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Table des matières
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.
M. David Assouline, rapporteur de la commission de la culture
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi
M. David Assouline, rapporteur
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée
Discussion de l'article unique
Décision du Conseil constitutionnel
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants
M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur
Respect de la Constitution par le Gouvernement
Lutte contre les cyberattaques
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants
Aéroport Notre-Dame-des-Landes
Transport des personnes handicapées
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Allocation personnalisée d'autonomie
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée
Organismes extraparlementaires (Nominations)
SÉANCE
du jeudi 25 octobre 2012
12e séance de la session ordinaire 2012-2013
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jacques Gillot.
La séance est ouverte à 9 h 05.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. Marc Durand-Viel, président du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, le rapport pour l'année 2011, établi en application de l'article 20 de la loi du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédures aux contribuables en matière fiscale et douanière. Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.
Absentéisme scolaire
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à abroger la loi du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire.
Discussion générale
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Cette proposition de loi abroge le dispositif de suppression des allocations familiales mis en place en septembre 2010, qui avait suscité de vifs débats dans notre assemblée.
Ma démarche n'illustre en rien un clivage partisan. En 2004, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, avait supprimé ce mécanisme en vigueur depuis 1966.
En 2003, le délégué interministériel à la famille avait mis en avant la complexité du phénomène de l'obligation scolaire, soulignant le caractère contre-productif de cette mesure. Je ne dis pas autre chose. Le dispositif de la loi du 28 septembre 2010 doit être abrogé.
De même, cette proposition de loi prévoit d'abroger les contrats de responsabilité parentale (CRP) : 38 CRP ont été signés entre 2006 et 2010 : on ne peut pas parler de réussite ! Il est vrai que 165 contrats ont été signés en 2011 dans le département de M. Ciotti, les Alpes-Maritimes. Peut-être faut-il s'interroger sur ce particularisme local...
Toutes les personnes auditionnées par le Sénat, en 2010 comme en 2012, ont désapprouvé ce mécanisme qui repose sur une erreur fondamentale de diagnostic : l'absentéisme scolaire serait dû à une défaillance parentale qu'il conviendrait de sanctionner.
Or le défaut d'assiduité peut être ponctuel ou durable, ciblé sur une matière, une plage horaire, une période, il peut ou non conduire au décrochage. Il est souvent la conséquence de difficultés familiales ou sociales, l'expression d'une souffrance psychologique, d'une détresse humaine liée à un problème d'orientation...
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - ...le taux d'absentéisme varie selon les publics et les territoires. C'est dans l'éducation prioritaire qu'il est le plus élevé, là où les familles sont les plus éloignées de l'école et de ses codes.
Les absentéistes sont trois fois plus nombreux dans les collèges en ZEP.
Ce dispositif est inadapté, injuste et inefficace. Il devait être à l'origine inclus dans la Loppsi ! C'est dire à quel point la préoccupation éducative en était absente !
Toutes les familles ne sont pas concernées. Seules celles qui sont les plus nombreuses et les plus pauvres sont « ciblées » par ce texte. Peut-on imaginer que cette sanction leur donnera la motivation nécessaire pour remettre leurs enfants sur le chemin de l'école ? Bien sûr que non ! Cette approche répressive et stigmatisante porte une vision négative du rôle des parents, alors qu'il faut les soutenir. Avec ce texte, M. Ciotti n'a privilégié qu'une approche répressive et culpabilisatrice des parents.
Une femme seule avec plusieurs enfants, contrainte au temps partiel subi ou à des horaires décalés, doit-elle être tenue responsable de l'absentéisme d'un de ses enfants et voir disparaître une partie de ses faibles revenus ? Que dire des familles confrontées à la maladie, au handicap ?
Le taux d'absentéisme depuis 2010 a progressé de 4,3 % à 5 %. Apporter à un problème social et scolaire une réponse répressive est un aveu d'impuissance qui renforce in fine le phénomène. Le dialogue sous la contrainte peut rompre définitivement la confiance entre les parents et l'institution. De surcroît cette logique répressive peut aussi avoir pour effet de diminuer les signalements pour absentéisme. Un phénomène aussi complexe ne peut être freiné par des réponses aussi simplistes. Il faut favoriser la coresponsabilité, à l'heure où l'école redevient une priorité. L'objectif est d'apporter une solution globale à l'échec scolaire. Le président de la République a rappelé, en présentant les conclusions de la concertation sur l'école, l'importance du traitement personnalisé en amont. Il a évoqué la nécessité d'un référent, notamment dans les lycées professionnels.
Je salue l'excellent travail du rapporteur et l'amendement adopté en commission, adapté à la problématique spécifique de l'assiduité. L'objectif n'est pas la sanction, mais le suivi rigoureux. Comme le dit Edgar Morin, si vous avez le sens de la complexité, vous aurez le sens de la solidarité. Proposons des solutions à la fois ciblées et globales. Tel est le sens de la loi pour la refondation de l'école que nous examinerons dans quelques mois. Il faudra renouer les liens de confiance entre les familles et les établissements. Il ne s'agit pas de faire table rase du passé, mais du passif.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Je vous propose d'abroger la loi de défiance et d'adopter cette proposition de loi de confiance envers les familles, l'école, les partenaires sociaux éducatifs qui, tous ensemble, oeuvrent pour une intégration réussie des jeunes dans notre société. (Applaudissements à gauche)
M. David Assouline, rapporteur de la commission de la culture . - La proposition de loi déposée par Mme Cartron abroge deux dispositifs : le mécanisme de suspension des allocations familiales dit loi Ciotti de 2010 ; le contrat de responsabilité parentale issu de la loi Borloo de 2006 permettant au président de conseil général de demander la suspension des allocations familiales, mesure demeurée inappliquée, hormis dans les Alpes-Maritimes, département présidé par Eric Ciotti, et en Vendée.
Ce contrat perturbe la logique même de l'accompagnement parental mis en place dans le cadre de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Il a été décorrélé de la lutte contre l'absentéisme. La loi Ciotti a brisé le lien entre le CRP et la suspension des allocations familiales et lui a substitué un mécanisme automatique de suspension sur saisine de l'inspecteur d'académie. Le CRP est devenu caduc, inutile. C'est pourquoi la commission de la culture en souhaite la suppression.
Le manque d'évaluation en amont comme en aval est patent. Vous savez combien j'y suis attaché. Cette méthode de législation n'est pas convenable. Elle est exemplaire de ces lois idéologiques pour afficher une posture politique. La loi de 2010 s'inscrit dans la seule perspective de la prévention de la délinquance. M. Ciotti a prévu ce dispositif dans le cadre de la Loppsi, qui finalement a atterri dans le code de l'éducation. L'absentéisme est un phénomène protéiforme, qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs. Ses causes sont extrêmement diverses. La démission supposée des parents n'est pas la seule, loin de là ! En dehors de cas extrêmes, liés à une profonde exclusion sociale, jamais les parents ne démissionnent. Mais certains d'entre eux sont démunis et désemparés. Ceci dit, l'orientation par défaut ne peut être ignorée. Le taux d'absentéisme est de 18 % en première année dans les lycées professionnels.
Au collège, les absents sont ceux qui connaissent déjà l'échec scolaire, après un parcours en primaire difficile. Le rapport avec la violence ? Certains enfants s'absentent pour éviter ceux qui les harcèlent ou les agressent : ce n'est pas eux qu'il faut sanctionner. Il existe aussi un absentéisme de confort, du type « zapping scolaire », visant un professeur, une matière, certains horaires.
L'absentéisme touche tous les milieux, mais davantage les familles les plus précaires. L'existence de conflits intrafamiliaux provoque de l'absentéisme, parmi d'autres facteurs, psychologiques notamment. Il paraît profondément irréaliste de proposer « une » solution. La suppression des allocations familiales sur saisine de l'éducation nationale reprend un vieux dispositif de quarante ans, qui a fait la preuve de son manque d'efficacité et d'équité !
C'est le gouvernement Raffarin qui l'a supprimé avec Luc Ferry. À l'époque 6 000 à 7 000 familles étaient concernées, sans aucun effet sur l'absentéisme.
Entre février 2011 et mars 2012, 472 suspensions ont été prononcées. Depuis la mise en oeuvre de la loi Ciotti, aucune amélioration objective de l'assiduité ne peut être observée. L'absentéisme a même augmenté, de 4,3 % à 5 %, avec un effet pervers : la baisse des signalements ! On masque le phénomène au lieu de lutter contre celui-ci.
L'essentiel des retours à l'assiduité intervient au moment du rappel à la loi par le directeur académique des services de l'éducation (Dasen). La proposition de loi est parfaitement calibrée, parce qu'elle maintient l'avertissement solennel et le rappel des sanctions pénales applicables. Tout l'effet dissuasif est donc conservé par la proposition de loi qui ne supprime qu'une sanction administrative inutile, inefficace et injuste.
La suppression des allocations stigmatise les familles modestes. Dans l'académie de Créteil, le recteur a attiré notre attention sur leurs difficultés, alors que les allocations représentent pour elles une ressource importante : leur retirer, c'est leur infliger une double peine. Et de nombreuses familles ne perçoivent pas les allocations familiales car elles n'ont qu'un enfant à charge.
La commission a intégré dans le texte initial une nouvelle méthode de traitement du problème. D'autres mesures seront intégrées probablement dans le prochain projet de loi d'orientation sur l'école, selon la concertation. En attendant, la commission a souhaité inscrire immédiatement la mobilisation de tous les acteurs de terrain, afin de proposer une aide adaptée et contractualisée.
L'article L. 111-3 du code de l'éducation définit la communauté éducative, au-delà du personnel de l'éducation et de l'établissement. Elle inclut les collectivités territoriales, de même que les services sociaux de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Bien évidemment, il ne faut pas les réunir à chaque fois, mais dans ce vaste panel, il convient de choisir ceux qui seront le mieux à même de proposer des solutions. Il s'agit de coordonner tous les services actuellement cloisonnés pour proposer aux familles des solutions spécifiques de soutien à la parentalité. La méthode de diagnostic que nous proposons doit aider les familles, pour envisager un accompagnement adapté à la nature de leurs problèmes, contractualisé, loin d'une logique de sanction. La solution ne sera pas imposée.
M. Claude Domeizel. - Votre temps de parole est épuisé !
M. David Assouline, rapporteur. - La commission souhaite, comme le président de la République, qu'un référent soit nommé. Nous vous proposons d'adopter la proposition de loi, sous le bénéfice de ces observations. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative . - C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance de la proposition de loi de Mme Cartron. L'absentéisme est avant tout le symptôme d'une situation sociale difficile. C'est la première étape d'un chemin qui mène trop souvent au décrochage et à l'exclusion.
La proposition de loi Ciotti était inique, inefficace, injuste et tardive. Lorsque quatre demi-journées d'absence sont constatées au sein de l'établissement, son directeur le signale au Dasen, qui avertit la famille et peut diligenter un expert social. En cas de récidive, le président du conseil général peut proposer le CRP et, s'il n'est pas observé, ou refusé, il peut prononcer la suspension ou la suppression des allocations familiales.
Ce dispositif, introduit en 1966, avait été supprimé en 2003-2004 sur la recommandation d'un rapport demandé à l'époque par MM. Sarkozy, Darcos et Jacob, qui y voyaient une solution inéquitable et hétérogène.
En 2010, M. Ciotti a proposé un texte qui a été durci du fait de la droitisation de la majorité de l'époque à la suite du discours de Grenoble. Peut-on prétendre que cette loi a été efficace ? Comme vous l'avez souligné, nous ne disposons pas d'une évaluation fiable. Mais les statistiques de la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) sont éloquentes : sur 12 millions d'élèves, 300 000 sont absentéistes -chiffre flou et partiel. Durant le premier semestre 2012, 79 000 signalements ont été faits et 619 allocations ont été suspendues ; 142 ont été rétablies parce que l'élève avait cessé d'être absent. Cela montre l'inefficacité du dispositif.
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Eh oui !
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. - L'absentéisme est infinitésimal au primaire et devient significatif en fin de collège et au lycée professionnel, coïncidant avec l'adolescence. Il faut s'y prendre autrement ! Dès lors qu'on identifie le phénomène, qu'on s'adresse à l'élève, une partie des jeunes reprennent le chemin de l'école. Il faut s'intéresser à l'enfant et prendre des mesures d'accompagnement adaptées. Il y a des solutions variées, comme les causes le sont.
L'orientation des jeunes joue un rôle : certains élèves ne supportent pas celle qu'on leur impose. Il faut s'y prendre tôt, en mettant en place des dispositifs comme les Rased, malheureusement supprimés par la majorité précédente. Bien évidemment, des procédures pénales de protection des mineurs existent face à des parents incapables ou désinvoltes.
S'en prendre aux allocations familiales est inadmissible et injuste, d'autant que le dispositif passe à côté des mères isolées avec un enfant.
L'absentéisme et le décrochage ne sont pas propres à nos pays. Les ministres de l'éducation européens recherchent des solutions : des préconisations seront adoptées en novembre. Nulle part on ne demande d'agir sur les allocations familiales.
Votre proposition de maintenir un premier échelon d'intervention au niveau de l'établissement avec la communauté éducative est utile. Dans le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, où les jeunes en difficulté sont très nombreux, les solutions proposées peuvent en effet nous inspirer. Avec Mme Bertinotti, nous allons proposer des réponses dans le cadre de nos services aux dysfonctionnements qui se manifestent par l'absentéisme, une fois que sera éliminée cette fausse solution, inappliquée. Ainsi, nous pourrons rebâtir un vrai processus tendant à remettre les jeunes sur de bons rails, sans priver les familles de moyens, en permettant à chacun de retrouver la voie de la réussite et de l'estime de soi. Ne laissons pas nos jeunes au bord du chemin ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Le Scouarnec . - La loi de 2006 avait créé un contrat de responsabilité parentale instaurant une sanction des parents. Très peu de présidents de conseils généraux l'ont mis en oeuvre. La loi de 2010 a néanmoins aggravé ce dispositif, sur la base d'un amalgame entre absentéisme et délinquance que nous ne pouvons accepter, en dévoyant l'objectif des allocations familiales.
Notre pays avait déjà conclu à l'inefficacité d'un tel dispositif, supprimé en 2004, la majorité d'alors le qualifiant « d'inéquitable et injuste ». Les familles qui n'ont qu'un seul enfant échappent à toute sanction. Et que dire de la pénalisation des familles nombreuses ?
Une récente étude de 2012 démontre que le succès des programmes de soutien à la parentalité est réel, grâce aux communes. Il faut aider, accompagner, encourager les parents sur la durée et non les stigmatiser. L'absentéisme est un phénomène complexe qui ne peut être résolu par une mesure aussi simpliste que la suppression des allocations familiales. Il touche surtout les lycées professionnels, beaucoup moins ceux des filières générales. Ses causes sont très diverses, souvent une orientation par défaut -raison pour laquelle la filière professionnelle doit impérativement être revalorisée- aux violences subies, au contexte familial et social.
Réaffirmons la responsabilité publique de l'État qui doit proposer aux parents un accompagnement durable et de qualité. Je me félicite que le CRP n'ait quasiment pas été appliqué, sauf dans les Alpes-Maritimes ; seules 160 suspensions ont été prononcées. Nous sommes donc favorables à cette proposition de loi qui abroge la loi Ciotti. La proposition de votre rapporteur de réunir la communauté éducative et les parents en cas d'absentéisme persistant est bienvenue : il faut redonner confiance aux jeunes et aux familles, là est la clé de la réussite. Il faut aussi repérer rapidement les premiers signes de décrochage pour agir précocement. Le référent peut jouer un rôle d'éveilleur au sein de l'équipe pédagogique. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Léonce Dupont . - Cette proposition de loi tend à supprimer le dispositif de la loi Ciotti. Son exposé des motifs ne fait pas dans la mesure. « Un dispositif injuste, inégalitaire, inopportun, inadapté, inapproprié ». Quelle objectivité ! Qu'a donc fait de si inadmissible le législateur de 2010 ?
Le contrôle de l'obligation et celui de l'assiduité scolaires sont nécessaires. Certains gouvernements ont plutôt mis l'accent sur la prévention, d'autres sur des mesures plus coercitives. Les dispositions de l'ordonnance de 1959 ont été remplacées en 2006 par le CRP, qui n'a pas eu l'effet escompté. D'où la loi de 2010 et son régime gradué. On est loin de la présentation caricaturale que j'ai entendue.
Le dispositif Ciotti n'est entré en vigueur qu'en janvier 2011 ; c'est dire que nous manquons de recul. Le président de la République lui-même a proposé d'élargir le droit à l'expérimentation : il faut donc donner du temps au temps.
M. Jacques Legendre. - Très bien.
M. Jean-Léonce Dupont. - Entre janvier 2011 et mars 2012, 472 familles ont été sanctionnées pour absentéisme répété et privées partiellement des allocations familiales. Je m'étonne d'ailleurs que le ministère de l'éducation nationale n'ait pas donné avant aujourd'hui de chiffres précis sur les signalements, les demandes de suspension, les suspensions effectives.
M. David Assouline, rapporteur. - M. Chatel ne voulait pas les donner !
M. Jean-Léonce Dupont. - Dans mon département, sur 270 courriers envoyés aux familles par la direction départementale de l'éducation nationale, seules 13 suspensions d'allocations ont été prononcées. Le conseil général a mis en place des partenariats élargis, des dispositifs relais adaptés aux difficultés des élèves en échec scolaire qui permettent de proposer précocement une intervention psycho-médico-sociale. La loi Ciotti semble en tout cas avoir permis une meilleure communication entre les différents acteurs...
M. Jacques Legendre et M. Jean-Paul Fournier. - Très bien !
M. Jean-Léonce Dupont. - La procédure graduée est un outil utile, même si ce n'est pas la panacée. Cette loi est-elle donc totalement inutile ? Je ne le crois pas.
Une loi de programmation et d'orientation est annoncée pour l'année prochaine. Pourquoi ne pas profiter de ce délai pour évaluer vraiment la loi de 2010 et proposer éventuellement des solutions alternatives ? (Applaudissements à droite)
M. Charles Revet. - Ce serait plus sérieux !
Mme Françoise Laborde . - Cette proposition de loi vise à défaire un texte qui n'aura pas vécu bien longtemps -et c'est tant mieux. J'étais opposée à la loi Ciotti, qui apportait des solutions illusoires. Ce n'est pas en pénalisant les familles d'enfants décrocheurs qu'on favorisera le retour de ceux-ci à l'école, d'autant que les familles les plus modestes étaient les plus touchées.
À l'époque, j'avais dit que ce texte était hors sujet et faisait l'amalgame entre absentéisme et délinquance des jeunes. Il était en outre source d'inégalités selon que la famille ait un ou plusieurs enfants, ou dépendait plus ou moins des prestations familiales. La concertation sur la refondation de l'école propose la nomination d'un référent dans les établissements et la limitation du redoublement. Au Danemark et aux Pays-Bas, des centres spécialisés ont été mis en place pour accompagner de façon globale les familles ; nous pourrions nous en inspirer. La proposition de loi donne la priorité à la prévention. Le directeur d'établissement pourra convoquer les parents et proposer des mesures d'accompagnement, qui seront mises en oeuvre par le référent, celui-ci pouvant faire appel à tous les membres de la communauté éducative. Les parents seront mieux guidés et les enfants mieux pris en charge ; une réponse personnalisée sera apportée.
Il convient de prévenir l'absentéisme dès le primaire. L'école buissonnière n'est pas un phénomène nouveau, mais il s'est aggravé ces dernières années du fait de la baisse du taux d'encadrement et de la suppression de nombreux postes dans l'éducation nationale, dont de Rased.
La très grande majorité du RDSE soutiendra cette proposition de loi, qui pose la première pierre de la reconstruction de l'école de la République. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)
Mme Corinne Bouchoux . - L'absentéisme a toujours existé, mais jadis, on orientait d'autorité l'élève décrocheur vers le travail ; il n'y avait pas d'exclusion à vie. Aujourd'hui, avec le chômage massif, l'absentéisme est une perte de chance importante pour les jeunes, à quelque milieu social qu'ils appartiennent.
M. Jacques Legendre. - C'est vrai !
Mme Corinne Bouchoux. - Les familles sont de plus en plus angoissées. Si le gouvernement Raffarin a supprimé un dispositif inefficace, celui plutôt simpliste, pour ne pas dire simplet, voulu par M. Ciotti répondait à un objectif politique d'affichage. Il ne pouvait pas répondre à la question. Car l'absentéisme est multifactoriel, il y a autant de causes d'absentéisme que d'élèves absents. Une seule loi ne peut s'y attaquer. L'école doit être refondée.
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi, et M. Claude Domeizel. - Très bien !
Mme Corinne Bouchoux. - Cela dit, le problème est réel. Une loi généreuse est nécessaire, qui réduira l'absentéisme, véritable symptôme du mal-être à l'école. Prenons en compte le rythme des élèves ! Puisse la concertation en cours ne pas décevoir, en dépit des contraintes budgétaires !
La violence à l'école existe, mais l'école, elle aussi, est violente : elle exclut ! Les écologistes croient beaucoup à une gestion non violente des conflits. Il faut aussi songer aux salaires des enseignants, humiliés quand ils se comparent à leurs collègues allemands.
Nous serions déçus si la refondation de l'école n'apportait des modifications qu'à la marge. Nous devons changer l'école pour qu'elle devienne source de bien-être et non pas d'exclusion ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et à gauche)
Mme Colette Mélot . - Malgré la loi de mars 1882, l'absentéisme scolaire touche 300 000 élèves, spécialement dans les lycées professionnels. Les causes en sont diverses, il frappe tous les milieux mais est plus prégnant dans les familles touchées par la précarité, qui doivent être aidées et non pas stigmatisées ou culpabilisées. Les parents restent les premiers acteurs de socialisation et de responsabilisation des enfants. L'absentéisme mène à la marginalisation, à l'exclusion, voire à la violence.
Les pouvoirs publics ont proposé dès 1959 de lier exercice de l'autorité parentale et attribution des allocations familiales. La loi de 2006 a supprimé la sanction administrative et instauré le CRP -qui a été peu utilisé, il est vrai, par les présidents de conseil général. Devant ce constat d'échec, la loi de septembre 2010 a fait de la responsabilisation et de l'accompagnement des parents un élément clé de la lutte contre l'absentéisme ; elle a créé un dispositif gradué, proportionné pour alerter, accompagner et éventuellement sanctionner les parents dont les enfants sont absents de manière répétée et injustifiée.
M. le rapporteur estime qu'il s'agit d'un dispositif purement répressif. Il n'en est rien. La suppression des allocations est avant tout dissuasive. M. Carle avait auditionné des représentants de l'académie de Créteil qui estimaient que la moitié des familles convoquées réglaient rapidement, devant la menace, le problème de l'absentéisme de leurs enfants.
Vous prônez l'abrogation du CRP et de la suspension des allocations familiales et vous voulez responsabiliser les acteurs de terrain, la communauté éducative ; rien de bien neuf, en somme... C'est en cela que votre démarche est choquante. Il aurait fallu prendre le temps d'une évaluation rigoureuse, alors que vous reconnaissez vous-même la pauvreté des statistiques...
M. Michel Le Scouarnec. - Le dispositif actuel tellement injuste !
Mme Colette Mélot. - Le groupe UMP s'opposera donc à cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)
Mme Danielle Michel . - En 2003, M. Jacob intervenant ici même dans le cadre de la loi relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, estimait le dispositif alors en vigueur inefficace et inéquitable parce que contraire à la vocation des allocations familiales. Un dispositif réintroduit par la loi Ciotti de 2010...
La suspension des allocations familiales menace surtout les familles modestes, en particulier monoparentales. Le taux d'encadrement dans le primaire est très faible en France. Or l'absentéisme découle le plus souvent de l'échec scolaire qui trouve ses racines dès le primaire ; donnons la priorité à l'école élémentaire pour éviter le décrochage des jeunes. Encourageons l'orientation choisie et non subie, trop souvent à l'oeuvre dans les lycées professionnels. Privilégions la détection rapide, les interventions ciblées, la mobilisation de toute la communauté éducative.
Cette proposition de loi est opportune et équilibrée : je la voterai. (Applaudissements à gauche)
M. Roland Courteau . - Je vous félicite, madame Cartron, pour cette proposition de loi. Je me réjouis de ce texte qui abroge une loi simpliste et injuste qui m'avait profondément choqué : la double peine qui frappe les familles d'enfants absentéistes n'est pas acceptable.
Il faut tout faire pour maintenir le lien entre le jeune et l'école. Le beau mot d'instituteur a hélas disparu, je le regrette, car il contenait les idées d'institution et de tuteur...
M. Jean-Jacques Mirassou. - Eh oui !
M. Roland Courteau. - Je me réjouis des mesures récemment prises par le Gouvernement pour lutter contre le décrochage scolaire, comme de l'idée d'un référent dans les collèges et les lycées professionnels les plus touchés par l'absentéisme.
L'absentéisme est un mal aux multiples causes qui ne peut être guéri par un seul remède. Si le problème pouvait être résolu par un seul texte, ce ne serait certainement pas par la suppression des allocations familiales. Certains parents ne perçoivent pas le sens de l'école, victimes peut-être eux-mêmes d'exclusion sociale. Veut-on les punir, les stigmatiser encore davantage ?
Le dispositif Ciotti aggravait la marginalisation des familles en difficulté. Je m'inquiétais surtout pour les familles monoparentales. En outre, les familles avec un seul enfant n'étaient pas pénalisées. L'argent peut-il être le seul élément de responsabilisation des jeunes, des parents ? Que faites-vous du principe de gratuité scolaire ? Pour toutes ces raisons, je me réjouis d'abroger la loi Ciotti. (Applaudissements à gauche)
Mme Sophie Primas . - L'absentéisme est préoccupant et peut mener au décrochage et même à la violence. Ses causes sont diverses : il n'existe pas un mais des absentéismes. La loi de 2010 n'apportait pas la solution miracle, mais quel dispositif serait en mesure de le faire ?
En juin 2010, j'étais députée et j'avais été sensible aux arguments de mes collègues de droite comme de gauche qui avaient pointé l'importance des prestations familiales pour certaines familles ; mais j'ai voté la proposition de loi Ciotti et je ne le regrette pas car elle permet d'instaurer un dialogue structuré avec les parents.
M. Charles Revet. - Très bonne analyse !
M. Jacques Legendre et M. Jean-Claude Carle. - Oui.
Mme Sophie Primas. - Le mécanisme donne toute sa place à l'appréciation de la situation par l'académie. Dans mon département, les partenaires se sont impliqués. Au collège, 1 171 absences ont été signalées et 13 suspensions ont été prononcées, dont 7 sont en cours d'exécution, ce qui démontre l'efficacité du dispositif de prévention. (M. Jacques Legendre approuve)
La suspension doit être utilisée en tout dernier ressort. J'ajoute que les responsables d'établissements scolaires doivent pouvoir dialoguer en toute confiance avec les services sociaux territoriaux.
La loi de 2010 est utile : faisons confiance aux acteurs du terrain, donnons-leur des instruments pour qu'ils écrivent leur propre partition sur un tempo adapté aux réalités. La suspension des prestations n'est pas une fin en soi, l'objectif de la loi Ciotti est bien plutôt la responsabilisation des parents. Ne nous privons pas de ce dispositif par pur dogmatisme. (Applaudissements à droite)
M. François Grosdidier . - Depuis 2002 et l'échec de Lionel Jospin du fait de son aveuglement et de l'angélisme de la gauche sur la violence des jeunes, de son approche systématiquement idéologique de l'autorité et des problèmes de délinquance, que de chemin parcouru ! (Protestations sur les bancs socialistes)
M. David Assouline, rapporteur. - Subtil !
M. François Grosdidier. - Je suis maire d'une ville aux deux tiers en ZUS. Je sais que l'absentéisme scolaire est un fléau ; les premières victimes en sont les élèves eux-mêmes, qui compromettent leurs chances d'insertion sociale que leur offre la République. On a beau instaurer des systèmes de repêchage, peu s'en sortent vraiment. L'échec scolaire impacte les quartiers, les villes où les jeunes désoeuvrés finissent par s'occuper autrement et passent souvent plus vite que d'autres des incivilités à la délinquance. Je connais ces jeunes dans ma ville. Quand nous sommes parvenus à les remettre dans le droit chemin, c'est en les responsabilisant et en responsabilisant leurs parents. (Protestations croissantes sur les bancs socialistes)
M. David Assouline, rapporteur. - Eh oui !
M. François Grosdidier. - La loi supprimée en 2004 instituait un système du tout ou rien. C'est pourquoi nous avons instauré le CRP en 2006, mais qui n'a pas connu le succès espéré, du fait de la réticence des services sociaux des conseils généraux. La loi Ciotti a proposé une réponse concrète qui ne mérite pas d'être caricaturée comme vous le faites ! Tout absentéisme ne relève pas nécessairement de la responsabilité des parents, mais le dialogue est toujours nécessaire. J'ai entendu dire qu'on a retiré les allocations familiales à des parents dont les enfants n'allaient pas à l'école du fait de la violence qu'ils y subissaient. Citez-moi un seul exemple ! C'est n'importe quoi ! (Vives exclamations à gauche) Vous n'aimez pas entendre la vérité, c'est vrai ! (Nouvelles exclamations)
Les tuyaux de l'éducation nationale sont souvent trop longs. Les mois perdus dans la vie d'un collégien ne se rattrapent pas. Il est de notre devoir d'aller plus vite, de raccourcir les délais. La loi de 2010 permet le dialogue et d'apporter souvent des solutions. Si la convocation par l'inspection académique permet de régler la situation une fois sur deux, c'est qu'il y a menace sur les allocations. (Exclamations à gauche)
Personne n'est en mesure de présenter une solution idéale. Mais par pure idéologie, vous refusez l'idée même de responsabilisation, synonyme à vos yeux de stigmatisation. (On se récrie à gauche) Par sectarisme, vous abrogez une loi sans même l'avoir évaluée. Il vous faut défaire par idéologie ; notre seul souci est l'efficacité ! (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. - Le dernier orateur est membre de notre commission mais nous ne l'avons jamais vu en une année.
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Absentéisme signalé !
M. François Grosdidier. - Mise en cause personnelle ! Je demande la parole !
M. le président. - Je vous donnerai la parole en fin de séance.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée . - Nous sommes tous d'accord sur le constat. À droite, vous estimez qu'il faut identifier les problèmes et parler aux familles. Vous reconnaissez que le dispositif Ciotti a été peu utilisé, mais qu'il a le mérite d'être une sorte d'épée de Damoclès, ce dont je doute. Ceci dit, sur l'essentiel, sur le dialogue nécessaire avec les familles, nous sommes d'accord.
La loi Ciotti a été peu évaluée ? Elle ne comportait pas d'étude d'impact. Mais j'ai cité des chiffres qui éclairent le débat. Le sujet est grave, mérite qu'on s'y penche ; mais il est clair que le dispositif Ciotti n'a pas fait la preuve de son efficacité. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Carle et les membres du groupe UMP.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 57, 2012-2013).
M. Jean-Claude Carle . - Je suis surpris que le débat d'il y a deux ans, où je fus rapporteur, soit rouvert aujourd'hui. Monsieur le rapporteur, vous écrivez que les études dont vous disposez ne permettent pas d'évaluer le dispositif. « Dans le doute, abstiens-toi ! ». Les premiers chiffres sont pourtant encourageants : l'absentéisme baisse dans les lycées professionnels, où il est traditionnellement fort. Le débat de 2010 a pu avoir un effet sur les parents, il faudrait le vérifier. Il serait choquant, ou purement idéologique d'abroger une loi sans évaluer ses effets. M. le rapporteur préside la commission sénatoriale d'évaluation de l'application des lois...
M. Charles Revet. - Eh oui !
M. Jean-Claude Carle. - Il faut toujours voir dans l'absentéisme un signal d'alarme : il entraîne une marginalisation. Rapporteur en 2002 de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, j'ai constaté qu'entre l'appel de l'école et celui de la rue, ce dernier prévaudra. Ceux qui détectent l'absentéisme doivent réagir.
Vous semblez nier la responsabilité des parents, premiers éducateurs. (On le conteste sur les bancs de la commission) Il ne s'agit pas de leur intenter un procès d'intention, mais de les responsabiliser. Le Conseil d'analyses stratégiques conclut à la justesse du dispositif de sanction et d'incitation financière, et appelle à le pérenniser. Les sanctions n'interviennent qu'en cas de désengagement des parents, à l'issue d'un processus gradué. Les prestations familiales sont restituées si l'élève redevient assidu. Les cas de parents irresponsables, sourds aux avertissements, sont heureusement rares. La menace d'une suspension des allocations est l'électrochoc qui fait réagir. Il est urgent de responsabiliser les parents démissionnaires.
Les familles se sentent souvent désarmées. Je regrette que vous passiez sous silence l'objectif de la loi : aller à la rencontre des parents.
M. Guy Fischer. - Avec un bâton !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - C'est notre amendement !
M. Jean-Claude Carle. - Le rapporteur Ciotti a accepté un amendement auquel je conditionnais mon acceptation, qui prévoyait un dialogue en amont.
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Jean-Claude Carle. - Il s'agit de nouer une relation de confiance entre les parents et l'école. L'amendement Assouline le reprend mais transforme le dispositif en usine à gaz.
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Mais non !
M. Jean-Claude Carle. - Les parents sont déjà aiguillés vers les services chargés de les aider. Votre ajout est inutile. Vous avez proposé cet amendement pour ne pas vous contenter d'abroger. La nouvelle procédure que vous proposez n'a valeur que de symbole.
Je regrette que la majorité se contente de détricoter. Elle supprime, sans proposer d'idées nouvelles. Vous déresponsabilisez les parents, en envoyant un bien mauvais signal. M. Peillon proposait la semaine dernière la dépénalisation du cannabis...
M. David Assouline, rapporteur. - Mensonge ! Soyez sérieux !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Votre politique a donné de bons résultats ?
M. Jean-Claude Carle. - Pour vous, la société décide du destin des personnes alors que pour nous la personne est responsable. Vous excusez sans cesse, nous responsabilisons.
M. Philippe Kaltenbach. - Caricature !
M. Jean-Claude Carle. - Vous vous contentez de défaire. (Applaudissements à droite)
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi . - Vous invoquez le manque d'évaluation. La loi Ciotti devait combattre l'absentéisme, il a augmenté de 4,3 % à 5,1 %. Est-ce une preuve d'efficacité ?
Lorsque le gouvernement Raffarin a aboli ce dispositif, ce fut à l'issue de 40 années d'inefficacité. Ne nous aveuglons pas dans les débats idéologiques ! Nous absoudrions les parents ? Lorsque les enfants sont orientés par défaut, les parents sont-ils responsables ? Lorsque l'absentéisme est plus fort dans les territoires difficiles, les parents sont-ils responsables des 80 000 suppressions de postes décidées ces cinq dernières années ?
M. Guy Fischer. - Comme aux Minguettes !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Lorsque les professeurs absents ne sont pas remplacés, l'éducation nationale donne-t-elle le bon exemple ? Vous êtes mal placés pour parler de déresponsabilisation !
M. Ronan Kerdraon et M. Philippe Kaltenbach. - Très bien !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Lorsque M. Vincent Peillon remet en urgence 1 000 postes à la rentrée, il est responsable. Lorsqu'il place la lutte contre l'échec scolaire au premier rang de ses priorités, il est responsable. Je ne rêve pas au pays de Candide, les parents doivent être conscients de leurs responsabilités. S'ils ne le sont pas, il y a la loi pénale.
Mme Cécile Cukierman. - Exact !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Après avoir fait souffrir l'école comme vous l'avez fait depuis cinq ans, vous êtes bien mal placés pour faire souffrir encore les parents ! (Applaudissements à gauche)
M. David Assouline, rapporteur . - En 40 ans, 6 000 à 7 000 allocations familiales supprimées. C'est M. Raffarin qui a prononcé le principal réquisitoire contre cette mesure que vous défendez ! (Applaudissements à gauche)
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée . - L'éducation nationale ne se résout pas à accepter l'absentéisme, mais elle veut lutter avec d'autres moyens, en traitant les causes, comme l'orientation défectueuse ou les situations conflictuelles, grâce, par exemple, aux ateliers relais, aux pédagogies alternatives développées dans les micro-lycées. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord avec une procédure inefficace que nous aurions baissé les bras ! La concertation a eu lieu, en associant les structures concernées. Un projet de loi est en préparation. Nous ne nous contentons pas d'abroger, d'autant que tout n'est pas dans la loi ; il existe des dispositifs réglementaires ; nous ne laissons pas les choses en l'état !
Le fait que certains jeunes se livrent aux addictions est préoccupant et explique en partie le décrochage. Oui, le cannabis se développe chez les jeunes. Si vous aviez gagné la lutte contre le cannabis, cela se saurait ! Je vois les trafics dans le quartier populaire dont je suis l'élue. C'est un peu court que d'évacuer comme vous le faites ce sujet qui nous concerne tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Tenons-nous en pour l'heure au sujet de l'absentéisme. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques-Bernard Magner . - Nous sommes tous d'accord sur le mal dont il faut guérir, tout en divergeant sur les moyens. Suspendre les allocations familiales, c'est supposer que l'argent est un moteur puissant. Cette loi injuste a stigmatisé les familles les plus modestes. Ses auteurs se sont donné bonne conscience, alors que c'est l'affaiblissement du système éducatif qui est en cause. Recherchons des solutions et non pas des sanctions ! Inventons des projets accueillants, afin que l'école redevienne ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. Luttons contre l'absentéisme par la refondation de l'école ! Abrogeons cette loi simpliste qui ne règle rien !
M. François Grosdidier . - Mon intervention, sans doute un peu vive, est à la hauteur...
M. David Assouline, rapporteur. - De votre absentéisme.
M. François Grosdidier. - ...de notre désarroi devant le choix de retirer un outil efficace. C'est souvent la menace de sanction qui accompagne le dialogue.
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Qui a bien marché !
M. François Grosdidier. - Qui marche. Votre choix du tout préventif est un recul en arrière !
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Pas en avant !
M. François Grosdidier. - Quelle que soit la sincérité de mon ton, cela ne permet pas de mise en cause personnelle. Mon groupe m'a imposé cette commission lorsque je suis arrivé au Sénat. Je n'en voulais pas et je vous ai fait savoir dès le début que je n'y mettrais pas les pieds. C'est un conflit avec mon président de groupe. Maintenant, si vous tenez tant à me voir en commission, vous m'y entendrez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Orientation subie et non choisie, c'est l'absentéisme !
M. David Assouline, rapporteur. - Allez, l'absentéiste !
À la demande du groupe UMP, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion de l'article unique
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Assouline, au nom de la commission.
Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer le mot :
enseignant
par les mots :
personnel d'éducation référent
M. David Assouline, rapporteur. - Cet amendement vise à ouvrir à d'autres personnels que les enseignants la possibilité d'être désignés au sein de l'établissement pour suivre les questions d'absentéisme. Les conseillers principaux d'éducation chargés de la vie scolaire pourront notamment être nommés comme référents.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. - Je suis tout à fait favorable à cet élargissement.
L'amendement n°2 est adopté.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Assouline, au nom de la commission.
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
4° Après les mots : « aux dispositions du présent chapitre », la fin de l'article L. 131-9 est supprimée.
M. David Assouline, rapporteur. - Amendement de coordination.
L'amendement n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article unique de cette proposition de loi.
M. Jacques Legendre. - Étrange débat, parfois marqué par des polémiques dont il eût été sage de faire l'économie. Sur tous nos bancs, nous avons le désir très fort de limiter l'absentéisme. Je ne lie pas absentéisme et délinquance, mais un élève absentéiste est en danger et doit être protégé, accompagné. La lutte contre l'absentéisme est une contrepartie du principe républicain d'obligation scolaire, c'est pourquoi le législateur a voulu y faire face, dès la loi de 1882. L'ensemble du corps social et les parents sont concernés.
L'ordonnance de 1959 a réaffirmé ce principe. De nouvelles propositions pragmatiques ont été faites par MM. Raffarin, Ferry et Borloo, pour instaurer un contrat avec les familles. Celui-ci a été peu appliqué et l'absentéisme a continué à progresser. D'où la nouvelle tentative de M. Ciotti dont l'objectif n'est évidemment pas de supprimer les allocations familiales, nous sommes tous d'accord pour convenir qu'elles sont nécessaires. Mais, comme ultima ratio les parents peuvent être menacés de ne pas les percevoir s'ils font la preuve de leur irresponsabilité. L'objectif est bien de remettre les enfants à l'école qu'ils n'auraient jamais dû quitter.
Deux ans seulement après cette loi, vous l'abrogez ! Vous préparez un projet de loi de refondation de l'école. Il eût été compréhensible d'y insérer un dispositif gradué, peut-être différent et nous aurions pu dresser un bilan de la loi Ciotti. Le comité d'évaluation prévu par celle-ci n'a pas été mis en place. Il eût été légitime que vous le fissiez...
Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi. - Il ne nous revient pas de pallier les lacunes de l'ancien gouvernement !
M. Jacques Legendre. - Nous ne voterons pas cette proposition de loi. Même s'il n'est pas parfait, le dispositif Ciotti, s'il a pu sauver quelques enfants, s'est révélé utile. Légiférer aujourd'hui à la hussarde, nous nous y refusons, car les jeunes que vous voulez protéger seront les premières victimes de votre vote. (Applaudissements à droite)
À la demande du groupe UMP, l'article unique de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l'adoption | 174 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté.
(Applaudissements à gauche)
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 24 octobre, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi portant création des emplois d'avenir.
Journée du 19 mars
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Discussion générale
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants . - Le travail de mémoire est une nécessité, une exigence, une responsabilité. Les drames d'Afrique du Nord, par leur proximité, sont encore l'objet de réminiscences douloureuses qu'il nous appartient collectivement de cicatriser.
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. Kader Arif, ministre délégué. - Les moments de commémorations ritualisent le passé commun. L'Assemblée nationale a pris l'initiative de ce débat. De quelle façon nous souvenir ? La question impose à chacun de faire un pas, non de côté mais en avant. Souvenons-nous des appelés du contingent, qui ont accueilli avec soulagement la fin des hostilités ; des harkis, qui ont combattu aux côtés de la France et qui ont payé un lourd tribut ; des civils, victimes des périodes sombres des fins de conflits. Il convient de penser à tous ceux-là, pour tourner la page des querelles stériles et amener notre pays à regarder son passé en face, dans le respect de toutes les victimes, ce qui est indispensable pour construire un avenir commun.
Votre honorable chambre est par essence celle de la réflexion, de la mesure et de la sagesse. Il vous incombe de mener à son terme le processus législatif, sans ingérence du pouvoir exécutif qui s'en remet à votre sagesse. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs UMP)
M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires sociales . - (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Nous débattons de la reconnaissance officielle de la guerre d'Algérie par la Nation. Une proposition de loi a été adoptée le 22 janvier 2002...
M. Jean-Claude Carle. - Il y a dix ans !
M. Alain Néri, rapporteur. - La guerre d'Algérie ne s'est pas terminée le 19 mars, date du cessez-le-feu, loin de là.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. - C'est vrai.
M. Alain Néri, rapporteur. - Il est temps de rendre hommage à la troisième génération du feu qui a répondu avec abnégation et courage à l'appel de la Nation, sans toujours comprendre ou partager ses objectifs. Beaucoup ne connurent leur père qu'à 5 ans, de retour de captivité, d'autres ne le connurent pas, ni leurs mères, déportées. Songez aux femmes ayant vu partir leurs époux en 1939, qui voyaient partir leurs fils vers l'Algérie, où la guerre n'était pas nommée. On parlait d'événements, de pacification, de maintien de l'ordre. On a abusé les Français : 30 000 morts, les trois armes, de terre, air, mer, engagées, avec 500 000 militaires sur le terrain, 2 millions de Français ayant participé à cette guerre. Il fallut attendre trente-sept ans, en 1991, pour qu'une proposition de loi socialiste, dont je fus le rapporteur, reconnaisse enfin qu'en Algérie, c'était la guerre. Avant, on reconnaissait la qualité de combattant, les morts, mais pas la guerre.
Cette guerre, qui fut trop longtemps sans nom, ne doit pas rester plus longtemps sans date de reconnaissance et de souvenir.
M. François Marc. - Très bien !
M. Alain Néri, rapporteur. - Le 19 mars, ce ne fut pas la fin des souffrances.
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. - Loin de là.
M. Alain Néri, rapporteur. - Les pieds-noirs durent quitter leur terre natale. Les harkis, qui avaient cru en la parole de la France, furent désavoués et abandonnés sur ordre du gouvernement. Ceux qui furent accueillis en France le durent à des officiers qui désobéirent et emmenèrent leur harka. Ils furent parqués dans des camps où ils demeurèrent confinés pendant de longues années.
J'ai visité, dans les années soixante-dix, le camp de Mas-Thibert où fut accueilli dans de déplorables conditions la harka du Bachaga Boualem. Nous n'avons pas de raison d'être fiers des conditions d'accueil des harkis en général. Les souffrances des uns et des autres doivent être reconnues à égalité par la France. La guerre d'Algérie appartient à notre histoire, et la troisième génération de la guerre doit disposer d'une date historique et symbolique, comme les deux précédentes.
L'armistice de 14-18 n'est pas la fin de la Première Guerre mondiale, qui se poursuit en Orient. Le 8 mai, n'est pas la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais la date de la capitulation nazie.
Personne ne pourra nous faire avaler un Memorial Day. (Applaudissements à gauche)
Pour la troisième génération, c'est le 19 mars, date du cessez-le-feu, pas de la fin des combats. Cette date mérite notre respect car le contingent qui s'est battu en Algérie à l'appel de la Nation a aussi fait obstacle au putsch des généraux. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Frécon. - Très bien !
M. Alain Néri, rapporteur. - La France a l'occasion de se réconcilier avec son histoire. Nous devons graver dans le marbre de la loi toutes ces souffrances inscrites dans la mémoire et la chair des hommes. Ce sera l'honneur du Sénat de voter cette loi. (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer . - Enfin ! Enfin en cette année symbolique du cinquantième anniversaire du cessez-le-feu en Algérie, nous voyons aboutir l'exigence de la troisième génération du feu : le 19 mars reconnu comme date commémorative de la guerre d'Algérie. Ce texte est issu des travaux de l'Assemblée nationale de 2002. Au Sénat, j'avais à de nombreuses reprises déposé des propositions de loi en ce sens. J'ai l'impression de vivre un moment historique exceptionnel que nous avons tant attendu.
Il a fallu longtemps pour que la guerre d'Algérie soit reconnue par la loi de 1999. (Applaudissements à gauche)
M. Roland Courteau. - Il fallait le dire !
M. Guy Fischer. - Ce fut un premier pas que nous prolongeons aujourd'hui. Une date de commémoration doit avoir un sens historique et symbolique. Pourquoi tant de temps perdu ? La France et l'Algérie entretiennent des relations complexes, faites d'ombre et de lumière. Nous disposons des travaux d'historiens comme Benjamin Stora, ou des livres d'écrivains comme Mathieu Belezi qui évoque « le chant funèbre d'une terre meurtrie ».
J'ai organisé au Sénat en 2010 un colloque intitulé « 1940-1962 : les troubles de la mémoire française ». Avec des historiens, nous avons réfléchi aux difficultés de cette mémoire confrontée à l'histoire.
Cette proposition de loi n'est pas un prêt-à-penser. L'offense à l'Histoire, c'était le 5 décembre. (« Eh oui ! » à gauche) La date doit avoir un sens, celui du cessez-le-feu, au lendemain des accords d'Évian. Certes, des hommes et des femmes sont tombés après cette date. Le drame des rapatriés doit rester dans la mémoire collective et l'abandon des harkis ne doit pas être oublié. À Vénissieux, nous avons construit des logements pour accueillir les uns et les autres. (Applaudissements à gauche)
Le 19 mars est une date clé, un point d'appui pour la mémoire et l'histoire. J'espère que nous allons enfin mettre un terme à de tristes polémiques. Qui remettrait en question le 11 novembre ou le 8 mai ?
M. Charles Revet. - Cela n'a rien à voir !
M. Guy Fischer. - Si ! Ce sont l'oubli et le déni qui cristallisent le ressentiment et la haine. La vérité apaise, comme l'a dit mardi M. Assouline, lorsque nous débattions du massacre d'octobre 1961.
Je veux relever la contradiction du Gouvernement : reconnaître les exactions commises, et mettre à l'honneur le tristement célèbre général Bigeard ! Le ministre des relations avec le Parlement ne m'a pas répondu, mardi dernier. J'y reviendrai donc sans cesse, jusqu'à ce que j'obtienne une réponse. Ne demeurons pas un pied dans le déni et un pied dans la reconnaissance des faits.
Quelle politique de la mémoire entend mener le Gouvernement ? Il faut lever toute ambiguïté sur l'instauration d'une date unique de commémoration. La loi de février 2012, faisant du 11 novembre la date anniversaire de tous les conflits, est le dernier mauvais coup de l'ancienne majorité. Allez-vous l'abroger ? Les programmes d'enseignement ne doivent-ils pas faire une place plus grande à tous les conflits ? Optimiste de nature, j'espère que notre Nation prendra toute sa place dans des lendemains qu'il nous faut construire ensemble, afin que les générations futures vivent mieux ensemble !
M. Hervé Marseille . - Notre déficit public est abyssal, le chômage explose. (Exclamations à gauche) Le commerce extérieur se détériore...
M. Jacky Le Menn. - La faute à qui ?
M. François Marc et M. François Rebsamen. - C'est l'héritage !
M. Hervé Marseille. - Or, depuis cinq mois, votre majorité déconstruit ce qui allait dans le bon sens. Certes, vous avez fait voter le traité européen signé par l'ancien président de la République. Vous n'avez fait voter que deux lois : celle sur le logement, censurée par le Conseil constitutionnel, et l'autre sur les emplois d'avenir...
Or vous nous proposez de voter un texte adopté par l'Assemblée nationale il y a dix ans ! Quelle urgence y avait-il à demander au Parlement de voter ce texte ?
M. Jean-Jacques Mirassou. - C'est méprisable !
M. Hervé Marseille. - L'article 4 de la loi de février 2005 disposait que la colonisation avait un rôle positif.
M. Guy Fischer. - Article scandaleux !
M. Hervé Marseille. - Le Conseil constitutionnel avait jugé ce dispositif de nature réglementaire. Restons dans le cadre de notre fonction de législateur et soyons cohérents ! M. Sueur nous expliquait ici même que le texte sur les génocides n'était pas de notre ressort. M. Badinter rappelait que le Parlement n'était pas un tribunal et qu'il ne lui appartenait pas d'écrire l'Histoire. En 2004, M Ayrault a demandé la création d'une commission d'enquête sur les massacres commis après le cessez-le-feu, pour identifier les responsables de la fusillade de la rue d'Isly ou du massacre d'Oran. Vous semblez maintenant les passer sous silence ! (Exclamations)
M. Alain Néri, rapporteur. - Pas du tout !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Hervé Marseille. - Les harkis sont protégés contre les injures et les diffamations, grâce à la loi que nous avons fait voter. Ce texte lui fait injure, puisqu'il nie les drames qui ont suivi.
Après les accords d'Évian, les exactions ont perduré ; commémorer cette date, c'est le nier. En 1962, la France a abandonné les harkis.
Il est parfois difficile de regarder le passé en face. L'injustice a été entièrement réparée depuis 1994 avec la loi de 2005. Ne faisons pas machine arrière en oubliant les tragédies qui se sont déroulées après le 19 mars 1962 !
La commémoration doit rassembler, non diviser. Reprenons les propositions du rapport Kaspi qui retenait le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, pour commémorer tous les conflits qu'a connus la France. À l'inverse, la date du 19 mars ne rassemble pas, elle divise ! (Protestations sur les bancs socialistes)
M. Charles Revet. - Eh oui !
M. Hervé Marseille. - Elle ravive les plaies que le 5 décembre avait pansées. Avec mon groupe je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Robert Tropeano . - Longtemps guerre sans nom, la guerre d'Algérie ne doit pas être une guerre sans fin. Ce conflit extrêmement violent s'est déroulé entre 1954 et 1962, même si d'autres crimes ont été commis ensuite. Il faut créer les conditions du rassemblement serein pour les 2 millions de jeunes soldats envoyés de l'autre côté de la Méditerranée et toutes les victimes civiles assassinées avant et après le 19 mars. Il ne s'agit pas de refaire l'histoire, mais de la regarder en face. (Approbations à gauche)
Les tergiversations ne servent à rien. J'ai toujours soutenu la vérité historique et je souhaite que l'on rende hommage à toutes les victimes. La date du 19 mars n'occulte en rien les événements tragiques qui suivirent.
Pourquoi tant de lenteur quand il s'agit de la guerre d'Algérie ? La loi du 18 octobre 1999 a remplacé un nom qui était un déni par celui de guerre d'Algérie.
M. Roland Courteau. - C'était un gouvernement de gauche !
M. Robert Tropeano. - La loi de 1974 a accordé la qualité de combattants à ceux qui y participèrent mais son rapporteur au Sénat, membre de la Gauche démocratique, rappela à quelles vicissitudes fut soumis ce projet de loi. Il nous est enfin permis d'examiner un texte voté par l'Assemblée nationale il y a dix ans, resté ensuite dans les limbes parlementaires. Les plaies de cette tragédie sont encore très vives. Cette guerre est passionnelle à cause de la cécité politique sur la politique coloniale et la nécessaire décolonisation ; elle est faite de culpabilité, à cause de la torture, de honte à cause de l'abandon des harkis, et de douleur à cause de l'exode de dizaines de milliers de rapatriés pour qui l'Algérie était la terre natale.
Comme le dit Benjamin Stora, la mémoire des uns n'est pas celle des autres : l'histoire n'est pas la même, selon que l'on ait été soldat, harki ou civil !
Pour la majorité du groupe RDSE le choix du 19 mars est celui de la date symbolique la plus significative. Ni défaite, ni victoire, le cessez-le-feu est la promesse d'une paix retrouvée des deux côtés de la Méditerranée. J'espère que le Sénat votera ce texte, comme il l'a fait il y a deux jours au sujet de la manifestation d'octobre 1961. (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes)
M. Jean-Vincent Placé . - Il y a cinquante ans que la guerre d'Algérie a officiellement pris fin. La mémoire s'efface avec les années. Ne pas oublier, c'est l'enjeu de ce débat.
Le groupe écologiste ne voulait pas travailler dans l'urgence et je rends hommage au travail de M. Néri.
Chacun a eu le temps de s'interroger et de nourrir sa propre réflexion. Le sujet est délicat, car il concerne le souvenir qui appartient à chacun, selon son parcours personnel. La mémoire est hétérogène et plurielle mais il est un fait objectif : le 19 mars 1962 le gouvernement français et le GPRA ont conclu un cessez-le-feu. Le 8 avril 1962, 90,7 % des Français ont ratifié les accords d'Évian, qui ne marquent pas la fin des souffrances.
Cette date, qui fait sens, réunit un consensus assez large.
Nous devons notre vote aux victimes : avant le cessez-le-feu, 24 267 militaires avaient été tués ainsi que 2 788 civils, sans oublier 875 disparus. De 30 à 150 000 harkis tués, 141 000 soldats de l'armée de libération algérienne et de 300 à 400 000 Algériens décédés. La France a fini par qualifier cette tragédie de guerre.
Avec ce texte nous ne faisons que parachever cette reconnaissance officielle. Mais gardons-nous de jouer un rôle qui n'est pas le nôtre : nous ne sommes pas historiens ni juges. À chacun de se recueillir, aux historiens de travailler sur les événements historiques, au législateur de fixer une journée du souvenir, à des fins pédagogiques, car la connaissance du passé permet de construire un avenir meilleur.
Il n'y a pas de vérité absolue, pas de date parfaite, mais il faut pouvoir se recueillir tous ensemble. C'est pourquoi, je voterai, comme la presque unanimité du groupe écologiste, cette proposition de loi qui avait été cosignée par Noël Mamère avec Bernard Charles des radicaux de gauche. (Applaudissements sur les bancs écologistes et à gauche)
M. Marcel-Pierre Cléach . - (Applaudissements à droite) Nous sommes appelés à nous prononcer sur un texte voté il y a dix ans à l'Assemblée nationale. Le procédé est étrange. Est-il pertinent ? La date du 19 mars ravive un vieux débat qui divise le monde des anciens combattants.
M. Charles Revet. - Eh oui !
M. Marcel-Pierre Cléach. - M. le rapporteur estime que le 19 mars permettra de se rappeler des morts avant et après cette date. Vous voulez rassembler, mais le monde combattant est divisé sur la question.
Le mouvement d'indignation que soulève votre initiative montre que votre choix n'est pas opportun, alors que l'apaisement était revenu. Je regrette que les auteurs de la proposition de loi n'aient pas eu la sagesse de l'un d'entre eux, qui fut secrétaire d'État et déclara ici même que cette question touchait au plus profond de notre histoire, que sur ce sujet, on ne pouvait décider par une simple majorité politique d'une date de commémoration. M. Le Floch, constatant l'absence de consensus, ne persista pas dans son intention première de présenter un texte. De nombreuses associations d'anciens combattants s'opposaient à cette date. François Mitterrand déclarait, en septembre 1981, que le recueillement ne devait pas être fixé le 19 mars...
M. Charles Revet. - Souvenez-vous !
M. François Rebsamen. - Respect pour lui !
M. Marcel-Pierre Cléach. - ...car il y aurait confusion dans l'esprit de nos concitoyens. La guerre a continué après cette date. Voilà de sages paroles, hélas oubliées.
Tous les présidents de la République se sont opposés à cette commémoration le 19 mars. Je suis très opposé à ce texte pour des questions de fond, de forme et d'opportunité.
Ce texte ravive les plaies de toutes celles et tous ceux qui ont perdu un mari, ou un fils. Les hostilités ne se sont pas arrêtées le 19 mars. Ensuite, près de 150 000 harkis furent exécutés dans des conditions atroces, et même s'ils ne furent que 60 000, ce furent 60 000 de trop. L'armée française enregistra encore 152 morts et 422 blessés, 2 000 civils disparurent, le massacre d'Oran fit 450 tués.
La France ne célèbre que des victoires. Célébrons-nous le 22 juin 1940, le 21 juillet 1954, date de la signature des accords de Genève ? Non, nous célébrons le 8 mai...
M. Alain Néri, rapporteur. - Grâce à François Mitterrand !
M. François Rebsamen. - Vous l'aviez supprimé !
M. Marcel-Pierre Cléach. - ...et le 11 novembre. Et c'est une question de décence : on ne peut célébrer nos morts le jour où l'Algérie fête son indépendance. Choisir cette date, c'est raviver les souvenirs de ceux qui servirent en Algérie après cette date et qui assistèrent impuissants aux atrocités qui furent commises. Je ne peux croire que ce texte servira de caution avant le voyage de M. Hollande en Algérie. (Exclamations indignées à gauche)
La loi du 27 février 2005 portait reconnaissance de la Nation aux Français rapatriés. Nous avons voté à la quasi-unanimité la loi relative au 11 novembre, comme date commémorative de tous les conflits. M. Néri a fait adopter un amendement pour qu'on ne confonde pas cette date avec les autres commémorations. Ce texte est superfétatoire. (Exclamations à gauche) Alors que nous allions vers un apaisement des passions, vous ravivez les tensions !
M. Jean-Marc Todeschini. - Le temps !
M. Marcel-Pierre Cléach. - J'ai fini. Pour les soldats, le 19 mars a signifié le retour en métropole, pour nos compatriotes rapatriés d'Algérie et pour les harkis, c'est une date de grande tristesse. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas ce texte. (Applaudissements à droite) Je remercie le ministre d'avoir choisi une position de rassemblement, comme ses prédécesseurs, en invitant le Sénat à un vote de sagesse.
M. Georges Labazée . - Cinquante ans après la signature des accords d'Évian, il est temps de regarder la vérité en face. Le 19 mars sera une journée nationale, acte de mémoire que nous devons aux générations futures.
Les jeunes veulent la paix, la vérité et la justice, des deux côtés de la Méditerranée, victimes d'une histoire coloniale occultée ici, d'une guerre d'indépendance mythifiée là-bas. M. Néri déclarait à l'Assemblée nationale que cette guerre sans nom ne devait pas devenir une guerre sans date pour se recueillir. Le 19 mars s'impose à l'évidence comme la seule capable de symboliser les conflits en Afrique du Nord. La guerre d'Algérie a droit à une date de mémoire : le 19 mars s'impose, même si ce ne fut pas la fin de la guerre.
Cette décision fut ratifiée par le référendum d'avril, à une écrasante majorité. Le 19 mars n'est pas signe de victoire ou de défaite, mais d'une décision politique, l'arrêt des combats. Nous devons encourager la réconciliation nationale et la recherche historique, dans un but pédagogique, à la lumière des valeurs républicaines et humanistes sur lesquelles repose notre constitution. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Je dois suspendre la séance. Le débat se poursuivra le 20 novembre à 14 h 30.
Accord en CMP
M. le président. - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.
présidence de M. Jean-Pierre Bel
La séance reprend à 15 heures.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Chacun dispose de deux minutes trente.
Violence en Corse
M. Nicolas Alfonsi . - Treize ans après l'assassinat du préfet Érignac, la Corse traverse une nouvelle crise ; le Gouvernement, lundi, a pris dix décisions pour mettre un terme à une comptabilité mortifère : encore un nouveau meurtre hier matin ! On ne saurait imputer à l'État seul la responsabilité de la situation : ses défaillances ne sauraient faire oublier celles de la société corse, ces connivences et ces solidarités dont les premières victimes sont les Corses eux-mêmes. L'Assemblée de Corse a refusé, ainsi, de condamner un crime mafieux. Vaclav Havel déclarait à ses concitoyens « nous sommes malades moralement parce que nous sommes habitués à dire blanc et à penser noir. » Ce jugement pourrait s'appliquer à bien des comportements locaux !
Il conviendrait de renforcer les moyens de la police : il est un océan entre le simple soupçon et l'établissement de la preuve. Il faut une volonté réaffirmée pour remettre la Corse en possession d'elle-même. Mais, en ces temps de crise, le Conseil exécutif et l'Assemblée de Corse demandent un nouveau statut, plus de compétences et plus de crédits. Ce serait livrer la Corse à elle-même et à ses démons...Comment le Gouvernement entend-il réagir ? (Applaudissements à gauche)
M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur . - La Corse, c'est la France et c'est la République. La France doit soutien et protection à la Corse et aux Corses. C'est le sens de l'engagement de l'État avec le plan de soutien exceptionnel.
La Corse connaît une nouvelle vague de violences, qui gangrène la société. L'État doit assumer ses responsabilités : c'est le sens des mesures annoncées par le Premier ministre, qui montrent la volonté de l'État de s'attaquer en profondeur au crime organisé. Il faut une meilleure coopération entre police, gendarmerie et justice. Mme Taubira a annoncé des mesures. Je me rendrai avec elle en Corse pour affirmer la volonté intraitable de l'État. Mais nous avons besoin du soutien de tous. Chacun doit prendre ses responsabilités. Point de loi de l'omerta en République.
Nous avons besoin de la mobilisation de la société corse ; aucune compromission n'est possible.
Oui, la Corse, c'est la République : la loi doit s'appliquer. Il n'y a pas d'autre voie pour lutter contre la violence et le crime. (Applaudissements sur les bancs socialistes et à droite)
Respect de la Constitution par le Gouvernement
M. Gérard Larcher . - Je regrette l'absence du Premier ministre, à qui s'adressait ma question. Le Conseil constitutionnel a annulé hier soir la loi sur le logement ; le Premier ministre a cru bon de l'annoncer dès avant qu'il prenne sa décision ! Plus qu'un couac, un camouflet.
Le Gouvernement a violé la Constitution et ignoré les droits du Parlement ; mieux encore, le Premier ministre a porté atteinte à l'indépendance du Conseil constitutionnel : il a annoncé le matin une décision qui n'était pas rendue, évoquant un « cafouillage parlementaire ». Mais si cafouillage il y a, c'est bien celui du Gouvernement : il a fait pression sur le Sénat pour que le débat en séance publique ait lieu sur le texte du Gouvernement et non sur celui de la commission, alors que c'est une obligation depuis 2008. (Applaudissements à droite)
Le Conseil constitutionnel vous avait déjà sèchement rappelés à l'ordre, en juillet, sur les questions d'actualité. Pas une loi ordinaire, depuis l'élection de François Hollande, n'a été examinée selon la procédure normale ! Dois-je rappeler au président du Sénat combien il protestait naguère contre l'utilisation immodérée de la procédure accélérée ? (Applaudissements à droite)
Quand le Gouvernement respectera-t-il enfin le Parlement et la Constitution ? Quand il soumettra à nouveau le texte sur le logement, je lui demande solennellement d'user de la procédure normale. Ce sujet essentiel pour les Français (Exclamations sur les bancs socialistes) et les collectivités locales mérite un vrai débat, ponctué de deux lectures dans chaque assemblée. (Applaudissements à droite)
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Vous présentez la décision comme un camouflet dites-vous ? Mais dans sa grande sagesse, le Conseil constitutionnel précise (exclamations à droite) qu'il annule pour des raisons de procédure, comme ce fut le cas pour la loi sur le conseiller territorial, où le gouvernement que vous souteniez avait ignoré les droits du Sénat. (Vifs applaudissements à gauche)
M. Alain Néri. - Cela s'appelle un boomerang !
M. Guy Fischer. - Un camouflet !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. - Vous êtes suffisamment bon juriste pour ne pas dire ici que le Gouvernement a fait pression sur le Sénat : c'est la Conférence des présidents qui a pris la décision d'examiner le texte du projet de loi ! Le président du Sénat a écrit au Conseil constitutionnel pour défendre cette position qui était juste.
Le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur la procédure, mais cela ne peut faire oublier le fond du débat : vous n'avez cessé de vous opposer aux mesures courageuses prises par le Gouvernement en faveur du développement du logement social. (Vives exclamations à droite) Nous avons été élus pour y remédier et nous allons poursuivre notre action. (Applaudissements à gauche)
Lutte contre les cyberattaques
M. Jean-Marie Bockel . - Depuis quelques années, des cyberattaques dévastatrices ont touché la France : contre le ministère des finances à la veille du G20, contre Areva, contre la présidence de la République... Les cyberattaques peuvent paralyser les transports aériens, ferroviaires, le réseau d'eau, d'énergie ; on a vu leur efficacité avec la destruction de centrifugeuses dans une centrale nucléaire en Iran.
La commission des affaires étrangères a soumis des propositions au Gouvernement : nous attendons ses réponses. Il faut s'inspirer de l'exemple de nos voisins, en renforçant les moyens de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques (Anssi) et en sensibilisant le monde économique et les administrations à cette question. C'est un enjeu de sécurité et un défi économique. (Applaudissements à droite)
M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants . - Veuillez excuser le ministre de la défense, qui ne pouvait être parmi nous mais reste très attentif à ces questions.
Nous proposons une étroite collaboration entre l'Anssi et le ministère de la défense. La DGA et l'État-major des armées ont déjà travaillé ensemble. Pour l'Anssi, 65 postes supplémentaires seront créés en 2013.
Un officier général à la cyberdéfense a été désigné, une structure spécifique, a été mise en place et un schéma national de la cybersécurité a été préparé. Un fonctionnaire, rattaché au cabinet du ministre de la défense, a été nommé et la DGA procédera à des recommandations dans les années à venir. (Applaudissements à gauche et au centre)
Politique de l'emploi
M. Luc Carvounas . - Les plans sociaux se succèdent, la barre des 3 millions de chômeurs est dépassée ; nous savions que la situation de la France était grave, mais nous avions sous-estimé les résultats catastrophiques de la politique menée par la droite dix ans durant. (« Et voila ! » à droite) Le Gouvernement a élaboré un plan national pour l'emploi. Le ministre du redressement productif est en première ligne. Le Gouvernement a reconduit les contrats aidés et créé les contrats d'avenir. L'accord des partenaires sociaux va permettre la mise en oeuvre des contrats de génération, troisième volet de la politique qui doit inverser la courbe du chômage. Pouvons-nous préciser le calendrier de mise en oeuvre de ces dispositifs ? (Applaudissements à gauche et sur certains bancs CRC)
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage . - Je réponds à la place de M. Sapin, retenu par le Forum des ministres du travail et de l'emploi.
L'emploi est la priorité du Gouvernement : la situation économique et sociale l'exige. 3 millions de chômeurs, c'est la réalité que le Gouvernement a trouvée, avec des plans sociaux habilement retardés. (Approbations à gauche, protestations à droite) La feuille de route du président de la République, c'est d'inverser la courbe du chômage en 2013.
Sa première traduction est sur les rails : les 150 000 emplois d'avenir, que la droite a essayé de faire censurer, ont été validés par le Conseil constitutionnel. Les premiers contrats seront signés en novembre.
Le second étage de cette politique, ce sont les 500 000 contrats de génération, fruits d'un dialogue social positif, dont vous aurez à débattre en janvier prochain. Enfin, 40 000 contrats aidés supplémentaires ont été dévolus aux préfets dans les départements. Vous voyez que nous tenons les engagements du président de la République ! (Applaudissements à gauche)
Aéroport Notre-Dame-des-Landes
Mme Corinne Bouchoux . - La solidarité n'exclut pas la franchise. Qu'est-ce qui a conduit la ville de Stuttgart à élire un maire écologiste ? Un projet ferroviaire grandiose qui bafouait les lois sur l'eau, la législation sur la biodiversité et la consultation des usagers.
Pour dire les choses autrement, nous avons un léger désaccord sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes : n'ajoutons pas à ce désaccord des problèmes de forme ! Pourquoi autant de précipitation, alors que tous les recours n'ont pas été à leur terme ? Pourquoi engager des expulsions qui vont alourdir le coût d'un projet qui ne répond plus aux réalités ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Ce projet d'infrastructure est ancien. Engagé sous la maîtrise d'ouvrage de l'État, il a été porté par de nombreuses collectivités. Ce n'est pas un nouvel aéroport, mais un transfert, pour prendre en compte les conflits d'usage et les nuisances sonores. La déclaration d'utilité publique (DUP) est désormais opposable. L'État et les élus de Nantes Métropole ont voulu faire avancer le dossier selon une méthode respectueuse de la concertation.
Vous faites référence aux procédures juridiques opposables, notamment la loi sur l'eau, qui veut que de tels projets fassent l'objet d'un arrêté préfectoral d'autorisation et d'une étude d'impact. Ce qui fut fait. Il n'y a pas eu précipitation. Les enjeux d'aménagement du territoire riment, dans cette procédure, avec le respect de chacun. (Applaudissements à gauche)
Déserts médicaux
M. Guy Fischer . - Le 21 octobre dernier, le président de la République clôturait le congrès de la mutualité française en ces termes : « Aucun Français ne doit se trouver à moins de 30 minutes de soins d'urgence. Aucun instrument financier ne saurait remplacer une stratégie humaine ». J'ai applaudi.
M. Jean Bizet. - Vous y avez cru ?
M. Guy Fischer. - Mais les dégâts faits à notre système de soins par le gouvernement précédent sous la forme de plans sociaux, de restructurations et de fermetures d'établissements (exclamations à droite) ne peuvent être compensés que par des plans d'urgence pour mettre fin aux déserts médicaux.
Pour les maternités, le maximum de 45 minutes indispensables à la sécurité de la mère et de l'enfant n'est plus respecté. Au-delà des déserts géographiques, la pénurie de médecins ne pratiquant pas de dépassements d'honoraires accroît les inégalités d'accès aux soins. Dans le Rhône comme l'a relevé l'UFC-Que choisir, en gynécologie il y a un désert médical si l'on veut s'adresser à un spécialiste qui ne pratique pas les dépassements. Il faut plafonner les dépassements d'honoraires en gynécologie et dans toutes les spécialités en tension et arrêter les fermetures de maternité. Il y a urgence. (Applaudissements à gauche)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille . - Mme Touraine est retenue à l'Assemblée nationale par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Oui, vous avez raison, pour les dégâts causés par le précédent gouvernement au système de soins. (Vives protestations à droite) Il va falloir réorganiser le système pour que tous les assurés aient accès aux soins, revaloriser les missions de l'hôpital public, mieux organiser la médecine de proximité, bâtir le parcours de soin autour du patient...
M. Alain Gournac. - Quel bla-bla !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Pour combattre les déserts médicaux, dès 2013 200 postes de praticiens locaux de médecine générale seront mis à disposition.
M. Alain Gournac. - C'est de la bouillie !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. - Accéder à un médecin est devenu un privilège, cela doit redevenir un droit.
Pour faciliter la consultation d'un médecin de ville, l'organisation en équipe, qui allongera les horaires de consultation, évitera tout passage inutile aux urgences.
Il va falloir diminuer le reste à charge. Les Français ne doivent plus renoncer à se soigner et les Françaises mettre en danger leur grossesse pour des raisons financières. L'action du Gouvernement est résolue pour aller vers le respect de l'égalité d'accès aux soins pour tous. (Protestations à droite)
Difficultés des départements
M. Bruno Sido . - Ma question s'adressait à M. le premier ministre (Exclamations à droite) Elle porte sur la situation très difficile des départements.
M. Alain Néri. - Que vous nous avez laissée !
M. Bruno Sido. - leurs dépenses de solidarité vont augmenter de 12 % cette année et l'État qui couvrait 70 % de ces dépenses en 2004 n'en couvrait plus que 59 % en 2010. Et 2013 risque d'être plus difficile encore pour les conseils généraux. Le président de la République a bien voulu recevoir des présidents de conseils généraux lundi dernier. Nous attendons désormais des actes. Quelles conditions pérennes de financement de la précarité, l'APA, etc. ?
C'est un préalable pour rétablir la confiance entre l'État et les conseils généraux, afin de sortir de l'impasse financière qui nous guette tous. Les départements attendent un coup de pouce pour financer certaines dépenses.
Il est question d'une aide de 170 millions. Quels départements seront aidés ? Selon quels critères ? Je vous conseillerais de réserver une issue favorable à la proposition de loi de notre collègue Gérard Roche, qui par l'extension de la journée de solidarité à tous les actifs, et aux retraités, rapporterait 900 millions aux départements et à la proposition de loi de Christophe Béchu sur les allocations familiales et l'allocation de rentrée scolaire.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Puisque nous sommes dans une ambiance sereine, quand je vous entends dire qu'en 2004 la situation était déjà dure pour les départements, n'est-ce pas amateurisme (exclamations à droite) que de ne s'être pas rendu compte que la diminution du niveau de financement de l'APA allait provoquer un effet de ciseau ? Depuis six mois, nous avons pris le dossier à bras-le-corps et cherchons avec les ministres de l'économie et du budget la bonne solution pour les départements. Nous nous engageons à ce qu'aucun transfert n'ait lieu sans discussion préalable sur la ressource correspondante.
Le président de la République a pris l'engagement de mettre 170 millions d'euros à la disposition des départements. Nos départements s'engagent sur les emplois d'avenir, les emplois aidés, le logement social, l'investissement public. C'est pourquoi nous avons décidé de ne pas diminuer les concours aux collectivités territoriales cette année. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Services d'aide à domicile
M. Yves Daudigny . - Nul d'entre vous n'ignore la gravité des conséquences sociales et économiques des difficultés de nos territoires. Le secteur des services d'aide à domicile est essentiel au vivre ensemble de nos concitoyens.
Un nouveau mode de tarification horaire a été proposé par une plafeforme élaboré entre l'ADF et les fédérations professionnelles ; des expérimentations ont été prévues dans le cadre de la Loi de finances pour 2012 mais le décret d'application qui les encadre a été bloqué par le précédent gouvernement, inexplicablement. Nous nous réjouissons de sa publication le 21 septembre
Des expérimentations étaient en cours. Beaucoup de départements comme celui de l'Aisne étaient en attente d'un suivi et d'un cahier des charges pour tester le tarif au forfait global.
D'autres mesures sont nécessaires. Pouvez-vous madame la ministre nous éclairer sur vos projets, compte tenu de l'importance de ce secteur ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - L'aide à domicile a perdu 5 % de ses effectifs, soit 16 000 emplois en 2010 et 2011. J'ai déposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale tendant à créer un fonds de restructuration qui sauvera plusieurs milliers d'emplois. En contrepartie, les associations devront se regrouper et se professionnaliser et s'engager encore plus avant dans la prévention. Le potentiel de ce secteur est de 300 000 emplois non délocalisables et vecteurs d'inclusion sociale à l'horizon 2020.
Pour sécuriser les expérimentations j'ai dès mon arrivée demandé que le cahier des charges soit enfin publié.
Le domicile est au coeur de notre politique de l'âge conformément au souhait des Français de demeurer chez eux le plus longtemps possible. Le président de la République s'est engagé à prendre en compte les difficultés des départements. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)
Surfaces agricoles
M. Antoine Lefèvre . - Ma question s'adressait au ministre de l'agriculture. À l'heure du Sial, force est de constater que l'agroalimentaire et l'agriculture ont besoin d'un soutien ferme de nos gouvernants. Vous avez décidé d'augmenter de 3 % à 4 % la surface des exploitations dévolue aux haies, jachères et pièces d'eau, dite SET (surface en équivalent topographique) alors que la campagne 2013 est déjà engagée et que les discussions sur le verdissement de la PAC sont en cours. La France se retrouve, comme souvent, en distorsion de concurrence avec ses voisins.
Il ne faut pas nuire à la compétitivité de notre agriculture : renoncez à cette mesure. (Applaudissements à droite)
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire . - M. Le Foll est retenu au congrès des élus de la montagne. La France doit préparer l'avenir en répondant aux enjeux économiques et environnementaux pour gagner une nouvelle compétitivité, alors que nous avons perdu tant de terrains depuis dix ans.
Si après concertation avec tous les syndicats agricoles et ONG concernées M. Le Foll a décidé, fin septembre, de faire passer le SET de 3 à 4 %, c'est parce que l'agriculture doit inventer un nouveau modèle qui fait de l'engagement en faveur de l'environnement un atout pour nos agriculteurs. (On approuve sur les bancs écologistes)
Dans le cadre de la négociation de la réforme de la PAC, la Commission européenne propose que chaque exploitation respecte un seuil de 7 % de surfaces écologiques. Nous y incluons non seulement des éléments topographiques, mais aussi des cultures qui ont un intérêt environnemental comme le lin, le seigle (vives approbations sur les bancs écologistes) et le chanvre. (Éclats de rires à droite)
Engageons le changement pour une agriculture écologiquement et économiquement performante, pour réussir la mutation dont elle a besoin. (Applaudissements sur les bancs socialistes et très vifs applaudissements sur les bancs écologistes)
Siège du Parlement européen
M. Roland Ries . - Ma question concerne Strasbourg et la France. La présence du Parlement européen à Strasbourg est contestée par bien des lobbies qui depuis longtemps réclament que le Parlement européen n'ait qu'un siège : c'est la revendication du « one seat » à Bruxelles. Une nouvelle offensive est lancée contre Strasbourg et donc contre la France. Elle prend un tour violent, contraire à l'esprit et à la lettre du traité fondateur.
M. François Rebsamen. - C'est inacceptable.
M. Roland Ries. - C'est nier le polycentrisme européen que d'adopter au Parlement européen un amendement qui autorise sur une semaine deux sessions de deux jours pour contourner l'obligation de siéger douze semaines complètes à Strasbourg. Cette manipulation doit être déjouée. Je vous demande de réaffirmer l'attachement de la France à la présence du Parlement européen sur son sol à Strasbourg, sauf à rouvrir la boîte de Pandore de la répartition des sièges des institutions européennes. Proclamez que ce n'est pas négociable.
C'est une certaine conception de la construction européenne qui se profile : il est plus que jamais nécessaire de confirmer que l'Europe des peuples et des droits de l'homme se bâtit à Strasbourg. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Veuillez excuser M. Cazeneuve, en déplacement en Bulgarie. La décision de faire siéger le Parlement européen à Strasbourg est intangible et non négociable. Elle permet de préserver cette Europe polycentrique à laquelle nous tenons. Nous sommes très vigilants sur le respect des traités. C'est donc avec espoir que nous avons saisi la Cour de justice de l'Union européenne de la décision du Parlement européen de réduire le nombre de sessions plénières tenues à Strasbourg. Le 6 septembre 2012 l'avocat général, allant dans notre sens, a demandé à la Cour d'annuler la délibération du Parlement. Les autorités françaises ont pris note des conclusions. Il appartient à la Cour de rendre son arrêt, ce qui devrait être fait d'ici la fin de l'année. Je le répète, la question du siège de Strasbourg n'est pas négociable. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs à droite)
Transport des personnes handicapées
M. Philippe Adnot . - Je comprends que la dépense budgétaire doit être maîtrisée. Mais les départements ont en charge des dépenses sociales obligatoires sur lesquelles ils n'ont aucune prise. Ainsi, pour la mise aux normes des transports scolaires, afin de respecter les prescriptions de la loi de 2005 sur l'accessibilité aux personnes handicapées ; mon département compte 1 000 points d'arrêt à la charge des communes qui devront les aménager, ce qui va représenter une dépense de 900 000 euros pour le conseil général, en plus des 800 000 dépensés en faveur du transport des personnes handicapées. Ne pourrait-on reculer de cinq ans le délai prescrit ?
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Carlotti. La loi du 11 février 2005 dispose que les services de transport collectif devront être accessibles avant le 12 février 2015. C'est un objectif essentiel. Je tiens à féliciter les collectivités pour le travail considérable qu'elles ont réalisé mais nombreuses sont celles qui n'ont pas encore adopté le schéma directeur d'accessibilité ! Le coût des investissements est important, c'est vrai et ancien élu local, je ne méconnais pas les difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités. Le Gouvernement a confié à la sénatrice Mme Campion une mission à ce sujet.
La concertation importe. L'exigence aussi. Seuls 15 % de la flotte de transports de voyageurs sont au niveau. Il est encore des appels d'offres qui n'incluent pas les normes d'accessibilité.
M. Bruno Sido. - Oh !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. - Mme Procaccia a dit ici combien l'information est importante, pour le transport de chiens d'aveugle dans les taxis par exemple, pour qu'au-delà des obligations légales, les comportements changent. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Catherine Procaccia applaudit aussi)
La séance est suspendue à 16 h 10.
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
La séance reprend à 16 h 25.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires, en remplacement de M. Thierry Repentin et de Mme Anne-Marie Escoffier, nommés membres du Gouvernement. La commission du développement durable a fait connaître qu'elle propose les candidatures de M. Marc Daunis pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public « Parc nationaux de France », et de M. Stéphane Mazars pour siéger, en qualité de membre suppléant, au sein de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer. Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Allocation personnalisée d'autonomie
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l'autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie.
Discussion générale
M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales. - Je ne prétends pas proposer une solution miracle au financement de la dépendance.
M. Dominique Watrin. - Hélas !
M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi et rapporteur. - Mais ma détermination n'en est pas moindre. Cette proposition de loi vise à apporter une ressource pérenne au financement de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour alléger la charge croissante qui pèse sur les budgets départementaux. Son objectif est partagé au-delà des clivages politiques, aussi pourrons-nous peut-être parvenir à un consensus.
L'APA a été créée par la loi de 2001 en remplacement de la prestation spécifique dépendance (PSD) de 1997. En 2011, cette prestation représentait un coût de 5,3 milliards d'euros et près de 20 % des dépenses des départements. C'est une prestation en nature sans conditions de ressources, même si son montant varie en fonction des revenus et du degré de dépendance ; 60 % la perçoivent à domicile, 40 % en établissements. Les départements ont en charge la gestion d'une prestation dont ils ne maîtrisent pas les paramètres. L'APA ne fait pas l'objet d'une récupération sur succession.
Son financement est assuré par les départements et par une contribution de la solidarité nationale versée par le FFAPA puis par la CNSA. Le FFAPA est alimenté par deux ressources, une participation des régimes obligatoires de sécurité sociale et 0,1 % de CSG. La loi de 2004 y a ajouté la Contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), composée de deux types de prélèvements de 0,3 %, l'un acquitté par les employeurs, l'autre acquitté sur les produits du patrimoine et de placement. Mais seuls 20 % du budget de la CNSA sont affectés au financement de l'APA. Une péréquation existe, fondée sur quatre critères, de même qu'un mécanisme de correction, le rapport des dépenses d'APA par rapport au potentiel fiscale du département ne devant pas dépasser 30 %.
La montée en charge de l'APA a cependant été plus rapide et plus forte que prévu. Alain Vasselle pointait déjà, à sa création, l'insuffisance des ressources et les menaces qui pesaient sur les finances locales et sociales. Les dépenses restant à la charge des départements ont augmenté de 8,8 % par an entre 2003 et 2009 ; le taux de couverture par le FFAPA puis par la CNSA est passé de 44 % à 30 %. En 2009, les départements ont supporté une charge nette de 3,7 milliards.
Aucune disposition législative ne permet de répartir la charge entre État et département. Notre assemblée avait pourtant adopté un amendement Mercier qui visait à un financement également partagé, mais l'Assemblée nationale l'avait ensuite supprimé. En décembre 2010, la gauche déposait trois propositions de loi visant à une meilleure compensation. Le Conseil constitutionnel a jugé lors de l'examen d'une QPC que le mécanisme de compensation n'était pas contraire à la Constitution mais il invitait les pouvoirs publics à intervenir si le ratio de 30 % que j'ai évoqué n'était pas respecté.
Cela ouvre la voie à ma proposition de loi. Son article premier étend l'assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants et aux pensions de retraite. Certains m'ont objecté que créer une contribution sur les pensions était injuste, puisque que les salariés ne l'acquittaient pas ; mais ces derniers travaillent une journée de solidarité. Le président du Régime social des indépendants soutient ma proposition. Je salue cette position responsable et courageuse. Le président de la Confédération française des retraités s'est montré moins enthousiaste...
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. - C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi et rapporteur. - Mais je rappelle que les pensions les plus modestes ne seraient pas soumises à cotisation. Pour les retraités, la CSA ne représenterait pas plus de 7 % de l'aide dont ils bénéficient au titre de l'APA. L'effort demandé est-il vraiment démesuré ?
L'article 3 affecte cette contribution à la section 2 de la CNSA, soit au financement de l'APA, pour un montant de l'ordre de 900 millions d'euros, ce qui rapprocherait le taux de couverture de la barre des 50 %.
Je vous proposerai trois amendements. Le premier élargit l'assiette aux travailleurs indépendants agricoles et exclut les pensions les plus modestes ; le deuxième supprime l'article 2 qui n'a plus lieu d'être ; le troisième apporte des améliorations rédactionnelles et modifie l'équilibre entre les produits de la CNSA destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
Ce texte, déposé en février dernier, est examiné par un hasard de calendrier alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale est en cours d'examen. Or l'article 16 de ce projet crée une contribution sur les pensions, selon un dispositif identique au mien. Sans doute faut-il se réjouir de cette convergence.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. - Sans doute !
M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi et rapporteur. - Mais cette contribution serait affectée au FSV avant d'être mise en réserve en 2014 au sein d'une nouvelle section de la CNSA. Il s'agissait pour le Gouvernement de constituer une réserve de financement pour la réforme de la dépendance. Pourquoi ne pas faire un usage utile, dès à présent, de cette ressource ? Les départements ne peuvent pas attendre ! L'Assemblée nationale a modifié le projet initial, ce qui devrait conduire à un rendement supérieur à celui prévu pour 2013 par le Gouvernement. Mais, dans le même temps, une part de CSG est détournée de la CNSA vers le FSV ; on donne d'une main pour reprendre de l'autre... Espérons qu'un dispositif moins jésuite pourra être trouvé au Sénat ! En tout état de cause, cet article 16 montre bien l'urgence à trouver de meilleurs financements à l'APA.
La mise en oeuvre d'un fond d'urgence de 170 millions, annoncé par le président de la République, semble acquise. Je m'en réjouis. Mais pourquoi attendre 2014 ? Pourquoi ne pas adopter ma proposition, qui apporte dès à présent des solutions et donnera un signal de soutien fort aux départements ?
Conformément à l'accord politique entre présidents de groupes, c'est le texte initial de ma proposition qui sera ici débattu. J'espère que ce débat aboutira. Beaucoup reste à faire pour résoudre le problème de la dépendance. Ne craignons pas de franchir une première étape pragmatique dès aujourd'hui. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie . - Les relations entre État et départements doivent être fondées sur la confiance, le partenariat et la complémentarité ; c'est la condition de l'alliance entre proximité et égalité territoriale. Le Gouvernement veut élaborer une loi à la mesure du défi que constitue la révolution de l'âge.
Votre proposition de loi me réjouit : elle constitue un premier pas pour travailler ensemble. Le président de la République a pris dix engagements et l'a dit aux représentants des conseils généraux : l'État sera à leurs côtés. Au-delà de l'aide d'urgence annoncée pour 2013, son deuxième engagement est de trouver à l'horizon 2014 des ressources pérennes pour mieux financer les allocations de solidarité. C'est le sens du vote de l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale ce matin, à l'Assemblée nationale, qui viendra contribuer au financement de la perte d'autonomie dès le 1er janvier 2014.
Les indépendants ? Il ne semble pas raisonnable d'accroître encore sur eux la pression fiscale...
Mme Catherine Procaccia. - Qui augmente les impôts ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. - ... j'ai même pris bonne note de la position du président du RSI. L'ancienne majorité a perdu cinq ans. C'est une faute impardonnable que d'avoir retardé la réforme de la dépendance -ce sont les mots mêmes de Nicolas Sarkozy...
M. Alain Gournac. - Que faites-vous ?
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. - Nous ferons ensemble ce qui aurait dû être fait et ne l'a jamais été dans aucun pays : un texte qui couvre tous les champs de l'avancée en âge.
N'allons pas opposer financement de la compensation de l'APA et financement de la perte d'autonomie, qui doivent converger. Sur ce sujet, toutes les familles sont concernées et prêtes à l'effort. La République doit être aussi solidaire dans le temps de la fin de vie que dans celui qui l'a précédée. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)
M. Yvon Collin . - La dépendance est une priorité nationale. Nos concitoyens doivent pouvoir vivre leur vieillesse dans des conditions confortables et dignes. D'autant que si l'espérance de vie ne cesse de s'allonger, l'espérance de vie sans incapacité est, depuis 2006, en légère baisse. Combien y aura-t-il de personnes dépendantes dans dix ou trente ans ? Le définir n'est pas un exercice facile ; nous devons en tout cas réfléchir à la prise en charge de l'autonomie.
Reste que nos concitoyens attendent des réponses solidaires. Attachés aux valeurs humanistes, la plupart des sénateurs du RDSE estiment que la perte d'autonomie doit être prise en charge par la collectivité au nom de la solidarité nationale. Les départements sont en première ligne. Ils ne doivent cependant pas tout assumer seuls. L'APA pèse de plus en plus lourd, et le nombre d'allocataires ne cesse d'augmenter, au point que le budget consacré à l'APA a augmenté de plus de 20 % en quatre ans. Le taux de couverture par l'État est descendu à 28 %. L'absence de compensation devient insupportable pour les départements. D'autant que le coût de l'aide à domicile et de l'accueil en établissement va croissant. Et la charge s'est alourdie du fait de la suppression, que je déplore, du recours sur succession. Comment les conseils généraux pourront-ils encore investir dans les autres domaines qui relèvent de leurs compétences ?
Ce texte a le mérite de jeter les bases d'une vraie réponse. Nous nous félicitons des annonces du président de la République aux conseils généraux. Le déblocage d'un fonds de 170 millions est une bonne nouvelle, de même que les dispositions inscrites à l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les membres du RDSE sont partagés sur ce texte : certains considèrent que les solutions qu'il propose sont les bonnes, d'autres qu'il faut laisser l'initiative au Gouvernement, dans le cadre d'une réflexion plus large sur la prise en charge de la dépendance. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. Jean Desessard . - En me penchant sur ce texte, j'ai d'abord été conduit à m'intéresser à la question comptable... Vite rattrapée par d'autres enjeux, ceux de la réforme territoriale, de notre modèle de protection sociale, de la dépendance. Je ne prendrai donc pas de position légère, mais l'inscrirai dans une réflexion sur la société que nous voulons.
Le rapporteur nous interroge : le département est-il un simple sous-traitant des politiques nationales ? Que lui reste-t-il pour développer des projets une fois assumées les compétences transférées par l'État, sauf à se placer en position de quémandeur ? Et quand il ne peut compter que l'État respectera ses engagements, la situation est intenable. M. Roche a eu raison de souligner que l'engagement pris à la création de l'APA n'a pas été tenu. Pour autant, son texte ne peut recevoir mon assentiment : le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit déjà un élargissement de la ressource et surtout, il faut inscrire la réflexion à moyen terme dans le cadre que j'ai tout à l'heure indiqué. Il faut adosser la réflexion aux questions de la fiscalité locale et de la réforme territoriale, qui doit remettre l'élu au coeur des décisions, pour engager la transition écologique des territoires. Ce qui supposerait de garantir le montant de la DGF en l'éco-conditionnant et de donner davantage de pouvoir fiscal aux collectivités territoriales.
Il faut aussi l'adosser à la réflexion sur les indicateurs économiques traditionnels, aussi sur le financement de la sécurité sociale, elle-même inscrite dans un débat fiscal plus large : abrogation des niches bénéficiant aux secteurs polluants, outils fiscaux écologiques pour assurer la solidarité.
Si l'interpellation de M. Roche est justifiée, nous ne pouvons soutenir, pour ces raisons, sa proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs écologistes)
M. René-Paul Savary . - Cette proposition de loi est un appel au secours des départements. La Marne, qui illustrera mon propos, n'est ni riche, ni pauvre. Le nombre de bénéficiaires du RSA y augmente de 1 % par mois. C'est intenable ! Les dépenses d'APA coûtent 35 millions, pour une compensation de 11. Pour l'ensemble des départements, ce sont plus de 22 milliards d'euros de manque à gagner depuis la création de l'APA. Une vraie perte d'autonomie ! La solidarité nationale doit être financée par la Nation. Nous n'avons jamais varié dans notre discours, quel qu'ait été le gouvernement ; l'équation est simple, les prestations augmentent plus vite que les recettes. Les départements n'en peuvent plus, ils n'attendront pas 2014. L'affaire est grave. (Mme Muguette Dini approuve)
Les départements sont d'ores et déjà régis par la règle d'or qui va entrer en vigueur au niveau national. Avec nos contraintes sociales, nous ne dégagerons plus d'autofinancement et il faut recourir davantage à l'emprunt. Dans la Marne, ce sont 40 millions qui vont manquer, sur les 480 que compte notre budget. Les engagements du président de la République ? Sans doute, mais les départements vont être appelés à financer les lignes à grande vitesse, les routes nationales -des compétences nationales !
Ce texte est bienvenu. Il fait jouer la solidarité sans peser à l'excès : 36 euros par an, ce n'est pas le bout du monde. Il est vrai qu'il se télescope avec le projet de loi de finances, mais cette saignée fiscale ne profitera pas aux départements. Notre groupe souscrit à cette proposition de loi légitime et qui pourrait être consensuelle puisque nous sommes tous concernés : il y a va de la prise en charge de nos personnes âgées.
L'APA a-t-elle accéléré la compensation de la dépendance ? Je crois que c'est le cas, car les personnes âgées entrent plus tard en établissement : on est passé en moyenne de 75 ans à 85. Personne ne conteste l'efficacité de cette prestation.
Le président de la République a compris le problème des départements : ils vont mourir si l'on ne fait rien. Mais nous attendons toujours une réponse à la hauteur des enjeux : les 170 millions sont une goutte d'eau face aux 6 milliards qui manquent. Vous pouvez faire mieux que n'ont fait mes amis politiques ; les départements attendent de vous un signe fort. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Georges Labazée . - Ce texte vise à apporter une nouvelle ressource au financement de l'APA, pour une meilleure compensation. Le diagnostic est partagé. Le président de la République reconnaît que les départements sont pris en tenaille entre l'augmentation régulière des dépenses et la stagnation, voire la baisse, des recettes. La dépendance pèse pour un tiers des dépenses des collectivités territoriales ; les dépenses afférentes ont progressé de 4 % en 2011 en raison du vieillissement de la population.
La solidarité relève-t-elle des départements ou de la solidarité nationale ? Les compensations versées par l'État stagnent à 8,6 milliards. Des années durant, les droits de mutation ont permis aux conseils généraux de boucler leur budget ; depuis cette année, la situation s'est inversée. Ces droits ont baissé de 33 % tandis que ceux issus de la consommation de carburants diminuaient de 2 % en raison des difficultés économiques actuelles.
L'inquiétude est grande quant au dynamisme des dépenses liées à la dépendance. La gauche avait déposé trois propositions de loi identiques en 2010. Des cris d'alarme avaient été lancés, auxquels la majorité d'alors avait été sourde.
La Seine-Saint-Denis et l'Hérault ont déposé, en 2011, une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a jugé que le mécanisme de compensation ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités locales mais en posant des réserves qui ont été tout à l'heure rappelées. De quoi faire plancher les services du ministère en 2013 !
Le mode de financement, c'est un fait, doit évoluer tant il est devenu insuffisant, dès lors qu'aucun des cliquets qui auraient pu assurer le partage de la charge n'a été mis en place. L'ADF appelle à une sorte de troisième loi de finances pour les collectivités territoriales, après celles qui concernent l'État et la sécurité sociale.
Lundi, le président de la République a fait un certain nombre d'annonces : 170 millions seront débloqués, pour parer au plus urgent. L'État s'est en outre engagé à créer les conditions de la mise en place, à compter de 2014, de conditions de financement maîtrisées pour la prise en charge de la dépendance.
La proposition de loi que nous examinons est inscrite à l'ordre du jour alors que l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui crée la Casa, vient d'être voté à l'Assemblée nationale, et viendra bientôt devant le Sénat. Sa cible n'est pas très différente de la vôtre et, grâce à un amendement de notre collègue Gérard Bapt, son taux sera de 0,30 % dès 2013.
Enfin, le chantier de la décentralisation et du financement de la perte d'autonomie a été ouvert par le Gouvernement, sans coups d'éclat ni gesticulations. Une loi d'adaptation de la société au vieillissement devrait intervenir dans les deux ans. Luc Boussy, conseiller général du Val-d'Oise, a reçu de vous, madame la ministre, une mission touchant aux adaptations nécessaires de nos territoires au vieillissement. Enfin, le projet de loi sur l'acte III de la décentralisation interviendra début 2013. Bref, le pansement budgétaire a été posé et les réformes tant attendues sont enfin inscrites au calendrier.
Le Gouvernement a pris les choses à bras-le-corps. N'allons pas, en votant cette proposition de loi, bousculer l'économie de ce grand chantier, même si cette initiative va dans le bon sens. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique Watrin . - Cette proposition de loi aborde la question de la perte d'autonomie sous le pire angle qui soit, celui de son financement. Vice-président du conseil général du Pas-de-Calais, je ne méconnais pas les difficultés des départements, en raison de l'augmentation continue de l'APA, du RSA et de la PCH. Mais remontons à la source ! Ce sont les équilibres financiers de tous les départements qui sont ébranlés par le financement incohérent d'une partie de la solidarité nationale, ce qui appelle des réformes de fond.
Le fait est que les engagements de l'État n'ont pas été tenus et que le défaut de compensation grève le budget des départements. Les carences de l'État contredisent le voeu majoritaire de nos concitoyens en faveur d'une solidarité renforcée.
Mais exiger de nos concitoyens qu'ils amputent une nouvelle fois leur pouvoir d'achat ne nous paraît pas vivable. Le financement de la solidarité doit demeurer national. L'État doit garantir que l'ensemble de nos concitoyens sont logés à même enseigne.
Nous nous inscrivons en faux contre l'extension de la journée de solidarité. Dans les faits, ce sont les ménages et eux seuls qui paient. Cette proposition de loi purement comptable n'est pas rendue moins injuste par les amendements déposés en commission.
Quel champ pour la solidarité nationale ? Quelle organisation ? Quel financement ? Les trois problèmes doivent être traités ensemble. Nous voterons contre cette proposition de loi qui ne considère que l'aspect comptable.
Mme Chantal Jouanno . - Cette proposition de loi répond à un problème lourd et repose sur des principes qui ne me semblent pas injustes. La montée en charge de l'APA depuis 2001 a été hier plus rapide qu'escompté. Son mode de financement s'est reporté sur la solidarité nationale et sur le CNSA. Les départements assument aujourd'hui plus de 60 % des dépenses. De 2003 à 2009, les dépenses ont augmenté de près de 10 % par an, tandis que les recettes ne progressaient que de 1 % par an, si bien que la part des dépenses à la charge des départements est passée de 57 à plus de 70 %. Il n'existe aucune répartition claire entre l'État et les acteurs associés. Les départements subissent les conséquences. Je suis élue de Paris mais ai été au service, non élue, d'un département voisin et j'ai vu sur le terrain comment cette évolution tendait à transformer les départements en simples guichets.
Telle n'est pas ma conception de la décentralisation. Tout le monde se retrouve dans l'esprit de ce texte qui exige, il est vrai, un certain courage politique pour entrer en application.
L'article premier élargit la CSA aux indépendants et aux retraités. M. Watrin ne peut pas trouver cela injuste ! Lors de nos auditions, le président du Régime social des indépendants a dit son accord avec cette réforme.
Cette proposition de loi apporte une solution pérenne à la question du financement. Les recettes escomptées s'élèvent entre 800 et 900 millions d'euros. Ce texte est pragmatique et consensuel. Pourquoi ni le Gouvernement, ni le groupe socialiste ne le soutiennent-ils pas ? La Casa prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne va pas améliorer, à terme, la trésorerie. Comment l'APA sera-t-elle sécurisée en toute indépendance ?
J'invite tout le monde à voter cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. - On confond deux problèmes, celui du financement par les départements des dépenses sociales, et celui du financement d'une partie de la perte d'autonomie, qui appelle une approche systémique. Ce problème-ci ne date pas d'hier. Le rapport diligenté par le Conseil économique, social et environnemental a été précédé de bien d'autres. Celui de Mme Rosso-Debord, celui de M. Vasselle. J'avoue que certaines de leurs propositions, comme celle qui tendait à supprimer le GIR 4, font hérisser les cheveux sur la tête.
Je reproche au gouvernement précédent de ne pas avoir ouvert une discussion parlementaire où il aurait assumé ses choix. Cette proposition de loi fait vibrer nos tripes et nos coeurs de vice-président ou président de commission de nos conseils généraux, mais c'est sur le chantier global de la dépendance qu'il faudra nous pencher, avec la loi sur la dépendance annoncée pour 2014. Il nous reste du pain sur la planche. Ne nous focalisons pas sur l'APA, à quoi ne se réduit pas le problème du financement du maintien à domicile, que souhaitent 84 % de nos concitoyens.
M. Alain Néri. - Très bien !
M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. - Nous avons des solutions mais on ne peut légiférer à la sauvette. Ne nous jetons pas la pierre ; nous n'avons pas oublié l'amendement Mercier de 2004 ! Nous prendrons, le moment venu, qui est proche, des décisions globales.
Il était bon que soit déposée cette proposition de loi, pour aller plus loin. Je suis tenté de vous demander de la retirer. Non que nous y serions hostiles mais nous souhaitons attendre un peu, pour donner plus de possibilités aux familles d'avoir une vieillesse heureuse. (Applaudissements à gauche)
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - Monsieur Collin, vous avez évoqué l'espérance de vie. Notre propos n'est pas tant de vivre plus longtemps que de vivre ses dernières années dans des conditions plus satisfaisantes. La perte d'autonomie n'est pas obligatoire : dans la majorité des cas, nous y pouvons quelque chose. M. Desessard a inscrit cette proposition de loi dans cette projection globale.
Oui, monsieur Savary, nous sommes tous en difficulté. L'État lui-même, qui doit couper dans les investissements culturels. Les riches donnent, les pauvres partagent, se plait à dire le sage Roger Hanin. Les difficultés financières nous obligent à faire des choix. Le discours des départements n'a pas changé ? Non, mais les réponses, elles, ont changé. Nous prenons en considération les difficultés des départements. M. Savary a rendu hommage à Lionel Jospin pour l'APA, je l'en remercie. Nous avons attendu dix ans, en voyant le déficit des finances départementales s'aggraver. On entend beaucoup à l'Assemblée qu'il ne faut pas confondre hâte et précipitation ; après dix ans, on peut attendre six mois de plus.
Oui, monsieur Labazée, cette proposition de loi s'inscrit dans le double agenda proposé par le président de la République, celui de la décentralisation et celui de la réforme de l'autonomie.
La prestation n'a de sens que si elle est universelle. Aucun groupe n'est exclu de la montée en âge. Les retraités non imposables à la taxe d'habitation, qui touchent une retraite inférieure à 1 320 euros, sont écartés de la contribution à la Casa. Ils représentent 43 % de l'ensemble des retraités.
Les départements sont déficitaires sur trois allocations de solidarité, dont le RSA. Faut-il envisager la compensation dès maintenant sur la branche perte d'autonomie ? Je me réjouis de cette rencontre, mais accordons-nous le temps de mettre en place les lois fondamentales que j'ai évoquées !
M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi et rapporteur. - À l'ADF, nous sommes un certain nombre à ne pas avoir modifié notre discours. Les départements sont en état d'urgence absolue. Le déficit atteint le milliard d'euros, le pansement seulement 170 millions. L'urgence m'a poussé à présenter cette proposition de loi. Le paysan de la Haute-Loire doit couper son blé avec sa faux pour gagner son pain, quand bien même on lui promet une moissonneuse-batteuse pour dans deux ans !
L'aide ménagère en milieu rural fonctionne. En Haute-Loire, la retraite moyenne est inférieure à la moyenne nationale. Heureusement que l'APA est là ! Trouvons une solution immédiate pour son financement en urgence.
Monsieur Watrin, cette loi est nécessaire, au nom de la justice. Vous avez dénoncé l'iniquité que nous tentons de réparer.
M. Dominique Watrin. - Nous proposons de taxer les actifs financiers !
M. Gérard Roche, auteur de la proposition de loi et rapporteur. - J'ai hésité, mais après avoir bien lu l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je considère que ma proposition de loi garde toute sa pertinence. Nous continuons !
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. Dominique Watrin . - Cet article repose sur le postulat, que nous contestons, de l'abolition des frontières entre solidarité nationale et système assurantiel. Cette logique individualiste n'est pas conforme à l'esprit des ordonnances de 1945, qui ont créé la sécurité sociale sous l'impulsion d'Ambroise Croizat.
L'APA n'est pas une véritable prestation sociale. Sa nature hybride soulève d'importantes difficultés, comme l'a bien montré notre collègue Ronan Kerdraon dans son rapport, qui pointe le financement par la CNSA des soins en établissements médico-sociaux. Nous plaidons pour la fusion entre la CNSA et la branche maladie, au service d'un droit universel qui couvre les besoins en santé et en accompagnement social de la naissance à la mort, assuré par une sécurité sociale financièrement renforcée. Encore faut-il lui apporter les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de cette nouvelle étape. Aujourd'hui, des sommes colossales, destinées à la spéculation financière, échappent à la solidarité nationale : plus de 5 000 milliards d'euros ! Les taxer à 0,15 % rapporterait 7,5 milliards -l'équivalent des dépenses des départements pour les trois dotations de solidarité.
Le groupe CRC votera contre cet article et demande un scrutin public.
M. Alain Néri. - Rendons hommage à Paulette Guinchard. Elle est à l'origine de l'APA, qui a permis le maintien à domicile des personnes âgées, avancée psychologique, sociale, mais aussi financière considérable.
En 1993, quand j'ai ouvert une mission de retraite dans ma commune, on y entrait à 75 ans ; aujourd'hui, on y arrive à 85 ans. Mais l'APA ? Quand on est dépendant, on a besoin de plus d'accompagnement médico-social. D'où un prix de journée plus élevé, ce qui pose problème au sein des familles. Les personnes concernées ne peuvent couvrir les frais d'accueil en maison de retraite. On se tourne alors vers les « obligés alimentaires » : enfants et petits-enfants. Les premiers sont eux aussi retraités et leurs ressources, très souvent, ne suffisent pas non plus. C'est psychologiquement dramatique. Alors on se retourne vers les conseils généraux. Comment dans ces conditions joindraient-ils les deux bouts ? J'ai été vice-président chargé des affaires sociales dans le département du Puy-de-Dôme et je sais de quoi je parle. Quand, sur 30 millions de compensation attendus on n'en reçoit que 17, que faire ? L'APA fonctionne bien. Ce qui ne fonctionne plus, c'est son financement. Vous avez raison, madame la ministre, donnons du temps au temps pour engager la discussion avec les conseils généraux, afin que nos aînés vivent leurs derniers jours dignement.
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Roche et les membres du groupe UDI-UC.
Rédiger ainsi cet article :
Après le 1° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« 1° bis Une contribution au taux de 0,3 % due sur le revenu d'activité non salarié des travailleurs indépendants tel que défini à l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale. Cette contribution est recouvrée et contrôlée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations personnelles d'allocations familiales ;
« 1° ter Une contribution au taux de 0,3 % due sur le revenu d'activité des personnes non salariées des professions agricoles tel que défini à l'article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime. Cette contribution est recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole et les organismes mentionnés à l'article L. 731-30 du même code selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations d'assurance maladie ;
« 1° quater Une contribution au taux de 0,3 % due sur les pensions de retraite et d'invalidité ainsi que sur les allocations de préretraite perçues par les personnes dont le montant des revenus de l'avant dernière année tels que définis au IV de l'article 1417 du code général des impôts excède les seuils déterminés en application des dispositions des I et III du même article. Elle est recouvrée et contrôlée selon les règles, garanties et sanctions mentionnées pour les mêmes revenus à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale.
« Sont exonérées de la contribution mentionnée au précédent alinéa, les pensions mentionnées au a du 4°, au 12° et au 14° bis de l'article 81 du code général des impôts et les personnes titulaires d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité non contributif attribué par le service mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 815-7 du code de la sécurité sociale ou par un régime de base de sécurité sociale sous les conditions de ressources mentionnées à l'article L. 815-9 du même code. »
M. Gérard Roche. - J'ai déposé cet amendement à titre personnel, conjointement avec les membres de mon groupe.
Outre plusieurs améliorations rédactionnelles, il élargit l'assiette de la CSA aux travailleurs indépendants agricoles et exclut du paiement de la CSA les retraités aux revenus les plus modestes.
La commission lui a donné un avis favorable.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. - Défavorable. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale fait déjà contribuer les indépendants à hauteur de 1,1 milliard. « À brebis tondue, Dieu mesure le vent ! » dit un proverbe béarnais. Cela dit, j'ai bien pris note de la position du président du RSI...
M. Georges Labazée. - Le groupe socialiste n'a pas pris part au vote en commission. Cet article ressemble beaucoup à l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale adopté ce matin par l'Assemblée nationale, qui va apporter en 2013 450 millions de ressources nouvelles -à charge pour le Gouvernement d'en décider le fléchage. En 2014, 700 millions devraient être versés à la CNSA. Nous préférons voter l'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale plutôt que cet amendement ; nous voterons contre.
À la demande du groupe CRC et du groupe UDI-UC, l'amendement n°1 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 179 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté et l'article premier est ainsi rédigé.
(Mme Chantal Jouanno applaudit)
M. Dominique Watrin. - Je souhaite expliquer mon vote contre sur l'article.
M. le président. - L'amendement récrit l'article premier, qui est donc adopté.
M. Dominique Watrin. - Nous n'avons pas participé au dernier scrutin. Je souhaite rectifier notre vote.
Mme Catherine Procaccia. - Je vous ai demandé, en tant que secrétaire, si vous participiez, et vous m'avez répondu non.
M. le président. - Il n'y a donc pas lieu à rectification de vote.
M. Jean Desessard. - Vous pourrez voter contre l'ensemble du texte !
Article 2
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Roche et les membres du groupe UDI-UC.
Supprimer cet article.
M. Gérard Roche. - J'ai déposé cet amendement à titre personnel, conjointement avec les membres de mon groupe. L'article 2 de la proposition de loi initiale procède à une coordination qui n'a pas lieu d'être ; j'en demande la suppression.
La commission a donné un avis favorable.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. - Sagesse.
M. Georges Labazée. - Notre groupe s'abstiendra.
L'amendement n°2 est adopté.
L'article 2 est supprimé.
Article 3
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Roche et les membres du groupe UDI-UC.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au a du 1 du I, les taux : « 10 % » et « 14 % » sont remplacés par les taux : « 7 % » et « 10 % » ;
2° Au a du 2 du I, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
3° Au a du II, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;
4° Au a du III, les taux : « 26 % » et « 30 % » sont remplacés par les taux : « 20 % » et « 23 % » ;
5° Au cinquième alinéa du III, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux « 30 % » ;
6° Au a du 1 du I, au a du 2 du I, au a du III, au 1° du IV, au a bis du V, au b bis du V, les références : « aux 1° et 2° » sont remplacées par les références : « aux 1° à 2° ».
M. Gérard Roche. - J'ai déposé cet amendement en mon nom personnel, conjointement avec les membres de mon groupe. Outre qu'il apporte plusieurs améliorations rédactionnelles, il ramène de 40 % à 30 % la part de la CSA destinée aux personnes handicapées. Le texte élargissant l'assiette de la contribution en affectant entièrement la recette nouvellement créée aux personnes âgées, le montant des dotations destinées aux personnes handicapées peut être maintenu tout en leur affectant une part de 30 % du produit.
La commission a donné un avis favorable.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. - L'amendement diminue le financement des établissements et la PCH, alors que les besoins ne cessent d'augmenter. C'est manquer de cohérence, cela ne vous ressemble pas, monsieur Roche. Défavorable.
M. Gérard Roche. - Mais on apporte 900 millions supplémentaires : en diminuant le pourcentage, on maintient la ressource à niveau.
M. Georges Labazée. - Ces dispositions sont cohérentes avec le reste du texte. Mais nous continuons de penser que le projet d'ensemble est improductif. Nous voterons contre.
A la demande du groupe UDI-UC, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l'adoption | 178 |
Contre | 165 |
Le Sénat a adopté.L'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
M. Georges Labazée. - Notre position sera identique : nous voterons contre.
L'article 4 n'est pas adopté.
Interventions sur l'ensemble
M. René-Paul Savary . - Ce débat a bien montré les difficultés des départements : les critères sont déterminés nationalement, mais leur application est locale. On sait l'action importante des départements en matière de solidarité. Quel dommage, madame la ministre, de se priver de l'outil ici proposé, en remettant à plus tard ! Il y a pourtant urgence. Nous voterons en faveur du texte.
M. Jean Desessard . - Ce texte pose la question du rôle des collectivités locales et l'articulation de leur action avec celle de l'État. L'action sociale doit être proche du terrain -voir le succès des expérimentations menées à Rennes et Strasbourg, qui méritent d'être suivies. Éloigner les services des populations, c'est décourager les démarches de celles-ci et aggraver leurs difficultés. Mais la concentration est toujours à l'ordre du jour, voyez le projet de restructuration de la Banque de France !
Anticipation, adaptation, accompagnement, a dit la ministre. Mais comment arriver à ce « triple A » en s'éloignant du terrain ? Le groupe écologiste restera une force de proposition et pour l'heure, votera contre ce texte. Nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Dominique Watrin . - Ce texte ne résout ni les difficultés des départements ni les besoins liés à la prise en charge intégrale de la perte d'autonomie. Nous militons pour un financement plus juste, qui ne soit pas déconnecté des richesses créées par les entreprises, pour la taxation de leurs actifs financiers. Le débat doit se poursuivre. Nous voterons contre ce texte.
M. Georges Labazée . - La donne a changé depuis les états généraux et la rencontre de lundi entre le président de la République et l'ADF. Les annonces répondent à l'urgence et à l'avenir. Un vent de nouveauté souffle.
La prise en charge de la perte d'autonomie est un enjeu majeur pour nos concitoyens et pour nos finances ; elle restera un rendez-vous manqué de la législature précédente. Notre majorité appuiera la volonté déterminée du président de la République. Je vous rends hommage, madame la ministre, qui êtes à l'avant-garde de l'action. Cet après-midi, vous avez annoncé votre amendement à venir, bienvenu, sur les emplois à domicile. Et la Casa pose la première pierre du financement de la prise en charge de la dépendance.
Le groupe socialiste ne votera pas ce texte.
M. Gérard Roche, rapporteur. - Nous sommes, madame la ministre, sur le même bateau, et mettons la même force à avancer. Ce débat a montré qu'il existait une vraie angoisse. Nous serons avec vous pour traiter le problème de la dépendance, mais sachez que ce texte est un appel au secours des conseils généraux et des collectivités territoriales : il faut régler le problème.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée . - Cet appel a été entendu, mais point n'était besoin que le texte fut voté. Nous sommes face à un défi, que ce Gouvernement est déterminé, soyez-en assuré, à relever. Il agira sous le signe de la confiance.
À la demande du groupe UDI-UC, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 178 |
Contre | 166 |
Le Sénat a adopté.
(Mme Chantal Jouanno applaudit)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - Je rappelle que la commission du développement durable a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires. N'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Marc Daunis membre du conseil d'administration de l'établissement public « Parcs nationaux de France » et M. Stéphane Mazars, membre suppléant de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
Prochaine séance lundi 29 octobre 2012 à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 10.
Jean-Luc Dealberto
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du lundi 29 octobre 2012
Séance publique
À 14 heures 30 et le soir
- Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (n° 43 rectifié, 2012-2013)
Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 83, 2012-2013)
Texte de la commission (n° 84, 2012-2013)
Avis de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 74, 2012-2013)