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Table des matières
Organisme extraparlementaire (Candidature)
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants
M. Kader Arif, ministre délégué
Organismes extraparlementaires (Nomination et candidature)
Dépense publique (Questions cribles thématiques)
Hommage à une délégation cambodgienne
Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)
Discussion des articles (Suite)
Mise au point au sujet d'un vote
Droit au séjour (Procédure accélérée)
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois
SÉANCE
du jeudi 8 novembre 2012
17e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Charles Guené,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jean-François Humbert.
La séance est ouverte à 9 h 45.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Organisme extraparlementaire (Candidature)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du comité de préfiguration des modalités d'instauration du profil biologique des sportifs.
La commission de la culture propose la candidature de M. Jean-Jacques Lozach pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire. Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Dépôt de rapports
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'évaluation du coût réel des dépenses supplémentaires engendrées par la retraite à raison de sa pénibilité, établi en application de l'article 81 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, ainsi que le rapport sur la situation du logement en France en 2011, établi en application de l'article L. 101-1 du code de la construction et de l'habitation. Le premier a été transmis à la commission des affaires sociales, le second à la commission des affaires économiques.
Rappel au Règlement
M. François-Noël Buffet . - Je veux redire, en ce début de séance, notre regret, pour ne pas dire notre agacement : le Gouvernement a décidé de modifier unilatéralement l'organisation de nos travaux en inscrivant une proposition de loi, dont la discussion a déjà commencé lors d'une niche du groupe socialiste, à l'ordre du jour d'une semaine réservée au Gouvernement. Quelle mémoire ! Il y a peu...
M. Bernard Piras. - Je vous citerai des précédents !
M. François-Noël Buffet. - ...MM. Rebsamen et Carrère s'émouvaient de ce genre de pratique dont ils doutaient de la conformité à l'esprit de nos institutions. Mais il est vrai, comme le dit une publicité à la télévision sur les lunettes, « c'était avant ! » (Protestations à gauche)
De surcroît cette inscription à l'ordre du jour a été décidée à la veille d'un long week-end et nous n'en avons été d'abord informés que par mail.
Je vous demande, monsieur le président, de saisir le président du Sénat pour que cesse ce patinage dans notre assemblée qui devait « prendre un chemin original et inhabituel », comme l'avait annoncé Jean-Pierre Bel ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Journée du 19 mars (Suite)
M. le président. - L'ordre appelle la suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Discussion générale (Suite)
M. Jean-Claude Carle . - Dix ans après l'adoption de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale, la gauche sort des limbes parlementaires ce texte. C'est inopportun, voire malsain (exclamations à gauche), comme si la France, cinquante ans après la guerre d'Algérie, n'avait pas reconnu les faits.
M. Jean-Marc Todeschini. - A qui la faute ?
M. Jean-Claude Carle. - Comme si la France n'avait pas déjà une journée pour les combattants d'Algérie : le 5 décembre. (M. Guy Fischer proteste)
N'est-ce pas le résultat de petits calculs politiques pour complaire à certaines associations ou à certains cercles intellectuels moralisateurs qui récrivent l'histoire en se souvenant des uns pour mieux oublier les autres ? Est-ce une façon de donner des gages à une partie de la majorité pour s'assurer son vote sur d'autres textes ? N'est-ce pas enfin une manière de donner des gages à certains interlocuteurs à des fins étrangères à ce débat en faisant de la repentance un outil de notre diplomatie ? Ce serait une marque de faiblesse. Monsieur le ministre délégué, le 25 octobre vous aviez déclaré qu'il n'y aurait de votre part « ni ingérence ni interférence ». Est-ce encore vrai ? Nous n'avons pas à jouer les porteurs de valise de l'histoire. (Vives protestations à gauche)
M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires sociales. - S'il vous plaît !
M. Jean-Claude Carle. - Le 11 novembre est la journée où l'on rend hommage à tous les morts pour la France. Le 19 mars 1962 est, pour bon nombre d'anciens combattants, de rapatriés et de harkis, le symbole d'une défaite et d'un abandon. En 2002, M. Jospin avait refusé d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat.
M. Alain Néri, rapporteur. - C'est faux !
M. Jean-Claude Carle. - Le président Mitterrand jugeait que le 19 mars ne pouvait être retenu, sauf à créer une confusion dans la mémoire de la population. Cette date du 19 mars correspond à celle des accords d'Évian, non à celle de la fin de la guerre. Comment retenir cette date quand la République algérienne émet un timbre le 19 mars pour célébrer la « fête de la victoire » ? Comment la retenir quand M. Bouteflika, en visite en France, qualifie les harkis de « collabos » sans que le gouvernement Jospin, alors, ne s'en émeuve ?
M. Hollande, à propos de la répression des Algériens le 17 octobre 1961, rend hommage aux victimes sans un mot pour les policiers tués ou blessés par le FLN ni pour les Algériens qui en sont victimes ? (Protestations à gauche)
M. Alain Néri, rapporteur. - C'est honteux !
M. Jean-Claude Carle. - La mémoire ne doit pas être sélective !
M. Alain Néri, rapporteur. - La mémoire, il en faut une !
M. Jean-Claude Carle. - La gauche, qui a voté les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet, est mal placée pour nous donner des leçons d'histoire et de morale ! (Applaudissements à droite et au centre) La guerre d'Algérie ne s'est pas arrêtée le 19 mars 1961 ni le 2 juillet 1962 ; 537 soldats ont encore été tués. Les accords d'Evian n'ont pas été respectés ; 100 000 harkis ont été abandonnés.
M. Alain Néri, rapporteur. - Qui a donné les ordres ?
M. Jean-Claude Carle. - Et il y eut la fusillade d'Alger et les massacres d'Oran. Un choix a été fait : le 5 décembre est la date du souvenir.
M. Alain Néri, rapporteur. - Cette date ne correspond à rien, M. Cléach le dit lui-même !
M. Jean-Claude Carle. - Cette proposition de loi prouve que la gauche n'en a pas fini avec ses vieux démons. Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement pour tous ceux qui ont servi la France. Nous vous demandons, dans un souci de rassemblement, de faire preuve de sagesse en retirant ce texte, en faisant preuve de la même sagesse que vos prédécesseurs, MM. Masseret et Mékachéraf, sur un texte que M. Jospin lui-même n'avait pas voulu inscrire à notre ordre du jour. Sinon, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Néri, rapporteur. - C'est faux ! M. Forni avait transmis le texte au Sénat !
M. Jean-Marc Todeschini . - Ancien membre du cabinet du ministre Jean-Pierre Masseret, qui reconnut le conflit d'Algérie comme une guerre et qui lança la création du mémorial national pour les anciens combattants d'Algérie, je voterai ce texte. A l'époque, nous n'avions pas retenu de date. Manque de courage ou lucidité ?
La date, justement, parlons-en. Pour la première guerre mondiale, il en existe trois : le 2 novembre, le 11 novembre et la fête de Jeanne d'Arc. Idem pour la deuxième guerre mondiale : le 8 mai pour l'armistice, le 18 juin pour l'appel du général de Gaulle, le 16 juillet pour la rafle du Vel d'Hiv.
Pour les guerres de décolonisation, on fête la fin du conflit en Indochine le 8 juin ; le 25 septembre, on commémore les harkis et le 5 décembre, les anciens combattants et les rapatriés. Depuis, notre calendrier mémoriel s'est enrichi de la date du 11 novembre comme date du souvenir pour tous les combattants français.
La nation a besoin d'une mémoire collective apaisée. Dans un célèbre discours, Ernest Renan parle de la nation comme d'un « plébiscite de tous les jours ». Belle définition ! Il avait également souligné, en 1885, combien les moments de deuil partagé unissent davantage que les moments de fête. Hélas, le consensus est encore loin, à entendre M. Carle. Puisse cette date du 19 mars rassembler les appelés qui crièrent de joie en entendant la nouvelle de l'armistice l'oreille collée au transistor et les Français d'Algérie, car je ne les oublie pas, qui pleuraient et s'inquiétaient de leur sort ! J'ai foi en cette espérance mais je vous ai dit mon inquiétude. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Génisson . - Il est temps de réconcilier notre communauté nationale autour de cette date du 19 mars. Le 16 octobre 1977, le soldat inconnu d'Algérie était enterré à Notre-Dame-de-Lorette. Prenons le temps du souvenir, du recueillement et de l'apaisement. Oui, n'oublions pas les jeunes qui ont donné leur vie ; n'oublions pas les rapatriés, n'oublions pas les harkis !
En 2014, le Pas-de-Calais accueillera des Algériens pour rappeler les 600 000 morts d'Afrique du nord durant les batailles d'Artois de la première guerre mondiale. Faisons le choix de la réconciliation ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Néri, rapporteur. - Les débats ont été remarquablement apaisés et constructifs en commission. Je souhaite que cela se poursuive en séance publique.
J'ai entendu la douleur des uns et des autres. Il n'y a pas à faire de hiérarchie. Nous proposons une date qui rend hommage à toutes les victimes de cette guerre cruelle qui ne disait pas son nom afin que la troisième génération du feu soit traitée à égalité avec ses devancières. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°4, présentée par Mme Garriaud-Maylam et les membres du groupe UMP.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Ce texte n'est pas conforme à la Constitution. D'abord, en temps de crise, en quoi est-il urgent de trouver une date pour une journée d'hommage qui existe déjà ? Depuis le décret du 26 septembre 2003...
M. Bernard Piras. - C'est un décret et non une loi !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - ...le 5 décembre est la journée d'hommage aux anciens combattants. Avec la loi du 23 février 2005...
M. Guy Fischer. - Parlez donc de l'article 4 de cette loi !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - ...le souvenir est étendu aux victimes civiles et aux anciennes forces supplétives, les harkis.
Si certains veulent se recueillir le 19 mars en ce sens, ils le peuvent. Nul besoin d'une autre loi...
Ensuite, qu'est-ce qui fait l'immortalité d'une petite loi ? Exhumer une proposition de loi votée il y a dix ans, après trois élections présidentielles et un renouvellement complet des assemblées, a-t-on jamais vu ça ? Le Sénat serait la chambre de la continuité législative, disent certains. Je leur réponds que le Sénat a été complètement renouvelé depuis lors. J'ajoute que le rapporteur, Alain Néri, était député en 2002.
M. Alain Néri, rapporteur. - Et alors ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Comment expliquer qu'une loi soit votée par les mêmes à l'Assemblée nationale et au Sénat ?
M. Jean-Jacques Mirassou. - Argument ridicule !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Une petite loi votée par une chambre il y a une décennie remettrait en cause la loi du 23 février 2005 adoptée par le Parlement entier ?
M. Christian Cambon. - Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - L'éthique parlementaire minimale aurait supposé de rédiger une nouvelle proposition de loi tenant compte de la législation actuelle et de la soumettre aux deux chambres. D'ailleurs, une proposition de loi avait été déposée par M. Néri le 5 janvier dernier... Pourquoi préférer cette petite loi de dix ans d'âge ? Cette méthode ressort du passage en force, un sentiment renforcé par l'anticipation de ce débat prévu le 20 novembre.
M. Alain Néri, rapporteur. - Vous savez bien pourquoi !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Cette précipitation s'explique peut-être par la volonté de prendre de court les associations de combattants qui préparent une grande manifestation le 20 novembre. Sans doute sert-elle aussi le calendrier diplomatique du président de la République. (Protestations à gauche)
Ce texte ne relève pas du domaine de la loi et enfreint donc l'article 34 de la Constitution. Il sert de petits calculs politiciens. François Mitterrand avait exclu le 19 mars comme journée du souvenir « car il y aurait eu confusion dans la mémoire de notre peuple ». Le 5 décembre...
M. Guy Fischer. - ...ne correspond à rien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - ...est une date plus opportune. Ce texte entretient les tensions et vous voulez faire passer pour des révisionnistes néo-colonialistes ceux qui défendent une position moins idéologique.
M. Guy Fischer. - Ce n'est pas tout à fait faux...
M. Alain Néri, rapporteur. - Et votre discours n'est pas idéologique ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - N'est-il pas dangereux d'instrumentaliser l'histoire en bafouant, qui plus est, les droits du Parlement à la veille du voyage du président de la République en Algérie, au moment où le ministre des anciens combattants exige une reconnaissance des crimes du colonialisme français ?
Si ce texte était voté, nous saisirions le Conseil constitutionnel qui reconnaîtra la procédure intrinsèquement viciée qu'a suivie ce texte ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Didier Guillaume . - « Mensonge » ? « Honnêteté » ? « Éthique » ? « Petite loi » ? Faut-il se réclamer du Conseil constitutionnel pour mener un débat politique ?
M. Henri de Raincourt. - Vous ne vous en êtes pas privés !
M. Didier Guillaume. - Il n'y a pas de « petite loi ». Cette expression offense la représentation nationale. Les jeunes appelés qui ne sont pas revenus...
M. Guy Fischer. - 30 000 !
M. Didier Guillaume. - ...qui ont souffert de leurs blessures toute leur vie méritent l'hommage de la nation. Dans la réconciliation et l'apaisement, M. le rapporteur et Mme Génisson l'ont bien dit.
La guerre d'Algérie, nous l'avons tous vécue de près ou de loin. Ou, plutôt, nous n'en avons pas entendu parler.
M. Marcel-Pierre Cléach. - Nous l'avons faite !
M. Didier Guillaume. - Toutes les familles ont été déchirées, ceux qui ont été appelés ont souffert dans leur corps et dans leur tête. Il n'y a pas de hiérarchie dans la douleur : appelés français, Français d'Algérie, harkis, Algériens, tous on droit à notre hommage.
Les événements, depuis 1999, sont enfin qualifiés de guerre. Un orateur a évoqué François Mitterrand ; je parlerai du Général de Gaulle, qui a consulté les français par deux fois : le 8 avril 1962, les Français ont approuvé à 90 % les accords d'Évian.
M. Christian Cambon. - - Quel est le rapport ?
M. Didier Guillaume. - Bien sûr, ces accords n'ont pas signifié la fin de la guerre.
Quant à la visite du président de la République en Algérie, ce n'est pas la première. Les deux rives de la Méditerranée doivent vivre ensemble leur histoire, leur passé et leur futur. Ce texte n'y changera rien.
Je salue M. Néri. Il est un ancien député ? Nombreux le sont dans cet hémicycle !
Le 19 mars est la date du cessez-le-feu, le lendemain des accords d'Évian, le 18 mars. L'armistice, comme en 1918 et en 1945, n'a pas représenté la fin des combats. Le 19 mars, ce sera la date pour rendre hommage à toutes les victimes, sans exception.
M. Louis Nègre. - Il y a déjà le 5 décembre !
M. Didier Guillaume. - Qu'y a-t-il d'inconstitutionnel là-dedans ? Le 11 novembre, le 8 mai et le 19 mars, ceux qui sont devant les monuments aux morts...
M. Jean-Jacques Mirassou. - ...sont les mêmes !
M. Didier Guillaume. - ...sont les combattants d'Algérie. Bientôt, ils seront les seuls à transmettre la mémoire de la guerre.
Dans mon département, 304 communes sur 369 ont une place, une rue ou un monument du 19 mars, 15 000 lieux en France rappellent cet événement. Cette date sera celle de notre mémoire commune apaisée ! (Applaudissements à gauche)
M. Alain Néri, rapporteur . - Avis défavorable à la motion.
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants . - Je n'avais pas prévu d'intervenir puisque j'ai promis ni ingérence ni interférence dans le travail parlementaire. Mon histoire personnelle aurait pu me conduire à parler avec passion. Je m'y refuse, en tant que ministre et dans ma conception de la citoyenneté.
Le président de la République va se rendre en Algérie ? Ce n'est pas la première fois. Je l'y ai accompagné lorsqu'il occupait d'autres fonctions, et François Hollande a fait savoir que la position de la France ne serait pas celle de la repentance. (Applaudissements à droite)
Pourquoi le Gouvernement a-t-il permis la poursuite du débat aujourd'hui ? Pour pouvoir trouver une majorité sur d'autres textes ? Pas du tout : si nous n'avions pas changé la date, je n'aurais pu me rendre à Fréjus le 20 novembre pour le transfert des centres du général Bigeard.
Donc, je rappelle la sagesse du Gouvernement sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et divers bancs à droite)
M. Jean-Claude Requier . - Pour avoir eu 15 ans en 1962, je me souviens de l'inquiétude partagée : dans toutes les familles, il y avait un père, un mari, un fils en Algérie. Dans un petit village du Lot, nous sommes allés trois fois au cimetière, pour un militaire d'active, un gendarme et un appelé. On les enterrait discrètement, presque en catimini. On parlait alors d'« événements d'Algérie ». On parle aujourd'hui de guerre, il est temps de fixer une date de commémoration, celle du cessez-le-feu -même s'il y a encore eu beaucoup de victimes après. Je pense aux harkis, à ceux qui ont été envoyés se geler sur le plateau du Larzac, aux rapatriés, aux centaines d'Européens massacrés à Oran le 16 juillet.
Merci à M. Néri, un Auvergnat, un homme du granit, qui sait persévérer. Les radicaux de gauche ne voteront pas la motion, non plus que la majorité du RDSE.
M. Hervé Marseille . - L'UDI votera la motion car notre débat a montré que la date du 19 mars est loin de faire consensus. Après les accords d'Évian, il y eut le massacre d'Oran en juillet. Il eût été sage de laisser aux historiens le temps de travailler plutôt que de raviver les divisions. (Applaudissements à droite)
M. Louis Nègre . - Ce texte suscite ce matin même une manifestation devant le Palais.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Ce n'est pas la première fois !
M. Louis Nègre. - C'est la preuve qu'il divise. Ce texte est inconstitutionnel, Mme Garriaud-Maylam l'a dit de manière charpentée. Est-il opportun ? Pourquoi cette perpétuelle repentance ?
M. Guy Fischer. - Les colonialistes parlent, ceux qui vantent les prétendus « bienfaits » de la colonisation ! L'Algérie, dans quel état l'avons-nous laissée ?
M. Louis Nègre. - La France a fait des choses hors-norme, d'accord, mais les autres ? Oui à une histoire équilibrée, à une commission neutre d'historiens français et algériens qui disent ce qui s'est réellement passé.
Faut-il croire que ce texte obéirait à des motivations politico-diplomatiques ? (On le nie, à gauche) On peut comprendre qu'il faille s'entendre avec les Algériens, nous nous sommes bien réconciliés avec les Allemands, après trois guerres. Il y a encore eu des morts après le 11 novembre 1918, mais pas 1 million de rapatriés et plus de 100 000 harkis morts ! Les anciens rapatriés continuent à pleurer. Merci à M. le ministre de l'avoir dit : cessons de battre notre coulpe unilatéralement !
Soyez aussi sages que François Mitterrand, qui refusait de retenir une date qui divise pour une commémoration nationale ! (Applaudissements au centre et à droite)
A la demande du groupe socialiste, la motion n°4 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 160 |
Contre | 180 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements à gauche)
Question préalable
M. le président. - Motion n°1 rectifiée, présentée par M. Cléach et les membres du groupe UMP.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
M. Jean-René Lecerf . - L'examen de cette proposition de loi a commencé au cours d'une niche du groupe socialiste. Je salue la pugnacité de M. Néri mais je m'interroge sur l'historique de ce texte, qui est bien, juridiquement parlant, une « petite loi » : un texte qui a déjà été adopté par une des assemblées. C'est une notion juridique, pas un jugement de valeur.
Nous sommes confrontés à un problème d'éthique parlementaire. Notre Règlement autorise l'examen de textes adoptés par l'Assemblée nationale, même après le renouvellement de celle-ci. L'inverse n'est pas possible. Est-ce à dire que les textes votés par l'Assemblée nationale auraient préséance ? Il faudra y revenir lorsque nous toiletterons notre Règlement.
La loi du 28 février 2012 a fait du 11 novembre un jour d'hommage à tous les morts pour la France, après le travail de la commission Flavier. Elle fut votée à l'unanimité en commission. Les victimes de conflits au Maghreb sont donc honorées, sur la base d'un consensus national.
Deuxième argument : une journée d'hommage spécifique existe aussi, le 5 décembre.
M. Roland Courteau. - Aucun sens historique !
M. Jean-René Lecerf. - Que signifie le 19 mars pour la Tunisie et le Maroc ?
Toutes les associations d'anciens combattants, à l'exception de la Fnaca et de l'Arac, ont opté pour la date neutre du 5 décembre. Elles se sont toutes réunies lors de l'inauguration du monument du quai Branly. Ce jour-là, il ne s'agissait que de célébrer tous les morts. La date du 5 décembre concilie toutes les mémoires. Ceux qui veulent honorer leurs morts le 19 mars sont libres de le faire, à condition d'éviter le prosélytisme. Une circulaire de 2009 laisse aux associations toute latitude pour organiser des célébrations.
Troisième argument : la portée historique du 19 mars a toujours fait l'objet de polémiques et des associations qualifient pour cette raison ce texte de « farce lugubre ». Ces appels au rassemblement, à la cohésion nationale, que l'on entend désormais dans la bouche du Premier ministre, ne sont-ils que des paravents quand votre majorité choisit la politisation ? Le 19 mars ne fut pas la fin des hostilités. Vous légiférez pour une minorité, agissante, certes, mais bien minoritaire.
Depuis 1981, les présidents de la République successifs se sont toujours opposés à cette reconnaissance. La politique doit rassembler, non diviser ! C'est sans malice que je cite François Mitterrand : « Si une date doit être officialisée pour célébrer le souvenir des victimes de la guerre d'Algérie, cela ne peut être le 19 mars car il y aura confusion dans la mémoire de notre peuple. (...) D'autant plus que la guerre a continué, que d'autres victimes ont été comptées et qu'au surplus, il convient de ne froisser la conscience de personne ». Le 19 mars fut un cessez-le-feu, non un cessez-le-sang.
Nous avons adopté ensemble, il y a moins d'un an, une solution. Un peu de constance ! Pourquoi rouvrir les cicatrices ? Écoutons Montesquieu et ne touchons aux lois que d'une main tremblante, lorsqu'il s'agit de notre histoire à tous.
On ne peut célébrer une défaite. Le 19 mars restera un divorce pour les communautés françaises, une journée de deuil pour les harkis. Les accords d'Évian n'ont pas été respectés : il y eut tant de morts, tant de blessés après l'ordre du jour du général Ailleret. Comment oublier l'insupportable, l'effroyable massacre de ceux dont les parents et les grands-parents avaient choisi la France, les 150 000 harkis tués. Nous avons déjà fait preuve de tant de lâcheté, de tant d'injustice. Faut-il en rajouter lorsque l'actuel chef d'État algérien les insulte ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Jacques Mirassou . - Personne n'a le droit de mettre en doute notre sincérité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE) Malgré vos arguments laborieux, le 19 mars restera dans l'histoire.
M. Christian Cambon. - Dites-le aux harkis !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Cinquante ans après, le législateur peut se prononcer en connaissance de cause et instaurer une journée dédiée à toutes les victimes, y compris de contingent : 25 000 morts, 65 000 blessés, partis défendre une cause qu'ils ne partageaient pas tous et qui ont rendu un service éminent à la République en refusant d'obéir aux putschistes de 1961.
Loin d'attiser les clivages, ce texte vise à l'apaisement : la date du 5 décembre n'a aucun sens historique, le cessez-le-feu est un fait. Quant au 11 novembre, vous avez voulu créer un Memorial Day diluant l'histoire de notre pays alors que la jeunesse a besoin de repères. « Encombrer notre calendrier mémoriel » ? C'est bien péjoratif !
Les associations peuvent organiser des manifestations publiques, certes. Mais cela reste facultatif et de leur ressort. Les célébrations qui ont déjà lieu le 19 mars ont un grand succès. Cette date est déjà inscrite dans notre mémoire ! (M. Guy Fischer confirme) Tournons une page de notre histoire et envisageons l'avenir plus sereinement. On n'a pas le droit de refuser aux anciens combattants l'occasion de se recueillir en souvenir de ceux qui sont tombés de l'autre côté de la Méditerranée. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Néri, rapporteur . - Avis défavorable. Il ne s'agit pas de repentance, comme je lis dans le communiqué de M. Carle et de M. Cléach, mais d'hommage. Vous reconnaissez vous-même que le 5 décembre n'a pas de sens historique.
M. Christian Cambon. - C'est pour cela que cette date a été choisie !
M. Alain Néri, rapporteur. - La célébration du 5 décembre a été fixée par décret, la suite fut un cavalier législatif à l'occasion d'un texte sur les pensions. Un texte d'origine parlementaire aurait moins de valeur qu'une proposition de loi ? Il a fallu trente sept ans pour que l'on reconnût qu'une guerre avait eu lieu en Algérie, et ce fut une initiative parlementaire !
La troisième génération du feu a droit elle aussi à une journée de souvenir ! Tous les deux mois, des petits Français prennent le bateau pour l'Algérie.
M. Christian Cambon. - Merci Guy Mollet ! Certains revenaient, d'autres non.
M. Guy Fischer. - 30 000 morts !
M. Alain Néri, rapporteur. - Ceux qui nous gouvernaient alors sont ceux qui ont signé les accords d'Évian, ceux qui ont odieusement abandonné les harkis ! Certains officiers ont refusé d'obéir aux ordres et ramené leurs forces supplétives en France.
Il n'y a pas à être fier des conditions dans lesquels certains furent accueillis en France. Avez-vous visité le camp de Mas-Thibert où fut parquée la harka du Bachaga Boualem ? Et certains harkis furent parfois remis dans le bateau !
Une seule date s'impose pour toutes les victimes, la date histoire du 19 mars. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous ne hiérarchisons pas les souffrances. Une date sans signification est une insulte à tous ceux qui ont souffert ! Les douleurs gravées dans leur chair doivent être gravées dans le marbre de la loi. (Applaudissements à gauche)
M. Kader Arif, ministre délégué . - Sagesse.
M. René Garrec . - J'étais en Algérie comme appelé. Les forces supplétives recevaient une solde ridicule par rapport à la nôtre !
Ce débat me met très mal à l'aise. Le 19 mars, ce ne fut pas la paix. Les suites furent abominables. J'avais l'impression de faire la guerre et, revenu chez moi après deux ans et demi, ce passé était un peu infâmant. Je me suis félicité que la guerre soit reconnue. Je célèbrerai ce souvenir le 11 novembre, avec tous les miens. (Émotion ; applaudissements à droite)
M. Hervé Marseille . - Nous voterons la motion. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Parlement. On a saisi le Conseil constitutionnel sur le texte sur l'Arménie parce qu'il fallait laisser aux historiens le temps de se prononcer et l'on avancerait ici à marche forcée ? Soyons prudents.
M. Alain Richard . - Je partage le malaise de M. Garrec. Le 11 novembre et le 8 mai marquent la fin de guerres de défense. Le 19 mars, c'est d'une guerre d'indépendance qu'il s'agissait, d'où les sentiments partagés d'aujourd'hui. La France a combattu contre l'indépendance de l'Algérie.
Je suis en désaccord avec les auteurs de la motion. Pour la dernière fois, les appelés du contingent ont combattu pour la France. J'ai fait partie du gouvernement qui a intégré l'administration des anciens combattants dans la Défense, mis fin à la conscription et consacré la reconnaissance de la guerre d'Algérie. Ces soldats ont droit à la reconnaissance de la nation, même si l'appréciation ne peut être la même sur cette guerre d'indépendance et sur les deux guerres mondiales. Des célébrations existent déjà le 19 mars : cette date est justifiée.
Oui, une date commune a été adoptée unanimement pour tous les conflits. Dans l'opposition, nous avons voulu éviter les clivages sur un tel sujet et déposé un amendement précisant que la date du 11 novembre ne mettrait pas fin aux autres commémorations. Nous avions besoin d'une date pour honorer la mémoire des soldats d'hier, d'aujourd'hui et de demain ; il ne s'agissait pas de mettre fin au débat sur la commémoration de la guerre d'Algérie. (Applaudissements sur certains bancs socialistes)
A la demande du groupe socialiste, la motion n°1 rectifié est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 157 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements à gauche)
Discussion des articles
M. le président. - Je vous informe que je devrai suspendre la séance à 11 h 55 pour la cérémonie aux sénateurs et aux fonctionnaires morts pour la France.
Article premier
M. Roland Courteau . - Plus de 22 000 communes commémorent le 19 mars en France, c'est un cas unique : la demande de témoignage est venue de la population, des communes, le socle de notre démocratie, qui ont souvent une rue, une place en souvenir de cet événement.
Il est plus que temps que la République institue une journée de commémoration pour que la nation s'unisse dans le même devoir de mémoire et que l'on parle de la guerre d'Algérie sans se diviser. Quelque 2 millions de soldats ont traversé la Méditerranée entre 1955 et 1962, dont une majorité d'appelés. Clémenceau nous rappelait au devoir de mémoire : « ceux qui ont combattu, qui ont été blessés, qui sont morts pour avoir fait leur devoir en répondant à l'appel de la République ont des droits sur nous ».
Combattants mais aussi victimes civiles méritent notre hommage. Les 25 000 militaires qui sont morts étaient, pour l'essentiel, des appelés ou des rappelés du contingent.
La date du 5 décembre est abracadabrantesque, elle est seulement la date de la Saint-Gérald. Seul le 19 mars, date du cessez-le-feu, est à même de marquer la reconnaissance que nous devons à tous ceux dont la loyauté à la République n'a pas fait défaut. Nous n'oublions ni les harkis -une tâche sombre de notre histoire- ni les militaires et les civils morts après le 19 mars mais la date du 19 mars est celle du choix républicain du cessez-le-feu. C'est un pont entre les différentes mémoires, celle des Français et des Algériens, celle des individus et de l'histoire. C'est à chaque fois que la République réussit une démarche de synthèse que la nation se grandit, qu'elle se fortifie pour l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La séance, suspendue à 11 h 55, reprend à midi dix.
M. Michel Teston . - Ce texte vise toutes les victimes de la guerre en Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Il aura donc fallu dix ans pour que ce texte aboutisse, après que les « opérations de maintien de l'ordre » en Algérie ont été, grâce à la loi de 1999 votée à l'unanimité dans les deux chambres, enfin reconnues pour ce qu'elles étaient : une guerre.
J'ai toujours défendu la date du 19 mars. Si elle n'est pas celle de l'arrêt des combats, elle a, contrairement au 5 décembre, une signification historique forte : le cessez-le-feu entre la France et le FLN. Cette guerre trop longtemps restée sans nom ne peut rester sans date. Le 19 mars est accepté par la majorité des anciens combattants de la troisième génération. Nous nous souvenons de ceux qui ont perdu la vie, nous soutenons ceux qui ont été meurtris dans leur chair, nous exerçons tout simplement notre devoir de mémoire ! (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Larcher . - Le 25 octobre dernier, nous avons commencé l'examen de cette proposition de loi qui, qu'on le veuille ou non, divise le monde combattant. Les débats de ce matin ont amplement montré que l'apaisement était encore un chemin à parcourir. Le 19 mars, pour beaucoup, est encore synonyme de douleurs et de drames.
En outre d'être inopportun pour la cohésion nationale, ce texte revient sur la loi du 23 février 2005, voulue par le président Jacques Chirac, qui ne meurtrit pas l'essentiel, le passé, le souvenir. Le 5 décembre, contrairement au 19 mars, ne blesse aucune mémoire. Deux associations soutiennent votre texte ? Et que dire des quarante autres ? (On renchérit à droite) Ce texte revient aussi sur la loi du 28 février 2012, qui a fait du 11 novembre un jour de commémoration de tous les morts pour la France ; cette date transcende les valeurs de notre pays.
En inscrivant ce texte à l'ordre du jour, le Gouvernement s'ingère ; il interfère dans nos travaux. Compte-t-il soumettre cette proposition de loi à la nouvelle Assemblée nationale ? J'aimerais qu'il en prît l'engagement.
Mais ce débat a lieu dans un contexte différent de celui du 25 octobre. Le 30 octobre, le ministre algérien des anciens combattants a souhaité que la France reconnaisse les crimes perpétrés par le colonialisme français -propos qui ont mis sous tension les relations entre nos deux pays et placé sous de mauvais auspices le prochain voyage, indispensable, du président de la République à Alger. Cette proposition de loi ne doit pas être ressentie comme une réponse à une injonction extérieure. Oui, il faut travailler à une mémoire réconciliée des relations entre la France et l'Algérie de 1830 à 1962. M. Chirac avait proposé un comité d'historiens. De grâce, retirez cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Pierre Charon . - A mon tour de dire mon indignation devant ce nouveau passage en force, devant ce mépris pour le Parlement, devant ces sombres méthodes politiciennes.
M. Jean-Jacques Mirassou. - C'est nul !
M. Pierre Charon. - Pourquoi une journée nationale ? Elle existe déjà depuis la loi de 2005 votée sous la présidence de Jacques Chirac : c'est le 5 décembre. Quant à la journée du 11 novembre, elle est l'occasion de rendre hommage à tous les morts pour la France, de Verdun à Kapisa.
Si ce n'est la jalousie politique, peut-être est-ce votre méconnaissance des événements, le cessez-le-feu trahi le jour même par le FLN, la fusillade de la rue d'Isly, le long cauchemar qui commence après le 19 mars, le massacre des harkis ?
Comment comparer le 19 mars avec le 11 novembre, qui marque la fin de la première guerre mondiale et la victoire de la France, ou avec le 8 mai, qui consacre la victoire des Alliés sur le nazisme et la France réconciliée avec elle-même ? Le 19 mars fut certes un cessez-le-feu, mais pas un cessez-le-sang ; en choisissant cette date, vous oubliez tous ceux, civils et militaires, qui sont morts après.
Je ne peux pas accepter que l'on déforme la pensée du général de Gaulle ; si la raison lui inspira une issue douloureuse, son coeur disait encore : « Tous français, de Dunkerque à Tamanrasset ».
L'histoire a fait que le peuple algérien a pu disposer librement de lui-même. Est-ce une raison pour transformer une blessure en fête nationale ? Fête-t-on Sedan ou Dien Bien Phu ? Comment imaginer célébrer une défaite ? Pourquoi raviver des plaies ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - La concertation serait la marque de fabrique de ce gouvernement. Dans ce cas, pourquoi passer outre l'Assemblée nationale en présumant que son vote de 2002 est toujours valable ? Certains le voteront cependant deux fois, comme M. Néri, à l'Assemblée nationale autrefois et aujourd'hui au Sénat.
M. Alain Néri, rapporteur. - Preuve que je ne retourne pas ma veste !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Au-delà des contorsions sémantiques, c'est le manque de considération pour le monde combattant qui m'inquiète. Deux associations seulement soutiennent le 19 mars, la Fnaca et l'Arac, qui ne comptent que 300 000 membres, quand quarante autres représentant deux millions de familles s'y opposent. Il est scandaleux et indigne que quatre auditions seulement suffisent à légitimer une proposition de loi aussi clivante.
Certes, le 19 mars, c'est le cessez-le-feu, certains d'entre nous se souviennent de la joie qu'ils ont alors ressentie. Mais comment honorer nos morts à une date qui fut une journée de dupes et qui reste une plaie béante pour les millions de personnes ? Comment oublier les morts d'après, ceux qui ont été suppliciés, et surtout les harkis envers qui nous avons une dette d'honneur ?
M. le rapporteur a parlé des rues du 19 mars. Je veux dire ma honte quand une municipalité socialiste a débaptisé une rue vouée à la harka du Bachaga Boualem. Choisir le 19 mars, c'est une nouvelle trahison envers les rapatriés, les harkis, la majorité des associations combattantes. (Applaudissements à droite)
Mlle Sophie Joissains . - M. Bruno Gilles s'associe à mes propos. L'article premier de ce texte, cela a été dit, poursuit un objectif déjà rempli par deux lois. Pourquoi le 5 décembre, institué par celle du 23 février 2005 ? Parce que cette date, neutre, est seule à même d'apaiser les mémoires et de trouver le chemin de la réconciliation.
Le 11 novembre, institué par la loi du 28 février 2012, commémore tous les morts pour la France, des Poilus aux soldats d'Afghanistan. Elle a été choisie dans un souci de cohésion nationale, de dignité et de respect à l'égard de tous ceux qui ont servi le drapeau français. Ces deux dates réunissent sans cliver, sans risquer d'insulter le souvenir de ceux que la France n'a pas défendus et qui ont été massacrés -ce qui n'est pas le cas du 19 mars
Les associations qui soutiennent le 19 mars représentent 350 000 personnes ; les quarante trois autres qui le contestent regroupent 1,2 million d'adhérents. Leur collectif nous a adressé un courrier émouvant et argumenté. On y lit que le 19 mars rappelle à trop de Français le deuil et l'exode ; qu'une nouvelle loi bafouerait la mémoire des harkis et de nos compatriotes victimes d'une véritable épuration technique. C'étaient les descendants des révolutionnaires de 1848, des expulsés d'Alsace-Lorraine, des républicains espagnols et italiens, des combattants de la Libération ! Après le vote de la loi de février 2012, le présent texte serait superfétatoire.
M. Guy Fischer. - Et l'article 4 de la loi de février 2005 ?
Mlle Sophie Joissains. - Le général de Gaulle, François Mitterrand n'ont pas voulu du 19 mars. Si ce texte était voté, il serait certes légal mais non légitime. Les blessures sont encore profondes. L'apaisement avec l'Algérie doit se faire pour les rapatriés, pour les harkis et avec eux. (Marques d'impatience à gauche)
M. le président. - Veuillez conclure.
Mlle Sophie Joissains. - Il est inacceptable que les harkis ne puissent se rendre sur la terre de leurs ancêtres ; 60 000 à 70 000 seraient morts après le 19 mars. Quelque 3 000 Français d'Algérie ont été enlevés et jamais retrouvés. (Mêmes mouvements)
Je crois à la sincérité du rapporteur, même si ce texte relève, de la part du Gouvernement, d'une manoeuvre politicienne. Ce qui me frappe, c'est que vos arguments pourraient vous être retournés : on ne décide pas pour les autres comment ils doivent vivre leur douleur ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Pierre Sueur . - Depuis trente-et-un ans, je me recueille comme beaucoup d'autres élus devant des monuments aux morts pour la France. Je me souviens qu'un 19 mars, il y a longtemps, au chef-lieu de mon département, nous avons déposé nos gerbes dans la nuit, sans drapeau ni lumière...
Peu à peu, cette date s'est imposée dans les villages du Loiret. Il y a là un signe identitaire, reconnu dans mon département par tous les élus, qu'ils soient de droite, du centre ou de gauche : celui de la reconnaissance due à une génération. Chacun sait que le 5 décembre ne correspond pas à un événement historique mais à la disponibilité de Jacques Chirac pour aller inaugurer un monument.
Disant cela, je répète, avec coeur et sincérité, mon respect pour les harkis, auxquels une grande injustice a été faite ; je vais à toutes leurs réunions. Je dis avec le même coeur qu'après le 19 mars, il y eut des morts, cela est vrai, comme ce fut le cas après tous les armistices de tous les conflits.
Je voterai ce texte car cette date correspond désormais à une réalité profonde.
Dimanche dernier, je me suis rendu à Châteauneuf-sur-Loire. Trois noms pour la guerre d'Algérie étaient inscrits sur une plaque... fixée derrière le monument aux morts ! Comme si l'on en avait honte, comme s'il fallait les cacher. J'ai assisté à la cérémonie au cours de laquelle, à l'initiative du maire, la plaque a été fixée sur le devant du monument, à côté de celle consacrée aux morts de 1914-1918 et 1939-1945. C'est dans cet esprit que je voterai la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Kaltenbach . - L'Algérie suscite encore les passions. On a longtemps tu les faits, pour ne pas rouvrir les blessures, mais certains, aujourd'hui, veulent diviser et font de cette loi un enjeu politique. Ce n'est pas en niant les faits historiques qu'on apaise. François Mitterrand avait raison de vouloir laisser du temps au temps mais, cinquante ans après, reconnaissons que la guerre a cessé le 19 mars...
M. Alain Gournac. - Non !
M. Philippe Kaltenbach. - ...que les hostilités ont cessé officiellement le 19 mars. C'est avant tout aux anciens combattants qu'il s'agit de rendre hommage ! Ils sont nombreux à se réunir le 19 mars, et non le 5 décembre. Nos concitoyens ont choisi ! Le 5 décembre est une date de convenance, vécue comme un affront par les anciens combattants. La troisième génération du feu attend depuis cinquante ans. Je le vois dans ma commune. Je voterai donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Louis Nègre . - Le 19 mars est la date d'un divorce douloureux pour la nation. Pour plaire à deux associations, vous allez blesser des milliers de Français, alors que la France vit une situation économique désastreuse. Il y a le feu à la maison, dit le rapport Gallois.
M. Jean-Jacques Mirassou. - La faute à qui ?
M. Louis Nègre. - Au lieu de faire prévaloir l'union nationale, comme le fait le président Obama dans son pays, au lieu de nous mobiliser, nous nous occupons d'une date !
M. le rapporteur l'a dit lui-même : il n'y a pas lieu d'être fier des accords d'Évian, qui ont abouti au massacre des harkis.
M. Alain Néri, rapporteur. - Je n'ai pas dit cela.
M. Louis Nègre. - Plusieurs de nos collègues, y compris à gauche, ont parlé de malaise. M. Garrec a parlé d'une voix brisée. La plaie reste ouverte ! Le Gouvernement ne soutient pas explicitement le texte. C'est dire que cette prétendue date historique entretient les divisions. C'est même une provocation !
Pourquoi passer en force ? Pourquoi imposer une date qui divise les Français ? Ce n'est pas qu'un problème de date.
M. Jean-Jacques Mirassou. - C'est le problème du sud-est !
M. Louis Nègre. - Venez assister aux réunions des associations : les gens sont heureux de se retrouver mais ils pleurent encore. Notre rôle est de réunir.
Si ce texte est voté, peut-être les tensions avec l'Algérie diminueraient-elles mais elles s'aviveraient en France. Solennellement, j'en demande le retrait.
M. Joël Guerriau . - Né pendant la guerre d'Algérie, j'ai découvert ce clivage sur les dates en devenant maire en 1995. Je respecte les associations qui veulent commémorer leurs morts le 19 mars, et j'y participe. D'autres refusent cette date. Pourquoi dont rouvrir ce débat ? Une délégation que j'ai reçue hier m'a dit qu'elle n'assisterait pas aux célébrations du 19 mars. Elle m'a montré un timbre algérien où cette date est célébrée comme celle de la victoire sur la France.
Faute d'accord dans le monde combattant, est-ce à nous de faire oeuvre d'historiens ? Je voterai la suppression de l'article. (Applaudissements au centre et à droite)
Organismes extraparlementaires (Nomination et candidature)
M. le président. - Je rappelle que la commission de la culture a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Lozach membre du comité de préfiguration des modalités d'instauration du profil biologique des sportifs. (Applaudissements)
En outre, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de désigner un sénateur appelé à siéger au sein du conseil national du bruit. Conformément à l'article 9 du Règlement, j'invite la commission des affaires sociales à présenter une candidature pour un poste de suppléant, en remplacement de Mme Gisèle Printz, dont le mandat est arrivé à expiration. La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
La séance reprend à 15 heures.
Dépense publique (Questions cribles thématiques)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la dépense publique, débat retransmis en direct sur Public Sénat et sur France 3.
M. Éric Bocquet . - En ces temps de recherche acharnée de ressources financières, des marges de manoeuvre existent, comme le montre un rapport qui vient d'être remis à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche mettant en évidence présentant le recours hasardeux aux partenariats public-privé pour réaliser le plan Campus.
La formule du partenariat public-privé est particulièrement discutable : on l'a vu avec l'hôpital sud francilien, le centre des archives diplomatiques, le « Pentagone à la française », le nouveau tribunal de Paris, Le train fantôme des loyers que devra payer la SNCF aux propriétaires constructeurs des nouvelles lignes TGV. A l'image des contrats de location-bail pour les voitures, le sigle PPP signifie « partage des pertes pour le public ».
Comment allez-vous encadrer davantage ces PPP, formule coûteuse de financement des investissements ? (Applaudissements à gauche)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. - Les partenariats public-privé sont la conséquence d'une politique avec laquelle nous sommes en rupture. C'est un déport sur l'avenir qui a ainsi été organisé. Si elle n'apporte pas d'économies dans l'immédiat, cette rupture évite d'insulter les générations futures. Reste que tous les partenariats public-privé ne peuvent pas être rompus : outre qu'il faut terminer les chantiers, l'État pourrait, dans certains cas, être condamné à payer des débours. Les chantiers des palais de justice de Lille et de Perpignan, s'ils doivent être réalisés, le seront selon d'autres modalités. Un bilan des partenariats public-privé déjà engagés a été demandé à l'IGF. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Éric Bocquet. - Merci pour votre réponse. Le développement des PPP est une véritable bombe à retardement. Les risques de surcoût sont évidents. Gouverner, c'est prévoir : évitons de nous retrouver dans quelques années avec un patrimoine en aussi piteux état que le collège Pailleron, de sinistre mémoire. Facilitez l'accès à l'emprunt des collectivités locales, résolvez le dossier Dexia et réorientez la politique de la BCE !
M. Jean-Vincent Placé . - L'achat public a un rôle fondamental de structuration de l'offre économique. Pourtant, l'achat durable, s'il est plébiscité dans son principe, reste à mettre en oeuvre, notamment dans la dimension environnementale. La clause environnementale pour les commandes publiques reste à définir clairement. La notion de durée de vie pourrait être un outil contre l'obsolescence programmée. En période de contrainte budgétaire, la maîtrise de consommation d'énergie doit être source d'économies. L'État doit montrer l'exemple ; où en est-il ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Des directives communautaires et des instruments juridiques nationaux existent déjà. Les achats de l'État sont soumis à ces exigences. La stratégie d'achat inclut les objectifs qui vous tiennent à coeur, qu'il s'agisse des achats de papier, de fourniture, de nettoyage des bureaux, de la fourniture d'énergie.
S'y ajoute le plan de relance pour l'automobile : l'État s'est engagé à acheter 25 % de véhicules hybrides et à ce que tous ses véhicules urbains soient électriques. Nous comptons, dans les années qui viennent, renforcer cette politique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Vincent Placé. - Je suis sensible à votre réponse. Tout de même, il faut faire davantage. Les voitures hybrides fonctionnent aussi au gazole, dont on connaît les effets cancérigènes. Il est regrettable que M. Gallois se soit refusé à prendre position sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean-Pierre Plancade . - Le RDSE est favorable à la maîtrise ciblée de la dépense publique afin de réduire durablement les déficits, conformément à ce que vous proposez dans le cadre du PLF 2013 et du pacte de croissance et de compétitivité.
Cependant, la discipline budgétaire ne doit pas pécher par excès de rigidité. Nous sommes inquiets pour les PME. Veillons à ne pas freiner leur développement, à mieux utiliser la dépense publique pour l'orienter vers les petites entreprises et les entreprises de taille intermédiaire.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Le projet de loi de finances épargne les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Le dispositif des jeunes entreprises innovantes est maintenu, de même que l'ISF PME, ainsi que le crédit Madelin.
A ces mesures protectrices s'ajoutent des mesures renouvelées. Nous incitons les entreprises à investir, grâce à la franchise d'un million d'euros, de même que le dispositif de report en avant jusqu'à 3 millions d'euros. Au titre du crédit impôt recherche, c'est un budget de 300 millions d'euros supplémentaires qui est réservé aux PME, avec le crédit innovation. La BPI sera un instrument très utile, à l'action de laquelle les collectivités locales seront associées. L'ensemble de ces mesures répond à vos préoccupations.
M. Jacques Mézard . - Nous avons entendu avec intérêt vos propos. La situation fiscale et économique des PME ne doit pas s'aggraver. Mais il faut aller au-delà. Le crédit d'impôt innovation est fondamental. Nous le savons pour être des élus de terrain. De là l'intérêt du cumul des mandats. (Sourires) Nos PME ont besoin de marges de trésorerie. Il y a urgence. Il faut aller plus vite. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. François-Noël Buffet . - Je serai moins consensuel. Il n'y a que deux moyens de réduire le déficit : augmenter les recettes, certes, mais surtout réduire les dépenses ; la Cour des comptes y a insisté. Pourtant, vous stabilisez les dépenses publiques en 2012 et en 2013 et ne les réduirez qu'à partir de 2014 seulement. Vous imposez 30 milliards de prélèvements supplémentaires, qui toucheront la classe moyenne et les PME. Toute la presse parle d'un « matraquage fiscal » qui aura des effets récessifs.
M. Jean-Louis Carrère. - Si Le Figaro le dit !
M. François-Noël Buffet. - En 2014, il sera peut-être déjà trop tard. Pourquoi ne pas diminuer la dépense publique dès maintenant ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Entre 2002 et 2007, la dépense publique a augmenté en moyenne de 2,7 % par an ; entre 2007 et 2012, de 1,3 %. Ce gouvernement propose une moyenne de 0,7 %, en fait de 0,6 %. C'est beaucoup mieux !
Non, nous n'attendons pas 2014 : c'est dès l'an prochain que nous soumettrons l'État à la norme de zéro valeur, dont un ministre que vous souteniez autrefois disait que c'était l'une des actions les plus dures à conduire...
Dès lors qu'il s'agit de maîtriser la dépense publique, la dépense sociale et les collectivités locales doivent y contribuer. Je compte sur votre soutien sur ce point. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François-Noël Buffet. - La région Rhône-Alpes a augmenté considérablement ses impôts sans concertation. Le président de la communauté urbaine lyonnaise rechigne à être solidaire de l'État. Je vous renvoie à ces récentes déclarations. Votre gouvernement a conforté la dépense publique en engageant des fonctionnaires nouveaux. Vos choix ne sont pas les nôtres. La gauche ne cesse de dépenser. (Applaudissements à droite)
M. Vincent Delahaye . - La tentation de la gauche est de résoudre l'équation budgétaire par l'impôt plutôt que par la réduction de la dépense publique. Pour vous, ne pas dépenser plus, c'est déjà économiser. Pour moi, réduire le déficit, c'est dépenser moins.
Il reste bien des marges de manoeuvre. Le candidat Hollande a promis la stabilité des effectifs d'État. La stabilité de la masse salariale en 2013 résultera des efforts sur les effectifs décidés en 2012 et auxquels vous étiez opposés. (Applaudissements à droite)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - L'effort demandé par le Gouvernement porte sur un peu moins de 25 milliards d'euros d'impôts, à comparer aux 11 milliards et aux 8 milliards d'impôts nouveaux des plans Fillon I et II. Au total, les impôts nouveaux des deux dernières années des gouvernements Fillon se sont élevés à 30 milliards d'euros.
L'effort de redressement passe hélas par une augmentation de la fiscalité, mais on ne peut s'en contenter, non plus que de réduire la dépense. Dans l'appareil d'État, il y aura 2 317 suppressions de poste et 1 303 dans ses opérateurs. Avec l'effet noria, les agents partant à la retraite sont remplacés par des jeunes nettement moins payés. Les dépenses de l'État respecteront la norme de zéro valeur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Vincent Delahaye. - Vous ne tiendrez pas votre promesse de retrouver l'équilibre des comptes publics en 2017 parce que vous refusez de réformer. Inspirez-vous de l'action du technicien Mario Monti en Italie ! Faudra-t-il, en France, faire appel au technicien Louis Gallois ? Soyez courageux, coupez dans les dépenses ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Claude Frécon . - Face à la crise majeure, on en appelle à la contribution des collectivités territoriales. Les concours de l'État sont maintenus en 2013 mais baisseront à partir de 2014. Nous assurons la solidarité. Certains vous reprochent de prendre à la gorge les territoires. L'ancienne majorité avait prévu, pour les collectivités territoriales, 2 milliards par an pendant cinq ans consécutifs des concours de l'État : quel désengagement !
Il est vrai que la baisse des investissements des collectivités territoriales entraînera une moindre activité du BTP, la non-satisfaction des attentes des ménages, mais c'est nécessaire. Le climat a changé : il est marqué par le dialogue, comme l'illustrent les états généraux de la démocratie territoriale qui se sont tenus au Sénat. Soutiendrez-vous les efforts des collectivités territoriales ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Lors de la présentation du budget au comité des finances locales, j'ai souhaité que les collectivités locales contribuent à l'effort national, à partir de 2012 et 2015, sous la forme d'une contribution supplémentaire de 750 millions d'euros chaque année. On ne peut pas demander au seul État de participer au redressement du pays. Tous les élus responsables y sont sensibles. L'effort devra être partagé. Le président du comité des finances locales, M. Laignel, a souhaité la création d'un groupe de travail au sein du comité. C'est une bonne initiative. Nous soutiendrons l'investissement autant que faire se peut. La création d'une banque des collectivités locales satisfera les élus, après la déconfiture de Dexia, qui eût pu être anticipée davantage. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Frécon. - Merci, monsieur le ministre, d'évoquer le financement des collectivités locales. La Banque postale annoncera prochainement qu'elle prêtera aux collectivités. Ces dernières années, la réforme de la taxe professionnelle, la réforme territoriale avaient créé une mauvaise ambiance. Avec vous, nous espérons ne pas revenir en arrière ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Serge Dassault . - Dans la situation financière critique où nous sommes, on augmente les impôts pour financer des dépenses nouvelles...
M. Jean-Louis Carrère. - Mais non !
M. Serge Dassault. - Il faudrait baisser les recettes pour baisser les dépenses et non pas les augmenter ! La France risque, avec l'Espagne, de se retrouver en cessation de paiement. L'euro devrait être dévalué. Les 35 heures nous coûtent des dizaines de milliards par an. C'est en France qu'on travaille le moins ! Nos investisseurs quittent le pays pour la Grande-Bretagne et la Belgique.
M. Jean-Louis Carrère. - Parlez-nous de vos avions !
M. Serge Dassault. - Pourquoi embaucher 60 000 fonctionnaires de plus ? Pourquoi augmenter le Smic ? Pourquoi baisser l'âge de la retraite à 60 ans ?
M. Guy Fischer. - Vous vivez de l'argent public !
M. Serge Dassault. - Abandonnerez-vous un jour cette idéologie dépensière des 35 heures ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Sur le risque de voir les taux d'intérêt monter, nous faisons tout pour l'éviter. Les taux auxquels nous empruntons n'ont jamais été aussi bas. La dégradation de la note de la France, par une seule agence de notation, eut lieu sous un autre gouvernement, auquel vous avez sans doute adressé de vifs reproches.
Nous bénéficions d'un avantage comparatif par rapport à d'autres pays de la zone euro. Le FMI reconnaît notre crédibilité. Difficile pour l'opposition de nous accorder le même crédit ! Je comprends votre souci du combat politique. C'est en 2007, sous l'empire de votre majorité, que les 35 heures ont été généralisées à toutes les entreprises, au nom d'une politique des heures supplémentaires se déclenchant à partir de la 35e heure.
Dans l'urgence, il est impossible de supprimer les emplois que vous voulez réduire. Cela ne peut se faire que dans un projet de loi de finances initial, pas en collectif. L'an prochain, il y aura 2 307 suppressions de postes de l'appareil d'État et 1 303 chez ses opérateurs. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien !
M. Serge Dassault. - Monsieur le ministre, cher ami (on feint de se scandaliser, à gauche), vous êtes au pouvoir, vous en avez la responsabilité, il faut faire mieux. Nous ne tiendrons pas les 3 %. Nous en reparlerons dans quelques mois. Ce que je vous dis, c'est pour le bien de la France ! Travaillons ensemble pour son avenir !
M. Alain Richard. - Très bien.
M. Georges Patient . - Le premier engagement de François Hollande pour l'outre-mer portait sur la mise en place d'une loi de programmation engageant l'État sur la durée, pour les investissements publics et les dispositifs spécifiques essentiels pour le financement des économies ultramarines. Sur le premier point, la loi de finances initiale entame le mouvement, avec 50 millions d'euros sur les 500 promis sur le quinquennat. Sur le deuxième point, c'est beaucoup plus flou. Nous, élus ultramarins, sommes inquiets. Les engagements doivent être tenus.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Le budget de l'outre-mer a augmenté de 100 millions d'euros et il augmentera de même l'année suivante.
La niche fiscale sur les investissements outre-mer est aujourd'hui plafonnée. Une personne peut défiscaliser 250 000 euros en une année grâce à ce dispositif très incitatif qui permet aux plus aisés de nos concitoyens d'investir outre-mer. Il est peu d'investissements aussi rentables et attractifs. Il n'est pas prévu que ce dispositif soit inclus dans le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros. Le plafonnement précédent est maintenu. Nous améliorerons le dispositif si nécessaire.
M. Georges Patient. - Oui, il faut l'améliorer et le rendre plus efficace, mais en concertation avec les parlementaires et tous les acteurs concernés. Il serait inconcevable de le supprimer sans prévoir de mécanisme de remplacement dans des territoires où le taux de chômage est le double, voire le triple, de celui de l'Hexagone.
M. Jean-François Husson . - Avec un niveau de dépense publique record en Europe, la France est au bord de l'asphyxie. Dans les six premiers mois du nouveau quinquennat, vous avez ostensiblement privilégié la pression fiscale.
M. Jean-Louis Carrère. - Répétition n'est pas vérité !
M. Jean-François Husson. - Vous avez obstinément refusé de travailler sur la réduction de la dépense publique. L'urgence est pourtant là : c'est l'emploi ! Le rapport Gallois est éclairant. Dès le lendemain de son dépôt, le Gouvernement, dans une volte-face qui laisse sans voix, a annoncé des mesures. Où est le cap de votre gouvernement ? A quelle hauteur et à quelle échéance réduirez-vous la dépense publique pour sortir la France de cette grande dépression ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Dépression a un sens précis en économie. Ne confondez pas l'état psychologique de certains avec la conjoncture économique. (Sourires à gauche)
Il est vrai que la dépense publique a augmenté de 4 % du PIB entre 2002 et 2012, 900 millions de déficit et un million de chômeurs de plus, une balance commerciale déficitaire de 73 milliards l'an dernier, quand elle était excédentaire en 2002.
M. Jean-Louis Carrère. - Eh oui !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Nous augmenterons la dépense publique en moyenne de 0,7 %, ou 0,6 % ; beaucoup moins que le gouvernement que vous souteniez, qui a contribué à assécher les liquidités présentes sur le marché.
Il n'y a pas de réquisitoire plus sévère contre la politique menée ces dernières années que le rapport Gallois ! Le taux de marge des entreprises s'est effondré. L'étau des charges existe depuis bien plus longtemps que ces cinq derniers mois. Le bilan de ces dix dernières années nous a fermé bien des marges de progression ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-François Husson. - Que n'a-t-on entendu hier quand il s'est agi de faire contribuer les collectivités territoriales à hauteur de 200 millions d'euros ! Que de cris d'orfraie ! Ce sont les mêmes qui les poussaient et qui acceptent en baissant la tête que les collectivités territoriales soient mises à contribution. J'ajoute que le financement de la protection sociale est inadapté.
Hommage à une délégation cambodgienne
M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Il m'est agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Kong Sareach, président de la commission des travaux publics. Au sein de cette délégation je veux aussi saluer la présence de M. Chea Son, président de la commission des lois de cette assemblée.
Cette délégation, accueillie par notre collègue Vincent Éblé, président du groupe d'amitié France-Cambodge, vient, durant cette semaine, dans le cadre du programme annuel de coopération fixé par nos deux assemblées, étudier la décentralisation à la française et, notamment, le rôle du Sénat français en la matière. Nous formons le voeu que cette visite lui soit profitable et nous lui souhaitons la bienvenue ! (Applaudissements)
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 h 5.
Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de la commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
J'invite la commission des lois, la commission des finances et la commission des affaire sociales à présenter chacune quatre candidats, deux titulaires et deux suppléants. J'invite en outre la commission de la culture, la commission des affaires européennes, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable à présenter chacune deux candidats, un titulaire et un suppléant.
Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargé de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Journée du 19 mars (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Discussion des articles (Suite)
Article premier (Suite)
M. Gérard Longuet . - Je voterai contre cet article tout en mesurant, monsieur le rapporteur, que le débat sur la fin de la présence militaire française en Algérie, cinquante ans après, mérite du tact, de l'attention, de la compréhension et une réflexion approfondie. Cette proposition de loi y contribue.
Tout le monde connaît ma position. J'ai été sifflé à Perpignan devant le cercle algérianiste qui rassemble nos compatriotes d'origine pied noir pour avoir évoqué la réconciliation entre la France du général de Gaulle et l'Allemagne d'Adenauer. Il faut croire que j'étais en avance sur mon temps. J'apprécie, monsieur le ministre, que vous ayez rappelé le refus d'une repentance généralisée -seule la droite vous a applaudi.
Je comprends qu'hommage doit être rendu aux appelés du contingent, qui ont vécu le 19 mars comme la fin de l'inquiétude qu'ils nourrissaient pour leur avenir, tant la République avait du mal à régler le conflit. Rassembler dans un même texte Algérie, Tunisie et Maroc ne me semble, soit dit en passant, guère pertinent. Mais nous vous demandons de ne pas faire de cette date un événement pour le pays tout entier.
Ancien ministre de la défense, je sais que le 19 mars fut, pour les militaires, un déchirement entre respect de la discipline et respect de la parole donnée, au point que certains y ont sacrifié leur carrière. Si Pierre Messmer, ce formidable combattant de la liberté, eut un regret, ce fut celui d'avoir donné l'ordre d'abandonner ceux qui avaient accompagné l'armée française. En vérité, personne ne croyait alors que ce départ serait irréversible...
Notre pays est riche de sa diversité, de ses anciens combattants d'Afrique du nord, de ses pieds noirs qui ont réussi en métropole, riche du regard de nos compatriotes sur la formidable oeuvre accomplie par les uns et par les autres sur la terre d'Afrique, à commercer par la libération du 15 août 1944. Les Français d'origine algérienne aujourd'hui présents sur notre sol, aux côtés des pieds noirs, des anciens combattants sont nos frères, mais ils ont une autre histoire.
M. Jean-Louis Carrère. - Cela suffit ! Vous dépassez votre temps de parole !
M. Gérard Longuet. - je ne veux pas que le fossé se creuse entre eux. Au nom de la cohésion du pays, il faut refuser la date du 19 mars.
M. Jean-Louis Carrère. - Vous n'êtes plus ministre de la défense ! Respectez le temps de parole !
M. le président. - Sur des sujets aussi sensibles, nous ne pouvons procéder en expert-comptable...
M. Jacques Legendre . - Ce débat, nous l'évoquons tous avec passion et douleur. Le 19 mars, grâce à l'armistice, je ne suis pas parti ; la paix a évité à toute une génération de connaître les douleurs de l'engagement en Algérie. Je comprends que celle qui est partie veuille rappeler cette épreuve. Elle est représentée par de nombreuses associations. Certaines d'entre elles rendent hommage aux anciens combattants le 19 mars, d'autres non. Ce choix leur appartient. Mais ce que vous demandez aujourd'hui, c'est autre chose : la commémoration par la nation.
La France ne peut commémorer une défaite, qui fut diplomatique et non militaire. Nous n'aurions pu nous maintenir que par la force des armes.
M. Jean-Louis Carrère. - Quel rapport ?
M. Jacques Legendre. - Le général de Gaulle nous a engagés sur le chemin courageux de l'indépendance de l'Algérie, un chemin que nous avons suivi avec déchirement. Ce déchirement, faut-il le célébrer ? Fête-t-on le 23 juin 1940, lorsque les Français étaient sur les routes et nos armées dispersées ?
M. Guy Fischer. - 1940, c'était autre chose !
M. Jacques Legendre. - Laissons à cette génération le soin de fixer la date. Que la France ne retienne pas celle qui est choisie de l'autre côté de la Méditerranée comme celle de la victoire ! Mieux aurait valu faire l'économie de ce débat. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Néri, rapporteur . - Merci à M. Longuet d'avoir évoqué, pour la première fois depuis ce matin, les appelés et le contingent -30 000 morts, personne n'en a parlé ! (Protestations à droite)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Et M. Garrec ?
M. Alain Néri, rapporteur. - J'ai trouvé cruel, injuste, indigne qu'on n'évoque pas ces morts, ces blessés, ceux qui sont revenus traumatisés à vie, la douleur des mères qui voyaient partir leur gosse après avoir vu partir leur mari. Une première fois, la troisième génération du feu a répondu à l'appel de la nation tous les deux mois pour une guerre dont elle ne partageait pas les raisons ; elle y a répondu une deuxième fois pour sauver la République du putsch des généraux.
Monsieur Garrec, le 11 novembre, nous l'avons voté. En revanche, je refusais qu'il devienne un memorial day. Chaque conflit doit avoir sa date pour rappeler le sacrifice des générations précédentes. Le memorial day ne correspond pas à notre culture. Nous voulons le 11 novembre, le 8 mai, le 19 mars.
M. René Garrec. - Nous n'avons pas demandé un memorial day !
Mme Catherine Procaccia. - Tant que vous y êtes, un jour férié ! (Protestations sur les bancs socialistes)
M. Alain Néri, rapporteur. - Le 5 décembre n'a rien réglé. Que dire à nos petits-enfants quand ils nous interrogent sur le 5 décembre ? Ce n'est pas la fin de la guerre, comme le 11 novembre, ou la fin de la barbarie nazie, comme le 8 mai ; c'est un trou dans le calendrier du président de la République. Le 19 mars doit être un phare, diront les Bretons, ou un beffroi, pour les gens du Nord, autour duquel rassembler tous ceux qui ont cru et croient en la République. Ce sera la date du souvenir, du sanctuaire, du rassemblement et de la commémoration. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Carle et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. René Garrec. - Je n'ai aucune leçon de patriotisme ni d'histoire à recevoir. J'ai été appelé ; lors d'une opération en Algérie, tous mes camarades ont trouvé la mort ; j'en ai été le seul survivant. Mon frère et mes trois oncles ont été tués pendant la guerre de 1940.
Ce texte divisait il y a dix ans, il divise encore aujourd'hui. Il méritait, comme l'avait souhaité François Mitterrand, un consensus. Les blessures ne sont pas cicatrisées.
Le ministre s'était engagé à s'en remettre à la sagesse du Parlement ; quinze jours après, le texte est inscrit à l'ordre du jour réservé.
Par souci d'apaisement, nous retirons l'amendement n°2 rectifié.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
M. Michel Berson . - Nous voterons cet article premier car il faut partager une mémoire pour construire un avenir. Après François Mitterrand, que j'ai si souvent entendu citer ici, évoquons de Gaulle...
M. Roger Karoutchi. - Restons calmes !
M. Michel Berson. - Devant M. Lacouture, le grand homme s'agaçait d'être réduit à l'homme du 18 juin. Eh quoi ! disait-il. Et le 25 août 1944 ? Le 8 janvier 1959 ? Et le 19 mars 1962 qui mit un point final à la guerre ?
Personne ne conteste que des morts ont eu lieu après le 19 mars, que les blessures restent vives et les mémoires plurielles. A quoi se sont ajoutées les souffrances du déracinement et de l'exil des rapatriés et des harkis.
A nous, législateurs, de tourner cette page douloureuse de notre histoire, de retisser les liens de la fraternité entre tous ceux qui ont eu à souffrir des conditions de la décolonisation. Rien ne serait pire que d'opposer l'espoir d'une paix durable au sentiment d'abandon de ceux qui redoutaient les conséquences d'un désengagement de la France. Rien ne serait pire que d'opposer une mémoire à une autre, monde combattant et civils, soldats et appelés, Français d'Algérie et harkis ! Il nous appartient de retisser les fils de cette histoire éclatée autour du 19 mars en rendant hommage aux victimes militaires et civiles d'Algérie, de la Tunisie et du Maroc.
Nous voterons le message de paix et d'espoir de l'article premier. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Jacques Mirassou . - A ce stade du débat, constatons notre désaccord.
M. Henri de Raincourt. - Jusque-là, ça va !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Personne ne conteste le caractère historique de la date du 19 mars. La troisième génération du feu a incontestablement besoin d'une date mémorielle ; à défaut se trouverait dévaluée la valeur de son engagement, souvent aux meilleures années de la vie.
Ensuite, avec lucidité et sincérité, nous voulons apaiser esprits et consciences par la reconnaissance du 19 mars. De votre côté, cette cicatrice, vous ne semblez pas vouloir la refermer. Je ne m'explique pas pourquoi. Il y a peut-être là quelques arrière-pensées... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. David Assouline . - Quelques mots. Une date doit marquer la vie d'une nation. Et pour être forte, elle doit se raccrocher à un événement historique. Le 19 mars, c'est l'armistice ; le 5 décembre, c'est quoi ?
Cette dernière date ne résout d'ailleurs pas le problème des morts d'après. Ces victimes ne sont pas écartées par une date mais par le discours politique. En l'occurrence, il y a consensus. Je me suis battu pour qu'on reconnaisse ce que la France a fait en Algérie ; je me bats avec la même force pour faire reconnaître la singularité de la souffrance de toutes les victimes d'après le cessez-le-feu. Pour eux, il faut une date, sauf à les déposséder de cette singularité. Le combat doit continuer pour faire la vérité sur leur histoire, car tout n'a pas été dit, loin de là !
M. Guy Fischer . - Toutes les agglomérations françaises, à la fin de la guerre, ont dû faire face, avec les zones d'urbanisation prioritaire voulues par le général de Gaulle, au défi de l'urbanisation, de la réindustrialisation et de l'accueil conjoint des harkis et des pieds noirs.
M. Henri de Raincourt. - Dans les villages, aussi. Quarante familles chez moi !
M. Guy Fischer. - Nous avons été nombreux à militer pour le cessez-le-feu. Qu'il est difficile de parler sereinement de notre histoire coloniale et de sa fin ! A vous entendre, on croirait que la guerre d'Algérie n'est pas terminée ... J'avais porté le combat contre l'article 4 de la loi de février 2005 qui louait « l'oeuvre civilisatrice » de la France. Mettons un terme à ce débat en donnant une date à la troisième génération du feu : le 19 mars.
M. Jacky Le Menn . - J'ai raconté mon histoire devant la commission des affaires sociales. Le 9 octobre 1958, j'ai rejoint l'armée française ; très vite, j'ai compris que ce n'était pas du maintien de l'ordre mais une guerre, avec ses horreurs de part et d'autre.
Alors, le 9 octobre 1961, après 1 095 jours de ma jeunesse, après avoir vu tant de camarades tombés et d'Algériens tués, je ne désirais qu'une chose : que ça s'arrête. Lorsque l'armistice a été annoncé le 19 mars, j'ai ressenti non de l'humiliation mais un grand soulagement et une grande joie. (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe socialiste, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 181 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté.
Article 2
M. Jean-François Humbert . - La question de la mémoire est délicate pour un parlementaire, on l'a encore vu aujourd'hui, parce que l'histoire est abordée à l'aune de telle ou telle histoire individuelle, sous le regard de telle ou telle organisation.
Nous constatons tous que les cérémonies devant nos monuments aux morts sont peu fréquentées, notamment par les jeunes générations. Pourtant, le devoir de mémoire, la transmission de notre patrimoine historique et de nos valeurs font partie de notre socle républicain. La force des commémorations républicaines tient à leur capacité de rassemblement des générations.
Et nous nous déchirons autour d'une date. Le rôle d'un parlementaire n'est pas de réécrire l'histoire, je le dis en tant que membre de la commission de la culture. Mon souci est d'abord d'apprendre aux jeunes l'histoire, ses affres, sa réalité et ses malheurs, la chance qu'ils ont de vivre en paix. Je le dis d'autant plus facilement qu'en 1962, j'étais en CM2...
Pour la mémoire, faut-il voter cette proposition de loi clivante exhumée après avoir été votée il y a dix ans et huit mois par une assemblée nationale entièrement renouvelée deux fois depuis lors ? Faut-il vraiment faire rejaillir des toutes ces douleurs ? N'aurait-il pas fallu recevoir toutes les associations représentatives de l'ensemble du monde combattant ?
M. Philippe Bas. - Bien sûr !
M. Jean-François Humbert. - Peut-on ignorer la loi de 2003, qui est source d'apaisement et de sérénité ? Notre rôle d'élus est de rassembler autour de symboles républicains et d'événements fédérateurs à l'heure où la jeunesse est en manque de repères et où le communautarisme et l'extrémisme progressent.
Le président François Mitterrand craignait, avec raison, que le 19 mars ne jette la « confusion dans la mémoire de notre peuple ». (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Roger Karoutchi. - On applaudit Mitterrand maintenant !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945 marquent la fin effective de deux terribles conflits. Le 19 mars est la date de l'arrêt unilatéral des combats -et aussi celle de l'intensification des exactions du FLN contre les populations civiles et les militaires français. Choisir le 19 mars, c'est considérer que le conflit était alors achevé ; c'est une injure faite à la mémoire de tous ceux pour qui les accords d'Évian ont signifié le début des massacres. Entre 1962 et 1964, plus de 500 soldats français sont morts ; 80 % des victimes civiles, harkis et pieds noirs, ont péri après le 19 mars.
Le travail des historiens doit se poursuivre. Cette date du 19 mars ne vaut que pour l'Algérie, pas pour la Tunisie, ni pour le Maroc, ni pour l'Indochine. Le massacre d'Oran eut lieu après le 19 mars.
Gérard Longuet, lorsqu'il était ministre de la défense...
M. Jean-Louis Carrère. - Il ne lui reste plus de temps de parole.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - ...expliquait que la date du 5 décembre ne clivait pas.
Cette proposition de loi tente une nouvelle fois de nous enfermer dans une polémique et une repentance excessive au lieu de faire prévaloir une mémoire apaisée. La troisième génération du feu a servi la nation, au même titre que celles de 1914-1918 et 1939-1945. Pourquoi ne pas les réunir en une même date ? Instaurer une nouvelle date commémorative, indépendante ou chômée, reviendrait à lui accorder une moindre valeur. (Protestations à gauche)
M. Guy Fischer. - C'est tordre le bâton !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je rappelle le refus de la date du 19 mars par une commission regroupant les principales associations, présidée par l'historien Jean Favier. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Le monde des anciens combattants est bouleversé par l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour avec quelques jours d'avance.
Monsieur Néri, les appelés, le contingent, nous ne les oublions pas !
Mon mari a fait trente-six mois trente-six jours. Parti en 1958, il est rentré en 1961. Un habitant de mon village y a laissé la vie. Son nom figure sur le monument aux morts, pas derrière, mais bien devant.
En exhumant cette proposition de loi, dix ans après, vous niez tout ce qui a été accompli depuis en matière de commémoration.
M. Jean-Louis Carrère. - Ce n'est pas original !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - ...mais vrai :
Cette proposition de loi relance un débat sur une date qui est loin de faire l'unanimité. Elle est synonyme de douleurs et de drames. Ne semons pas le trouble dans les consciences. Une majorité de Français en ont assez de ces lois mémorielles et de cette repentance permanente. Unissez les Français au lieu de les diviser !
M. Jean-Louis Carrère. - Il fallait le dire à Chirac !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Après cette date, la guerre a continué avec ses atrocités, faisant tant de victimes chez les harkis comme chez nos compatriotes d'Algérie. Le 19 mars ne fut pas synonyme de paix en Algérie.
L'article 2 précise que cette journée ne sera ni fériée ni chômée. Avec qui se fera-t-elle ? (Protestations sur les bancs socialistes) Nous avons encore du monde le 11 novembre parce que c'est un jour férié.
M. Jean-Louis Carrère. - Elle dépasse son temps de parole !
M. le président. - Parce qu'elle est interrompue ! Poursuivez, madame.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Une telle loi mémorielle serait légale mais inopportune. Seule une mémoire partagée oeuvrerait en faveur de la cohésion sociale ! (Applaudissements à droite)
Mlle Sophie Joissains . - ...
M. Jean-Louis Carrère. - Ha ! Ha !
Mlle Sophie Joissains. - Les conclusions des entretiens d'Évian portent le nom de déclaration, sans valeur juridique reconnue au plan international. Le cessez-le-feu fut mis en oeuvre par le gouvernement français qui l'imposa à ses troupes. Les combattants du FLN ont continué de massacrer ceux que la France avait désarmés. 3 000 pieds noirs ont été enlevés et n'ont jamais été retrouvés. C'est dire le déchaînement de violence qui a suivi cette date. 386 militaires français ont été recensés par le ministère de la défense comme ayant trouvé la mort après le 19 mars 1962. Quelle paix ! Ce fut un déchaînement de violence où le cynisme l'a disputé à l'horreur.
Mlle Sophie Joissains. - Aucun président de la République, François Mitterrand compris...
M. Jean-Louis Carrère. - Ça ne vous écorche pas la bouche de prononcer son nom ?
Mlle Sophie Joissains. - Pas sur ce sujet ! ...n'a voulu commémorer cette date.
Le 7 mars 2012, nous avons voté à l'unanimité la proposition de loi présentée par Raymond Couderc. Doit-on réveiller à présent des conflits malsains pour la cohésion nationale ?
M. Jean-Louis Carrère. - Ha ! Ha !
Mlle Sophie Joissains. - Nous devons rassembler nos concitoyens. La date du 19 mars n'est pas une date d'armistice mais la date de départ d'une guerre civile meurtrière...
M. Jean-Louis Carrère. - C'est fini !
Mlle Sophie Joissains. - Ne m'interrompez pas !
M. Jean-Louis Carrère. - Rappelez-vous comment vous avez interrompu Fabius cinquante fois lorsqu'il lisait la déclaration de politique générale.
Mlle Sophie Joissains. - Oui parce qu'il a été l'acteur d'un scandale sanitaire.
M. Alain Néri, rapporteur. - C'est honteux et hors sujet !
M. David Assouline. - Il y a eu une décision de justice.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Rappel au Règlement ! Ou bien vous retirez ce que vous venez dire à l'encontre de M. l'ancien Premier ministre, ou bien nous quittons la séance.
M. David Assouline. - C'est honteux, en effet.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je demande au groupe UMP si vos propos engagent votre groupe.
Mlle Sophie Joissains. - Ils n'engagent que moi ! Le groupe UMP n'y est pour rien ! Je dis ce que je pense.
M. le président. - L'incident est clos.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Voire !
Mme Christiane Kammermann . - Je regrette le climat de ce débat.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est original !
Mme Christiane Kammermann. - Merci ! Un sujet aussi sensible suscite des réactions épidermiques.
La date du 19 mars reste chez beaucoup de militaires et de rapatriés un traumatisme.
Notre devoir est de rassembler nos concitoyens dans la sérénité. Je rends hommage à toutes les associations d'anciens combattants qui transmettent quotidiennement notre patrimoine mémoriel aux jeunes qui ont plus que jamais besoins de repères.
Pourquoi ajouter des troubles et des clivages ? J'ai vécu à Beyrouth la guerre du Liban. Soyons vigilants face à l'évocation du passé. A quoi aboutirons-nous ? Que se passera-t-il devant les monuments aux morts ?
Monsieur le ministre, vous avez déclaré ne pas vouloir faire de distinction entre les générations du feu. Fort bien, mais pourquoi céder aux exigences de reconnaissance de votre homologue algérien ? Quel manque de responsabilité, au plus haut niveau de l'État !
M. Jean-Louis Carrère. - Oh !
Mme Christiane Kammermann. - Le vent des printemps arabes souffle encore au Maghreb. En Algérie, la succession du président Bouteflika est ouverte.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'il ne fallait pas raviver les tensions. Que faisons-nous ici alors ?
M. Jean-Louis Carrère. - On vote !
Mme Christiane Kammermann. - Il s'agit de trouver de nouvelles synergies entre nos deux pays plutôt que d'entretenir les rancoeurs par la repentance. (Applaudissements à droite)
M. Gaëtan Gorce . - J'ai été frappé par l'appel au consensus, à droite, que contredisent vos propos, votre perte de sang-froid dans le cas de Mme Joissains. Vous parlez de la guerre d'Algérie comme si vous regrettiez l'époque où la France pensait construire son avenir sur la colonisation et l'oppression d'un peuple. Le 11 novembre marque la fin d'une guerre qui a saigné les peuples d'Europe ; le 19 mars ne fut ni une victoire ni une défaite, mais une décision courageuse, approuvée par la représentation nationale qui a mis fin à un conflit choquant et sans issue. Nous avons libéré des peuples de l'emprise coloniale
Je vois peu à peu s'éloigner de nous la mémoire du gaullisme de la Résistance pour voir croître une mémoire de la revanche, qui distingue entre les nations, pour distiller l'idéologie de la haine et de l'affrontement. Je vous mets en garde ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François-Noël Buffet . - J'ai du mal à accepter ce qu'a dit M. Mirassou, qui a laissé entendre que la lucidité et l'intelligence étaient l'apanage de son côté de l'hémicycle.
M. Jean-Jacques Mirassou. - C'est une extrapolation !
M. François-Noël Buffet. - Quant à ce que vient de déclarer M. Gorce, c'est hors sujet. Je suis maire d'une commune où il y a un square du 19 mars. Je vais à toutes les manifestations. Le 11 novembre est toujours un succès dans ma commune. Tous les anciens combattants viennent. Il y a moins de monde le 19 mars. Les anciens combattants, volontaires ou pas, portent un regard différent sur la façon dont se sont déroulés ces événements. J'ai toujours veillé à ce que la commémoration ait lieu dans l'unité.
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien !
M. François-Noël Buffet. - Choisir une date, c'est engager la nation, alors qu'une partie de ceux qui ont participé à ces événements sont divisés. Notre responsabilité est d'assurer l'unité nécessaire. En forçant le passage...
M. Jean-Louis Carrère. - C'est la démocratie !
M. François-Noël Buffet. - Vous semez la discorde, je le regrette.
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
M. Christian Cointat . - Ce débat me laisse un goût amer. Pour moi, le devoir de mémoire est celui de la nation tout entière, dans la sérénité et le calme. « Le véritable tombeau des morts est dans le coeur des vivants » : l'hommage à ceux qui sont morts ne peut être rendu que si l'on a le coeur serein. Ce ne sera pas le cas avec ce texte...
M. Jean-Louis Carrère. - C'est la démocratie !
M. Christian Cointat. - Non ! La démocratie, c'est une voix de plus ; l'hommage aux morts ne peut être rendu par une partie de la France ; c'est toute la nation qui doit le faire!
Tous les arguments de droite et de gauche comportent des éléments pertinents. Mais le problème, c'est l'unité, qui fait ici défaut. Quand bien même la date du 19mars serait légitime, elle crée des conflits. Ce n'est pas convenable. Pour cette seule raison, je voterai contre cet article.
M. Jean-Louis Carrère. - Parlementaire depuis de nombreuses années, je préside une commission ; je n'ai pas d'attachement plus fort que celui qui me lie à la démocratie, au suffrage universel, au vote. Ce débat que vous avez qualifié de pertinent sera sanctionné par un vote ; il est représentatif de la démocratie.
M. Philippe Bas . - Qui conteste votre conception de la démocratie ? Nous la partageons tous ! Mais vous n'avez eu de cesse de proclamer que le 19 mars était une date consensuelle qui rassemblerait les Français alors que c'est faux. Il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions pour que la réalité s'y plie. Vous n'effacerez pas cette division autour de la date du 19 mars en votant cette loi.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est rhétorique !
M. Philippe Bas. - Le 19 mars est une date de division et non de rassemblement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)
A la demande des groupes socialiste et CRC, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 181 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté.
Mise au point au sujet d'un vote
Mme Hélène Lipietz. - Mme Leila Aïchi s'est abstenue sur l'article premier et M. Jean-Vincent Placé a voté pour.
Interventions sur l'ensemble
M. Robert Tropeano . - Grâce à la ténacité de plusieurs familles politiques, dont celle des radicaux de gauche, l'Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi en 2002. Aujourd'hui, au Sénat, nous sommes face à nos responsabilités : localement, nous avons déjà choisi la date du 19 mars, dans de nombreuses communes, pour commémorer le cessez-le-feu.
Oui, des atrocités ont suivi cette date. Personne ne souhaite oublier les blessures indélébiles infligées aux rapatriés et aux harkis. L'Algérie était, pour les premiers, la terre natale ; pour les seconds, la terre ancestrale. La France leur doit un respect éternel. Désormais, il faut avancer vers la réconciliation nationale. C'est l'objectif tacite de cette proposition de loi. Tous les anciens combattants marqués dans leur chair et dans leur coeur attendent cette réconciliation que nous devons aussi aux jeunes générations et à l'Histoire, ainsi qu'à l'Algérie contemporaine. C'est le voeu de la réconciliation qu'a exprimé François Hollande à Dakar, comme l'avait fait François Mitterrand, en 1981, à Alger.
En 1999, nous avons rendu son nom à la guerre. Rendons à toutes les victimes une mémoire dépouillée de tous les traumatismes. C'est grâce aux appelés du contingent et au général de Gaulle que le putsch d'Alger n'a pas abouti. J'étais de ces appelés, qui ont sauvé les institutions républicaines.
Le groupe du RDSE votera majoritairement cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Hélène Lipietz . - Ce texte a pour seul objet de rendre un hommage, il ne se substitue pas à celui du 5 décembre, qui seul a droit aujourd'hui au drapeau, au préfet ou à la préfète ; en un mot au décorum. Désormais, il y aura aussi le 19 mars. Cette proposition de loi n'encombrera pas notre calendrier historique, déjà plein de guerres gagnées ou perdues. Suffit-il de 365 jours pour 1 300 d'histoire ? Nous n'aurons jamais assez de jours pour rappeler avec le poète Prévert « Quelle connerie la guerre ! ».
Je voterai cette proposition de loi avec onze sénateurs écologistes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François-Noël Buffet . - Les positions n'ont guère évolué pendant ce débat. Le groupe UMP votera contre ce texte, à l'exception de quelques collègues. Il demeure fondamental de rassembler nos concitoyens autour du souvenir de toutes les générations du feu de 1918 à nos jours.
M. Jean-Jacques Mirassou . - Nous avons eu un débat passionné, passionnel, de bonne tenue, à quelques exceptions près. Le 19 mars est une date incontournable pour la troisième génération du feu. Il y a ceux qui s'apprêtent à voter ce texte, avec sincérité ; il y a aussi une forme de nostalgie ambiguë chez certains. Nous, nous faisons le pari de l'avenir. Dès que cette date sera inscrite dans le patrimoine mémoriel de notre pays, la pédagogie jouera son rôle auprès des jeunes générations. (Applaudissements)
M. Guy Fischer . - N'opposons pas le 5 décembre, le 11 novembre et le 19 mars ! La première date est une imposture, due au hasard de l'agenda d'un président de la République. Toutes les victimes civiles et militaires méritent une date ayant un lien avec ce qu'elles ont vécu. Laissons le 11 novembre aux héros et victimes de la Grande guerre ! Le précédent gouvernement nous fit voter à la hâte un projet de loi prémédité pour faire obstacle au 19 mars et en venir à une date unique de commémoration de toutes les guerres et à une version aseptisée de l'histoire.
Cette proposition de loi ne prétend en aucun cas instaurer une hiérarchie entre les victimes. Cette guerre aura fait 25 000 morts et 65 000 blessés dans les rangs de l'armée française, plusieurs dizaines de milliers de morts chez les harkis, 150 000 dans les rangs du FLN et des milliers de victimes civiles. Je souhaite évoquer les victimes de l'OAS, et en particulier le commissaire d'Alger, Roger Gavoury, assassiné le 31 mai 1961, dont le fils, présent dans nos tribunes, se bat pour que soit reconnu le tribut payé à l'OAS par les forces de l'ordre et pour que les revanchards et nostalgiques de l'Algérie française ne récrivent pas l'histoire et n'érigent pas des mausolées aux bourreaux.
La mémoire a besoin d'un point d'ancrage. Des deux côtés, des exactions furent commises après le 19 mars 1962. De même, après le 11 novembre 1918 et le 8 mai 1945, il y eut des victimes à déplorer.
Oui, le 19 mars est, qu'on le veuille ou non, la date que l'Histoire légitime. Elle est celle de la troisième génération du feu. Nous voterons ce texte, identique à ceux que nous avons si souvent déposés. (Applaudissements à gauche)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Notre devoir de parlementaires est de maintenir la cohésion nationale, non de créer artificiellement des tensions et des polémiques.
Trop de soupçons pèsent sur cette procédure législative. Nous saisirons le juge constitutionnel. En privant l'Assemblée nationale du débat, vous privez ce texte de légitimité, ce texte dont vous dites qu'il est pourtant capital. « Le brouillage démocratique affaiblit la cohérence politique de nos institutions », avait dit un ministre lors d'un précédent débat. Ne faisons pas de la mémoire l'alpha et l'oméga de notre relation bilatérale à l'Algérie, entachée de sang jusqu'au massacre des moines de Tibéhirine en 1996. Elle doit se tourner vers l'avenir et le nécessaire partenariat stratégique. Monsieur le ministre délégué, votre déclaration sur le refus de la repentance m'a frappée ; je la salue. Elle a été applaudie de ce côté-ci de l'hémicycle. Lutterons-nous mieux contre Al-Qaïda au Maghreb islamique et la sécurité au Sahel avec ce texte ? Ne faut-il pas plutôt répondre aux demandes des associations des anciens combattants ?
M. Alain Néri, rapporteur. - Qu'avez-vous fait ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Réfléchissez en votre âme et conscience avant de voter, pour la sérénité de notre pays et la mémoire de toutes ces victimes ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Leila Aïchi . - Peut-on légiférer sur la mémoire ? Ce débat pose question. Le pouvoir ne doit jamais dicter l'histoire, fût-ce pour des raisons louables. Cela pourrait nous mener à un certain relativisme historique.
Certes, il faut comprendre le passé pour créer une mémoire collective et le vivre ensemble. La période de 1830 à 1962 est encore pomme de discorde entre la France et l'Algérie ; n'en rajoutons pas à l'heure actuelle où nous devons construire un partenariat stratégique avec les pays méditerranés et lutter avec eux pour la sécurité dans le Sahel.
Ne confondons pas mémoire individuelle, subjective par nature et faite d'émotions, avec l'histoire, une discipline qui vise à l'objectivité scientifique et relève de la rationalité. En tant que personne, j'ai le plus grand respect pour la mémoire de chacun ; en tant qu'élue de la nation, je suis opposée à toute instrumentalisation de l'histoire.
Sans douter de la sincérité de notre rapporteur, il est douteux de placer sous la même date du 19 mars les combats d'Algérie, de Maroc et de Tunisie. Et pourquoi pas ceux d'Indochine ? Ce qui me gêne le plus, c'est l'indifférenciation entre les victimes civiles et militaires. Il est illégitime de mettre sur un pied d'égalité acteurs civils et militaires, qui constitueraient une masse indiscriminée. Peut-on décemment comparer d'une part les morts de l'OAS et d'autre part les pertes civiles, les combattants du FLN, les jeunes hommes du contingent tombés pour une cause détestable ?
Sereinement, sans tomber dans la vulgarité de certains à droite, et après mûre réflexion, je m'abstiendrai. Je ne rendrai pas, moi, hommage au général Bigeard. « En politique, il faut guérir les maux, jamais les venger ». Ce que la jeunesse attend, c'est une France audacieuse, qui assume son passé et, surtout, qui regarde vers l'avenir ! (Applaudissements sur quelques bancs UMP)
A la demande des groupes socialiste et CRC, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 181 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche)
M. Alain Néri, rapporteur. - Voilà, au bout d'un long cheminement, le 19 mars fixé comme date pour se souvenir de toutes les victimes de la guerre d'Algérie. Il aura fallu cinquante ans pour que la nation, la République, la France reconnaissent la troisième génération du feu. Elle qui naquit durant la guerre, souffrit des privations, connut un père à 5 ans -dans le meilleur des cas. A ceux qui ont eu 20 ans dans les Aurès, aux harkis honteusement abandonnés, à ceux qui ont dû quitter la terre qui les a vus naître, à ceux qui sont morts pour la République, à tous, nous devons rendre hommage.
M. Kader Arif, ministre délégué. - Sans interférer dans ce débat passionné, je prends acte de ce vote et vous remercie pour la qualité des échanges, malgré la délicatesse de ce sujet mémoriel. Merci à M. Valls pour sa présence et sa patience !
Droit au séjour (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées (procédure accélérée).
Discussion générale
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - Parler d'immigration, c'est aussi parler de la France, de son histoire, y compris celle des pages douloureuses, comme vous venez de le faire. Les migrations et les déplacements ne sont pas une nouveauté de cette terre mondialisée. Ce serait une vue courte de le croire quand la France, depuis le XIXe siècle, accueille successivement des Allemands, des Belges, des Italiens, des Espagnols, puis des Portugais, des Algériens, des Marocains, des Tunisiens, des réfugiés d'Amérique latine fuyant les dictatures, des Chinois, des Sénégalais, des Maliens... J'arrête là la liste. Cette immigration fait notre richesse, notre génie. C'est sur cette vieille terre chrétienne que s'est enracinée la tradition juive, sur cette terre catholique que le protestantisme a été reconnu en 1791 après les déchirements des guerres de religion, sur cette terre républicaine et laïque que l'islam, devenu la deuxième religion du pays, trouve progressivement sa place. Oui, faire nation, c'est-à-dire, pour reprendre la formule de Jean Jaurès, être cette « communauté des affections qui nous empêche de retomber dans l'étroitesse des égoïsmes ».
L'immigration, hélas, a été instrumentalisée ces dernières années. Elle est un apport, qui doit être préparé, maîtrisé, régulé et encadré avec apaisement et réalisme, avec fermeté mais sans stigmatiser. La phrase de Michel Rocard conserve toute son actualité, pourvu qu'on en entende aussi le deuxième volet : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ». La France ne sera forte qu'en étant elle-même.
M. Richard Yung. - Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. - La circulaire du 31 mai 2011 empêchait l'accès à l'emploi des étudiants étrangers. Quel tort fait à la France ! Quel non sens que refuser à des personnes hautement qualifiées d'enrichir la France de leur travail ! Avec M. Sapin et Mme Fioraso, nous avons rectifié cette circulaire le 31 mai de cette année pour favoriser le changement de statut pour les étudiants les plus méritants.
Par la circulaire du 6 juillet 2012, l'assignation à résidence est désormais la norme pour les familles pour qu'il n'y ait plus d'enfants en centre de rétention. Pris à la suite des décisions de la Cour de Luxembourg, l'arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet interdit la garde à vue pour séjour irrégulier. Ce progrès en matière de libertés publiques, dont le moteur est l'existence de valeurs et de normes communes en Europe, appelle toutefois des évolutions pour assurer l'efficacité de notre politique d'éloignement. C'est la première raison d'être de ce projet de loi.
Accueil, intégration, assimilation, naturalisation appartiennent à notre tradition républicaine, tout comme l'aide désintéressée qui peut être apportée à des personnes dans le besoin, sans considération de la régularité ou non de leur séjour en France. C'est la seconde raison d'être de ce projet de loi.
Nous voulons apaiser la question de l'immigration et nous réinscrire dans notre tradition républicaine. Nous aurons, au début 2013, un débat sur l'immigration, comme nous prendrons prochainement, dans la concertation, la circulaire sur l'admission exceptionnelle au séjour. Je le dis avec fermeté : il n'y aura pas de régularisation massive comme en 1981 et 1997.
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. - Il n'y aura pas, durant le quinquennat d'augmentation du nombre de régularisations par rapport à la législature précédente. En revanche, et la différence est de taille, celles qui auront lieu seront fondées sur des critères transparents et objectifs, et non arbitraires. Nous devons la vérité aux Français : la régularisation, dans la situation économique qui est la nôtre, sera l'exception. La pauvreté augmente en France, le Secours catholique nous l'a rappelé dans un rapport alarmant, et les étrangers en sont les premières victimes. L'esprit de la France, c'est d'accueillir dignement, d'offrir les meilleures conditions de logement, d'éducation, d'emploi. Or même nos dispositifs d'hébergement d'urgence sont saturés. Nous devons la vérité aux Français. Chacun doit regarder la réalité en face et agir avec responsabilité, sans céder aux raccourcis qui nuisent à l'unité de la nation.
Nous devons accueillir les étrangers dans des conditions dignes dans les préfectures, j'y veillerai. Je lancerai une réflexion sur le séjour des étrangers malades. Au premier semestre 2013, je défendrai un projet de loi créant un titre intermédiaire de trois ans pour simplifier les démarches administratives, coûteuses en temps et en énergie, et réduire l'incertitude liée au renouvellement de certains titres de séjour.
La France, terre d'immigration, terre d'accueil, est aussi une terre de refuge. Je ne confonds pas immigration et asile.
M. Jean-Jacques Hyest. - Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. - L'Ofpra se renforcera de dix officiers de protection pour ramener le délai de traitement des demandes à neuf-dix mois, de l'examen par l'Office à la CNDA.
Je ne laisserai personne caricaturer ce débat. Je suis le ministre de la sécurité mais aussi celui des grandes libertés publiques. Respect des droits de chacun et application ferme des règles : tels sont les deux piliers de ma politique en la matière. Avec ce texte, nous tirons les conséquences des arrêts de la Cour de cassation du 5 juillet 2012, qui s'appuyaient sur une interprétation de la directive « Retour » de 2008 rendue par la Cour de justice de l'Union européenne en décembre 2011. Depuis lors, la garde à vue est interdite pour la vérification du droit de séjour. Les policiers ne disposent que des quatre heures de la procédure de vérification d'identité. De là la création de la procédure de vérification du droit au séjour de situation dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de seize heures. Cette mesure sera accompagnée de toutes les garanties nécessaires : droit à l'examen par un médecin, droit à un interprète, droit à un avocat, droit à l'aide juridictionnelle, droit de contacter toute personne de son choix.
La durée de cette procédure, placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, s'imputera sur la procédure de vérification d'identité qui suivra éventuellement. Idem pour la garde à vue. Seize heures, c'est peu pour un examen sérieux du droit au séjour. Dans ce délai restreint, il faudra répondre à pas moins de cinq questions, dont celle de l'éloignement avec ou sans délai, d'une éventuelle assignation à résidence ou encore d'un placement en rétention.
Une rétention, c'est aussi une privation de liberté. Votre commission des lois a renforcé les droits du retenu, je l'en remercie. En revanche, introduire, comme vous le proposez, un seuil de dix heures, qui pourrait être prolongé de six heures après information du procureur de la République, ne ferait que compliquer les choses.
M. Jean-Jacques Hyest. - Absolument !
M. François-Noël Buffet. - Bien sûr !
M. Manuel Valls, ministre. - Je demanderai sa suppression. La nouvelle procédure sera un progrès par rapport à la garde à vue de vingt quatre heures.
Avec ce texte, le Gouvernement entend combattre l'immigration illégale et ceux qui l'exploitent pour en tirer profit, commettant ainsi un acte grave et délictueux.
M. Christian Cambon. - Oui.
M. Manuel Valls, ministre. - A l'occasion de ce texte, d'autres questions apparaissent, comme celle des recours contre la mesure d'éloignement. En 2011, l'intervention du juge judiciaire a été repoussée au cinquième jour de la rétention, il intervient désormais après le juge administratif. Cela mérite une réflexion approfondie. Je souhaite, en accord avec le Premier ministre, confier une mission à un parlementaire, qui portera aussi sur les aspects pratiques, notamment l'accueil des étrangers en préfecture.
Pour finir, le délit de solidarité. Certes, il est peu appliqué...
M. Richard Yung. - A Sangatte !
M. Manuel Valls, ministre. - ...mais il pesait comme une épée de Damoclès sur les gens qui apportent une aide de bonne foi, les confondant avec les gens sans foi ni loi qui exploitent la misère. Le gouvernement précédent avait apporté une réponse partielle aux demandes des associations qui oeuvrent partout sur le territoire pour faire vivre concrètement un idéal d'entraide et de solidarité, pas seulement dans le Nord-Pas-de-Calais. L'immunité sera étendue à la belle-famille de l'étranger.
L'immigration ne doit pas reposer sur l'arbitraire. Je veux trouver un chemin sincère, sans naïveté, entre ceux qui souhaitent une immigration zéro et ceux qui défendent l'accueil de tous. Nous avons besoin d'un autre débat sur l'immigration. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois, en remplacement de M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois . - Seul le calendrier modifié de nos travaux m'amène à remplacer le président de la commission et son rapporteur, qui nous rejoindront à la reprise.
Ce texte, sans bouleverser la législation du droit au séjour, comble un vide juridique après les arrêts de la Cour de cassation ; il revient sur le honteux délit de solidarité. C'est dire qu'il n'est pas anodin !
Le gouvernement précédent n'avait pas toujours résisté, c'est un euphémisme, à la tentation d'instrumentaliser l'immigration. Celui-ci doit créer une procédure de vérification de situation had oc, après les arrêts de la Cour de Luxembourg et de la Cour de cassation.
Cette mesure constituera un progrès par rapport à la procédure de vérification d'identité. Hélas, monsieur le ministre, à vous qui aimez citer Jean Jaurès, je rappellerai qu'entre l'idéal et le réel, il y a loin. Votre procédure est idéale sur le papier...
Fallait-il supprimer le délit de séjour irrégulier ? Ce serait priver l'État de moyens de poursuivre un étranger qui se maintient sur le territoire malgré les mesures administratives prises à son encontre. Fallait-il supprimer le délit de solidarité ou élargir les immunités pénales ? Sur ce point, la commission vous a suivi.
Ce texte soulève d'autres questions. Entre autres, celle du contrôle au faciès qui reste ouverte à l'article 611-1. Monsieur le ministre, nous sommes sensibles à votre volonté de concilier l'efficacité de la loi et le droit des personnes. Cet équilibre est difficile à trouver ; vous le cherchez. Nous rediscuterons néanmoins ce soir du seuil des dix heures à l'article 2...
Mme Laurence Cohen . - Depuis 2002, de nombreuses lois ont été adoptées par les gouvernements successifs de droite pour restreindre toujours plus les droits des étrangers, alimentant la rhétorique de l'étranger fraudeur. Nous espérions légitimement d'un gouvernement de gauche une rupture, autre chose que ce texte minimaliste.
Premier désenchantement : ce projet de loi continue à criminaliser les migrants, à stigmatiser les étrangers en délinquants. Loin de profiter de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour en finir avec le délit de séjour irrégulier, vous créez un délit de remplacement, celui de maintien sur le territoire « lorsque les mesures propres à permettre l'exécution de l'éloignement ont été effectivement mises en oeuvre ». La justice européenne n'interdit ni n'impose de sanction pénale dans cette situation. Nous optons pour une abrogation pure et simple du délit de séjour irrégulier. Même en dépénalisant le séjour, il sera toujours possible de condamner pour entrée irrégulière, contrairement à ce que prétend l'étude d'impact.
Tel est le droit pénal des étrangers, que ce texte enrichit d'un nouveau et inutile dispositif d'exception. Le choix du Ceseda plutôt que du code de procédure pénale est symptomatique. L'article 2 crée une sorte de garde à vue bis, une retenue par officier de police judiciaire de seize heures après simple notification au procureur de la République -tout cela pour pallier le manque de moyens des préfectures. Après la garde à vue de confort, voici la retenue de confort, régime de privation de liberté sans contrôle du juge judiciaire.
Le Conseil constitutionnel, sur saisine des socialistes, a validé le dispositif, dans lequel l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) est tardive. La plupart des étrangers sont éloignés avant qu'il intervienne. Or ce contrôle judiciaire est essentiel. Depuis la réforme de l'été 2011, ce sont 25 % des personnes concernées qui sont éloignées dans les cinq premiers jours, sans que le JLD n'intervienne. Contrairement à ce que dit l'étude d'impact, le JLD ne vérifie pas dans tous les cas si la privation de liberté est régulière et nécessaire. L'affaiblissement, voire l'absence de contrôle judiciaire, est impropre à assurer un plus grand respect des droits par la police et l'administration. Il faut y remédier par le retour du JLD à quarante-huit heures. Le dispositif proposé ressemble fort à la garde à vue d'avant 2011, sauf qu'il est utilisé à l'encontre de personnes qui n'ont commis aucune infraction.
Autre désenchantement : ce projet fait une interprétation a minima des arrêts de la CJUE et de la Cour de cassation ; en oubliant de garantir des droits essentiels, il expose la France à de nouvelles condamnations.
L'article 8 ne va pas jusqu'au bout de sa logique. Il risque d'exposer certaines personnes portant assistance à des étrangers en situation irrégulière à des poursuites. Le délit de solidarité n'est pas totalement supprimé. La solution la plus simple aurait été de faire de l'immunité le principe et l'infraction, l'exception.
L'article 7 perpétue la possibilité de prononcer une interdiction judiciaire du territoire. L'article premier prévoit seulement un encadrement des contrôles aux frontières, parti insatisfaisant au regard des principes de non discrimination et de prohibition des contrôles au faciès. Il faut supprimer l'alinéa 1 de l'article L. 611-1 du Ceseda.
La machine à expulser mise en place par le gouvernement précédent est loin d'être grippée. Les dégâts causés par cinq ans de sarkozysme auraient dû conduire à réviser les priorités, à rompre avec les abus de la politique du chiffre et à garantir les libertés fondamentales de toutes les personnes présentes sur notre territoire. Seule la dépénalisation des infractions à la législation sur les étrangers peut contribuer à la reconstruction d'une politique d'immigration respectueuse des droits de chacun. Point n'est besoin d'attendre une réforme du Ceseda. Mais la procédure accélérée ne nous donne pas le temps de mener le travail nécessaire.
Nous continuerons à lutter avec les associations pour les droits des étrangers. Le vote du groupe CRC est suspendu à l'évolution du texte.
M. Hervé Marseille . - Nous sommes réunis pour combler un vide juridique qui n'est pas sans conséquence sur l'activité des services de police et de gendarmerie, après les arrêts de la CJUE et de la Cour de cassation. La garde à vue était, jusqu'à il y a peu, la principale procédure qu'utilisaient les services afin de retenir les étrangers pour faire le point de leur situation.
Le Gouvernement nous propose de créer une nouvelle mesure de retenue administrative qui répond à des nécessités juridiques et opérationnelles, les dispositions relatives à la vérification d'identité de l'article 78-3 du code de procédure pénale étant inadaptée. Grâce à cette nouvelle procédure, un OPJ pourra retenir un étranger le temps strictement nécessaire à l'établissement de sa situation, et au maximum pendant seize heures ; le procureur sera informé dès le début de la procédure et pourra y mettre fin à tout moment. M. Gorce a suggéré de limiter la rétention à dix heures, prorogeable de six heures. Il vaut mieux, selon nous, s'en tenir au délai de seize heures. Le système complexe de la commission serait source de contentieux.
La restriction du champ du délit de solidarité ne doit pas faire oublier la nécessité de réprimer les réseaux et les trafics. Il ne faut pas faire l'amalgame entre les passeurs avec des associations et des personnes qui apportent une aide humanitaire ; c'est à juste titre que l'article 8 étend l'immunité sans abroger le délit. (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes et RDSE)
M. Jacques Mézard . - Merci de la hauteur de vue de vos propos, monsieur le ministre. Vous avez rappelé ce que doit être la République laïque, ouverte à tous ceux qui la respectent, loin de toute démagogie. Entre les extrêmes de chaque bord, entre les incantations déraisonnables des uns et les barbelés des autres, il existe une solution de raison qui conjugue règle de droit et tradition humaniste : c'est celle que vous proposez, que nous voterons dans la version la plus proche possible de sa rédaction initiale.
Le débat sur l'identité nationale a laissé un goût d'amertume. M. Baroin le qualifiait d'hippopotame dans une mare desséchée... Confusion et amalgame flattaient les plus bas instincts. La nation n'a pas de problème d'identité avec elle-même. Elle n'oublie pas la contribution ni le sang versé au long des siècles par tant de ses enfants venus d'ailleurs. Le décret de 1938, complété par l'ordonnance de novembre 1945, est toujours le socle de notre droit des étrangers ; Daladier entendait créer « une atmosphère épurée autour des étrangers de bonne foi »... Durant le cycle législatif précédent, les droits des étrangers ont été restreints : cinq lois en huit ans ! La majorité de mon groupe a fermement combattu la loi de juin 2011, qui consacrait la pénalisation du droit des étrangers.
La France peut s'enorgueillir de sa tradition d'accueil. Nous ne pouvons pas, pour autant, ouvrir notre porte à tout étranger qui y frappe. La lutte contre l'immigration clandestine est légitime dans la mesure où elle respecte l'humain et est impitoyable avec ceux qui tirent profit de la misère d'autrui. La circulaire de la garde des sceaux, du 6 juillet dernier, est positive.
La nouvelle procédure de retenue introduite à l'article 2 tire la conséquence des jurisprudences que vous avez évoquées. Une durée minimale est nécessaire aux services compétents pour procéder aux vérifications requises, informer la personne concernée de ses droits, pratiquer -le cas échéant- un examen médical, consulter les fichiers, communiquer avec la préfecture. Scinder cette durée en deux parties ne serait pas raisonnable et alourdirait le travail des services de police comme celui du procureur. L'action des services de l'État est difficile ; les stigmatiser est tout aussi inacceptable que de stigmatiser l'étranger, n'en déplaise aux professionnels de l'angélisme... (M. le ministre apprécie)
M. Jean-Jacques Hyest. - Très bien !
M. Jacques Mézard. - Respect de la personne, sanction contre les abus de pouvoir, certes, mais respect de la loi de la République et sanction contre ceux qui la défient. Voila pour nous le fil conducteur de la politique de la République. (Applaudissements à gauche, sur les bancs du RDSE et au centre)
M. François-Noël Buffet . - Il faut mettre urgemment notre législation en conformité avec la jurisprudence de la CJUE, faute de quoi nos services de police et de gendarmerie seront démunis pour mener à bien leur mission. Je regrette la procédure accélérée, nous n'aurons pas les moyens de vérifier que le dispositif est bien opérationnel.
Depuis la décision de la Cour de cassation du 5 juillet dernier, il est interdit de placer un étranger en garde à vue pour séjour irrégulier. La retenue de quatre heures étant insuffisante pour assurer la solidité des décisions préfectorales, vous avez inventé une procédure proche de la garde à vue.
Nous avons déjà beaucoup débattu de l'aide humanitaire. Personne n'a été condamné pour ce motif.
La France est une terre d'accueil et d'immigration, 180 000 titres de long séjour y sont accordés chaque année. Elle doit aussi rester terre d'intégration. Dans la conception française, tout étranger sur notre sol a vocation à s'intégrer et, à terme, à devenir français. Nous devons assurer l'équilibre permanent entre tradition d'accueil et lutte résolue contre l'immigration clandestine. Fermeté et humanité, en d'autres termes.
Nous participons à la construction progressive d'une politique européenne de l'immigration. Rappelons que la lutte contre l'immigration illégale a été renforcée ces cinq dernières années, de même que la politique d'intégration. Nous devons poursuivre notre lutte contre l'immigration illégale, ce qui suppose des procédures efficaces. Or, depuis cet été, les services de police et de gendarmerie ne disposent plus que de la procédure de vérification d'identité et de quatre heures pour la mener à bien. Cette durée est trop courte pour entreprendre toutes les recherches nécessaires.
Le projet de loi propose une retenue de seize heures et garantit les droits essentiels. Il me paraît important de garder ces seize heures et non de les scinder en deux, comme le propose la commission. Le procureur la contrôlera dès son début et pourra y mettre fin à tout moment.
A l'article 8, vous avez souhaité élargir le champ des immunités pour faire droit aux revendications des associations portant assistance aux migrants. Jusqu'à la loi du 7 juin 2011, que nous avons voulue et soutenue, toute personne aidant au séjour irrégulier d'un étranger encourait des peines de cinq ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Le Conseil constitutionnel a jugé, dans ses décisions du 5 mai 1998 et du 2 mars 2004, que ce délit ne saurait concerner les associations humanitaires et que la qualification de l'infraction devait tenir compte du principe énoncé à l'article L. 121-3 du code pénal, selon lequel il n'y a point de délit sans intention de le commettre. Avec la loi de 2011, que je rapportais, une immunité pénale pouvait être invoquée par certaines personnes. Je me souviens du vaste débat suscité par cette mesure.
Je suis dubitatif sur l'utilité de la précision apportée en commission par notre rapporteur, relative aux soins médicaux apportés aux étrangers en situation irrégulière, tant elle paraît évidente. J'attends du ministre et du rapporteur des éclaircissements.
Je souhaite, que les efforts menés depuis cinq ans contre l'immigration illégale soient poursuivis. Si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, ils le seront. Nous voterons ce texte en fonction des réponses qui seront apportées au cours du débat, tout en rappelant notre attachement à la durée unique de seize heures. (Applaudissements à droite).
La séance est suspendue à 19 h 40.
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
La séance reprend à 21 h 40.
M. Jean-Yves Leconte . - Dans quel état la majorité sortante a-t-elle laissé la France ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Rien à voir !
M. Jean-Yves Leconte. - Comme sur l'emploi, elle a procrastiné. Incroyable vu sa frénésie législative en matière de droit du séjour ! Elle a attendu 2011 pour réformer la garde à vue, malgré les rappels de la Cour européenne des droits de l'homme, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation.
Après l'arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2012, la garde des sceaux a réagi en urgence à propos de la garde à vue pour les étrangers en situation irrégulière alors que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne datait du 6 décembre 2011. Le texte prend acte de cette jurisprudence, ce qui souligne combien le précédent gouvernement s'est fourvoyé. Avec cinq lois, il n'a eu de cesse de restreindre le droit des étrangers en dénaturant l'esprit de la directive « Retour » de 2008. Il est heureux, monsieur le ministre, que vous répariez cet errement. Aux termes de ce texte communautaire, le maintien illégal sur le territoire appelle une réponse administrative, la réponse pénale intervient en dernier recours quand toutes les procédures administratives sont épuisées.
Dans son discours du 24 juin 2012,au Bourget, le président de la République a fixé une feuille de route : fermeté à l'égard de l'immigration illégale, accueil dans la dignité des étrangers en situation régulière ou de ceux qui ont vocation à l'être.
Ce texte supprime, dans les faits, le délit de solidarité, c'est heureux.
L'article premier met en conformité notre droit avec la jurisprudence européenne et l'arrêt du 5 juillet 2012 de la Cour de cassation. La seule voie consiste à renforcer l'espace Schengen, bel acquis de la construction européenne, et à harmoniser les règles en son sein, d'Athènes à Bergen, de Gdansk à Gibraltar. Ce combat, le Sénat doit le porter fièrement.
L'article 2 crée une procédure de vérification de situation. Attention au contrôle au faciès néanmoins, que la jurisprudence a clairement condamné. Je rappelle l'engagement n°30 du candidat François Hollande. M. le ministre a rappelé les mesures qu'il entend prendre avec le vouvoiement, le matricule des policiers. Ces mesures sont indispensables pour notre jeunesse, pour le respect de la police républicaine après des années de tension. Veillez à chaque moment que la République garantisse respect et sécurité pour tous. Tel est notre objectif. Notre commission s'est interrogée sur la durée de seize heures, elle a proposé dix heures, puis six heures après information du procureur. Si cette nouvelle procédure offre quelques garanties, je rappelle les règles qui s'appliquent à une mesure de privation de liberté : celle-ci doit être proportionnée à l'objet et ne pas être une simple mesure de confort.
Le chantier de mise à plat de la législation sur les étrangers viendra plus tard. A l'heure où la France traverse une grave crise, rappelons l'apport de l'immigration et les immigrés qui luttèrent dans la Résistance. N'oublions pas ce passé, ce serait criminel.
Bâtissons un droit des étrangers plus humaniste en rétablissant l'ordre de l'intervention des juges : le juge judiciaire avant le juge administratif.
Le délit de solidarité qui piétinait la solidarité est abrogé, c'est le signe que la République est de retour.
M. François-Noël Buffet. - Oh !
M. Jean-Yves Leconte. - Nous voterons ce premier texte ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du groupe du RDSE)
M. Stéphane Mazars . - La majorité du groupe du RDSE s'était fermement opposée à la loi de 2011 sur l'immigration, l'intégration et la nationalité. D'aucuns regrettent que ce texte ne la remette pas à plat. Cela dit, l'urgence est de mettre notre droit en conformité avec la récente jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation.
Le film Welcome avait rappelé l'engagement des associations humanitaires auprès des étrangers en situation irrégulière. Je connais leur rôle fondamental, en tant qu'avocat. Le délit de solidarité, créé en 1938, a été modifié au gré des alternances. En avril 2009, le groupe du RDSE avait demandé sa suppression. M. Besson, alors ministre, nous avait soutenu que ce délit n'existait pas dans les faits. Il a été désavoué par le Conseil d'État le 19 juillet 2010 : les associations humanitaires peuvent être poursuivies sous cette incrimination. Dans l'Aveyron, j'en ai été témoin. (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame) Votre projet de loi s'inscrit dans le cadre d'une philosophie d'ouverture à l'autre. Le champ de l'immunité pénale est élargi. Bien sûr, l'aide humanitaire ne doit pas être instrumentalisée, la lutte doit être menée contre les réseaux d'immigration illégale. Avec ce texte, vous mettrez clairement fin à ce délit. Comme l'a dit un anthropologue néerlandais, l'empathie humaine a un ancrage si profond qu'elle trouvera toujours à s'exprimer. Monsieur le ministre, votre loi nous paraît un support adapté pour cette expression ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. Jean-Jacques Hyest . - Nos travaux sont désorganisés. Nous travaillons certains jours ; d'autres, non. Et puis la nuit...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Quelle nouveauté !
M. Jean-Jacques Hyest. - J'avais prévu de ne pas intervenir mais je dois rétablir certaines vérités. Nous n'aurions pas fait ce qu'il fallait... Monsieur Leconte, savez-vous depuis quand existe l'article L. 622-1 du Ceseda ? Non ! Depuis l'ordonnance de 1945 ! Les cours d'appel de Versailles, d'Aix et de Paris soutenaient que la jurisprudence ne s'appliquait pas à cet article. C'est affaire d'interprétation !
En 2008, nous nous étions interrogés sur les différences de jurisprudence entre la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel... car il y a le contrôle de constitutionnalité et celui de conventionalité.
Dans nos débats, on a confondu contrôle d'identité et vérification d'identité... Les arrêts du 5 juillet 2012 ont effectivement créé un vide.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois. - Vous critiquez M. Guéant !
M. Jean-Jacques Hyest. - Mais il aurait pu y avoir une autre interprétation ! Effectivement, les quatre heures de la vérification d'identité ne suffisant pas, une nouvelle procédure était nécessaire.
Je suis toujours gêné de voir qu'on suspecte les forces de police et de gendarmerie de ne pas respecter la loi. En tout état de cause, on a dénombré 60 000 gardes à vue sous ce seul chef, celui de vérification d'identité. Votre texte était donc très nécessaire, ainsi que l'abrogation par coordination du délit de séjour irrégulier. Nous avons besoin d'un outil efficace, respectueux des libertés publiques, nous vous soutiendrons.
Après vingt six ans de Parlement, j'en ai vu des projets et propositions de loi sur ce thème ; eh bien, je n'ai jamais pensé que l'immigration était la source de tous nos maux.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Encore une critique de M. Guéant !
M. Jean-Jacques Hyest. - L'immigration est une force pour la France, disait mon ami Bernard Stasi. Pour autant, on ne peut pas accueillir toute la « misère du monde » comme l'a dit Michel Rocard.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Vous oubliez toujours la suite de la phrase de M. Rocard.
M. Jean-Jacques Hyest. - Vous aurez la parole, monsieur Sueur !
L'ordre d'intervention des juges en rétention est important ; je vous suis, monsieur le ministre. Idem pour l'asile. Ce n'est pas la même chose que l'immigration.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. - Pour éviter des demandes abusives, il faut renforcer l'Ofpra afin de réduire les délais de traitement, mais aussi adopter des règles communes au niveau européen.
Si le texte n'est pas bouleversé, le groupe UMP le votera.
M. Richard Yung . - Je ne sais si c'est l'ordre alphabétique mais je suis souvent le dernier à intervenir, quand beaucoup a déjà été dit...
Monsieur le ministre, merci pour votre action. Ces derniers mois, vous avez abrogé des mesures prises dans des conditions peu dignes de la tradition française. Et je donne acte à M. Hyest de la constance de sa position, même si certains de ses amis ont instrumentalisé la question de l'immigration et de la nationalité d'une façon peu digne de nos traditions.
Avec l'abrogation de la circulaire du 31 mai 2011 sur les étudiants étrangers, la fin de la présence des familles en centre de rétention et de la liste des métiers sous tension, vous avez fait preuve de fermeté et de justice, ce qui a démontré la capacité de la gauche à mener une politique d'immigration responsable et respectueuse.
Je salue l'annonce d'un projet de loi sur le droit des étrangers au printemps prochain. Puissiez-vous vous inspirer de notre travail au Sénat et des amendements que nous avions déposés sur la loi Besson et les autres...
Une nouvelle procédure conforme au droit européen pour vérification de situation était indispensable aux forces de police. À mi-chemin entre la vérification d'identité et la garde à vue, elle représente un bon compromis entre efficacité policière et respect des droits du retenu. Un ensemble de garanties fortes -examen par un médecin, assistance par un avocat, aide d'un interprète- est donné à la personne retenue ; la commission y a ajouté le droit d'avertir les autorités consulaires et d'être placé dans un local différent de celui des gardés à vue.
J'ai entendu le débat sur le délai de seize heures ; ne créons pas de défiance envers les forces de sécurité et un dispositif par trop complexe.
Le délit de solidarité ? À Sangatte, certaines personnes ont été mises en cause. Peut-être les procédures n'ont-elles pas abouti, mais cette intimidation, cette menace de représailles judiciaires pour délit de solidarité étaient inacceptable. Ne confondons pas marchands d'hommes et bénévoles généreux qui font vivre le troisième terme de notre devise républicaine. Je me réjouis donc de cet article 8.
Pour finir, je reviendrai sur une question importante : l'intervention inversée du juge administratif et du juge judiciaire par la loi de 2011. Certes, le juge administratif est aussi garant des libertés. Reste que le juge des libertés et de la détention a sa spécificité.
M. Jean-Jacques Hyest. - Le problème, c'est que deux juges interviennent !
M. Richard Yung. - Je suis pour l'intervention du juge judicaire avant celle du juge administratif, tout en sachant que ce n'est pas la panacée. Pour un juge unique, peut-être faut-il créer une juridiction spécialisée ? Toutes les pistes de réflexion sont à examiner. Nous soutiendrons le texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Manuel Valls, ministre . - Je partage l'analyse du rapporteur : ce texte est équilibré entre lutte ferme contre l'immigration illégale et respect résolu du droit des étrangers. Ce texte, qui apporte des réponses partielles sans revoir l'économie générale du droit des étrangers, sera enrichi par votre commission, notamment sur les contrôles au faciès. Un délai de dix heures renouvelé de six heures ? Cela serait complexe, les garanties sont liées à la procédure. De plus, M. Hyest l'a dit, les forces de police ont besoin de temps pour un examen sérieux.
Madame Cohen est désenchantée ? Il est vrai que nous ne dépénalisons pas totalement le droit des étrangers.
L'ordre d'intervention des juges ? La question est importante, ne légiférons pas dans l'urgence. Le Premier ministre a accepté de nommer un parlementaire en mission, nous y reviendrons.
Le contrôle au faciès ? Je vous invite à voter l'amendement du Gouvernement. Vouvoiement, matricule, caméra, refonde du code de déontologie sont des outils techniques, mais l'essentiel est aussi de travailler sur les mentalités. Cela prendra du temps.
M. Marseille reconnaît que ce texte comble un vide juridique. La retenue nouvelle de seize heures est inférieure à la garde à vue de vingt quatre heures, qui était devenue la norme.
Nul ne doit être inquiété pour avoir apporté une aide humanitaire désintéressée ; cette mesure était attendue car le délit de solidarité pesait comme une épée de Damoclès sur les bénévoles. Le Gouvernement entend mener une politique qui respecte le droit et les droits.
M. Mézard a dénoncé les effets négatifs de l'empilement législatif sur le droit des étrangers. La politique d'immigration est un défi européen. Lundi dernier, lors d'une réunion d'Interpol, j'ai rencontré mon homologue transalpin : en Italie, en raison de sa position géographique, la pression migratoire est très forte -des migrants se noient, entre les côtes tunisienne et italienne ; la pression est forte aussi au Maroc, autour de l'enceinte de Ceuta. Effectivement, nous n'avons pas travaillé dans l'urgence. La durée de seize heures a été fixée après mûre réflexion, depuis l'été, après la décision de la Cour de cassation.
Monsieur Buffet, le précédent gouvernement aurait pu anticiper la décision de la Cour de cassation, il y avait eu des signes. Si la loi de 2011 avait élargi le champ des immunités pénales, elle était empreinte d'ambiguïté ; il fallait avancer. Merci de votre soutien à ce texte, qui n'est certes pas une cathédrale législative.
M. Mazars a eu raison de rappeler l'urgence législative : nos services de police avaient besoin d'une nouvelle procédure de vérification de situation. La suppression du délit de solidarité est symbolique, cela est vrai. Depuis la fermeture de Sangatte, le problème s'est étendu à la côte et à la région parisienne.
Monsieur Leconte, je partage votre sentiment : l'intervention du Gouvernement était nécessaire. Il fallait agir.
L'un des objets de ce texte est d'assurer la conformité de nos contrôles des titres de séjour avec Schengen. Je suis attaché à cet espace de liberté de circulation comme à l'espace judiciaire.. Même s'il existe des problèmes liés à l'intégration de la Roumanie et de la Bulgarie au sein de cet espace, j'ai été gêné par des déclarations de mon prédécesseur, non suivies d'effets d'ailleurs mais qui laissaient penser que nous pourrions en sortir. J'ai dit, lors du premier conseil Justice et affaires intérieures (JAI), en juin, que la France entendait bien y rester. Les règles de l'asile sont en train d'évoluer. Le Parlement doit anticiper ces évolutions. La retenue ne doit durer que le temps strictement nécessaire. Il n'y aura pas de retenue de confort. Un amendement du Gouvernement permet de limiter le « contrôle au faciès », ce qui répondra à vos attentes. Le cadre juridique sera posé.
Monsieur Hyest, comme vous, je regrette que ce projet de loi soit examiné à cette heure tardive, même si cela n'enlève rien à sa qualité. Notre procédure de retenue est plus brève et plus protectrice des droits. Je partage votre souhait que la politique d'immigration soit équilibrée. En effet, monsieur Hyest, l'asile n'est pas l'immigration. Pour que ce droit reconnu internationalement soit réaliste, il faut des procédures rapides et efficaces, qui empêchent son détournement bien connu dans l'est de la France, à Dijon par exemple. Merci pour votre soutien. La politique de l'immigration doit rassembler les grandes formations républicaines, c'est ma conviction. Je ne suis pas un adepte des abrogations ; les modifications législatives doivent s'accompagner d'une politique efficace.
Monsieur Yung, merci d'avoir souligné la clarté des règles instaurées par ce projet de loi.
Je sors conforté de ce débat de haute tenue. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
1° Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et les mots : « visés à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France »
Mme Éliane Assassi. - Ce projet de loi ne modifie pas le premier alinéa de l'article L. 611-1 du Ceseda relatif au contrôle des titres de séjour sur l'ensemble du territoire, en se contentant de reprendre l'arrêt de la Cour de cassation. Cette position minimaliste n'est pas satisfaisante au regard du principe de non-discrimination et de prohibition des contrôles au faciès.
Il convient de supprimer purement et simplement l'alinéa 1 de l'article L. 611-1 du Ceseda. Les contrôles de titre de séjour doivent relever du seul code de procédure pénale.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Je ne suis pas certain qu'il faille aller jusque-là. Le dispositif actuel distingue bien les procédures administrative et judiciaire. Il faut aborder cette question avec précaution. Le projet de loi comporte des garanties qui me paraissent prémunir contre les excès. Défavorable.
M. Manuel Valls, ministre. - Même avis. Il convient de conserver le caractère administratif du contrôle de la régularité du séjour, qui n'est pas la même chose que le contrôle d'identité.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Au premier alinéa, les mots : « de nationalité étrangère » sont remplacés par les mots : « dont la nationalité étrangère peut être déduite d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé » ;
M. Manuel Valls, ministre. - Il a parfois été reproché au contrôle d'être effectué « au faciès ». Nous inscrivons dans la loi une solution proposée par la Cour de cassation. Ces critères ont fait leur preuve et n'empêchent pas l'action des forces de l'ordre. Le fait de sortir d'un véhicule immatriculé à l'étranger, par exemple, est un critère accepté. Cet amendement ne bouleverse pas le droit positif, il le conforte,
Ce problème n'est pas l'obsession des policiers et des gendarmes, surtout si l'on sort de la politique du chiffre.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Avis favorable. Cette proposition traduit une inflexion de l'action des pouvoirs publics en un sens plus respectueux des personnes. Mieux vaut confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation que de la contredire, comme on le faisait il y a peu.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Très bien !
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement rend superfétatoire notre amendement n°13. Toute la difficulté réside dans la mise en oeuvre de cette disposition par les forces de l'ordre.
L'amendement n°13 est retiré.
M. Alain Richard. - Mme Assassi a parfaitement raison en droit. La décision de la Cour de cassation du 28 mars 2012 s'applique déjà. Mais quid du mode d'emploi ? Comment déduire la nationalité d'une personne à partir d'éléments objectifs et extérieurs ? A tout le moins, il faudra une instruction de service de niveau national à l'ensemble du personnel chargé d'appliquer cette disposition.
M. Manuel Valls, ministre. - La règle juridique est consolidée par l'amendement du Gouvernement. Tout reste à faire en termes de pratique. Nous préciserons ces éléments dans les instructions et dans le code de déontologie.
Tout en dénonçant la politique du chiffre, qui a mis sous tension la chaîne judiciaire, des policiers aux magistrats, je suis attaché à ce que les forces de l'ordre produisent des résultats dans la lutte contre la délinquance, pas des chiffres, des résultats tangibles. Le contrôle des sans-papiers était devenu un élément important de la politique du chiffre.
L'amendement n°27 est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 551-1, à la première phrase de l'article L. 552-1, à l'article L. 552-3 et au premier alinéa de l'article L. 552-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « cinq jours » sont remplacés par les mots : « quarante-huit heures ».
Mme Éliane Assassi. - Cet amendement, qui signe le retour du rôle constitutionnel du juge judiciaire, rétablit l'intervention du juge des libertés et de la détention dès quarante-huit heures. Le Conseil constitutionnel a exigé l'intervention d'un magistrat du siège, ce que n'est pas le procureur, au-delà de quarante-huit heures de privation de liberté,
La disposition que nous amendons n'est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de Luxembourg et au respect des droits fondamentaux. En métropole, de plus en plus d'étrangers sont éloignés avant que le juge des libertés et de la détention puisse exercer son contrôle.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - La commission est très sensible à cette réflexion. Je sais combien la bataille fut rude ici pour exiger l'intervention précoce du juge judiciaire. Ce projet de loi très spécifique doit combler un vide juridique, sans développer une réflexion complète sur l'intervention du juge judiciaire. J'irai dans votre sens : aucune reconduite à la frontière ne peut avoir lieu sans contrôle de la légalité de cette décision. Pour l'heure, laissons le temps à la réflexion de se poursuivre. C'est pourquoi l'avis est défavorable, même si nous partageons les mêmes préoccupations.
M. Manuel Valls, ministre. - Je comprends votre préoccupation. Une mesure privative de liberté doit être rapidement soumise à l'autorité judiciaire. Je vous ai annoncé la nomination d'un parlementaire en mission. Dans l'immédiat, Retrait ou rejet.
Mme Éliane Assassi. - Je vous entends mais je maintiens l'amendement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous sommes sensibles à la préoccupation que vous exprimez. Le juge des libertés et de la détention est une institution importante, à laquelle nous sommes tous attachés.
L'inversion éventuelle de l'intervention des juridictions exige assurément réflexion. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, un second texte au printemps prochain et un parlementaire en mission. C'est une bonne idée à condition que la mission soit menée avec célérité afin d'enrichir le débat sur le second texte. C'est un engagement important.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Article 2
Mme Kalliopi Ango Ela . - Le groupe écologiste veut rompre avec la politique envers les étrangers menée par l'ancienne majorité. L'article 2 instaure une nouvelle mesure de retenue qui ne nous semble pas nécessaire. La Cour de cassation a tiré les conséquences de la jurisprudence communautaire. Nous estimons qu'il n'en découle nul vide juridique. La vérification d'identité applicable à tous suffit amplement.
La plupart des étrangers ne bénéficient d'aucun contrôle de leur droit par un juge indépendant. Si cet article 2 était adopté en l'état, l'étranger pourrait être reconduit à la frontière avant toute intervention du juge des libertés et de la détention.
Nous étions défavorables à l'article 2 adopté par la commission, nous le sommes encore plus au texte initial du Gouvernement que rétablit son l'amendement n°26 rectifié. Nous voterons contre cet article.
M. le président. - Amendement n°8, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - La nouvelle procédure de vérification de situation, très floue et hybride, a une connotation judiciaire alors qu'elle ne poursuit qu'une finalité administrative : l'éloignement. Ce nouveau dispositif ad hoc ressemble fort à la garde à vue antérieure à la loi du 14 avril 2011, avec des droits garantis extrêmement limités. Il sera utilisé à l'encontre de personnes qui n'auront commis aucune infraction.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Défavorable. La logique de cet amendement consiste à renvoyer à une procédure strictement judiciaire, étrangère à notre tradition juridique et de nature à introduire un biais qui n'est pas souhaitable.
Le dispositif proposé est encadré, il présente des garanties qui marquent une vraie différence par rapport à la situation antérieure. Aucun d'entre nous n'apprécie cette rétention administrative. Néanmoins, il faut pouvoir vérifier la situation particulière de ces personnes en situation irrégulière.
M. Manuel Valls, ministre. - Nous comblons un vide juridique. Supprimer le coeur de ce dispositif ad hoc et revenir aux quatre heures, c'est priver l'État des moyens de gérer les flux migratoires et de les contrôler.
La retenue permet à l'étranger de faire valoir les droits qui lui sont reconnus. Un État doit disposer des moyens juridiques de mener sa politique. Revenir aux quatre heures serait dramatique pour les étrangers eux-mêmes, et pour les forces de l'ordre.
Un parlementaire en mission sera nommé avant la fin de l'année, il rendra ses conclusions avant la fin du premier trimestre 2013 pour permettre le dépôt d'un projet de loi au premier semestre. Il ne s'agit pas de tout abroger pour tout reconstruire. Ce serait dangereux vu l'état de l'opinion. C'est pourquoi j'ai dit clairement que nous ne procéderions pas à des régularisations massives, comme en 1981 et en 1997. Telle est la feuille de route que j'ai reçue du président de la République et du Premier ministre. Nous serons réalistes et fermes. Le droit doit se traduire en pratique. Les sujets complexes ne souffrent pas la caricature. Défavorable.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
L'amendement n°10 est retiré.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Buffet et les membres du groupe UMP.
I. - Alinéas 9 à 13
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l'examen de sa situation et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa. Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment.
II. - Alinéa 17, première phrase
Remplacer les mots :
la vérification du droit de séjour ainsi que son éventuelle prolongation
par les mots :
ainsi que la vérification du droit de séjour
M. Jean-Jacques Hyest. - Il est vrai, monsieur le rapporteur, que nous nous étions interrogés lors de l'élaboration du texte de la commission. Nous avons réfléchi et préférons revenir au texte initial du projet de loi. Les seize heures sont un délai maximum : si l'on n'a besoin que de trois heures, on s'en contentera. Je ne vois pas quel intérêt auraient les forces de police de garder les personnes plus longtemps que de besoin.
M. le président. - Sous-amendement n°38 à l'amendement n°1 de M. Buffet et les membres du groupe UMP, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
Amendement n° 1, alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et seulement pour autant que son état de santé, constaté le cas échéant par le médecin, ne s'y oppose pas
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Le présent sous-amendement tend à rétablir la mention, que cet amendement ferait perdre, selon laquelle la retenue ne peut se poursuivre que si le médecin n'a pas considéré, lorsqu'il a examiné l'étranger à sa demande, que son état de santé rendait cette poursuite impossible.
M. le président. - Amendement identique n°26 rectifié, présenté par le Gouvernement.
Sous-amendement identique n°41 à l'amendement n°26 rectifié du Gouvernement, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
M. Manuel Valls, ministre. - Scinder les seize heures en dix plus six poserait plus de problème que cela n'en résoudrait. J'accepte le sous-amendement.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
I. - Alinéa 9, deuxième et troisième phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa.
II. - Alinéas 10 à 12
Supprimer ces alinéas.
III. Alinéa 17, première phrase
Remplacer les mots :
, la vérification du droit de séjour ainsi que son éventuelle prolongation
par les mots :
ainsi que la vérification du droit de séjour
M. Jacques Mézard. - La scission de la durée retenue de l'étranger en deux délais successifs de dix et six heures risque de compliquer inutilement la procédure. Comme l'a dit le président Hyest, dans beaucoup de cas, la retenue durera moins longtemps.
L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.
Les sous-amendements identiques nos38 et 41 sont adoptés.
Les amendements identiques nos1 et 26 rectifié, sous-amendés, sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 16
Remplacer le mot :
information
par le mot :
autorisation
M. Jean-Yves Leconte. - Selon l'étude d'impact, pourra également être consulté le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED). Or ce fichier, lui, n'est pas un fichier administratif mais un fichier judiciaire.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - De la réponse du ministre dépendra notre position, qui incline au retrait. Les informations ne peuvent être consultées que par des personnes strictement habilitées.
M. Manuel Valls, ministre. - Cet amendement veut calquer le régime de prise d'empreintes sur l'article 78-3 du code de procédure pénale.
Cependant, la procédure du projet de loi est conforme à la nature de ce texte. La prise d'empreintes vise à rechercher l'identité de la personne aux fins d'établir son droit au séjour, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Le procureur en est informé. Retrait.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Nous ne sommes pas convaincus par l'argumentation du Gouvernement. L'objectif de l'amendement Leconte n'est pas tant d'obtenir l'autorisation du procureur que de préciser l'encadrement du dispositif. Avis favorable à l'amendement de M. Leconte.
M. Manuel Valls, ministre. - Ce n'est pas correct.
M. Alain Richard. - J'irai dans le sens du Gouvernement. On ne peut négliger le fait qu'un nombre significatif de personnes en situation irrégulière sur le territoire français disposent de papiers d'identité contrefaits. Donc, la vérification des empreintes s'impose ; le risque est, pour la personne, que la comparaison d'empreintes débouche sur une enquête judiciaire, laquelle offrira toutes garanties. Dans nos mairies, les agents font tous les ans des stages de reconnaissance de papiers contrefaits, ce qui n'est pas sans résultat.
M. Jean-Yves Leconte. - Mieux vaut une autorisation du procureur qu'une simple information. Mon amendement légitimera le recours au fichier des empreintes digitales, sans le rendre impossible.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - La Cnil, dans sa décision du 14 octobre 1986, a exclu expressément la consultation de ce fichier dans le cadre de la police administrative.
M. Alain Richard. - La Cnil ne fait pas la loi.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Mais le décret tient compte de son avis.
M. Jacques Mézard. - M. Richard a raison sur la nature de l'avis de la Cnil. Mais le texte du projet de loi n'a rien d'inquiétant. D'ailleurs, M. Leconte justifie maintenant la durée de seize heures qui autorisera toutes les vérifications. Avec cet amendement, on est dans la défiance, le procès d'intention. Vous accordez peu de crédit au système judiciaire de la République...
M. Manuel Valls, ministre. - Nous sommes dans un débat de principe. Je le lui dis avec amitié, le rapporteur se trompe : l'article L. 611-4 est un outil pour mettre en oeuvre l'article L. 611-1. Nous ne parlons pas de contrôle d'identité mais d'identification de celui qui n'a pas les pièces et titres exigés par l'article L. 611-1. Je confirme ma demande de retrait.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Effectivement, le débat n'est pas central. Le Gouvernement s'appuie sur l'article L. 611-4, fort bien ; encore faut-il qu'il prenne le décret nécessaire, ce qu'il n'a pas fait. Dans un souci d'apaisement, et malgré les commentaires peu amènes de M. Mézard, je demande à M. Leconte de retirer son amendement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - La demande d'un décret n'est pas déraisonnable. Le ministre peut indiquer son intention de prendre ce texte. Ainsi, M. Leconte pourrait retirer son amendement avec plus d'ardeur encore.
M. Manuel Valls, ministre. - L'article L. 611-4 a été élaboré en réponse à l'avis de la Cnil. Je m'engage à donner les éléments nécessaires, nous avons besoin de cette consultation de fichier.
M. Jean-Yves Leconte. - Je m'incline.
L'amendement n°14 est retiré.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le contrôle de leur respect est assuré par le juge des libertés et de la détention lorsqu'il est saisi en vertu de l'article L. 552-1.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement désigne le JLD comme le garant des exigences légales relatives à la nouvelle procédure de retenue. Il faut prévenir le risque de conflit de compétence. Si le ministre confirme ce que j'ai lu dans le rapport de Gaëtan Gorce, cet amendement n'aura plus d'objet.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Le Gouvernement confirmera sans doute mon jugement. Retrait, sinon rejet.
M. Manuel Valls, ministre. - La crainte d'un possible conflit entre les deux juridictions est infondée. En outre, l'amendement créerait la confusion car aucune mention du juge compétent n'est faite pour la garde à vue.
L'amendement n°16 est retiré.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'application de l'article 2, qui précise notamment la durée moyenne nécessaire à la vérification du droit de circulation ou de séjour sur le territoire français de l'étranger, la durée moyenne nécessaire pour le prononcé et la notification des décisions administratives applicables, et la durée moyenne de la retenue appliquée en vertu de cette disposition.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous demandons un rapport sur l'application de cette loi après un an de mise en oeuvre. Cela dit, je conviens que le Parlement a les moyens d'exercer un tel contrôle. Je serai vigilant.
L'amendement n°17 est retiré.
Article 3
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
L'amendement de coordination n°9, rejeté par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°37 rectifié, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
la conduire sans délai dans un local de police où elle est remise à un officier de police judiciaire
par les mots :
en rendre compte à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui peut alors leur ordonner sans délai de lui présenter sur le champ le contrevenant
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Selon l'étude d'impact, l'article 67-1 nouveau « permet un simple alignement de la situation des agents des douanes sur le régime applicable aux autorités qui sont mentionnées à l'article 78-6 du code de procédure pénale ». Toutefois, la rédaction proposée présente une différence significative avec l'article 78-6 : elle ne prévoit pas que le douanier doive contacter immédiatement l'officier de police judiciaire et obtenir de ce dernier l'autorisation de lui amener la personne. D'où cet amendement de précision.
M. Manuel Valls, ministre. - L'amendement est en effet nécessaire car les agents des douanes ne possèdent pas la qualité d'OPJ. Favorable.
L'amendement n°37 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°40, présenté par le Gouvernement.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
2° bis À la première phrase du premier alinéa de l'article 67 quater, après les mots : « vérifier le respect », sont insérés les mots : « , par les personnes dont la nationalité étrangère peut être déduite d'éléments objectifs extérieurs à la personne même de l'intéressé, » ;
L'amendement de coordination n°40, accepté par la commission, est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
Mme Kalliopi Ango Ela . - En décembre 2011, la CJUE rappelait que l'emprisonnement de l'étranger en situation irrégulière était par principe incompatible avec son éloignement et qu'il ne pouvait y avoir de sanction pénale dans le seul cadre du séjour irrégulier. Nous saluons donc l'action du Gouvernement. Le symbole est fort : l'étranger n'est plus considéré comme un délinquant. Toutefois, nous regrettons le maintien du délit d'entrée irrégulière sur le territoire. L'action publique en la matière se prescrivant dans un délai de trois ans, les étrangers entrés irrégulièrement en France, et s'y étant maintenus depuis, seront toujours inquiétés ; les effets du maintien de ce délit sont en réalité équivalents à celui du délit de séjour irrégulier. C'est pourquoi il faut réduire à huit jours le délai dans lequel le délit peut être constaté, sans quoi on vide le texte de sa substance. Nous nous rangeons derrière les propositions du rapporteur de la commission des lois.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine prévue au premier alinéa n'est encourue que lorsque le délit est constaté dans un délai de huit jours à compter de sa commission. »
M. Jean-Yves Leconte. - Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.
L'amendement n°18 est retiré.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application du présent article, l'action publique ne peut être mise en mouvement que lorsque les faits ont été constatés dans les circonstances prévues à l'article 53 du code de procédure pénale. »
II. - En conséquence, alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Je salue le travail de M. Leconte sur ce texte. Le délit d'entrée irrégulière se prescrit actuellement par trois ans. Afin d'éviter qu'il n'ait des effets similaires au délit de séjour irrégulier, que le texte abroge, l'amendement propose que les poursuites pénales ne pourront être engagées que lorsque les faits ont été constatés en état de flagrance.
M. Manuel Valls, ministre. - Je salue à mon tour le travail de M. Leconte, ainsi que celui de la commission. La précision pouvait faire l'objet d'une instruction du garde des sceaux aux parquets. Cela dit, j'entends votre préoccupation d'éviter toute contrariété avec le directive « Retour » : sagesse.
L'amendement n°28 est adopté.
L'article 5, modifié, est adopté.
Article 6
Mme Kalliopi Ango Ela . - Les sénateurs écologistes regrettent la création d'un nouveau délit de maintien sur le territoire qui ressort d'une interprétation extensive, pour ne pas dire erronée, de la jurisprudence de la CJUE. Rien n'oblige la France à créer un tel délit, comme le confirme le rapport Gorce. Si j'ai conscience des améliorations apportées par la commission, celles-ci ne dissipent pas le flou et n'éviteront pas la censure du Conseil constitutionnel. Le groupe écologiste ne votera pas cet article, ni obligatoire, ni nécessaire.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Je reprends à mon compte les propos de Mme Ango Ela. Le Gouvernement pouvait abroger purement et simplement toute pénalisation du séjour irrégulier -ce que nous souhaitons- ou prévoir qu'il serait encouru seulement après la mise en oeuvre de toutes les mesures coercitives prévues par l'article 8 de la directive ; c'est cette option qu'il a retenue. J'ajoute que cet article est redondant dès lors qu'existe le délit d'obstruction à une mesure d'éloignement.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - En l'occurrence, le verre est plutôt aux trois quarts plein : le délit de séjour irrégulier est supprimé. Il faut faire respecter le droit des personnes autant que la loi républicaine. Ce qui suppose de donner à l'État les moyens de sanctionner une personne qui ne souhaite pas quitter le territoire alors que toutes les diligences ont été faites pour qu'elle se soumette aux lois de la République. La politique d'intégration, la lutte contre les discriminations n'en seront que plus fortes. La jurisprudence comme la directive sont respectées. L'avis est défavorable.
M. Manuel Valls, ministre. - J'irai dans le même sens que le rapporteur. La décision de la CJUE est claire : l'action pénale est légitime lorsqu'elle vient après l'épuisement de toutes mesures propres à garantir un éloignement effectif. Allez plus loin comme le veut Mme Assassi ? L'État de droit ne peut se démunir totalement contre un étranger qui ne respecte pas la loi. Cependant, pour apaiser les inquiétudes, le Gouvernement a déposé un amendement de clarification. Soyez claire, madame Assassi : voulez-vous d'une politique d'éloignement ? Si ce n'est pas le cas, c'est une vraie différence entre nous...
M. Alain Richard. - Dans le dispositif du Gouvernement, le juge correctionnel devra contrôler régulièrement la régularité des actes administratifs. Ce sera source de contentieux. Il faut poursuivre la réflexion. Je voterai néanmoins l'amendement du Gouvernement.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°39, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Tout étranger qui, faisant l'objet d'une mesure de refus d'entrée en France, d'un arrêté d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une interdiction judiciaire du territoire, se sera maintenu sur le territoire français alors que l'administration a accompli toutes les diligences lui incombant dans l'exécution effective de la procédure d'éloignement en mettant en oeuvre régulièrement les mesures de rétention administrative ou d'assignation à résidence respectivement prévues aux titres V et VI du livre V, sera puni d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 €. »
M. Manuel Valls, ministre. - Amendement de précision.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 2
Après les mots :
ou d'une interdiction judiciaire du territoire,
insérer les mots :
devenus définitifs,
M. Jean-Yves Leconte. - Je soutiendrai l'amendement du Gouvernement n°39. Toutefois, il faut une précision : les mesures doivent être devenues définitives.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Il restera des difficultés dans la pratique, liées à l'interprétation de la jurisprudence de la CJUE. Quand considérera-t-on par exemple que l'administration a fait toute diligence ? Ne vaut-il pas mieux en rester à la rédaction de la commission ? Cela motivera notre double avis défavorable, le temps de trouver une solution à l'Assemblée nationale.
M. Manuel Valls, ministre. - Je suggère de suivre l'avis du rapporteur.
L'amendement n°39 est retiré, de même que l'amendement n°19.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Leconte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... - Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application de l'alinéa précédent, le seul fait de ne pas exécuter une mesure de reconduite à la frontière ou une obligation de quitter le territoire français ne peut être assimilé au fait de se soustraire à ladite mesure. »
M. Jean-Yves Leconte. - Le maintien sur le territoire équivaut-il à la volonté de se soustraire à une obligation de quitter le territoire ? Les peines prévues sont différentes. Bref, c'est un amendement d'appel.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Défavorable.
M. Manuel Valls, ministre. - La réflexion se poursuit, le Gouvernement donnera toutes les précisions utiles. Retrait ?
M. Jean-Yves Leconte. - Volontiers.
L'amendement n°21 est retiré.
L'article 6 est adopté.
L'article 7 est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, Mme Archimbaud, M. Desessard et Mme Lipietz.
Avant l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « faciliter », sont insérés les mots : « dans un but lucratif » et les mots : « la circulation » sont remplacés par les mots : « le transit ».
Mme Kalliopi Ango Ela. - Cet amendement précise que l'aide au séjour irrégulier ne peut être poursuivie que si elle est apportée dans un but lucratif.
Sans cette précision, aider à recharge un téléphone portable serait encore passible de poursuites pour délit de solidarité car l'acte n'est pas mentionné dans la liste. Il faut sanctionner les seules aides au séjour irrégulier à but lucratif, celles des passeurs et des marchands de sommeil.
De même, un chauffeur de taxi qui transporterait un étranger en situation irrégulière pourrait être poursuivi. Le terme de « transit » est plus précis que celui de « circulation » et vise expressément les passeurs.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux personnes physiques ou morales poursuivant un but non lucratif. »
Mme Éliane Assassi. - Ce texte ne supprime pas le délit de solidarité, il ne fait qu'élargir le champ de l'immunité. Celle-ci doit devenir le principe et l'infraction, l'exception.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Si nous devons répondre aux souhaits des associations, ne fragilisons pas notre arsenal juridique contre les filières d'immigration illégale. D'autant que ce délit a donné lieu à très peu de poursuites.
Je comprends, pour autant, votre volonté d'achever totalement le délit de solidarité, une valeur étrangère au ministre qui l'a porté.
M. Manuel Valls, ministre. - L'amendement n'est pas anodin : il affaiblirait totalement la lutte contre les filières. Il faut étendre les immunités pénales en maintenant le délit d'entrée irrégulière : il y a là un équilibre à ne pas bouleverser. Défavorable.
L'amendement n°5 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°12 rectifié.
Article 8
M. le président. - Amendement n°33, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
I. - Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1°bis Au 1°, les mots : « , sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;
II. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° Le 2° est ainsi modifié :
a) Les mots : « sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;
b) Il est complété par les mots : « , ou des ascendants, descendants, frères et soeurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Peut-être en suivant les préceptes d'une ancienne congrégation religieuse...
M. Jean-Jacques Hyest. - Pourquoi ancienne ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - ...nous voulons modifier l'article L. 622-4 du Ceseda pour le rendre conforme au code civil : les époux sont tenus à un devoir d'assistance, jusqu'au divorce, ce que n'aurait pas désavoué la Compagnie de Jésus... L'immunité pénale doit être étendue au conjoint séparé.
M. Manuel Valls, ministre. - Il y a un siècle, ma famille exerçait, dans un pays voisin, le triste métier de banquier de cette Compagnie... Sagesse.
L'amendement n°33 est adopté.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Amendement de clarification rédactionnelle.
L'amendement n°4 est retiré.
L'amendement n°29, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 8, modifié, est adopté.
Article 9
M. le président. - Amendement n°34, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1°A Au 1°, les mots : « , sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;
II. - Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Le 2° est ainsi modifié :
a) Les mots : « sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;
b) Il est complété par les mots : « , ou des ascendants, descendants, frères et soeurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. - Moi aussi, monsieur le ministre, j'aime la rhétorique... Cependant, l'amendement est de coordination.
L'amendement n°34, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »
L'amendement de coordination n°30, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
Article 10
M. le président. - Amendement n°35, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1°A Au 1°, les mots : « , sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;
II. - Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Le 2° est ainsi modifié :
a) Les mots : « sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;
b) Il est complété par les mots : « , ou des ascendants, descendants, frères et soeurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;
L'amendement de coordination n°35, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°31, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »
L'amendement de coordination n°31, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 10, modifié, est adopté.
Article 11
M. le président. - Amendement n°36, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1°A Au 1°, les mots : « , sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément » sont supprimés ;
II. - Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
1° Le 2° est ainsi modifié :
a) Les mots : « sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou » sont supprimés ;
b) Il est complété par les mots : « , ou des ascendants, descendants, frères et soeurs de son conjoint ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui » ;
L'amendement de coordination n°36, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°32, présenté par M. Gorce, au nom de la commission.
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° De toute personne physique ou de toute personne morale ne poursuivant pas un but lucratif portant assistance aux étrangers et leur fournissant de façon désintéressée des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinés exclusivement à leur assurer des conditions de vie dignes et décentes. »
L'amendement de coordination n°32, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 11, modifié, est adopté.
L'article 12 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Kalliopi Ango Ela . - Je me réjouis des annonces faites par le ministre sur le futur projet de réforme du Ceseda : la création d'une carte de séjour de trois ans, qui évitera bien des tracas aux étrangers et favorisera l'intégration, ainsi que son engagement de réduire le délai de traitement des demandes d'asile par un accroissement des effectifs de l'Ofpra et de la CNDA. Nous attendons beaucoup du texte dont nous débattrons au premier semestre 2013 et de la nomination d'un parlementaire en mission sur les interventions respectives du juge judiciaire et du juge administratif. Nous faisons partie, monsieur le ministre, des élus soucieux de favoriser l'admission au séjour des étrangers intégrés.
Néanmoins, je regrette la création d'un nouveau délit à l'article 6 et de la nouvelle procédure de retenue de seize heures. Mais je salue la réduction du délai de prescription après l'adoption de l'amendement n°28.
Le groupe écologiste s'abstiendra, en espérant que nous pourrons soutenir le Gouvernement au printemps.
Mme Éliane Assassi . - Notre désenchantement n'a pas disparu à l'issue de ce débat. Je rappelle la saisine du Conseil constitutionnel par le groupe socialiste lorsque le gouvernement Sarkozy a fait reculer l'intervention du JLD à cinq jours : c'était hier... Monsieur le ministre, vous avez dit que les lois de la République s'appliquaient à tous de la même manière. C'est faux. De nombreuses dispositions du Ceseda témoignent du contraire. Il existe bien un droit spécifique applicable aux étrangers. Aucune urgence ne s'imposait, sinon une réforme profonde du Ceseda.
Nous nous étonnons enfin que ce projet ne soit pas cosigné par le ministre de la justice. Le groupe CRC votera contre ce projet de loi.
M. Jean-Yves Leconte . - Je me félicite de la qualité de nos échanges. Même ceux qui ne voteront pas le texte ont soulevé des questions qui nous touchent et sur lesquelles nous reviendrons dans le cadre de la future réforme du Ceseda.
L'article premier empêche les contrôles au faciès, mais tout se jouera dans la façon dont il sera appliqué. Sur les articles 2 et 6, le bicamérisme fera son office ; il est essentiel de veiller à l'utilisation des fichiers. Les précisions apportées à l'article 6 rendent la loi plus claire.
Nous sommes impatients de travailler, monsieur le ministre, sur une nouvelle version du Ceseda qui rappellera notre tradition d'accueil et notre histoire. Nous voterons ce texte.
M. Jacques Mézard . - Je confirme que mon groupe votera unanimement ce texte indispensable. Il y a urgence. Ce texte qui respecte les droits fondamentaux est équilibré entre nécessités du contrôle et respect des libertés des personnes concernées. Nous le soutiendrons sans aucun état d'âme.
M. Jean-Jacques Hyest . - Nous vous confirmons, monsieur le ministre, que nous voterons ce texte. On ne peut laisser sans moyens les services chargés de contrôler -légitimement- les flux migratoires. Ce contrôle doit être efficace. Se contenter de quatre heures de vérification, c'est annihiler toute politique de l'immigration et l'État de droit. Tenons compte de l'évolution du monde ! Les nouveaux migrants arrivent d'Erythrée, de Somalie.
Mme Éliane Assassi. - Pourquoi ? Vous interrogez-vous sur les causes ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Un effort supplémentaire en matière de politique de développement est indispensable. Le réduire, même dans cette période de disette budgétaire, serait une regrettable erreur sur le long terme. L'aide au développement doit, dans le cadre européen, contribuer à diminuer les flux migratoires. Nous voterons, je le répète, ce texte respectueux des valeurs de la République et de l'État de droit.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois . - Le travail de la commission a été approfondi. Il y a eu débat, qui a pris en compte la condition des êtres humains soumis à la procédure : présence d'un avocat, d'un interprète, d'un médecin, contact avec les autorités consulaires. Il est précisé, grâce à la vigilance du rapporteur, que les opérations de vérification sont soumises au contrôle du procureur de la République. Ces procédures garantiront les libertés et les droits des personnes.
Nous attachons beaucoup d'importance, monsieur le ministre, à ce que vous avez dit. Ce juge des libertés et de la détention joue un rôle important : il n'est pas un intrus dans un centre de rétention, il y est utile. Vous ne voulez pas en traiter à la légère. Après le rapport de notre collègue parlementaire qui sera cadré dans le temps, nous reviendrons sur cette question lors de l'examen du prochain projet de loi.
Il n'y a chez nous aucun fétichisme : il ne s'agit pas d'abroger pour abroger. Nous ne pouvons ignorer ce que nous avons défendu ici avec M. Badinter. Après la mission d'un parlementaire, un projet de loi d'ensemble nous sera proposé et nous reparlerons de la présence du juge des libertés.
M. Jean-Jacques Hyest. - Il le faudra.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Ne nions pas les divergences qui se sont exprimées et qui traversent les groupes politiques eux-mêmes. Mais des garanties ont été apportées. Ce débat a été utile.
Puisqu'ici certains intervenants ont été, sont ou seront des amis de Michel Rocard, n'est-ce pas, madame Assassi, les deux membres de sa citation que vous avez rappelés, monsieur le ministre, et que M. Hyest a cité de manière cursive nous sont chers. La France est une terre ouverte, où l'on a le sens de l'accueil en même temps que le souci de maîtriser l'immigration : ce n'est pas contradictoire mais complémentaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Le projet de loi est adopté.
M. Manuel Valls, ministre. - Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce débat de qualité, sur un sujet délicat. J'ai rappelé les choix du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Nous publierons dans quelques jours une circulaires sur les régularisations. Nous préparons un projet de loi, notamment sur un nouveau titre de séjour, après le travail du parlementaire en mission et le débat qui se tiendra au Parlement sur l'immigration économique et celle des étudiants.
Il fallait abandonner le délit de solidarité et combler le vide juridique afin que l'État de droit puisse traiter des dossiers des étrangers en situation irrégulière. C'est une politique juste, respectueuse des droits des personnes et ferme, qui tient compte de la situation de l'Europe et du monde. Voter à une très large majorité ce texte, ce n'est pas seulement approuver cette politique mais renforcer la cohésion de notre pays.
Prochaine séance lundi 12 novembre 2012, à 15 heures.
La séance est levée à 1 heure.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du lundi 12 novembre 2012
Séance publique
A 15 heures et le soir
1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative à l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna) (n°455, 2011-2012).
Rapport de M. Bertrand Auban, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°75, 2012-2013).
Texte de la commission (n°76, 2012-2013).
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord relatif aux pêches dans le sud de l'océan Indien (n°714, 2011-2012).
Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°77, 2012-2013).
Texte de la commission (n°78, 2012-2013).
3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur le transport aérien entre le Canada et la Communauté européenne et ses États membres (n°715, 2011-2012).
Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°79, 2012-2013).
Texte de la commission (n°80, 2012-2013).
4. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (n°719, 2011-2012).
Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°81, 2012-2013).
Texte de la commission (n°82, 2012-2013).
5. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2013 (n°103, 2012-2013).
Rapport de MM. Yves Daudigny, Ronan Kerdraon, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès et M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°107, 2012-2013).
Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n°104, 2012-2013).