Débat d'orientation des finances publiques et règlement du budget 2016 (Procédure accélérée - Suite)
Discussion générale commune (Suite)
M. Richard Yung . - La discussion de la loi de règlement consiste à évaluer comment la loi de finances initiale a été exécutée. Il ne s'agit pas de débattre du contenu de cette dernière.
L'exécution de la loi de finances pour 2016 est globalement satisfaisante : croissance à 1,2 %, ce qui n'est certes pas fracassant, inflation faible, ce qui est dommage mais cette politique est désormais entre les mains de la Banque centrale européenne. Le point faible reste le commerce extérieur avec des exportations insuffisantes. Les intempéries, le ralentissement du commerce international ne sont pas en cause, les autres pays en pâtissent aussi. La France pâtit en fait de ne pas disposer d'un tissu de PME orientées vers l'exportation. Nous rêvons tous du Mittelstand... : on peut trouver toutes les excuses. Notre pays n'est pas orienté vers une productivité suffisante.
Les dépenses sont couvertes par les recettes. Le déficit a été ramené de 72 à 70 milliards : ce n'est pas énorme. Le déficit structurel est de 1,6 %, ce qui reste très élevé puisque l'objectif communautaire est de 0,5 %. Le déficit global est à 3,4 %. Le rapporteur général l'a regretté. C'est toujours mieux que 3,6 %, comme prévu initialement...
La France est en procédure de déficit excessif depuis 2009. La Commission européenne est bonne fille et nous accorde chaque année un an de plus. Le moment est venu d'agir.
Quant à la sous-budgétisation, elle est de l'ordre de 3 milliards d'euros pour 2016. Rien de nouveau à cela. Tous les gouvernements l'ont fait depuis vingt ans.
M. Francis Delattre. - C'était avant !
M. Richard Yung. - Je suis sûr, en effet, que le nouveau Gouvernement saura se saisir du problème à bras le corps.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous l'avons dit.
M. Richard Yung. - Faut-il qu'une haute autorité formule un avis sur les budgétisations proposées ? Ce débat est devant nous.
Quant aux réserves de précaution, elles vident de sens le budget que nous votons. (M. le rapporteur général de la commission des finances le confirme.) Je proposerai une table ronde pour revoir les procédures d'établissement et d'évaluation du budget. La démocratie est à ce prix.
À moyen terme, les hypothèses de croissance sont prudentes : 1,6 % pour cette année. Alléluia, le FMI vient de donner son onction au Gouvernement, qui a prévu un retour du déficit à 3 % et une augmentation soudaine des recettes fiscales. Il semblerait que l'élasticité fiscale soit recalculée à la hausse... Enfin, nous sommes loin d'atteindre les 0,5 % en matière de déficit structurel.
Vous avez prévu un taux forfaitaire de 3 % d'imposition des revenus du capital. Pouvez-vous nous en préciser l'assiette ? Quid des revenus immobiliers, du livret A ? Pourriez-vous aussi préciser les grandes lignes de votre plan de réduction des dépenses de 60 milliards en cinq ans, dont 25 milliards pour la sécurité sociale, ce qui est beaucoup ?
Sous réserve de ces observations, nous approuvons ce plan à moyen terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
M. Thierry Foucaud . - Il faut sans tarder, sans faiblir, réduire la dépense publique ! Certes, 97 000 bacheliers se retrouvent dans la nature à cause de l'autonomie des universités. Je pourrais parler des enfants qui ne verront pas à l'école communale l'un des 6 000 enseignants jamais nommés depuis cinq ans. Ou encore des usagers des transports parisiens confrontés chaque jour à des pannes. Mais allons bon, il faut réduire la dépense publique !
Alors que la dépense locale a diminué en 2016, les collectivités verront encore leurs dotations amputées de 13 milliards d'euros et seront privées de 80 % de la taxe d'habitation. J'entendais encore tout à l'heure un ministre les appeler à diminuer leurs dépenses de fonctionnement... c'est-à-dire à tailler dans leurs effectifs, au risque de nourrir le chômage et d'amputer les services publics ! Les élus n'auront le choix que de la peine qu'ils s'appliqueront...
Quelle formidable avancée ! Le quinquennat s'est achevé sur un déficit de 3,4 % du PIB...
L'insincérité invoquée des comptes publics me fait penser au collectif budgétaire de 2012, où on alléguait les erreurs de prévision du gouvernement précédent sur les recettes...
Le gouvernement Hollande faisait face à une perte de 7,2 milliards d'euros de recettes fiscales. Ne comptez pas sur nous pour approuver sa politique !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Moi non plus !
M. Thierry Foucaud. - Ni pour donner quitus aux recettes éculées de ceux que vous souteniez...
Voyez le CICE, qui coûte 200 000 euros par emploi, pour un résultat bien modeste.
La baisse des dépenses publiques, c'est aussi supprimer les ristournes de charges sur les bas salaires, dont les effets sont très faibles.
L'agenda fiscal du Gouvernement est constamment, totalement, exclusivement libéral : le prélèvement libératoire sur les impôts du capital, c'est 1,5 milliard d'euros de baisse d'impôt, pour quelques dizaines de contribuables. Les 15 000 euros de baisse d'impôt pour 2018, pour les 280 000 foyers fiscaux les plus riches, la quasi-suppression de l'ISF, sont inacceptables pour la gauche progressiste. Également inacceptables pour nous, comme pour toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans la gauche progressiste, les orientations budgétaires de 2018, qui sont celles de l'austérité toujours renouvelée, de la dégradation de la qualité de vie des agents, des retards dans les grands projets structurants, dans la sortie indispensable du nucléaire, dans la mise à niveau thermique, dans la rénovation des résidences universitaires...
Nous ne pouvons approuver de telles orientations, et ne voterons pas la loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente
M. Yvon Collin . - Ce premier débat budgétaire s'inscrit dans un contexte chargé. Le Parlement a peu de prise sur les mesures de l'année en cours. Cependant, il a un droit de regard. La commission des finances a rendu hier son avis sur les projets de décrets d'avance et d'annulation qui concernent des sujets, hélas, urgents, tels que la recapitalisation d'Areva ou le financement des opérations militaires extérieures.
Le règlement du budget n'est que la constatation du résultat. Le RDSE, qui a majoritairement soutenu l'action du précédent gouvernement, l'approuvera. On note de modestes mais réelles améliorations qui confirment la reprise.
La croissance a repris modérément en 2016, en s'établissant à 0,1 point au-dessus du niveau de 2015. Pour 2017, le consensus des économistes table sur 1,5 %.
Le déficit public structurel, à 3,4 points de PIB, est légèrement décevant mais sa réduction a été continue depuis 2012, sans toutefois atteindre l'objectif des 3 %.
La France sortira-t-elle de sa crise de langueur ? Je salue cette ambition que vous affichez. Les mesures d'économie de 4,5 milliards annoncées peuvent susciter l'incompréhension mais sont en ligne avec la loi de finances initiale.
Cet effet de ciseau budgétaire touche des missions jadis considérées comme prioritaires, comme la défense ou la sécurité, mais aussi des domaines qui me sont chers, comme l'aide au développement, ce qui est problématique à court terme. Un redressement des comptes publics doit néanmoins en découler à moyen et long terme. Quelque impopulaires qu'elles soient, ces mesures d'économies sont ainsi rendues plus acceptables.
Pour 2018, les objectifs sont ambitieux. 11 milliards d'euros d'allégements fiscaux reposant sur la poursuite de la baisse de l'impôt sur les sociétés, une nouvelle réduction de cotisations sociales, un resserrement inédit de l'assiette de l'ISF, la suppression de la taxe sur les transactions financières intra-journalières et, bien sûr, la première étape de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, qui inquiète les communes. En face, des hausses de prélèvements - comme sur la CSG ou les droits sur le tabac - et des recettes non fiscales, comme des produits de cessions et de participations pour 10 milliards d'euros ; il faudra s'assurer de l'impact économique de ces diverses mesures. La décision de reporter d'un an le prélèvement à la source est adaptée aux difficultés constatées.
Le Gouvernement veut réduire la pression fiscale, mais ne doit pas oublier la lutte contre la fraude fiscale, qui représente 8 milliards d'euros par an.
Le Gouvernement se montre dynamique, mais il manque une vision de plus long terme sur le périmètre de la dépense publique. Ce débat nous offre ce temps de réflexion avant le dépôt du PLF à l'automne.
M. Claude Raynal . - M. Daudigny n'ayant pu intervenir, comme il le souhaitait, sur les comptes sociaux, je tiens à préciser en son nom que, pour 2016, les recettes du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) sont diverses mais ne remettent pas en cause la spécificité des finances sociales.
L'engagement financier de la France dans ce domaine est très fort : les dépenses atteignent 746,6 milliards d'euros, soit 34 % du PIB. Autre caractéristique : le faible reste à charge des ménages, surtout en matière de santé.
La dette sociale reste toutefois unanimement considérée comme insupportable. Si le régime général et le FSV sont toujours en déficit, la trajectoire de réduction de celui-ci est nette pour la période de 2012 à 2017, puisque le déficit du régime général est passé de 13,3 milliards d'euros en 2012 à 4,1 milliards en 2016 et devrait se réduire à 1,6 milliard en 2016.
Le déficit global devrait être ramené de 17,5 milliards en 2012 à 5,5 milliards fin 2017. La branche accidents du travail, maladies professionnelles, affiche un solde positif depuis 2013. La branche retraite, après plus d'une décennie de déficits, est revenue excédentaire en 2016. La branche famille retrouvera un excédent en 2017 pour la première fois depuis dix ans.
L'inquiétude persiste pour le FSV. Notre pays éprouve de grandes difficultés à équilibrer sa branche maladie.
La santé mentale, les cancers, les maladies cardiovasculaires et le diabète sont les principaux postes de prise en charge après les hospitalisations ponctuelles. Relever ces défis impose de restructurer l'organisation des soins pour mieux accompagner les personnes âgées. Voilà ce que voulait vous dire mon collègue, Yves Daudigny.
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Claude Raynal. - J'en viens à l'évolution de nos comptes publics...
M. Philippe Dallier. - Ah !
M. Claude Raynal. - Fin 2016, le déficit des administrations publiques diminue ; cela ne doit pas étonner, les ministres Sapin et Eckert nous ayant habitués à tenir leurs engagements. (Exclamations incrédules à droite) Le déficit était de 5,1 % du PIB en 2011, de 4,8 % en 2012, de 4 % en 2013, de 3,9 % en 2014 et de 3,6 % en 2015... (Les exclamations ironiques vont s'amplifiant à droite.) Ce dernier chiffre est exactement conforme au niveau recommandé par le conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015...
M. Philippe Dallier. - Formidable !
M. Francis Delattre, vice-président de la commission des finances. - Remarquable !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Ô combien !
M. Claude Raynal. - Cette baisse constante des déficits s'est accompagnée d'un allègement des prélèvements obligatoires de 44,8 % en 2013 à 44,4 % en 2016...
M. Philippe Dallier. - Bravo ! (On rit à droite.)
M. Claude Raynal. - Cette baisse des déficits n'a donc pu être réalisée que, déjà, par une diminution des dépenses publiques de 57 % du PIB en 2013 à 56,4 % et même 55 % hors crédits d'impôts en 2016... (Nouvelles interruptions à droite) Le contrôle de la dépense publique, vous le voyez, n'est pas l'apanage de votre Gouvernement...
M. Bruno Le Maire, ministre. - En effet ! Le rapport de la Cour des comptes le montre bien... (Sourires sur le banc de la commission, ainsi que sur plusieurs bancs à droite)
M. Claude Raynal. - Alors pourquoi ouvrir une polémique bien inutile sur la base du rapport de la Cour des comptes ?
M. Alain Gournac. - On se le demande ! (Rires à droite)
M. Éric Doligé. - Quelle mauvaise foi...
M. Claude Raynal. - Notre déficit sera, à l'issue de la trajectoire de baisse, inférieur à 3 % !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Et c'est ainsi que votre fille est muette !
M. Éric Doligé. - On reste sans voix. C'est du grand Raynal !
M. Claude Raynal. - En vérité, vous mettez vos pas dans ceux du gouvernement précédent. Le rapport de la Cour des comptes en 2018 sera bien moins commenté...
Sur l'orientation des finances publiques, votre Gouvernement compte réduire les prélèvements obligatoires. L'amélioration de la situation économique devrait vous y aider.
Nous partageons vos orientations dans leur principe, mais nous désapprouvons de faire porter l'effort sur les collectivités, qui ont déjà beaucoup contribué à la réduction du déficit depuis quatre ans...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - C'est bien de le dire !
M. Claude Raynal. - Vous verrez, à y regarder de plus près, les efforts non réalisés par l'État. Vous introduisez, en supprimant la taxe d'habitation, une inégalité devant l'impôt ; il faudra y penser au moment de la remplacer.
Je ne reviendrai pas sur l'impact de la quasi-suppression de l'ISF...
Nous vous invitons modestement à intégrer ces quelques remarques.
Mon groupe vous souhaite un été studieux, messieurs les ministres, pour les intégrer, et votera la loi de règlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; on rit à droite.)
M. Bruno Le Maire, ministre. - Quel numéro !
M. David Rachline . - Je n'épiloguerai pas sur les comptes de 2016... Vous connaissez notre position sur les orientations budgétaires et vous savez que nous refusons l'austérité imposée par Bruxelles. Tous les gouvernements successifs portent une lourde responsabilité dans la situation où nous voici rendus.
Je considère que le respect de la règle des 3 % passe après la protection des Français. Les familles de victimes du Bataclan et de Nice, celles des soldats morts pour la France ont-elles quelque chose à faire de cette règle des 3 % ? J'en doute. Diminuer le budget de la Défense remet en cause notre sécurité. Nos véhicules blindés, au Sahel, ont 31 ans d'âge. Je n'ose vous demander l'ancienneté de nos voitures de fonction...
Tout aussi grave, la dérive autoritaire que nous voyons poindre et qui vous conduit à informer le Parlement de manière incomplète, à paraître ignorer son rôle constitutionnel. Pour que nos institutions fonctionnent correctement, il est indispensable, que les hauts fonctionnaires, qui s'expriment devant les commissions parlementaires puissent le faire en toute franchise. En cas de sujets sensibles, comme la défense, les auditions se tiennent à huis clos. Si les personnes ainsi entendues ne font que répéter des éléments de langage préparés par leur autorité de tutelle, ou mentir, sur ordre, le pouvoir législatif n'équilibre plus le pouvoir exécutif, nous changeons de régime et quittons le système démocratique. « Dans les temps de tromperie généralisée, le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire », disait Orwell. Le Vendéen Pierre de Villiers, qui a servi la France pendant 43 ans avec honneur et fidélité, sera ému d'être passé du côté des révolutionnaires.
M. Vincent Delahaye . - J'aurais préféré débattre de la loi de règlement avant la présidentielle. Il n'est pas normal d'en parler maintenant.
M. Bruno Le Maire, ministre. - C'est vrai.
M. Vincent Delahaye. - Nous n'allons pas la voter. Les comptes ne sont pas sincères : 12,5 milliards de reports de charges de 2016 sur 2017, soit 16 % du « résultat » net, en l'occurrence un déficit supérieur à 76 milliards d'euros ! Aucune entreprise n'accepterait cela ! En les incluant, on arrive à un déficit de 3,95 %.
L'augmentation de la masse salariale dans la fonction publique en 2016 est égale à celle des quatre années précédentes... Le Sénat a eu raison de refuser l'examen de la loi de finances initiale pour 2017, il a suivi, comme à son habitude, la voie de la raison et de la sagesse. Les reports de charges sont, certes, un drôle de cadeau pour le Gouvernement. Mais, monsieur le ministre, vous étiez député jusqu'à une date récente. (M. le ministre de l'action et des comptes publics s'en défend.) Vous ne découvrez tout de même pas la situation !
L'assainissement de nos comptes publics est un impératif. François Hollande avait promis un retour à l'équilibre à la fin de son quinquennat. Or la prudence est la principale qualité exigée d'un responsable public qui présente un budget. Gardez-vous à votre tour d'un objectif trop ambitieux : huit ans valent mieux que cinq pour le retour à l'équilibre.
À propos de prudence, la prévision de croissance, de 1,5 %, est bien ambitieuse. Sur les dix dernières années, la croissance moyenne n'a été que de 0,9 % ! Je propose de prendre comme référence 0,5 % en-dessous du consensus des économistes.
Il faut, ensuite, faire de vraies économies. La baisse des dépenses publiques cela me plaît ! Mais 0 % en volume, c'est une augmentation, (M. le ministre de l'action et des comptes publics le conteste.) une fois l'inflation prise en compte. J'attends une vraie baisse, appuyée sur des réformes de structures.
Le président a annoncé 60 milliards d'euros de baisse dont 10 milliards pour les collectivités ; vous, 82 milliards, dont 13 milliards pour ces dernières. Comment allez-vous répartir ces 82 milliards ? Si l'on dit 0 % en volume pour l'État, faisons de même pour les collectivités.
M. René-Paul Savary. - Très bien !
M. Vincent Delahaye. - C'est la base même de la confiance. L'Union centriste a envie de vous la donner, cette confiance, mais le crédit n'est pas éternel. Précisez vos ambitions dès maintenant.
J'entends qu'il n'y aura plus de sous-budgétisations : c'est le premier marqueur. Mais engagez-vous aussi sur la réserve de précaution ! La vraie réserve, c'est celle que l'on peut vraiment geler : il faut en exclure par exemple les pensions. J'aime la clarté, la transparence dans les comptes publics.
Prudence, objectifs plus étalés pour mieux être tenus, une loi de finances de vérité : voilà mes exigences. Le président annonce que le budget de la Défense va augmenter : c'est donc que les autres vont baisser. Ne multiplions pas les priorités : dans ce domaine, dix égale zéro. N'en ayez pas plus de deux ou trois ! Agissez vite, fort, avec courage, discernement et honnêteté. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Philippe Dallier . - Le président avait annoncé, pendant la campagne, un audit des finances publiques. Le voici. C'est classique pour tout nouvel élu, qui cherche toujours à charger la barque de son prédécesseur...
M. Claude Raynal. - Tout est dit !
M. Philippe Dallier. - MM. Sapin et Eckert nous manquent !
M. Claude Raynal. - N'est-ce pas ? (Sourires)
M. Philippe Dallier. - Cet audit était nécessaire, car il y avait des cadavres dans le placard. Le budget, a dit la Cour des comptes, dans un rapport d'une rare sévérité, comportait des éléments d'insincérité « connus ».
En 2016, la croissance française a été médiocre, à 1,2 % du PIB, soit beaucoup plus faible qu'ailleurs en Europe. Pourquoi ce décrochage ? À cause de l'absence de réformes structurelles.
Le déficit public s'est faiblement réduit en 2016, pour atteindre 3,4 %. Certes il y a eu depuis 2012 une baisse certaine, mais surtout due à la diminution de la charge de la dette, qui aura une fin, et aux efforts des collectivités en raison ou à cause de la baisse des dotations de l'État, mais au prix de l'investissement.
Vous voulez imposer 13 milliards d'économies à ces dernières, malgré des efforts de gestion que vous avez notés, monsieur le ministre. Ainsi la progression de leur masse salariale a été contenue à 0,8 % contre 1,6 % pour l'État.
Le déficit de l'État a été ramené à 69 milliards d'euros au prix, selon la Cour des comptes, « d'accommodements critiquables » avec la comptabilité budgétaire. Plus grave, depuis 2013, le déficit réel ne s'est pas réduit. Nous préférons suivre la Cour des comptes plutôt que M. Raynal... (Sourires)
La France est, avec l'Espagne, le seul pays toujours en procédure pour déficit excessif. Le taux de prélèvements obligatoires reste plus élevé que partout ailleurs en Europe. Globalement, la fiscalité n'a pas baissé.
La dette publique approche inexorablement les 100 % de la richesse nationale, malgré l'artifice des primes d'émission.
De plus, les taux d'intérêt finissant par remonter (On le conteste sur les bancs du groupe socialiste et républicain.), le Gouvernement a bien fait de l'anticiper.
Nous figurons sur plusieurs podiums en Europe : nous avons la médaille d'or de la dépense publique, la médaille d'argent du déficit public, et nous figurons en bonne place pour notre taux de prélèvements obligatoires. Vous n'aimez pas la comparaison avec l'Allemagne...
M. Bruno Le Maire, ministre. - Moi, si !
M. Philippe Dallier. - ...mais elle est éloquente. En 2007, la dette allemande était supérieure à celle de la France... L'écart se creuse. Et son budget est excédentaire depuis 2014 !
La Cour des comptes est fondée à juger « médiocre » la situation de nos finances publiques ; je trouve le terme encore trop faible, puisqu'il vaudrait mieux dire « alarmante ». Notre refus d'examiner, après la discussion générale, la loi de finances a suscité des réactions incrédules ; huit mois plus tard, la Cour des comptes reprend nos critiques. Notre seul tort fut d'avoir eu raison trop tôt. Vous feignez de découvrir la situation. La ficelle est un peu grosse... Ministre de l'économie, jusqu'en 2016, M. Macron est bien comptable de ce bilan. Votre « découverte » des conclusions de la Cour des comptes est une mise en scène destinée à revenir sur certaines promesses de campagne.
M. Claude Raynal. - Nous sommes d'accord !
M. Philippe Dallier. - Là-dessus, oui, sur le reste, non ! (Sourires)
Le ministre ne fait pas de loi de finances rectificative pour, dit-il, éviter d'augmenter les impôts. Mais rien n'y oblige dans la LOLF ! Or 3,3 milliards d'euros d'annulations de crédits touchent la défense, mais aussi la justice, l'enseignement supérieur, ainsi que, on l'a peu dit, les collectivités territoriales : moins 209 millions d'euros pour le fonds de soutien à l'investissement local et les contrats de développement ruraux.
En 2012, François Hollande a tué la croissance en matraquant les particuliers et les entreprises. Le choc de compétitivité, vous l'avez décalé, par vos valses-hésitations sur la taxe d'habitation et sur l'ISF, notamment.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Ah non !
M. Philippe Dallier. - J'espère que vous ne le paierez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 40.
M. François Marc . - Nous avons écouté avec attention Claude Raynal, je me contenterai donc d'apporter quelques précisions complémentaires.
Nous connaissons le contexte : le cadrage, la situation budgétaire. Pour autant, nous ne pouvons pas ignorer l'accroissement des inégalités dans notre pays. Les gouvernants évoquent, à juste raison, les principes républicains de liberté et de fraternité ; une attention soutenue doit être portée à l'égalité. Selon l'Observatoire des inégalités, les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres n'ont cessé de croître. D'après l'Insee, en 2017, « la pauvreté et les inégalités ont encore progressé, même si, en 2015, des mesures fiscales (...) ont permis d'atténuer en partie ces inégalités ». Il y a vingt ans, le capitalisme perdait pied. Toutes les analyses l'ont montré, les inégalités de revenus ont été l'une des causes de cette catastrophe financière majeure. Elles ont fait le lit du populisme et ont bloqué la croissance économique en privant la classe moyenne de la possibilité d'accéder à une partie de la consommation et à une éducation de qualité.
Pas de prospérité durable sans réduction des inégalités, voilà ma conviction. Ma conviction est triple : oui, réduire le déficit budgétaire est une impérieuse nécessité ; oui, la politique budgétaire doit contribuer à la réduction des inégalités ; oui, la consolidation budgétaire doit préserver l'esprit de la décentralisation.
Le déficit public était de 50 milliards d'euros en 2007. Il a atteint 148,8 milliards d'euros en 2010, soit 7,7 % du PIB, pour être divisé par deux en 2016 et se réduire à 75 milliards. La programmation pluriannuelle des finances publiques, établie sous l'ancienne majorité, prévoyait un retour sous les 3 % du PIB en 2017. Nous n'y serons pas tout à fait. Le déficit devait passer à 2 % en 2018 et à 0,6 % à l'horizon 2020. Les intentions du Gouvernement s'accordent peu ou prou avec ces prévisions. Il convient de poursuivre dans la trajectoire annoncée.
Le président de la République l'a dit à Versailles, il n'y aura pas de développement équilibré de la France si chacun ne trouve pas sa juste place dans la société. Le début du quinquennat donne toujours le signal politique majeur. Qui ne se souvient des débuts calamiteux du quinquennat de Nicolas Sarkozy en 2007 avec la mise en place du bouclier fiscal renforcé ?
M. Éric Doligé. - Il fallait qu'il le fasse !
M. François Marc. - Il a dû effectuer un piteux retour en arrière à la fin de son quinquennat.
M. Philippe Dallier. - Et la crise de 2008, vous l'oubliez ?
M. Jean-François Husson. - Et si l'on parlait du quinquennat de François Hollande ?
M. François Marc. - Réduire l'ISF, est-ce une bonne idée ?
M. Claude Raynal. - Bonne question !
M. François Marc. - Instaurer une flat tax de 30 %, est-ce bien opportun ?
M. Serge Dassault. - Oui !
M. François Marc. - Enfin, il faut conforter la décentralisation en réservant aux collectivités territoriales des moyens suffisants et équitablement répartis. Sous le quinquennat précédent ont été engagés le chantier d'une nouvelle répartition de la DGF et celui de l'indispensable révision des valeurs locatives. Que compte faire le Gouvernement pour aboutir à une DGF plus équitable pour les communes et les intercommunalités ?
M. Philippe Dallier. - Bonne question !
M. François Marc. - La révision des valeurs locatives appliquée aux baux commerciaux sera effective à l'automne. A-t-il une véritable volonté d'en faire de même pour les locaux d'habitation ? C'est une source d'inégalité fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Serge Dassault . - Il y a deux façons de réaliser un budget : le bâtir pour l'intérêt de la France, ce qui me semble normal, ou privilégier l'État providence. Nos précédents présidents ont privilégié l'État providence, multipliant les dépenses de protection sociale sans prévoir leur financement. La France est devenue le pays européen le plus dépensier. Une hausse soudaine des taux d'intérêt rendrait impossible le remboursement de la dette et nous placerait dans la situation grecque.
En mai dernier, Bruxelles a décidé de maintenir la procédure de déficit excessif à notre encontre ; quant à la Cour des comptes, elle n'a jamais été aussi sévère. Les contrats aidés coûtent 2,5 milliards d'euros par an alors qu'ils ne servent à rien : on leur alloue encore 450 millions d'euros. La prime d'activité, 4 milliards ! Vous souhaitez la doubler, c'est une folie ! Ce n'est pas ainsi que l'on créera des emplois.
Le déficit budgétaire va se creuser. Pourtant, les recettes sont connues. On ne réduira pas le chômage sans mettre en place la flexibilité de l'emploi. L'Allemagne en a créé 2,5 millions en dix ans. Elle a réduit le coût du travail et le périmètre de l'État providence en passant d'un système par répartition à un système par capitalisation. Leur tradition de dialogue social n'y est pas pour rien, la place de l'apprentissage non plus. En France, nous subissons depuis quinze ans le maintien du collège unique. L'égalité, ce n'est pas donner la même formation à tous les jeunes qui, de toute façon, ne trouveront pas de travail avec un bachot qui ne vaut plus rien.
Les collectivités territoriales doivent cesser d'être des variables d'ajustement budgétaire. Avec des dotations en baisse, comment assumeront-elles leur mission de service public ? Comment financeront-elles l'entretien des routes et des collèges ? Dans mon département de l'Essonne, la dotation, de 151 millions d'euros en 2013, sera de 17 millions en 2021. Et je ne parle même pas de la charge du RSA...
Une proposition, enfin, à laquelle je tiens beaucoup : la flat tax. En supprimant l'impôt sur le revenu progressif et en fixant trois taux constants sur l'assiette de la CSG, que tout le monde paie, on baisserait les impôts de l'ensemble des contribuables tout en maintenant un budget constant.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Serge Dassault. - Surtout, n'oubliez pas : il n'y a en France ni un peuple de droite ni un peuple de gauche, mais un peuple de Français qui doit avoir la possibilité de s'enrichir. M. Macron ne sera jamais assez remercié d'avoir mis en place un Gouvernement d'union nationale. (Marques d'ironie sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-François Husson . - La situation budgétaire de la France est très dégradée, voire alarmante. La France, qui est l'une des deux locomotives de l'Union européenne et de la zone euro, est la seule, avec l'Espagne, à être sous le coup d'une procédure de déficit excessif. Nous sommes les champions de la dépense publique alors que nous avons un niveau de croissance plus faible que les autres pays européens.
La France, qui devrait être un exemple en Europe, a une dette plus élevée de 13 points que la moyenne européenne. Il est plus que temps de redresser nos comptes et de diminuer notre dette. Cela passe avant tout par des économies.
Lundi dernier, le président de la République a demandé aux collectivités territoriales de réaliser 13 milliards d'euros d'économies en cinq ans sur un total de 60 milliards. Initialement, l'effort demandé se chiffrait à 10 milliards, contre 25 milliards à parité entre l'État et la sécurité sociale. Le supplément demandé aux collectivités territoriales est de 30 % ? Pourquoi ne reposerait-il que sur les collectivités territoriales ?
Prendre comme référence la part dans la dépense publique, c'est oublier que la dépense des collectivités est très spécifique : leurs dépenses de fonctionnement sont souvent imposées, leurs dépenses d'investissement représentent 70 % de l'investissement public en 2017. C'est oublier que la section de fonctionnement du budget des collectivités a l'obligation d'être à l'équilibre, sans possibilité de recourir à l'emprunt. C'est oublier encore que leur budget global, contrairement à celui de l'État, est excédentaire depuis 2015, et de 3 milliards en 2016. C'est oublier que les efforts d'économies des collectivités ont déjà contribué pour moitié à la réduction du déficit public en 2015 et 2016. C'est oublier que leur part dans la dette publique est de moins de 10 %.
Un effort de 13 milliards d'euros serait encore plus important que celui qu'on leur demandait sous le précédent quinquennat. C'est le régime de la double peine. Certaines d'entre elles sont exsangues. Au lieu du rabot, on leur propose désormais le garrot. Le président de la République appelle à une logique de confiance plutôt qu'à une baisse de dotations. Il ne peut contrevenir au principe constitutionnel de libre administration des collectivités mais envisage, si l'engagement n'est pas respecté, un mécanisme de correction. Le piège se referme... L'emballage est neuf et plus joli mais le contenu reste le même.
La seule avancée est le pacte girondin : plus de pragmatisme, de flexibilité, d'expérimentation, une révision des normes avec la règle du deux pour un, l'augmentation du temps de travail dans la fonction publique territoriale et le décrochage du point d'indice par une gestion différenciée des fonctions publiques... Tout cela va dans le bon sens sans résoudre, pour autant, les difficultés que créera la suppression de la taxe d'habitation.
Cet impôt est injuste et obsolète, c'est vrai, mais alors pourquoi le maintenir ? Qu'en sera-t-il de l'autonomie financière du bloc communal, dont les ressources étaient abondées à hauteur de 36 % par la taxe d'habitation ?
Je veux bien faire le pari du dialogue confiant mais pas celui de la confiance aveugle. La logique macronienne est celle de la IIIe République, le maître d'école exigeant, depuis l'Élysée, des collectivités qu'elles lui remettent sa copie chaque année avec des punitions à la clé. Oui à la confiance dans les élus locaux dont l'engagement constitue, non une faute, mais une fierté. Non, la France n'a pas trop d'élus. Elle a besoin de toutes ses forces pour se construire un avenir meilleur. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. François Marc, en remplacement de Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Je vous lirai l'intervention préparée par Michèle André, qui ne peut malheureusement assister à nos travaux.
Mme la présidente. - Le Sénat lui adresse ses sincères condoléances pour son deuil familial.
M. François Marc. - Les travaux du Sénat ne se limitent pas aux débats en séance ; la commission des finances, son rapporteur général et ses rapporteurs spéciaux ont beaucoup travaillé sur la loi de règlement de même que la convention fiscale avec le Portugal que nous examinerons ensuite a été longuement examinée.
La Gouvernement a raison de questionner la procédure d'examen des textes budgétaires au Parlement : l'urgence est déraisonnable. Je rappelle que le Parlement, en votant la loi de finances, n'adopte pas une prévision ; il donne au Gouvernement l'autorisation de lever l'impôt et d'engager des dépenses. Les textes financiers nécessitent un examen serein et approfondi qui suppose que les ministres et leur administration répondent aux interrogations des parlementaires et leur fournissent tous les documents utiles.
Durant l'exécution 2016, ont diminué le déficit public de 0,2 point de PIB et les prélèvements obligatoires de 0,1 point de PIB. Des économies de dépenses ont été réalisées à hauteur de 0,4 point de PIB alors que des moyens nouveaux étaient dégagés pour la justice, la sécurité et l'éducation. On peut toujours vouloir plus d'économies ; elles ont, en réalité, été bien dosées pour ne pas casser la croissance.
Mme André veut alerter le Sénat sur la situation patrimoniale de l'État qui souhaitait céder 10 milliards d'euros de participation. Renoncer à un rendement annuel de 4 % pour s'épargner un remboursement dont le taux est proche de zéro, est-ce bien rationnel ?
Le Gouvernement se fixe l'objectif d'évolution des dépenses publiques le plus ambitieux qui ait jamais été, et cela alors que les précédentes cibles n'ont jamais été atteintes. Quel serait son impact sur la croissance et l'emploi qui doivent rester les objectifs prioritaires ?
M. Darmanin a dit, en commission, se refuser aux « biais de construction ». Recourra-t-il à d'autres biais ? Refuserez-vous la mobilisation de crédits extrabudgétaires pour compléter un financement, l'inscription d'autorisations d'engagement sans avoir prévu les crédits de paiement, le décalage des dates d'indexation pour gagner un peu de trésorerie ?
Plus fondamentalement, allez-vous distinguer les économies de constatation et celles résultant de vos efforts ? Expliciterez-vous le référentiel en fonction duquel vous calculerez vos économies ? À travers ces deux questions, Mme André invite le Gouvernement à tenir ses engagements sur la méthode et à ne pas avoir peur de la transparence.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales . - À voir l'hémicycle, force est de constater que nous ne faisons pas recette lorsque nous parlons de finances - ce qui est, en l'espèce, bien dommage.
Le Gouvernement a annoncé une hausse de la CSG de 22 milliards d'euros. Permettez-moi d'entreprendre une analyse bénéfice risque de ce projet, comme on le ferait pour un médicament. Le bénéfice attendu est une hausse du pouvoir d'achat des salariés par la diminution concomitante des cotisations. Les risques, eux, sont plus nombreux. La CSG porte à 70 % sur les revenus d'activité, il y a bien sûr une assiette sur les revenus du capital mais un prélèvement forfaitaire de 30 % est annoncé... Une flat tax de 7,5 %, n'est-ce pas déjà beaucoup ? Augmenter le taux de CSG, c'est risquer le mitage qu'a connu l'impôt sur le revenu dont le produit est désormais inférieur à celui de la CSG et se concentre sur les derniers déciles de rémunération.
Le débat porte désormais sur les compensations et, bientôt, à n'en pas douter aux dérogations. Que faire pour les indépendants, les fonctionnaires, les retraités ? Le Gouvernement a annoncé une suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers en guise de compensation. Le souvenir de la suppression de la demi-part des veuves laisse sceptique.
Le financement de la protection sociale est loin d'être un jardin à la française ; impôts et prélèvements se confondent. La réforme du CICE est une occasion de clarifier les choses.
La CSG, stable, est un bon prélèvement et une ressource idéale pour la protection sociale que le projet annoncé rendrait illisible. Notre préférence va à une taxation de la consommation, une assiette qui s'est toujours maintenue pendant la crise ; son prélèvement est progressif, grâce aux taux réduits de TVA et une taxation des produits importés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Bruno Le Maire, ministre . - Un mot sur la compétitivité coût et hors coût : toutes nos décisions visent à les améliorer. Tel le passage de l'impôt sur les sociétés de 33 à 25 %. De même, le projet de loi sur les PME et TPE que nous porterons en 2018 transformera nos entreprises en entreprise de taille intermédiaire capables d'aller conquérir les marchés extérieurs.
Nous ne voulons pas nous en tenir à nos acquis : l'aéronautique, le vin et le luxe. Des dizaines d'autres filières d'excellence existent en France, donnons-leur les moyens d'exporter dans de bonnes conditions.
Nous avons fait le choix de ne pas surévaluer la croissance potentielle dans la trajectoire quinquennale, contrairement à ce qui se faisait jusqu'alors. À 1,25 %, nous sommes respectueux des projections faites par les économistes.
Le prélèvement forfaitaire unique concernera les plus-values mobilières, les dividendes et les intérêts. Ce n'est pas très loin d'une flat tax, et cela conjugue efficacité et justice fiscales.
Les évaluations d'inflation seront moins fortes que prévu : 0,7 % en juin. Les rendements financiers, du fait de la politique accommodante de la BCE, restent faibles. D'où le maintien du taux de 0,75 % sur le livret A. Les épargnants ne sont pas lésés, à preuve l'encours des livrets A, sans compter que cela favorise le financement du logement social.
Nous sommes les premiers convaincus que les inégalités nuisent à la croissance. La suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, la réduction des cotisations ou encore la revalorisation de l'AAH visent précisément à réduire les inégalités ! Et nous encourageons l'emploi à domicile via le crédit d'impôt spécifique que nous maintenons... Bref, l'emploi reste notre priorité.
M. Gérald Darmanin, ministre . - On peut certes juger insuffisante la baisse des dépenses publiques mais celle que nous ambitionnons de réaliser est inédite depuis le début des années soixante-dix.
Je n'ai pas entendu de votre part beaucoup de pistes d'économies. Au contraire, on nous demande de ne pas toucher aux crédits de la Défense, de l'éducation, de la culture, des collectivités territoriales. Je reste à votre écoute... À votre bon coeur !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - On y travaille !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Les collectivités territoriales ont fait des efforts, c'est vrai ! Mais à la fin, c'est toujours le contribuable qui paie. L'État, lui, assumera cette année 50 % de l'effort. J'observe que personne ne nie que les collectivités territoriales doivent faire des efforts.
Sur les dépenses sociales, l'équilibre n'est pas un but en soi. Recherchons plutôt l'excédent.
M. Philippe Dallier. - Plus personne n'en rêve !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - On se contentera de l'équilibre.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous devons profiter du contexte favorable. Le rabot qui pèse sur la sécurité sociale mécontente tout le monde. Nous devrons trouver des solutions.
Les valeurs locatives n'ont pas été revues depuis les années 1970.
M. François Marc. - C'est en cours.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Pour les locaux professionnels seulement.
M. Gérald Darmanin, ministre. - En effet, depuis 2010. Mais l'expérimentation de révision des valeurs locatives des locaux d'habitation est loin d'être généralisée. Le Gouvernement précédent ne s'est guère empressé de l'appliquer...
Cependant, nous n'avons pas dit que nous y étions hostiles.
M. Philippe Dallier. - C'est bien de le dire !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Je l'ai déjà dit, ici même. Nous allons y travailler.
Pour autant, la révision des valeurs locatives ne saurait être l'unique réforme de la fiscalité locale. Peut-être faudrait-il imaginer un nouvel impôt local, on bien encore supprimer la taxe foncière ? La réflexion est ouverte, l'imagination est au pouvoir, a dit le président de la République. Dans les trois mois qui arrivent, nous travaillerons avec les ministres de l'intérieur et de la cohésion des territoires - et bien sûr avec le Sénat - pour rénover la fiscalité locale en la rendant plus juste, tant pour les citoyens que pour les collectivités.
Nous allons étudier les meilleures solutions pour supprimer une tranche de la taxe d'habitation, puisque cette réforme a été voulue par les électeurs. L'augmentation de la TVA proposée par François Fillon n'a pas suscité grand enthousiasme, puisque Les Républicains se sont empressés d'abandonner cette proposition pour la campagne des législatives...
M. Philippe Dallier. - Je reste convaincu que c'est une bonne solution.
M. François Marc. - Cuisine interne...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous respectons l'autonomie financière des collectivités territoriales - seule garantie par la Constitution - puisqu'il s'agira de dégrèvements et non d'exonérations.
Nous reviendrons devant vous avec des pistes très concrètes d'ici la loi de finances.
La discussion générale commune est close.
Discussion des articles
L'article liminaire est adopté de même que les articles premier à 7.
Explications de vote
M. Marc Laménie . - Les commissions des finances et des affaires sociales ont accompli un travail de fond extrêmement pédagogique sur ces sujets complexes. La loi de règlement, c'est un peu le compte de gestion de nos collectivités locales. Les dépenses sont ce qu'elles sont. Avec un déficit de 75 milliards d'euros, nous devons nous efforcer de les maîtriser. Les recettes, aussi, sont ce qu'elles sont, même si certains ont parlé d'insincérité. Bref, je suivrai la commission des finances.
Mme la présidente. - En application de l'article 59 du Règlement, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.
Voici le résultat du scrutin n°125 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 187 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 60 |
Le Sénat a adopté.