Nouvelle organisation du marché de l'électricité (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité.
Discussion des articles
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M. le président. - Amendement n°256 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le parc électronucléaire ne peut être composé que de centrales exploitées par des personnes morales à capitaux majoritairement publics.
M. Yvon Collin. - Le parc nucléaire doit rester sous contrôle public. Dans plusieurs centrales, des capitaux privés sont déjà investis, mais sans pouvoir de décision. L'acceptabilité du parc nucléaire est liée à son caractère public.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Avis défavorable. En Allemagne, le parc nucléaire ne pourrait être composé que de capitaux allemands. Même chose en Grande-Bretagne... Que faites-vous des 19 mégawatts exploités par EDF en Allemagne, des huit centrales exploitées par EDF en Grande-Bretagne ? Il faut savoir s'ouvrir aux capitaux étrangers.
GDF est candidate pour la construction d'un EPR en France. Elle exploite aussi huit centrales nucléaires en Belgique, et pas si mal que ça !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Il faut effectivement prendre en compte les éléments de réciprocité évoqués par M. le rapporteur.
Actuellement, toutes les centrales nucléaires sont exploitées par EDF. Il n'y aura pas de nouvelles centrales avant 2020. Cette disposition est pour le moins prématurée.
Enfin, l'essentiel, c'est la sureté de l'exploitation. Pourquoi une société publique exploiterait-elle mieux qu'une société privée ? D'autant que l'autorité de sureté nucléaire exerce un contrôle draconien...
L'amendement n°256 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°40, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle centrale nucléaire ne peut être exploitée que par des personnes morales dont les capitaux sont au moins à 70 % publics.
M. Roland Courteau. - Lorsque M. Sarkozy était ministre de l'économie, en 2004, il avait dit qu'il n'y aurait pas de privatisation car le nucléaire n'était pas privatisable. Mais il est vrai que le Gouvernement nous a habitués à des promesses non tenues...
En commission, les propos de M. le rapporteur nous ont laissés perplexes car il souhaite ouvrir le capital des centrales nucléaires.
En fait, vous proposez une privatisation rampante. Mais une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique ! Un débat au Parlement serait pour le moins nécessaire.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Avis défavorable, comme pour l'amendement précédent. Votre argumentation est hors sujet. L'ouverture du capital de certaines centrales à des capitaux extérieurs a été faite sous des gouvernements de droite... et de gauche !
Dans l'opposition et dans la majorité, il faut que chacun soit cohérent avec lui-même, d'autant que les rôles peuvent s'inverser : évitons d'avoir à nous contredire !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis négatif que précédemment, pour les mêmes raisons.
M. Didier Guillaume. - L'opposition se contredit ? Elle n'est pas la seule ! Il serait temps que notre Gouvernement fixe une stratégie nucléaire. Le fait que nous ayons manqué le contrat d'Abu Dhabi au profit de la Corée du sud montre bien l'absence de stratégie. Certes, le Président de la République a demandé aux différentes entreprises de se mettre d'accord, mais nous n'offrons guère de visibilité.
La majorité présidentielle est traversée de courants différents ; quand on parle des émissions à effet de serre, nous pouvons dire que le nucléaire est une réponse. Si les choix ne sont faits qu'après 2020, il sera trop tard. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Claude Bérit-Débat. - Ce projet de loi n'est qu'une étape dans le processus de libéralisation. On permettra bientôt à des opérateurs privés d'exploiter des centrales nucléaires. Les prix de l'électricité vont flamber.
La privatisation des centrales ne bénéficiera ni à l'industrie ni aux ménages. M. Poniatowski regrette que le Gouvernement n'ait pas ouvert le capital des centrales à d'autres opérateurs. Avec ce projet de loi, le secteur privé obtient déjà beaucoup. Aujourd'hui, le parc nucléaire a fait la preuve de son efficacité ; la privatisation améliorerait-elle la situation ? Rien n'est moins sûr...La vérité, c'est que le nucléaire français génère une rente, et les opérateurs privés veulent en capter une partie.
La France ne doit pas vivre l'expérience de la Californie !
Si demain on privatise les centrales, les consommateurs risquent d'en pâtir. Des garde-fous sont indispensables.
M. Roland Courteau. - M. le rapporteur a renvoyé dos à dos les gouvernements de droite et de gauche. Pour l'instant, il n'y a pas de prise de participation de capitaux privés dans les centrales.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je ne l'ai jamais prétendu !
M. Roland Courteau. - Vous avez parlé d'ouverture du capital des centrales en commission. (M. le rapporteur le conteste) Pour l'instant, il n'y a que des contrats en participation, qui ne donnent aucun droit de gouvernance.
J'ai posé une question au ministre concernant les nouveaux projets EPR : quels sont les montages financiers envisagés ?
M. Gérard Le Cam. - Nous nous abstiendrons sur cet amendement, comme nous nous sommes abstenus sur le précédent, car le groupe CRC est favorable à un contrôle public de l'énergie à 100 %.
Aujourd'hui, nous avons un outil exceptionnel et, comme l'affaire devient juteuse, il faudrait partager avec le secteur privé ! Mais en 1945, les capitalistes ne se précipitaient pas pour investir dans l'énergie...
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
M. le président. - Amendement n°42, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne peut se faire avant l'adoption d'une directive cadre relative aux services d'intérêt économique général.
M. Roland Courteau. - M. Jospin avait demandé lors du Conseil européen de Barcelone, en 2002, que la libéralisation du marché du gaz et de l'électricité soit précédée d'une directive. Mais votre Gouvernement ne se sent pas lié par cette décision. Il aurait fallu un peu de volonté politique.
Cette condition n'est toujours pas remplie. Respectez les engagements pris par la France en mars 2002. Cessez de faire croire que les socialistes agissent différemment lorsqu'ils sont au pouvoir ou dans l'opposition. Il n'y a pas deux postures, mais une même conviction : nous n'avons jamais accepté la libéralisation du marché de l'électricité. Il est lassant de vous rappeler sans cesse ces vérités ; vos tentatives de rendre les socialistes responsables de la situation actuelle sont dérisoires !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je ne relèverai pas la fin du propos, en espérant que M. Courteau ne remettra pas ça pour chacun des 266 amendements encore en discussion ! Je ne suis pas sûr que la France soit en position de demander à ses 26 partenaires la rédaction d'une directive-cadre : ce serait renvoyer la loi aux calendes grecques. Avis défavorable.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis. La France est sous le coup de deux procédures. Si nous repoussons aux calendes grecques cette loi, nous serons condamnés à rembourser des milliards d'euros.
M. Jacques Blanc. - M. Courteau a parlé de double posture. On peut parler de double langage ! J'ai eu l'honneur de présider le comité des régions d'Europe. Ce sont les socialistes d'Allemagne qui étaient les plus ardents défenseurs de la libéralisation.
Cessons de parler des contraintes européennes ! Aujourd'hui, on vend et on achète de l'électricité à d'autres pays ; c'est heureux. Demain, il y aura une grande boucle européenne. C'est tromper les Français de dire qu'on pourrait avoir une politique strictement nationale.
A une époque, certains élus socialistes combattaient le nucléaire ! Aujourd'hui, on permet à EDF de garder son patrimoine. Arrêtons de nous flageller et de faire croire que les socialistes européens ont une position autre que celle du Gouvernement. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Mirassou. - La mise en place d'une directive-cadre serait une chimère ? Compte tenu des enjeux stratégiques, on ne peut faire l'impasse sur les propositions européennes en ce domaine. Nous devons nous donner les moyens de défendre le savoir-faire énergétique français.
Avec ce texte, nous jouons petit-bras !
Faites-nous grâce d'un débat manichéen. Il en va de l'avenir de notre filière. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°43, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne peut remettre en cause le caractère de bien de première nécessité de l'électricité, matérialisant le droit de tous à l'électricité.
M. Daniel Raoul. - Nous devons rappeler au Gouvernement que conformément à la loi du 10 février 2000, l'électricité est un bien de première nécessité. Ce texte va provoquer une dégradation des services offerts aux Français.
Nous venons d'apprendre que 30 000 clients parmi les plus pauvres n'ont pas bénéficié depuis cinq ans d'un tarif social : Errare humanum est, persevare diabolicum !
La libéralisation du secteur de l'électricité provoquera l'envolée des prix, au détriment du pouvoir d'achat des Français. A l'avenir, de plus en plus de Français seront éligibles au tarif social, qui sera fragilisé.
M. le président. - Amendement identique n°258 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
M. Robert Tropeano. - L'électricité n'est pas un bien comme un autre, c'est un bien de première nécessité. Or, ce projet de loi remet en cause ce principe.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Le Parlement gagnerait beaucoup à faire du nettoyage dans nos codes plutôt que d'en ajouter.
La loi de février 2000 a été présentée par le gouvernement Jospin. Elle est largement suffisante puisqu'elle dispose que l'électricité est un produit de première nécessité. Tout est dit ! Avis défavorable.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Didier Guillaume. - Ces deux amendements sont logiques. Il faut de la cohérence au niveau européen. Les socialistes qui gouvernent certains pays sont ouverts à la concurrence. Faut-il augmenter les tarifs au motif que les prix sont bas ? Certainement pas ! Nos concitoyens ne pourront pas se permettre de payer plus cher.
Nous pouvons tous nous retrouver sur cet amendement : avec la loi Nome, l'augmentation des tarifs est inéluctable. Telle est la réalité ! Nos concitoyens auront du mal à payer la note.
M. Jean Louis Masson. - Les gens ont des droits dans tous les domaines mais aucune obligation. Il faut soutenir les familles en difficulté, non réduire les tarifs de l'électricité pour tout le monde. On ne peut continuer à encourager des générations d'assistés ! (Exclamations à gauche) Il ne faut pas dispenser les gens de payer l'eau et l'électricité, mais aider ceux qui ont des problèmes. (Nouvelles exclamations) Il faut responsabiliser les gens !
M. Didier Guillaume. - Caricature !
M. Martial Bourquin. - Ce propos me stupéfie. Je suis maire d'une ville de 15 000 habitants qui compte 1 400 chômeurs. On ne peut parler des personnes en difficulté comme vous le faites ! Il ne s'agit pas d'assistés : ils veulent travailler. Avoir accès à l'électricité, n'est-ce pas la moindre des choses ? On ne demande pas une électricité bradée mais de faire en sorte que les centrales nucléaires qui ont déjà été payées par les Français offrent une électricité à des prix bas. Avec la loi Nome, ce ne sera plus le cas.
Le pacte énergétique doit être une chance. J'aime la France ouverte, pas la France offerte ! Les industriels de Saint-Jean-de-Maurienne redoutent une augmentation des tarifs.
Je suis surpris de cette concurrence forcée qui va faire augmenter les prix ! Qu'est-ce que cette trouvaille ?
Ce ne sont pas les banquiers ni les traders qui payent les conséquences de la crise ! Ces remarques sont inadmissibles ! (Applaudissements à gauche)
M. Roland Courteau. - Monsieur Masson, un foyer modeste consacre 16 % de ses revenus à l'énergie, mais un ménage aisé, 6 % ! Combien de ménages en situation de précarité énergétique ? Plus de 3 millions de ménages ! Combien de sans emploi ? 4 200 000 personnes, dont certaines en fin de droits.
Monsieur Masson, votre tirade m'a profondément choqué ! (Applaudissements à gauche)
Les amendements identiques n°s43 et 258 rectifié bis ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°44, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne doit ni fragiliser ni remettre en cause les principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité et de sécurité sur lesquels repose le service public de l'électricité.
M. Marcel Rainaud. - La concurrence à tout crin fragilise le service public.
Au plan européen, le statut de bien public est indispensable pour assurer la sécurité de l'approvisionnement et de notre politique industrielle. Pour être crédible, toute stratégie européenne doit s'appuyer sur le service public.
M. le président. - Amendement n°257 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne doit pas fragiliser les principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité et de sécurité sur lesquels repose le service public de l'électricité.
M. Robert Tropeano. - Cet amendement est conforme à l'esprit des normes européennes.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Ces deux amendements reprennent partiellement l'article premier de la loi de février 2000, présentée par le gouvernement Jospin. C'est inutile.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Les deux amendements reprennent une loi existante. Le Sénat s'abaisserait en répétant la même chose.
M. Roland Courteau. - Sauf si c'est nécessaire...
L'amendement n°44 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°257 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'application des règles de concurrence ne fait pas échec à l'accomplissement en droit de la mission particulière qui est impartie aux entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général.
M. Martial Bourquin. - Cet amendement rappelle que l'électricité est un bien de première nécessité et qu'il relève d'une « mission particulière » au sens de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. C'est un bien commun essentiel. D'où la mission spécifique assurée par le service public. Dès lors, des dérogations aux règles de concurrence sont admises par le traité. Le peuple français n'est pas le gardien des traités, a-t-il été objecté, mais il sait les lire.
Nous demandons un moratoire sur l'application des directives, en attendant une relecture à la lumière de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. C'est ce que le Gouvernement devait demander à Mme Kroes.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Avis défavorable à ce rappel inutile du droit communautaire.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Martial Bourquin. - Dommage que le ministre ne s'explique guère. Toute la charge du texte repose sur le rapporteur.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Il est excellent.
M. Martial Bourquin. - Un ministre n'est pas la doublure du rapporteur !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Cela ne m'a pas échappé !
M. Martial Bourquin. - J'ai demandé le retour en commission car l'exception française n'a pas suffisamment été examinée. Le coût de l'énergie peut porter atteinte à la compétitivité.
M. le rapporteur dit que tout a été réglé par le Premier ministre avec Mme Kroes. Pourtant, les parlementaires doivent contrôler le Gouvernement. On ne peut balayer les objections d'un revers de la main, sauf à déplorer demain des délocalisations organisées par notre vote ! (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Dubois. - M. Bourquin évoque sans cesse la hausse à venir des tarifs.
Ce texte est imposé par une décision de justice mais je me demande s'il va assez loin puisque les tarifs restent sous contrôle gouvernemental. La solution est astucieuse.
Le montage proposé est complexe mais il n'y avait pas d'autre moyen pour préserver des tarifs concurrentiels.
Vous invoquez le CNR. Nous tentons de préserver ses acquis, malgré les décisions de justice.
Le prix actuel de l'électricité -EDF elle-même s'en plaint- est insuffisant pour financer les investissements nécessaires au maintien et au renouvellement du parc nucléaire.
M. Roland Courteau. - L'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne impose à tous les services de respecter les règles de la concurrence, sauf lorsqu'ils exercent une mission particulière. Il y a là un moyen de renégocier la directive.
L'électricité est-elle un bien comme un autre ? (« Non ! » sur les bancs socialistes) Est-elle stockable, comparable à des tomates ? (« Non ! » sur les mêmes bancs)
Passé inaperçu, l'article 106 devrait revenir à l'ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Louis Masson. - Trop d'arguments relèvent du misérabilisme. Nous ne sommes pas à l'époque de Victor Hugo ! Cessez de vouloir faire pleurer dans les chaumières.
Ne mélangeons pas tout : notre avance dans le domaine nucléaire n'a rien à voir avec le CNR puisqu'elle remonte aux décisions courageuses du gouvernement Messmer, combattues à l'époque par certains membres de l'opposition. En revanche, le Conseil national de la Résistance a institué un régime social très particulier -et coûteux- à EDF : on sait ce que coûte le fonctionnement des comités d'entreprise...
M. Jean-Jacques Mirassou. - Cette intervention est intempestive, pour ne pas dire indécente.
A l'époque de Victor Hugo, l'électricité n'était pas disponible. Faites-nous grâce de vos digressions qui s'attaquent même aux acquis de 1936 !
Cela dit, votre intervention a le mérite d'illustrer le clivage droite-gauche. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'amendement n°45 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°95 rectifié, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les filiales Électricité réseau distribution France et Gaz réseau distribution France préservent l'emploi et les compétences du service commun existant ainsi que la qualité et la sécurité du service de distribution.
M. Jean-Jacques Mirassou. - M. Masson ne sera pas content : il est question ici de ceux qui travaillent dans les services publics. Lorsque GDF et EDF ont été séparés, le Gouvernement avait promis qu'il n'y aurait pas d'effets négatifs pour le service commun.
Après les tempêtes qui ont ravagé notre pays, la remise en service difficile des réseaux a montré qu'il avait été fragilisé.
Début 2010, le nouveau patron d'EDF a qualifié de non-sens le maintien d'un service commun. Nous réaffirmons ici les obligations des filières d'ERDF et de GDF. Il est bon de faire le point sur le sujet.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - C'est en 1951 que la petite voiture bleue a été créée pour intervenir en cas de panne, qu'il s'agisse d'électricité ou de gaz. Cela n'a pas été remis en cause, même par la loi sur la filialisation exigée par les directives européennes. Il n'est pas question de le faire aujourd'hui, et le service continue à bien fonctionner mais l'amendement est maladroit puisqu'il suggère l'inverse.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Une fois de plus, l'amendement est redondant par rapport au droit positif.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Il y a quelque temps, le sommet de l'État s'était engagé à ne pas privatiser EDF. Aujourd'hui, le patron d'EDF estime que ce service commun est un non-sens.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Ce n'est pas lui qui fait la loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Devant la dégradation du service commun, sans doute faute de moyens, cet amendement est le bienvenu.
L'amendement n°95 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°148, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un bilan démocratique et contradictoire des conséquences tarifaires du processus d'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie est engagé dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
La poursuite de ce processus, et notamment l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques, est subordonnée à l'examen de ce bilan par le Parlement.
M. Jean-Claude Danglot. - La baisse des tarifs est souvent invoquée pour justifier la libéralisation des marchés, mais nous attendons toujours un début de preuve.
Dans le domaine électrique, la France bénéficie d'une politique nucléaire, toujours soutenue par le PCF.
M. Gérard Longuet. - C'est vrai. Mais pas vos amis !
M. Jean-Claude Danglot. - Ce texte organise une rivalité meurtrière entre EDF et ses concurrents, au profit de grands groupes financiers avides de profits.
Aucune concurrence ne fera baisser les prix au point de justifier le renoncement à la rente nucléaire.
Nous ne pouvons accepter que les entreprises et les particuliers fassent les frais de vos décisions. Il faut un bilan démocratique et contradictoire !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cet amendement permettrait de retarder l'examen d'une loi que vous combattez. Ne souhaitant pas ce retard, je suis défavorable à l'amendement.
L'amendement n°148, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°149, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France soumet à ses partenaires européens le projet d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures.
M. Jean-Claude Danglot. - C'est un principe démocratique, et même de bon sens qu'une mauvaise loi doit être modifiée. C'est vrai aussi pour les directives européennes, qui devraient comporter une clause de réversibilité.
Sauf à vouloir la privatisation à tout prix pour des raisons idéologiques, l'Union européenne devrait s'interroger sur les conséquences des directives.
En matière d'énergie, on ne peut persévérer dans des politiques néfastes. L'Europe souffre d'un déficit démocratique, avec des décisions irréversibles prises par on ne sait qui.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement constitue une injonction au Gouvernement. En outre, je doute de l'accueil réservé par nos 26 partenaires... Enfin, l'amendement n'a pas sa place dans ce texte.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Cet amendement marquerait la fin de l'Europe ! Avis évidemment défavorable.
L'amendement n°149 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°151, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public de l'énergie a pour objet de garantir la cohésion sociale nationale, en assurant le droit au gaz et à l'électricité pour tous, en contribuant à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire ainsi qu'à la recherche et au progrès technologique.
Mme Évelyne Didier. - Nous réaffirmons les missions du service public dans le domaine de l'énergie, qui doit respecter un équilibre entre l'économique et le social. Seul le service public peut garantir le respect de l'environnement.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement reprend en partie l'article premier de la loi du 10 février 2000. Défavorable.
L'amendement n°151, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°152, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement fixe les tarifs de l'électricité et du gaz selon des modalités qui assurent la transparence des critères retenus et associent les représentants des salariés du secteur concerné et des associations de consommateurs.
M. Gérard Le Cam. - La fixation des tarifs de l'Arenh le sera temporairement par le Gouvernement, avant de transmettre cette charge à la CRE.
Un prix trop bas conduirait au sous-investissement ; un prix excessif pénaliserait les consommateurs.
Les Français doivent pouvoir dire leur mot.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Les critères de calcul sont déterminés par la loi. Ils ne manquent donc pas de transparence. Quand la CRE les fixera : elle consultera systématiquement les entreprises les syndicats et les associations de consommateurs. Vous n'avez pas de crainte à avoir.
L'amendement n°152, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'un pôle public de l'énergie.
M. Yannick Botrel. - L'amendement permet d'échapper au couperet de l'article 40. Il est bon de défendre l'idée d'un pôle Énergie de France.
Les pays ayant privatisé commencent à renationaliser. Le secteur de l'énergie doit jouer sur les synergies au lieu de miser sur une concurrence destructrice pour servir d'abord les actionnaires -ce qui nous mènerait aux chaos.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - J'ai préféré ces explications à la rédaction de l'amendement : vous voulez refusionner EDF-GDF. Avis défavorable.
L'amendement n°41, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°46, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la qualité, la sécurité et le financement du réseau public de distribution d'électricité.
M. Roland Courteau. - La qualité du service rendu s'est dégradée ces dernières années. En mars, la CRE a désigné les principales causes, dont l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité et la dilution des responsabilités entre plusieurs entités sur le terrain. La CRE a aussi critiqué la moindre attention à l'entretien, sans oublier les investissements insuffisants sur les équipements obsolètes, et l'achat d'une société britannique à un coût qui va accroître l'endettement d'EDF. Elle a suggéré le retour à la planification des investissements -on est loin du marché !- et aussi l'ouverture du capital à des investisseurs extérieurs -ce qui est aller vite en besogne. D'où l'utilité du rapport.
M. le président. - Amendement identique n°147, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Mireille Schurch. - La déréglementation a des conséquences sur l'emploi mais aussi sur l'aménagement du territoire.
Pour le secteur privé, la main-d'oeuvre est un coût qu'il convient de réduire sans cesse. Les agents d'EDF interviennent sur des installations stratégiques et dangereuses : leur gestion ne peut être guidée par la seule rentabilité financière !
Les conditions de travail et les rémunérations doivent être à la hauteur des responsabilités. Nos collègues de l'OPECST préconisent de rendre aux lignes électriques leur caractère de bien public.
M. le président. - Amendement n°123, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Avant l'article 1er insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la qualité du réseau public de distribution d'électricité dans chaque département et les solutions envisagées pour un égal accès à l'électricité sur tout le territoire national.
M. Jean-Luc Fichet. - La région Bretagne est particulièrement vulnérable aux coupures d'électricité, et tout spécialement le Finistère, en raison d'équipements déficients.
Une étude nationale a démontré le manque d'investissement d'ERDF dans l'entretien du réseau existant, qui ne devrait pas être négligé au profit du photovoltaïque.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - En effet.
La qualité du service de l'électricité est un vrai sujet, mais nul besoin d'un rapport du Gouvernement : nous faisons notre travail en auditionnant les responsables. Nous avons entendu la nouvelle PDG d'ERDF, peu après sa nomination, et elle nous a répondu sans utiliser la langue de bois.
J'ajoute que j'ai donné un avis favorable à un amendement identique déposé par les groupes CRC-SPG, socialiste et RDSE pour qu'ERDF informe le Parlement sur ses projets d'investissements. Quand la commission a besoin d'informations, elle les obtient.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Ce texte concerne la production, pas la distribution. Attendons le rapport de la mission parlementaire avant de nous prononcer sur ce dernier point.
Les difficultés spécifiques à la Bretagne sont réelles mais les élus locaux n'ont guère soutenu l'appel d'offres tendant à y créer un nouvel outil de production.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - M. Fichet a évoqué un autre sujet : il estime qu'ERDF ne doit pas subventionner le photovoltaïque. C'est parfaitement exact.
M. Claude Bérit-Débat. - M. Le rapporteur estime que nous n'avons pas besoin d'études supplémentaires. Mais ce qui est vrai pour une région ne l'est pas toujours pour une autre. Un rapport exhaustif nous permettrait d'évaluer l'état du réseau en France.
Quand au ministre, il nous dit qu'il ne faut pas mélanger production et distribution. Mais de celle-ci on ne parle jamais !
M. Michel Sergent. - Je suis président d'un syndicat départemental. Nous avons effectivement des rapports, mais la situation est diverse dans le pays. La production, le transport et la fourniture, on y fait très attention ; la distribution est le parent pauvre. Un rapport global serait intéressant.
M. Jacques Blanc. - Il est important qu'ERDF fasse un rapport à chaque syndicat départemental d'électrification. ERDF et RTE doivent être de véritables partenaires.
Les amendements identiques n°s46 et 147 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°123 n'est pas adopté.
Article premier
Mme Mireille Schurch. - Cet article constitue le coeur de la politique énergétique du Gouvernement. On nous livre ici un véritable traité commercial. En revanche, rien sur l'emploi ni sur la recherche, ce qui n'est pas étonnant dès lors qu'il s'agit de donner des gages à Bruxelles. Rien sur la satisfaction de l'intérêt général, tout pour les intérêts privés !
Cet article soulève plusieurs questions : le risque d'une condamnation fondée sur l'existence d'une clause de destination ; l'évaluation des volumes cédés au regard des engagements pris par M. Fillon auprès de Mme Kroes ; la formation du prix ; la répercussion de l'Arenh sur les tarifs réglementés. Le prix de l'Arenh sera fixé en fonction des coûts, nous dit-on. M. Borloo a affirmé hier que la régulation serait désormais à l'amont, pas en aval. En d'autres termes, on régule pour les opérateurs privés, pas pour les consommateurs.
M. Roland Courteau. - Très juste !
Mme Mireille Schurch. - Ce projet de loi organise la mort des tarifs réglementés au mépris du droit à l'énergie pour tous, alors que la précarité énergétique gagne du terrain dans notre société ; les plus pauvres consacrent 15 % de leurs revenus à l'énergie, les plus riches 6 %. Pour répondre à ces besoins, on propose de créer un observatoire. On croit rêver !
Cet article taillé sur mesure pour les commercialisateurs ne répond pas aux besoins en termes de sécurité des approvisionnements et d'indépendance énergétique ; il va entraîner un renchérissement des tarifs, aggravant encore les inégalités. Il faut le supprimer.
M. Roland Courteau. - La clause de destination qui figure, qu'on le veuille ou non, dans ce texte résistera-t-elle au couperet du droit européen ? Nous nous interrogeons. Dans son courrier de réponse à M. Fillon -échange de lettres qu'on appelle curieusement un accord- la commissaire chargée de l'énergie estime qu'une telle clause contrevient en partie au droit de la concurrence et à l'article 29 du traité. La Commission a toujours estimé que les clauses de territorialité étaient anticoncurrentielles. Ce fut d'ailleurs le cas pour nos contrats avec l'Algérie.
Le projet de loi risque donc d'être déclaré non conforme au droit communautaire. Quand des clients allemands voudront bénéficier des mêmes tarifs qu'en France, rien ne les empêchera d'aller devant la CJCE pour contester la clause de destination.
M. Marini estime que les deux commissaires ne se sont guère engagés sur la CJCE ; mais GDF et Eon ont été condamnés en juillet 2009, un des motifs étant la clause de destination figurant dans leurs contrats avec Gazprom. L'« accord » entre M. Fillon et la Commission n'est donc pas très solide. Qu'en pensez-vous ?
M. Daniel Raoul. - Pourquoi voulons-nous une maîtrise publique de l'énergie nucléaire ? Parce que l'électricité est un bien de première nécessité. Parce que la France participe à l'objectif de réduction de 20 % des émissions de CO2 d'ici 2020 et a pris des engagements en matière d'efficacité énergétique et d'énergies renouvelables. Parce que l'expertise nucléaire française est mondialement reconnue. L'énergie nucléaire est indispensable au respect des engagements européens de la France. Pour qu'elle soit acceptée, elle doit être sûre et donc rester sous maîtrise publique.
Les énergies renouvelables doivent aussi être encouragées. Mais attention... Pour nous équiper en photovoltaïque, nous importons des produits dont le bilan carbone laisse à désirer ; tout est fait pour créer un effet d'aubaine pour les industriels. Il serait grand temps qu'une politique européenne de l'énergie voie le jour.
M. Jacques Muller. - Avec cet article, nous abordons le coeur du projet de loi. Parlons du nucléaire pour mettre à bas certaines contre-vérités.
Cette filière dite d'exception garantirait notre indépendance énergétique. Mais elle repose sur un minerai qui n'est pas inépuisable, extrait sur des territoires instables. Autant dire que la ressource nous échappe.
L'énergie nucléaire serait propre. Mais il faut du CO2 pour extraire le minerai au Niger, le transformer, traiter les centrales en fin de vie et les déchets. Certaines études allemandes montrent qu'une bonne centrale thermique à gaz en cogénération a un meilleur bilan carbone qu'une centrale nucléaire.
Le courant nucléaire serait rentable. Mais, nous n'internalisons pas certains coûts. Le prix du démantèlement est inconnu. Idem pour le traitement de déchets qui s'évaporent en Russie dans des conditions inacceptables. Les soi-disant provisions ne correspondent à rien de sérieux.
Choisir, c'est regarder l'avenir. Nous devons faire des choix stratégiques : ne pas s'en remettre à des minerais fossiles limités, éviter de mettre sous perfusion des centrales qu'on doit arrêter, préparer une sortie par étapes du nucléaire, réfléchir en termes de filières industrielles -on dépense 14,5 millions d'euros pour créer un emploi dans le nucléaire, 250 000 dans l'éolien.
Avec les 35 milliards qu'EDF se prépare à dépenser dans ses centrales, pour certaines obsolètes, on pourrait créer 140 000 emplois dans l'éolien et rattraper notre retard.
M. Claude Bérit-Débat. - L'architecture du marché dessinée par l'article premier est irréfléchie, bancale, injuste et dangereuse. Irréfléchie car le Gouvernement entend privilégier certains groupes privés au détriment de l'intérêt des Français. Le patriotisme économique a trouvé, semble-t-il, ses limites... le texte propose d'ouvrir la concurrence dans des conditions invraisemblables. Architecture bancale, aussi, parce qu'il faudra bien trouver le juste prix de l'Arenh et qu'on ne sait pas comment il le sera, ni ce qui se passera après. La loi propose un système d'accès à l'électricité nucléaire pour les fournisseurs privés -on marche sur la tête. Pourquoi faire simple et équitable quand on peut faire compliqué et injuste ?
Projet de loi injuste parce que les consommateurs vont voir le prix de l'électricité augmenter. Avec un prix de l'Arenh à 42 euros, ce sera + 11 % après la réforme et + 3,5 % par an jusqu'en 2015. En quoi la concurrence est-elle un avantage pour les consommateurs ?
Projet de loi dangereux, enfin, parce qu'il est une menace pour le service public de l'électricité. L'énergie n'est pas un luxe. Les coupures se multiplient. Après la santé et la poste, cette marchandisation du service public est insupportable.
La rente nucléaire a bénéficié aux Français. Elle sera désormais confisquée par quelques grands groupes privés. (On le confirme sur les bancs socialistes)
M. Jean Besson. - Cet article est au coeur du projet de loi : il s'agit de libéraliser le secteur de l'énergie. Voilà une nouvelle étape de la déstructuration de tout le secteur. Qui peut prétendre que l'énergie est un bien comme un autre ? Pour légitimer le texte, on convoque Bruxelles -mais on en fait plus que ce que demande la Commission.
Un quart de l'électricité serait vendu à la concurrence. Ce droit de tirage sur le parc nucléaire serait le seul moyen de préserver les tarifs réglementés et de faire bénéficier nos gros consommateurs de la compétitivité de la production française. Nous ne partageons pas cette analyse. Comment être sûr que les comportements parasitaires ne vont pas se multiplier ? Que les fournisseurs alternatifs ne vont pas vendre après 2015 leur électricité à des prix très supérieurs ?
A quel prix sera fixé l'Arenh ? Le nouveau président d'EDF considère qu'en dessous de 42 euros, c'est du pillage ; certains concurrents potentiels le verraient bien à 35...
Incertitudes, questionnements, manque de visibilité. Aujourd'hui, les consommateurs sont peu exposés à la volatilité des marchés de gros ; il en ira autrement demain. De la Nome nous passons à la Mome : la mauvaise organisation du marché de l'électricité.
« L'électricité sera si bon marché que seuls les riches pourront utiliser des bougies » a dit Edison. Il avait tort. La hausse des prix va accroître la précarité énergétique. L'enjeu n'en vaut pas la chandelle ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Fortassin. - L'intervention de M. Muller m'incite à m'exprimer. Cette loi n'est pas placée sous les meilleurs auspices. Les consommateurs français risquent d'être frappés d'une double peine : ils ont payé le parc nucléaire avec leurs impôts mais le tarif préférentiel va disparaître.
Ne faisons pas avec le nucléaire ce qu'a fait l'Allemagne, qui dit renoncer à cette filière mais achète de l'électricité nucléaire : c'est d'une grande hypocrisie.
Comme le dirait M. de la Palice, pour faire marcher les éoliennes, il faut du vent. Il n'y en a pas quand il fait très chaud ou très froid -au moment où on a le plus besoin d'énergie. Je préférerais qu'on défendît l'hydraulique, car l'eau peut être stockée. Le solaire n'est pas exempt de problèmes, il faut des étendues de panneaux très vastes. Les barrages peuvent agresser les paysages, mais les Pyrénées sont restées très belles malgré leur équipement hydraulique.
Nous avons une certaine avance dans notre pays mais je crains qu'avec les atermoiements des uns et des autres, outre un certain sectarisme, on ne perde beaucoup de temps. Enfin, je ne crois pas aux vertus de la concurrence pour faire baisser les prix.
M. le président. - Amendement n°49 rectifié, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Supprimer cet article.
M. Roland Courteau. - Selon le Gouvernement, le droit de tirage sur le parc nucléaire serait le seul moyen de préserver les tarifs réglementés tout en permettant aux gros consommateurs de bénéficier de la compétitivité de la filière. Rien n'est moins sûr, certains économistes en doutent fortement. Il n'aurait pas fallu céder à la Commission européenne. Le Gouvernement n'a pas obtenu grand-chose.
M. le président. - Amendement identique n°153, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
M. Jean-Claude Danglot. - La loi organise un hold up au profit d'intérêts privés. Le terme est fort mais justifié. La concurrence ne fonctionne pas puisque les prix de l'énergie ne baissent pas. Alors que nos concitoyens ont du mal à payer leurs factures, le Gouvernement prépare une augmentation artificielle des prix. Quelle aubaine pour les actionnaires !
Les Français ont financé le parc nucléaire ; c'est ce patrimoine que vous bradez avec notre indépendance énergétique, au seul profit d'intérêts privés.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Ces amendements sont contraires à la position de la commission.
Le dispositif de l'Arenh n'est pas issu d'un accord entre M. Fillon et la Commission, bien que le Premier ministre ait eu la sagesse de s'assurer que ce dispositif serait accepté par Bruxelles. La clause de destination est admise par Bruxelles ; les alternatifs n'auront droit à l'Arenh que s'ils vendent leur électricité sur le territoire français à des clients français. Le Gouvernement a fait valoir que notre pays n'avait pas vocation à fournir de l'électricité bon marché au reste de l'Europe.
Le contentieux européen ? Il n'y a qu'une certitude : si nous ne faisons rien, nous serons condamnés. Pour l'instant, 3 500 entreprises bénéficient du Tartam. Si le contentieux va jusqu'au bout, elles risquent gros !
L'Arenh ne vise pas à pénaliser l'opérateur historique : il ne s'agit pas de brader de l'électricité puisque tous les coûts seront pris en compte. M. Proglio souhaite un prix de 42 euros au minimum ; M. Mestrallet estime lui qu'au-dessus de 35 euros, il n'y aurait pas de concurrence. Le PDG d'EDF juge que le texte était préférable à l'incertitude actuelle. Toutes les précautions ont été prises avec l'article premier. Il n'y a pas ici ceux qui veulent sauver EDF et ceux qui souhaiteraient brader l'opérateur !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Cet article est le coeur du texte, dont l'objectif est de faire bénéficier les consommateurs français du prix de l'électricité nucléaire. Nous souhaitons aussi défendre EDF, les PME et les consommateurs. Pas de procès d'intention !
M. Roland Courteau. - Ça ne sera pas le cas !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Dans ce texte, il n'y a pas de clause de destination mais une clause de complément de prix qui jouera en fonction des volumes demandés et réellement vendus. (M. Roland Courteau le conteste) D'ailleurs, comment contrôler la vente d'électrons à l'étranger ? La clause de complément de prix est acceptée par la Commission. Acceptons que l'Union valide cet article, sans agiter de chiffons rouges.
M. Roland Courteau. - L'Arenh est destinée au consommateur final sur le territoire national. C'est là une clause de destination. Vous vous exposez aux foudres de Bruxelles. Lisez le texte !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Pour éclairer tout le monde... (Sourires) Le prix de l'Arenh est pour le consommateur français, certes, mais il n'y a pas de clause de destination puisque les opérateurs pourront vendre à l'étranger. En revanche, à la fin de l'année, on dressera le bilan et on verra ce qu'ils ont vendu en France et l'étranger. A partir de là, ils devront éventuellement payer un complément.
M. François Fortassin. - Vous avez essayé de nous éblouir mais vous ne nous avez pas éclairés ! (Sourires)
Les amendements identiques nos 49 rectifié et 153 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°154, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger ainsi cet article :
Avant le 30 décembre 2010, un rapport contradictoire est remis au Parlement, afin d'étudier les différentes modalités de constitution d'un pôle public de l'énergie.
Ce rapport analyse également la plus-value que peut constituer un tel outil pour répondre aux objectifs de la politique énergétique en termes d'indépendance énergétique, de sécurité et sûreté des installations et des réseaux.
M. Jean-Claude Danglot. - Encore une fois, nous demandons que l'on examine sérieusement la constitution d'un pôle public de l'énergie. Aucun bilan des lois passées, qui n'ont eu d'autre objectif que le démantèlement du service public, n'a été dressé, malgré les difficultés manifestes de l'accès à l'énergie pour nos concitoyens défavorisés.
Vous voulez aujourd'hui obliger EDF à vendre son énergie nucléaire au prix coûtant. A qui profite le crime ?
Nous n'avons jamais souscrit à la guerre fratricide opposant EDF à GDF. Rien n'interdit de créer un grand service public de l'énergie. Le groupe que nous appelons de nos voeux pourrait affronter l'ouverture à la concurrence, tout en assurant des missions de service public.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Nous refusons la fusion d'EDF et GDF, même déguisée. Avis défavorable.
L'amendement n°154, repoussé par le Gouvernement,n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 2
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. - 4-1. - I. - Sous réserve d'une étude d'impact préalable transmise aux commissions compétentes du Parlement sur le niveau d'investissement pour l'entretien, la maintenance et le développement des réseaux et afin d'assurer la liberté...
M. Michel Teston. - Cet amendement subordonne la mise en place de l'Arenh à une étude d'impact. L'accès régulé à l'électricité nucléaire historique étant mis en place pour accroître la concurrence sur le marché de l'électricité, il faut préalablement s'assurer que la qualité du réseau n'en pâtira pas.
Les exemples étrangers démontrent que l'ouverture à la concurrence dégrade la qualité du service : méditez l'exemple californien, avec les malversations d'Enron. Un échec semblable a été observé en Grande-Bretagne avec les chemins de fer, autre entreprise de réseau, avec la multiplication d'accidents dramatiques.
M. le président. - Amendement n°51, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 2
Au début, insérer les mots :
Sous réserve d'une étude d'impact préalable transmise aux commissions compétentes du Parlement sur les prix de l'électricité et
M. Claude Bérit-Débat. - Cet amendement concerne l'incidence du texte sur les prix. La nouvelle organisation du marché ne devrait pas précéder l'étude de ses effets. Quelque 3,5 millions de ménages peinent à régler leurs factures d'énergie, qui absorbent jusqu'à 16 % de leur budget.
Qu'arrivera-t-il si les tarifs s'envolent ? Les foyers modestes seront les plus touchés. La fin du Tartam ne présage rien de bon pour les entreprises, notamment les PME. Tout cela pourrait induire de nouvelles délocalisations, ce qui pénaliserait nos concitoyens une nouvelle fois frappés par la hausse du chômage.
M. le président. - Amendement n°155, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 2
Remplacer les mots :
la liberté de choix du fournisseur d'électricité tout en faisant bénéficier l'attractivité du territoire et l'ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électro-nucléaire français
par les mots :
les bénéfices des fournisseurs d'électricité en tirant parti de l'attractivité du territoire et de la compétitivité du parc électro-nucléaire français au détriment des consommateurs
M. Gérard Le Cam. - L'article premier met en place l'Arenh, mais pour une période transitoire. Les fournisseurs alternatifs pourront ainsi bénéficier des bas prix de revient du nucléaire, profitant ainsi d'un avantage concurrentiel financé par les citoyens français.
Quelles garanties d'une baisse des factures énergétiques ? Aucune. Au contraire, EDF devra relever ses tarifs. En réalité, vous prévoyez le démantèlement de l'opérateur public au profit des intérêts privés. (M. le ministre et M. le rapporteur le contestent)
M. le président. - Amendement n°108, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 2
Après le mot :
compétitivité
insérer les mots :
et de la sûreté
M. Martial Bourquin. - La compétitivité du secteur nucléaire s'apprécie en fonction de nombreux facteurs. L'article 106 du traité de Lisbonne permet de faire prévaloir les Sieg pour obtenir un meilleur accord avec Bruxelles puisque la concurrence « libre et non faussée » a disparu dans la nouvelle rédaction du traité.
La concurrence a provoqué de graves dysfonctionnements aux États-Unis et en Europe. Pourquoi suivre ce chemin ? Mieux vaut dialoguer sur la base de l'article 106.
La France doit être ouverte, pas offerte ! A Bruxelles, nous avons constaté qu'il était difficile de faire admettre des arguments de bon sens.
M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 2
Après le mot :
français
insérer les mots :
conformément à l'accord obtenu le 26 novembre 2002 au conseil des ministres européens de l'énergie,
M. Roland Courteau. - La libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz au 1er juillet 2007 a été suivie une flambée des prix. Pour M. Birraux, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, seul un idéologue bruxellois peut avoir une foi aveugle dans le marché et s'imaginer que le consommateur aura le droit de choisir !
Il a fallu attendre mars 2007 pour qu'une stratégie européenne soit définie, et ce n'est qu'en 2011 qu'elle sera adoptée.
Ce texte ne propose aucune politique énergétique européenne commune. Dans ces conditions, comment le Gouvernement pourrait-il défendre à Bruxelles une politique efficace d'investissement alors qu'il la décourage au niveau national ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Les amendements nos50, 51 et 155 refusent ce projet de loi, pour des raisons diverses.
Je partage vos préoccupations sur l'entretien et le développement du réseau mais une étude d'impact ne doit pas servir de prétexte pour retarder l'adoption de la loi Nome.
Il en va de même pour le prix de l'électricité, qui n'est d'ailleurs pas fixé par ce texte. (M. le ministre le confirme)
M. Le Cam propose d'aller plus loin puisqu'il soupçonne le Gouvernement de favoriser les opérateurs alternatifs au détriment des consommateurs. Ce n'est pas gentil ; c'est inexact et cela néglige le fait que ces opérateurs sont des entreprises qui emploient des salariés.
La loi de 2006 est très exigeante en matière de sûreté nucléaire. Il est inutile de la reprendre : avis défavorable à l'amendement n°108.
Enfin, quel serait la portée juridique de l'amendement n°52 ? La décision d'ouvrir le marché de l'électricité a été prise en mars 2002 lors du Conseil de Bruxelles, M. Chirac étant Président de la République et M. Jospin Premier ministre. Ne réécrivez pas l'histoire ! (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Même avis sur l'ensemble des amendements.
M. Claude Bérit-Débat. - Nos amendements demandent des études d'impact. Sur le fond, fixer le prix sans prendre en compte l'entretien des réseaux expose à des catastrophes comme celles qu'ont connues la Californie et le Royaume-Uni.
Sur la forme, vous nous renvoyez sans cesse aux 22 mètres parce que vous trouvez nos conceptions antiéconomiques : je vous donne rendez-vous dans quelques années ! Vous constaterez, avec retard, que nous avions raison.
M. François Fortassin. - L'amendement défendu par M. Teston porte sur les réseaux, aujourd'hui les mieux entretenus du monde.
Pour 100 euros payés au titre de l'électricité, 7 à 8 vont aux syndicats intercommunaux et 45 à ERDF. Quelles garanties avons-nous que demain, ERDF pourra encore entretenir les réseaux ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Ce n'est pas l'objet de la loi.
M. François Fortassin. - La facture restera-t-elle partagée ?
M. Martial Bourquin. - Monsieur le rapporteur, mon amendement n'est pas hors sujet, puisqu'il affirme que le nucléaire n'est pas un bien comme les autres. Cela permet d'invoquer l'article 106 pour renégocier.
Vous dites que la loi Nome apporte la moins mauvaise façon de satisfaire Bruxelles. On pourrait accepter l'argument s'il ne s'était rien passé depuis 2000. Or, le monde est encore plongé dans une crise provoquée par le libéralisme sauvage. Ce n'est donc pas le moment de l'introduire dans le domaine de l'électricité.
Voyez les conséquences subies par les pays qui ont libéralisé leur marché.
M. Martial Bourquin. - L'article 106 permet de revenir sur la mise en concurrence. Le sujet mérite un débat de fond, non des arguties ou des réponses cavalières.
M. Roland Courteau. - J'ai cru comprendre que Mme Fontaine s'était bornée à une simple communication en Conseil de l'énergie. Dans ce cas, quand l'ouverture du marché des ménages à la concurrence a-t-elle été décidée ? Certainement pas au sommet de Barcelone, puisque MM. Chirac et Jospin avaient obtenu notamment le préalable d'une directive-cadre sur les Sieg !
L'amendement n°50 n'est pas adopté, non plusque les amendements n°s51, 155, 108 et 52.
M. le président. - Amendement n°156, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
ou des gestionnaires de réseaux
par les mots :
et aux gestionnaires de réseaux
II. - En conséquence, alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes
M. Gérard Le Cam. - L'article premier dispose qu'une partie de l'Arenh devrait couvrir les pertes de réseau. Comment calculer les volumes retenus ? Pourquoi réserver cette part aux opérateurs privés ?
La CRE a souligné l'incidence des charges correspondantes. Son rapport de 2010 préconise d'attribuer une partie de l'Arenh aux gestionnaires de réseau, ce que la commission Champsaur souhaitait aussi.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Aujourd'hui, RTE et ERDF compensent leurs pertes en partie auprès d'EDF, pour le reste sur le marché libre.
Le texte dispose que RTE et ERDF pourront reporter toutes les pertes sur l'Arenh, ce qui atténue le coût final. Cela signifie que le marché de gros en France sera très modeste par rapport à l'Allemagne et à la Grande-Bretagne. Le prix sera donc fixé à l'étranger...
Avis défavorable à l'amendement.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - La crainte de spéculations tient à la peur que les nouveaux opérateurs privés absorbent la totalité de l'Arenh.
Mais je vous rappelle qu'ils devront annoncer le nombre de leurs clients en France. Ce dispositif évitera une précipitation excessive sur l'Arenh, ce qui exclut le risque envisagé par les auteurs de l'amendement.
S'agissant des marchés de gros, les analyses divergent : certains pensent qu'ils pourraient se développer, d'autres l'inverse ; c'est pourquoi le texte prévoit une éligibilité progressive par tiers sur ces droits.
L'amendement n°156 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°259 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'électricité de base est l'électricité produite ou consommée sous la forme d'une puissance constante tout au long d'une année.
M. Robert Tropeano. - Il convient de définir avec précision la notion d'électricité de base.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cet amendement n'a plus lieu d'être puisque l'article a été réécrit par l'Assemblée nationale.
L'amendement n°259 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°157, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
chargé de l'énergie
supprimer la fin de cette phrase.
Mme Mireille Schurch. - La politique énergétique doit être conduite par le ministre en charge de l'énergie, non par la CRE. Les compétences exorbitantes dévolues à cette commission ne doivent pas dédouaner le ministre de ses responsabilités.
J'ajoute que l'accès à un bien de première nécessité est un sujet politique par nature.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - La directive « 3e paquet énergie » exige que les régulateurs aient toujours plus de pouvoir en matière de transport et d'interconnexion. L'amendement est incompatible avec ce texte.
Le 15 août, la CRE a proposé une hausse, acceptée par le Gouvernement car elle correspondait à un vrai besoin. Avis défavorable.
L'amendement n°157, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°54, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Alinéa 6
Remplacer les mots :
d'une durée d'un an
par les mots :
annuelles ou pluriannuelles dans une limite de 3 ans, les cessions pluriannuelles étant conditionnées par les contrats pluriannuels de même durée avec des consommateurs finals
M. Roland Courteau. - Les acteurs économiques ont besoin de visibilité mais aussi de stabilité dans la formation des prix. Tel est bien l'objet des contrats pluriannuels. Encore faut-il qu'ils ne soient pas considérés par Bruxelles comme des obstacles à la concurrence...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Les bénéficiaires du Tartam notamment soutiennent ce point de vue, ce qui est logique.
Hélas, le mécanisme de l'Arenh l'exclut, mais sans interdire pour autant les contrats pluriannuels. Au demeurant, la clause de revoyure permettra sans doute de revenir sur ce sujet. Avis défavorable aujourd'hui.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Cet amendement très important aborde un débat de fond.
Les industriels réclament une visibilité triennale. Je ne partage pas cette analyse car la solution comporte de nombreux inconvénients, à commencer par une ruée sur l'Arenh. Mais le deuxième inconvénient est plus grave encore : le mécanisme évoqué pour un an est un mécanisme de base ; en fait, nous voulons surtout inciter les nouveaux entrants à conclure des contrats de gré à gré avec EDF, qui seront pluriannuels.
M. Claude Bérit-Débat. - Je comprends mal les objections du rapporteur et celles du ministre.
L'amendement émane d'élus locaux en phase avec la réalité du terrain. Tous les chefs d'entreprise ont besoin de visibilité. Or, le nouveau régime conduit au renchérissement de l'électricité, véritable prime à la délocalisation.
M. Jean-Jacques Mirassou. - J'évoquais tout à l'heure l'effet pervers du projet de loi sur l'aménagement du territoire et sur la politique industrielle. M. le rapporteur nous dit que cet amendement ne peut être voté : cela signifie que le texte n'est pas bon !
M. le ministre espère qu'EDF « historique » pourra capter le marché des nouveaux entrants. Nous sommes donc au milieu de gué : manifestement, vous subissez cette loi et nous faisons la preuve de son inefficacité.
M. Martial Bourquin. - Nous sommes au coeur du débat concernant la question industrielle. L'industrie a besoin de visibilité à moyen terme. Lorsque nous avons été en Rhône-Alpes, les industriels que nous avons rencontrés nous ont dit leurs craintes. Ne parlons même pas des électro-intensifs ! Pour eux, 2014, c'est quitte ou double. Il y a eu les états généraux de l'industrie où l'on a dit qu'après la crise, il fallait retrouver un socle industriel compétitif et voilà que la loi Nome le fragilise.
Voilà une contradiction fondamentale ! La pluriannualité est la moindre des choses. Essayons de sauver les meubles. Vous refusez nos amendements de bon sens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Nous ne capitulons devant personne. Cet article ne conduit pas à une augmentation des prix. (On en doute à gauche) Une PME pourra bien évidemment souscrire un contrat d'un an ou de quinze ans avec le fournisseur historique ou un nouvel entrant. C'est la relation contractuelle entre EDF et le nouvel entrant qui ne durera qu'un an.
Pour les entreprises, le prix sera indexé sur l'Arenh. Connaissez-vous aujourd'hui une entreprise qui connaît le prix de son énergie sur quinze ans ? Non !
M. Martial Bourquin. - Sur trois ans, si !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Nous ne souhaitons pas une durée de trois ans car si demain, les nouveaux entrants ont un contrat avec EDF sur trois ans, comme ils ne sauront pas combien de clients ils auront, ils vont s'assurer l'Arenh. C'est pourquoi il est préférable de rebattre les cartes chaque année.
L'Arenh interviendra en l'absence d'accord entre le nouvel entrant et EDF, mais la stratégie encouragée est celle des contrats de gré à gré.
M. Martial Bourquin. - C'est une usine à gaz !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Oui, c'est compliqué. Le marché électrique est un marché complexe et nous voulons à la fois protéger les consommateurs français et satisfaire répondre aux exigences de la Commission européenne.
L'amendement n°54 n'est pas adopté.