Dépense publique (Questions cribles thématiques)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la dépense publique, débat retransmis en direct sur Public Sénat et sur France 3.
M. Éric Bocquet . - En ces temps de recherche acharnée de ressources financières, des marges de manoeuvre existent, comme le montre un rapport qui vient d'être remis à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche mettant en évidence présentant le recours hasardeux aux partenariats public-privé pour réaliser le plan Campus.
La formule du partenariat public-privé est particulièrement discutable : on l'a vu avec l'hôpital sud francilien, le centre des archives diplomatiques, le « Pentagone à la française », le nouveau tribunal de Paris, Le train fantôme des loyers que devra payer la SNCF aux propriétaires constructeurs des nouvelles lignes TGV. A l'image des contrats de location-bail pour les voitures, le sigle PPP signifie « partage des pertes pour le public ».
Comment allez-vous encadrer davantage ces PPP, formule coûteuse de financement des investissements ? (Applaudissements à gauche)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. - Les partenariats public-privé sont la conséquence d'une politique avec laquelle nous sommes en rupture. C'est un déport sur l'avenir qui a ainsi été organisé. Si elle n'apporte pas d'économies dans l'immédiat, cette rupture évite d'insulter les générations futures. Reste que tous les partenariats public-privé ne peuvent pas être rompus : outre qu'il faut terminer les chantiers, l'État pourrait, dans certains cas, être condamné à payer des débours. Les chantiers des palais de justice de Lille et de Perpignan, s'ils doivent être réalisés, le seront selon d'autres modalités. Un bilan des partenariats public-privé déjà engagés a été demandé à l'IGF. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Éric Bocquet. - Merci pour votre réponse. Le développement des PPP est une véritable bombe à retardement. Les risques de surcoût sont évidents. Gouverner, c'est prévoir : évitons de nous retrouver dans quelques années avec un patrimoine en aussi piteux état que le collège Pailleron, de sinistre mémoire. Facilitez l'accès à l'emprunt des collectivités locales, résolvez le dossier Dexia et réorientez la politique de la BCE !
M. Jean-Vincent Placé . - L'achat public a un rôle fondamental de structuration de l'offre économique. Pourtant, l'achat durable, s'il est plébiscité dans son principe, reste à mettre en oeuvre, notamment dans la dimension environnementale. La clause environnementale pour les commandes publiques reste à définir clairement. La notion de durée de vie pourrait être un outil contre l'obsolescence programmée. En période de contrainte budgétaire, la maîtrise de consommation d'énergie doit être source d'économies. L'État doit montrer l'exemple ; où en est-il ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Des directives communautaires et des instruments juridiques nationaux existent déjà. Les achats de l'État sont soumis à ces exigences. La stratégie d'achat inclut les objectifs qui vous tiennent à coeur, qu'il s'agisse des achats de papier, de fourniture, de nettoyage des bureaux, de la fourniture d'énergie.
S'y ajoute le plan de relance pour l'automobile : l'État s'est engagé à acheter 25 % de véhicules hybrides et à ce que tous ses véhicules urbains soient électriques. Nous comptons, dans les années qui viennent, renforcer cette politique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Vincent Placé. - Je suis sensible à votre réponse. Tout de même, il faut faire davantage. Les voitures hybrides fonctionnent aussi au gazole, dont on connaît les effets cancérigènes. Il est regrettable que M. Gallois se soit refusé à prendre position sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Jean-Pierre Plancade . - Le RDSE est favorable à la maîtrise ciblée de la dépense publique afin de réduire durablement les déficits, conformément à ce que vous proposez dans le cadre du PLF 2013 et du pacte de croissance et de compétitivité.
Cependant, la discipline budgétaire ne doit pas pécher par excès de rigidité. Nous sommes inquiets pour les PME. Veillons à ne pas freiner leur développement, à mieux utiliser la dépense publique pour l'orienter vers les petites entreprises et les entreprises de taille intermédiaire.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Le projet de loi de finances épargne les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Le dispositif des jeunes entreprises innovantes est maintenu, de même que l'ISF PME, ainsi que le crédit Madelin.
A ces mesures protectrices s'ajoutent des mesures renouvelées. Nous incitons les entreprises à investir, grâce à la franchise d'un million d'euros, de même que le dispositif de report en avant jusqu'à 3 millions d'euros. Au titre du crédit impôt recherche, c'est un budget de 300 millions d'euros supplémentaires qui est réservé aux PME, avec le crédit innovation. La BPI sera un instrument très utile, à l'action de laquelle les collectivités locales seront associées. L'ensemble de ces mesures répond à vos préoccupations.
M. Jacques Mézard . - Nous avons entendu avec intérêt vos propos. La situation fiscale et économique des PME ne doit pas s'aggraver. Mais il faut aller au-delà. Le crédit d'impôt innovation est fondamental. Nous le savons pour être des élus de terrain. De là l'intérêt du cumul des mandats. (Sourires) Nos PME ont besoin de marges de trésorerie. Il y a urgence. Il faut aller plus vite. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. François-Noël Buffet . - Je serai moins consensuel. Il n'y a que deux moyens de réduire le déficit : augmenter les recettes, certes, mais surtout réduire les dépenses ; la Cour des comptes y a insisté. Pourtant, vous stabilisez les dépenses publiques en 2012 et en 2013 et ne les réduirez qu'à partir de 2014 seulement. Vous imposez 30 milliards de prélèvements supplémentaires, qui toucheront la classe moyenne et les PME. Toute la presse parle d'un « matraquage fiscal » qui aura des effets récessifs.
M. Jean-Louis Carrère. - Si Le Figaro le dit !
M. François-Noël Buffet. - En 2014, il sera peut-être déjà trop tard. Pourquoi ne pas diminuer la dépense publique dès maintenant ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Entre 2002 et 2007, la dépense publique a augmenté en moyenne de 2,7 % par an ; entre 2007 et 2012, de 1,3 %. Ce gouvernement propose une moyenne de 0,7 %, en fait de 0,6 %. C'est beaucoup mieux !
Non, nous n'attendons pas 2014 : c'est dès l'an prochain que nous soumettrons l'État à la norme de zéro valeur, dont un ministre que vous souteniez autrefois disait que c'était l'une des actions les plus dures à conduire...
Dès lors qu'il s'agit de maîtriser la dépense publique, la dépense sociale et les collectivités locales doivent y contribuer. Je compte sur votre soutien sur ce point. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François-Noël Buffet. - La région Rhône-Alpes a augmenté considérablement ses impôts sans concertation. Le président de la communauté urbaine lyonnaise rechigne à être solidaire de l'État. Je vous renvoie à ces récentes déclarations. Votre gouvernement a conforté la dépense publique en engageant des fonctionnaires nouveaux. Vos choix ne sont pas les nôtres. La gauche ne cesse de dépenser. (Applaudissements à droite)
M. Vincent Delahaye . - La tentation de la gauche est de résoudre l'équation budgétaire par l'impôt plutôt que par la réduction de la dépense publique. Pour vous, ne pas dépenser plus, c'est déjà économiser. Pour moi, réduire le déficit, c'est dépenser moins.
Il reste bien des marges de manoeuvre. Le candidat Hollande a promis la stabilité des effectifs d'État. La stabilité de la masse salariale en 2013 résultera des efforts sur les effectifs décidés en 2012 et auxquels vous étiez opposés. (Applaudissements à droite)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - L'effort demandé par le Gouvernement porte sur un peu moins de 25 milliards d'euros d'impôts, à comparer aux 11 milliards et aux 8 milliards d'impôts nouveaux des plans Fillon I et II. Au total, les impôts nouveaux des deux dernières années des gouvernements Fillon se sont élevés à 30 milliards d'euros.
L'effort de redressement passe hélas par une augmentation de la fiscalité, mais on ne peut s'en contenter, non plus que de réduire la dépense. Dans l'appareil d'État, il y aura 2 317 suppressions de poste et 1 303 dans ses opérateurs. Avec l'effet noria, les agents partant à la retraite sont remplacés par des jeunes nettement moins payés. Les dépenses de l'État respecteront la norme de zéro valeur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Vincent Delahaye. - Vous ne tiendrez pas votre promesse de retrouver l'équilibre des comptes publics en 2017 parce que vous refusez de réformer. Inspirez-vous de l'action du technicien Mario Monti en Italie ! Faudra-t-il, en France, faire appel au technicien Louis Gallois ? Soyez courageux, coupez dans les dépenses ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Claude Frécon . - Face à la crise majeure, on en appelle à la contribution des collectivités territoriales. Les concours de l'État sont maintenus en 2013 mais baisseront à partir de 2014. Nous assurons la solidarité. Certains vous reprochent de prendre à la gorge les territoires. L'ancienne majorité avait prévu, pour les collectivités territoriales, 2 milliards par an pendant cinq ans consécutifs des concours de l'État : quel désengagement !
Il est vrai que la baisse des investissements des collectivités territoriales entraînera une moindre activité du BTP, la non-satisfaction des attentes des ménages, mais c'est nécessaire. Le climat a changé : il est marqué par le dialogue, comme l'illustrent les états généraux de la démocratie territoriale qui se sont tenus au Sénat. Soutiendrez-vous les efforts des collectivités territoriales ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Lors de la présentation du budget au comité des finances locales, j'ai souhaité que les collectivités locales contribuent à l'effort national, à partir de 2012 et 2015, sous la forme d'une contribution supplémentaire de 750 millions d'euros chaque année. On ne peut pas demander au seul État de participer au redressement du pays. Tous les élus responsables y sont sensibles. L'effort devra être partagé. Le président du comité des finances locales, M. Laignel, a souhaité la création d'un groupe de travail au sein du comité. C'est une bonne initiative. Nous soutiendrons l'investissement autant que faire se peut. La création d'une banque des collectivités locales satisfera les élus, après la déconfiture de Dexia, qui eût pu être anticipée davantage. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Frécon. - Merci, monsieur le ministre, d'évoquer le financement des collectivités locales. La Banque postale annoncera prochainement qu'elle prêtera aux collectivités. Ces dernières années, la réforme de la taxe professionnelle, la réforme territoriale avaient créé une mauvaise ambiance. Avec vous, nous espérons ne pas revenir en arrière ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Serge Dassault . - Dans la situation financière critique où nous sommes, on augmente les impôts pour financer des dépenses nouvelles...
M. Jean-Louis Carrère. - Mais non !
M. Serge Dassault. - Il faudrait baisser les recettes pour baisser les dépenses et non pas les augmenter ! La France risque, avec l'Espagne, de se retrouver en cessation de paiement. L'euro devrait être dévalué. Les 35 heures nous coûtent des dizaines de milliards par an. C'est en France qu'on travaille le moins ! Nos investisseurs quittent le pays pour la Grande-Bretagne et la Belgique.
M. Jean-Louis Carrère. - Parlez-nous de vos avions !
M. Serge Dassault. - Pourquoi embaucher 60 000 fonctionnaires de plus ? Pourquoi augmenter le Smic ? Pourquoi baisser l'âge de la retraite à 60 ans ?
M. Guy Fischer. - Vous vivez de l'argent public !
M. Serge Dassault. - Abandonnerez-vous un jour cette idéologie dépensière des 35 heures ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Sur le risque de voir les taux d'intérêt monter, nous faisons tout pour l'éviter. Les taux auxquels nous empruntons n'ont jamais été aussi bas. La dégradation de la note de la France, par une seule agence de notation, eut lieu sous un autre gouvernement, auquel vous avez sans doute adressé de vifs reproches.
Nous bénéficions d'un avantage comparatif par rapport à d'autres pays de la zone euro. Le FMI reconnaît notre crédibilité. Difficile pour l'opposition de nous accorder le même crédit ! Je comprends votre souci du combat politique. C'est en 2007, sous l'empire de votre majorité, que les 35 heures ont été généralisées à toutes les entreprises, au nom d'une politique des heures supplémentaires se déclenchant à partir de la 35e heure.
Dans l'urgence, il est impossible de supprimer les emplois que vous voulez réduire. Cela ne peut se faire que dans un projet de loi de finances initial, pas en collectif. L'an prochain, il y aura 2 307 suppressions de postes de l'appareil d'État et 1 303 chez ses opérateurs. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Louis Carrère. - Très bien !
M. Serge Dassault. - Monsieur le ministre, cher ami (on feint de se scandaliser, à gauche), vous êtes au pouvoir, vous en avez la responsabilité, il faut faire mieux. Nous ne tiendrons pas les 3 %. Nous en reparlerons dans quelques mois. Ce que je vous dis, c'est pour le bien de la France ! Travaillons ensemble pour son avenir !
M. Alain Richard. - Très bien.
M. Georges Patient . - Le premier engagement de François Hollande pour l'outre-mer portait sur la mise en place d'une loi de programmation engageant l'État sur la durée, pour les investissements publics et les dispositifs spécifiques essentiels pour le financement des économies ultramarines. Sur le premier point, la loi de finances initiale entame le mouvement, avec 50 millions d'euros sur les 500 promis sur le quinquennat. Sur le deuxième point, c'est beaucoup plus flou. Nous, élus ultramarins, sommes inquiets. Les engagements doivent être tenus.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Le budget de l'outre-mer a augmenté de 100 millions d'euros et il augmentera de même l'année suivante.
La niche fiscale sur les investissements outre-mer est aujourd'hui plafonnée. Une personne peut défiscaliser 250 000 euros en une année grâce à ce dispositif très incitatif qui permet aux plus aisés de nos concitoyens d'investir outre-mer. Il est peu d'investissements aussi rentables et attractifs. Il n'est pas prévu que ce dispositif soit inclus dans le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros. Le plafonnement précédent est maintenu. Nous améliorerons le dispositif si nécessaire.
M. Georges Patient. - Oui, il faut l'améliorer et le rendre plus efficace, mais en concertation avec les parlementaires et tous les acteurs concernés. Il serait inconcevable de le supprimer sans prévoir de mécanisme de remplacement dans des territoires où le taux de chômage est le double, voire le triple, de celui de l'Hexagone.
M. Jean-François Husson . - Avec un niveau de dépense publique record en Europe, la France est au bord de l'asphyxie. Dans les six premiers mois du nouveau quinquennat, vous avez ostensiblement privilégié la pression fiscale.
M. Jean-Louis Carrère. - Répétition n'est pas vérité !
M. Jean-François Husson. - Vous avez obstinément refusé de travailler sur la réduction de la dépense publique. L'urgence est pourtant là : c'est l'emploi ! Le rapport Gallois est éclairant. Dès le lendemain de son dépôt, le Gouvernement, dans une volte-face qui laisse sans voix, a annoncé des mesures. Où est le cap de votre gouvernement ? A quelle hauteur et à quelle échéance réduirez-vous la dépense publique pour sortir la France de cette grande dépression ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Dépression a un sens précis en économie. Ne confondez pas l'état psychologique de certains avec la conjoncture économique. (Sourires à gauche)
Il est vrai que la dépense publique a augmenté de 4 % du PIB entre 2002 et 2012, 900 millions de déficit et un million de chômeurs de plus, une balance commerciale déficitaire de 73 milliards l'an dernier, quand elle était excédentaire en 2002.
M. Jean-Louis Carrère. - Eh oui !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - Nous augmenterons la dépense publique en moyenne de 0,7 %, ou 0,6 % ; beaucoup moins que le gouvernement que vous souteniez, qui a contribué à assécher les liquidités présentes sur le marché.
Il n'y a pas de réquisitoire plus sévère contre la politique menée ces dernières années que le rapport Gallois ! Le taux de marge des entreprises s'est effondré. L'étau des charges existe depuis bien plus longtemps que ces cinq derniers mois. Le bilan de ces dix dernières années nous a fermé bien des marges de progression ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-François Husson. - Que n'a-t-on entendu hier quand il s'est agi de faire contribuer les collectivités territoriales à hauteur de 200 millions d'euros ! Que de cris d'orfraie ! Ce sont les mêmes qui les poussaient et qui acceptent en baissant la tête que les collectivités territoriales soient mises à contribution. J'ajoute que le financement de la protection sociale est inadapté.