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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Immigration, intégration et nationalité (Suite)

Question préalable

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article additionnel avant le titre premier

Articles additionnels après l'article premier A

Article premier

Articles additionnels

Article 2

Article additionnel

Article 2 bis

Questions d'actualité

Égypte

M. Robert Hue

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes

Grand Paris

M. Laurent Béteille

M. Maurice Leroy, ministre de la ville

Carte de l'intercommunalité

M. Yvon Collin

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

Conseil national du numérique

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Égypte et Tunisie

Mme Monique Cerisier-ben Guiga

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes

Formation des enseignants

M. Adrien Gouteyron

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Logement

M. Claude Bérit-Débat

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Candidature d'Annecy aux Jeux olympiques

M. Pierre Hérisson

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports

Crise de l'élevage

M. Jackie Pierre

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Politique de l'emploi

M. Martial Bourquin

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Immigration, intégration et nationalité (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2 ter

Article 3

Article additionnel

Article 3 bis

Article additionnel

Article 3 ter

Article 4

Articles additionnels

Article 5

Articles additionnels

Article 5 bis

Articles additionnels

Article 6

Article 7

Article 8

Article 9

Article 10

Articles additionnels

Article 11

Article 12 (Supprimé)

Article 12 bis

Article 13

Article 14

Article 15

Article 16

Articles additionnels

Article 17 AA

Articles additionnels




SÉANCE

du jeudi 3 février 2011

69e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport sur la situation des conjoints survivants de ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales ainsi qu'à la commission des affaires étrangères et sera disponible au bureau de la distribution.

Immigration, intégration et nationalité (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Dans la suite de la discussion des motions, nous passons à l'examen de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°6, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 240, 2010-2011).

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - « Vous avez aimé la proposition de loi sur les tests ADN, vous allez adorer ce texte sur l'immigration », a osé dire le député Mariani dans une provocation digne de Bagatelles pour un massacre.

La déchéance de nationalité, de triste mémoire, a surtout été utilisée par le gouvernement de Vichy à l'encontre des personnes de religion juive et de celles qui avaient bénéficié de la loi de 1927. Malgré les menus aménagements apportés par la commission, le nouveau cas de déchéance proposé par le texte est contraire à l'article premier de la Constitution qui veut que tous les citoyens soient égaux devant la loi.

Et comment ne pas s'indigner de la réactivation de la notion d'assimilation, héritée de notre passé colonial ? L'intégration signifie faire entrer une partie dans un tout, tandis que l'assimilation est le processus par lequel un ensemble d'individus se fond dans un nouveau cadre social plus large. Républicains, nous refusons toute forme de communautarisme ; pour le vaincre, il faut donner tout leur sens aux valeurs de la République. Ce que ne fait nullement ce texte.

Vous n'obtiendrez pas la confiance des migrants en les criminalisant. Dès que vous vous sentez fragilisés, vous agitez le spectre de l'étranger. Une affaire de cigares impliquant un ministre ? Vous dénoncez les grosses cylindrées dans lesquelles rouleraient certains Roms. Cette logique xénophobe, vous la laissez délibérément infuser dans la société. Cette xénophobie d'État vaut à la France d'être condamnée par les instances communautaires et internationales.

L'instrumentalisation électoraliste à laquelle ce texte procède est scandaleuse. D'autant que le comité interministériel à l'immigration a montré que les chiffres ne sont pas ceux que vous agitez : le nombre de cartes de séjour délivrées aux étrangers malades n'a pas augmenté. Le rapport de l'Igas et de l'IGF, rendu public en décembre 2010, a établi que la fraude à l'AME était un phénomène marginal et que le retard dans l'accès aux soins risquait de coûter cher.

Une étude de chercheurs de Lille a en outre montré que si les étrangers reçoivent de l'État 47,9 milliards d'euros, ils lui en apportent 60,3 milliards. L'entrée de 50 000 migrants, a dit le très officiel comité d'orientation pour les retraites, permettrait de réduire de 0,5 % de PIB le déficit des retraites. Et s'il n'y a pas explosion du nombre de demandes d'asile, comme le prétendait M. Besson, les crédits consacrés à l'hébergement et à l'accompagnement des demandeurs ne cessent de baisser. Vos arguments financiers ne tiennent donc pas la route.

En attendant, vous défigurez nos valeurs et principes républicains. Bannissons ces mesures honteuses de notre République ! (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - N'en déplaise aux auteurs de cette motion, les objectifs du texte sont pertinents. Ils renforcent la politique d'intégration, transposent trois directives, ce qui est une obligation, améliorent l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière et le travail clandestin, et aménagent le contentieux et la procédure de l'éloignement.

La commission des lois, qui a veillé à ce que soient conciliées l'efficacité et la garantie des droits accordés aux étrangers, est défavorable à cette motion.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - M. le rapporteur a rappelé les objectifs de ce projet de loi : satisfaire aux obligations communautaires, adopter certaines des propositions du rapport Mazeaud et, enfin, introduire dans notre loi le nouveau cas de déchéance de la nationalité voulue par le président de la République dans son discours de Grenoble. Madame Mathon-Poinat, vous êtes dans votre rôle d'opposante mais la gauche française est la seule en Europe à refuser de regarder la réalité en face ! (Protestations indignées à gauche) Vous ne pouvez pas refuser à l'État de mieux lutter contre le travail clandestin et de sanctionner ceux qui s'en prennent à l'autorité de la République.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Un crime est un crime !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tous les étrangers sont des assassins ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Je demande au Sénat de rejeter cette motion. (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - Certes, il faut transposer les directives. D'ailleurs, vous avez du retard concernant la directive « Retour ».

M. Philippe Richert, ministre.  - Vous nous reprochez de ne pas allez vite...

M. Richard Yung.  - Mais la transposition est un prétexte à créer des zones d'attente « sac à dos », à allonger la durée de rétention. Tout cela n'est pas imposé par l'Europe ! Nous voterons la question préalable.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Le Sénat doit débattre de ces questions qui intéressent l'opinion publique. Rejetons cette motion...

À la demande du groupe UMP, la motion n°6 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 152
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission

Mme la présidente.  - Motion n°7, présentée par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 240, 2010-2011).

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Pitié ! Nous n'en voulons plus, à la commission, nous en avons assez parlé ! (Sourires)

M. Yvon Collin.  - Notre excellent collègue Mézard a dû rentrer dans le Cantal, où il trouvera certainement un climat plus clément... Il m'a demandé de défendre cette motion de renvoi en commission.

Toute politique d'immigration doit concilier respect sans faille des principes relatifs aux droits de l'homme et capacité d'intégration de la société. La nation française s'est toujours enrichie de l'apport d'autres cultures, elle ne saurait s?y dissoudre. Si elle n'a pas vocation à accueillir tout le monde dans n'importe quelles conditions, elle doit assurer le respect des droits de ceux qui entrent sur son territoire comme de ceux qu'elle entend en faire sortir.

Les pressions migratoires vont aller s'accentuant, nous le savons. Ceux qui n'ont aucun espoir seront toujours plus nombreux à tenter l'aventure de l'expatriation. Nos hôpitaux publics ne fonctionneraient pas si nous reconduisions à la frontière les médecins et auxiliaires qui les font fonctionner. (Mme Alima Boumediene-Thiery approuve) Pour autant, 59 % des Français estiment qu'il y a trop d'étrangers dans notre pays et 40 % que celui-ci doit se protéger davantage du monde ... Ces chiffres sont révélateurs d'une société inquiète qui se recroqueville sur elle-même et impute la crise aux autres. Ne sombrons pas dans l'angélisme ! Comme l'a dit notre collègue Chevènement à propos des statistiques de la délinquance et de l'origine de celle-ci, je crains que le politiquement correct ne tue le débat républicain.

Les situations et les politiques migratoires sont fort disparates en Europe. La France se distingue par l'instrumentalisation de ces questions à des fins électoralistes. (Mme Françoise Laborde approuve) La volonté d'affichage médiatique se traduit par un appareil législatif dont la complexité est entretenue à dessein et qui laisse toute sa place à un arbitraire indigne du pays des droits de l'homme ; elle s'incarne dans le débat « piégé et absurde » sur l'identité nationale dénoncé en octobre 2009 par l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin qui relevait aussi « la tentation récurrente du pouvoir actuel de donner la primauté à l'émotion et au spectacle sur la réalité politique ». M. Baroin, de son côté, déclarait que ce débat était « gros comme un hippopotame dans une mare desséchée » et que « la confusion, l'amalgame et les facilités de langage (pouvaient) flatter les bas instincts ». Échec cuisant : le débat a été enterré après le séminaire gouvernemental de février 2010... Mais le discours de Grenoble a lancé un nouveau brûlot...

Nous avons déposé cette motion car la commission des lois doit déposer un rapport qui soit autre chose que de la paperasse. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, proteste vigoureusement)

M. Philippe Richert, ministre.  - C'est insultant pour le Sénat !

M. Yvon Collin.  - Nous devons prendre le temps de la réflexion. Les chiffres sont manipulés, qu'il s'agisse des reconduites à la frontière ou des demandes d'asile. Le slogan « passer de l'immigration subie à l'immigration choisie » reste lettre morte.

En outre, ce texte est dangereux. La modification de l'article 25 du code civil, pour introduire un nouveau cas de déchéance de la nationalité, est contraire au droit communautaire et à la jurisprudence constitutionnelle qui a rejeté la création de plusieurs catégories de Français. Nous sommes également contre la limitation des droits des étrangers sous couvert de transposition de directives, les zones d'attente ad hoc qui banalisent la privation de liberté comme mode de gestion ordinaire de l'immigration, les nouvelles procédures d'éloignement, la réduction du rôle du juge, l'utilisation de la notion d'abus de droit, l'assignation à résidence sous bracelet électronique. Malgré les aménagements apportés par la commission, ces dispositifs ne sont pas conformes aux directives. Les étrangers comme les nationaux ont le droit au respect des libertés individuelles, a rappelé la Commission européenne. L'enfermement ne doit pas être un instrument de régulation des flux migratoires. La CNCDH a clairement pris position contre ces mesures.

Notre Nation est le fruit de diversités, s'enrichissant au fil des siècles pour construire un sentiment national, une continuité historique. Elle n'a pas de problème d'identité avec elle-même. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est le fil conducteur de la République ; la respecter loyalement est le premier devoir de tout élu de la République. Au nom de ses valeurs, je demande au Sénat de voter cette motion ! (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - M. Collin a porté une accusation grave contre l'institution sénatoriale. Toutes les auditions étaient ouvertes aux commissaires ; à l'exception de Mmes Borvo Cohen-Seat et Boumediene-Thiery, peu de sénateurs y ont assisté. Sans doute ces accusations, portées dans un but circonstanciel, dépassent-elles la pensée de M. Collin...

Tous les points évoqués ont été débattus en commission. Nous nous sommes attachés à garantir la constitutionnalité des dispositifs, en particulier ceux introduits par les députés et l'article relatif à la déchéance de nationalité. Le renvoi en commission ne se justifie pas ; l'avis est défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je m'étonne que l'on mette en cause la commission des lois. La qualité de ses travaux, à laquelle je veux rendre hommage, est unanimement reconnue. (Mme Isabelle Debré renchérit) Ancien sénateur, je suis surpris par la violence de ces attaques.

Le Gouvernement n'a pas déclaré l'urgence -vous n'allez pas lui en faire grief !-, bien que nous ayons quelques semaines de retard dans la transposition de la directive « Retour » -la France n'est d'ailleurs pas plus en retard que ses partenaires. Ce n'est pas une raison pour reporter encore le débat.

À la demande du groupe UMP, la motion n°7 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 152
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

Article additionnel avant le titre premier

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Avant le titre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La République assure, dans le respect de la Constitution et de ses engagements internationaux, une politique migratoire et d'asile respectueuse de la dignité de la personne humaine. Elle garantit, dans le respect des lois, à tout étranger qui en exprime la volonté, et quelle que soit sa condition, le droit de s'établir en France avec sa famille et de s'intégrer à la communauté nationale.

M. Yvon Collin.  - En défendant la motion de renvoi en commission, nous avons rappelé que la transposition de directives ne doit pas servir de prétexte au renforcement de la suspicion envers les étrangers.

Parce que le combat pour la dignité vaut toujours d'être mené, nous voulons inscrire au frontispice de cette loi les valeurs qui doivent inspirer notre politique migratoire, dont le respect intangible des droits de la personne humaine. Les notions de performance, de rentabilité ou de politique du chiffre qui sous-tendent ce texte n'ont pas de sens lorsqu'il s'agit d'êtres humains.

On nous dira que ces dispositions ne sont pas normatives ; nous attendons avec impatience qu'on nous démontre que nous avons tort de nous inquiéter.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le respect de la dignité de la personne humaine, exigence constitutionnelle, s'impose au législateur comme au pouvoir réglementaire. Cet amendement consacre en outre un droit général à s'établir en France avec sa famille, qui n'est reconnu ni dans la Constitution ni dans les textes internationaux. Donc, avis défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Les principes de la politique d'immigration ont été fixés en 2007, il n'y a pas lieu d'y revenir. Ce texte vise d'abord à transposer trois directives. Rejet.

M. Richard Yung.  - Cet amendement nous met au coeur du débat : les valeurs et orientations qui soutiennent la politique d'immigration. Il est logique de les inscrire ici.

Vous avez une approche négative de l'immigration. La proposition du RDSE est positive, et insiste sur « le respect de la loi ». Les gens qui viennent travailler chez nous obéissent à des motivations nobles et respectables. Ils ont droit à un accueil dans la dignité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous voterons aussi cet amendement : il est bon de rappeler les principes. Pour vous, la méfiance est de règle et l'accueil l'exception. Pourtant les employeurs manifestent clairement leur souhait d'embaucher des immigrés, faute de main-d'oeuvre nationale ou simplement pour les payer moins et les exploiter davantage, et vous ne vous en préoccupez guère. Bref, votre attitude relève de la schizophrénie !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Nous voterons contre cet amendement en dépit de son inspiration.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il est déclaratif.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - La commission des lois a fort bien travaillé sur ce texte.

Mme Éliane Assassi.  - Nous aussi sommes là pour travailler !

Mme Françoise Laborde.  - A quoi servons-nous ?

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Une formule comme celle-ci serait un appel considérable à l'immigration, ce que l'opinion publique ne supporterait pas. Il faut tenir compte de l'état du monde.

M. Philippe Dallier.  - On veut nous enfermer dans un débat ! Opposant d'un côté les gens généreux et, de l'autre, des gens fermés au monde, aux autres, aux valeurs de la République. C'est insupportable !

Voulez-vous sérieusement ouvrir grand nos portes aux centaines de millions de miséreux ?

M. Richard Yung.  - Ce n'est pas cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Caricature !

M. Philippe Dallier.  - Croyez-vous qu'on en a les moyens ? Avec vos bons sentiments vous allez renforcer ceux qui n'adhèrent pas à nos valeurs républicaines : nous les partageons et vous n'en avez pas le monopole!

M. Jean-Pierre Michel.  - Le débat prend un tour très mauvais.

M. Philippe Dallier.  - La faute à qui ?

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous vous proposons de voter sur un texte, pas sur des intentions. Les vôtres, on les connaît, vous les avez dites : vous voulez ne pas respecter les lois fondatrices de la République. (Protestations à droite)

M. Philippe Richert, ministre.  - Scandaleux !

M. Jean-Pierre Michel.  - Vous voulez agiter l'épouvantail. Gare à ne pas renforcer ainsi ceux qui l'agiteront plus encore que nous !

À la demande du groupe RDSE, l'amendement n°17 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 157
Contre 179

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier A demeure supprimé.

Articles additionnels après l'article premier A

Mme la présidente.  - Amendement n°272 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 21-12 du code civil, après le mot : « simple », sont insérés les mots : « ou qui a été recueilli régulièrement en France en application d'une décision de recueil légal dont la kafala judiciaire, ».

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On ne peut accepter que la situation des enfants adoptés ne soit pas la même selon les conditions de leur adoption.

Mme la présidente.  - Amendement n°273 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 21-12 du code civil, après le mot : « adopté », sont insérés les mots : « ou recueilli régulièrement en France en application d'une décision de recueil légal dont la kafala judiciaire, ».

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Amendement de coordination.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement vise le cas d'enfants recueillis dans le cadre d'une kafala de droit coranique, lequel interdit l'adoption pleine, la kafala n'entraînant aucun effet sur la filiation de l'enfant ; il n'y a donc pas lieu qu'elle en ait sur sa naturalisation.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le droit civil français ne reconnaît pas la kafala comme une adoption simple. En supprimant toute condition de durée, cet amendement donnerait un droit supplémentaire à l'enfant en kafala. C'est ouvrir la porte à des abus et à des inégalités avec les enfants nés en France de parents étrangers.

L'amendement n°272 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°273 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°144, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 21-12 du code civil est ainsi modifié :

I. - Les 1° et 2 ° sont ainsi rédigés :

« 1° L'enfant qui est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;

« 2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins. »

II. - Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 3° L'enfant étranger régulièrement recueilli en France dont la loi personnelle ne connaît pas la rupture des liens juridiques de filiation et élevé par une personne de nationalité française ou confié à l'aide sociale à l'enfance. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet amendement précise les critères selon lesquels un enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer qu'il réclame la qualité de Français. Il autorise l'adoption des enfants en kafala.

Nous remédions à une incohérence dont pâtissent les couples qui veulent adopter des enfants d'origine maghrébine.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, pour les raisons que j'ai dites.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Lors de la loi sur l'adoption, le ministre de l'époque s'était engagé à ouvrir une réflexion sur la manière de traiter en France la kafala. Ce n'est pas, en droit, une adoption simple mais, en pratique, c'est la même chose.

L'amendement n°144 n'est pas adopté.

Article premier

Mme Bariza Khiari.  - Vous voulez de grands sportifs, de grands scientifiques, de grands lettrés, de grands décideurs, des gens à qui leur richesse ouvre nos portes. Pour eux, vous vous mettez en quatre. Aux pauvres, vous dites : « Passez votre chemin ». On ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Je cite, à dessein, cette citation tronquée de Michel Rocard, car vous ne manquerez pas de la faire pour donner à penser que des socialistes vous soutiennent. L'immigration professionnelle, comme l'immigration choisie hier, c'est faire son marché.

Si vous voulez des êtres d'exception, de grands chercheurs, commencez par accueillir les étudiants étrangers...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Juste !

Mme Bariza Khiari.  - ...et aussi les petites gens. Ce à quoi sont sensibles les personnes de qualité, c'est à la tolérance, à l'esprit d'ouverture qui règne dans un pays. Historiquement, notre rayonnement a attiré des personnes de talent. Vous multipliez les effets d'annonce pour conquérir l'électorat du Front national. Ce n'est pas ainsi que vous continuerez d'attirer des Apollinaire, Marie Curie, Yves Montant, Edgar Morin et Tahar Ben Jelloun qui ont fait et font la renommée de notre pays. Nous refusons donc un dispositif différencié.

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Françoise Laborde.  - Cet article entérine le concept d'immigration choisie en réduisant la durée de condition de résidence nécessaire à la naturalisation de l'étranger « présentant un parcours exceptionnel d'intégration ». Il introduit une rupture d'égalité parmi les étrangers pouvant prétendre à l'acquisition de la nationalité française. L'intégration d'un étranger doit être appréciée sur des critères purement objectifs.

Nous rejetons votre conception utilitariste de la naturalisation, qui prend acte de l'inégalité sociale en la renforçant d'une inégalité juridique.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°100, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mme Khiari a raison : les personnalités de talent qui sont venues en France ont été sensibles au fait que nous étions un pays d'accueil.

Vous voulez attirer les diplômés des pays pauvres -les médecins par exemple- pour les payer moins. Vous parlez d'un parcours exceptionnel. Dois-je vous rappeler les textes de Renan sur la Nation ? Les uns peuvent être « nominés », entre prix littéraires ou scientifiques et Jeux olympiques. Les autres sont des délinquants potentiels, des gêneurs.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable à ces amendements. Nous défendons ce texte qui donne des moyens nouveaux d'acquisition de la nationalité française. Ces amendements seraient un recul !

M. Philippe Richert, ministre.  - Cette disposition existe déjà pour la défense ou les affaires étrangères. Il s'agit de personnes qui sont déjà en France, pas que nous voulions attirer. Je suis évidemment opposé à ces amendements.

M. Jean-Pierre Michel.  - En tête d'un texte sur l'immigration, on affiche une conception élitiste, très discriminatoire. On attire des médecins étrangers, dont leur pays aurait besoin, et on y envoie Médecins du monde et Médecins sans frontières ! Ces personnes « exceptionnelles », c'est dans leur pays qu'elles devraient faire valoir leur talent !

Les amendements identiques n°s18 rectifié et 100 ne sont pas adoptés.

L'article premier est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°125, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 21-19 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« 8° L'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française ;

« 9° Le conjoint et l'enfant majeur d'une personne qui acquiert ou a acquis la nationalité française ;

« 10° Le ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et des États sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle. »

Mme Marie-Agnès Labarre.  - La loi du 24 juillet 2006 a supprimé l'exemption du délai de stage pour les enfants et le conjoint d'une personne française. Cette exclusion d'un accès facilité à la naturalisation n'est pas légitime puisque ces personnes ont vocation à rester sur le territoire français.

Rétablir la condition de stage pour les ressortissants des anciennes colonies revient à nier les liens culturels et historiques forts qui existent entre la France et ces pays en raison d'un passé commun.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La situation actuelle ne justifie pas que soit modifié ce point de la loi de 2006. Si l'enfant n'a pas été naturalisé en même temps que ses ascendants, c'est qu'il ne résidait pas en France à ce moment.

Quant aux personnes issues de pays sur lesquels la France a exercé sa souveraineté ou son protectorat, elles sont nées après l'Indépendance et nous ne sommes pas sûrs de leur résidence.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°125 n'est pas adopté.

Article 2

M. Louis Mermaz.  - Le candidat à la nationalité française subit le contrôle de son « assimilation » ; nous aurions préféré le mot « intégration », qui figure dans l'intitulé. Il y a quelque chose de carnassier dans le mot assimilation, qui nie l'enracinement. Votre repli, votre racornissement expliquent votre incompréhension des événements dans le monde arabe, et particulièrement en Tunisie.

Quand vous soumettez le contenu de la « charte des droits et devoirs » à un simple décret, vous faites fi du Parlement au mépris de l'article 34 de la Constitution.

Cet article 2 se présente comme un lever de rideau sur un texte marqué par la confusion et la perversité des insinuations. Il faut faire peur. Il est loin le temps ou Bernard Stasi parlait de l'immigration, une chance pour la France.

Vous faites régner un tel climat que les étudiants et chercheurs scientifiques préfèrent partir pour les États-Unis et le Canada. Il serait temps d'adopter une politique d'accueil plutôt que de refoulement. « La France doit prendre sa part de la misère du monde », disait Michel Rocard dans une formule que vous aimez tronquer : elle ne peut le faire seule et l'Europe doit y contribuer. (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - La laïcité est la matrice de notre identité nationale. Comment va-t-on vérifier l'adhésion des demandeurs ? Leur fera-t-on passer des tests ? En cas d'échec, en conclura-t-on à leur insincérité ? Votre charte est censée porter les valeurs fondamentales de la République. Lesquelles ? Nous ne l'avons pas vu. Nous ne saurions vous donner un chèque en blanc pour la rédaction d'une telle charte, qui ne saurait être le fruit d'un cénacle obscur.

La notion d'assimilation, qui la fonde, me choque. Comme Raymond Aron, je suis française mais veux rester fidèle à mon héritage culturel. Nier celui-ci, c'est fabriquer des clients pour les psychanalystes. La notion d'assimilation est négatrice de notre diversité culturelle.

Nous exigeons que le contenu de cette charte soit validé par le Parlement et fasse l'objet d'un consensus. C'est par les mots que tout commence, ce sont des mots qui ont présidé aux horreurs qu'a connues l'Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Vous voulez rendre toujours plus difficile la naturalisation. La logique même de votre politique appellerait au contraire à ce qu'elle soit facilitée. L'assimilation est un problème auquel nous devons réfléchir. Au XIXe siècle, on colonisait pour apporter la civilisation ; mais quelque chose a mal fonctionné. L'identité de notre Nation résulte de l'apport de cultures différentes. La notion d'assimilation est liée à une idée de culture unique, pas de contrat social.

Amin Maalouf dit à juste titre que les sociétés devraient faire l'effort de montrer qu'elles assument leur diversité. C'est ainsi que les choses sont vécues aujourd'hui.

Certains ont une réticence à chanter la Marseillaise ou à porter le drapeau français ; interrogeons-nous sur les signes que nous envoyons pour facilité l'intégration, qui n'est ni l'assimilation ni le communautarisme anglo-saxon.

M. Philippe Richert, ministre.  - Au-delà de telles déclarations, revenons au sujet. Nous accueillons chaque année 130 000 nouveaux Français, dont 90 000 par naturalisation. En 1995 : 36 000 ; en 2000 : 68 000 ; en 2009 : 84 730. Ce n'est donc pas du tout un phénomène accessoire ni marginal.

Nous constatons que certains postulants n'adhèrent pas totalement à nos valeurs. Acquérir la naturalisation n'est pas un geste anodin. Certains postulants ne se préoccupent que de facilitation administrative. La signature de la charte sera la manifestation de leur adhésion à ces valeurs.

Il n'est pas prévu que cette signature puisse ensuite être opposable. Sa rédaction sera élaborée par une commission où figureront des parlementaires, des juristes, des historiens, avant que le Conseil d'État en soit saisi.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Supprimer cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La signature de cette charte en vue d'un « contrôle de l'assimilation » des nouveaux Français par naturalisation réactive la notion d'« assimilation » qui rappelle une époque révolue et qui est une négation symbolique de la diversité culturelle de la Nation.

Mieux vaut supprimer cet article qui conditionne la naturalisation à la signature d'une charte dont l'élaboration relèvera du pouvoir réglementaire. Son contenu et ses effets restent mystérieux. Le pouvoir d'appréciation de l'agent de préfecture sera donc discrétionnaire. Parlons plutôt d'intégration que d'assimilation, cette notion héritée de notre passé colonial.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°19 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Yvon Collin.  - Cet article est une des rares traductions du séminaire intergouvernemental du 8 février 2010 censé conclure le débat sur l'identité nationale. Quelle sera la valeur juridique de cette charte, son utilité, son contenu ? Il revient au législateur de décider de ce document, et non au pouvoir réglementaire dont nous avons dénoncé récemment le manque de diligence.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°102, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La maîtrise du français est un critère essentiel de l'intégration. Or la procédure de certification est floue ; son coût, d'une centaine d'euros, sera supporté par l'étranger. En outre, vous prévoyez une autre condition à la naturalisation : la signature d'une charte qui essentialisera nos principe républicains face à l'étranger, par essence un barbare. J'en veux pour preuve le débat navrant sur la polygamie. Halte aux critères subjectifs qui durcissent encore l'accès à la naturalisation !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La notion d'assimilation est reconnue à l'article 21 du code civil ; il se distingue de l'intégration par l'adhésion aux valeurs républicaines. Il veut dire « rendre semblable », et la similitude ne signifie aucunement un arasement des différences culturelles : celles-ci sont reconnues par la Constitution, qui assure l'égalité de tous devant la loi. Confier au pouvoir réglementaire la rédaction de la charte est justifié, puisque ce texte n'a pas de valeur normative. Il regroupera les principes sur lesquels tous s'accordent, telle l'égalité des citoyens devant la loi. Peut-être le ministre pourrait-il s'engager à soumettre la charte au Parlement, qui pourrait éventuellement organiser un débat. M. Besson s'y est engagé devant l'Assemblée nationale.

M. David Assouline.  - Que valent les engagements de M. Besson ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La signature de la charte n'est pas un obstacle supplémentaire à la naturalisation ; elle est une manifestation symbolique de l'adhésion du requérant, plus forte qu'un engagement oral.

M. Philippe Richert, ministre.  - La notion d'assimilation ne pose pas de difficultés juridiques ; le Conseil d'État l'a confirmé récemment. Selon M. Patrick Weil, qu'on ne peut accuser de proximité avec le Gouvernement, «  il ne faut pas avoir peur de l'assimilation, qui n'est pas une dilution de l'identité ».

M. David Assouline.  - Ils citent M. Weil quand cela les arrange !

M. Philippe Richert, ministre.  - La base des refus est la polygamie, le militantisme religieux extrémiste et l'opposition à la laïcité. Il faut le rappeler ! (Applaudissements sur certains bancs à droite)

M. Jean-Pierre Michel.  - L'assimilation me fait penser à un boisseau d'où rien ne doit dépasser ! Cela me rappelle aussi la politique de Napoléon III en Algérie : on sait ce que ça a donné ! D'ailleurs, tous les Français sont-ils assimilés ? Quid des Français qui veulent l'autonomie de leur région ? Quid de ceux qui font du symbole des Chouans, un symbole anti-républicain par excellence, l'emblème de leur département ?

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'assimilation, c'est le clonage... Le ministre peut-il s'engager, comme l'a fait M. Besson, à transmettre la charte à la commission des lois et nous assurer que nous aurons le droit de l'amender ?

M. David Assouline.  - La définition du terme « assimilation » est claire : selon le Petit Robert, c'est le processus par lequel un organisme transforme en sa propre substance les matières qu'il absorbe. Notre conception est autre : c'est le métissage qui fait la France vivante et riche depuis des siècles. Arrêtez de regarder dans le rétroviseur ! N'oubliez pas que les mairies de gauche ont, les premières, organisé des cérémonies d'accueil pour les naturalisés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est faux !

M. David Assouline.  - Je regrettais, dès 1995, que de tels rituels républicains ne se soient pas répandus. Quel est le sens de cet examen, de ce contrôle de l'assimilation ? Il existe, que je sache, en France un parti anti-républicain. Pour autant, il est français ! Si cette charte devait exister, il faudrait, pour le moins, l'annexer au projet de loi.

Mme Éliane Assassi.  - Intégrer, c'est d'abord faire en sorte que les personnes étrangères puissent se sentir accueillies dans leurs différences. Pour vous, seul le bon Français a la parole. Arrêtez de cacher derrière des mots hérités de notre passé colonial, de masquer vos échecs par la construction d'usines à gaz ! (Marques d'agacement à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Ce débat me met très mal à l'aise. Issue de l'immigration à deux ou trois générations, je n'ai connu aucune difficulté pour l'assimilation, car les structures sociales étaient fortes et l'école jouait ce rôle d'assimilateur. Le respect de la différence est l'une de richesses de notre République. Celle-ci s'apprend, non par la négation des valeurs d'origine, qui peuvent s'exprimer dans la sphère privée et seulement elle, d'où mon vote contre la burqua, mais par l'éducation civique. Plutôt que ce débat malsain, donnez des budgets pour l'éducation nationale ! (Applaudissements sur quelques bancs à gauche)

M. Richard Yung.  - Ce débat sémantique révèle deux conceptions de l'immigration : le melting pot à l'américaine et la « normativité » à la française. Chez nous, pour devenir un bon Français, il faut « faire » l'École alsacienne, Science-Po et l'ENA ! (Sourires) En poussant un peu, je dirai que notre modèle est celui que nous appliquions, à l'époque des colonies, aux indigènes, à qui nous demandions de renoncer à leur langue pour adopter la nôtre. Comment trouver un juste équilibre ? Là est la question.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je suis fatiguée d'entendre des personnes affirmer qu'elles sont de la première, deuxième ou troisième génération...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Là-dessus, nous sommes d'accord !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Fernand Braudel disait que la France avait transposé sur son territoire les problèmes de son ancien empire. Ce passé ne passe pas. Si vous étiez vraiment dans une logique de pacte, il faudrait aller jusqu'au bout et donner le droit de vote aux étrangers !

M. Philippe Richert, ministre.  - L'unité, ce n'est pas l'uniformité. Ce qui fonde le vivre-ensemble, ce sont les valeurs républicaines.

Monsieur Assouline, la définition d'assimilation diffère selon que l'on choisit celle correspondant à la digestion ou au code civil.

M. David Assouline.  - Je peux toutes les lire !

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous connaissons votre habileté à créer une polémique ! Le respect des langues régionales a été reconnu dans un codicille à notre loi fondamentale.

Nous demandons seulement aux postulants à la nationalité qu'ils adhèrent à nos valeurs. Est-ce excessif ?

Je vais plus loin que M. Besson à l'Assemblée nationale en promettant d'associer des parlementaires à l'élaboration même de cette charte.

Je ne comprends pas, sauf si vous voulez ouvrir une polémique, que vous reveniez sur un point sur lequel je m'étais clairement exprimé dans mon propos liminaire. (Applaudissements à droite)

Les amendements identiques n°s8, 19 rectifié et 102 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les mots : « assimilation à » sont remplacés par les mots : « intégration dans »

M. Yvon Collin.  - Cet amendement, comme l'amendement n°22 rectifié, remplace « assimilation » par « intégration ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous en avons longuement débattu. Avis défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 2

Après les mots :

sont fixés par décret

insérer les mots :

en Conseil d'Etat

M. Yvon Collin.  - La mention du renvoi à un décret simple n'a pas à figurer dans la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'avis est favorable à cet amendement de précision.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°21 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

assimilation

par le mot :

intégration

M. Yvon Collin.  - Je l'ai défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°274, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Bariza Khiari.  - Le terme d'intégration est bien plus consensuel. Il devrait être utilisé seulement pour ceux qui demandent la naturalisation et ne se justifie pas pour ceux qui sont déjà Français. Il revient, hélas, à chaque débat sur le voile, la polygamie... La France doit se construire sur ce qu'elle est, non sur ce qu'elle n'est plus. Le mot d'intégration traduit le respect de la diversité et l'exigence d'adhésion à nos valeurs.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je me suis expliqué : rejet.

Les amendements identiques n°s22 rectifié et 274 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°275, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer les mots :

décret en Conseil d'État

par les mots :

le Parlement

Mme Bariza Khiari.  - La charte ne peut relever d'un simple décret en Conseil d'État. En effet, la définition et le choix des principes et valeurs essentielles de la République sont une compétence du Parlement en vertu de l'article 34 de la Constitution. Cela lui donnera plus de poids.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette charte n'aura pas de valeur normative et nous avons demandé au Gouvernement de soumettre la charte au Parlement avant de la publier... Rejet.

M. Philippe Richert, ministre.  - Par deux fois, j'ai dit la position du Gouvernement : défavorable.

L'amendement n°275 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 5, seconde phrase

Supprimer le mot :

essentiels

M. Yvon Collin.  - Cet amendement n'est pas purement rédactionnel : tous les principes et valeurs de la République sont « essentiels » ; le Conseil constitutionnel s'est d'ailleurs toujours refusé à les hiérarchiser. Nous aimerions être éclairés...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Il ne s'agit pas de hiérarchiser les principes ! L'avis est défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il ne s'agit pas de rappeler tous nos principes, mais les plus importants. Sans se livrer à l'exégèse des fondements de notre République, il faut donner à comprendre aux postulants l'essentiel de ce qui fonde notre vivre ensemble. D'où le travail confié aux historiens, philosophes et parlementaires dont j'attends beaucoup pour la rédaction de cette charte.

Monsieur Collin, je serais heureux que vous retiriez votre amendement, auquel je serais désolé de devoir m'opposer.

M. Richard Yung.  - Nous soutiendrons cet amendement. L'adjectif « essentiel » fait partie des termes qui encombrent la loi et compliquent le débat. Tous les principes sont fondamentaux.

M. David Assouline.  - S'il n'y a pas de principes essentiels, pourquoi tenir à cet adjectif ? S'il y en a, comme vous le laissez entendre, dites lesquels. Dissipez nos doutes ! L'amendement Collin est limpide. Pourquoi le refuser ?

M. Yves Détraigne.  - La loi doit être claire et simple. Il existe des principes fondamentaux, a reconnu M. Yung. N'établissons pas une liste trop longue, par définition incompréhensible !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - On s'amuse beaucoup à couper les cheveux en quatre ! Tout le monde sait qu'on ne va pas rappeler tous les principes issus de la Déclaration des droits de l'homme. Et pourquoi pas l'autonomie des professeurs d'université ? C'est pourtant un principe important !

L'amendement n°23 rectifié n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°276 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 21-25 du code civil, le mot : « assimilation » est remplacé par le mot : « intégration ».

M. Richard Yung.  - Il est défendu.

L'amendement n°276 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 2 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Yvon Collin.  - Il ne faut pas laisser au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités d'évaluation et les critères d'appréciation de la maîtrise de la langue française.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°103, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous sommes opposés au durcissement des conditions d'accès à la nationalité française pour les conjoints de Français via la lutte contre les mariages « gris » et l'allongement de la condition de durée.

Cette politique maintient les migrants dans la précarité dont le principal bénéficiaire est le marché.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article constitue un progrès en établissant une condition d'objectivité.

Rejet des amendements n°s24 rectifié et 103.

M. Philippe Richert, ministre.  - Personne ne peut s'imaginer que la loi va fixer les modalités de l'évaluation de la maîtrise de la langue française ! Rappelons un chiffre : la France est l'un des seuls pays à financer entièrement cette formation linguistique à hauteur de 50 millions par an.

M. Richard Yung.  - Et l'Allemagne ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Je voulais éviter les comparaisons mais c'est exact !

Les amendements identiques n°s24 rectifié et 103 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Au début de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

L'article 21-2 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».

2 °Au deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » et les mots : « trois ans » par les mots : « un an ».

M. Yvon Collin.  - Cet amendement rétablit l'état du droit antérieur à la loi de 2006. Un délai trop long constitue une entrave à l'intégration. Donnons toutes ses chances à celle-ci.

Mme la présidente.  - Amendement n°292 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au début de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

L'article 21-2 du code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois ».

M. Louis Mermaz.  - Depuis 2003, les couples binationaux font l'objet d'un acharnement juridique. Nous voulons au moins limiter les dégâts. Les conditions mises aujourd'hui à l'acquisition de la nationalité par mariage sont nombreuses et disproportionnées. L'association les Amoureux au ban public a dressé une liste des situations absurdes auxquelles elles conduisent. Il faut vraiment être très amoureux !

Notre amendement prévoit des délais qui restent bien longs... Je ne me fais pas d'illusions sur son sort quand vous prétendez, dans un autre article, entrer dans le coeur des gens pour vérifier leurs sentiments au nom de la lutte contre les mariages « gris ». Combien de mariages bourgeois du XIXème siècle auraient résisté à vos enquêtes -qui n'auront d'autre effet, selon un syndicat de policiers, que de vider la mer avec une cuiller à moka. C'est une loi ubuesque ! (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La loi de 2006 nous convient, qui permet un meilleur contrôle.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il ne s'agit pas de mettre des entraves au mariage. Nombre de dérives ont été constatées, chacun le sait ; nous y portons remède.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - M. Mermaz a été maire comme je l'ai été, il a dû constater aussi beaucoup de mariages arrangés. Au moins vingt par an !

M. Louis Mermaz. - Moi, un en 30 ans !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - La loi de 2006 fonctionne. Nous n'avons pas à vérifier les sentiments d'un vieillard cacochyme pour une jeune beauté ...

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Johnny Hallyday ? (Sourires)

M. David Assouline.  - Croyez-vous vraiment empêcher tous les détournements de la loi par des dispositions artificielles et bureaucratiques ? La question est de savoir si les mariages arrangés menacent la France. Ils existent dans notre société depuis toujours. Les personnes âgées avec de très jeunes, est-ce ici qu'il faut en parler ?

Mme Isabelle Debré.  - Pourquoi ? Des noms !

M. David Assouline.  - Assez d'hypocrisie ! Votre message est toujours le même, frilosité, peur, danger ! On nous fait même légiférer sur l'amour !

M. Richard Yung.  - Ces questions font une grande partie du travail des sénateurs représentant les Français de l'étranger. La loi française exige seulement le consentement, rien d'autre. À Pondichéry, tous les mariages sont arrangés, avec de grands écarts d'âge.

M. Philippe Richert, ministre.  - Ce n'est pas la France.

M. Richard Yung.  - Ce sont des Français. Va-t-on tous les annuler ? Votre politique est une politique de méfiance. Allez-vous sanctionner les jeunes et beaux Français qui épousent des Brésiliennes pour obtenir un permis de travail là-bas ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Ne soyez pas naïfs ! Allez voir dans les consulats, en Tunisie, au Maroc. Nous avons le devoir de protéger les jeunes femmes. Les consuls savent que beaucoup de ces mariages ne tiendront pas. Nombre de femmes vont en Tunisie passer des vacances, des hommes leur font de grandes déclarations pour... devenir français. Le consul ne peut rien faire.

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°292 rectifié.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après les mots :

sont fixés par décret

insérer les mots :

en Conseil d'Etat

M. Yvon Collin.  - C'est clair.

L'amendement n°25 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 2 bis, modifié, est adopté.

La séance est suspendue à midi quarante-cinq.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Égypte

M. Robert Hue .  - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La promesse de M. Moubarak de ne pas se représenter en septembre n'a pas suffi à calmer la colère du peuple égyptien qui aspire à la liberté. Des éléments troubles, partisans du pouvoir en place, ont terrorisé les manifestants pacifiques et tué un certain nombre d'entre eux, dont des journalistes. Nous nous inquiétons sur la suite du processus.

L'impasse de l'Union pour la Méditerranée, que co-présidait M. Moubarak, montre celle de votre politique qui a été cynique envers les peuples et complaisante envers les pouvoirs. Les erreurs diplomatiques et les fautes morales de notre ministre des affaires étrangères ont contribué à dégrader l'image de notre pays. Chacun doit prendre ses responsabilités, la ministre à titre personnel, le Président de la République et le premier ministre dans l'intérêt supérieur du pays.

Il faut surtout prendre des initiatives concrètes de soutien au peuple égyptien. Demanderez-vous une réunion du Conseil de sécurité ? Demanderez-vous que l'Europe modifie sa politique d'aide au développement ?

Quelles sont vos intentions, monsieur le Premier ministre ? Il faut une politique à la hauteur de la situation et des mutations en cours, à l'honneur de la France. (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Ma devise est « bien faire et laisser dire ». Les attaques que j'ai subies étaient sans fondement et ignominieuses. Le Gouvernement a autre chose à faire qu'évoquer des problèmes vains et médiocres. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La situation en Égypte est préoccupante.

La violence doit cesser. Les Égyptiens doivent pouvoir manifester leurs aspirations sans risquer leur vie. C'est ce que j'avais dit avant tout le monde à propos de la Tunisie, avant le départ de M. Ben Ali, en dénonçant un usage disproportionné de la force.

La politique internationale de France est fondée sur l'État de droit, l'appel à la démocratie et le respect de la souveraineté des peuples, sans ingérence..

Il n'y a aucune complaisance quand la démocratie et la liberté sont mises en cause. Vous auriez pu faire de même, en d'autres temps, à propos de l'Europe de l'est, monsieur Hue. (Applaudissements sur les bancs UMP, vives protestations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quid, madame, de vos agissements personnels ?

Grand Paris

M. Laurent Béteille .  - Je salue l'accord sur la réalisation des infrastructures de transport du Grand Paris intervenu le 26 janvier dernier, conclu grâce à l'implication personnelle de M. Leroy. Il faut que conformément à l'article 2 de la loi la modernisation des réseaux existants soit la priorité. Je me réjouis que la modernisation du RER soit prise en compte même si je m'interroge sur le montant des crédits.

Il faut bien sûr préserver les terres agricoles sur le plateau de Saclay, au moins 2 300 hectares -j'avais défendu un amendement en ce sens avec M. Cambon ; ce n'est pas incompatible avec le développement du pôle scientifique de Saclay, lequel doit être relié à Paris en trente minutes et à Roissy en moins de cinquante minutes.

Nous nous inquiétons de l'absence d'accord sur cette desserte.

La majorité régionale ne s'exprime que dans la cacophonie... Cela n'est pas pour nous rassurer. Que comptez-vous faire pour assurer sur ce territoire stratégique le développement du cluster, conformément à la loi ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Maurice Leroy, ministre de la ville .  - Nous nous réjouissons avec vous de cet accord historique avec le président Huchon sur les transports. Cette vision partagée a été portée à la connaissance des participants aux débats publics. Ainsi pourrons-nous conjuguer les efforts de tous pour moderniser les réseaux existants et réaliser un métro automatique en rocade.

L'urgence, c'est le RER. Je confirme donc notre engagement d'un milliard pour les RER C et D, ainsi que le renouvellement du matériel de la ligne A.

Pour la desserte du plateau de Saclay, nous ne sommes pas parvenus à une vision commune, mais l'État agira, et nous assurerons une desserte Massy-Versailles, via Saclay et Saint-Quentin en Yvelines, grâce à un métro automatique, en respectant la zone de protection naturelle et agricole. Le pôle scientifique sera bien relié à Paris et Roissy, dans les délais que vous souhaitez.

Notre engagement sera tenu. Le développement du plateau de Saclay renforcera l'attractivité de la région capitale. Comptez sur ma détermination sans faille pour le mener à bien, avec les élus locaux puisque le conseil général de l'Essonne, unanime, le soutient! (Applaudissements au centre et à droite)

Carte de l'intercommunalité

M. Yvon Collin .  - Le 28 janvier est enfin paru le décret relatif aux CDCI, pour établir les nouvelles cartes de l'intercommunalité d'ici juillet 2013. Or le décret du 30 janvier prévoit un calendrier excessivement court, dénué de cohérence avec les élections cantonales. Pourquoi tant d'empressement ? Nous attendons toujours de connaître le tableau de répartition des conseillers territoriaux comme vous y oblige la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre. Pourquoi si peu de considération envers les élus locaux, eux qui font vivre au quotidien la démocratie locale ? (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales .  - Cette réforme de l'intercommunalité a été votée dans le consensus. C'est le Parlement qui a voulu un délai aussi bref ; c'est la loi qu'il a votée ! Il revient au Gouvernement de la mettre en oeuvre.

C'est ce que nous avons fait avec le décret du 28 janvier.

La CDCI sera complétée après le 27 mars par les représentants des nouveaux conseils généraux. Nous tenons bien compte des résultats des cantonales ! Il restera sept mois aux CDCI pour se prononcer. Les élus locaux auront donc tout le temps nécessaire.

Le Gouvernement a été réactif ! (Applaudissements au centre et à droite)

Conseil national du numérique

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Je m'interroge sur la fin du forum des droits sur internet. Pourquoi ne l'avoir pas maintenu quelques mois de plus, jusqu'à l'installation du Conseil national du numérique ? Vous avez nommé un groupe de travail qui a lancé une consultation publique sur internet, à la place du comité d'experts prévu. Pourquoi ? Ce changement aura-t-il un effet sur le calendrier prévu pour avril ? Des responsables s'interrogent. Fallait-il désigner une personnalité aussi impliquée que l'ancien responsable de Price minister dans les débats techniques et professionnels en cours ? Quel seront le rôle et les outils du futur Conseil national du numérique ? Sera-t-il un simple club d'experts ou le lieu d'une réflexion plus globale portant aussi sur les aspects sociaux et éthiques ? Sera-t-il une instance de régulation ?

Beaucoup s'inquiètent de l'opacité du projet. Le Parlement ne doit pas être tenu à l'écart de la réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique .  - Oui, nous vivons une véritable révolution numérique.

M. David Assouline.  - Ah bon.

M. Éric Besson, ministre.  - Vous le savez, madame, puisque nous étions ensemble ce matin à un colloque sur la fracture numérique. (On feint de s'en émouvoir) Le président de la République a annoncé la création d'un Conseil national du numérique qui sera une instance de consultation. M. Pierre Kosciusko-Morizet me rendra un rapport. Il est un acteur incontesté du monde de l'internet.

Son rapport devra analyser les problèmes actuels et comparer les solutions retenues à l'étranger tout en faisant des propositions sur le fonctionnement et la composition de ce Conseil dont le président de la République nommera les membres.

M. David Assouline.  - Ah !

M. Éric Besson, ministre.  - D'ores et déjà, je peux vous indiquer qu'un sénateur et qu'un député seront membres de ce Conseil. (Quelques applaudissements à droite)

Égypte et Tunisie

Mme Monique Cerisier-ben Guiga .  - Les révolutions du sud de la Méditerranée condamnent la diplomatie sarkozienne. Seuls les États-Unis parviennent à se faire entendre ; l'UPM est ignorée. Nous avons confondu diplomatie et intérêts économiques, complaisance et copinage, et pratiqué le double langage.

Le président de la République voyait s'ouvrir en Tunisie des « espaces de liberté » tandis que les geôliers de leurs peuples, le 14 juillet 2008 étaient invités à fêter à Paris la prise de la Bastille. On prétendait ainsi protéger les Européens de l'extrémisme religieux, mais on a creusé ainsi le fossé entre le nord et le sud de la Méditerranée. Pas moins de sept lois en huit ans hostiles aux étrangers.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et ça continue !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Entendez-vous que les jeunes de là-bas ont les mêmes aspirations que ceux de 1789 ? Quand un juge d'instruction se saisira-t-il des spoliations du clan Ben Ali ? Quand accepterez-vous que les ambassadeurs vous rapportent la vérité sur la situation des pays, grâce à leurs relations avec tous les milieux, y compris d'opposition ? Sortirez-vous enfin de la technocratie de l'UPM pour faire triompher la démocratie ? (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Oui, le Gouvernement est aux côtés des peuples tunisien et égyptien qui veulent manifester, sans violence, leurs aspirations. Nous avons proposé à la Tunisie notre participation à une transition démocratique ; nous avons appelé le gouvernement égyptien à s'y engager. L'UPM marque l'existence de notre solidarité fondée sur des intérêts communs. Les principes de notre diplomatie, c'est le respect de l'État de droit, c'est la non-ingérence mais aussi l'appel à la démocratie et à la liberté.

Tel est le discours que j'ai tenu devant le Conseil européen. Voilà ce que j'ai dis à Mme Ashton et dirai ce soir aux donateurs pour la Palestine. Arrêtez de nous donner des leçons ! Les 15 et 16 novembre dernier, l'Internationale socialiste invitait un certain Trabelsi, familier de M. Ben Ali. Quand avez-vous demandé son exclusion de l'Internationale socialiste ?

M. David Assouline.  - On la réclame depuis dix ans !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Et celle de M. Gbagbo... (Applaudissements à droite ; protestations sur les bancs socialistes)

M. René-Pierre Signé.  - La ministre n'a pas répondu à la question !

Formation des enseignants

M. Adrien Gouteyron .  - L'an dernier, 21 000 candidats se sont présentés aux concours de recrutement dans l'enseignement. Il faut que l'éducation nationale attire les meilleurs. Le recrutement au niveau du mastère est une bonne chose, mais il faut aussi une revalorisation financière. En outre, la mastérisation doit s'accompagner d'une formation pédagogique : il ne suffit pas de posséder une discipline pour savoir la transmettre, en pratique.

M. Adrien Gouteyron.  - Où va-t-on ?

M. David Assouline.  - Droit dans le mur !

M. Adrien Gouteyron.  - Y aura-t-il des mastères en alternance ? Fera-t-on une différence selon les niveaux d'enseignement ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative .  - Si le nombre de candidats au concours a été moindre l'an dernier, c'est parce que la même génération peut présenter, cette fois, l'ancien et le nouveau concours. La formation des enseignants est effectivement très importante. C'est pourquoi nous avons eu raison d'engager la mastérisation et d'alterner phases disciplinaires et phases pédagogiques, en quatrième et cinquième années d'études. Depuis septembre, j'ai dit que nous étions prêts à tirer le bilan de ce qui aura été fait, pour améliorer les choses. Nous proposons des mastères polyvalents et des mastères en alternance. Dans l'enseignement primaire où les professeurs ont une formation majoritairement littéraire, nous devons mettre l'accent sur les sciences.

La revalorisation a bien eu lieu : les professeurs certifiés gagnent 157 euros de plus, les agrégés 259 euros, chaque mois. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Logement

M. Claude Bérit-Débat .  - Il existe désormais une France de la précarité, sur laquelle la Fondation Abbé Pierre jette une lumière glaçante. Le mal-logement met en cause notre pacte républicain.

Quand supprimerez-vous des aides fiscales à la construction qui ne bénéficient qu'aux plus riches ? Quand allez-vous lutter contre les marchands de sommeil ? Quand imposerez-vous dans tous les programmes au moins 30 % de logements à prix accessibles ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement .  - Je salue le travail de la Fondation Abbé Pierre, exemplaire pour nous tous. Elle nous demande de lancer une grande loi foncière ? Nous allons le faire en 2011. Elle nous demande de financer des logements sociaux ? Nous en finançons 130 000 contre 40 000 lorsque la gauche était au pouvoir. Elle nous demande de consacrer au logement 2 % du PIB ? Nous en sommes à 1,96 %, chiffre jamais atteint depuis 1986 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est faux !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Nous consacrons 1,25 milliard à la lutte contre la précarité énergétique.

M. François Marc.  - Les collectivités, pas l'État !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Sur un point, nous ne sommes pas d'accord avec la Fondation Abbé Pierre : la propriété. Cette majorité souhaite que le plus grand nombre possible de nos compatriotes accède à la propriété. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Candidature d'Annecy aux Jeux olympiques

M. Pierre Hérisson .  - Le désir des Français d'une candidature d'Annecy aux Jeux olympiques d'hiver de 2018 devient de plus en plus vif. Cette candidature concernera nos montagnes de manière respectueuse de l'environnement.

Hélas, les candidatures adverses bénéficient de moyens considérables. Ce sont les raisons financières qui ont fait échouer la candidature de la France pour le championnat du monde de handball, alors que le succès des experts aurait justifié que nous l'obtenions.

Où en est-on pour Annecy ? La présidence de Charles Beigbeder est de bon augure.

Madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien des élus.

Comment le Gouvernement compte-t-il s'investir pour défendre cette candidature qui est aussi celle de la France ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - Ce n'est pas une question d'actualité !

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports .  - Les candidatures aux Jeux olympiques sont toujours un grand moment pour le pays. Nous défendrons jusqu'au bout la candidature d'Annecy, soutenue par une équipe de qualité. Avons-nous des chances de gagner ? Nous sommes les seuls à présenter un programme de haute montagne à valeur écologique.

La semaine prochaine, sept ministres seront présents pour défendre cette candidature.

Des moyens supplémentaires ont été assurés par la Caisse des dépôts et la Compagnie nationale du Rhône. Pour autant nous ne voulons pas nous engager dans une course à l'argent dont nous désapprouvons le principe même. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Crise de l'élevage

M. Jackie Pierre .  - La colère monte chez les éleveurs, avec la forte augmentation du prix des céréales. Le blé a augmenté de 95 % ! Les éleveurs bovins et porcins réclament une augmentation du prix de la viande à la production. Depuis quatre ans, il n'a pas augmenté alors que les consommateurs la payaient 40 % de plus. L'Observatoire des prix doit jouer son rôle, en regardant du côté des intermédiaires et des grandes surfaces.

Alors que la production céréalière et laitière reprend du poil de la bête, il faut aider les éleveurs à produire une viande française compétitive et durable. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - M. Le Maire est justement en train de défendre la position du Gouvernement auprès des éleveurs. Son implication n'est plus à démontrer.

Les négociations européennes se poursuivent, la volatilité des prix prive nos éleveurs de toute visibilité à terme. Le Gouvernement s'est engagé dans un plan d'ensemble de 300 millions pour aider les filières. Nous faisons de la volatilité des prix un point majeur des négociations internationales avec l'OMC et le Mercosur. Les États-Unis commencent à nous entendre.

M. le président.  - Des collègues du Bundestag sont à cette heure dans nos murs pour évoquer cette question.

Politique de l'emploi

M. Martial Bourquin .  - Certains chiffres doivent être rappelés car certaines additions pèsent lourd : 8 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont 2 millions d'enfants ; 4 millions de chômeurs ; un jeune actif sur cinq au chômage. Et une désindustrialisation massive.

Derrière les chiffres, il y a des réalités sociales faites de drames humains. Ce bilan est le vôtre, et il est accablant.

M. René-Pierre Signé.  - Il va être difficile de se faire réélire !

M. Martial Bourquin.  - Quand mobiliserez-vous le pays pour une vraie culture industrielle de haut niveau ?

Quand sortirez-vous de votre inefficace austérité pour redonner du lest au pouvoir d'achat ? Quand adopterez-vous une politique fiscale au profit non des rentiers mais de ceux qui se lèvent tôt, créant des richesses ? Il faut inverser le logiciel.

Moins d'effets d'annonces, plus d'action déterminée pour faire de l'emploi une vraie cause nationale ! (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé .  - « Inverser le logiciel » ? Vous commentez les chiffres, nous agissons. Dans toute l'Europe, le chômage a augmenté de 43 %, et davantage encore dans les pays gérés par les socialistes, -de 33 % en France.

« Inverser le logiciel » ? Déjà nous avons obtenu que le chômage augmente beaucoup moins en 2010 qu'en 2009 : 3 % contre 18,9 %.

M. René-Pierre Signé.  - Et le RMI ? Et l'emploi partiel ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous faisons ainsi en sorte que les chômeurs ne tombent pas dans la précarité et l'exclusion.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La faute à qui ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Arrêtons de dresser un camp contre l'autre. Quand l'État met un euro pour l'apprentissage, que les régions, gérées par vos amis, en mettent un aussi.

La polémique ne sert à rien ! Les élections présidentielles sont encore loin. Vos postures sont prématurées. Vous discourez, nous agissons. Nous ferons reculer le chômage en 2011 ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 15 heures 55.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 16 heures 15.

Immigration, intégration et nationalité (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion des articles (Suite)

Mme la présidente.  - Dans l'examen des articles, nous en étions parvenus à l'article 2 ter.

Article 2 ter

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Je saisis l'occasion de cet article, qui exige une déclaration de nationalité, pour dénoncer votre politique scandaleuse à l'égard des lycéens étrangers en France. Lorsqu'ils veulent s'inscrire dans une formation en apprentissage, un message apparaît : « Réservé aux élèves de nationalité française ». L'éducation nationale affirme qu'il existera une autre voie. Mais ce croisement entre les fichiers de la police et ceux de l'éducation nationale est inacceptable. La politique d'immigration choisie se traduit par un contrôle accru des étudiants étrangers : en raison d'une simple réorientation pédagogique, un étudiant peut perdre son titre de séjour. Vous accentuez la précarité ; vous appliquez la préférence nationale chère au Front national. Nous attendons des explications !

Mme Catherine Tasca.  - Cet article, d'apparence anodine, est le premier pan du nouveau dispositif sur la déchéance. De fait, il oblige celui qui acquiert la nationalité française à déclarer sa nationalité. Cet article va au-delà d'un simple souci de disposer d'élégantes statistiques sur le phénomène de la plurinationalité. Il instaure une traçabilité des nationalités de substitution qui rend possible la déchéance.

La nationalité accordée n'est pas un cadeau précaire ; votre choix est contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et aux conventions du Conseil de l'Europe. Supprimons cet article 2 ter qui est le marchepied de l'article 3 bis. J'invite tous les sénateurs hostiles à ce nouveau cas de déchéance, que je sais nombreux, à voter la suppression de l'article 2 ter pour éviter de mettre le doigt dans l'engrenage.

Mme la présidente.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Quel est le but de cet article ? Pour avoir été sur le terrain, je sais que les indications sur la nationalité figurent déjà dans le dossier. De plus, aucune sanction n'est prévue.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°104, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - La déclaration de nationalité est inutile...

Mme Nathalie Goulet.  - Superfétatoire !

Mme Éliane Assassi.  - ...et dangereuse. Elle ouvre la voie à un traitement différencié des étrangers selon leur nationalité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°277, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Que dit cet article ? On demande à l'étranger de déclarer les nationalités qu'il possède, ce qui ne sera peut-être plus le cas demain, ou celles auxquelles il entend renoncer. La nationalité monégasque, par exemple ?

M. Laurent Béteille.  - Faut pas rêver ! (Sourires)

M. Richard Yung.  - En fait, comme il est impossible de créer des apatrides, il s'agit de vérifier qu'il existe une autre nationalité, une roue de secours. C'est le fond du débat : l'article 2 ter prépare l'article 3 bis. On va enquiquiner des milliers de gens pour moins de dix cas d'assassins tous les cinq ans.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette obligation d'information est dépourvue de valeur contraignante. En outre, l'étranger n'est pas lié par cette déclaration : il peut conserver une nationalité à laquelle il a dit vouloir renoncer. Enfin, un fichier nominatif serait totalement illégal : il n'y a donc pas à craindre un fichage des binationaux !

Lier l'article 2 ter à l'article relatif à la déchéance de la nationalité me parait osé, pour ne pas dire abusif.

La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. Philippe Richert, ministre.  - Écoutez donc le rapporteur ! Le fichage est impossible : la Cnil interviendrait aussitôt. Cet article a été introduit par les députés, et non par le Gouvernement. M. Besson avait été clair à l'Assemblée nationale : point de fichage, mais une meilleure connaissance du phénomène. Ne caricaturons pas cette disposition. Je ne connais pas les motivations des députés, je ne les ai pas interrogés sur ce point. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Que le Gouvernement ne connaisse pas les motivations des auteurs d'un amendement est inquiétant ! Vous dites que les fichiers ethniques sont interdits.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il ne s'agit pas d'un fichier ethnique, mais national.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous plaisantez ? La nationalité donne des indications ethniques !

M. Philippe Richert, ministre.  - Pas du tout !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Monsieur le ministre, vous nous dites : pas de fichiers, mais des statistiques. Ayez le courage de reconnaître qu'il permettra de repérer les origines !

M. Philippe Richert, ministre.  - Mais non !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On l'a fait à une certaine époque...

Vous nous dites qu'il n'y a pas de lien : Il suffit de lire l'article ! Je sais encore lire le français que j'ai appris à l'école. C'est d'ailleurs la seule langue que je connaisse !

M. Richard Yung.  - Monsieur le ministre, cet amendement a été déposé par un groupe de députés bien identifiés. Cette proposition était d'ailleurs accompagnée d'une autre interdisant la binationalité. Nous sommes contre !

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous aussi !

M. Richard Yung.  - Je puis vous dire que 60 % des Français de l'étranger sont binationaux. Votre tentative est à rapprocher du débat sur le droit du sol et le droit du sang. La binationalité va dans le sens de la marche d'un monde qui s'internationalise. On a vu dans les pays qui tentent d'interdire la binationalité que c'est impraticable.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le ministre de l'intérieur a une parfaite connaissance de ces informations grâce au fichier Agedref depuis cinq ou dix ans.

M. Philippe Richert, ministre.  - Si on sait déjà tout, quel est le problème ?

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le droit des étrangers est complexe. Pourquoi en rajouter ? S'il n'y a pas de sanction, quelle est l'utilité de cette disposition ?

Mme Catherine Procaccia.  - Non spécialiste, permettez-moi une question : quand nous accordons la nationalité française à quelqu'un qui vient d'un pays qui refuse la binationalité, le pays d'origine est-il informé ? Les requérants savent-ils qu'ils peuvent perdre leur nationalité d'origine ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Madame Procaccia, nous ne demandons pas la réciprocité.

Le fichier Agedref, madame le préfet Escofffier, concerne les seuls étrangers. Or les naturalisés, par définition, ne sont plus des étrangers !

Monsieur Yung, en l'absence de fichiers, nous ne connaissons pas l'étendue du phénomène de la binationalité chez les Français de l'étranger. Comment pouvez-vous dire que 60 % d'entre eux sont binationaux ? Avez-vous un fichier ?

M. Richard Yung.  - Le consulat le sait.

M. Philippe Richert, ministre.  - Quand l'Insee demande une information sur la nationalité, est-ce illégal ? Est-ce un fichage ethnique ? Il n'est aucunement question de déroger à notre droit par cet article.

Les amendements identiques n°s27 rectifié, 104 et 277 ne sont pas adoptés.

L'article 2 ter est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La demande de suppression est de coordination. À titre personnel, il me semble de bonne gestion de remettre la charte à la personne une fois qu'elle est signée.

Quant à la remise au cours des journées citoyennes, j'y suis très favorable : tous les jeunes y sont associés.

M. Philippe Richert, ministre.  - Merci.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°105, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article prévoit que la charte soit remise lors d'une cérémonie pour les étrangers et lors des journées de défense pour les Français. Autrement dit, il est bien le seul à ne pas introduire d'inégalités entre Français et étrangers. Pour autant, cette charte, nous l'avons dit ce matin, aura un contenu flou et subjectif ; de plus cette cérémonie relève d'un folklore républicain qui sert à porter un discours identitaire et national souvent réducteur. La majorité serait bien inspirée de relire la Déclaration des droits de l'homme !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait de l'amendement n°28 rectifié ?

La cérémonie est un moment symbolique fort : rejet de l'amendement n°205.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je remercie Mme Escoffier de sa sincérité. Mme Assassi a peut-être tenu des propos excessifs... Rejet de l'amendement n°105.

L'amendement n°105 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°106, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les étrangers résidant en France depuis au moins cinq ans ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Ces derniers ne peuvent exercer la fonction de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs.

Mme Éliane Assassi.  - Voici un amendement que nous avons l'habitude de défendre : le droit de vote aux élections locales pour les étrangers installés durablement sur le territoire français. Nous savons le sort qui lui sera réservé. Pourtant, le Parlement européen et le Conseil européen se sont prononcés pour ce droit que la Constitution accorde déjà aux résidents communautaires.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : l'amendement n'a pas de lien avec le projet de loi.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il suppose de surcroît une modification de l'article 3 de la Constitution, ce qui n'est pas du ressort d'une loi ordinaire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On nous parle d'intégration, d'assimilation ; et, tout à coup, le ton change lorsqu'on évoque des droits politiques pour les étrangers... Quand j'étais jeune, on me disait : « Quand on veut faire quelque chose, on trouve des moyens ; quand on ne veut pas faire quelque chose, on trouve des prétextes. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Changez la Constitution !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous l'avons proposé à chaque fois !

M. Richard Yung.  - Nous avons progressé avec la citoyenneté européenne. Et « l'autre moitié du ciel », comme diraient les Chinois ? Quid des étrangers non-communautaires ? Le Sénat s'honorerait en votant cet amendement d'appel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Certes ! Ce ne peut être qu'un amendement d'appel !

Mme Catherine Tasca.  - Nous entendons bien les raisons juridiques mais une modification de la Constitution n'est pas impossible. Il est d'ailleurs question, ces temps-ci, de le faire pour y inclure la contrainte budgétaire. Si nous allons à Versailles pour ceci, nous pouvons y aller pour cela.

M. David Assouline.  - Le débat a progressé ; bien avant Nicolas Sarkozy, M. Pasqua avait envisagé cette possibilité. Mais en fait, en déposant ce projet de loi, vous pensez à la prochaine campagne électorale. (Exclamations à droite) Vous craignez de déplaire à une partie de votre électorat, alors même que vous savez que bon nombre de nos concitoyens sont prêts à une telle évolution.

L'argument traditionnel était que nationalité et citoyenneté allaient de pair. Une déconnection a eu lieu quand on a donné le droit de vote aux citoyens européens. (Exclamations au banc des commissions)

Depuis, vous pataugez ! Les dimanches électoraux, les enfants entendent leurs parents discuter de la question. Et puis il y a d'autres enfants, français parce qu'ils sont nés ici, qui n'ont jamais entendu leurs parents parler des élections. Et l'on s'étonne qu'ils n'aillent pas voter, ensuite ?

Quand vous parlez immigration, vous voulez seulement savoir ce que vos électeurs sont susceptibles d'entendre, ce qui vous rend sourds à ce qu'accepte une majorité de Français.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Sûrement pas !

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

Article 3 bis

Mme Nathalie Goulet.  - Les vilaines idées font rarement de bonnes lois. La dernière fois que je me suis opposée ainsi à M. Hortefeux, c'était à propos des tests ADN. On a vu le résultat !

Membre de la commission des affaires étrangères, je rappelle que la France a signé des textes internationaux interdisant de créer des apatrides. C'est le régime de Vichy qui avait eu la triste et funeste idée de s'emparer de la dénaturalisation : l'acte dit loi du 22 juillet 1940 «  la France aux Français » a fait perdre la nationalité française à des milliers d'Italiens et d'Espagnols, et l'abrogation du décret Crémieux a rendu les Juifs d'Algérie apatrides.

Mon père, ses parents et toute sa famille ont eu leur nationalité française retirée par un acte dit décret en 1941, ce qui leur a donné une priorité pour le convoi n°9 à destination d'Auschwitz. Loin de moi l'idée de vous faire injure en comparant les situations, d'autant que la France d'aujourd'hui n'est pas celle de Vichy.

C'est surtout aux miens que je pense en vous disant que je ne voterai pas l'article 3 bis ; avec moi, tout le groupe UC s'oppose fermement et solidairement au vote de cet article. Il en votera la suppression par scrutin public.

Mme Bariza Khiari.  - Ces propos m'émeuvent grandement. L'article 3 bis est le chiffon rouge le plus visible de ce scandaleux projet de loi. La naturalisation est un processus complexe ; une fois le cap passé, le naturalisé doit-il toujours faires ses preuves ? Un naturalisé ne serait-il jamais entièrement Français ? Pourquoi faire une telle distinction entre les auteurs de crimes ? Le meurtre, abject, est toujours aussi condamnable. La Constitution n'admet pas que l'on impose des traitements distincts en fonction de la nationalité, sans parler des absurdes effets du seuil de dix ans.

La Nation est un bien précieux, le « plébiscite au quotidien » dont parlait Renan. La Nation, c'est le vivre ensemble. Mais comment ce plébiscite peut-il exister quand une partie de la Nation possède un statut précaire au regard de la loi ?

Les naturalisés sont déjà suspects de double allégeance. Va-t-on accroître la suspicion pour sept criminels qui passeront la quasi-totalité de leur vie en prison ? Donnons aux forces de l'ordre les moyens de travailler, on les respectera plus qu'avec de telles dispositions. Sur tous les projets de loi, vous demandez l'urgence. Sauf quand il est question de sécurité ou d'immigration : là, vous voulez distiller lentement le poison que constitue votre message, censé attirer les électeurs lepénistes.

Les mots ont un sens : tous les Français sont égaux devant la loi. Comme il l'a fait en supprimant les tests ADN, le Sénat s'honorerait en refusant cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La déchéance de nationalité ne devrait pas exister du tout ; elle est anti-républicaine. La République s'honorerait se serait honorée en supprimant la notion même de déchéance de nationalité.

La sanction judiciaire doit être la même pour tous. La déchéance est, depuis Vichy, gravement connotée ; elle n'était appliquée que dans des cas extrêmes, comme le terrorisme -jusqu'au discours de Grenoble... Mais le président de la République dit beaucoup de choses ; quand il parle de « moraliser le capitalisme », le Gouvernement ne se précipite pas plus lorsque le chef de l'État dit ne pas être hostile au droit de vote des étrangers aux élections locales. Mais lorsqu'il s'agit d'affichage...

La commission a bien voulu limiter la portée de l'article 3 bis ; mais un pompier, un médecin hospitalier, un professeur, un élu ne sont-ils pas aussi des représentants de l'autorité publique ? Quelle que soit la volonté stigmatisante d'affichage du président de la République, il reste des règles de droit : l'égalité de tous les Français devant la loi et la justice.

Pour le moins, laissons la déchéance de nationalité aux cas de trahison de la République.

M. David Assouline.  - Vous dites qu'il faut une loi pour régler des problèmes concrets. Personne ne peut prétendre que cet article soit de nature à améliorer quoi que ce soit en relation avec la régulation des flux migratoires ou l'intégration. Jamais l'UMP n'a mis de telles dispositions en avant, au contraire du Front national. Depuis 1945, les partis se sont constitués sur cette idée commune qu'il n'y avait pas plusieurs catégories de Français ; la notion de déchéance de nationalité était clairement associée à Vichy.

Puisque cet article 3 bis est inutile en fait, il n'a de valeur que symbolique. Mais quel symbole ? Si vous croyez lutter contre le parti national-populiste qu'est le Front national en reprenant ses propres slogans, vous vous trompez sur toute la ligne.

M. Philippe Richert, ministre.  - Ils ne pensent qu'aux élections, ma parole !

M. David Assouline.  - La seule façon de le combattre, c'est de faire un cordon sanitaire républicain, parce que, quand la société va mal, la tentation est grande de rejeter l'autre et de trouver des boucs-émissaires.

Un criminel assez dangereux pour tuer un policier, vous croyez qu'il va se dire au dernier moment, « ouh là là, je suis prêt à risquer perpète mais pas à perdre ma nationalité française ! » ?

En reprenant des éléments du programme du Front national, qui n'est pas le nôtre, c'est à lui que vous rendez service. Les électeurs préfèrent toujours l'original. Menons, tous ensemble, ce combat d'éducation, ne laissons pas la voie ouverte au populisme !

M. Philippe Richert, ministre.  - J'ai été très sensible au ton de Mme Goulet et Mme Khiari ; moins aux diatribes de M. Assouline, qui ne se soucie que d'élections... C'est du vivre ensemble que nous parlons en l'espèce.

Nous n'inventons pas la déchéance de nationalité. De 1990 à 1998, elle a été utilisée deux fois plus que depuis lors.

M. David Assouline.  - Pourquoi dire cela ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Parce que c'est la vérité. 130 000 personnes par an acquièrent la nationalité française, dont 90 000 par naturalisation. Les cas de déchéance de nationalité ne concernent qu'un tout petit nombre, des gens en défiance par rapport à la communauté nationale. Ces personnes, qui ont commis un acte de grande gravité, doivent pouvoir être déchues de leur nationalité. Tuer un préfet, un gendarme, un policier, est aussi grave que ce qui justifie déjà la déchéance de nationalité. Je parle en mon âme et conscience. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Gautier.  - Je remercie le ministre d'avoir ramené le débat dans la sérénité où il doit se situer, loin de tout populisme bruyant...

Quand la gauche était aux affaires, Mme Borvo Cohen-Seat n'a pas demandé la suppression de la déchéance de nationalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Si.

M. Jacques Gautier.  - Au Royaume-Uni, le seul fait de tenir un propos incitant à la haine ou à la commission d'un acte criminel peut justifier une déchéance de la nationalité ; à Malte, elle est encourue après toute condamnation à plus d'un an de prison.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le seul pays européen qui ne donne pas le droit de vote aux citoyens communautaires !

M. Jacques Gautier.  - L'article 3 bis est encadré dans le temps -seulement pour des faits commis avant l'acquisition de la nationalité ou pendant les dix ans suivants- et ne concernera que ceux ayant une double nationalité.

Avec mes amis de l'UMP, nous voterons contre la suppression de cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si le brillant auteur de la Critique de l'économie politique revenait parmi nous, il écrirait une Critique de la communication, au sens kantien du mot, bien sûr. Pour vous, faire de la politique, c'est d'abord communiquer...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Parce que l'opposition, ce n'est pas de la communication !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous êtes pris dans cette logique. Vous savez bien que vos lois ne servent à rien contre l'immigration et l'insécurité. Mais vous en ajoutez tous les ans de nouvelles. Parce que, ce qui compte, c'est qu'on parle, qu'on parle et qu'on reparle, à satiété. Votre message, c'est insécurité égal immigration égal insécurité.

Ce matin, j'entendais le président de la République annoncer dans mon département de nouvelles lois, après l'assassinat de la petite Laetitia, et plaider pour une « étroite surveillance » de ceux qui sortent de prison. Les mots frappent l'opinion. Mais nous, parlementaires, savons que le ministère de la justice manque de moyens. Comment, alors, assurer cette « étroite surveillance » ?

Devant policiers et gendarmes, le président de la République a aussi évoqué la police du XXIe siècle, qui ne serait plus celle des effectifs mais des équipements modernes -en effet, on a supprimé 9 300 postes depuis trois ans...

L'évocation des élections par M. Assouline n'a rien d'incongru. Imaginez ceci. Vous, monsieur ou madame le candidat ou la candidate, je vous regarde dans les yeux et je vous demande : « vous voulez vraiment qu'un naturalisé assassin de gendarme reste français ? ». Quel bel effet sur les esprits ! Mais le crime est tout aussi odieux s'il est commis par un Français de souche, à qui on ne peut retirer sa nationalité...

Il n'y aura que très peu de cas ? Nul ne le nie, mais la seule chose qui importe, c'est de frapper les esprits, quitte à entrer dans l'incohérence puisque l'on ne pourra pas déchoir de sa nationalité française qui n'aura que celle-ci. Décidément, nous avons un Gouvernement de la rhétorique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Un jour, peut-être, étudierons-nous les amendements... Pourquoi le groupe socialiste n'a-t-il pas demandé la suppression de tout l'article 3 bis ? Parce qu'aux deux premiers alinéas la commission a sécurisé les cas existants de déchéance. Il faut savoir que si vous n'êtes pas recensé pour le service national, vous pouvez perdre votre nationalité. C'est vrai aussi pour le secret des correspondances.

Ce qu'il s'agit de supprimer, en fait, c'est l'extension de la déchéance de nationalité, c'est-à-dire les alinéas 3 et 4. On pourrait donc retirer les amendements de suppression et organiser une discussion commune des autres.

Mme la présidente.  - Amendement n°108 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

Mme Éliane Assassi.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°30 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je remercie la commission des lois d'avoir modifié les deux premiers alinéas.

Après avoir écouté le ministre et nos collègues, je ne puis les suivre : il n'est pas plus grave de tuer un policier qu'on soit Français de naissance ou naturalisé depuis moins ou plus de dix ans. Ces alinéas sont contraires à la Constitution.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°278, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. David Assouline.  - Le ministre ne nous explique pas pourquoi il faudrait étendre la déchéance de la nationalité. Les meurtriers de policier ont toujours existé ; on sait bien que la déchéance de nationalité ne les dissuadera pas.

Qui a étendu la déchéance ? Vichy, rupture avec la République. Qui la propose ? Le Front national, rupture encore. Pas la droite républicaine. Mais en jouant sur ce registre, vous donnez de la légitimité aux thèses antirépublicaines. Vous jouez contre vous-mêmes, au lieu de tracer un cordon sanitaire et de dire « on ne mange pas de ce pain-là ».

L'amendement n°269 rectifié est retiré.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le principe de la déchéance de nationalité n'est pas remis en cause par la commission des lois. Nous avons d'abord tenu à limiter le champ prévu par l'Assemblée nationale, afin de nous tenir au plus près du discours de Grenoble et de ne viser que ceux qui ont à charge l'ordre public. Puis, deuxième ajustement : l'exigence de proportionnalité, dont les magistrats devront tenir compte. Ce point a été perçu comme positif par un certain nombre de collègues ; je les en remercie.

La France décide d'octroyer à un étranger la nationalité française.

M. David Assouline.  - Comme depuis deux siècles.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ce n'est pas rien ! En quoi serait-il choquant qu'il perdît la nationalité si, volontairement, il a porté atteinte à la vie de personnes chargées de faire respecter l'ordre public ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Il ne s'agit pas de créer une situation nouvelle mais de prendre acte du fait qu'existent des procédures de déchéance de la nationalité. Les crimes en cause ne sont pas seulement gravissimes, ils sont symboliques ; il n'est pas illogique que quelqu'un qui se retourne contre un symbole de la Nation française puisse perdre la nationalité française.

Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements : il faut que, dans ces cas précis, dont je vous donne acte qu'ils ne sont pas nombreux, la déchéance de la nationalité puisse être prononcée.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous avons hélas visiblement du mal à nous faire comprendre... Le crime est horrible, cela va de soi. Il ne s'agit pas d'accepter l'intolérable. Un Français dit de « souche » -je hais ce terme- ne pourra pas voir sa nationalité lui être retirée ; un Français « de papier » pourra être déchu. Ce n'est pas une question de nombre, mais de différence de traitement. Un Français est un Français ; un point, c'est tout !

M. Richard Yung.  - Nous approuvons la rédaction de la commission pour les alinéas 1 et 2. L'article 25 du code civil, à le lire, doit dater de l'entre-deux-guerres, lorsque les questions d'espionnage se posaient vraiment. Il faudrait se poser la question de la suppression de l'article 25, sauf peut-être l'alinéa 2.

M. Louis Mermaz.  - Bernanos, ce grand chrétien, disait : « Si le ridicule tuait, l'Église serait morte depuis longtemps ». Le film Le Dictateur de Charlie Chaplin montre l'abjection de l'arbitraire. Tuer un policier, un gendarme, un être humain, c'est un crime horrible, qui doit être sévèrement sanctionné. Je remarque qu'on a laissé en route les gardiens d'immeuble et beaucoup d'autres bonnes gens ; et qu'il faudra surtout ne pas tuer de gendarme avant d'avoir dix ans de nationalité... C'est grotesque. Et comme souvent, de la propagande. Vous avez bien, monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, 2012 dans le viseur.

Mme Catherine Tasca.  - Le Gouvernement, comme à son habitude, traite de questions sérieuses avec démagogie, opportunisme politique et instrumentalisation. Il est incapable de chiffrer le nombre de personnes qui auraient pu être déchues de leur nationalité au titre de l'extension qu'il propose. La mesure sera évidemment peu dissuasive. Le meurtre doit être sévèrement puni. Ce qui nous distingue, c'est votre volonté de confondre criminalité et immigration. Vous prenez la lourde responsabilité de pousser la France sur une pente dangereuse, que ne doivent emprunter ni la République ni la justice. Les alinéas 3 et 4 doivent être supprimés ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Parfois, nous peinons à nous comprendre. La déchéance, n'en déplaise au rapporteur, n'aura aucun effet dissuasif. En revanche, l'aspect symbolique de cette disposition est extrêmement négatif. Lors d'un débat télévisé avec le député Myard, je lui ai posé la question suivante à quatre reprises : « Arrivé Marocain en France, j'ai été naturalisé : me considérez-vous comme Français autant que vous ? » Il ne m'a pas répondu. J'étais abasourdi ! Imaginez la situation de qui n'est pas comme moi parlementaire ! Ce sont des brèches ouvertes dans la conscience de tous les Français. Souvenez-vous du débat sur la peine de mort, dont plus personne ne demande le rétablissement, et ayez un peu d'audace !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce texte, comme tant d'autres, participe de la stigmatisation des étrangers. Monsieur le ministre, vous justifiez ce nouveau cas de déchéance par des actes très graves au regard de l'appartenance à la communauté nationale. Quid de l'assassinat du préfet Erignac par un nationaliste corse ? Mieux vaut s'abstenir que de diviser les Français...

La dissuasion ne fonctionne pas. La preuve en a été faite pour la peine de mort. Assez de l'affichage ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Éliane Assassi.  - Puisque certains veulent établir des comparaisons européennes, rappelons qu'une convention internationale limite la déchéance de nationalité à la trahison et l'exclut formellement pour les crimes qui relèvent du pénal ! La France ne l'a pas ratifiée...

A la demande des groupes UC et du RDSE, les amendements identiques n°s108 rectifié, 30 rectifié et 278 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 182
Contre 156

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

Mme la présidente.  - À l'unanimité !

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°279, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les perspectives de ratification de la Convention de New York de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.

Mme Catherine Tasca.  - C'est un amendement d'appel. De nombreux textes internationaux cherchent à réduire le nombre d'apatrides, telle la convention de New York du 30 août 1961. La France est signataire de cette convention des Nations unies. Quand la ratifiera-t-elle ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission est contre la multiplication des rapports : défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - La France est très attachée à la réduction du nombre d'apatrides. Mais la ratification de la convention obligerait à modifier l'article 27-2 du code civil ainsi que l'article 21-4 du même code. Le Gouvernement ne compte pas le faire.

L'amendement n°279 n'est pas adopté.

Article 3 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°109, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet article, introduit à l'Assemblée nationale, étend le délai durant lequel un décret de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française peut être rapporté en cas d'erreur ou de fraude. Les douze mois prévus actuellement sont suffisants. Le délai doit, en outre, être proportionné, selon qu'il s'agit de la fraude ou de l'erreur.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°280, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Cette extension du délai crée une instabilité juridique. Revenons-en au délai initial d'un an.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission a supprimé l'extension du délai pour la fraude. En outre, la procédure est bien encadrée avec un arrêt du Conseil d'État du 13 février 1974. Rejet.

M. Philippe Richert, ministre.  - L'allongement est justifié. L'avis est également défavorable.

Les amendements identiques n°s109 et 280 ne sont pas adoptés.

L'article 3 ter est adopté.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Supprimer cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article consacre un allongement d'un an du délai d'enregistrement des déclarations acquisitives de nationalité française à raison du mariage, afin de l'aligner sur celui du délai d'opposition par le Gouvernement.

Rien ne justifie une telle inégalité de traitement des conjoints de ressortissants français dont l'intégration est par définition présumée par rapport aux candidats à la naturalisation. Le maintien des deux délais d'opposition ne se justifie pas plus, et rend la situation juridique du déclarant conjoint de français au regard de la nationalité française définitivement provisoire et imprévisible. Ne créons pas de discriminations supplémentaires !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°31 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Ce nouveau durcissement n'est pas justifié puisque nous voulons que les étrangers soient mieux intégrés, et plus vite.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°110, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Un délai de deux ans est excessif et place le conjoint en situation d'insécurité juridique. Il est vrai que vous aimez laisser planer le soupçon sur les mariages mixtes et que vous avez multiplié les contrôles. En tout, il faut sept à neuf ans pour que les conjoints obtiennent la nationalité, contre cinq pour les candidats à la naturalisation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission est défavorable à ces amendements. L'harmonisation des délais est nécessaire. Sinon, l'administration pourra enregistrer la déclaration alors que le Gouvernement compte s'y opposer. Il faut se donner les moyens de lutter contre la fraude.

M. Philippe Richert, ministre.  - La mesure est nécessaire pour faire respecter la loi, sans que cela remette en cause les conjoints de Français dans leur ensemble.

Les amendements identiques n°s9, 31 et 110 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°281, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 27 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette décision ne peut être fondée sur les articles L. 622-1 à L.622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un flou juridique permet aujourd'hui de prendre, sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-4 (délit d'aide au séjour notamment) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des sanctions administratives contre les demandes d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité.

Cet amendement humaniste clarifie le droit et réaffirme le principe de la proportionnalité des peines.

Le code civil prévoit que les réponses de l'administration à ces demandes soient motivées. Elles l'ont été parfois sur le fondement du « délit de solidarité » créé par la loi Ceséda. Il serait logique de le supprimer puisque le mot « fraternité » figure au fronton de nos mairies. Tendre la main, est-ce un crime ? Peut-on refuser la nationalité a qui a bénéficié de l'aide au séjour ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'article 21-77 prévoit qu'un étranger ne peut être naturalisé s'il a été condamné à six mois de prison ferme. Or l'aide au séjour est sanctionnée de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende. Pour ne pas remettre en cause cette règle générale, la commission a donné un avis défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je souscris à la logique du rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Que l'administration refuse la nationalité pour des raisons légitimes, soit. Pouvez-vous m'éclairer : l'exercice par autrui du délit d'aide au séjour est-il un motif de refus ? La générosité d'autrui -comme cela s'est produit dans quelques cas- peut-elle justifier une réponse négative ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Dans le cas de l'aide au séjour, seul l'aidant est sanctionné ; le cas que vous soulevez n'est possible que si l'aidant n'est pas de nationalité française.

L'amendement n°281 n'est pas adopté

Mme la présidente.  - Amendement n°282, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 55 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans la collectivité de Guyane, les déclarations sont faites dans les quinze jours de l'accouchement. Un décret en Conseil d'État détermine la zone géographique où cette disposition s'applique au regard de l'éloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe l'officier de l'état civil. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Cet amendement propose de déroger à la limite de trois jours fixée par le code civil pour la déclaration de naissance à l'officier d'état civil pour certaines parties de la Guyane, compte tenu de l'immensité de ce territoire. Pour remédier à ce problème, le procureur de la République organise parfois des audiences foraines pour les familles amérindiennes mais l'on parle de recourir à la visioconférence. Adaptons la loi à la spécificité de la Guyane.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement ne présente pas de lien direct avec le texte : l'avis est donc défavorable. L'ordonnance du 8 juillet 1998 fixait un délai de 30 jours pour la déclaration d'état civil ; elle a été abrogée par la loi du 9 mars 2004 car elle favorisait le trafic d'enfants.

M. Philippe Richert, ministre.  - Monsieur Antoinette, je comprends votre préoccupation, mais le trafic d'enfants est une question trop sérieuse. Je vous propose une étude d'impact afin de prendre les précautions nécessaires avant l'adoption d'une telle disposition. Au bénéfice de cet engagement, retrait ?

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Le lien est direct : ces enfants naissent sur le sol français et ne sont pas enregistrés comme tels. J'accepte la proposition.

L'amendement n°282 est retiré.

Article 5

L'amendement n°32 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°111, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Plutôt que de restreindre les conditions de renouvellement de la carte de séjour, interrogeons-nous sur notre modèle d'intégration et la richesse que l'immigration apporte à la France. Assez de défiance.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°283, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet article lie le renouvellement des cartes de séjour aux respects des engagements du contrat d'accueil et d'intégration. Or, il n'est pas toujours facile pour les étrangers de participer aux formations car ils travaillent. Cette situation doit être prise en compte. En outre, puisque la maîtrise du français est légitimement une condition d'intégration, on pourrait en faire une partie intégrante du droit individuel à la formation pour les étrangers.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article ne crée pas de règles nouvelles. L'absentéisme, lorsqu'il est injustifié, est déjà un motif de refus. Donc, l'avis est défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Quand l'État consacre 50 millions à cette action, il est légitime qu'il exige de l'assiduité.

Les amendements identiques n°s111 et 283 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié bis, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Rédiger ainsi cet article :

Les articles L. 311-9 et L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le Conseil d'État a toujours permis à un préfet d'accorder un titre de séjour au vu d'une situation concrète.

Cet article est redondant et inutile. Le contrat d'intégration, je l'ai mis en place avant même que la loi le crée. La pratique est maintenant courante, d'examiner de près les situations. Les étrangers sont en situation difficile et douloureuse, ne serait-ce qu'à cause de l'obstacle de la langue.

Mme la présidente.  - Amendement n°493, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 3

Après les mots :

stipulation du contrat d'accueil

insérer les mots :

et d'intégration

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement est rédactionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°284 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

bis. - Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'Office français de l'immigration et de l'intégration a une obligation de moyen relative aux formations et aux prestations dispensées dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. Les formations se déclinent sur tout le territoire. Les modalités de leur organisation tiennent compte des obligations auxquelles sont astreints les signataires du contrat, notamment l'exercice d'un travail, les temps de déplacement ou l'entretien d'enfants à charge. »

ter. - Après le 13° de l'article L. 6313-1 du code du travail, il est inséré un 14° ainsi rédigé :

« 14° Les actions de formations linguistiques prévues par le contrat d'accueil et d'intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

quater. - Au second alinéa de l'article L. 6111-2 du code du travail, après le mot : « française », sont insérés les mots : « et les formations linguistiques prévues dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je l'ai défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'obligation de moyens est garantie par le budget de l'Ofii, avec ses 45 millions d'euros et ses 870 agents. Ne confondons pas la formation professionnelle, financée par l'employeur, et celle que finance l'État, au titre du contrat d'intégration.

Défavorable aux amendements n°s33 rectifié bis et 284 rectifié.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable à l'amendement n°493 ; défavorable aux autres.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - J'ai défendu l'amendement n°32 rectifié bis : je suis pour le contrat d'intégration.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je suis défavorable à l'amendement n°32 rectifié bis.

L'amendement n°33 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°493 est adopté.

L'amendement n°284 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°285, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.

II. - La perte de recettes résultant pour l'Office française de l'immigration et de l'intégration du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Richard Yung.  - Nous voulons supprimer la taxe perçue en faveur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lors de la demande de validation d'une attestation d'accueil.

Celui qui accueille un étranger doit en demander l'autorisation en mairie, et acquitter une taxe destinée à l'Ofii, dont le montant est passé de 15 à 30 euros en 2007, puis à 45 en 2008. Cette revalorisation a été rendue nécessaire par la baisse de la subvention versée à l'Anaem, ancêtre de l'Ofii. En 2011, la taxe retomberait à 30 euros... J'arrête là. Le plus logique est de supprimer purement et simplement cette taxe : celui qui accomplit son devoir d'hospitalité n'a pas à renflouer les caisses de l'État.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette taxe ne représente pas une charge excessive. Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - L'Ofii a besoin de cette taxe, que nous avons déjà réduite pour 2011.

L'amendement n°285 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°286, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du Titre II du livre Ier du code civil est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Du parrainage républicain

« Art. 62-2. - Tout citoyen français peut demander à l'officier d'état civil de sa commune de résidence de célébrer son parrainage républicain.

« Pour un enfant mineur, le père ou la mère de l'enfant peut demander à l'officier d'état civil de la commune de résidence de l'enfant de célébrer ce parrainage. L'accord des deux parents est nécessaire.

« L'officier d'état civil est tenu de célébrer publiquement le baptême, et ce dans le délai de trois mois à compter de la demande du parrainage. »

M. Richard Yung.  - Nous voulons codifier le parrainage républicain, bon moyen d'intégration, qui dépend aujourd'hui du bon, ou du mauvais vouloir du maire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable : cela n'a pas de lien direct avec ce projet de loi.

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous comprenons que certains souhaitent promouvoir cette cérémonie symbolique. Mais cet amendement vise à offrir une tribune à des étrangers en situation irrégulière. (On se récrie à gauche)

L'amendement n°286 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19 heures 20.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.

M. le président.  - Amendement n°287, présenté par M. Patient et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2011, un rapport sur la non-scolarisation importante en Guyane et ses effets sur les finances des collectivités.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - En Guyane, le nombre d'étrangers en situation irrégulière est estimé à 40 000, soit 20 % de la population : cela pose d'importants problèmes d'intégration. La scolarisation est un premier levier d'intégration. Or, d'après l'Observatoire de la non-scolarisation, trois millions d'enfants d'immigrés clandestins ne sont pas scolarisés. Des constructions de nouveaux établissements sont nécessaires, les collectivités locales n'en ont pas les moyens. La mission sénatoriale a souligné ce problème. Nous souhaitons un rapport sur le sujet dont la mission sénatoriale sur les DOM avait souligné toute l'importance.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le sujet est important, mais il relève plus du contrôle de l'action gouvernementale que d'un rapport supplémentaire : avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Le problème est important, je l'ai constaté à Saint-Laurent-du-Maroni. C'est pourquoi 5 millions d'euros supplémentaires iront à la construction d'établissements scolaires. Pourquoi demander un rapport supplémentaire, alors que cette question peut être abordée dans le cadre de la commission nationale de l'évolution des politiques outre-mer, à laquelle participe M. Patient ? Retrait ?

L'amendement n°287 est retiré.

Article 5 bis

M. le président. - Amendement n°290, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le mot :

discriminations

insérer les mots :

directes et indirectes

Mme Bariza Khiari.  - Les discriminations ne sont pas nécessairement directes, comme celles fondées sur la race ou la couleur de peau. La discrimination indirecte consiste par exemple à freiner l'avancement professionnel : c'est le fameux « plafond de verre », dont les femmes ont si souvent été victimes. Certaines de ces discriminations courent sur des dizaines d'années ; elles sont très difficiles à établir. Nous voulons y sensibiliser les entreprises.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette précision est inutile. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Retrait ?

L'amendement n°290 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°289, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer les mots :

de la diversité

par les mots :

des diversités

Mme Bariza Khiari.  - L'usage du singulier risque de restreindre la portée de cet article : mieux vaut promouvoir les diversités qui vont bien au-delà de la diversité ethnoculturelle.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Les concepts s'écrivent et sont plus efficaces au singulier.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Je comprends l'objectif : avis favorable.

Mme Nathalie Goulet.  - On nous a fait voter un texte sur « les outre-mer » : pourquoi pas « les diversités » ? (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Mettons tout au pluriel !

L'amendement n°289 est adopté.

L'amendement n°290 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°288, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le sixième alinéa du même article sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Des informations erronées ou lacunaires, susceptibles d'induire une mauvaise appréciation sur les activités et les risques de l'entreprise, sont fautives et engagent la responsabilité des dirigeants et du conseil d'administration. Ces fautes sont sanctionnées par le juge et, pour les sociétés cotées, par l'Autorité des marchés financiers.

« Lorsque le rapport annuel ne comprend pas les mentions prévues par le présent article ou des informations inexactes, les associations minoritaires d'actionnaires visées à l'article L. 225-120, les syndicats professionnels visés à l'article L. 2132-3 du code du travail, le comité d'entreprise et les association agréées de protection de l'environnement au plan national au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, peuvent demander au tribunal d'enjoindre sous astreinte au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, de leur communiquer ces informations, de supprimer les informations inexactes, de compléter le rapport annuel avant l'assemblée générale et de procéder à une nouvelle diffusion auprès des actionnaires. Cette mesure peut être ordonnée par le président du tribunal statuant en référé en application de l'article L. 238-1 du code de commerce. »

Mme Bariza Khiari.  - Le groupe socialiste se réjouit que la lutte contre les discriminations franchisse enfin les portes de l'entreprise. Cependant, notre joie est tempérée par le fait que cet article est peu contraignant : il suffit à l'entreprise de prévoir d'écrire un rapport ; dans le cas contraire, aucune sanction n'est prévue.

Nous proposons en conséquence qu'en l'absence de rapport, on puisse contraindre l'entreprise à agir, sous peine de sanction de l'AMF.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - C'est courir le risque d'inconstitutionnalité, car la sanction n'est pas définie. Mieux vaut utiliser les mécanismes internes de responsabilité des dirigeants devant l'assemblée générale des actionnaires. Défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°288 n'est pas adopté.

L'article 5 bis, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°291 rectifié, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l'article L. 1132-1, après les mots : « nom de famille », sont insérés les mots : « , de son lieu de résidence » ;

2° Le chapitre III du titre III du livre Ier de la première partie est complété par un article L. 1133-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1133-5. - Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

II. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 225-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « de leur lieu de résidence, » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « du lieu de résidence, » ;

2° L'article 225-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

Mme Bariza Khiari.  - La loi doit protéger les individus de tous les processus discriminatoires, donc nommer -dans une liste souple- les différents vecteurs de discrimination. Les analyses montrent que l'adresse est un facteur de discrimination, lorsqu'on habite un quartier relégué : les habitants des cités en sont venus à ruser, à dissimuler leur adresse, pour ne pas être exclus de l'embauche. Nous faisons de la discrimination géographique un délit.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le fait existe bien, mais l'objectif est satisfait par le droit en vigueur : l'article L. 225-1 du code pénal punit déjà la discrimination en fonction de l'origine. Défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le lieu de résidence est une notion trop imprécise. Défavorable.

L'amendement n°291 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°293, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf le cas de fraude manifeste dont la preuve incombe à l'autorité administrative, la nationalité française d'une personne titulaire d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport est réputée définitivement établie. »

M. Richard Yung.  - Les Français de l'étranger essuient très souvent un refus de renouvellement de leur carte d'identité ou de leur passeport : l'administration leur demande un certificat de nationalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est là que le bât blesse !

M. Richard Yung.  - C'est parti pour une croisade sans retour, puisque les requérants doivent s'adresser au greffe du tribunal d'instance du 1er arrondissement, le célèbre Château des rentiers : un véritable trou noir dans lequel toutes les demandes ou presque disparaissent ! Parfois, à titre exceptionnel, une réponse arrive au bout de deux ans...

Le problème est connu, le président de la commission y est sensibilisé puisque nous avons fait un rapport, avec M. Cointat ; comme tous les rapports, il a disparu dans un tiroir et n'a été suivi d'aucun effet. Enfin, pas tout à fait : il y a un an, une circulaire a été adressée aux consuls et aux préfets, rappelant que la présentation d'un titre d'identité régulier évitait de devoir présenter un certificat de nationalité. Nous proposons d'inscrire ce principe dans le marbre de la loi.

M. le président.  - Amendement n°294, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La première délivrance d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport certifie l'identité et la nationalité de son titulaire. Les mentions relatives à l'identité et à la nationalité inscrites sur ces derniers font foi jusqu'à preuve du contraire par l'administration.

« L'alinéa précédent est applicable aux demandes de renouvellement de carté d'identité et de passeport en cours d'instruction, ainsi qu'aux recours administratifs et contentieux pour lesquels une décision définitive n'est pas encore intervenue. »

M. Richard Yung.  - C'est le même but que l'amendement précédent.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le détenteur d'un certificat de nationalité est réputé avoir la nationalité, jusqu'à preuve du contraire. Vous remplacez une présomption simple par une présomption irréfragable, contraire à l'esprit de l'article 30 du code civil : avis défavorable à l'amendement n°293.

L'amendement n°294 est satisfait par le décret du 26 décembre 2000, selon lequel la détention d'une pièce d'identité ou d'un passeport prouve la possession de la nationalité ; les difficultés qui subsistent résultent d'une mauvaise application de la réglementation. La loi sur la simplification du droit y remédiera. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Effectivement, un décret de mai 2010 et deux circulaires ont précisé ces points : avis défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Les Français nés à l'étranger sont concernés, au-delà des Français établis à l'étranger. Les rapports de la commission des lois ne finissent pas dans les tiroirs ! Nous avons constaté, au Château des rentiers, -avec mon nom à consonance étrangère, bien qu'il vienne du Gâtinais, on m'a demandé un certificat de nationalité- que la délivrance d'un certificat pouvait prendre jusqu'à trois ans. C'est absurde ! Nous avons demandé le déplacement des services au tribunal de Nantes. Mais ce dernier, paraît-il, connaît des problèmes. M. le garde des sceaux s'est engagé à régler ce problème... comme tous ses prédécesseurs : nous commençons à trouver le temps long !

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai ces amendements.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cela ne règlera pas le problème !

Mme Nathalie Goulet.  - Dans mon département, j'ai des exemples très précis de situations kafkaïennes : une décision s'impose ! Ce n'est pas si difficile puisque ces personnes ont déjà eu un titre de nationalité.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je les voterai aussi. La situation est inadmissible, intolérable. M. Hortefeux m'a confirmé qu'une nouvelle circulaire avait été envoyée avant-hier, mais les préfectures n'en tiennent pas compte ! Il faut un signal fort, il y a trop de situations ubuesques de Français qui ont le malheur de naître à l'étranger ; j'ai même l'exemple d'un ancien élu décoré de la Croix de guerre et la Légion l'honneur à qui on a demandé la preuve de sa nationalité ! Cette situation est inacceptable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je vous supplie de ne pas voter le premier ! Avec la présomption irréfragable, même les fraudeurs échapperaient à la sanction ! Le premier amendement, soit, même s'il est imparfait, mais le second, non !

M. Richard Yung.  - Je propose de rectifier l'amendement n°293 en supprimant le premier membre de la phrase.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est pire !

M. Richard Yung.  - Dans ce cas, je le maintiens.

M. Christian Cointat.  - Le président de la commission des lois a parfaitement expliqué la situation, mais l'affaire est politique plutôt que juridique : humainement, la situation est intolérable ! On touche à l'essence même de la citoyenneté. Cependant, le terme « définitivement » ne me convient pas. Si M. Yung le retire de l'amendement n°293, je le voterai, ainsi que le suivant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je demande la priorité sur le vote de l'amendement n°294. Si vous distinguez le juridique du politique, nous pouvons partir ! (Exclamations)

M. David Assouline.  - Entre vous et les finances, on ne peut plus rien faire...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - La commission demande la priorité.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Il faut certes améliorer les choses, mais la dernière circulaire date du 1er février. Et nous devons faire attention aux fraudes. D'accord pour la priorité.

La priorité est de droit.

M. David Assouline.  - Les tracasseries administratives imposées à nos compatriotes, effectivement, sont insupportables, même si vous paraissez réserver l'insupportable aux seuls Français. A force de durcir la loi, au nom de la lutte contre quelques fraudeurs, vous rendez la vie insupportable à bien de nos concitoyens : c'est la même chose pour l'ensemble du texte que nous examinons, qui va rendre plus difficile la vie de millions d'étrangers en situation régulière.

L'amendement n°294 est adopté et devient un article additionnel.

M. Richard Yung.  - Je veux bien supprimer de l'amendement n°293 l'adverbe « définitivement », comme me le suggère M. Cointat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous avez largement satisfaction avec l'adoption de votre amendement n°294. Faites attention : des milliers de Français sont privés de leur identité du fait de fraudes ou d'usurpations d'identité ! Je vous supplie de retirer votre amendement n°293.

M. David Assouline.  - Vous étiez contre les deux tout à l'heure !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - J'étais beaucoup plus opposé à l'amendement n°293.

M. Richard Yung.  - Réduit en cendres, je baisse la garde...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Merci.

M. Christian Cointat.  - Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! (Sourires)

L'amendement n°293 est retiré.

Article 6

M. Louis Mermaz.  - Nous assistons à une véritable valse de ministres au banc du Gouvernement, à une distribution des rôles digne du Chatelet, comme s'ils se refilaient le mistigri. (Sourires)

La loi de 2003 est venue au secours d'un préfet qui avait créé une zone d'activité illégale, loin d'un port ou d'un aéroport : on a pu alors créer toute zone d'attente à proximité d'un point de débarquement. Dix réfugiés kurdes ont été retenus dans un gymnase : le juge, une fois encore, a condamné l'administration pour illégalité de ce lieu privatif de liberté.

Cet article 6 vient au secours de l'administration, pour autoriser la création d'une zone d'attente ad hoc ou, si vous préférez, « sac à dos » quasiment partout.

Cet article aura un impact direct sur la procédure du droit d'asile. J'ai constaté moi-même à Roissy que si le migrant ne prononce pas la phrase magique « Je demande à bénéficier du droit d'asile », il ne peut pas bénéficier du recours suspensif.

Dans ces zones d'attente ad hoc, le demandeur ne pourra pas communiquer avec un avocat ou bénéficier de l'assistance d'un médecin et d'un interprète. D'autant que l'article 7 rend encore plus difficile l'exercice de ces droits. La création de ces zones entraînera un recul des droits des étrangers.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Mme Bariza Khiari.  - Je souscris pleinement à cette argumentation. Puisque vous avez eu l'élégance de ne pas interrompre M. Mermaz, monsieur le président, je renonce à mon intervention sur l'article. (« Très bien ! »)

M. David Assouline.  - L'Assemblée nationale a précisé le nombre de groupe d'étrangers : le groupe commence à dix personnes. La loi prévoit le cas d'arrivée d'au moins 100 personnes, alors que le cas s'est produit deux fois en une décennie. Pourquoi fixer à dix le nombre d'étrangers pour constituer un nombre de personnes « exceptionnellement élevé » ? Cessez d'ajouter des restrictions aux restrictions ! J'ai entendu M. Hortefeux justifier des mesures nouvelles au nom de ce qu'il a appelé un afflux exceptionnel de demandeurs d'asile.

La France, certes, est une terre d'accueil, les étrangers s'y présentent nombreux, mais elle refuse bien plus l'asile que d'autres pays occidentaux !

L'Allemagne, également, oppose proportionnellement moins de refus. Autrement dit, le problème n'est pas l'afflux de demandes ! Progressivement, la France est en train de renoncer à l'image qu'elle s'était forgée aux yeux des peuples. Hier, nous refusions les Tunisiens ; aujourd'hui, les Afghans ! Arrêtons d'être frileux !

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Chaque année, nous légiférons sous le coup d'événements ponctuels. Il faut que cela cesse. Cet article 6 ne respecte ni la lettre ni l'esprit de la directive « Retour » ; il rend permanentes les zones temporaires. Et la rétention de devenir un instrument banal de gestion des flux migratoires, disait à raison la CNCDH dans son avis.

M. le président.  - Amendement identique n°112, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Le droit existant sur les zones d'attente est déjà suffisamment souple. Pourquoi ce régime dérogatoire ? Chaque zone du territoire pourrait se transformer en lieu d'enfermement pour les étrangers, aux dépens des droits des primo-arrivants, notamment ceux en quête de protection.

M. le président.  - Amendement identique n°296 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Cet article fait partie du volet autonome de cette loi ; il n'est aucunement exigé par la directive. Ces zones « sac à dos » ne sont pas acceptables : dix personnes, est-ce un afflux massif ? Plus grave, ces personnes seraient soumises à la procédure de demande d'asile à la frontière. Un délai maximum de 48 heures pour faire un recours, sans pouvoir saisir l'Ofpra, c'est laisser bien peu de temps à un Somalien qui voudrait demander l'asile. Et je ne parle pas des mineurs isolés, nous sommes nombreux à nous inquiéter ici de leur sort.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article a pour but de faire face à des situations exceptionnelles, comme l'arrivée d'une centaine de Kurdes sur une plage de Corse en janvier 2010. La commission des lois a encadré le dispositif dans l'espace et dans le temps. Les étrangers, dans ces zones temporaires, jouiront de tous les droits reconnus dans les zones d'attente ordinaires, y compris celui de demander l'asile. L'Ofpra, s'il n'est pas présent physiquement, est consulté et ses avis sont le plus souvent suivis. J'ajoute que le directive « Retour » n'est pas applicable aux étrangers placés en zone d'attente. Rejet des trois amendements.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Nous ne faisons qu'élargir le dispositif de la loi de juillet 1992. Tous les droits des migrants sont respectés. Le juge administratif, le juge des libertés et de la détention interviendront et le contrôleur général aura accès à ces lieux de privation de liberté.

M. David Assouline. - Bref, c'est le paradis !

Mme Bariza Khiari.  - En quoi dix personnes constituent-elles un groupe de migrants exceptionnellement élevé ? Cet article porte atteinte aux droits des personnes ; en rendant moins efficient l'exercice du droit d'asile, il paraît contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il pose plus de problèmes qu'il n'en résout.

M. Louis Mermaz.  - Quand nous demandions l'application du mécanisme de protection temporaire pour des centaines de personnes dans le Calaisis, on nous disait que les migrants n'étaient pas assez nombreux... Et voici qu'on nous parle de zones d'attente ad hoc qu'on créerait pour dix personnes. L'arbitraire est patent.

A la demande du groupe UMP, les amendements n°s34 rectifié, 112 et 296 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 153
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°300, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, les articles L. 811-1 à L. 811-8 s'appliquent. »

M. Richard Yung.  - Les amendements n°s300, 299, 298 et 297 sont dans le fil du débat que nous venons de tenir. Le premier vise à mettre en oeuvre la protection temporaire en cas d'afflux massif de migrants, qui apporte davantage de garanties à ces derniers. Le deuxième vise à encadrer les zones d'attente ad hoc aux situations exceptionnelles, comme le veut la législation communautaire. Le troisième revient au droit communautaire et au « nombre exceptionnellement élevé » -le nombre dix a été introduit par les députés, ce qui ne nous étonnera pas. Le dernier concerne les limites géographiques ; il faut éviter de transformer par exemple tout le Calaisis en zone d'attente spéciale.

M. le président.  - Amendement n°299, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Au début de cet alinéa, ajouter les mots :

Dans une situation exceptionnelle,

M. Richard Yung.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°298, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

groupe d'au moins dix

par les mots :

nombre exceptionnellement élevé d'

M. Richard Yung.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°297, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres

M. Richard Yung.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Lier la création d'une zone d'attente ad hoc à la protection temporaire pose problème : les deux dispositifs relèvent de deux logiques différentes. Je précise toutefois que la création de la zone ad hoc ne fait pas obstacle à la protection temporaire si les conditions d'engagement de celle-ci sont réunies. Avis défavorable à l'amendement n°300. La zone ad hoc vise des situations exceptionnelles, point n'est besoin de le préciser : rejet de l'amendement n°299. L'expression « nombre exceptionnellement élevé » est incertaine, mieux vaut fixer un seuil : défavorable à l'amendement n°298, d?autant que la création des zones spéciales n'est pas soumise à la directive « Retour ». Enfin, la rédaction de l'article permet aux autorités de prendre en compte les stratégies des passeurs : avis défavorable à l'amendement n°297.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le dispositif de protection temporaire n'est pas adapté à l'article 6 : rejet de l'amendement n°300. Les amendements n°s299, 298 et 297 établissent des critères subjectifs : rejet.

L'amendement n°300 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°299.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis un peu déçu de voir que les efforts opiniâtres de M. Yung ne sont pas récompensés. Surtout, insistons sur les conséquences de cet article. En cas de situation exceptionnelle, on peut imaginer, comme le prévoit la législation européenne, une réponse exceptionnelle. Mais votre dispositif est si imprécis que tout point du territoire pourra devenir une zone d'attente de même qu'il existe des ersatz de tribunaux à côté des centres de rétention. C'est une certaine conception de la société, du droit, de l'accueil, du respect des droits. Vous créez des institutions floues, ad hoc, opportunistes, pour les besoins de la cause. C'est défaire notre État de droit. C'est votre choix, non le nôtre !

L'amendement n°298 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°297.

L'article 6 est adopté.

Article 7

M. Louis Mermaz.  - Cet article est le frère jumeau du précédent : la notification des droits doit avoir lieu « dans les meilleurs délais possibles », de même que les droits notifiés s'exercent « dans les meilleurs délais possibles ». Bien malin celui qui dira à combien de temps cela correspondra... Le but est de régulariser des pratiques arbitraires illégales quotidiennes comme dans la loi de 2003 du ministre de l'intérieur Sarkozy qui remplaçait l'information « immédiate » par une information « dans les meilleurs délais ». Nous en sommes aux meilleurs délais possibles : Molière a fait école !

Un régime d'exception se met en place. Fort heureusement, il y a un risque d'inconstitutionnalité...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si le droit devient vague, où va-t-on ? Voilà ce qu'ont dit en substance le rapporteur et la ministre à M. Yung à l'article 6. Cet article 7 est un monument de non-droit à faire visiter aux générations futures, l'exemple de ce que peut faire le droit pour pulvériser le droit !

Derechef, vous refuserez de participer à sa construction. Un nombre « important », « les meilleurs délais possible »... Qu'est-ce à dire ? La référence à Molière était justifiée. Compte tenu du nombre d'agents de l'autorité administrative disponibles, des interprètes disponibles... Que de précautions ! La fin de l'article est à graver au fronton de l'hémicycle.

M. Louis Mermaz.  - Bientôt, nous aurons des ministres dans les meilleurs délais disponibles ! (Rires à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Disons une fois pour toutes que la loi s'applique de façon aléatoire, en fonction de la disponibilité des uns ou des autres et dans des circonstances particulières... Si nous votons ce chef d'oeuvre de non-loi, nous renonçons à notre dignité de législateur et à notre office, comme disait Jean-Baptiste Poquelin ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Au moment où nous sommes contraints de modifier les dispositions relatives à la garde à vue, nous ne pouvons laisser passer cet article : nous serons sanctionnés par la Conseil constitutionnel ou la CEDH.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Les orateurs précédents ont souligné le caractère aléatoire de cet article. Les droits des migrants ne seront pas pleinement respectés, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur... Enfin, permettez que je cite, non Molière, mais Grévisse : l'adverbe « possible » ne prend pas de « s » ! (« Bravo ! » à gauche)

M. le président.  - Amendement identique n°113, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Jean-François Voguet.  - Cet article est dangereux, qui permet à l'autorité administrative de mener la procédure comme bon lui semble. Rien ne saurait justifier la privation de liberté.

M. le président.  - Amendement identique n°301, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz.  - Avec cet article, on fragilise encore les garanties essentielles dont doit bénéficier tout étranger. L'approche pragmatique que vous mettez en avant dans l'étude d'impact -c'est Diafoirus !- dissimule un risque de vide juridique et d'arbitraire. L'article n'a d'autre justification que de réduire le risque d'invalidation des procédures par le juge. Oui, c'est bien un texte contre les migrants et contre les juges. Ceux-ci sont en grève à Nantes pour protester contre une énième mise cause de leur travail par le président de la République, qui n'a pas l'air décidé à leur donner davantage de moyens...

A cause de la pénurie de moyens, on peut craindre une application systématique du régime dérogatoire. Il faut supprimer cet article. Vous ne le ferez peut-être pas mais au moins nous l'aurons demandé !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article est conforme à la décision du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel : la notion de « meilleurs délais » s'appréciera in concreto. Avis défavorable aux amendements n°s35 rectifié, 113 et 301.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - On peut faire confiance au juge pour faire respecter les droits des personnes. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En quoi cela répond-il à nos objections ?

M. Christian Cointat.  - Tout à l'heure, on a opposé la rigueur juridique à la nécessité politique. Cet article presque poétique n'est guère rigoureux. Je le voterai en regrettant sa rédaction. Madame Escoffier, mettre un « s » à possible est justifié car le possible a de multiples facettes !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne comprends pas... Quand je suis arrivée au Sénat, il y a six ans, on m'a dit : il faut être précis dans la loi, éviter les « notamment »... Monsieur Hyest, j'en appelle à votre vigilance !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un droit vaporeux !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Un amendement de la commission vient ensuite qui supprime le mot « possible » ; et nous avons déjà supprimé un « notamment ». Je m'étonne que les sénateurs ayant participé aux travaux de la commission des lois ne s'en souviennent pas !

M. David Assouline.  - Vous exigez d'ordinaire davantage de rigueur. Que signifie le terme « les meilleurs délais » ? L'imprécision de l'article 7 a pour seul objet de laisser toute sa place à l'arbitraire : c'est inacceptable.

Mme Nathalie Goulet.  - La zone d'attente est une zone de non-droit...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ne dites pas cela !

Mme Nathalie Goulet.  - On n'y trouve ni interprète, ni fonctionnaire, ni délai... Acceptez au moins nos réserves, l'exercice des droits est moins que clair !

Les amendements identiques n°s35 rectifié, 113 et 301 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°302, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

important

par les mots :

exceptionnellement élevé

M. Louis Mermaz.  - Repli. Le qualificatif « important » est trop imprécis : l'interprétation de ce texte guimauve aura plus d'importance que la lettre. En fait, c'est presque un refus de légiférer ! Tenons-nous en au moins à l'article 18 de la directive « Retour » (que la gauche n'a pas approuvé à Strasbourg) qui évoque un nombre « exceptionnellement élevé ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette notion serait trop restrictive. (Exclamations à gauche) C'est la situation de fait qui va commander la solution à prendre : 50 personnes là où il n'y a rien, c'est beaucoup, mais pas où il y a des structures d'accueil.

Dans les zones d'attente temporaire, il n'y a pas de dérogation au regard des droits des personnes. Elles sont placées sous le contrôle de la juridiction administrative, le juge administratif instruit : rien à voir avec le non-droit ! Défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°302 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°494, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 2

Supprimer deux fois le mot :

possibles

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous supprimons l'adjectif « possibles », qui n'ajoute rien.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Favorable.

M. Jean-François Voguet.  - Cette suppression démontre que la situation dans les zones d'attente est si variable que l'on ne sait même pas si les droits pourront y être garantis. C'est un nouveau coup porté à la jurisprudence et malgré la rédaction plus policée de notre commission, une nouvelle atteinte aux droits des étrangers.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne comprends pas la notion de « meilleurs délais » : quelques heures ? Le prochain avion pour le retour ? Pourquoi êtes-vous gênés pour indiquer une durée précise ?

M. le président.  - L'amendement est rectifié pour viser les deux occurrences.

L'amendement n°494 rectifié est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 8

Mme Bariza Khiari.  - Cet article déclare irrecevable le vice de procédure en appel : à l'article 3 bis, les citoyens d'origine étrangère sont des Français de seconde zone ; ici les étrangers sont des justiciables de seconde zone.

Vous parlez de pragmatisme là où il y a déni de justice, alors que l'étranger doit pouvoir se défendre normalement. Le juge d'appel devrait fermer les yeux sur des irrégularités de procédure, alors que dans les faits, les conditions sont déjà très difficiles pour la défense ! Les avocats disposent de très peu de temps pour prendre connaissance du dossier et éventuellement relever des irrégularités.

L'appel, pourtant, doit statuer en fait et en droit : c'est le code de procédure pénale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Rien à voir !

Mme Bariza Khiari.  - Vous en soustrayez le droit des étrangers, alors que rien je le justifie. Votre texte est contre les avocats, les juges et les migrants : nous supprimons cet article que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de censurer.

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°114, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet article exclut qu'on soulève des irrégularités lors de la deuxième audience : c'est une restriction des droits de la défense et des pouvoirs du juge de la liberté et de la détention.

M. le président.  - Amendement identique n°303, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Nous n'aimons pas cet article, qui, pour purger les nullités, dicte au juge ce qu'il doit faire, alors qu'il faut le laisser juger en conscience, librement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le juge doit appliquer la loi !

M. Richard Yung.  - Vous ne cherchez qu'à accélérer la procédure, ce qui ne convient pas à un État de droit : le Conseil constitutionnel se prononcera. Cette exclusion, venue du droit civil, n'est guère applicable dans le droit des étrangers, où les délais très courts peuvent empêcher de relever des irrégularités dès la première audience. Cet article contrevient à l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article ne concerne pas l'appel, visé à l'article 12 que nous avons supprimé, et il est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui juge que les moyens d'irrecevabilité ne peuvent être soulevés lors du prolongement de la rétention. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Pourquoi vous méfier à ce point du juge des libertés et de la détention, monsieur le ministre ? Les principes d'appréciation et d'individualisation sont mis en cause.

M. David Assouline.  - Le président de la République, aujourd'hui même, vient de tenir des propos provocateurs envers les juges qui sont dans le collimateur, avec les avocats -au nom d'une prétendue efficacité. La loi est floue pour que l'administration dispose de toutes les marges d'interprétation, mais très encadrée pour le juge afin de lui dicter ce qu'il doit faire. On n'est plus là dans une société confiante, ouverte, démocratique.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La Cimade estime que cet article va contre le code de procédure civile, dans ses articles 561,563 et 565. Dans un arrêt du 1er juillet 2009, la Cour de cassation a précisé qu'un moyen non soulevé devant le juge des libertés et de la détention était parfaitement recevable. Monsieur le président de la commission, qu'en faites-vous ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je l'accepte en cas d'appel ! C'est pourquoi nous avons supprimé l'article 12. Ici nous ne traitons que de la seconde prolongation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je le confirme. S'agissant du prolongement du maintien en zone d'attente, nous nous conformons à la jurisprudence, c'est-à-dire à la décision des juges.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela ressemble pourtant beaucoup à un appel...

Les amendements n°s36 rectifié, 114 et 303 ne sont pas adoptés.

L'article 8 est adopté.

Article 9

M. Louis Mermaz.  - Cet article interdit au juge -ah, si vous pouviez lui passer les menottes !- de fonder l'élargissement d'une personne sur le fait qu'elle présente toute les garanties de représentation, alors que cette possibilité est reconnue avec constance par la Cour de cassation. La retenue n'est qu'une faculté. Ici encore, vous mettez à mal un principe. Billet de retour, réservation d'un hôtel sont pourtant des garanties de représentation reconnues par la deuxième chambre civile comme motif de refus du maintien en zone d'attente. Bref, c'est toujours la même chose : moins de pouvoir pour les juges, moins de garanties pour les étrangers !

M. le président.  - Amendement n°115, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - À défaut de passer les menottes aux juges, on les tient en laisse ! Cet article a pour seule raison d'être que les juges refusent la prolongation en zone d'attente lorsque l'étranger présente des garanties suffisantes de représentation. Vous maintenez l'étranger en zone d'attente, en rétention, qui est une forme de prison, pour l'empêcher d'entrer sur notre territoire.

M. le président.  - Amendement identique n°304, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le maintien obligatoire en zone d'attente pour une durée équivalente à celle de la garde à vue pour les terroristes est contraire à la jurisprudence et le refus des garanties de représentation va contre la jurisprudence de la Cour de cassation et porte atteinte aux droits des personnes.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le délai de 24 heures supplémentaires donné au juge confortera son pouvoir d'appréciation. L'administration peut être parfaitement fondée à s'opposer à l'entrée sur le territoire, qu'autorise ipso facto la seule prise en compte des garanties de représentation. Cet article apporte une clarification opportune. Avis défavorable à l'amendement.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Avis également défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous faites l'amalgame entre le sans-papiers ainsi retenu, le délinquant, voire le terroriste.

Les amendements n°s115 et 304 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°305 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots ;

dans les vingt-quatre heures de sa saisine

par les mots :

dans un délai raisonnable

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette notion de délai raisonnable est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le droit actuel est imprécis ; nous précisons que le juge disposera d'un délai supplémentaire de 24 heures si les nécessités de l'enquête l'exigent, pour bien exercer son contrôle en matière de respects des droits. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°305 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article remet en cause une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Il vise à contrecarrer, une nouvelle fois, les pouvoirs du juge judiciaire. Même si celui-ci constate qu'il n'y a pas de risque à laisser entrer la personne sur le territoire, il ne pourra fonder une décision de refus du maintien en zone d'attente sur cette seule constatation. D'où cet amendement de suppression.

L'amendement n°10, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Article 10

M. Louis Mermaz.  - Cet article introduit l'idée qu'une irrégularité formelle non substantielle -qui nous éclairera sur ce que c'est ?- ne pourrait fonder un refus de maintien en zone d'attente. La commission veut encadrer le pouvoir du juge, mais on discutera sans fin sur le caractère formel ou substantiel de l'irrégularité. L'absence de signature de l'interprète serait une irrégularité formelle tandis que l'absence d'interprète serait une irrégularité totale. Et dire que ce texte, écrit en commission des lois, prétend renforcer la sécurité des procédures... Drôle de société qui préfère protéger les procédures plutôt que les hommes !

Mme Bariza Khiari.  - Cette distinction byzantine des irrégularités selon qu'elles sont formelles ou plus ou moins substantielles, ceci à la charge de l'étranger, vise à empêcher le juge de procéder à des remises en liberté pour vice de forme. Le président de la République sera content, lui qui vitupère contre les juges -ainsi que les avocats et les journalistes ! La loi pourtant doit protéger les individus : cet article viole l'article 66 de la Constitution. Soyez raisonnables, avant que le Conseil constitutionnel ne le soit pour vous !

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cet article n'ajoute qu'à la confusion et à la complexité, source nouvelle de contentieux !

M. le président.  - Amendement identique n°116, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Les irrégularités formelles ne feront plus obstacle à la rétention, sauf si elles sont dites substantielles. Or, la Cour de cassation, s'agissant de la privation de liberté, considère qu'il faut examiner les irrégularités avec la plus grande rigueur et que la charge de la preuve revient à l'administration. La procédure doit être respectée pour garantir l'effectivité des droits.

M. le président.  - Amendement identique n°306, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Beaucoup a été dit... Pour autant, que signifient des irrégularités formelles et non substantielles ?

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Relisez Aristote...

M. Richard Yung.  - Si l'on fournit un interprète tamoul pour une personne qui parle l'ourdou, est-ce une irrégularité substantielle ? En créant une hiérarchie des causes de nullité, nous affaiblissons la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - « Pas de nullité sans grief » : l'article 10 vise à transcrire cet adage ; il appartient au juge ou à l'administration de démontrer que l'irrégularité n'a pas fait grief. Les irrégularités formelles ne portent évidemment pas sur le fond, soit celles relatives à l'effectivité des droits des étrangers. Au reste, notre amendement n°495 fournit la solution en supprimant la référence au caractère substantiel de l'irrégularité.

M. le président.  - Amendement n°495, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

présente un caractère substantiel et

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défendu.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable aux trois amendements n°s371, 116 et 306.

Nous aurions préféré conserver l'adjectif « substantiel » qu'utilise la Cour de cassation : sagesse sur l'amendement n°495.

M. David Assouline.  - Mme la ministre pourrait-elle être plus loquace ? Le rapporteur ne peut pas la remplacer, et nos débats éclaireront le juge.

Les amendements n°s37 rectifié, 116 et 306 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°495 est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°203 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 221-5. - Un mineur ne peut être placé en centre de rétention, ni être séparé de ses parents ou de ses collatéraux. »

M. Jean-François Voguet.  - Les mineurs étrangers doivent bénéficier d'une attention particulière. L'enfermement dans des centres de rétention est considéré par les juges comme un traitement inhumain et dégradant au sens de la Convention européenne des droits de l'homme. Il faut donc l'interdire, de même que la séparation d'avec leurs parents.

M. le président.  - Amendement n°309 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger mineur non accompagné d'un représentant légal ne peut être renvoyé. »

M. David Assouline.  - Si vous voulez prouver que vous êtes attentifs aux droits des mineurs, vous devez accepter cet amendement. La législation française prohibe toutes les mesures d'éloignement pour les enfants. Le placement de mineurs en centres de rétention et en zones d'attente est interdit dans les pays européens qui connaissent des flux migratoires équivalents à la France. Cette pratique est contraire à l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant et de la Convention européenne des droits de l'homme. Pour les mineurs isolés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit prévaloir, ce qui suppose de donner du temps au juge.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°203 rectifié vise à la fois le placement en centre de rétention, qui est interdit, et celui en zone d'attente. L'administration s'efforce de ne pas séparer les parents des enfants ; d'où la présence d'enfants en centre de rétention. Avis défavorable à l'amendement n°203 rectifié.

Pour les mineurs isolés, un administrateur ad hoc est désigné sans délai. Notre droit positif apporte de nombreuses garanties. L'amendement est trop systématique : n'encourageons pas les passeurs !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Tout d'abord, je suis intervenue longuement quand la question le méritait. Nul besoin de répéter les propos du rapporteur... J'en viens aux amendements : il n'y a pas de violation des conventions : les mineurs accompagnent les parents et sont accueillis dans des centres prévus à cet effet. Rejet des amendements n°s203 rectifié et 309 rectifié.

L'amendement n°203 rectifié n'est pas adopté.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Parfois, ce sont les services médicaux qui déterminent si la personne est mineure ou non. Or, la méthode utilisée, celle du bilan osseux, pose problème. Où en est ce dossier ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - J'ai déposé un amendement sur cette question et j'espère votre soutien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Merci, madame Hermange, de soulever cette question. À chaque fois que je suis intervenue sur ce dossier, on m'a dit qu'on allait réfléchir à la question... Espérons que cette fois-ci sera la bonne !

L'amendement n°309 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°90 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je le reprends !

M. le président.  - Amendement n°515, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 222-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger est maintenu à disposition de la justice dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Saisi d'une demande de prolongation du maintien en zone d'attente, le juge des libertés et de la détention ne bénéficie aujourd'hui d'aucun délai pour statuer.

L'article 9 lui accorde 24 heures, voire 48 heures lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent. Il importe de sécuriser la situation de l'étranger pendant ce délai.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Avis favorable à cet amendement de précision.

L'amendement n°515 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 751-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mineur isolé ne peut être éloigné avant d'avoir rencontré l'administrateur ad hoc qui lui a été désigné. »

M. Jean-François Voguet.  - Près de 40 % des mineurs restent moins de 24 heures dans la zone d'attente. Ils sont éloignés avant même d'avoir rencontré leur administrateur ad hoc. Le respect des droits humains doit primer sur l'efficacité administrative.

M. le président.  - Amendement identique n°308 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. David Assouline.  - Conformément à l'article L.221-5 du Ceseda, le mineur isolé doit bénéficier de la désignation d'un administrateur ad hoc. Or, cette disposition fait l'objet de nombreux dysfonctionnements : de nombreux mineurs isolés sont déjà renvoyés avant de rencontrer leur administrateur. Qu'en sera-t-il avec les zones d'attente ad hoc ? Ne vont-elles pas démultiplier le risque, comme l'écrit la CNCDH dans son avis sévère du 5 juillet dernier ? Vous reconnaissez ce droit aux mineurs ; rendez-le effectif !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°117 a un objet contraire au dispositif : un mineur isolé ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Le droit existant vous satisfait. L'avis est donc défavorable aux amendements identiques n°s117 et 308 rectifié.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques n°s117 et

308 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 10 bis demeure supprimé.

Article 11

M. Louis Mermaz.  - Cet article prolonge de quatre à six heures le délai dans lequel le procureur peut faire appel suspensif de la mise en liberté décidée par le juge des libertés et de la détention. Rien ne le justifie, si ce n'est la volonté de limiter les prérogatives du JLD, accusé d'être laxiste. De surcroît, cet article 11 renforcera un dispositif très défavorable à l'étranger : l'appel est réservé au procureur. Il n'y a pas l'égalité des armes exigée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. On peut faire beaucoup de reproches à l'Europe mais souvent la CEDH est en avance sur la France.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Vous allez accentuer l'angoisse ressentie par l'étranger et compliquer le travail des avocats.

M. le président.  - Amendement identique n°118, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'allongement du délai est inacceptable ! Il renforce l'inégalité qui résulte de cet appel suspensif réservé au seul procureur de la République.

M. le président.  - Amendement identique n°307, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ces dispositions sont contraires à la Convention européenne des droits de l'homme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Actuellement, le délai est de quatre heures ; souvent, le procureur n'est pas présent à l'audience et doit se faire communiquer le dossier. Cet allongement du délai améliorera sans doute le fonctionnement de la justice. Toutefois, il faudrait accompagner ce dispositif d'une circulaire incitant le ministère public à assister plus systématiquement aux audiences du juge des libertés et de la détention. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - L'appel suspensif concerne seulement 6 % des cas. Cette proposition est issue du rapport Mazeaud. Rejet.

Les amendements identiques n°s38 rectifié, 118 et 307 ne sont pas adoptés.

L'article 11 est adopté.

Article 12 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°270, présenté par M. J. Gautier.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre II du titre II livre II du même code est complétée par un article L. 222-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-6-1. - À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité formelle antérieure à la décision du premier juge ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel. »

M. Jacques Gautier.  - Compte tenu des explications du rapporteur à l'article 8, je m'incline.

L'amendement n°270 est retiré.

L'article 12 demeure supprimé.

Article 12 bis

M. le président.  - Amendement n°496, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de coordination : nous transformons cet article 12 bis en article additionnel après l'article 21 ter.

L'amendement n°496, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 12 bis est supprimé.

Article 13

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Mon intervention vaudra pour les amendements n°s119, 120, 121 et 122.

Les articles 13, 14, 15 et 16 visent à transposer la directive « carte bleue européenne ». Tant que les étrangers coûtent moins cher que les nationaux, ils sont les bienvenus ! Ainsi, les médecins étrangers sont payés 50 % de moins que les nationaux. Cette logique de marché, qui sous-tend votre politique de l'immigration choisie, est scandaleuse. Ne vous en déplaise, les migrants rapportent plus qu'ils ne coûtent ! L'État dépense pour eux 47,9 milliards et les migrants versent à l'État 61 milliards. D'après les économistes Bob Hamilton et John Whalley, une libéralisation intégrale des mouvements migratoires conduirait à doubler le PIB mondial.

L'immigration choisie est un leurre. Nous en demandons la suppression !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La « carte bleue européenne » facilitera le séjour des étrangers qualifiés. La transposition de la directive, qui doit beaucoup à la France, est une bonne chose. Rejet.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°310, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4, première et seconde phrases

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

quatre

M. Richard Yung.  - La carte est bleue car européenne mais moins généreuse que la carte verte américaine : trois ans de séjour contre dix ans ! La carte bleue ouvre sur un droit à résidence, la carte verte, sur un droit à la citoyenneté. Nos amendements améliorent l'attractivité de notre dispositif. L'amendement n°310 porte la durée de la carte bleue à quatre ans.

M. le président.  - Amendement n°312, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Après le mot :

enfants

insérer les mots :

majeurs à charge ou

M. Richard Yung.  - Nous faisons bénéficier de la « carte bleue » les enfants majeurs à charge, ce qui est conforme à la directive. Les critères d'attribution de la carte sont très sélectifs : il y aura peu d'élus ! L'amendement ne présente donc pas de difficultés.

M. le président.  - Amendement n°311, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

« Celle-ci est délivrée au plus tard dans les six mois suivant la date de dépôt de la demande. À défaut, un récépissé de demande de titre de séjour est délivré aux membres de la famille. »

M. Richard Yung.  - Nous améliorons la procédure, quoique l'on puisse regretter ces procédures simplifiées pour l'élite quand on fait tant de problèmes aux couples binationaux.

M. le président.  - Amendement n°313, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le conjoint titulaire de la carte de séjour mentionné au 3° de l'article L. 313-11 bénéficie de plein de droit, lorsqu'il justifie d'une durée de résidence de trois ans, du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour temporaire "carte bleue européenne" au regard du droit de séjour, sans qu'il puisse se voir opposer l'absence de lien matrimonial.

M. Richard Yung.  - Cet amendement réduit la durée de résidence à trois ans. Il s'agit d'aligner les conditions exigées pour les conjoints des titulaires de la « carte bleue européenne » avec celles exigées pour les conjoints de Français.

M. le président.  - Amendement n°314, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le calcul de ces cinq années de résidence prend en compte les durées des séjours effectués en France et dans un ou plusieurs autres États membres.

M. Richard Yung.  - Nous précisons que le calcul des années de résidence tienne compte des séjours effectués dans l'Union européenne, puisque la carte est européenne.

M. le président.  - Amendement n°315, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le conjoint titulaire de la carte de mentionnée au 3° de l'article L. 313-11 bénéficie de plein droit du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour "carte bleue européenne" au regard du droit de séjour, sans qu'il puisse se voir opposer l'absence de lien matrimonial en cas de rupture de la vie commune consécutive à des violences conjugales.

M. Richard Yung.  - En cas de séparation conjugale pour cause de violences, les conjoints de français ou les conjoints de ressortissants étrangers entrés dans le cadre du regroupement familial bénéficie de la possibilité du renouvellement de leur carte de séjour en vertu des articles L. 313-12 et L431-2 du Ceseda. Cet amendement étend cette protection administrative aux conjoints de titulaires de la « carte bleue européenne » dont la vie familiale a été brisée par des violences conjugales.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La durée de trois ans est celle prévue pour les salariés en mission et de la carte « compétences et talents » : rejet de l'amendement n°310. L'extension aux enfants majeurs à charge paraît opportune : quel est l'avis du Gouvernement ? La précision apportée à l'amendement n°311 ne relève pas de la loi mais du règlement : rejet. Avis défavorable à l'amendement n°313 : le texte prévoit déjà des conditions très favorables pour les conjoints. Autoriser l'acquisition d'un droit au séjour autonome pour des personnes ayant résidé moins de cinq ans est possible : sagesse sur l'amendement n°314, mais il faudrait le rectifier pour l'insérer après l'alinéa 10.

M. Richard Yung.  - Je le rectifie en ce sens.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°315 est satisfait par le droit en vigueur, très protecteur : défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable à l'amendement n°310. Défavorable à l'amendement n°312 : les enfants majeurs pourront recevoir un titre de séjour en fonction des situations individuelles. La précision apportée par l'amendement n°311 relève du domaine réglementaire : rejet ; un décret sera publié. Défavorable à l'amendement n°313. Sagesse sur l'amendement n°314. Rejet de l'amendement n°315.

M. Richard Yung.  - Je ne comprends pas la réponse du Gouvernement sur l'amendement n°312 : il faudra étudier la situation de chaque enfant majeur à charge ? Quel travail bureaucratique ! Ce n'est pas très attractif...

L'amendement n°310 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s312, 311 et 313.

L'amendement n°314 rectifié est adopté.

L'amendement n°315 n'est pas adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Article 14

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

L'amendement n°120, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

L'amendement n°121, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

Article 16

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

L'amendement n°122, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l'Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France ».

Mme Éliane Assassi.  - Avec cet amendement, nous débattons de l'accès aux emplois publics des étrangers non communautaires.

À diplôme égal, un étranger non communautaire devrait accéder aux mêmes emplois que les étrangers communautaires : les discriminations légales nourrissent les discriminations illégales et elles entravent l'intégration. Les étrangers non européens sont deux fois plus au chômage ; on estime que 7 millions d'emplois leur sont inaccessibles, dont 5,2 millions dans la fonction publique non régalienne -où ces étrangers, cependant, peuvent être recrutés sous statut précaire. Des brèches ont été ouvertes dans la recherche et l'enseignement supérieur. Nous en faisons un principe, en autorisant l'emploi dans la fonction publique non régalienne.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. L'ouverture aux étrangers communautaires résulte de nos engagements européens.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le Gouvernement n'a pas l'intention d'aller au-delà de ce qui se pratique aujourd'hui, le Premier ministre l'a dit l'an passé. Et il serait bon de connaître ce qu'en pensent les organisations syndicales.

L'amendement n°123 n'est pas adopté.

L'article 16 bis demeure supprimé.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le Gouvernement présente, avant le 31 décembre 2011, un plan de régularisation des sans-papiers présents sur le territoire français qui justifient d'attaches familiales en France ou détenir une promesse d'embauche ou être inscrits dans un établissement scolaire ou universitaire.

« Les conditions d'application de cet article sont définies par un décret en Conseil d'État. »

M. Jean-François Voguet.  - La régularisation des sans-papiers est nécessaire, sur des critères objectifs et clairement énoncés. La pratique administrative actuelle rend la régularisation quasiment impossible, condamnant les étrangers à la clandestinité alors qu'ils sont entrés le plus souvent régulièrement sur notre territoire, au seul profit des employeurs sans scrupule et autres marchands de sommeil.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : l'amendement est contraire au principe constitutionnel selon lequel le Parlement ne peut pas adresser d'injonction au Gouvernement.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le Gouvernement est très défavorable à une régularisation massive ; il a fait le choix d'un examen au cas par cas.

L'amendement n°124 n'est pas adopté.

Article 17 AA

M. le président.  - Amendement n°317, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

Mme Bariza Khiari.  - Le quatrième alinéa de l'article L. 313-12 dispose que l'accès à la majorité de l'enfant ne fait pas obstacle au renouvellement de la carte « vie privée et familiale ». La suppression de cet alinéa va à l'encontre du respect de la vie privée et familiale.

En supprimant l'avant-dernier alinéa de l'article L. 431-2 le projet de loi revient sur les avancées de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes. Les associations de défense des femmes ne comprennent pas ce recul. En 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale ; à peine entré en 2011, le Gouvernement oublie ses engagements !

M. le président.  - Amendement n°129, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Après le mot : « et », la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée : « en accorde le renouvellement ».

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le renouvellement de la carte de séjour aux femmes victimes de violences conjugales est laissé à l'appréciation du préfet. Mais l'appréciation de ces violences varie d'un département à l'autre : le préfet ne doit plus interférer, le renouvellement doit être automatique pour que ces femmes puissent se protéger.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article simplifie, à droit constant, le dispositif de la loi du 9 juillet 2010. Vos inquiétudes n'ont pas lieu d'être. Retrait de l'amendement n°317. Avis défavorable à l'amendement n°129, le droit existant paraît suffisamment protecteur.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Retrait de l'amendement n°317, sinon avis défavorable. Concernant l'amendement n°129, auquel le Gouvernement est défavorable, je précise que la loi de 2010 fera prochainement l'objet d'une évaluation.

Les amendements n°s317 et 129 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°126, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet amendement est simple et indispensable. L'ordonnance de protection n'est valable que quatre mois ; il convient de ne pas pénaliser les femmes qui en ont bénéficié et peuvent être en attente de renouvellement.

M. le président.  - Amendement n°318, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié il y a trois ans maximum

Mme Bariza Khiari.  - Droit constant ? Plutôt en recul, car le renouvellement de la carte supposera désormais une ordonnance de protection. La rédaction actuelle exclura nombre de femmes battues.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je comprends l'intention de protéger les victimes, mais l'amendement n°126 revient à offrir un droit au séjour permanent quelles que soient la date de l'ordonnance et l'issue de la procédure judiciaire. Avis défavorable. Même avis à l'amendement n°318.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis. La loi de 2010 a créé un droit protecteur, mais il ne saurait ouvrir un droit automatique au séjour.

L'amendement n°126 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°318.

L'article 17 AA est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°130, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger, pour lequel il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est victime des infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du Code pénal, bénéficie, s'il le souhaite d'un délai de réflexion de trois mois pendant lequel il est autorisé à séjourner sur le territoire, afin de lui permettre de se rétablir, de se soustraire à l'influence des auteurs de l'infraction et de décider en connaissance de cause de coopérer ou non avec les autorités compétentes. »

2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant le mention « vie privée et familiale » est délivrée à l'étranger qui coopère avec les autorités publiques concernant les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et à 225-5 à 225-10 du code pénal soumises à son encontre. »

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La condition prévue à l'article 311-7 n'est pas exigée. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La convention du Conseil de l'Europe, ratifiée par la France, sur la lutte contre la traite des êtres humains affirme la nécessité d'offrir un délai de réflexion à la victime, suffisant pour lui permettre d'échapper à l'influence des trafiquants et de décider de sa coopération avec la justice en toute connaissance de cause.

M. le président.  - Amendement n°339 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 316-1 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».

M. Richard Yung.  - Les mesures contre l'éloignement des victimes de la traite des êtres humains sont insuffisantes et le dispositif de protection est aujourd'hui peu utilisé. Les victimes de la prostitution ou de l'exploitation de la mendicité sont dans une grande précarité ; il faut leur délivrer de plein droit un titre de séjour pérenne.

M. le président.  - Amendement n°341 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être délivrée » sont remplacés par les mots : « est délivrée ».

M. Richard Yung.  - Je l'ai défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le code des étrangers permet déjà de délivrer un titre de séjour à ces victimes et, en cas de condamnation définitive, une carte de résident. Le droit actuel est protecteur : aller plus loin risquerait d'encourager les démarches dilatoires ou les dépôts de plainte au seul motif de l'obtention d'un titre de séjour. Avis défavorable à l'amendement n°130. Même avis sur l'amendement n°339 rectifié et sur l'amendement n°341 rectifié.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°130 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s339 rectifié et 341 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°338 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après le mot : « pénale », sont insérés les mots : « , et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour, ».

II. - Après le 10° de l'article L. 511-4 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :

« 10° bis L'étranger qui se présente dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte pour des faits de violences ; ».

M. Richard Yung.  - Nous prenons en compte le risque pour les personnes étrangères en situation irrégulière victimes de violence de se faire interpeller lorsqu'elles décident de porter plainte. Le droit de porter plainte est un droit général. Feue la CNDS a souligné que faire primer l'irrégularité du séjour interdit de fait le dépôt de plainte et empêche de sanctionner les auteurs de violence. Il est pourtant de l'intérêt de la société que policiers et gendarmes puissent remonter les filières et les réseaux.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après les mots : «  à la loi pénale », sont insérés les mots : « , et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Toutes les victimes d'infractions pénales doivent pouvoir porter plainte, mais c'est loin d'être le cas en pratique pour les personnes en situation irrégulière, comme l'a constaté en son temps la CNDS.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. L'officier de police judiciaire est tenu d'enregistrer la plainte et le plaignant ne peut pas être éloigné du territoire.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

Les amendements n°s338 rectifié et 127 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La carte de séjour temporaire prévue à l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut être délivrée pour un an à un étranger qui justifie d'une démarche de réinsertion, attestée par la participation à un programme de réinsertion, en accord avec les personnes concernées, organisée par les services de l'État ou par une association figurant sur une liste établie chaque année par arrêté préfectoral dans le département concerné, et qui se propose, par son statut, d'aider les victimes.

Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelable à deux reprises dans les mêmes conditions et pour la même durée.

À l'expiration de ce délai, la carte de séjour temporaire peut être renouvelée si l'étranger apporte la preuve qu'il peut vivre de ses ressources propres.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je proposais déjà ce dispositif en 2002 dans une proposition de loi.

Les personnes prostituées sont majoritairement d'origine étrangère. Soumises à des violences terribles de la part de leurs exploiteurs, elles sont privées de tout droit et de toute dignité. La prostitution va de pair avec la violence et l'humiliation.

La loi de 2003 n'a fait qu'accentuer les difficultés, sous prétexte de vouloir atteindre les proxénètes. Nous proposons la délivrance d'un titre de séjour d'un an, renouvelable, à toute prostituée étrangère qui justifie d'une démarche de réinsertion, qu'elle ait ou non dénoncé son proxénète. Il est contraire à nos principes de conditionner la sécurité d'une personne à sa coopération avec les forces de l'ordre et la justice.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le code des étrangers permet déjà à une victime de proxénétisme la délivrance d'une carte temporaire et d'une carte de résident si le proxénète est condamné. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°131 n'est pas adopté.

La séance est levée à 2 heures 5.

Prochaine séance, mardi 8 février 2011, à 14 heures 30.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

MARDI 8 FÉVRIER 2011

À 14 HEURES 30

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 239, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).

DE 17 HEURES À 17 HEURES 45

2. Questions cribles thématiques sur l'aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.

À 18 HEURES :

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).

LE SOIR ET, ÉVENTUELLEMENT, LA NUIT

4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat (n° 261, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 262, 2010-2011).

5. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).