Projet de loi de finances pour 2017 (Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2017, adopté par l'Assemblée nationale.
Rappel au Règlement
M. Didier Guillaume . - Les lois de finances sont des lois fondamentales. La Constitution leur consacre des dispositions particulières, leur examen annuel est obligatoire. Je regrette de voir les rangs de la droite aussi clairsemés, car c'est l'occasion d'un débat général sur la politique menée par le Gouvernement.
Le groupe socialiste déplore le choix de la majorité sénatoriale de refuser son examen. En empêchant le débat, vous mettez en cause le droit constitutionnel d'amendement de tout parlementaire. C'est un déni de responsabilité de la part de parlementaires qui prétendent incarner l'alternance, monsieur le président Larcher. (M. Jean-Baptiste Lemoyne s'exclame) Est-ce par ce choix insensé d'escamoter le débat, d'éviter la confrontation des projets, de rendre une feuille blanche à l'Assemblée nationale que vous comptez réhabiliter la Haute Assemblée ? C'est une semaine noire pour le Sénat, qui se tire une balle dans le pied.
Le travail en commission n'a été qu'occupationnel. À quoi sert le Sénat s'il ne vote même pas le budget ? Nous ne cautionnons pas votre pièce de théâtre en trois actes. Six heures de discussion générale aujourd'hui, c'est-à-dire de bavardage, puis une séance entière demain consacrée à l'examen de la question préalable et au vote à la tribune... C'est une mascarade parlementaire à laquelle nous ne participerons pas. Nous prenons nos responsabilités.
Vous resterez dans l'Histoire, monsieur le président, comme celui qui aura bâillonné le Sénat à des fins électorales. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Mesdames et messieurs de la majorité, vous resterez dans l'Histoire comme ceux qui auront cherché à étouffer le bicamérisme pour masquer vos divisions ; vous venez allonger la trop longue liste des fossoyeurs du bicamérisme.
Nous quittons donc la salle et serons de retour jeudi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme la présidente. - Acte est donné de votre rappel au Règlement.
M. Hubert Falco. - Allez préparer votre primaire !
(Mmes et MM les membres du groupe socialiste et républicain quittent leurs travées et défilent l'un après l'autre devant le banc de la commission avant de sortir de l'hémicycle)
M. Francis Delattre. - Quelle mise en scène !
M. Daniel Laurent. - Quel cinéma !
M. Philippe Dallier. - C'est l'enterrement du quinquennat ! (Sourires)
M. Henri de Raincourt. - Maintenant, on va pouvoir travailler...
Discussion générale (Suite)
Mme Marie-France Beaufils . - Le document intitulé « chiffres clés du dernier budget de la législature » rappelle que l'impôt sur le revenu rapportait 59,5 milliards en 2012, alors que les recettes attendues pour 2017 sont de 73,4 milliards ; l'impôt sur les sociétés, 40,8 milliards en 2012, 29,4 aujourd'hui - alors que le montant de l'impôt brut dépasse les 70 milliards d'euros.
CICE et autres coups de butoir ont considérablement réduit le produit de ce dernier : 1,3 % du PIB marchand, c'est exceptionnel en Europe.
La TVA, elle, est devenue la recette la plus importante du budget de l'État, avec 16 milliards d'euros de plus en 2017 par rapport à 2012, dont l'essentiel est prélevé sur les consommateurs salariés, demandeurs d'emploi, familles et retraités modestes. Preuve que toute la population participe à l'effort, les ménages modestes et moyens payent sans cesse plus d'impôts.
Ce projet de loi de finances propose un allègement d'un milliard d'euros pour cinq millions de ménages, mais la suppression de la majoration exceptionnelle sur les sociétés dépassant 250 millions d'euros de chiffre d'affaires coûtera, elle, 2,6 milliards d'euros...
La charge fiscale des ménages est passée de 14,5 % à 16 % de PIB entre 2014 et 2016. S'y ajoute la fiscalité indirecte - TVA, Contribution au service public de l'électricité (CSPE) - dont le poids a augmenté de plus de 6 % entre 2011 et 2015.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : la hausse apparente de l'imposition des entreprises est largement due à l'accentuation de la lutte contre la fraude fiscale, renforcée notamment à la suite des travaux d'Éric Bocquet ; il faut s'en féliciter et poursuivre le mouvement.
Faute d'une réforme fiscale lisible, nous assistons à une campagne contre l'impôt. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne prévoit-elle pas pourtant une contribution équitablement répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ? Le quinquennat qui s'achève n'a pas fait progresser le principe de proportionnalité... Le prélèvement à la source, loin d'être facteur de justice fiscale, risque de rendre l'imposition encore moins lisible.
Le rapporteur général, lui, s'en tient presque exclusivement à la dénonciation d'une « dépense publique insuffisamment maîtrisée ». Bref, il faudrait encore moins de services publics...
Le code général des impôts est l'arbre du principe qui cache la forêt des exceptions. Notre impôt sur les sociétés est miné de tant de dérogations qu'il n'a plus ni sens ni efficacité. Il faudrait pouvoir tenir compte des choix de l'entreprise en matière d'emploi et d'investissement.
S'agissant de l'impôt sur les revenus, les régimes de faveur pour l'investissement spéculatif ont certes été corrigés, mais les gouvernements Villepin, Fillon, Ayrault et Valls ont fait régresser sa progressivité. Les revenus excédant 9 millions d'euros par an ne supportent qu'un taux de prélèvement inférieur à 20 %...
Quant à la réforme fiscale, elle ne peut passer par la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), imposée fugitivement en 1986. La solution ne passe pas non plus par la hausse de la TVA jusqu'à 25 % pour compenser la baisse de cotisations patronales.
Ces recettes, essayées par tous les gouvernements depuis 1986, n'ont réussi qu'à faire progresser le nombre de personnes privées d'emploi de 2,5 à 5,7 millions.
Le prélèvement à la source, lui, n'a rien à voir avec la justice fiscale. C'est une source de complexité. Le texte de l'Assemblée nationale ne règle aucunement la question de la confidentialité.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. - On est d'accord !
Mme Marie-France Beaufils. - Comment feront les travailleurs précaires, dont les revenus fluctuent ? Ils devront réclamer sans cesse le remboursement de prélèvements indus. C'est en outre ouvrir la voie à la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, et au démantèlement de l'administration fiscale.
Une vraie réforme fiscale passe par la baisse de la TVA, un impôt sur les sociétés plus équitable, la suppression des incitations aux placements spéculatifs, un barème de l'impôt sur le revenu plus progressif, un recul de la fiscalité indirecte.
Nous aurions voté contre ce budget d'austérité, validé au préalable par Bruxelles, et rejetons catégoriquement la dérive ultralibérale proposée par la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)