Outil de gestion des risques climatiques en agriculture (Procédure accélérée - Suite)
Discussion générale (Suite)
M. Daniel Salmon . - Voilà trois ans que nous attendions un tel projet de loi. Il arrive opportunément, à deux mois des présidentielles. Il nous avait pourtant été promis le 21 juin 2019 par votre prédécesseur, Didier Guillaume ; un an plus tard, le même promettait une loi avant la fin de l'année. Après deux ans et demi de travaux, nous étions en droit d'attendre un meilleur texte. Il ne fallait pas tant de temps pour mettre la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) d'accord avec elle-même ! On ne s'étonne pas, même si on le regrette, que vous ne cherchiez pas l'accord de la Confédération paysanne ; mais même les autres organisations syndicales s'inquiètent du flou qui entoure votre projet, dont de larges pans sont renvoyés aux ordonnances, aux décrets et à la loi de finances.
Le dérèglement climatique bouleverse en profondeur tout notre système assurantiel. Le risque climatique est d'une échelle sans commune mesure : le modèle assurantiel ne peut pas faire front quand il touche des départements entiers, voire tout le pays ! Les systèmes d'indemnisation publics, catastrophes naturelles et calamités agricoles, ne suffisent plus. De tels événements sont potentiellement dévastateurs - une année de revenus, perdue en quelques heures ! - et le coût des assurances est beaucoup trop élevé pour la majorité des agriculteurs.
Malgré les subventions, seuls 13 % d'entre eux sont assurés. Le système est déficitaire, avec un ratio de sinistralité de 105 %. Les assurances versent plus qu'elles ne touchent et, de ce fait, se retirent de certains territoires ou abandonnent le marché.
Pour combler cette faille structurelle, vous proposez de subventionner davantage les contrats d'assurance.
M. Julien Denormandie, ministre. - Non !
M. Daniel Salmon. - Comme beaucoup, nous craignons des effets d'aubaine. Le groupement d'assurances que vous voulez créer semble conduire droit à un oligopole. (Nouvelles dénégations du ministre) La gouvernance envisagée accorde beaucoup trop de place aux assureurs. Vous créez un régime à plusieurs vitesses, en favorisant la prise en charge publique des agriculteurs assurés au détriment des autres. Le risque, c'est le désengagement de la solidarité nationale et le recul de la protection pour les cultures non assurables.
Plutôt que des cultures diversifiées plus résilientes, vous protégez la monoculture, avec un système de calcul qui incite à toujours davantage de rendement, au détriment du financement de l'agroécologie et des mesures environnementales !
Comme le demande la majorité des organisations syndicales, le GEST votera contre ce texte, cautère sur une jambe de bois. Votre projet de loi ne pourra faire face à la multiplication des aléas climatiques. L'article 40 nous a empêchés de l'amender réellement pour proposer le projet d'assurance mutualiste, financé par la solidarité nationale et gouverné par les agriculteurs, que nous appelons de nos voeux.
M. Pierre Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) De toute éternité, les agriculteurs traversent des années particulièrement difficiles. Agriculteur pendant 45 ans, j'ai connu l'année 1976. Cette année, certaines productions ont été détruites à 100 %. Je pense aux secteurs viticole et arboricole notamment.
Les régimes qui se sont succédé depuis 1964 et qui ont connu une période de bon fonctionnement, montrent leurs limites. La capacité de financement des agriculteurs n'étant pas à la hauteur du risque, les assurances ont capitulé.
La critique est aisée, mais l'art est difficile. Ce texte a au moins un mérite : considérer dans sa globalité la difficulté des agriculteurs à s'assurer, en proposant un dispositif partenarial, l'agriculteur prenant en charge l'aléa courant, notamment grâce à ses cotisations, l'assureur, l'aléa significatif, et la puissance publique, les calamités agricoles.
L'assurance doit être, sinon obligatoire, du moins fortement encouragée. Je suis favorable aux amendements de la commission qui vont dans ce sens. Les assureurs mutualistes, comme le Crédit Agricole et Groupama, sont en première ligne.
Le texte de la commission donne une visibilité à horizon de cinq ans sur le taux d'intervention publique, le temps que le dispositif monte en puissance et que la profession s'assure.
Il renforce le Codar, où toutes les filières pourront être représentées. La liste des risques non assurables devra, en parallèle, être définie clairement. Les moyens de prévention mis en oeuvre par l'exploitant seront un critère en fonction duquel sera adaptée la prime d'assurance.
L'Europe demande un système incitatif : dès lors, l'obligation d'assurance est impossible. Monsieur le ministre, nous avons confiance en vous ; nous ne savons pas qui sera ministre de l'Agriculture demain. Il faut prendre les précautions demandées par M. le rapporteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Henri Cabanel . - La nuit du 7 au 8 avril 2021 fut noire ; à cause de la gelée, nos agriculteurs ont tout perdu, leurs récoltes et leurs rêves. La gestion des risques est primordiale pour l'agriculture. Les travaux des météorologues sont sans appel : ce qui était exceptionnel hier sera commun demain.
Vous avez cité les travaux du Sénat, monsieur le ministre. En 2016, avec M. Montaugé, nous avions déposé une proposition de loi. Ce texte a été voté à l'unanimité. Mais dès 2008, le RDSE s'était mobilisé sur le sujet, avec une proposition de loi de MM. Collin et Baylet visant à rendre obligatoire l'assurance récolte. Ce texte a été rejeté en séance ; la filière n'était pas prête.
La gelée noire de 2021 nous a conduits à nous emparer de ce sujet : mieux vaut tard que jamais.
Selon l'assurance Pacifica, près d'un agriculteur sur deux a connu un aléa climatique au cours des trois dernières années.
Seulement 18 % de la surface agricole française est couverte par un contrat MRC, mais avec de grandes disparités : 35 % pour les grandes cultures, contre 3 % pour l'arboriculture. La culture de gestion du risque est peu développée en France. En revanche, les jeunes agriculteurs sont largement favorables à une généralisation du système assurantiel.
Le FNGRA a dépensé 180 millions d'euros en 2020, montant inédit depuis 2014.
L'article 2 témoigne d'une forte avancée, en application du règlement Omnibus : le taux maximum des subventions publiques sera de 70 %, au lieu de 65 % actuellement. Le seuil d'éligibilité sera quant à lui abaissé de 30 à 20 % des pertes.
La proposition de M. Duplomb sur la minoration de la dotation jeunes agriculteurs m'a servi de base pour présenter trois amendements.
Malgré ces réserves, le groupe RDSE votera ce texte. Jamais un agriculteur ne doit revivre les conséquences de cette nuit de gel d'avril 2021.
Un jeune agriculteur doit pouvoir vivre ses rêves avec plus de sérénité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe UC)
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il a fallu du temps pour prendre conscience de la situation des agriculteurs, mais l'épisode de grand gel de 2021 a été crucial, d'où l'examen de ce texte.
Le taux de pénétration des assurances agricoles est très faible en France : à peine 3 % pour certaines cultures.
L'échec est patent. En avril 2016, le groupe SER, avec M. Cabanel que je salue, faisait adopter une proposition de résolution pour mieux protéger le revenu des agriculteurs. Le Sénat avait ainsi créé un fonds de stabilisation du revenu agricole que l'Assemblée nationale n'a jamais adopté.
Nous réformons aujourd'hui le régime assurantiel des agriculteurs, en l'adaptant au règlement Omnibus. Depuis 2007, nous demandions ces réformes. Pourquoi avoir tant attendu ? Que de temps perdu !
Le système à trois étages proposé aujourd'hui va dans le bon sens, mais il ne répond pas à toutes les demandes des agriculteurs. Les ordonnances et les décrets fixant les seuils et les taux seront cruciaux.
La question du calcul des moyennes de rendements reste en suspens. Les ordonnances sont un chèque en blanc signé au Gouvernement.
Il faudra encore creuser le sillon labouré depuis des années par notre groupe.
Nous répondrons présents pour ces mesures, que nous voulons approfondir, en responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Bernard Buis . - La capacité d'adaptation de l'espèce humaine est unique, mais le dérèglement climatique, fruit de notre activité, la dépasse parfois.
Les agriculteurs doivent maintenant s'adapter aux variations subites du climat, qui en viennent à cultiver du sorgho. D'autres cultures, comme le colza, sont abandonnées, car le gel printanier est trop risqué.
Le gel d'avril dernier a marqué les esprits. En quelques heures, le 7 avril 2021, nous avons vu des températures passer brutalement à - 8°C. Les agriculteurs ont lutté comme ils ont pu, avec des bougies, des souffleurs d'air chaud, des feux de paille : tout cela en vain.
Le montant des pertes liées au gel noir dans la Drôme s'élève à 200 millions d'euros, un cauchemar.
Mais les excès du climat ne vont pas s'arrêter : pluies diluviennes, sècheresses, canicules. On se souvient des 46°C enregistrés dans le Gard en 2019.
Nous ne pouvons plus attendre... Trop de pertes, trop de drames humains. Nos agriculteurs sont très peu couverts - seulement 6 % des arboriculteurs sont assurés.
Dans le cadre du Varenne de l'eau, le régime assurantiel a été repensé en profondeur. Le Président de la République a souhaité un coup d'accélérateur.
La réforme que vous nous présentez repose avant tout sur un système à trois étages, fondé sur la solidarité nationale. Le fonds sera doté de 600 millions d'euros par an, au lieu des 300 millions d'euros actuels. Il s'agit de proposer des assurances accessibles à nos agriculteurs. Les délais d'indemnisation doivent aussi être réduits : il faut penser en semaines, plus en mois.
Cependant, les amendements budgétaires peu rigoureux du rapporteur qui flirtent avec l'article 40 sont trop rigides et contre-productifs. Il ne faut pas passer outre les lois de finances. Ne tombons pas dans la communication, la précipitation, les effets d'annonce. (Signes d'agacement au banc de la commission)
Ce dernier grand texte agricole du quinquennat s'ajoute à divers textes au service d'une agriculture résiliente. Maintenons le cap.
Nous voterons ce texte.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Je ne demandais pas mieux !
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Avec ce texte, il s'agit d'assurer une pérennité financière aux exploitations, qui sont peu couvertes par les assurances. Pour les agriculteurs, le calcul de la moyenne olympique du rendement est décrié et le reste à charge de 30 % trop élevé. Pour les assureurs, le système n'est pas rentable.
Les aléas climatiques découragent les jeunes agriculteurs, mais le financement des assurances pose problème.
Les 360 millions d'euros budgétisés en 2021 ont été largement abondés grâce à l'intervention de l'État. Selon vous, pour financer les aides, la PAC versera 180 millions d'euros, l'État 300 millions et les agriculteurs 120 millions. Nous passerions ainsi à 600 millions. Mais votre discours, monsieur le ministre, n'est pas clair... Il ne s'agit pas uniquement de crédits de l'État. De plus, aucune projection n'a été fournie par vos services.
Les sinistres au-delà du seuil d'intervention doivent aussi être pris en compte. Le dispositif n'est en fait pas pérenne et à l'article 7, le « quoiqu'il en coûte » se généralise.
Le texte ne réglera en rien les défis auxquels font face les agriculteurs. Depuis des années, le Sénat alerte sur ces sujets.
Vous nous demandez de légiférer par ordonnances... Je désapprouve la méthode, tout comme le manque de sérieux budgétaire et le gonflement de la dette pour les générations futures.
En l'état, je ne voterai pas ce texte.
M. Jean-Michel Arnaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Il s'agit de s'armer et de s'adapter face au dérèglement climatique.
La gestion des risques n'est pas pertinente : elle est mal organisée et peu lisible pour les agriculteurs. Lors du gel de 2021, l'État fut, en partie, au rendez-vous.
Le système actuel montre des failles : les aides ne sont pas adaptées aux réalités territoriales.
Avec ce texte, les trois étages de prise en charge constituent un modèle plus pertinent. Cependant, des limites subsistent.
Pour pouvoir s'adapter, les assureurs doivent disposer de temps.
En outre, l'Autorité de la concurrence alerte sur la conformité du groupement d'assureurs au droit européen. L'obligation d'y participer ne doit pas créer de distorsion de concurrence. La présence de la Caisse centrale de réassurance autoriserait une meilleure harmonisation.
Les agriculteurs devront se saisir des outils de gestion de risque et en être les promoteurs.
Les 600 millions d'euros évoqués par le ministre viennent principalement de l'argent agricole, PAC comprise. Il ne faut pas laisser croire le contraire.
Nous devons être aux côtés de nos agriculteurs, essentiels pour notre souveraineté alimentaire et pour nos paysages. Nous devons leur donner confiance et nous espérons que les coûts des assurances seront supportables par chacun d'entre eux. En effet, si beaucoup ne sont pas assurés, cela s'explique souvent par un manque de moyens.
Dans la vallée de la Durance, la détresse des agriculteurs face à la gelée noire a été immense. Monsieur le ministre, j'espère que votre écoute, réelle, ne sera pas vaine. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Denis Bouad . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Il fut un temps, le dérèglement climatique était un sujet de conversation pour les scientifiques. Désormais, c'est une réalité sur nos territoires, qui nous affectera plus encore demain. La ferme France est en première ligne. L'aléa climatique devient un risque certain.
Au printemps 2021, j'ai accompagné les agriculteurs sur le terrain, bouleversés par les conséquences du gel noir. Quelle catastrophe, quel drame humain !
Nous souhaitons un recours massif à la solidarité nationale, une application maximale du règlement Omnibus et la création d'un pool d'assureurs pour mutualiser les risques. Votre texte répond à certaines de nos demandes, anciennes, d'où notre vote favorable.
Mais nous exprimons des réserves, notamment en matière d'habilitation à légiférer par ordonnances.
Nous espérons que vous saurez nous entendre, car nous souhaitons que cette réforme aboutisse pour sécuriser nos agriculteurs.
Le caractère universel de ce nouveau système doit être garanti : il faut que tous les agriculteurs aient accès aux assurances. L'État doit s'engager en la matière.
Le niveau de franchise doit conduire à accroître les ratios d'agriculteurs assurés, bien au-delà du taux actuel de 18 %. Le succès de cette réforme se mesurera au niveau d'assurés MRC. Les conditions incitatives doivent être proposées sur le long terme. Il nous faut sécurité et pérennité.
La référence olympique est un véritable frein. La France doit s'engager au niveau international pour réformer cette disposition issue des accords de Marrakech.
Dans mon département, les agriculteurs ont subi trois sinistres en cinq ans ! La PFUE doit porter ce sujet devant l'OMC. Saisissons cette occasion unique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Olivier Rietmann . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comment accueillir ce texte, si ce n'est avec bienveillance ?
Réformer les outils de gestion des risques climatiques est crucial pour nos agriculteurs comme pour notre souveraineté alimentaire.
Il est regrettable d'avoir attendu le gel d'avril 2021, encore dans tous les esprits, pour légiférer. La Haute-Saône, comme d'autres départements, a été très marquée, notamment par le gel des cerisiers de Fougerolles.
Le système actuel est à bout de souffle. Il doit être réformé, mais la clarté des mesures proposées fait défaut.
Des engagements forts de l'État sont indispensables.
Le système actuel des calamités agricoles défavorise les exploitants diversifiés en raison du critère de 13 % de taux de pertes. Nous avons supprimé ce seuil, ce qui pousse à la diversification.
Par ailleurs, monsieur le ministre, nous attendons l'engagement du Gouvernement : l'indemnisation par l'État doit être déclenchée à 30 % les cinq premières années pour les prairies et les vergers. Sinon, nous manquerons notre cible.
La moyenne olympique étant dépassée, la PFUE devra la faire évoluer. Par ailleurs, le règlement Omnibus doit être pleinement appliqué.
L'article 3 bis prévoit une contre-expertise des pertes. Il faut le maintenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)
M. Julien Denormandie, ministre. - MM. Gremillet et Menonville ont qualifié ce projet de loi d'historique ; c'est bel et bien le cas. Il faut aller au bout de la réforme, qui s'inspire notamment de ce que fait l'Espagne.
D'aucuns estiment que nous agissons par opportunisme et par électoralisme. Mais s'il est un ministre qui s'est penché avec application sur cette question, c'est bien moi. Vous savez que nous travaillons depuis longtemps sur le sujet. Monsieur Cabanel, la résolution de 2016 prévoyait de financer l'assurance récolte par le deuxième pilier de la PAC, c'est-à-dire que les agriculteurs finançaient les agriculteurs. La proposition de loi de Jean-Claude Lenoir de 2018 envisageait quant à elle une réserve spéciale d'exploitation. Dans les deux cas, les agriculteurs se couvraient eux-mêmes, sans recours à la solidarité nationale.
Monsieur Segouin, j'ai toujours été clair sur le financement, je l'ai d'ailleurs rappelé à cette tribune au début de la discussion générale : les 300 millions actuels ne relèvent pas uniquement des crédits d'État. Il en va de même des 600 euros annoncés, avec un effort marqué pour le budget de l'État.
Monsieur Gay, monsieur Salmon, le fondement de ce texte est la solidarité nationale : nous passons de 300 à 600 millions d'euros, et pourtant vous dénoncez un désengagement de l'État. Il n'est pas non plus question de favoriser les assureurs, bien au contraire. Ils ne sont guère favorables à la réforme d'ailleurs, car ils savent que mon objectif est de leur serrer la ceinture. Je ne sais plus quoi faire pour vous contenter...
S'agissant de la moyenne olympique, je vous rappelle qu'elle relève de l'OMC. Il faut ouvrir ce dossier au niveau international.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
AVANT L'ARTICLE PREMIER
Mme la présidente. - Amendement n°92, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.
I. - Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le présent article fixe les objectifs, la stratégie et la programmation financière et opérationnelle de l'intervention de l'État pour renforcer la résilience de l'agriculture française face au changement climatique par le biais d'une mobilisation d'un système universel de gestion des risques en agriculture pour la période 2023 à 2030.
Cette programmation, qui contribue à assurer la pérennité et la résilience des systèmes de production agricole dans un contexte d'accélération du changement climatique, en garantissant l'accès des agriculteurs à un système universel de gestion des risques climatiques en agriculture, vise trois objectifs :
1° Développer des dispositifs de prévention et de protection adaptés à toutes les cultures ;
2° Créer et mieux diffuser des produits d'assurance et des mécanismes d'indemnisation efficaces et complémentaires entre eux, en accompagnement de stratégies d'adaptation des filières et des bassins de production ;
3° Appliquer systématiquement un principe de solidarité nationale pour préserver la pérennité des cultures agricoles.
Les dépenses publiques prévisionnelles pour atteindre ces objectifs s'inscrivent dans la perspective d'une enveloppe annuelle de 600 millions d'euros par an sur la période 2023-2030.
II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :
Chapitre...
Programmation des interventions publiques pour promouvoir une meilleure résilience de l'agriculture française face au changement climatique par la mobilisation de divers outils de gestion des risques
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Le fonds Calamités a été ponctionné par l'État à hauteur de 10 millions d'euros chaque année...
M. Vincent Segouin. - Eh oui !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Sans compter les 255 millions d'euros récupérés par l'État en 2015.
M. René-Paul Savary. - Hein ?
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - L'État est aussi responsable de l'échec du système.
Cet amendement modifie le texte en le transformant en projet de loi d'orientation budgétaire. Nous écrivons ici clairement que le budget prévisionnel annuel se montera à 600 millions d'euros.
M. Julien Denormandie, ministre. - Retrait ou avis défavorable. Votre amendement confond dispositifs de protection et assurances. Du coup, les chiffres sont moins-disants car les 600 millions d'euros de 2023 ne concerneront que l'assurance, pas les dispositifs de protection : vous êtes donc moins-disant que le Gouvernement.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Justement !
M. Julien Denormandie, ministre. - En outre, une telle disposition relève de la loi de finances initiale.
M. Vincent Segouin. - Vous venez de confirmer que rien n'est réellement budgétisé : vous procédez au doigt mouillé. Vous gérez de l'argent public sans égard pour le montant de la dette.
M. Franck Montaugé. - Nous sommes favorables à cet amendement qui donne une perspective pluriannuelle. Nous nous affranchissons ainsi des contraintes de l'article 40 et cela nous permet d'améliorer la situation des agriculteurs.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Il s'agit de prévisions. Qui peut le plus, peut le moins... Nous avons fixé le chiffre de 600 millions d'euros conformément aux propos du Président de la République et aux vôtres. Pour éviter l'article 40, nous nous sommes bien gardés de ne pas dépasser les 600 millions. Si vous allez au-delà, nous sommes preneurs !
M. Julien Denormandie, ministre. - Je ne suis pas responsable de l'article 40.
Votre amendement ne traite pas que de l'assurance récolte mais aussi de la prévention et de la protection. Nous investissons par ailleurs 380 millions d'euros en 2021-2022 avec France Relance et 2,8 milliards d'euros avec France 2030.
Enfin, cet amendement n'est nullement normatif.
L'amendement n°92 est adopté et devient un article additionnel.
ARTICLE PREMIER
M. Gérard Lahellec . - L'article 40 nous empêche une nouvelle fois de débattre. Nous avons besoin d'un système assurantiel solidaire universel pour les exploitations agricoles en difficulté économique. Je regrette l'absence d'un tel dispositif dans le texte, qui laisse les agriculteurs sur le bord de la route.
L'article premier est adopté.
ARTICLE PREMIER BIS
Mme la présidente. - Amendement n°93, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.
Supprimer cet article.
L'amendement de coordination n°93, repoussé par le Gouvernement, est adopté et l'article premier bis est supprimé.
Les amendements nos6, 67 et 44 rectifié n'ont plus d'objet.
APRÈS L'ARTICLE 16 (Appelé en priorité)
Mme la présidente. - Amendement n°103, présenté par M. Duplomb, au nom de la commission des affaires économiques.
Après l'article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe, à titre indicatif, les orientations relatives au pilotage du dispositif de gestion des risques en agriculture par l'État pour les premières années suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.
RAPPORT ANNEXÉ
Afin d'atteindre les objectifs fixés à l'article 1er A de la présente loi, à titre de programmation, et conformément aux annonces gouvernementales de septembre 2021 prévoyant un doublement du budget public dédié à la subvention à l'assurance et à l'indemnisation des pertes de récoltes, pour passer d'environ 300 à 600 millions d'euros par an, en moyenne, le présent rapport annexé expose les principaux objectifs, fixés à l'État, relatifs au pourcentage des surfaces agricoles assurées par le biais d'un contrat d'assurance multirisque climatique subventionné au regard des surfaces agricoles totales à horizon 2030.
Ces taux prévisionnels, production par production, sont fixés ainsi :
Pourcentage des surfaces assurées en MRC (surface assurée / surface totale) par production |
Données pour 2020 |
Objectif cible pour 2030 |
Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles |
33 % |
60 % |
Vignes |
34 % |
60 % |
Arboriculture |
3 % |
30 % |
Prairies |
1 % |
30 % |
Légumes (industrie et marché du frais) |
28 % |
60 % |
Horticulture |
3 % |
30 % |
Plantes à parfum, aromatiques et médicinales |
6 % |
30 % |
Autres cultures (non assurables à ce stade) |
n.s. |
n.s. |
Pour garantir aux acteurs économiques concernés la possibilité effective d'évaluer avec un degré de prévisibilité raisonnable les niveaux d'intervention publique concernant le dispositif de gestion des risques en agriculture, dans la mesure où ce niveau s'apparente à une incitation à s'assurer dans le temps pour les exploitants agricoles et à proposer des contrats offrant un équilibre économique satisfaisant pour les entreprises d'assurances, le présent rapport fixe, à titre indicatif, les niveaux d'intervention publique pour les premières années d'application de la réforme entre 2023 et 2027 :
Taux indicatifs applicables de 2023 à 2027 par production |
Seuil de pertes rendant les contrats éligibles à subvention |
Part des primes et cotisations afférentes aux contrats prise en charge par une aide cumulée de l'État et de l'Union européenne |
Seuil de pertes de récoltes ou de cultures déclenchant l'intervention de l'État au titre de la solidarité nationale |
Céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles |
20 % |
70 % |
40 % |
Vignes |
20 % |
70 % |
40 % |
Arboriculture |
20 % |
70 % |
30 % |
Prairies |
20 % |
70 % |
30 % |
Légumes (industrie et marché du frais) |
20 % |
70 % |
30 à 40 % selon les productions |
Horticulture |
20 % |
70 % |
30 % |
Plantes à parfum, aromatiques et médicinales |
20 % |
70 % |
30 % |
Autres cultures (non assurables à ce stade) |
20 % |
70 % |
30 % |
Ces niveaux seront fixés par décret, dans les conditions prévues à l'article L. 361-9 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction résultant de l'article 5 bis A de la présente loi.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Pour mieux répondre aux besoins de visibilité des acteurs économiques, cet amendement ajoute à la loi un rapport annexé rappelant les objectifs à atteindre en matière de surfaces agricoles assurées à l'horizon 2030.
Il est important d'être transparent sur les taux de franchise, de subvention et les seuils de déclenchement de la solidarité nationale.
Le message que nous apportons aux agriculteurs est donc clair.
M. Julien Denormandie, ministre. - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement pousse les curseurs au maximum sur les taux comme sur les seuils. C'est précisément ce que je ne cesse de vouloir faire. Je suis favorable au principe, mais pas à la méthode retenue.
À nouveau, cet amendement n'est pas normatif. Il porte sur la période 2023-2027. En cela, il n'est pas cohérent avec l'amendement créant un article additionnel après l'article premier relatif aux 600 millions d'euros, à moins que vous ne pensiez atteindre ce montant qu'en 2027, ce qui impliquerait que les crédits soient inférieurs les années précédentes. Et si nous allions au-delà de cette somme ?
Chacun doit bénéficier de la réforme : il me semble préférable que ces chiffres soient fixés au niveau réglementaire.
Le 70 % ab initio que vous proposez est un cadeau fait aux assureurs qui vont augmenter leur prime. Or, la priorité des priorités, c'est l'article 7 : il faut serrer la ceinture des assureurs. (M. Pierre Louault applaudit.)
On ne peut se contenter de transmission de statistiques comme le prévoyait la proposition de loi de M. Lenoir. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Je salue les assureurs qui sont restés dans nos campagnes. Beaucoup, en effet, sont partis. Je me bats depuis deux ans pour pousser les curseurs, mais il ne faut pas les inscrire dans la loi. Préférons la concertation avec les filières, plutôt que de l'imposer par la loi.
M. Vincent Segouin. - Je trouve vos propos insupportables. Deux assureurs sont aux côtés des agriculteurs avec des ratios d'indemnisation de 145. Et vous dites qu'il faut leur serrer la ceinture !
Il faut un système équilibré, juste et pérenne. Il faut des chiffres et des précisions, plutôt que des ordonnances.
M. Daniel Salmon. - Je comprends le souci du rapporteur de sécuriser le monde paysan en fixant dans la loi des seuils et des taux. Mais, pour nous, c'est la logique assurancielle elle-même qui n'est pas adaptée. Elle est pertinente dans certains domaines - pour les véhicules, par exemple -, mais, pour les calamités agricoles, ce système ne fonctionnera pas !
M. Franck Montaugé. - Depuis quand les lois d'exécution doivent-elles être rigoureusement conformes à la loi d'orientation et de programmation ? Voyez la loi de programmation militaire... Cet argument est sans valeur. (M. le rapporteur approuve.)
Mme Victoire Jasmin. - C'est juste !
M. Franck Montaugé. - Le Sénat prend ses responsabilités, sur la base de discussions approfondies avec les filières - c'est du moins ce qu'on m'a dit. Ensuite, nous ajusterons à chaque exercice.
Monsieur le ministre, le taux de 70 % ferait le miel des assureurs ? Je comprends que vous ne voulez pas mettre en oeuvre Omnibus, alors que vous affirmez le contraire.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - Monsieur le ministre, soyons pragmatiques.
Dans la discussion générale, vous avez dit vouloir maximiser Omnibus. C'est ce que nous proposons d'écrire dans la loi.
Vous avez parlé des seuils les plus bénéfiques. Le plus bénéfique, ce serait de tout fixer à 30 %, ce que nous ne faisons pas - certaines filières nous l'ont pourtant demandé. Nous avons pris nos responsabilités. Il est donc faux de prétendre que nous mettrions les taux les plus sexy pour contenter tout le monde.
D'après nos calculs, ce système permet de rester dans l'enveloppe des 600 millions d'euros jusqu'en 2027.
Notre tableau ne fixe que trois taux. Les autres paramètres, à commencer par le taux d'indemnisation, restent à votre main.
Agriculteurs et assureurs veulent des taux connus, pour plus de clarté et de confiance. Pourquoi ne pas les leur donner maintenant, alors que vous serez obligé de le faire dans six mois ?
M. Jean-Louis Masson. - Souvent, pour récuser un amendement, les rapporteurs avancent qu'il n'a pas de caractère législatif. Peut-on m'expliquer quel est le caractère législatif de celui-ci ?
Mme Sophie Primas, présidente de la commission. - Monsieur Masson, cet amendement correspond à un texte dont nous entendons faire une loi d'orientation et de programmation ; nous proposerons d'ailleurs de modifier en ce sens son intitulé. Il n'a pas une portée législative obligatoire, mais il s'agit d'un guide, d'un référentiel.
L'essentiel, c'est de donner confiance aux agriculteurs, pour qu'ils s'assurent. C'est le signal que nous voulons envoyer.
Nous avons consulté l'ensemble des filières, qui soutiennent le travail de M. Duplomb.
Le Sénat l'a prouvé, notamment dans le cadre du texte sur l'assurance emprunteur : quand le bien commun est en jeu, nous n'avons pas peur d'être en contradiction avec les assureurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. Vincent Segouin. - Très bien !
M. Julien Denormandie, ministre. - Dans la partie normative du texte - puisque vous y introduisez, malgré moi, une partie législative mais non normative... -, le volet sinistres est encadré. Mais ce que l'on fait pour le numérateur du ratio, monsieur Segouin, il n'est pas concevable de ne le pas le faire aussi pour le dénominateur. Il faut donc encadrer aussi les primes : c'est tout ce que je dis en parlant de serrer la ceinture des assureurs - ce n'est pas une critique de leur métier.
Monsieur Montaugé, je le répète : mon objectif est de pousser Omnibus au maximum, à condition que l'agriculteur en bénéficie. La fixation du taux à 70 % suppose donc un encadrement puissant des primes à l'article 7.
Monsieur le rapporteur, nous disons en somme la même chose.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - C'est bien pourquoi nous ne comprenons pas votre opposition...
M. Julien Denormandie, ministre. - Je considère que la loi doit être normative, et les seuils fixés par la voie réglementaire. Vous ne nous faites pas confiance, je ne puis qu'en prendre acte.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. - J'ai sans doute trop de bon sens paysan, mais je ne comprends pas...
On est d'accord sur tous les taux - sauf peut-être le 40 %. Mais alors, pourquoi butez-vous sur notre tableau ? Surtout que, à un moment ou à un autre, vous serez bien obligé de fixer des taux.
J'ajoute que notre texte ménage la possibilité de revenir sur les taux prévus. C'est d'ailleurs normal, le ministre devant disposer de marges de pilotage.
J'espère bien que le Sénat adoptera cet amendement. Ensuite, vous aurez quelques jours pour y réfléchir, afin que la CMP trouve une solution intelligente. À l'arrivée, vous aurez gagné six mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
L'amendement n°103 est adopté et devient un article additionnel.
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Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 9 février 2022
Séance publique
À 15 h, à 16 h 30 et le soir
Présidence :
M. Gérard Larcher, président
Mme Pascale Gruny, vice-président
Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires :
M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert
1. Questions d'actualité
2. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (texte de la commission, n°423, 2021-2022)
3. Nouvelle lecture de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux lois de financement de la sécurité sociale (texte de la commission, n°430, 2021-2022) et nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux lois de financement de la sécurité sociale (texte de la commission, n°431, 2021-2022)
4. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à encourager l'usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d'accéder à Internet (texte de la commission, n°398, 2021-2022)