Conventions fiscales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de sept projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation des accords sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès, le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Gouvernement de Sainte-Lucie, le Gouvernement de la Grenade, le Gouvernement d'Antigua-et-Barbuda, le Gouvernement de la République du Vanuatu et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay, relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Discussion générale commune
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. - Je me réjouis de l'intérêt que le Sénat porte au combat du Gouvernement contre l'évasion fiscale. Lors du G20 de Londres, la France a obtenu l'établissement de listes des pays non coopératifs -liste noire, liste grise sur laquelle ne figurent plus que treize pays. Cette politique a porté ses fruits : depuis 2009, plus de 500 accords ont été signés entre divers pays.
Que de chemin parcouru en quelques mois ! Dès le lendemain du G20, le gouvernement français a entamé des négociations tous azimuts avec des pays figurant sur les listes grise ou noire. Les 21 accords que la France a signés l'ont été sans contrepartie, celle-ci n'ayant pas de justification en l'occurrence.
Des sanctions sont prévues dans la loi de finances rectificative pour 2009, à l'encontre des juridictions récalcitrantes ; nous veillerons à l'effectivité des ces accords. Le Forum mondial a institué en outre une évaluation par des pairs, le groupe d'évaluation étant présidé par M. François d'Aubert, notre délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux. Sur les huit premières évaluations, il apparaît que les efforts du Botswana et de Panama restent insuffisants. Un premier bilan sera tiré en novembre, pendant la présidence française du G20. Le suivi permettra d'ajouter certains États sur les listes ou de les en retrancher.
Je me réjouis de votre soutien !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances. - Depuis le début de l'année, notre commission a examiné 21 projets de conventions fiscales, dont celles discutées aujourd'hui. J'insiste sur ce point : notre pays n'a accordé aucune contrepartie. La ratification de ces accords est nécessaire pour mieux combattre la fraude fiscale. La demande de renseignements doit être écrite et précise : la pêche à l'information est prohibée. Les accords conformes à l'accord-cadre de 2002 sont plus exigeants, notamment sur la liste des impôts visés.
Le Forum mondial a procédé aux premières évaluations; M. d'Aubert en a rendu compte à notre commission. Le principe de la transparence fiscale ne doit pas être détourné de son objectif en devenant une simple procédure formelle par la signature d'accords entre paradis fiscaux. La première phase, qui concerne dix-huit États, doit s'achever en 2012. Les principaux obstacles sont les différences de législation : la notion d'abus de droit est inconnue par la common law, alors que celle-ci reconnait les trusts, inexistants dans notre droit. On peut également citer, parmi les obstacles, l'ingéniosité très développée pour échapper aux règles. Ainsi, le Ghana s'est porté acquéreur d'un système de défiscalisation vendu clés en mains par une grande banque. Le Forum mondial s'appuie sur le consensus de ses membres, faute d'un ordre fiscal international. Le système d'accords bilatéraux est donc très nécessaire.
La commission des finances a l'intention de suivre avec attention le dossier de la lutte contre les paradis fiscaux. Fort de cette assurance, j'invite le Sénat à voter ces sept projets de loi.
Mme Nicole Bricq. - Je remercie le groupe CRC pour avoir demandé l'examen de ces sept accords en séance publique. Les considérables enjeux de la lutte contre l'évasion fiscale sont à la fois diplomatiques et fiscaux.
Le 30 septembre, nous avions fait le point sur la directive « épargne » au niveau européen, adoptée par consensus, mais contournée dans son application.
Si nous voulons donner un mandat clair au Gouvernement et au Président de la République pour le G20, nous devons exiger une clarification au plan européen. Nous pouvons également agir sur le plan national, notamment via les contrôles effectués par l'administration et le Parlement, outre l'obligation de transparence financière imposée aux établissements contractant avec l'État. Le bilan statistique des contrôles relève davantage d'une discussion en commission que de la loi, nous a répondu la commission. En revanche, M. d'Aubert a marqué un intérêt pour nos autres propositions, en particulier pour l'échange d'informations entre administration fiscale et investisseurs étrangers privés, sur le modèle de la loi récemment adoptée par le congrès américain.
Nous disposons d'un premier bilan montrant que certains pays dits « vertueux » conservent des comportements douteux. Ainsi, Monaco n'a pas signé d'accord avec ces deux principaux partenaires : l'Italie et la Grande-Bretagne ! La crédibilité du Forum de l'OCDE est donc relative.
La tâche est rude et longue. Les obstacles sont nombreux : la souveraineté fiscale, la différence de qualification juridique, l'opacité des flux financiers. Autant de raisons pour que le Parlement ne lâche pas prise ! (Applaudissements sur le banc de la commission)
M. Thierry Foucaud. - Nous avons voulu discuter ces sept accords en séance publique afin de faire un point sur l'évasion fiscale dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, mais nous aurions préféré dissocier le cas de l'Uruguay. La volonté du Président de la République de moraliser le capitalisme international marque-t-elle véritablement un tournant ? Le cadre proposé par l'OCDE est insuffisant : pour quitter la liste noire des paradis fiscaux et rejoindre le purgatoire de la liste grise, il suffit de signer douze accords, avant de revenir sur la terre de la liste blanche...
Les cinq États de la Caraïbe dont il est question aujourd'hui sont d'une taille réduite ; leur population est faible. En revanche, leur chef d'État est resté le même malgré les indépendances : sa très gracieuse majesté la reine d'Angleterre ! Autre point commun, ce sont des paradis fiscaux.
Signer ces accords réduirait de dix-huit à treize la liste des États non coopératifs.
Ces cinq États sont le terrain de jeu du business financier à l'état pur ! Nous l'avions déjà noté pour les Bahamas. De surcroît, Antigua-et-Barbuda abrite des sociétés de jeux en ligne : au paradis fiscal s'ajoute l'enfer du jeu ! On y taxe davantage le petit réparateur d'électroménager que la filiale de n'importe quel mastodonte européen ou nord-américain du BTP.
Ces accords reviennent donc à passer une mince couche de vernis légal sur une réalité peu reluisante, et ne changeront rien à la pauvreté des populations locales.
La situation de l'Uruguay est différente : après la dictature, qui avec le choix du libéralisme économique intégral avait réduit la majorité de la population à la misère, ce pays a connu une transition démocratique pendant laquelle le secret bancaire a permis d'attirer les dépôts des non résidents argentins et brésiliens. La coalition de gauche du Frente amplio a remporté les dernières élections, après la crise argentine. Elle a voté une loi permettant de lever le secret bancaire. Le gouvernement uruguayen veut moraliser les activités financières du pays et trouver les voies de son développement. Dans ce cas, nous donnons quitus au Gouvernement.
En revanche, la situation n'est pas la même dans les six autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)
M. Roger Romani. - Au nom du groupe UMP, je demande une suspension de séance de dix minutes.
La séance, suspendue à 15 heures 15, reprend à 15 heures 25.
Discussion de l'article unique du projet de loi France-Grenade
L'article unique est adopté.
Discussion de l'article unique du projet de loi France-Antigua-et-Barbuda
L'article unique est adopté.
Discussion de l'article unique du projet de loi France-Vanuatu
L'article unique est adopté.
Discussion de l'article unique du projet de loi France-Uruguay
L'article unique est adopté.
Discussion de l'article unique du projet de loi France-Saint-Christophe-et-Niévès
L'article unique et adopté.
Discussion de l'article unique du projet de loi France-Saint-Vincent-et-les-Grenadines
L'article unique est adopté.
Discussion de l'article unique du projet de loi France-Saint-Lucie
L'article unique est adopté.