Questions cribles sur les collectivités territoriales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles sur les collectivités territoriales. J'appelle chacun au respect de son temps de parole.
M. Jean-François Voguet. - Ni le Président de la République, ni les députés de la majorité n'ont annoncé lors de leurs campagnes électorales une réforme des collectivités territoriales, pas plus d'ailleurs que le Premier ministre lors de son discours d'investiture. Cette réforme va pourtant bouleverser le paysage institutionnel de notre République sans que le peuple ne soit consulté. Les Français doivent savoir que le Sénat et les associations d'élus ont fait des propositions qui n'ont pas été retenues ; ils doivent savoir que la fin des communes et des départements est programmée, de même que l'exception française et le pluralisme fondé sur une démocratie locale animée par des millions de nos concitoyens et des milliers d'élus.
L'attaque est si frontale qu'aucune association d'élus n'y est favorable et que nombre d'élus de la majorité sont troublés, comme l'illustrent leurs réactions au Congrès des maires. C'est pourquoi le Gouvernement louvoie pour masquer son objectif de recentralisation et de réduction des services publics locaux ; c'est pourquoi il découpe sa réforme en cinq projets de loi et commence par étrangler financièrement les collectivités locales en supprimant la taxe professionnelle. Après avoir réduit leurs ressources, il nous demandera de réformer les institutions, puis, à la fin seulement, de débattre de leurs compétences. C'est pourtant par cela qu'il aurait fallu commencer. (On approuve vivement à gauche)
Ma question est simple, monsieur le ministre. Êtes-vous prêt à remettre l'ouvrage sur le métier, comme vous le demandent toutes les associations d'élus ? (Applaudissements à gauche)
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - J'avais prévu de répondre à toutes les questions, mais le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a décidé de consacrer l'intégralité de ses questions d'actualité aux collectivités territoriales ; je serai contraint de vous quitter, n'ayant ni le don d'ubiquité, ni le pouvoir de coordonner l'activité des groupes politiques de l'opposition...
A mon tour de vous poser une question simple : pensez-vous sincèrement que le statu quo est tenable ? L'enchevêtrement des compétences et la confusion institutionnelle actuelle suscitent l'incompréhension de nos compatriotes et des élus eux-mêmes. (Exclamations à gauche) On ne peut faire comme si cet empilement de structures n'existait pas, comme si la taxe professionnelle n'était pas cet impôt imbécile dont parlait François Mitterrand, qui pèse sur l'investissement et l'emploi. Il est temps de réformer, il est temps de ne plus laisser filer le nombre d'emplois dans les collectivités territoriales (vives protestations à gauche), 36 000 en plus en 2007 indépendamment des transferts de compétences. (Mêmes mouvements) Il faut simplifier, rendre notre architecture institutionnelle plus lisible. La création du conseiller territorial y contribuera. (Exclamations à gauche)
M. Jean-Pierre Sueur. - Il contribuera à la confusion !
M. Brice Hortefeux, ministre. - Entre le statu quo et la réforme, nous avons choisi. (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)
M. Jean-François Voguet. - Nous ne sommes pas favorables au statu quo et vous ne nous avez pas convaincus. Le Premier ministre a été clair : il a déclaré que les collectivités locales devaient réduire leurs dépenses et qu'à défaut le Gouvernement les y contraindrait. C'est le Président de la Cour des comptes qui a vendu la mèche, en soutenant que « la proximité est un appel à la dépense » ; voilà pourquoi vous voulez éloigner les centres de décisions. Ce sont bien les services publics locaux qui sont visés, notre démocratie locale qui est attaquée. De plus en plus de citoyens et d'élus le comprennent. C'est sans doute pourquoi le Président Sarkozy n'a pas osé aller devant le Congrès des maires de France défendre sa réforme ! (Applaudissements à gauche où l'on entend : « courage, fuyons ! »)
M. Hervé Maurey. - Le Sénat va examiner prochainement la réforme des collectivités territoriales, ce qui me réjouit, mais dont l'ambition même suscite des inquiétudes. (On renchérit vivement à gauche) Les petites communes tout particulièrement redoutent de disparaître et voient dans le mode de scrutin proposé un risque de politisation. Elles s'inquiètent de la disparition des financements croisés, surtout lorsqu'elles entendent, comme dans mon département, le président du conseil général prédire à chaque inauguration la fin des subventions et donc des investissements. Leurs élus se demandent ce que veut dire « la part significative demandée à la collectivité maître d'ouvrage ». La création du conseiller territorial fait craindre une professionnalisation des élus, tandis que la suppression de la taxe professionnelle inquiète.
Comment comptez-vous rassurer les élus (exclamations et marques d'ironie à gauche), sachant qu'une telle réforme requiert un minimum d'adhésion ? Pourquoi votre projet de loi ne prévoit-il pas le véritable statut de l'élu local qu'on nous promet depuis des décennies ? Il est d'autant plus nécessaire avec le risque déjà évoqué de professionnalisation et permettrait une bonne diversité socio-économique comme le renouvellement des élus.
M. Guy Fischer. - Quand parlera-t-on des compétences ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - La réforme des collectivités territoriales ne se fera pas contre les élus (vives exclamations à gauche) mais avec eux. (Marques d'approbation à droite) Je salue ceux qui sont aujourd'hui présents dans les tribunes du Sénat. Le texte a donné lieu à une large concertation (on le nie à gauche) et à des dizaines d'heures de réunion avec les responsables des associations d'élus. Certaines de leurs remarques ont déjà été prises en compte, et le Parlement pourra encore enrichir la rédaction, notamment le Sénat qui a vocation à représenter les collectivités locales.
La réforme se fait ainsi avec les élus et pour les élus. (On le nie vigoureusement à gauche, où les protestations enflent au point de couvrir la voix de l'orateur) L'abaissement du seuil à 500 habitants a fait l'unanimité au sein de l'Association des maires de France : toutes les communes d'un EPCI auront ainsi au moins un siège. La création de services communs sera facilitée et les conventions de mise à disposition de services seront sécurisées. Le statut de l'élu local sera amélioré. (Exclamations à gauche) Je n'oublie pas la création du conseiller territorial ... (Les exclamations couvrent la voix de l'orateur)
M. Yves Détraigne. - Vous dites que la réforme se fera avec les élus locaux et pour eux, sauf que nous débattrons des ressources avant les compétences. (Applaudissements sur les bancs socialistes) J'ai bien noté vos propos ; je vous suggère d'en faire part à votre collègue M. Woerth, avec lequel nous examinerons cette semaine une réforme de la fiscalité locale, de sorte qu'il tienne réellement compte de ce que souhaitent les élus locaux. (Applaudissements au centre et sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Un point m'a particulièrement interpelé à la lecture du projet de loi réformant les collectivités territoriales : la création de « communes nouvelles ». (Marques d'approbation à gauche) Dès lors que les intercommunalités ont mis en commun les compétences stratégiques et la taxe professionnelle, il n'y a pas lieu de fusionner les compétences de proximité qui restent l'apanage des communes. Pourquoi revenir à l'esprit de la loi Marcellin de 1971...
M. Jean-Pierre Sueur. - Loi funeste !
M. Jean-Pierre Chevènement. - ...qui a connu le succès que l'on sait ? Y aurait-il là une sorte de prédisposition génétique ? Les 26 000 EPCI ont remédié à l'émiettement communal.
Vous alléguez le volontariat des communes. Au sein des EPCI existants, la règle de la majorité qualifiée s'applique, les deux tiers de communes pesant plus des deux tiers de la population ; mais où est la protection pour le tiers restant ? La population, dites-vous, se prononcera à « la majorité absolue des suffrages et avec seulement le quart des inscrits » ; mais cette règle ne protège pas les petites communes, dès lors que la ville centre et les communes de première couronne auront décidé d'absorber, par exemple, celles de la deuxième. La loi de 1999 avait retenu une solution simple et pratique.
Votre réforme est inutile et dangereuse, elle laisse penser que la démocratie communale est un luxe, que 2 600 communes doivent à terme remplacer les 36 000 communes existantes.
Ce serait un coup très grave porté au bénévolat de 500 000 conseillers municipaux, à la disponibilité de dizaine de milliers de maires et de maires-adjoints et à l'esprit de solidarité qui maille encore le pays. Pourquoi inciter par des dispositions fiscales la transformation de ces EPCI en communes nouvelles ? (Applaudissements à gauche et sur divers bancs au centre)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le projet de loi substitue un nouveau dispositif de fusion des communes plus simple, plus souple et plus incitatif à l'ancien issu de la loi dite Marcellin du 16 juillet 1971 qui s'est révélée peu efficace.
Ce dispositif repose donc sur le volontariat. Il s'applique à des communes contiguës appartenant, mais pas obligatoirement, à un EPCI à fiscalité propre. Ces communes pourront fusionner pour devenir une seule nouvelle commune, soumise aux mêmes règles de droit que les autres communes. Ainsi, les communes qui ont atteint un niveau d'intégration suffisamment fort dans le cadre de l'intercommunalité qui vous est si chère, pourront aller plus loin et fusionner si elles le souhaitent. (M.Jean-Patrick Courtois applaudit)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Vous avez mal lu votre projet de loi ! Il ne s'applique pas qu'aux communes contiguës, mais aux EPCI. Le référendum qui sera organisé ne sera pas protecteur : il faudra simplement 25 % des inscrits pour entériner la fusion, c'est-à-dire l'absorption des petites et des moyennes communes par la grande ! (M. Jean-Pierre Michel applaudit) Les communes déléguées seront laissées à la discrétion des conseils municipaux des communes nouvelles : cette réforme n'est donc pas protectrice : vous semblez vouloir aller vers une France de 2 600 communes ! (Applaudissements sur divers bancs au centre et à gauche)
M. Alain Lambert. - Je vais essayer de poser une question consensuelle. (Exclamations dubitatives à gauche) La réforme territoriale doit être l'occasion de lever la plupart des malentendus qui se sont accumulés depuis tant d'années et qui altèrent la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Reprocher aux collectivités d'être trop dépensières n'est pas juste...
M. Roland Courteau. - Il a raison !
M. Alain Lambert. - ...et ne permettra pas de renouer la confiance alors que celles-ci réalisent 73 % de l'investissement public civil et qu'elles participent, à votre demande, au plan de relance. A la lecture des « bleus » de votre ministère, on s'aperçoit que l'indicateur de performance pour mesurer l'efficacité des services déconcentrés fait référence à l'effet de levier de la dépense étatique. En d'autres termes, vous sollicitez en permanence les collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très juste !
M. Alain Lambert. - Monsieur le ministre, je crois en la volonté sincère du Gouvernement de clarifier et de renouer la confiance entre l'État et les collectivités locales. Il y va de l'efficacité de l'action publique au service des Français.
Estes-vous prêt, monsieur le ministre, à dessaisir, et j'insiste sur le terme, les administrations centrales des domaines de compétence transférés ? Êtes-vous prêt à faire confiance aux collectivités comme partenaires de l'État à part entière pour mener l'action publique sur le territoire ?
Quand j'aurai une réponse à ces questions, je pense que beaucoup de malentendus sur l'enchevêtrement des compétences auront été levés. (Applaudissements sur divers bancs à gauche et à droite)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est particulièrement attentif à un principe simple : associer le plus possible nos collectivités territoriales aux décisions qui les concernent et qui ont des conséquences sur leurs dépenses.
M. Jean-Pierre Michel. - De la haute couture pour le fils Guéant dans le Morbihan !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Vous le savez d'autant plus, monsieur le sénateur, que vous présidez la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN). Le 1er octobre, elle avait examiné en seize réunions quelque 183 textes règlementaires, ce qui est considérable. Grâce à cette commission, les administrations centrales ont désormais l'obligation de justifier chacun de leur texte à l'aune de leurs conséquences pour les collectivités territoriales. Je souhaite que l'effort soit poursuivi : M. le Premier ministre a donné une réponse favorable à votre demande de voir la CCEN traiter le flux, mais aussi le stock des normes. Il a chargé nos services de proposer une méthode et ils y travaillent en ce moment même.
Je partage votre appréciation sur la tendance encore trop marquée des administrations centrales à intervenir comme prescripteur sur les dépenses des collectivités. L'article 72 de la Constitution prévoit depuis 2003 que les collectivités doivent disposer d'un véritable pouvoir règlementaire pour l'exercice de leurs compétences.
J'ai également pris note des observations récentes de la Cour des comptes sur la décentralisation mais, dans de nombreux domaines, les collectivités restent demandeuses de normes édictées par le législateur ou par le pouvoir règlementaire national.
La définition des compétences des collectivités doit s'accompagner d'une réflexion sur la gouvernance de ces mêmes compétences.
M. Alain Lambert. - Notre conception de la République est en question. Je vous ai demandé si le Gouvernement était prêt à dessaisir les administrations centrales des missions transférées. C'est une obligation ! Si nous ne le faisons pas, les administrations centrales continueront de prescrire et les collectivités locales paieront. Le malentendu perdurera ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur divers bancs au centre et à droite) Dessaisissez les administrations centrales ! Ce sera la révolution copernicienne de la République nouvelle ! Ayez le courage de le faire : vous serez suivis par tout le monde. (Applaudissements sur divers bancs à droite et au centre)
M. Michel Boutant. - Je déplore le départ du ministre de l'intérieur alors que le Sénat est le représentant des collectivités locales ! (Vifs applaudissements à gauche)
Je voudrais rebondir sur un lapsus commis par notre collègue Bruno Sido devant les 2 500 conseillers généraux réunis au Palais des congrès. Voulant parler de réforme territoriale, il a parlé de « déforme territoriale » (sourires) ; de déforme à déformation, il n'y a qu'un pas. La déformation de l'organisation territoriale que vous proposez va offrir un curieux avenir aux régions, aux départements et aux communes tant appréciés par nos concitoyens : ainsi, un récent sondage -on aime beaucoup les sondages à l'UMP- indique que 82 % des Français sont attachés au département. Ces territoires font partie de notre identité nationale : ils sont des repères au même titre que le drapeau, l'hymne national, la devise de la République ou certains grands hommes comme Victor Hugo ou Pasteur.
M. Adrien Gouteyron. - N'importe quoi !
M. Michel Boutant. - Vous qualifiez cette organisation territoriale d'archaïque et de dépassée. Les autres repères qui fondent notre identité nationale sont-ils, eux aussi, dépassés ? Ne trouvez-vous pas qu'il y a une contradiction entre le débat que vous organisez sur l'identité nationale et la réforme des collectivités territoriales ?
Que répondez-vous aux départements et aux conseillers généraux et régionaux, futurs conseillers territoriaux, quant à la réduction de leurs effectifs et à l'augmentation de leur charge de travail ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Il est difficile de reprocher au ministre de l'intérieur d'être parti alors que votre propre groupe a organisé à l'Assemblée nationale une séance de questions cribles qui porte sur la réforme des collectivités. M. le ministre de l'intérieur n'a pas le don d'ubiquité. Ce reproche est excessif ! (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)
Vous avez mélangé beaucoup de thèmes. Notre réforme s'articule autour de quatre axes : la rénovation de l'exercice de la démocratie, qui passe par la création des conseillers territoriaux et par l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires. C'était un voeu de toutes les collectivités.
M. François Rebsamen. - C'est vrai !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - En outre, les structures vont être adaptées à la diversité des territoires : le Gouvernement a souhaité remplacer le système de fusion des communes de la loi Marcellin. En troisième lieu, cette réforme va permettre de développer l'intercommunalité...
M. Jean-Pierre Bel. - Vous ne répondez pas à la question !
M. Daniel Raoul. - Ca n'a rien à voir !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...ainsi que la clarification de leurs compétences (Les exclamations prolongées à gauche couvrent la voix de l'orateur)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce n'est pas la question !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Ce n'est peut-être pas la question, mais c'est ma réponse ! (Applaudissements et rires à droite, exclamations indignées à gauche)
M. Yves Daudigny. - Cette réponse montre tout le mépris que vous portez aux élus dont vous voulez réduire le nombre. Vous caricaturez, à moins que vous ignoriez, l'engagement personnel, le travail, la faculté d'écoute de ces élus. Vous aller créer un nouvel élu, l'EGM, l'élu génétiquement modifié, quatre jambes deux cerveaux, qui n'apportera rien à notre pays en matière de démocratie, de parité, de proximité, d'efficacité et de cohérence de l'action publique ! (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je souhaite obtenir des éclaircissements sur la place de la commune dans la nouvelle carte de l'intercommunalité, qui nécessite plus de simplicité, d'efficacité et de visibilité
Quelles seront les marges de manoeuvre dont disposeront les communes pour rejoindre ou non une intercommunalité ? Pour que cette réforme soit un succès, il est indispensable de pérenniser l'autonomie des communes. C'est un gage de démocratie locale important, la commune étant l'échelon administratif le plus proche et le plus à l'écoute de la population.
Je suis opposée à ce qu'une commune puisse être absorbée par une communauté d'agglomération contre son gré. Le principe du volontariat doit rester de mise en toute circonstance, comme le veut le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. (M. Jean-Pierre Michel applaudit)
La population touristique devrait également être prise en compte dans l'appréciation des seuils de création ou de transformation en communauté d'agglomération dans le calcul de la DGF. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - la réforme vise à achever...
M. Charles Gautier. - C'est le mot ! (Rires à gauche)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...la couverture du territoire par les EPCI à fiscalité propre et à rationaliser leurs périmètres d'ici fin 2013. Ces deux objectifs sont consensuels. L'extension des pouvoirs du préfet en matière d'EPCI n'est pas prévue, si les regroupements se font à l'initiative des communes et de leurs groupements. Les mécanismes exceptionnels vaudront seulement pour 2012 et 2013. La réforme est strictement encadrée. Je vous signale que l'intégration contre son gré d'une commune dans un EPCI à fiscalité propre existe déjà.
Les communes conserveront leur autonomie et les mécanismes exceptionnels, qui respectent le principe de libre administration, ne seront qu'un dernier recours. Il n'est pas prévu de modifier le seuil de 50 000 habitants pour une communauté d'agglomération. La DGF tient déjà compte des résidences secondaires, donc de la population touristique. L'Insee procède à une actualisation du recensement de ces résidences et la dotation de 2010 la reflètera.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je ne suis pas totalement rassurée. (Rires et applaudissements sur les bancs socialistes) Les orientations de la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) dépendent de la composition de cette instance ! Pour avoir vécu une intégration forcée, je vous le dis, nous ne sommes pas prêts à vivre cela une seconde fois ! Je ne crois pas que le préfet soit lié par l'avis de la CDCI ; c'est vous qui allez donner les instructions. Je compte en tout cas sur les actualisations par l'Insee pour que notre communauté de communes parvienne à 50 000 habitants et qu'elle devienne communauté d'agglomération.
M. François Patriat. - Mme Lagarde, après avoir vilipendé les élus locaux, s'en est prise dimanche aux collectivités, qualifiées de « féodalités que l'État n'a plus lieu de financer ».
M. Jean-Pierre Sueur. - Scandaleux.
M. François Patriat. - Vos deux projets de loi sont marqués par l'improvisation, la précipitation, la recentralisation punitive. (On le confirme à gauche) Construit-on une maison sans réfléchir d'abord à son utilité ? (« Bien sûr que non ! » sur les bancs socialistes) Construit-on une voiture sans définir d'abord les caractéristiques du moteur ? (Même mouvement) Déterminons les compétences et le périmètre, ensuite nous examinerons les moyens. Les entreprises de réseau devront demain financer les collectivités locales. La région Bourgogne qui finance le TER demandera une rallonge à la SNCF, laquelle lui en demandera une ensuite. C'est une automutilation d'une ressource qui n'existe pas.
Les collectivités perdront leur autonomie fiscale ; elles recevront une part de la valeur ajoutée, votée par le Parlement, et une dotation hypothétique versée par les entreprises de réseau. Le ministre des relations avec le Parlement a reconnu en privé samedi qu'il n'y aurait plus d'autonomie. Nous aurons un budget affecté : plus besoin d'élus ; demain, le préfet pourra affecter les crédits ! Nous allons entrer dans l'an I de la recentralisation. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - C'est maintenant que la taxe professionnelle doit être supprimée, pour consolider la sortie de crise, car cet impôt pénalise durement les entreprises. En dix ans, la France a perdu 500 000 emplois industriels. (« Rien à voir ! » sur les bancs socialistes) Notre pays est le seul dans ce cas.
M. Yannick Bodin. - Essayez de répondre à la question !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement s'est engagé à ce que 2010 soit une année neutre pour les collectivités.
M. Bernard Frimat. - Et après ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Cette année sera mise à profit pour effectuer des simulations, pour chaque commune, chaque collectivité. Notre projet est parfaitement cohérent. La première étape concerne le volet institutionnel, la création des conseillers territoriaux et les quatre projets de loi adoptés en conseil des ministres le 21 octobre dernier ; ainsi que la réforme remplaçant la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale. La deuxième étape consistera à clarifier les compétences des diverses catégories de collectivités, dans les douze mois à venir -au maximum. Nous mènerons tout cela de front en 2010.
M. Didier Guillaume. - Nous sommes pour les collectivités territoriales, vous les étouffez. Nous sommes pour la décentralisation, vous recentralisez. Nous sommes pour la réforme de la fiscalité locale, vous transférez l'impôt aux ménages. Voilà vos beaux projets. Vous mettez la charrue avant les boeufs.
Cette semaine, la démocratie locale est à Paris. Hier, plus de 2 000 conseillers généraux ont voté une motion à l'unanimité et aujourd'hui les maires vont recevoir le Premier ministre de belle façon. Non, nous ne sommes pas pour les féodalités, nous sommes pour la solidarité. Ne méprisez pas les élus de France, écoutez-les ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Adrien Gouteyron. - (M. René Beaumont applaudit) Depuis cette année, les collectivités peuvent demander le remboursement anticipé du FCTVA pour les investissements supérieurs à la moyenne de ceux réalisés au cours des années 2004 à 2007. Ce dispositif a connu un grand succès, plus de 17 000 communes ou intercommunalités ont signé une convention. En Haute-Loire, la moitié des communes l'ont fait. Or, pour bénéficier de ce remboursement au titre de 2009, les communes doivent avoir procédé aux paiements avant la fin de cette année, avant le 15 décembre exactement. Les retards de paiement sont pourtant indépendants de la volonté des élus locaux : retards dans l'instruction des permis de construire, règles contraignantes des marchés publics...
Dans mon département, au 30 octobre, 25 % des collectivités étaient à moins de 50 % de réalisation, plus de 28 % d'entre elles entre 50 et 75 %. Ces collectivités, dont la bonne volonté et évidente et la volonté sans faille, risquent de se trouver piégées. Le sujet a été abordé au comité de pilotage du plan de relance et le ministre M. Devedjian a été attentif à nos propos. Le groupe UMP du Sénat envisage donc de déposer un amendement au projet de loi de finances pour 2010. Dans le calcul des dépenses d'investissement seront intégrés les restes à réaliser qui correspondent aux dépenses engagées, ayant donné lieu à un service fait et non mandaté au 31 décembre 2010. L'engagement de la collectivité sera considéré comme respecté si la somme des dépenses réelles et des dépenses engagées en 2009 atteint le seuil de référence fixé dans la convention. Que pense le Gouvernement de cette proposition concrète ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Plus de 19 500 communes ont signé une convention avec l'État et je rends hommage à toutes les collectivités qui ont apporté leur contribution au plan de relance. Pour l'État, le remboursement anticipé représente un effort supplémentaire de 3,8 milliards d'euros cette année. Il est vrai qu'au 31 octobre, 45 % seulement des collectivités étaient parvenues au seuil de référence et avaient réalisé 50 % de leur engagement. Le risque est grand que 2010 soit pour plusieurs milliers de collectivités une année blanche en remboursements du FCTVA. Il faut y remédier, car les difficultés proviennent d'éléments sur lesquels elles n'ont aucune prise, aléas climatiques ou surcharge de certains prestataires. Le Gouvernement sera favorable à votre proposition... (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Tasca. - Quelle surprise !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Les collectivités qui seront parvenues à la moyenne pourront intégrer les restes à réaliser dans l'exercice 2009. Le Gouvernement accordera bon accueil à votre amendement et adressera une circulaire aux préfets à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Adrien Gouteyron. - Je m'en réjouis. Notre proposition n'est pas idéologique, elle prend en compte ce que vivent les élus locaux. Merci de cette réponse...
Voix socialiste. - Une réponse pour huit questions !
M. Adrien Gouteyron. - ...concrète elle aussi. Le plan de relance était bienvenu. Il faudra envisager la suite... (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. René Beaumont. - Exact !