Conseillers départementaux (Deuxième lecture - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral, et du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux.

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

Article 2 (Suite)

M. Jean-Claude Lenoir .  - (« Ah ! » à gauche) Un système électoral repose sur deux principes, l'équité et l'efficacité. Depuis quelques années, on y a ajouté la parité. La révision de la Constitution voulue par Jacques Chirac disait qu'il fallait non un partage strict des responsabilités politiques mais l'égalité des chances entre hommes et femmes dans l'accès au mandat.

Pour moi, équité se conjugue avec proximité ; avec le système que vous proposez, celle-ci ne sera pas au rendez-vous. Le nombre de cantons sera divisé par trois en zone rurale. Un de nos collègues socialistes disait que son département comptait trente six cantons et en aurait compté vingt-cinq avec le conseiller territorial.

M. Claude Bérit-Débat.  - Non, quinze.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Avec ce texte, il en comptera dix-huit... Les gros cantons ruraux que vous allez fabriquer rompront avec le principe de la proximité. Le monde rural pèse aujourd'hui plus lourd que le monde urbain ; mais après tout, cela contrebalance d'autres forces... Quoi que vous en disiez, le système actuel lui était plus favorable.

L'efficacité, maintenant. Je veux fustiger (exclamations à gauche) le système que vous inventez.

Le conseiller territorial a été vilipendé, défiguré, lors de campagnes d'ailleurs assez fructueuses... Mais il semble avoir repris quelques couleurs dans cette assemblée, cet après-midi. (Marques de dénégation sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat.  - Au contraire !

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'était « moins pire »...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Avez-vous entendu beaucoup de personnes dire que le scrutin binominal était la bonne solution pour représenter le monde rural ? Je n'ai entendu que des quolibets. Vous de même, je suppose, dans les cellules que vous fréquentez...

Mme Éliane Assassi.  - Les cellules, c'est au parti communiste, et elles ont disparu !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Votre système est rocambolesque, grandguignolesque ; il frise le ridicule ! (Applaudissements à droite ; exclamations sur les bancs socialistes)

M. Michel Boutant .  - Je regrette l'absence de M. Doligé car je voulais revenir sur son intervention. J'étais présent à la réunion du 6 février dernier de l'Association des départements de France et notre collègue a voulu faire croire que les propos tenus alors l'avaient été sur ce projet de loi. Or nous discutions du premier document de travail, que nous découvrions, de la ministre de la décentralisation, texte qui appelait en effet un certain nombre de remarques.

Un mot sur le binôme. Nous sommes un certain nombre ici à être élus en binôme dans les départements et je n'ai pas noté de divergences profondes entre les sénateurs représentant ces départements. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Domeizel .  - Tout est question de présentation, ai-je appris depuis longtemps... Il y a ici six à huit sénateurs élus en binôme sur les mêmes listes, un homme et une femme.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ça n'a rien à voir !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Un binôme, c'est deux !

M. Claude Domeizel.  - Il en est de même pour les élections municipales à la proportionnelle lorsqu'une liste n'a que deux élus. Ce n'est pas aussi abominable qu'on veut bien le dire.

Peut-être aurait-il fallu, monsieur le ministre, ne pas parler de binômes mais de scrutin de liste à quatre candidats où seraient élus les deux premiers de liste arrivés en tête...

M. Gérard Roche .  - A cette allure, on n'est pas prêt de voir de la fumée blanche au-dessus du Sénat. (Sourires)

Les départements sont une collectivité particulière ; dans le monde rural, c'est la collectivité de proximité par excellence. Ce qui justifie que son mode d'élection fasse l'objet d'une réflexion approfondie. Depuis longtemps, nous sommes confrontés à deux tendances : il y a les partisans de la proportionnelle intégrale et ceux de l'élection territoriale. Personne n'a le monopole de la ruralité.

Mme Frédérique Espagnac.  - Vous non plus !

M. Gérard Roche.  - Il faut harmoniser les populations dans les circonscriptions, régler le problème de la parité et répartir les compétences entre les départements et les régions.

Avec le conseiller territorial, on réglait la question des compétences et de la proximité, mais pas la parité ; avec votre système, on règle la parité et la dimension des circonscriptions, mais pas la question des compétences... Nous sommes donc face à un blocage, la proportionnelle étant défendue par peu d'entre nous.

Je serais prêt à m'abstenir sur cet article, à condition que le tunnel soit fixé à 30 %, que le deuxième tour ne soit accessible qu'à partir de 12,5 % des suffrages et qu'on en reste au seuil de 1 000 habitants pour l'application du scrutin de liste.

M. Gérard Bailly .  - Nos concitoyens identifient mal leurs élus et connaissent mal les compétences des différentes collectivités. Ce sera certainement encore plus difficile si nous avons, sur le même territoire, deux conseillers départementaux plus deux suppléants...

Quand il y a un problème sur une route départementale ou dans un collège, quand il y a un problème de transport scolaire, un problème social, on appelle le conseiller général. Demain, nos compétences seront-elles bien identifiées ? Je n'en suis pas sûr.

En outre, les cantons seront plus étendus, d'où une moindre proximité avec les élus. Les élus départementaux ne risquent-ils pas de délaisser davantage les petites communes ?

Je défends les conseillers territoriaux : nous aurions eu vingt-sept conseillers territoriaux au lieu de neuf dans mon département du Jura. Je suis conseiller général et conseiller régional, combien ai-je vu de dossiers traités en double ? (Marques d'impatience sur les bancs socialistes)

Le tunnel des 20 % est trop resserré ; avec 30 %, un accord serait possible, même si le binôme n'est pas une bonne chose. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Je sens comme une peur de la nouveauté, du changement finalement. (Exclamations à droite)

Il y aura plusieurs élus sur le même territoire ? Quelle affaire ! Il y en a dans les régions, les communes, au Sénat, à l'Assemblée nationale ! Je salue mes collègues qui défendent la proportionnelle, leur position est claire et simple. En revanche, ceux qui veulent un ancrage local et en même temps entendent respecter la Constitution qui impose la parité...

M. Bruno Sido.  - Qui impose qu'elle soit favorisée !

M. André Reichardt.  - Ce n'est pas la même chose !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - ...ceux-là, que proposent-ils ? Rien. On a imaginé des pénalités financières, mais ça ne marche pas ! Alors quoi d'autre ?

Dans un quotidien régional, j'ai lu un article dans lequel un personnage important disait que cette réforme marquait la mort des départements. Mais croyez-vous que le fait qu'il y ait autant de femmes que d'hommes dans les conseils départementaux, ce soit la mort des départements ? Mais dans ce cas, les villes de plus de 3 500 habitants sont mortes, les régions aussi ! Avez-vous donc quelque chose à proposer ?

M. Rémy Pointereau.  - Oui !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - M. Collombat propose une proportionnelle infra-départementale, c'est cohérent ; ailleurs je ne vois guère de cohérence. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je ne suis conseiller régional que depuis trente-trois ans et j'ai vu l'évolution de la démographie. Le redécoupage des cantons était nécessaire. Mais avec celui qu'on nous propose, on aura des arrondissements de 130 communes, presque autant que dans une circonscription législative. Un député et un conseiller général, ce n'est pas la même chose !

Avec le binôme, il y a un problème juridique. Si un membre du binôme décède et qu'il n'a pas de remplaçant, comment fait-on pour maintenir la parité dès lors qu'on ne pourra organiser d'élection ? Le siège restera vacant cinq ans si le décès a lieu en début de mandat. (Exclamations et marques de dénégation sur les bancs socialistes) On n'a jamais vu ça !

Le binôme sera voté, c'est évident, mais nous devons réaffirmer notre opposition à cette bizarrerie juridique, surtout quand l'acte III de la décentralisation va modifier les compétences des départements.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°147, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.

M. Hervé Maurey.  - Beaucoup a été dit sur le mode de scrutin binominal, ubuesque et néfaste. Ubuesque parce que, pour reprendre une expression triviale, on n'a jamais vu deux crocodiles dans le même marigot...

Mme Éliane Assassi.  - Merci pour l'image !

M. Hervé Maurey.  - Néfaste parce qu'avec le redécoupage, il portera un mauvais coup à la ruralité.

Ce système est critiqué, et pas seulement par la droite. Je rencontre des hommes et des femmes qui sont interpellés, le mot est mesuré, par ce mode de scrutin bizarre. M. Krattinger a dit qu'il y avait sans doute une inquiétude au sujet du redécoupage. Certes, les cantons ont besoin d'être redécoupés mais là, on nous propose de refaire toute la carte cantonale en divisant leur nombre par deux. On va supprimer de nombreux chefs lieux de canton, avec des conséquences financières à la clé. Enfin, le canton ne devra plus respecter les limites des circonscriptions, et il n'est même plus envisagé qu'ils correspondent à des bassins de vie ou à des intercommunalités. D'où l'inquiétude légitime des élus. C'est la porte ouverte à tout -au fait du prince.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°205 rectifié, présenté par MM. Collombat, Barbier, C. Bourquin, Plancade et Tropeano.

M. Pierre-Yves Collombat.  - M. Mézard et moi-même avons été suffisamment explicites. L'amendement est défendu.

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - Le contexte est tout à fait particulier. A Rome, les cardinaux se sont réunis pour choisir un pape.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est fait ! Il est argentin !

M. André Reichardt.  - Ce n'est pas un binôme !

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - Chose extraordinaire, ils ont réussi. A Paris, les sénateurs échouent à faire progresser ce texte. Je n'en tire aucune leçon mais je constate...

Nous voulons donner un nouveau souffle au conseil départemental, nous sommes tous d'accord pour avancer dans le sens de la parité. Reconnaissons que celle-ci n'a guère progressé dans l'histoire des départements...

Mme Éliane Assassi.  - C'est vrai.

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - Quand on cherche un nouveau mode scrutin qui réponde à ces exigences, on n'a pas beaucoup de choix : la proportionnelle ou la solution prônée par le Gouvernement. Sur ces trois amendements, ma position est délicate : à titre personnel, partisan de la proposition gouvernementale, j'y suis défavorable ; au nom de la commission, je dois leur donner un avis favorable. Disant cela, je retrouve le chemin de Rome. (Sourires) J'en arrête là pour ne pas céder davantage à la coupable tentation du sacrifice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Reichardt.  - Monseigneur Delebarre ! (Sourires)

M. Manuel Valls, ministre.  - Ministre des cultes, mon devoir est de le dire : nous arrivons à un moment de vérité. Le conseiller territorial a été supprimé (« Hélas ! » à droite), il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale ni au Sénat pour son maintien. Il n'y a pas non plus de majorité pour la proportionnelle dans les départements, quel que soit la solution retenue, départementale ou fondée sur les intercommunalités -ce serait d'ailleurs dévoyer celles-ci...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ah bon ?

M. Manuel Valls, ministre.  - Certains disent connaître le terrain mais ici, quel que soit sa couleur politique, personne n'a à donner de leçon sur la capacité des autres à représenter les territoires. Comme, de toute façon, il faut redécouper, il faudra le faire avec le sens de la mesure, de l'équité et de l'intérêt général, dans le respect des règles constitutionnelles.

Sans majorité, ni pour le conseiller territorial ni pour la proportionnelle, et si la parité s'impose, le système binominal s'impose. Quand il entrera dans les moeurs, il faudra l'expliquer, bien sûr. Le scrutin binominal permet la proximité et la parité. J'entends dire qu'on ne peut imposer la parité ; mais dans les scrutins de liste, elle s'impose... Vous avez vu le résultat avec le système des suppléants : en 2011, la parité a régressé ! Qui peut croire qu'elle progressera avec le système actuel ? Qu'il y aurait d'un coup un changement ?

Il faut que les choses soient claires. Le vote qui va suivre est important pour la suite de nos débats et ceux de l'Assemblée nationale. En rejetant cet article, chacun prendra ses responsabilités. Je sais qu'il y a des postures politiques, mais il serait dommage que le Sénat ne porte pas cette réforme, ce scrutin sera une véritable révolution de la représentation des territoires et de la parité.

Je resterai ouvert pendant le débat sur deux éléments : la possibilité d'aller vers 30 % pour le tunnel et le seuil de qualification pour le deuxième tour.

M. André Reichardt.  - C'était important.

M. Manuel Valls, ministre.  - Si ce sont des points qui permettent un accord, le Gouvernement ne s'y opposera pas. Dans beaucoup de départements, les travaux du Sénat comme de l'Assemblée nationale l'ont montré, les 30 % autoriseront une représentation plus juste et plus équilibrée des territoires.

Non, ce texte ne remet pas en cause la représentation des territoires ruraux ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) Je vous invite à réfléchir. Le Sénat s'apprête à rejeter un article alors que le Gouvernement est prêt à renforcer les liens entre les élus et les citoyens. Les deux élus feront campagne ensemble, ils seront élus ensemble, ils seront capables de défendre ensemble les intérêts de leur territoire, qui seront d'ailleurs mieux défendus par un homme et une femme. Ce sera ça, le changement ! Et le Sénat s'apprêterait à le refuser ? Il a l'occasion d'être profondément moderne ! Travaillons ensemble à cette modernité.

Pour le redécoupage, le Conseil d'État sera saisi pour chaque département et chaque conseil général donnera son avis.

M. Didier Guillaume.  - C'est nouveau !

M. Manuel Valls, ministre.  - Je respecterai ces avis. Mais ne comparons pas avec les législatives, le dernier découpage n'a pas donné satisfaction à tout le monde...

Jusqu'à la CMP, le Gouvernement sera à l'écoute. Il serait regrettable que le Sénat ne porte pas lui-même ce texte alors qu'il représente les collectivités territoriales. Je dis enfin à la majorité qu'elle peut se retrouver, au-delà de ses différences, autour de la représentation des territoires et de la parité. Que chacun prenne ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Miquel.  - Nous sommes habitués ici aux postures politiques mais je veux rappeler les déclarations d'un certain nombre de nos collègues de droite. Le 10 juillet 2012, devant le bureau de l'ADF, M. Doligé s'est déclaré favorable au binôme à condition que le redécoupage cantonal ne défavorise pas le monde rural ; M. Sido disait, le même jour, « le temps est compté pour se positionner ».

Qu'avez-vous fait de vos collègues femmes, messieurs de l'UMP ? Peut-être ont-elles fui l'hémicycle pour éviter d'entendre des propos à connotation machiste sur la parité ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

On nous a démontré que le mode de scrutin binomal ne mettra pas à mal la représentation des collectivités rurales.

M. Alain Fouché.  - Mais si !

M. Gérard Miquel.  - Le Sénat s'honorerait à continuer à débattre. Si vous voulez les 30 %, vous ne devez pas voter la suppression !

M. Rémy Pointereau.  - Avec quelles garanties ?

M. Gérard Miquel.  - Celles que M. le ministre vous a données !

M. Rémy Pointereau.  - L'intérêt des collectivités territoriales, ce n'est pas du marchandage !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne peux accepter sans rien dire les propos de M. le ministre. J'ai combattu pied à pied le conseiller territorial, c'était une calamité. J'ai pris mes responsabilités, je les prendrai encore : le mode de scrutin qu'on nous propose n'est pas bon. S'il n'y avait pas d'autre choix, je l'aurais accepté, mais ce n'est pas le cas. Quand vous dites, monsieur le ministre, que l'on dévoierait l'intercommunalité en la prenant comme circonscription, de qui se moque-t-on ? Dévoie-t-on la commune avec les délégués qui élisent les sénateurs ? On aurait pu partir des intercommunalités, ce qui aurait permis de les articuler avec le département. Je suis persuadé qu'on y viendra. On avait l'occasion de donner un contenu concret aux circonscriptions, à taille humaine, avec, sur ces bases, la proportionnelle qui règle le problème de la parité. Mais on ne le fait pas parce que la décision est déjà prise. Je ne suis pas là pour négocier 20 % ou 30 %. Je prends mes responsabilités et on verra la suite.

M. Marc Laménie.  - Je soutiendrai les amendements de suppression de l'article 2 pour une raison : je ne suis pas convaincu, je dirais, par le binôme. Nous avons actuellement un système de suppléants, des cantons à taille humaine. En 1998, j'ai été élu d'un canton des Ardennes, le plus petit de tous, 2 000 habitants ; on me disait déjà qu'il était voué à la disparition... Pourtant, nous avons notre rôle à jouer, nous faisons vivre la ruralité. Dans mon arrondissement, il restera peut-être deux cantons de plus de 60 communes chacun... Je suis sceptique sur la gouvernance, comme on dit, du binôme.

M. Jean-René Lecerf.  - Le travail en séance publique m'apparaît toujours caricatural par rapport à la discussion en commission. Monsieur Miquel, sur la parité, il n'y a pas les bons d'un côté et de l'autre les méchants : mon amendement qui prévoyait la parité entre les fonctions de président et de premier vice-président avait été rejeté en première lecture, la commission l'a accepté en deuxième. Notre vision de la parité est qualitative, elle n'est pas seulement mathématique.

Comme les collègues de l'UMP, je suis hostile au binôme. Si le binôme voit le jour, j'irai expliquer dans mon département pourquoi j'y étais opposé -comme les membres de la majorité actuelle l'auraient fait si l'élection présidentielle avait eu un autre résultat et si le conseiller territorial avait prospéré. Pourtant, je ne voterai pas les amendements de suppression. Nous avons tous défendu la proximité et la ruralité. L'élargissement du tunnel à 30 % est une avancée notable, le retour au seuil de 12,5 % évitera de placer le Front national en arbitre au gré de ses caprices. De la souplesse doit être introduite dans le fléchage des conseillers communautaires...

A quoi serviront le travail partenarial de la commission des lois, les innombrables avancées qu'il a permis, notamment sur les modalités du découpage électoral, si l'article 2 est rejeté ? Si le Sénat se trouve dans l'incapacité d'affronter la CMP dans un rapport de force égalitaire ?

Je veux, enfin, défendre l'institution sénatoriale.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-René Lecerf.  - Le Sénat peut-il se laver les mains de ce texte qui touche aux collectivités territoriales et laisser tout pouvoir à l'Assemblée nationale ? Que deviendrait le bicamérisme ?

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - Tout à fait !

M. Jean-René Lecerf.  - Il n'y a pas de plan B. Alors, même si je partage au mot près les arguments de M. Hyest, je suis convaincu qu'il faut repousser les amendements de suppression.

Mme Éliane Assassi.  - Cela n'étonnera personne, nous ne voterons pas les amendements de suppression. Nous ne voulons pas faire le deuil d'un débat sur l'article 2 ni des réponses du ministre sur nos amendements. On ne peut pas faire grief aux élus communistes de ne pas porter haut la défense de la parité. Nous sommes pour la proportionnelle intégrale, mais nous pouvons entendre que la France n'est pas mûre... Nous avons d'ailleurs déposé un amendement de repli proposant un scrutin mixte.

Nous nous déterminerons en toute responsabilité sur l'article 2. Beaucoup d'élus s'interrogent. Que le Gouvernement entende tous ceux qui composent sa majorité !

M. Bruno Sido.  - Sans dramatiser la situation, l'heure est grave. M. Sueur exagère, nous avons fait des propositions.

Si le redécoupage des cantons est nécessaire, c'est grâce au conseiller territorial. C'est une obligation pour rétablir l'égalité devant le suffrage. Finalement, nous sommes responsables, et nous l'assumons, de ce redécoupage. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant et partout ? En Haute-Marne, il a été fait il y a une vingtaine d'années, pourquoi pas ailleurs ? Nous ne devrions pas être fiers d'une telle inertie.

La parité est incontestablement une belle idée. Comment réagirions-nous aujourd'hui si le général de Gaulle venait devant le Sénat défendre le vote des femmes ?

M. Manuel Valls, ministre.  - Le général de Gaulle ne serait pas venu au Sénat...

M. Bruno Sido.  - La parité va dans le sens de l'histoire ; ne pas la soutenir est ringard. Le scrutin binominal est peut-être un mal nécessaire pour en venir à la parité. Pour l'atténuer, ce mal, je propose un amendement qui établit des sections.

Rejeter cet article 2 serait rééditer l'échec de la première lecture : huit jours de discours et de débats pour rien, ou presque. Personnellement, je ne prendrai pas part au vote. Le ministre, s'il a le goût des discours électrisants, ce qui est le défaut de ses qualités, a fait des propositions intéressantes qui prospèreront à l'Assemblée nationale. Je lui fais confiance et ma confiance serait plus grande s'il réitérait ses engagements... (Sourires)

M. André Reichardt.  - Je réaffirme ma position de première lecture. Le nouveau mode de scrutin aboutit à une sous-représentation des territoires, notamment ruraux. Il faut que les électeurs sachent à quoi ils participent. Le portage de projet va être fragilisé.

La parité, brandie en étendard, masque des réalités moins aimables : un redécoupage à votre guise dans l'espoir de triompher aux élections. Vous allez porter atteinte à l'équilibre de la République (Exclamations à gauche) Difficulté à porter les projets, éloignement des citoyens, risque de triangulaires, voire de quadrangulaires : ce mode de scrutin baroque, bon pour la parité, sera au détriment du pluralisme en favorisant le bipartisme car là où il y avait deux élus de sensibilités différentes, il y en aura deux du même parti.

Pour la défense des collectivités territoriales, votons non !

M. Dominique de Legge.  - Pour passer un accord, il faut des conditions... En vous entendant, monsieur le ministre, j'ai eu l'impression que vous posiez comme préalable au compromis l'adoption de l'article 2. Pourquoi ne pas avoir demandé la réserve ? Parce que je n'ai pas confiance sur le sort de ce texte à l'Assemblée nationale, je voterai les amendements de suppression.

M. Philippe Adnot.  - Si nous votons les amendements de suppression, la discussion s'arrêtera et les députés feront ce qu'ils voudront.

Vois ne faites pas confiance au ministre ? Vous avez peut-être raison mais le pire serait de voter ces amendements de suppression ; en y renonçant, vous permettrez d'en faire adopter d'autres et de soumettre un texte aux députés. L'attitude de M. Sido, dont on sait la fidélité envers l'UMP, est courageuse.

La défense du milieu rural, ce n'est pas s'enfoncer la tête dans le sable en se figeant dans des attitudes politiciennes ; c'est l'adoption du plus 30 % et moins 30 %.

Dans mon département, où les cantons, comptent en moyenne 9 000 habitants, cela fera toute la différence. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je m'exprimerai en tant que président de la commission des lois. Nous avions bien travaillé en commission : deux réunions et 117 amendements adoptés émanant de tous les groupes. Il est des moments, dans les débats, où des convergences sont possibles. Pardon à M. Sido si j'ai tenu des propos maladroits à son encontre. Au fond, le sens du vote qui va intervenir est le suivant : veut-on accorder du crédit au travail de la commission et au Sénat qui représente les collectivités territoriales. ?

M. Manuel Valls, ministre.  - Monsieur de Legge, ne mettez pas en cause ma bonne foi. Lors de la première lecture, j'avais dit au Sénat qu'il se ferait mieux entendre à l'Assemblée nationale s'il votait le texte. Je dis ce soir la même chose. Ce n'est pas faire du chantage, c'est la réalité de la procédure parlementaire. Cela ne changera rien aux engagements que j'ai pris : le passage du tunnel de 20 à 30 %, le seuil de 12,5 % des inscrits pour être au second tour et le seuil de 1 000 habitants pour la proportionnelle. Reste que ces engagements sont tous trois liés au binôme, qu'il faut voter, et je n'oublie pas les propositions de Mme Assassi.

A la demande du groupe UMP, les amendements identiques nos21 rectifié, 147 et 205 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 161
Contre 167

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Amendement n°275, présenté par M. Sido.

I. - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 191. - Il est créé dans chaque canton deux sections. 

II. - En conséquence, alinéa 2

Supprimer la référence :

Art. L. 191. -

M. Bruno Sido.  - Deux sections par canton donneront au conseiller départemental une assise territoriale . L'adoption de cet amendement amortirait le choc culturel du scrutin binominal.

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - Je comprends le souci de M. Sido mais la commission ne le partage pas car elle veut laisser au binôme la liberté de s'organiser. L'avis est défavorable.

M. Manuel Valls, ministre.  - Le projet de loi prévoit la solidarité devant le suffrage au sein du binôme, ce qui interdit la création de sections. Donc, rejet.

L'amendement n°275 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°178 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. de Montesquiou, Guerriau, J.L. Dupont, Tandonnet, Marseille, Capo-Canellas et Merceron.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191.  - Les électeurs de chaque canton élisent un conseiller départemental au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. »

M. Hervé Maurey.  - Cet amendement maintient le mode de scrutin actuel des conseillers généraux : le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Il était assorti d'un renforcement des pénalités financières en cas de non-respect de la parité. M. Sueur le jugeant inefficace, la logique voudrait qu'il propose la suppression de cette disposition pour les élections législatives...

Mme la présidente.  - Amendement n°72, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191.  - Les conseillers départementaux sont élus à la proportionnelle intégrale sur une seule circonscription électorale, à partir de listes de candidats comportant autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir et composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Cet article 2 avait été rejeté en première lecture. L'exigence impérieuse de la parité ne doit pas être satisfaite au détriment du pluralisme ; parité et pluralisme forment un seul et même binôme républicain. Il ne s'agit nullement d'élire je ne sais quel apparatchik...

Mme Nathalie Goulet.  - C'est déjà fait !

M. Michel Le Scouarnec.  - C'est pourquoi nous proposons la proportionnelle. Trop d'abstentions ont été constatées ces dernières années ; la division par deux du nombre de cantons éloignera l'élu de l'électeur, de toute façon.

Mme la présidente.  - Amendement n°115, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191.  - Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. »

Mme Hélène Lipietz.  - Je propose le scrutin de liste proportionnelle, paritaire avec une prime majoritaire de 25 %. Le conseiller départemental sera un élu de terrain, il pourra se déplacer dans tout le département.

Mme la présidente.  - Amendement n°60 rectifié bis, présenté par MM. Savin, Milon et de Montgolfier.

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par douze alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 191. - Le nombre de conseillers départementaux est égal, pour chaque département, aux deux tiers du nombre de conseillers généraux existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair.

« Le nombre de conseillers départementaux dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à quinze.

« Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

« Le département se divise en autant de circonscriptions électorales qu'il y a d'arrondissements. Le nombre de sièges par arrondissement départemental est réparti en fonction des deux tiers du nombre de conseillers généraux existant au 1er janvier 2013 dans cet arrondissement.

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du neuvième alinéa.

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour.

« Pour se présenter pour le second tour, il faut avoir obtenu 10 % des suffrages exprimés au premier tour.

« Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du neuvième alinéa.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur la liste.

« Lorsque le département est composé d'un seul arrondissement, les sièges sont attribués dans le ressort de la circonscription départementale selon les mêmes règles. »

M. Michel Savin.  - Je suis minoritaire dans mon groupe puisque cet amendement intègre la représentation à la proportionnelle dans l'élection des conseillers départementaux tout en maintenant la parité et une représentation territoriale du département par arrondissement.

Concernant le redécoupage, ma proposition maintiendra certains cantons. Enfin, et ce n'est pas démagogique, elle réduira d'un tiers le nombre d'élus.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Amendement n°106, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 191.  - Les conseillers départementaux sont élus dans chaque département au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Chaque liste est constituée de quatre sections. »

Mme Hélène Lipietz.  - La proportionnelle ne produit pas des élus « hors sol ».

Mercredi 13 mars 2013

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Sommaire

Missions communes d'information (Candidatures)1

Conseillers départementaux (Deuxième lecture)1

Discussion générale commune1

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur1

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois3

M. Jean-Jacques Hyest4

Mme Éliane Assassi4

M. Jean-Léonce Dupont4

M. Jacques Mézard4

Mme Hélène Lipietz4

M. Philippe Adnot4

M. Philippe Kaltenbach4

SÉANCE

du mercredi 13 mars 2013

69e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Jean-François Humbert.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.