périr », telle est la devise des sapeurs-pompiers. Il faut plus de péréquation entre Sdis. Quelle sera la position du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe SER)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Je partage votre constat. D'ailleurs, la loi Matras a prévu un audit du système de sécurité civile, que j'ai rendu public auprès des élus, des Sdis et des organisations de sapeurs-pompiers.
Je remercie les sapeurs-pompiers pour leur travail, cet été et tout au long de l'année.
Alors que les Sdis sont décentralisés depuis 2011, l'État en finance toujours un quart. La taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) est très dynamique, mais mal répartie. Certains départements ne reversent pas toujours l'intégralité du produit aux Sdis.
Il y a des départements pauvres qui sont victimes de feux de forêt et qui manquent cruellement de médecins ; d'autres sont plus riches, moins touchés par les feux et ont une meilleure présence médicale... Le rapport Falco dresse des pistes en matière de financement, et notamment de péréquation entre les Sdis. Le Gouvernement est à votre disposition pour avancer sur ce point, en loi de finances et en soutenant les nombreuses propositions de loi déposées par les sénateurs. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
Fin de l'enseignement de la technologie au collège
Mme Monique de Marco . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Avez-vous entendu parler de ChatGPT ? Ce robot d'intelligence artificielle fait polémique. Je l'ai testé pour cette question.
Nous devrions former nos enfants à ces nouvelles technologies, dès la sixième. Or le ministre de l'éducation nationale vient d'annoncer la suppression des cours de technologie en sixième, sans aucune concertation.
Cette décision verticale traduit une méconnaissance totale des enjeux du siècle. Pour réussir la transition écologique, la France a plus que jamais besoin d'une jeunesse ouverte aux sciences et aux technologies. Ces enseignements développent l'esprit critique, stimulent la créativité, luttent contre le décrochage.
Votre choix est purement budgétaire : vous voulez renforcer l'accompagnement en mathématiques et en français, mais sans investir.
Voici la question de ChatGPT : le Gouvernement peut-il détailler les motivations et les conséquences prévues de la suppression de la technologie en sixième ? Et comment cela impactera les compétences futures des jeunes dans un monde de plus en plus numérique ?
M. Bernard Jomier. - Excellent !
Mme Monique de Marco. - Je rajouterais : quel calendrier ? Qui assurera le soutien en français et en maths ? Quel avenir pour l'enseignement de la technologie ? (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je n'ai pas besoin d'intelligence artificielle pour vous répondre. (Exclamations amusées à gauche) L'école de la République ne peut laisser un quart à un tiers des élèves de sixième avec de telles difficultés en mathématiques et en français. Des sessions de soutien seront donc mises en place.
Pour pouvoir le faire sans alourdir l'emploi du temps, nous concentrerons l'enseignement de la technologie sur les classes de cinquième, quatrième et troisième. Ni suppression ni relégation : au contraire, cette discipline sera revalorisée afin de susciter des vocations pour le numérique, pour les sciences de l'ingénieur, pour la voie professionnelle, tant chez les filles que les garçons.
Les professeurs de technologie verront leur situation personnelle préservée. Ils bénéficieront d'une formation diplômante pour 2023-2024, en vue de l'adaptation des programmes. C'est en cours de discussion avec les associations de technologie.
C'est à ces conditions que nous améliorerons le niveau de nos élèves et que la technologie confortera sa place au collège, car telle est bien mon intention. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Fonds vert
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) « Une partie de la solution est dans les territoires ». Je vous rejoins, monsieur le ministre. Octroyer 2 milliards d'euros, via le Fonds vert, pour répondre à leurs besoins en matière de transition écologique est de bon sens.
L'écologie de proximité est déterminante. Notre force et notre dynamisme se trouvent dans les territoires. Les élus locaux connaissent parfaitement les attentes et les projets de leurs territoires. Ils doivent être accompagnés par une ingénierie solide. C'est décisif.
Or certains projets ne semblent pas rentrer dans le cadre actuel du Fonds. C'est le cas, dans l'Aube, du projet de boucle énergétique rurale visant à créer un circuit court de consommation d'électricité alimentant bâtiments privés et publics, porté par le pôle métropolitain d'équilibres territoriaux et ruraux (PETR) Othe-Armance. Or ce projet, qui soulève l'enthousiasme, n'entre dans aucune case.
Monsieur le ministre, comment le Fonds vert peut-il intégrer ces innovations locales ? Allez-vous l'ouvrir plus largement ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Vendredi dernier, les formulaires pour demander le Fonds vert ont été mis en ligne ; six jours après, 1 800 collectivités avaient déposé un dossier. Nous pouvons nous en réjouir : c'est la preuve de la volonté des collectivités territoriales de se saisir de la transition écologique, de manière concrète et tangible.
Les deux domaines les plus cités sont la rénovation thermique des bâtiments et l'éclairage public, mais toutes les lignes font l'objet d'ouvertures et de demandes.
Les boucles locales énergétiques bénéficient déjà de deux types de financements hors Fonds vert : les certificats d'économie d'énergie (CEE) et le fonds chaleur de l'Ademe, que le Sénat a porté à plus d'un demi-milliard d'euros.
Le déploiement de boucles énergétiques dans le cadre des zones industrielles bas-carbone est en outre soutenu par le ministre de l'industrie pour en faire bénéficier le tissu de proximité.
Je vous invite à vous rapprocher de l'Ademe, et reste à votre disposition pour vous accompagner. De tels projets sont l'exemple d'une écologie de progrès, concrète, bonne pour le climat, pour le pouvoir d'achat et pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je vous remercie. Nous examinerons ces dispositifs.
Chiffres de l'immigration
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2022, le nombre de titres de séjour a augmenté de plus de 17 % sur un an : plus de 320 000 titres ont été délivrés, contre 277 000 en 2019, dernière référence avant la pandémie.
Jamais la France n'a attribué autant de titres de séjour ni accueilli autant de demandeurs d'asile, alors qu'elle peine toujours à expulser ses illégaux. Difficilement tenable, cette situation témoigne de l'incroyable pression migratoire qui pèse sur notre pays. On compte près de 700 000 clandestins sur le sol national...
Ces chiffres sont en décalage avec votre discours offensif sur les expulsions. Certes, vous privilégiez la qualité en reconduisant prioritairement les délinquants terroristes étrangers sortant de prison. Reste que seules 19 425 procédures d'éloignement ont abouti en 2022, moins qu'avant la crise sanitaire ; par rapport à 2019, la baisse est de 25 %.
La maîtrise des flux migratoires impose de reconduire effectivement les illégaux pour accueillir dans les meilleures conditions ceux qui ont le droit de venir. Cela suppose des intentions fermes et des actes clairs. Qu'attendez-vous pour mettre fin à cette situation insoutenable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Nous pouvons tomber d'accord sur une partie des constats. En revanche, la comparaison avec 2019 me paraît biaisée. Si la demande d'asile explose partout en Europe - 60 % en plus l'année dernière, contre seulement, si je puis dire, 30 % en France -, c'est lié à l'Afghanistan et au Mali.
Pour la première fois, les titres de séjour augmentent pour le travail et stagnent pour la famille. Nous pensons que c'est la bonne politique : notre regroupement familial est trop important, notre immigration de travail trop peu.
Par ailleurs, nous avons doublé l'année dernière les expulsions de personnes radicalisées, criminelles ou délinquantes. Mais cette augmentation, de 15 % sur le total, n'est pas suffisante.
Nous attendons de discuter avec les assemblées du projet de loi que j'ai présenté ce matin en conseil des ministres pour libérer le droit : les décisions d'expulsion définitive doivent être moins longues, les détournements de procédure combattus, et il faut en finir avec la fin de la double peine.
Nous devons tenir un discours clair sur l'intégration par les valeurs de la République et la langue, mais aussi vis-à-vis des États d'origine. Le projet de loi que je vous présenterai est un texte fort qui me permettra d'expulser plus rapidement ceux qui doivent l'être. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
Mme Béatrice Gosselin. - Les Français s'inquiètent de la montée en puissance des immigrés. (Murmures à gauche) Il faut une politique claire et ferme pour accueillir mieux ceux qui viennent sur notre sol ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Pollution aux billes de plastique
Mme Angèle Préville . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST) C'est la marée blanche de trop. Je parle de la pollution aux granulés plastique industriels, irréversible et fatale à la biodiversité, qui se répète sur le littoral Atlantique depuis deux mois. Les Sables-d'Olonne, Pornic, le Finistère, la Bretagne et les Pays de Loire ont porté plainte contre X.
Monsieur le ministre, vous avez présenté la France comme le pays le plus ambitieux dans la lutte contre ces granulés. Merci de reconnaître notre travail parlementaire... C'est grâce à un amendement que j'ai déposé (exclamations sur plusieurs travées à droite) sur la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) que les entreprises doivent prévenir leur dispersion. Mais ma proposition, votée au Sénat, allait beaucoup plus loin en imposant la déclaration des pertes et fuites. La majorité à l'Assemblée nationale a malheureusement raboté le dispositif.
N'étant pas du genre à m'avouer vaincue, j'ai déposé une proposition de loi, adoptée à l'unanimité par notre assemblée. Merci, mes chers collègues, pour votre confiance. Monsieur le ministre, vous disposez d'un véhicule législatif tout trouvé pour agir concrètement.
Le naufrage du porte-conteneurs X-Press Pearl au large du Sri Lanka en 2021 a provoqué la plus grande marée blanche de l'histoire. Au niveau international, il faut oeuvrer à la création d'un fonds d'indemnisation, à l'instar de celui prévu pour les marées noires.
Porter plainte, monsieur le ministre, c'est un peu court. N'est-il pas temps d'encadrer davantage la production ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je remercie le sénateur Guerriau de nous avoir alertés sur ce sujet voilà quinze jours, ouvrant la voie à un dépôt de plainte quelques jours après la séance de questions d'actualité.
Le phénomène s'est étendu à la Manche et à une partie des côtes flamandes, renforçant la présomption qu'il s'agit d'un conteneur.
Nous ne nous avouons pas vaincus. La loi Agec est en vigueur depuis un an. Nous attendons des rapports d'audit site par site.
Fin mai, à Paris, nous travaillerons dans le cadre du traité d'élimination des plastiques à un encadrement beaucoup plus strict des granulés plastique à l'échelle mondiale. De fait, le phénomène se retrouve, avec beaucoup plus d'ampleur, sur d'autres continents.
Nous partageons votre indignation et votre volonté d'agir. Nous sommes déterminés à instaurer un cadre international contraignant. Si les mesures nationales ne sont pas suffisantes, elles seront renforcées. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Mme Angèle Préville. - Je vous ai demandé si ma proposition de loi, transmise à l'Assemblée nationale, pourrait être votée, afin qu'un cadre beaucoup plus contraignant soit établi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
Chiffres de la délinquance
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En décembre dernier, monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez fièrement annoncé une baisse de la délinquance, timide, mais une baisse quand même - c'est votre expression.
Les chiffres de la délinquance dans mon département viennent de tomber : violences sexuelles en hausse de 11 %, coups et blessures de 14 %, cambriolages de 11 %, vols de véhicule de 9 %. L'an dernier, 879 personnes ont été victimes de crime. Ces chiffres, ceux de votre propre ministère, font apparaître une délinquance à son niveau le plus élevé depuis trente ans !
Des Françaises et Français vivent dans la peur. L'insécurité n'a cessé de croître sous Emmanuel Macron. Le Lot-et-Garonne, à l'image de tous les départements, souffre cruellement du manque de moyens humains et matériels, du découragement - le mot est faible - des forces de l'ordre, de l'absence de réponse pénale. Des voyous font la loi partout et n'ont peur de rien.
Policiers et gendarmes font ce qu'ils peuvent, mais il faudrait des condamnations fortes. L'insécurité n'est pas une fatalité : elle est le résultat d'un manque de courage. Face à cette délinquance explosive, le Gouvernement est-il en mesure de protéger les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice . - (Exclamations à droite) Puisque la justice, dites-vous, n'est pas au rendez-vous de ses obligations, c'est le garde des sceaux qui se fera un plaisir de vous répondre.
Évoquer ces questions en deux minutes est une gageure.
M. Jérôme Bascher. - C'est l'exercice !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Quelle est la part, dans l'augmentation ou éventuellement la diminution de certaines infractions, du confinement ou de la libération de la parole en matière de violences intrafamiliales ? Plus de forces de l'ordre, ce sont aussi plus de faits constatés. (M. Vincent Segouin s'exclame.) S'agissant des escroqueries, par exemple, nous avons mis en place une plateforme pour mieux les recenser.
Depuis 2017, le taux de poursuites a progressé de 13 %. En matière correctionnelle, la peine ferme moyenne est passée de 6,7 à 8,3 mois. Non, la justice n'est pas laxiste ! (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Les Français ne voient pas les choses comme vous. Selon Pierre Dac, certains jouent aux échecs, d'autres les collectionnent... Malheureusement, le Président de la République est plus collectionneur que joueur ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Stéphane Ravier applaudit également.)
Rachat d'Orpea
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous avons appris ce matin la conclusion d'un accord pour la prise de contrôle d'Orpea par la Caisse des dépôts et consignations. Avec cette manoeuvre, la puissance publique sauve un groupe privé à la dérive après le scandale révélé par Les Fossoyeurs de Victor Castanet.
Pendant que l'État se porte au secours d'un grand groupe à but lucratif, une majorité d'Ehpad publics et privés non lucratifs souffrent d'un manque de moyens. Quelle vision le Gouvernement a-t-il de la dépendance ? Comment comptez-vous éviter que la pression de quelques actionnaires avides ne prime l'intérêt général ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Michelle Meunier et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées . - La semaine dernière, en réponse à Mme Meunier, j'ai souligné tout ce que l'État a réalisé depuis que le scandale Orpea a éclaté. Chaque semaine, la situation évolue. Je ne puis commenter une opération financière en cours, mais l'État accueille très favorablement la perspective d'une transformation accélérée de ce groupe
Reste qu'il n'y a pas qu'Orpea. Ma responsabilité est de renforcer la confiance des Français dans leurs Ehpad, de préparer le pays au vieillissement de la population. Cela passe par une meilleure reconnaissance des soignants, un investissement plus fort dans la qualité de vie au travail, une accélération des contrôles - tous les Ehpad seront contrôlés d'ici à la fin 2024 et nous mettons en place un grand plan contre la maltraitance.
Enfin, le rendement économique doit être au service du progrès humain. J'attends des investisseurs qu'ils montrent leur exemplarité. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Jean-Michel Arnaud. - Votre réponse ne me satisfait que partiellement. Le contribuable met sur la table un milliard d'euros pour sauver un groupe à la dérive, qui facturait des sommes démentielles pour satisfaire son actionnariat. Ce n'est plus l'État providence, mais l'État brancardier, qui intervient sous la pression d'une enquête de presse.
Je vous mets au défi de relancer une vraie politique de la dépendance et d'amplifier les contrôles sur le secteur privé lucratif. (M. Hussein Bourgi renchérit.) L'argent ne doit pas être le moteur de l'accompagnement de nos aînés : il faut une réaction forte de l'État pour protéger les plus vulnérables ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER, ainsi que sur des travées du GEST ; M. André Guiol applaudit également.)
Aides aux collectivités locales face aux coûts de l'énergie
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons plusieurs fois interpellé M. Béchu sur les graves conséquences de la hausse des coûts de l'énergie pour les particuliers, les entreprises et les collectivités territoriales. J'insisterai cet après-midi sur la situation des communes.
Si la plupart d'entre elles ont engagé des plans de sobriété énergétique, leurs effets restent minimes au regard du poids exorbitant des charges d'énergie. Le bouclier tarifaire, l'amortisseur et le filet de sécurité ne suffisent pas. D'autant que le renchérissement de l'énergie induit des effets sur d'autres dépenses, comme les contrats de maintenance. L'augmentation annuelle des dépenses de fonctionnement atteint parfois 20 % !
Tout doit être fait pour accompagner encore mieux nos communes. Par exemple, pourquoi ne pas suspendre en 2023 le prélèvement annuel pour insuffisance de logements sociaux ? (On se récrie à gauche.)
M. Jacques Fernique. - Bravo !
M. André Reichardt. - De même, pourquoi ne pas faire bénéficier les communes du surplus de TVA sur les factures d'énergie ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Face à l'explosion des factures énergétiques, différentes mesures ont été prises : bouclier tarifaire, amortisseur, filet de sécurité. La majorité sénatoriale y a activement concouru. La loi de finances pour 2023 prévoit 1,5 milliard d'euros pour cet accompagnement, avec des critères assouplis.
À ce stade de l'année, il n'est pas possible d'analyser la situation par strates de communes. Nous ne pouvons pas non plus mesurer entièrement les effets du filet de sécurité, mais 100 millions d'euros ont été décaissés au titre de l'année dernière. Ma priorité, c'est d'évaluer rapidement la consommation prévisionnelle de ce filet de sécurité, pour vérifier qu'il a été correctement dimensionné.
Vos propositions ont le mérite de s'inscrire dans un esprit de co-construction. Mais j'ai quelques difficultés à comprendre la première : devrait-on récompenser la carence ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann renchérit.)
Évaluons l'effectivité du filet de sécurité avant, éventuellement, de le modifier ou de mettre en place d'autres mesures. (Applaudissements sur des travées du RDPI)
M. Alain Richard. - Très bien !
Rapport de la Fondation Abbé Pierre
M. Denis Bouad . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, présenté ce matin, montre que les femmes sont les premières victimes du mal-logement. Les mères célibataires, dont un tiers sont pauvres, vivent souvent dans des logements précaires et trop petits.
Pour les Français modestes, et même de condition moyenne, le parc locatif privé est inaccessible. Aucun territoire du pays n'est épargné. Les réponses publiques sont insuffisantes. Résultat : plus de 12 millions de Françaises et de Français sont fragilisés.
Ces dernières années, l'État a voulu faire des économies sur le logement : prélèvement sur la réduction de loyer de solidarité (RLS), hausse de la TVA. En conséquence, la production d'HLM est au plus bas, avec moins de 85 000 logements construits l'année dernière, soit 30 % de moins qu'en 2017.
Vous avez accru les moyens de l'hébergement d'urgence, mais cela ne suffit pas à faire une politique globale. L'accompagnement social est insuffisant, les parcours résidentiels sont à l'arrêt, la précarité énergétique s'accroît.
Face aux constats de la Fondation Abbé Pierre, comptez-vous changer de cap en matière de logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Breuiller applaudit également.)
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - J'ai assisté ce matin, comme tous les ans, à la présentation du rapport de la Fondation Abbé Pierre. Oui, il y a des mal-logés en France ; oui, nous nous battons tous, chaque jour, pour que cela ne dure pas.
Le Gouvernement s'est engagé sur l'hébergement d'urgence. Le gouvernement précédent avait lancé le plan quinquennal Logement d'abord, une réussite majeure : 440 000 personnes sont sorties de la rue ou de l'hébergement d'urgence, bien plus que sous la présidence de François Hollande.
Ce matin, j'ai présenté en conseil des ministres le nouveau plan Logement d'abord. Nous voulons continuer à accompagner les plus fragiles. Nous devons, en effet, construire plus, mais aussi rénover les passoires énergétiques, lutter contre l'habitat insalubre et réhabiliter des copropriétés dégradées.
Tous ces sujets sont débattus dans le cadre du Conseil national de la refondation Logement, qui fera des propositions à la hauteur des besoins. (Applaudissements sur de nombreuses travées du RDPI)
M. Denis Bouad. - Je connais vos efforts, mais le manque de logements sociaux est considérable. À cause des économies que vous avez faites sur le secteur, les bailleurs sociaux n'ont plus les moyens de construire. Vous avez vous-même parlé du logement comme de la bombe sociale de demain. Faites donc un plan Marshall pour le logement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du GEST)
Interdiction des courses landaises et camarguaises
M. Laurent Burgoa . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) La Fédération française de la course camarguaise est sous la tutelle du ministère des sports. (On s'égaye sur les travées du groupe Les Républicains)
Après la corrida, c'est au tour de nos traditions camarguaises d'être menacées. Dans une tribune publiée dans Le Monde, une cinquantaine d'élus animalistes ou écologistes, dont onze conseillers municipaux de Montpellier, ont mis le feu à la Camargue et à la Petite Camargue. Ils militent pour l'abolition des lâchers de taureaux et de l'utilisation d'un crochet lors des courses et des ferrades.
Les festivités camarguaises sont un important enjeu économique, mais aussi culturel dans le Gard, l'Hérault, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse. (M. Hussein Bourgi renchérit.)
Un grand rassemblement est prévu le 11 février prochain à Montpellier. Madame la ministre, quelle est votre position face à ces menaces et apportez-vous votre franc soutien à nos traditions ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MM. Hussein Bourgi et Éric Kerrouche applaudissent également, de même que M. Stéphane Ravier.)
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture . - (Murmures à droite) En deux minutes, je ne pourrai pas embrasser toutes les dimensions de votre question. D'autant que, comme ministre de la culture, je comptais vous parler de la candidature des courses camarguaises au titre du patrimoine immatériel de l'Unesco. Vous n'en avez pas parlé, mais je vais vous en parler... (Sourires)
Je salue le travail des sénatrices Catherine Dumas et Marie-Pierre Monier sur le patrimoine immatériel, qui englobe les pratiques et les représentations, les connaissances et les savoir-faire, mais aussi tous les instruments, artefacts et espaces qui leur sont associés.
Nous avons obtenu l'inscription à ce titre de la baguette de pain, ce dont nous sommes fiers... (Rires à droite et sur quelques travées à gauche) Cela illustre la richesse des traditions locales du patrimoine français : carnaval de Guyane, fête annuelle vitivinicole du Jura, couvreurs-zingueurs de Paris, jeux floraux de Toulouse... (Rires et exclamations amusées sur de nombreuses travées ; applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Bruno Retailleau. - Pour ou contre les fêtes camarguaises ?
M. Laurent Burgoa. - Je regrette que la ministre de tutelle de la Fédération française de la course camarguaise, la ministre des sports, n'ait pas daigné me répondre. Les gens apprécieront...
En 1926, à la demande du marquis Folco de Baroncelli, la nation camarguaise a été représentée par la croix illustrant les vertus de foi, de charité et d'espérance. Le peuple de Camargue espère que ses traditions perdureront malgré les attaques de certains ! (Applaudissements nourris, « bravo ! » et « olé ! » sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Vincent Capo-Canellas et Hussein Bourgi applaudissent également, de même que M. Stéphane Ravier.)
M. le président. - Merci de ne pas transformer cette enceinte en arène, mes chers collègues... (Rires ; M. Jacques Fernique applaudit.)
Volet transport des contrats de plan État-Région
M. Laurent Lafon . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les contrats de plan État-Région (CPER) ont, en quarante ans, fait la preuve de leur utilité.
À ce jour, l'ensemble des CPER 2021-2027 ont été signés, mais sans le volet mobilité, encapsulé, selon l'expression de Jacqueline Gourault, pour tenir compte des grandes difficultés de financement des projets en cours sans empêcher l'avancement des autres thématiques. Les avenants signés en 2021 et 2022 pour débloquer des crédits ne portent que sur des projets figurant dans les contrats précédents.
Les quinze présidents de région ont récemment appelé, dans Le Monde, à un New Deal ferroviaire, en soulignant l'importance des CPER. Les régions sont prêtes à signer les volets mobilité, mais n'ont aucune indication de l'État sur le calendrier.
Quelle méthode souhaitez-vous suivre, et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports . - Outil de programmation issu de la décentralisation, le CPER revêt en effet une grande importance. Il y a deux ans, le choix a été fait d'une discussion spécifique sur le volet mobilité.
Je connais l'urgence et les impatiences. L'État est au rendez-vous du financement des projets : il n'y aura aucune année blanche dans le financement des infrastructures.
Par souci de cohérence, nous avons décidé d'attendre le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Dans les prochaines semaines, sans doute en février, nous adresserons des mandats de négociation aux préfets de région. Notre objectif est de conclure les volets mobilités d'ici l'été.
Sur le fond, les CPER devront évidemment s'adapter à l'urgence climatique. La part du ferroviaire devra être augmentée, même si des crédits pourront bénéficier à la route et à sa décarbonation. Il importe aussi de contractualiser des politiques d'intermodalité et de report modal, en associant les intercommunalités et les départements. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
La séance, suspendue à 16 h 35, reprend à 16 h 45.