Financement de la sécurité sociale pour 2010
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale.
Discussion générale
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - L'an dernier, je vous ai présenté des prévisions de recettes révisées à la baisse pour tenir compte du début de la crise. Nous anticipions alors une progression de la masse salariale de 2,75 %. La récession ayant été beaucoup plus forte que prévu, la masse salariale devrait chuter de 2 % en 2009, puis de 0,4 % en 2010.
La crise que nous traversons est sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour la première fois, la masse salariale baisse deux années de suite. Lors de la récession de 1993, elle était restée stable et avait augmenté de près de 2 % dès 1994. Sur 2009 et 2010, nous perdons plus de 21 milliards d'euros de recettes par rapport à la croissance moyenne des années 1998-2007. Le déficit a plus que doublé entre 2008 et 2009 : il atteint cette année un niveau record de 23,5 milliards, contre 10,2 milliards en 2008, et s'élèvera à 30,6 milliards en 2010. Ce choc affectera durablement les comptes de la sécurité sociale. Le déficit dû à la crise représente 65 % du déficit de 2009 et 75 % de celui de 2010.
L'avenir de notre système de sécurité sociale est en jeu. La situation est exceptionnelle : vous en êtes conscients, mesdames et messieurs les sénateurs, vous qui êtes parmi les plus farouches défenseurs de notre protection sociale. Je suis convaincu que notre stratégie est la seule possible pour la préserver. La première priorité est de sortir de la crise. Toutes les solutions que nous proposons doivent être confrontées à cette question : facilitent-elles la sortie de crise ou nous fragilisent-elles ? Nous devons nous interroger dans ce sens au sujet de l'augmentation de la CRDS ou de la remise en cause des allégements de charges, par exemple. Notre seconde priorité est de poursuivre la réforme afin de maîtriser les dépenses, préserver les recettes et lutter contre la fraude.
Il nous faut sortir de la crise parce que notre système de protection sociale ne supportera pas de nouvelles années de baisse de la masse salariale. II n'est pas question de faire peser un poids supplémentaire sur les épaules des Français et des entreprises au moment où ils luttent pour se maintenir à flot. Je refuserai donc trois options, dont la première consiste à baisser les prestations. On ne sort pas d'une crise aussi violente en cassant notre modèle social. Les prestations sociales, qui s'élevaient à 578 milliards d'euros en 2008, soit 29,4 % en PIB, jouent un rôle d'amortisseur.
Ensuite, on ne sort pas de la crise en augmentant massivement les impôts. Nous sommes déjà le cinquième pays au monde pour le poids des prélèvements obligatoires et le financement de la protection sociale repose pour l'essentiel sur le travail, donc sur l'emploi. Nous refusons d'augmenter les prélèvements pour compenser la chute des recettes ou pour permettre, dès cette année, une reprise de la dette de la sécurité sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Je sais qu'il s'agit d'un motif d'inquiétude et d'incompréhension pour certains d'entre vous, tels Alain Vasselle et Jean-Jacques Jégou.
Vous avez adopté un amendement augmentant la CRDS. Ce serait une erreur car elle est pour 65 % assise sur les revenus du travail. Une hausse de la CRDS pèserait donc immédiatement sur le pouvoir d'achat et l'emploi, à un moment où nous avons besoin de favoriser la reprise.
En 2010, l'Acoss continuera à porter le déficit de la sécurité sociale selon un schéma qui limite le coût des charges financières. Les montants qu'elle devra financer sont effectivement exceptionnels, c'est que la crise l'est aussi. Et l'intégralité de la dette, fin 2008, du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a été transférée à la Cades début 2009. Celle-ci finance donc en 2010 les besoins de financement 2009 et 2010, pas ceux des années précédentes.
Je suis d'accord avec vous, cette solution ne peut pas être pérenne et la question de la dette sociale devra être traitée. Mais qui peut dire quelles seront les recettes début 2011 ? Qui peut dire quelle recette nouvelle transférer à la Cades ? Faut-il augmenter la durée d'amortissement de la dette sociale ? D'autres schémas sont encore possibles.
Je refuse que l'on caricature le débat sur les niches sociales en y voyant un gigantesque cadeau aux entreprises. Les allégements de charges sont la mesure politique la plus efficace pour l'emploi. (Exclamations à gauche)
Mme Raymonde Le Texier. - Ça commence bien !
M. Eric Woerth, ministre. - Le Conseil d'orientation pour l'emploi avait estimé en 2006 qu'ils permettaient de créer ou de sauvegarder 800 000 emplois. Cela ne signifie pas qu'il ne faudrait rien faire sur les niches sociales. Depuis le début de la crise, toute notre action vise à en atténuer les effets pour les ménages et les entreprises et à accélérer la reprise. Parallèlement, nous continuons à réformer la sécurité sociale : notre système n'a pas d'avenir si nous dévions de notre cap.
La première priorité est de maîtriser la progression des dépenses d'assurance maladie. Nous respectons quasiment l'Ondam en 2009 : 3,4 %, c'est à peine 0,1 % de plus que le taux de progression voté. Ce dépassement se limitera à 335 millions alors qu'en moyenne, depuis 1997, les dépassements ont été de 1,5 milliard. C'est la première fois que l'on réussit à tenir deux années de suite une progression aussi basse. Nous poursuivons l'effort en 2010 avec un Ondam fixé à 3 %, ce qui signifie limiter la progression spontanée de plus de 2 milliards. Notre résultat 2009 crédibilise cet objectif. Ce n'est pas un effet d'affichage !
Les mesures retenues reflètent une vraie vision de l'avenir de l'assurance maladie : renforcer l'efficacité du système de soins et recentrer l'assurance maladie sur les dépenses les plus utiles médicalement afin de conserver les atouts de notre système de santé -la prise en charge à 100 % des patients en affection longue durée et l'accès rapide de tous aux médicaments les plus innovants. Nous ne prévoyons pas de dépenses nouvelles dans les autres branches. (Mmes et MM. les sénateurs CRC regagnent l'hémicycle)
Notre seconde priorité pour garantir l'avenir de notre protection sociale, c'est d'en élargir le financement pour qu'il pèse moins sur le travail : on en est à 70 % financés par des prélèvements sur les salaires. Nous poursuivons l'effort entrepris depuis 2008 pour réduire les niches sociales, souvent sous l'impulsion du Parlement. Certains d'entre vous se sont émus de telle ou telle mesure. Tout le monde est d'accord pour réduire les niches mais pas sur celles à viser.
Nous appliquons des principes simples et clairs. Nous ne touchons pas aux dispositifs utiles pour l'emploi comme les allégements Fillon ou les exonérations ciblées sur des publics prioritaires, que nous avons déjà réformées. Je sais, chère Muguette Dini, que votre commission souhaite annualiser le calcul des allégements généraux ; la commission des finances a déposé le même amendement. J'en comprends la logique : éviter que des entreprises n'abusent des failles de la réglementation actuelle. C'est pourquoi j'ai demandé une mission sur les allégements généraux. Il serait prématuré de prendre une mesure avant d'en avoir mesuré l'impact sur certains secteurs d'activité. On ne peut jouer avec le feu de l'emploi !
Toutes les sortes de revenus doivent être soumises à la CSG au même titre que les salaires. Nous proposons de soumettre aux prélèvements sociaux au premier euro les plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières et de supprimer l'exonération de prélèvements sociaux pour les contrats d'assurance vie multisupports en cas de dénouement par succession. C'est le seul cas d'exonération en matière d'assurance vie et ce n'est ni logique, ni équitable. Nous voulons également renforcer la contribution des revenus complémentaires au salaire ; nous doublons le taux du forfait social sur les revenus de participation, d'intéressement et d'épargne salariale. En le faisant ainsi passer de 2 à 4 %, nous restons très loin des 30 % de la cotisation patronale qui s'applique aux salaires. Si nous développons l'intéressement et la participation, nous devons les soumettre plus largement aux prélèvements sociaux.
Dans le but de moraliser le capitalisme... (Rires et exclamations à gauche)
M. Guy Fischer. - Il s'étrangle en disant cela !
M. Eric Woerth, ministre. - ...nous augmentons la taxation de certaines rémunérations exceptionnelles. C'est ainsi que nous doublons le taux des contributions de l'employeur pour les retraites chapeau.
L'Assemblée nationale a également mis fin au droit à l'image collective des sportifs. C'est une bonne initiative. L'efficacité de cette niche était contestée par la Cour des comptes et par tous les experts qui se sont penchés sur la question.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Y compris Michel Platini !
M. Eric Woerth, ministre. - Votre commission propose de prolonger la mesure jusqu'au 30 juin 2010, pour que cela corresponde à la fin de la saison sportive. De fait, il est préférable de ne pas changer les règles en cours d'année.
Notre troisième priorité, c'est d'intensifier la lutte contre les fraudes.
M. Guy Fischer. - La lutte contre les pauvres !
M. Eric Woerth, ministre. - Entre 2006 et 2008, nous avons augmenté de 65 % les résultats de nos contrôles : les fraudes détectées par les caisses de sécurité sociale ont augmenté de 227 à 365 millions. Nous avons mis une pression considérable pour que les caisses renforcent leurs contrôles d'arrêts maladie : elles en faisaient 700 000 en 2006, 1,2 million en 2007 et, en 2008, 1,6 million. Je veux encore accentuer cette lutte contre la fraude. Le PLFSS rend plus efficaces les sanctions applicables dans les branches famille et vieillesse et il renforce l'efficacité de la lutte contre les arrêts de travail injustifiés. La contre-visite va être généralisée et la caisse sera obligée de tenir compte de l'avis du médecin mandaté par l'entreprise. Nous allons aussi renforcer les contrôles dans la fonction publique.
Pour assainir les relations entre l'État et la sécurité sociale, j'ai décidé de réduire la dette de l'État. Sans mesure nouvelle, elle passerait de 3,5 milliards fin 2008 à 5,2 fin 2009. Je proposerai des mesures dans le collectif pour non seulement ne pas l'aggraver, comme je m'y étais engagé, mais pour la réduire d'au moins 2 milliards par rapport à son niveau de 2008.
Il est important d'éviter de mauvais débats et celui de la dette de l'État envers la sécurité sociale en est un. Sur tous les volets, dépenses, recettes, fraude, nous agissons de manière déterminée. Le déficit hors crise atteint 8 milliards, soit un effort de 3 milliards par rapport à l'évolution spontanée. Le déficit total se creuse, nous l'assumons...
M. Guy Fischer. - On laisse filer...
M. Eric Woerth, ministre. - ...pour atténuer les effets de la crise et préparer la reprise: tout ce qui pourrait empêcher celle-ci doit être banni. Nous continuons à donner la priorité à la sortie de crise. Avec un Ondam en progression de 3 %, le déficit du régime général va se stabiliser à 30 milliards. Pour réduire ce chiffre considérable, nous devons poursuivre avec détermination les réformes. Déjà, la loi Hôpital, patients, santé, territoires nous permettra de moderniser les hôpitaux.
M. Guy Fischer. - De les fermer !
M. Eric Woerth, ministre. - Il faudra poursuivre le recentrage sur les dépenses les plus utiles. Les fortes réformes de structure nous permettront de ramener l'Ondam en-dessous de 3 % pendant plusieurs années.
M. Guy Fischer. - Facile à dire !
M. Eric Woerth, ministre. - Nous aborderons les retraites lors du rendez-vous de 2010. Les Français attendent des solutions de long terme.
M. Guy Fischer. - Ça va saigner !
M. Eric Woerth, ministre. - Nous aurons besoin de votre soutien et savons que nous pouvons compter dessus.
La dégradation des comptes ne doit pas masquer notre effort pour les tenir. Nous pourrons demain nous appuyer sur des acquis solides. Après 2010, quand le monde sortira de la crise, et la France parmi les premières grâce à l'action du Gouvernement, nous apporterons des solutions pérennes à la dette et au déficit.
M. Jacky Le Menn. - Lesquelles ?
M. Eric Woerth, ministre. - Nous ne serons pas d'accord sur les détails mais nous nous réunirons sur l'essentiel : la voie que nous proposons est la seule praticable. Le chemin est difficile, il faut une grande rigueur pour continuer à réformer et assainir mais il faut garder à l'esprit...
M. Guy Fischer. - La méthode Coué ?
M. Eric Woerth, ministre. - ...qu'il ne faut pas inverser les priorités au risque de retarder la sortie de crise par une mesure ponctuelle. Alors nous assurerons la pérennité du système de sécurité sociale auquel nous sommes tous attachés. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Le volet maladie du PLFSS s'inscrit dans un contexte particulier. Il est d'abord marqué par la crise économique. La dégradation du déficit de la branche maladie est due à l'effet de la crise sur les recettes : les dépenses, elles, sont maîtrisées. Leur croissance a ralenti depuis quelques années pour s'établir à un niveau davantage soutenable : le taux de 3,4 % est très proche de l'Ondam voté. Référentiels médico-économiques, mises sous accord préalable, médicaments onéreux à l'hôpital ou encore contrats d'amélioration des pratiques individuelles, les nouveaux outils de régulation des dépenses portent leurs fruits.
Si la part conjoncturelle du déficit joue un rôle d'amortisseur, nous devons retenir un Ondam de 3 %, compatible avec la croissance à long terme de l'économie mais qui représente un effort important par rapport à un recul de croissance de 2,25 % en 2009.
Le deuxième élément est la loi Hôpital, patients, santé, territoires. Nous disposerons, en 2010, d'une organisation plus cohérente, d'une gouvernance plus performante et nous optimiserons la gestion de l'hôpital.
M. Bernard Cazeau. - On verra...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Les agences régionales de santé décloisonneront les secteurs de l'offre de soin. Il était indispensable de prévoir une évolution équilibrée des dépenses d'assurance maladie -avec un même taux de 2,8 %, j'y suis très attachée, aux soins de ville et à l'hôpital- et d'assurer au fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins une dotation suffisante.
La pandémie grippale constitue le troisième élément. Nous avons fait le choix de la prévention par une campagne de vaccination généralisée. Cela a un coût : 94 millions de doses ont été commandées et il faut augmenter en conséquence les dotations. Je salue le geste des complémentaires santé qui ont décidé d'apporter 300 millions.
M. Guy Fischer. - Le couteau sur la gorge !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous les affecterons au fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins plutôt qu'à l'assurance maladie. Les dépenses liées à cette pandémie ne seront pas prises en compte dans le calcul du seuil d'alerte à partir duquel il faut dégager des économies. Enfin, les professionnels réquisitionnés pour les vaccinations seront pris en charge par le fonds national d'assurance maladie hors Ondam.
Nous ne devons pas dévier de notre objectif mais continuer à tenir les dépenses sans dégrader la qualité des soins et en préservant nos principes fondamentaux. Concrètement, tous les acteurs de notre système devront poursuivre les efforts engagés depuis trois ans.
Le volet maladie a été enrichi à l'Assemblée nationale. Nous exigeons un niveau ambitieux de maîtrise médicalisée des soins de ville. L'effort portera notamment sur les indemnités journalières, en progression de 7 % en 2009. Référentiels, mises sous accord préalable et contre-visites généralisées devraient ralentir cette hausse. Notre approche des affections de longue durée reste néanmoins médicale : les personnes guéries du cancer pourront sortir de ce statut tout en continuant à bénéficier d'une indemnisation à 100 %, ce qui favorisera leur réinsertion.
S'agissant des soins de ville, nous poursuivrons l'ajustement des tarifs de biologie et de radiologie -240 millions. Des ajustements de prix seront opérés sur les médicaments et les dispositifs médicaux. Outre la générication du Plavix, le taux K sera abaissé à 1 %. L'Assemblée nationale a adopté deux amendements sur les génériques, l'un pour inciter les médecins à les prescrire, l'autre autorisant les fabricants à reproduire la couleur ou la saveur du princeps, même déposé sous forme de marque ou d'image. Reprenant la proposition de la Mutualité sociale agricole sur les médicaments à 35 %, les médicaments à service médical faible ou insuffisant passeraient à 15 %. Les personnes exonérées de ticket modérateur ne seraient pas concernées par cette économie de 145 millions.
Le taux de remboursement variera selon un critère qui reste exclusivement médical, l'efficacité du médicament : 100 % pour les médicaments irremplaçables et très coûteux ; 65 % lorsque le service médical rendu est important -cas des analgésiques tels que l'aspirine et le paracétamol ; 35 % quand il est modéré ; et, enfin, 15 % lorsqu'il est faible. En outre, chaque année sont remboursés de nouveaux médicaments à l'intérêt thérapeutique élevé pour un montant d'environ 1 milliard -je pense à la pilule de troisième génération Varnoline Continu remboursée à 65 % -enfin !- et au Revlimid utilisé dans le traitement d'une maladie grave, le myélome multiple.
Le taux de progression de l'Ondam de 2,8 % pour les établissements de santé servira à financer la lutte contre le cancer et la maladie d'Alzheimer ainsi qu'à développer les soins palliatifs et les soins aux détenus. Il permettra également d'augmenter la dotation de l'assurance maladie au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), de financer la deuxième tranche du plan Hôpital 2012, qui participera à la relance de notre économie, et la première étape d'un processus de revalorisation salariale des professionnels paramédicaux. Quant aux quotas des internes en médecine, nous continuerons de l'augmenter pour former les professionnels médicaux de demain.
Mais ce taux exigera aussi d'améliorer la performance des établissements de santé. Tout d'abord, si la date d'achèvement de la convergence tarifaire entre public et privé a été repoussée de 2012 à 2018, nous avons adopté une nouvelle approche de la convergence avec, d'une part, un ciblage sur certains secteurs, telle la chirurgie ambulatoire, qui se prêtent à un rapprochement plus rapide des tarifs et, d'autre part, une expérimentation sur les modalités d'organisation menée dans 50 établissements coordonnés par la nouvelle agence nationale pour la performance hospitalière, l'Anap. Enfin, pour maîtriser la forte augmentation des dépenses de transports sanitaires, nous proposons un nouveau mécanisme de régulation, qui prend la forme d'une contractualisation entre l'établissement, l'agence régionale de santé et l'assurance maladie, qui s'est révélé efficace l'an dernier pour les médicaments particulièrement coûteux à l'hôpital. Un mécanisme analogue pour les médicaments consommés en ville mais prescrits à l'hôpital a, en outre, été introduit dans la loi à l'initiative des députés, ce qui répondra aux préoccupations exprimées par les sénateurs lors de mon audition. Dans un souci d'ajustement des tarifs, nous augmentons le forfait journalier hospitalier, créé en 1983 pour participer aux frais d'hébergement. Il passera de 16 à 18 euros en médecine, chirurgie et obstétrique ainsi que soins de suite et de réadaptation et de 12 à 13,5 euros en psychiatrie.
M. Guy Fischer. - Une hausse de 12,5 % ! C'est énorme !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Rappelons que les plus modestes, les femmes enceintes et les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles sont exonérés de ce forfait...
Mme Annie David. - Mais les indemnités journalières, vous voulez les taxer !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ...qui peut être pris en charge par les complémentaires santé pour les autres patients.
Enfin, en tant que ministre des sports et par souci de supprimer toutes les niches sociales n'ayant pas démontré leur efficacité, j'ai pleinement soutenu l'amendement présenté à l'Assemblée nationale pour avancer au 1er janvier 2010 la fin du droit à l'image collective des sportifs. Cela dit, je ne suis pas hostile à ce que cette date soit repoussée au 1er juillet 2010... (Exclamations ironiques à gauche)
M. Guy Fischer. - Déjà un recul !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ...afin de tenir compte du calendrier des clubs sportifs.
Avec ce projet de loi de financement qui, fait exceptionnel, a reçu l'avis favorable de l'Uncam, je ne vous annonce pas de grands plans, non plus que de grands soirs, mais simplement la continuité de notre politique marathonienne après 2009 qui aura enregistré le meilleur résultat de maîtrise des dépenses depuis 1999. Ce n'est qu'en avançant régulièrement que nous parviendrons à réduire les déficits sans remettre en question notre système de santé, fondé sur la solidarité ! (Applaudissements à droite)
M. Guy Fischer. - Faux ! Les assurés paieront plus !
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. - Le Sénat, je n'en doute pas, aura à coeur d'enrichir ce texte après que celui-ci a fait l'objet d'un débat constructif à l'Assemblée nationale. Je veux saluer d'emblée le travail de vos commissions des affaires sociales et des finances. Je précise que Mme Berra ayant été retenue au conseil des ministres...
Mme Annie David. - Incroyable !
M. Xavier Darcos, ministre. - ...j'évoquerai certains des points qu'elle voulait aborder.
Ce projet de loi poursuit deux ambitions : renforcer notre protection sociale qui, le Président de la République y a insisté, est un des amortisseurs les plus fiables face à la crise, maintenir le cap des réformes engagées sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre pour revaloriser le travail, répondre aux besoins sociaux de demain et assurer la pérennité de notre système de protection sociale.
Après M. Woerth et Mme Bachelot, je veux vous présenter les différentes mesures de ce texte qui concernent mon ministère.
Tout d'abord, la branche retraite. Après l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 février dernier, nous avons agi pour sauvegarder le dispositif de majoration de durée d'assurance des mères de famille, cet élément fondamental de notre politique familiale. Je tiens d'ailleurs à remercier Mme André, présidente de la délégation aux droits des femmes, et Mme Panis, rapporteur de cette délégation, pour leur contribution sur ce sujet. Une fois un consensus dégagé au sein des partenaires sociaux, nous avons décidé de maintenir la durée globale de majoration de durée d'assurance à deux ans. Cette majoration comprendra deux parts de quatre trimestre chacune : la première au titre de la grossesse et de la maternité ; la seconde au titre de l'éducation de l'enfant. Pour les enfants déjà nés, cette seconde part bénéficiera systématiquement à la mère sauf si le père démontre explicitement, avant la fin de l'année 2010, qu'il a élevé seul son enfant. Pour les enfants nés après le vote de la loi, cette deuxième part sera accordée à la mère mais pourra faire l'objet d'une répartition au sein du couple en cas d'accord. (Mme Annie David maugrée) C'était l'occasion d'affirmer que le dispositif s'applique également en cas d'adoption, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. En outre, l'Assemblée nationale a trouvé, avec les amendements de M. Jacquat, un bon équilibre s'agissant de l'articulation de la majoration de durée d'assurance avec le dispositif carrière longue et a prévu une mesure d'équité consistant à attribuer, en cas de décès, les trimestres au parent survivant.
Parce que nous voulons valoriser le travail, le PLFSS poursuit la politique volontariste engagée l'an dernier en faveur de l'emploi des seniors. Cette année, nous avons pris une mesure nouvelle afin que les invalides « de première catégorie » puissent continuer de travailler après 60 ans en étendant le bénéfice de la pension d'invalidité jusqu'à 65 ans. Ensuite, les députés ont adopté un amendement pour financer les régimes d'avantage social vieillesse par une cotisation proportionnelle aux revenus plutôt que par une cotisation forfaitaire. Cette évolution favorise le cumul d'un emploi et d'une retraite pour les professions concernées, notamment les médecins libéraux -ce qui est souhaitable compte tenu des problèmes de démographie médicale.
Afin d'améliorer l'équité entre retraités, nous avons décidé de doubler les prélèvements sur les retraites chapeau et, à l'initiative du rapporteur M. Bur à l'Assemblée nationale, d'obliger ces régimes à être gérés, comme les autres, par des organismes extérieurs aux entreprises. Cela améliorera leur transparence.
J'en viens à la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) : le projet de loi renforce les incitations aux entreprises pour améliorer la prévention. Une société qui veut travailler plus doit travailler mieux.
M. Guy Fischer. - Il faut la payer mieux !
M. François Autain. - En attendant, c'est le chômage qui augmente.
M. Xavier Darcos, ministre. - Nous créons un système de bonus-malus conforme à la volonté des partenaires sociaux, inscrite dans l'accord de mars 2007. La branche sera associée à la préparation du deuxième plan Santé au travail, celui de la période 2009-2014, que je présenterai le mois prochain.
En France, 88 milliards d'euros sont consacrés à la politique en faveur de la famille, l'effort est deux fois plus élevé que chez nos voisins. Il porte ses fruits, notre pays est le champion d'Europe de la natalité. Le Président de la République souhaite développer les modes de garde dans leur diversité, avec un objectif de 200 000 places d'ici 2012. Nous allons ouvrir l'accès au crédit à taux zéro aux assistants maternels afin de faciliter leur installation. L'Assemblée nationale a enrichi le texte et les relais d'assistants maternels sont transformés en relais d'accueil petite enfance afin que ceux qui effectuent des gardes à domicile aient aussi accès à ces relais. L'agrément, désormais, vaudra pour deux enfants au minimum, si les conditions d'accueil le permettent : cela est bon pour les assistants maternels, pour les parents et pour les enfants.
Quant aux personnes dépendantes ou handicapées, malgré la conjoncture économique, nous veillons à améliorer les conditions de vie et d'accueil des plus fragiles ; l'Ondam médico-social est ainsi fixé à 5,8 %. Le plan Alzheimer se poursuit, priorité du Gouvernement, avec 7 500 nouvelles places en maison de retraite. Le nombre de places pour les handicapés s'accroît aussi, comme le Président de la République l'avait annoncé à la conférence nationale en juin 2008. Dans les sept ans à venir, 50 000 places pour enfants et pour adultes seront créées afin de répondre à tous les besoins des familles.
M. Guy Fischer. - Ce n'est pas vrai.
M. Xavier Darcos, ministre. - Au total, les mesures nouvelles représentent 360 millions d'euros et 5 500 places nouvelles seront financées dés 2010. La prise en charge des frais de transport des personnes en accueil de jour sera assurée sur le budget des établissements, maisons et foyers spécialisés.
M. Guy Fischer. - Cela va peser...
M. Xavier Darcos, ministre. - Mme Morano et moi-même réfléchissons aux réponses à apporter au problème du forfait journalier hospitalier pour les allocataires de l'AAH qui vivent en maison d'accueil spécialisées. Ils doivent bénéficier d'un reste à vivre comme les pensionnaires des foyers d'accueil spécialisés. La discussion ne manquera pas d'améliorer le texte. Nous voulons assurer à nos concitoyens une protection sociale juste et efficace. Tel est l'engagement du Président de la République et du Gouvernement. (Applaudissements à droite ; Mme Anne-Marie Payet applaudit aussi)
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - La présentation triennale nous permet de mesurer l'ampleur du dérapage des finances sociales : 10 milliards d'euros en 2008, 23 milliards en 2009, 30,6 en 2010. Une telle dégradation, sans précédent, fait de la discussion d'un PLFSS un exercice largement inutile, puisque tous les objectifs votés l'an dernier ont été sensiblement dépassés. La crise économique a provoqué un effondrement des recettes, en recul de 25 milliards d'euros, tandis que les dépenses continuent à augmenter. Jamais nous n'avions connu deux années consécutives de baisse de la masse salariale, qui est la source de trois quarts des recettes des régimes sociaux.
L'accumulation des déficits est elle aussi sans précédent et elle masque l'effort réel et constant de maîtrise des dépenses. Le cadrage pluriannuel de l'annexe B est, depuis la réforme de 2005, un élément essentiel de la loi de financement. Or les perspectives qu'il trace sont fort préoccupantes. Il repose sur des hypothèses que je qualifierai de volontaristes...
M. Guy Fischer. - Dites-le : irréalistes !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Une croissance de 0,8 % en 2010, certes, mais de 5 % ensuite ! Une masse salariale en recul de 0,4 % l'année prochaine, mais en progression de 5 % les trois années suivantes.
L'ensemble des instituts est pourtant à la peine pour estimer les évolutions, même à très court terme... Toutes les branches restent en déficit jusqu'en 2013. Le déficit conjoncturel devient structurel, autour de 30 milliards d'euros. Et il suffit de faire varier légèrement l'un des paramètres, par exemple de retenir une évolution de 3 % de la masse salariale au lieu de 5 %, pour le creuser de 4 milliards d'euros ! Ces dernières années, une augmentation de 4 % était considérée comme un bon niveau, et l'on ferait mieux dans la décennie qui s'ouvre ? C'est optimiste ! (M. Guy Fischer le pense aussi) M. Éric Woerth a pourtant souligné que la France connaissait « l'une des plus grandes crises financières » de son histoire.
Vous aviez prévu, l'an dernier, un retour à l'équilibre en 2012 ; la crise est passée par là ; à présent, il est question d'un déficit cumulé de 150 milliards d'euros d'ici à fin 2013. Le cadrage s'arrête à cette date... Mais après ?
Le PLFSS ne prévoit aucune reprise de dette par la Cades et le Gouvernement ne l'envisage pas avant 2011. Cela signifie que l'Acoss va devoir porter dans ses comptes les déficits 2009 et 2010, dans la limite d'un plafond historique de 65 milliards d'euros. Or, plus on attend, plus le transfert des dettes à la Cades devient coûteux -et plus les contribuables de demain sont mis à contribution. Nous souhaitons donc faire un premier pas dès cette année, en faisant reprendre par la Cades environ 20 milliards d'euros, soit le « point haut » de la trésorerie de l'Acoss en 2010. Ce transfert serait bien entendu accompagné des recettes nécessaires à son remboursement.
Le taux de la CRDS en serait augmenté de 0,15 point, soit porté à 0,65 %, ce qui permettrait de ramener le plafond d'emprunt de l'Acoss à 45 milliards.
M. Gilbert Barbier. - Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Vous considérez, monsieur le ministre, que la crise est telle que l'on ne peut pas prendre le risque de peser sur les prélèvements obligatoires. Je vous réponds que ce que nous préconisons n'aggraverait l'effort mensuel d'un salarié au Smic que de 1 euro. Ce n'est pas insurmontable. (Vives exclamations sur les bancs CRC-SPG)
M. Guy Fischer. - Et tout ça sans toucher au bouclier fiscal !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Ne tombons pas dans des considérations idéologiques. Vous aurez l'occasion de vous exprimer dans le débat d'amendements. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce n'est pas idéologique, c'est la justice sociale !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Une telle solution, dites-vous, monsieur le ministre, fragiliserait la sortie de crise. Il en est une autre qui pourrait m'amener, avec l'accord de la commission, à retirer notre amendement. Elle suppose que vous acceptiez de considérer, comme nous, que la situation actuelle de la sécurité sociale n'est pas entièrement liée à ses déficits structurels ou au dérapage des dépenses, mais est une conséquence de la crise économique, et aux moins-values de recettes qui en découlent. Alors, peut-être ces 20 milliards pourraient être pris en charge par le budget de l'État.
Sur la maîtrise des dépenses, nous sommes, monsieur le ministre, en phase. Le contexte financier exige d'amplifier les efforts de ces dernières années. Cela signifie, en particulier, une volonté forte pour continuer à réformer l'hôpital, et qu'il faudra mettre en acte. Le Premier président de la Cour des comptes, que vous avez évoqué pour justifier les positions du Gouvernement, notamment sur le droit à l'image, affirme qu'il existe de réelles marges de progrès. Je vous renvoie à son rapport.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Excellent rapport.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Ce sera une mission prioritaire pour les ARS.
M. Guy Fischer. - Ce sera leur mission prioritaire !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - C'est pourquoi je vous proposerai de ramener l'horizon de la convergence à 2014.
Sur les dépenses des autres branches, le rendez-vous de 2010 sur les retraites doit apporter des solutions durables à l'équilibre des comptes de la vieillesse. Nous avons prévu une discussion thématique sur cet important sujet, que nous devrons peut-être reporter vu le retards pris dans le débat.
Troisième observation : il est plus que jamais nécessaire d'assurer un financement durable de la protection sociale.
Pour faire face à des dépenses croissantes, notamment en matière de santé et de vieillesse, il est impératif non seulement de préserver les ressources actuelles mais d'en rechercher de nouvelles.
Pour sécuriser les recettes, notre commission a fait de nombreuses propositions ces dernières années. Elle a souvent raison trop tôt, puisqu'un certain nombre, comme la taxation des stock-options ou l'instauration d'une flat tax sur les niches, ont été reprises par nos collègues députés ou par le Gouvernement. Cela nous laisse de l'espoir pour nos propositions sur la CRDS...
Cette année, nous vous proposons d'avancer sur la question des allégements généraux de charges sociales en calculant les exonérations sur une base annuelle et non mensuelle, afin d'éviter certains contournements : je crois que le ministre n'y est pas hostile mais souhaite prendre le temps d'en mesurer l'impact. Nous vous proposerons également de plafonner l'exonération de charges sociales applicable aux retraites chapeau ; de commencer à aligner l'assiette de la CSG sur celle de la CRDS en lui soumettant les ventes de métaux précieux, bijoux et objets d'art.
A l'inverse, sur le droit à l'image collective des sportifs professionnels, dont on a beaucoup parlé depuis le vote de cette disposition par l'Assemblée nationale, je vous proposerai de décaler la date retenue pour l'extinction du dispositif d'exonération car il nous paraît plus raisonnable d'attendre la fin de la saison sportive pour changer les règles du jeu.
M. Guy Fischer. - M. Thiriez a été entendu...
M. Gilbert Barbier. - Et M. Aulas...
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Nous aurons à en débattre.
J'en viens au volet assurance maladie.
En 2009, la branche est la plus durement frappée par la crise des recettes et redevient la plus déficitaire, au moment, hélas, où l'effort mené depuis plusieurs années pour maîtriser l'évolution des dépenses tout en maintenant le niveau de la protection commence à porter ses fruits. Sur les quatre dernières années, l'augmentation moyenne des dépenses imputées sur l'Ondam a été contenue à 3,5 % et l'Ondam 2009 devrait être pratiquement respecté, à 300 millions près : c'est une première.
Il faut poursuivre. La progression de l'Ondam pourra se limiter à 3 % si nous ne relâchons pas nos efforts en matière de gestion du risque, de maîtrise médicalisée des dépenses et de renforcement des contrôles. Avec le renfort de quelques mesures d'économie, nous garderons la marge nécessaire pour financer l'accès au progrès thérapeutique et les plans de santé publique.
En ce qui concerne les soins de ville, nous disposons désormais d'une large gamme d'instruments de maîtrise médicalisée des dépenses qui devraient continuer de produire leurs effets, je pense en particulier à l'action médico-économique positive développée par la Haute autorité de santé et au contrat d'amélioration des pratiques individuelles, le Capi, cher à Mme la ministre et dont le succès dépasse les espérances. Le projet de loi lui ajoute une procédure contractuelle alternative à la mise sous contrôle préalable, en matière d'indemnités journalières ou de transports sanitaires, et il complète utilement les dispositifs contre la fraude, auquel M. Woerth est légitimement attaché.
En matière de maîtrise médicalisée des dépenses : peut mieux faire. (M. Guy Fischer s'exclame) L'hôpital, en dépit de progrès récents, reste largement une terre de mission. Nous suivons l'Assemblée nationale sur les dispositifs contractuels de régulation des prescriptions hospitalières de transports et de médicaments, qui ont une incidence directe sur les dépenses de soins de ville. Mais le meilleur moyen d'y parvenir est l'identification des auteurs de prescriptions hospitalières dont nous avons voté le principe il y a déjà cinq ans... On nous dit que les retards d'application tiennent à des difficultés techniques informatiques... J'espère, madame la ministre, que vous nous annoncerez une application en 2010 pour mettre un terme à une inertie qui pourrait bien passer, si elle se prolongeait, pour un manque de volonté politique.
Sur l'hôpital, Mme Bachelot a annoncé un report du processus de convergence intersectoriel, aboutissement logique de la T2A, à 2018. N'oublions pas que la tarification à l'activité était le seul moyen de sortir du régime de tarification hospitalière que nous avons connu jusqu'en 2004, qui se caractérisait par d'inexplicables disparités de traitement et freinait l'adaptation de l'offre de soins, toutes choses qui n'aboutissaient qu'à enrichir les établissements les plus riches et à appauvrir les plus pauvres.
Nous partions de loin, tout restait à faire, il ne faut pas s'étonner que cela ait été difficile, d'où le jugement sévère porté par la Cour des comptes sur le pénible cheminement de la réforme. Il faut désormais que les choses avancent. La convergence des tarifs ne signifie pas leur égalisation. Il faut mesurer les différences de charges et les mettre en cohérence avec les tarifs. Une série d'études bien identifiées, dont nous avons désormais la liste, sera disponible en 2012. Pourquoi attendre six années supplémentaires pour achever le processus ? Nous proposons de fixer l'échéance à 2014.
M. Jacky Le Menn. - Irréaliste !
M. Guy Fischer. - Vous voulez tordre le cou à l'hôpital public !
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - J'ai la faiblesse de penser ce choix plus constructif que celui d'une convergence ciblée sur quelques groupes homogènes de séjour non identifiés.
Aux affections de longue durée, le texte ne consacre qu'un article relatif à la prise en charge du suivi médical des patients en sortant. Sa portée est d'autant plus limitée qu'il vise essentiellement le cas du cancer, sur lequel je crains qu'il ne suffise pas à changer le regard. La Haute autorité de santé a mené, ces trois dernières années, d'importants travaux qui permettraient une mise à jour très rapide des critères médicaux d'entrée en affection longue durée, largement obsolètes aujourd'hui, et de préciser aussi les durées d'admission et les conditions médicales de sortie ou de renouvellement de ce régime. Nous vous proposerons donc de donner une base législative à ces ajustements.
Troisième sujet, celui de la contribution des régimes d'assurance maladie au financement des ARS, comme le prévoit la loi Hôpital. Or, l'article qui leur est consacré ne contient aucun chiffre. Il est question d'un fonds de concours pour l'installation des agences, auquel participerait l'assurance maladie. Mais la création de ce type de fonds relève de la responsabilité du ministère des finances et les fonds de concours ne peuvent recevoir de contributions obligatoires. Nous suggérerons de supprimer cette disposition. Quant à la contribution annuelle aux agences, il est prévu, pour 2010, de la fixer par arrêté. J'avoue qu'en souhaitant voir préciser, dans la loi Hôpital, que cette contribution serait déterminée par le PLFSS, je ne m'attendais pas à cela...
Il s'agit des ressources de l'assurance maladie, qui ne sont pas surabondantes et n'ont pas pour vocation de financer le fonctionnement d'établissements publics de l'État.
J'en viens aux dépenses liées à la grippe H1N1. Les assurances complémentaires vont mettre la main à la poche. Le projet de loi de financement prévoit que cette contribution sera affectée à la Cnam, ce qui est logique ; mais de façon inattendue, le Gouvernement vient de proposer, en loi de finances, à l'Assemblée nationale, de l'affecter à l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Ce qui n'est pas plus acceptable que l'amendement voté dans l'autre Chambre qui fait peser sur l'assurance maladie l'indemnisation des personnes qui procéderont aux vaccinations -c'est à l'État de la prendre en charge.
Je proposerai également de ne pas exclure du seuil d'alerte de dépassement de l'Ondam les dépenses que provoquera la grippe H1N1 ; comment, en effet, isoler les consultations ou les indemnités journalières H1N1 au sein des soins de villes ? J'attends des précisions de la part du Gouvernement.
Je terminerai par le secteur optionnel. J'avais déposé un amendement lors de l'examen de la loi HPST, auquel Mme la ministre avait opposé les négociations conventionnelles en cours ; puis j'avais découvert en CMP un amendement de M. Bur, député, proposant que le Gouvernement reprenne la main si les partenaires de la négociation n'aboutissaient pas au 15 octobre -c'est-à-dire ce que j'avais moi-même suggéré... Sans doute, entre temps, le plus haut personnage de l'État était-il intervenu ; les professionnels se sont réunis et un protocole a été signé à la date voulue. Ce qui prouve que lorsque l'on veut vraiment aboutir... Je proposerai un amendement pour aller encore un peu plus loin.
Il nous faut plus que jamais inventer l'avenir, nous attaquer aux causes structurelles des déficits, cesser de toujours en reporter la charge sur les générations futures. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Guy Fischer. - Vous voulez faire payer encore plus les assurés sociaux !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. - Pour la deuxième année consécutive, la commission des affaires sociales consacre un rapport spécifique au secteur médico-social ; cette initiative a été reprise par notre homologue de l'Assemblée nationale. A l'heure où le débat sur la dépendance s'intensifie, il est nécessaire que le Parlement fasse entendre sa voix et ses propositions.
L'évolution des crédits consacrés, en 2009 et 2010, à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées témoigne de l'engagement soutenu des pouvoirs publics. Au travers du plan de relance, le secteur a bénéficié de 70 millions d'euros, afin de financer l'amélioration de la prise en charge dans les structures d'accueil, et de l'augmentation des enveloppes anticipées de création de places, afin d'accélérer l'ouverture de 5 000 places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et de 1 200 places en établissements pour personnes handicapées.
En 2010, les deux Ondam consacrés au médico-social, pour les personnes handicapées et pour les personnes âgées, s'établissent respectivement à 7,9 et 7 milliards d'euros, en progression globale de 5,8 %. Dans un contexte économique dégradé, je salue cet effort qui permettra de poursuivre le déploiement des plans Solidarité grand âge et Alzheimer en finançant, pour plus de 550 millions d'euros, 7 500 nouvelles places en Ehpad, 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), 3 250 places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire, ainsi que 5 000 emplois nouveaux d'infirmiers et d'aides-soignants. Parallèlement, 360 millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux établissements et services pour personnes handicapées, notamment pour financer la création de 5 500 nouvelles places.
Le tableau n'est cependant pas aussi rose qu'il y paraît.
M. Guy Fischer. - Enfin !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. - Le taux de progression de l'Ondam est en partie artificiel en raison du gel des dotations intervenu en 2009 pour 150 millions d'euros et des opérations de fongibilité entre enveloppes sanitaire et médico-sociale. En outre, du fait de la crise, les concours de la CNSA au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) sont moins élevés que prévu. La conséquence, chacun la connaît : les départements sont obligés de prendre le relais.
M. Yves Daudigny. - C'est bien de le souligner !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. - Aujourd'hui, le taux de couverture de l'APA par les conseils généraux est proche de 70 %...
M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. - La progression soutenue des charges liées à la dépendance rend le statu quo intenable à terme. Le financement du seul plan Solidarité grand âge, en 2011, nécessiterait une augmentation de l'Ondam médico-social de 7,4 %, perspective improbable. Rien ne garantit donc sa pérennité, d'autant que la crise n'a pas fini de produire ses effets. Ce constat oblige à poser une nouvelle fois la question de la création du cinquième risque, dossier sur lequel la mission commune d'information sénatoriale créée en décembre 2007 a fait des propositions qui pourraient utilement enrichir le futur projet de loi -si celui-ci voit enfin le jour.
Le secteur médico-social connaît actuellement de profondes évolutions qui résultent de la mise en oeuvre des réformes introduites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et de la nouvelle gouvernance issue de la loi HPST. Pour ces raisons, le présent texte comporte peu de mesures relatives au médico-social. La plus importante, à l'article 33, concerne la prise en charge des frais de transport des adultes handicapés hébergés en accueil de jour dans les maisons d'accueil spécialisées et les foyers d'accueil médicalisés. C'est une avancée majeure mais les autres modes d'accueil devront être concernés à terme.
Le modèle de l'Ehpad classique n'est plus réellement adapté à la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Le secteur des services de l'aide à domicile est confronté à de lourds problèmes financiers. Dans mon département, des associations ont récemment déposé leur bilan ; d'autres, comme l'association de soins et services à domicile de Dunkerque, dont je suis administrateur, puisent dans des réserves qui ne sont pas sans fond. Je suis inquiète et plaide pour une réforme urgente du système de tarification. Je compte sur le Gouvernement. Je relève aussi que le problème du reste à charge demeure entier, que les personnes soient en établissement ou à domicile.
M. Guy Fischer. - Il augmente toujours plus !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. - Beaucoup reste à faire pour améliorer la prise en charge du handicap. Je sais que Mme Morano y est attentive mais je souhaite insister sur la difficile situation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). L'excellent rapport de M. Paul Blanc et Mme Annie Jarraud-Vergnolle en a mis en lumière les dysfonctionnements.
Je veux enfin dire ma satisfaction de voir levé l'article 40 sur l'amendement que j'avais proposé et que mes collègues avaient unanimement approuvé : il ne faut pas que l'augmentation du forfait hospitalier conduise à réduire le reste à vivre des personnes hébergées en maisons d'accueil spécialisées en dessous d'un certain montant.
Confiante dans le succès des prochaines réformes, la commission des affaires sociales vous demande d'adopter les mesures proposées pour le secteur médico-social ainsi que l'amendement qu'elle vous soumettra. (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. - Comme les autres régimes, la branche famille entre dans une période de déficits structurels d'une ampleur inégalée : plus de 3 milliards d'euros en 2009, plus de 4 en 2010 et 18 de dettes cumulées en 2013. Jamais la branche, habituellement proche de l'équilibre, n'avait été dans un tel état.
La crise économique explique en partie ce décrochage. Les recettes sont affectées par la diminution de la masse salariale tandis que les dépenses continuent d'évoluer selon leur rythme propre, l'inflation, le taux de natalité et le dynamisme du fonds national d'action sociale (Fnas). Mais leur augmentation n'est, en réalité, à chercher ni dans le taux de natalité, qui s'est stabilisé depuis trois ans, ni dans une inflation à 0,4 %, ni même au Fnas.
Elle est due au relèvement du taux de prise en charge, par la branche famille, des majorations de pension pour enfants. Ce poste représente cette année plus de 46 % de la croissance totale des charges. A titre personnel, je redis mon opposition à ce transfert qui pèse lourdement sur l'équilibre de la branche.
De quelles options disposons-nous pour gérer ce déficit ? La première consiste à fermer les yeux, à laisser filer la dette et à la faire porter aux générations futures. Cette abstention est indéfendable tant sur un plan moral qu'économique. Grever les capacités d'investissement de nos enfants et petits-enfants alors qu'ils devront faire face à une concurrence économique internationale plus rude que jamais serait irresponsable.
Il nous reste donc deux options : supprimer certaines prestations ou augmenter les prélèvements sociaux. La première conduirait à ne pas verser les allocations familiales pendant un an et demi ou l'allocation de logement familial pendant quatre ans ou l'allocation de rentrée scolaire pendant douze ans.
M. Guy Fischer. - C'est de la provocation !
M. André Lardeux, rapporteur. - Ces opérations devraient être régulièrement répétées, au-delà de 2013, pour résorber les déficits susceptibles de s'accumuler. Est-il concevable, en particulier en temps de crise économique, de réduire les aides accordées aux familles, surtout les plus vulnérables ? Poser la question, c'est y répondre...
La seule solution raisonnable est donc d'augmenter les prélèvements sociaux, et de le faire sans tarder car plus cette hausse sera retardée, plus elle sera brutale.
Maintenant, un point rapide sur l'offre de garde d'enfants dans notre pays. L'augmentation annuelle de 32 000 places d'accueil pour les jeunes enfants est insuffisante, la demande étant estimée à 400 000 places dans les deux ou trois prochaines années. La solution la moins coûteuse consiste à augmenter le nombre des assistantes maternelles et à renforcer leur niveau de formation. Cela ne signifie pas qu'il faille cesser de construire des crèches ou ne plus aider la garde à domicile, car ces deux formules ont leurs avantages mais elles sont plus coûteuses. C'est pourquoi le prêt de 10 000 euros à taux zéro accordé aux assistantes maternelles va dans le bon sens, tout comme l'agrément octroyé pour deux enfants dès la première demande, introduit par l'Assemblée nationale. Mais je crois que nous pouvons aller plus loin avec quatre mesures.
La plus importante consiste à sécuriser les regroupements d'assistantes maternelles, que nous avons autorisés dans la dernière loi de financement. Je regrette que Mme Morano ne puisse être parmi nous ce matin car plusieurs d'entre nous l'avaient mise en garde, dès juin dernier, contre les dérives bureaucratiques dont l'encadrement de ces nouvelles structures serait l'occasion. Voilà ce qu'écrivait Jean-Marc Juilhard dans son rapport consacré à l'accueil des jeunes enfants en milieu rural : les regroupements « ne pourront se généraliser qu'à la condition de ne pas faire l'objet de normes trop nombreuses et trop contraignantes. Il ne faudrait pas, en effet, que la liberté volontairement laissée par le législateur à ces structures soit restreinte par l'intervention de la Cnaf ou de certaines CAF ou services de PMI ». Or, c'est exactement ce qui s'est passé. Le modèle de convention encadrant les regroupements, élaboré par la caisse nationale et envoyé en juillet à toutes les caisses d'allocations familiales, est inapplicable : pour ne prendre que quelques exemples, la convention interdit la délégation d'accueil, oblige les parents à signer quatre contrats de travail différents, impose des normes d'accessibilité que tous les bâtiments publics sont loin de remplir. De l'avis unanime des assistantes maternelles, de l'avis même de nombreux présidents de conseils généraux, la convention tue dans l'oeuf les projets de regroupement et déstabilise ceux qui existent déjà. Il est inadmissible qu'une mesure administrative rende inapplicable la volonté du Parlement. Aussi la commission proposera-t-elle de sécuriser les regroupements directement dans la loi, de manière à préserver leur souplesse sans les soustraire au contrôle des services de protection maternelle et infantile. L'intérêt des parents et des assistantes maternelles est en jeu.
Notre deuxième proposition portera sur la nécessité d'harmoniser les pratiques des PMI en matière d'agrément des crèches et des assistantes maternelles, très diverses selon les départements.
Il serait par ailleurs utile, pour les crèches, de prévoir des agréments modulés en fonction des heures de la journée et des périodes de l'année pour leur permettre d'élargir l'amplitude horaire d'accueil tout en respectant leurs obligations en matière de taux de remplissage.
Enfin nous souhaitons, pour renforcer l'attractivité de la profession d'assistante maternelle, réduire le délai d'attente du premier agrément préalable à l'accueil des enfants et rendre obligatoire l'inscription sur l'agrément des formations professionnelles suivies par l'assistante. Nous pouvons raisonnablement en espérer une professionnalisation de ce métier.
Sous réserve de l'adoption de ses quatre amendements, la commission vous propose donc d'adopter la partie famille de ce projet de loi de financement. (Applaudissements à droite)
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. - La situation financière de la branche vieillesse est, cette année encore, préoccupante. Elle connaît une dégradation continue de ses comptes depuis cinq ans, au point d'être devenue, en 2008, la plus déficitaire de toutes. L'an dernier, la loi de financement prévoyait pour 2009 une stabilisation de son déficit autour de 5 milliards. Elle a péché par excès d'optimisme : la branche finira l'année 2009 avec un déficit de 8,1 milliards, lequel pourrait atteindre 11,3 milliards en 2010. Seule satisfaction, si je puis dire : elle repasserait derrière la branche maladie dans l'ordre des découverts.
Cette détérioration des comptes résulte avant tout de la crise économique qui a affecté brutalement les recettes de la branche alors que ses dépenses ont continué de progresser à un rythme soutenu en raison de l'augmentation de l'effectif des retraités. Pour autant, la crise ne doit pas servir d'alibi : en raison des mutations démographiques en cours depuis une vingtaine d'années -la dégradation continue du rapport cotisants-retraités, passé de 4 en 1960 à 1,43 aujourd'hui, et l'allongement de l'espérance de vie de six ans depuis le début des années 80-, le régime par répartition n'est structurellement plus viable avec ses paramètres actuels.
Dès lors, quel que soit le scénario de sortie de crise, la branche vieillesse abordera la reprise avec le handicap d'un déficit de près de 13 milliards en 2012 : c'est le niveau que lui prévoyaient les projections 2007 du Conseil d'orientation des retraites, mais pour 2020. En aucun cas, le retour à une conjoncture économique plus favorable ne permettra de rééquilibrer le solde financier de la branche.
Pour sa partie retraites, 2009 est une année charnière car située entre le rendez-vous de 2008, où nous n'avons pas fait grand-chose, et celui promis pour 2010, où tout reste à faire. En 2008, il y a eu des avancées dans l'emploi des seniors, grâce à plusieurs mesures dont les premiers résultats sont encourageants. Il est indispensable d'amplifier cette mobilisation en leur faveur afin que la crise ne serve pas de prétexte pour revenir aux mauvaises pratiques d'éviction dans le but d'ajuster les effectifs ou d'éviter les licenciements économiques.
Second point positif de 2008 : l'effort de solidarité envers les petites retraites est réel, grâce à la revalorisation du minimum vieillesse et à la majoration des petites pensions de réversion à compter de 2010. Mais beaucoup reste à faire, en particulier en direction des retraités de l'agriculture ; l'objectif d'une retraite à 75 % du Smic, inscrit dans la loi du 4 mars 2002, est encore loin d'être atteint.
Pour autant, 2008 a été un rendez-vous partiellement manqué qui n'a pas répondu aux attentes, pourtant nombreuses et légitimes, sur le financement du système de retraite. Ainsi, le redéploiement des cotisations chômage au profit des cotisations vieillesse, prévu par la loi d'août 2003 et qui devait garantir le financement des retraites d'ici à 2020, a été reporté sine die. Or, l'augmentation de la part patronale des cotisations retraite de 0,3 % en 2009 aurait dû rapporter 1,8 milliard à la Cnav. En 2012, l'absence de transfert d'un point de cotisation retraite en provenance de l'Unedic privera la branche vieillesse de 6,5 milliards...
Que prévoit le présent PLFSS pour l'assurance vieillesse ? Fort peu de choses, à l'inverse de l'année dernière, hormis la réforme de la majoration de la durée d'assurance, la MDA, accordée aux mères de famille, qui figure à l'article 38. Rendue inévitable par un arrêt de la Cour de cassation de février dernier, cette réforme a eu le souci de maintenir le maximum de garanties aux mères, tout en rendant le dispositif juridiquement acceptable du point de vue de l'égalité hommes-femmes. Le compromis initial, accepté par la plupart des organisations syndicales, a été modifié par l'Assemblée nationale, dans un sens qui ne paraît pas convaincant. Je proposerai donc des amendements pour revenir à l'esprit du texte. (M. Alain Vasselle, rapporteur général, approuve) Cela dit, la réforme de la MDA n'exonère pas d'une réflexion plus approfondie sur les droits familiaux et conjugaux, en particulier sur l'articulation entre les majorations de durée d'assurance et l'assurance vieillesse des parents au foyer, dont nous devrons impérativement parler l'année prochaine et sur laquelle un amendement proposera dès à présent d'ouvrir le débat.
Maintenant, que faut-il attendre du rendez-vous de 2010 ? Comme l'a déclaré le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, 2010 doit être l'occasion de remettre à plat notre système de retraite, en n'éludant aucune question, ni aucune solution. Cet engagement impose de fonder un nouveau contrat social des retraites. D'abord, le pacte intergénérationnel est aujourd'hui brisé : les jeunes générations n'accepteront pas de payer des cotisations pour assurer à leurs aînés un niveau de pension dont elles ne pourront pas bénéficier. Ce pacte est aussi miné par l'inéquitable répartition de l'effort contributif entre les corps sociaux, ce qui écorne le fameux principe : « à cotisations égales, retraites égales ».
Ensuite, il est inconcevable de continuer à différer la question du financement des retraites, en raison de l'ampleur des déficits et du fait que les limites du report des difficultés actuelles sur les générations futures ont été atteintes.
Cela nous oblige à dégager de nouveaux financements à court terme et à envisager une réforme structurelle plus profonde.
Enfin, je crois à l'importance de la méthode de réforme au sujet d'un choix de société aussi déterminant pour l'avenir de notre pays. Ce sera d'autant mieux accepté que l'on fera preuve de pédagogie et de vérité vis-à-vis des Français et que les mesures proposées seront lisibles et transparentes. L'idée d'un Grenelle des retraites a été lancée par certains partenaires sociaux : cette nouvelle forme de négociation a au moins le mérite d'associer la société civile à la recherche du plus large consensus possible.
Sous réserve de ces observations et des amendements présentés, votre commission a adopté les mesures pour l'assurance vieillesse de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. - Avec 3 % seulement de ses dépenses, soit environ 12,9 milliards d'euros en 2010, dont 11,4 milliards pour le régime général, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est la plus petite branche de la sécurité sociale. Sa situation reflète bien l'état des risques professionnels, avec une stabilisation du nombre d'accidents du travail mais une augmentation des maladies professionnelles.
Après avoir beaucoup augmenté en 2006 et 2007, le nombre d'accidents du travail tend de nouveau à baisser. Cette bonne nouvelle, conjuguée à la hausse des effectifs en activité, fait que leur fréquence n'a jamais été aussi faible. Cependant, le nombre d'accidents de trajet continue à augmenter, même si leur gravité est moindre.
La prévalence des maladies professionnelles augmente toujours à un rythme soutenu, de même que le nombre d'incapacités permanentes et de décès qui en résultent. Les cas sont concentrés sur quelques pathologies : 74 % sont des affections péri-articulaires, 12 % des maladies de l'amiante et 6 % touchent le rachis lombaire. Il est difficile de déterminer si cette augmentation tient à la dégradation de la santé au travail ou à l'amélioration du taux de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles. Bon nombre d'entre elles ne sont pas reconnues comme telles par les médecins et certains salariés ne les déclarent pas de peur de perdre leur emploi. En outre, certaines pathologies ne sont pas prises en compte du fait d'un manque d'actualisation des tableaux des maladies professionnelles. La commission qui évalue l'ampleur de ces sous-déclarations et sous-reconnaissances a estimé le coût correspondant pour la branche maladie entre 564 millions et 1 milliard d'euros en 2008. La branche AT-MP versera donc une compensation de 710 millions à la branche maladie en 2009 et 2010.
Longtemps équilibrée ou excédentaire, la branche AT-MP du régime général est à son tour contaminée par le déficit, qui s'élèvera à 650 millions en 2009 et à 800 millions en 2010. Ce retournement de situation s'explique par la crise économique et, sans doute plus durablement, par les charges nouvelles attribuées à cette branche par la loi de financement pour 2009. Leur montant sera stable en 2010 mais les dépenses progressent davantage que les recettes. Les partenaires sociaux devront envisager une augmentation des cotisations, dont le taux moyen est resté stable depuis 2006.
Ce texte propose une amélioration du système de bonus-malus qui caractérise les cotisations de la branche. Cela aura notamment pour effet de mieux sanctionner les entreprises qui exposent leurs salariés au risque et d'inciter davantage à la prévention. Cette réforme est issue de l'accord interprofessionnel de mars 2007 sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels. L'Assemblée nationale a modifié la procédure initialement envisagée pour que les risques soient appréciés au niveau de l'établissement plutôt qu'à celui de l'entreprise. Cela peut affaiblir l'incitation à la prévention dans des secteurs comme le nettoyage mais nous devons faire confiance au choix des partenaires sociaux.
La nouvelle convention d'objectifs et de gestion liant l'État et la branche, signée le 29 décembre 2008 pour la période 2009-2012, a pour but de renforcer la prévention par un plan national qui se concentrera sur les quatre risques considérés comme prioritaires et sur les activités les plus touchées. Elle vise aussi à accompagner la victime en luttant contre la désinsertion professionnelle consécutive à un arrêt prolongé du travail. Enfin, elle prévoit de traiter de manière homogène les dossiers sur l'ensemble du territoire, pour répondre notamment aux critiques de la Cour des comptes sur les écarts de reconnaissance des pathologies d'origine professionnelle. Ainsi, la reconnaissance des troubles musculo-squelettiques peut varier de 40 % à 85 % selon les caisses.
L'actualité a posé de manière dramatique la question de la santé au travail. Le plan Santé au travail 2010-2014 vise les risques à moyen terme que sont les troubles musculo-squelettiques, les cancers et les risques psychosociaux. Des indicateurs chiffrés aideront au suivi des objectifs, lacune importante du plan précédent. Les négociations entre partenaires sociaux sur la médecine du travail ayant échoué le 11 septembre dernier, les pouvoirs publics devront prendre leurs responsabilités. Notre commission ayant constitué, le 28 octobre dernier, une mission d'information sur le mal-être au travail, cette question sera au coeur de nos travaux.
Enfin, la réforme du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) est un sujet récurrent. Le rapport de Jean Le Garrec préconisait la création d'une voie d'accès individualisée au fonds afin qu'une personne exposée à l'amiante puisse bénéficier d'une cessation anticipée d'activité quelle que soit son entreprise ou son affiliation sociale. Les enjeux financiers d'une telle mesure sont considérables. Le rapport que doit nous remettre le ministre nous permettra de disposer d'éléments concrets pour l'avenir.
Au bénéfice de ces observations, et sous réserve d'un amendement concernant un rapport qu'elle ne juge pas nécessaire, la commission a donné un avis favorable aux mesures relatives à la branche AT-MP proposées par ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Déficits « historiques », « inédits », « records »... Ce constat, partagé par tous, a été fort bien présenté par nos collègues de la commission des affaires sociales.
La crise économique et financière n'a pas fini d'interpeller nos modes de fonctionnement. Si on a surtout réfléchi, ces derniers mois, à la redéfinition du rôle de l'État dans une économie mondialisée et financiarisée, il y a aujourd'hui des décisions urgentes à prendre en matière de protection sociale. La crise aura eu au moins le mérite de mettre en avant les limites de notre système de financement, fondé sur les revenus d'activité, et donc très sensible aux évolutions de la conjoncture. La faiblesse des recettes, conjuguée à la croissance des dépenses, pose des questions de fond. Le déficit actuel ne résulte pas seulement de la crise dans laquelle notre système de protection sociale est entré avec un handicap de près de 10 milliards d'euros. Il en sortira avec un handicap de près de 30 milliards d'euros. (M. Alain Vasselle, rapporteur général, approuve) La reprise économique ne suffira pas à résorber de tels déficits.
Le Gouvernement a choisi de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires et de laisser la sécurité sociale jouer son rôle d'amortisseur social. Toutefois, ce projet de loi de financement n'est pas soutenable. Les mesures proposées devraient permettre, au mieux, de stabiliser le déficit du régime général autour de 30 milliards d'euros par an à compter de 2010, soit une aggravation des déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) d'au minimum 135 milliards d'euros entre 2009 et 2013 et un quasi-doublement de la dette sociale en quatre ans. Et il s'agit bien d'un minimum compte tenu des hypothèses macro-économiques optimistes, irréalistes selon moi, des projections pluriannuelles.
Le choix du Gouvernement de ne pas organiser de reprise de dette en 2010 place l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) dans une situation de trésorerie périlleuse. Ce texte propose de fixer le plafond d'avances de trésorerie à 65 milliards d'euros, soit le double du plafond actuel, déjà revalorisé de 10 milliards d'euros cet été.
Cette situation est d'autant plus exceptionnelle que les précédents plafonds record, ceux des années 2004 et 2008, avaient été atteints avant une reprise de déficits par la Cades. La solution consistant à faire porter à l'Acoss le déficit du régime général ne pourra plus être reconduite pour plusieurs raisons. Plus aucun bénéfice ne peut être espéré d'une baisse des taux d'intérêt à court terme ; ceux-ci ayant atteint un plancher, ils vont probablement remonter dans les prochains mois.
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - C'est probable.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Le niveau particulièrement élevé du plafond d'avances conduit l'Acoss à diversifier son financement ou à renégocier des dispositifs existants, ce qui est délicat. Cette augmentation d'activité nécessite, au sein de l'agence, un investissement humain important qui pose la question de l'accroissement du risque opérationnel sur le back office de l'agence.
La multiplication des sources de financement ne signifie pas pour autant la possibilité de couvrir n'importe quel niveau de besoin de trésorerie. L'Acoss ne pourra pas assumer, en 2011, la couverture des déficits cumulés 2009-2010 et ceux à venir de 2011. Le portage de la dette par l'Acoss constitue une dérogation au partage implicite des responsabilités entre la Cades et l'Acoss, laquelle ne doit assumer la charge que des découverts infra-annuels. Le retour à l'équilibre étant durablement éloigné, l'Acoss ne pouvant supporter un plafond d'avances plus élevé que celui prévu en 2010, une reprise de dette apparaît inéluctable. D'autant que, pour la première fois, un projet de loi de financement de la sécurité sociale ne parle plus de retour à l'équilibre.
M. François Autain. - Cela ne vous empêchera pas de le voter !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Attendez ma conclusion, vous allez être surpris ! (Marques d'intérêt sur les bancs CRC-SPG)
Trois questions se posent : comment, quand et combien ?
Il n'y a pas lieu de remettre en cause le cantonnement de la dette sociale au sein de la Cades. Depuis sa création, elle a amorti 42,6 milliards, à comparer aux 134,6 milliards de la dette transférée.
M. François Autain. - Et ce n'est pas fini !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - Quand ? Le transfert de dette doit être engagé dès 2010. Nous devons faire preuve de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Le législateur de 2005 n'a pas souhaité reporter la charge de la dette sociale. Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, un important député de la majorité a dit sa crainte d'un prolongement jusqu'en 2041...
M. Alain Vasselle, rapporteur général. - Nous ne tomberons pas dans ce piège.
M. François Autain. - Ce serait la solidarité avec les générations futures...
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - J'espère aussi que ce n'est qu'une mauvaise plaisanterie.
Dans ces conditions, et je réponds ici au « combien ? », la commission des finances vous propose, comme nos collègues de la commission des affaires sociales, une reprise de dette par la Cades de 19,5 milliards, qui nécessitera une augmentation de la CRDS de 0,15 point. Je n'imagine pas qu'on essaie de redéployer des ressources existantes comme l'année dernière, les vertus du bonneteau ont leurs limites. Ce chiffre de 19,5 milliards correspond au besoin moyen structurel de trésorerie de l'Acoss ; l'augmentation que nous proposons relèverait le taux de prélèvement obligatoire de 0,1 point, ce qui ne peut être qualifié d'excessif.
Il conviendra néanmoins de poursuivre le retraitement de la dette et, dans les prochains PLFSS, d'augmenter à nouveau les recettes de la Cades et de procéder à un arbitrage entre allonger à nouveau la durée d'amortissement de sa dette, afin d'éviter un effet « boule de neige » des prélèvements qui lui sont affectés, ou maintenir cette durée en refusant tout report sur les générations futures.
Il sera impératif d'enrayer la dynamique structurelle de la dette en choisissant au préalable le modèle de sécurité sociale que nous souhaitons. Le système de 1945 doit sans aucun doute évoluer, mais dans quelle mesure ? Nous sommes confrontés au vieillissement de la population, et donc au financement des retraites et à la prise en charge de la dépendance. La sécurisation des recettes représente un enjeu majeur qui doit être concilié avec les impératifs de compétitivité économique de notre pays mais aussi d'équité car la légitimité du prélèvement social conditionne son acceptabilité. Renforcer l'universalité de l'assiette des prélèvements sociaux permet de conjuguer équité et rendement. Cela passe par un réexamen global des niches sociales et des facultés contributives de chacun ainsi que des allégements de charges, dont la compensation par les recettes fiscales de l'État avoisine 21 milliards.
Du côté des dépenses, il est impératif de ne pas relâcher les efforts de maîtrise. On nous dit que les dépassements de l'Ondam sont moins importants que par le passé. Certes, mais ils se voulaient plus réalistes que ceux des années précédentes. Ces résultats s'expliquent aussi par des gels de dotations, dont les taux habituels de consommation laissaient entrevoir, dès leur adoption, qu'elles étaient surévaluées. Enfin, s'agissant de l'Ondam pour 2009, les dépenses supplémentaires que la grippe A pourrait induire n'ont pas été prises en compte, si bien qu'un dépassement plus important pourrait ainsi être constaté d'ici la fin de l'année. Quant à 2010, je déplore deux mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : l'exclusion des dépenses liées à la grippe A de la procédure d'alerte -on casse le thermomètre quand la température monte !- et le report de 2012 à 2018 de l'achèvement du processus de convergence tarifaire entre les établissements de santé publics et privés.
A moyen terme, des décisions structurantes pour notre système de protection sociale devront être prises. Il est grand temps de témoigner de notre capacité collective à décider des évolutions futures de notre système de protection sociale, dont j'espère qu'il sera pérennisé.
En conclusion, la commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption du présent projet loi de financement, sous réserve des amendements qu'elle vous propose. Il est temps de faire ce que l'on dit et de dire ce que l'on va faire. Il est impératif que nous réagissions dès 2010 ! (Applaudissements à droite)
Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait saisi notre délégation sur la question des majorations de durée d'assurance des mères de famille, dont la réforme est inscrite à l'article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Je tiens à en remercier la présidente Dini, que je sais très mobilisée sur les questions qui intéressent les droits des femmes et qui est d'ailleurs membre de notre délégation.
Le dispositif qui permet aux mères de famille de bénéficier de deux années de majoration d'assurance par enfant, conçu pour les femmes, intéresse la très grande majorité d'entre elles : il a bénéficié à 90 % des femmes parties en retraite au régime général en 2005.
Ce dispositif, qui majore de 20 % en moyenne les pensions des femmes, contribue de façon significative à compenser les inégalités de retraite entre hommes et femmes. Ces inégalités sont importantes : le montant moyen des retraites des femmes représente 62 % de celui des hommes. Mais ce dispositif ne joue ce rôle correcteur que parce qu'il a été conçu pour ne bénéficier qu'aux femmes.
La réforme qui nous est proposée soulève une question de fond. Un récent arrêt de la Cour de cassation ayant jugé discriminatoires les règles qui réservent la majoration aux femmes, le Gouvernement a décidé d'en étendre, sans condition, le bénéfice aux pères, en s'appuyant sur les principes osés par la Convention européenne des droits de l'homme.
Les mécanismes asymétriques compensant les inégalités de retraites entre hommes et femmes restent-ils aujourd'hui légitimes et justifiés ? La réponse ne fait aucun doute, pour des raisons de fait, de droit et d'équité.
Les raisons de fait sont statistiquement établies. Les écarts entre les pensions des femmes et celles des hommes sont considérables. Les carrières des femmes sont plus courtes que celles des hommes et leur rémunération inférieure en moyenne de 25 %. Comme l'a bien montré Mme Grésy, ces écarts s'expliquent en partie parce que les naissances affectent durablement les parcours professionnels des femmes : ce sont les femmes qui se mettent alors à temps partiel ou qui s'arrêtent de travailler pour assurer l'éducation de leurs enfants : 98 % des allocataires des prestations servies par les caisses d'allocations familiales dans le cadre du congé parental sont des femmes.
Les raisons de droit : tant notre droit constitutionnel que le droit communautaire nous autorisent à compenser ces inégalités dont personne ne conteste la réalité. Le Conseil constitutionnel a confirmé, lors de la réforme des retraites de 2003, qu'il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont pâtissent les femmes et qu'il pouvait maintenir les dispositions destinées à les compenser. L'article 141 du traité d'Amsterdam pose que le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre d'accorder des avantages spécifiques pour faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.
Mme Raymonde Le Texier. - CQFD !
Mme Michèle André, présidente de la délégation. - Si les femmes sont pénalisées dans leur carrière, c'est qu'elles se sont consacrées à une activité cruciale pour l'avenir de la société, l'éducation de leurs enfants. Ce travail non rémunéré est superbement ignoré par la comptabilité nationale : serait-il clandestin ? Nous devons le prendre en compte. Je ne pense pas qu'il faille refuser aux hommes toute possibilité de bénéficier de la majoration pour enfants. Nous connaissons tous des pères qui élèvent seuls leurs enfants, on les juge « admirables » -on ne le dit pas pour les femmes...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Très juste !
Mme Michèle André, présidente de la délégation. - Ils peuvent en pâtir et même perdre leur emploi tant la tâche est absorbante. C'est ce que montrait le film Kramer contre Kramer. Mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt : dans la très grande majorité des cas, l'éducation des enfants repose sur les femmes. Nous devons donc réaffirmer solennellement que tant qu'il y aura des inégalités réelles et statistiquement établies, des dispositions asymétriques et compensatrices restent légitimes. Ce n'est que lorsque l'égalité sera effective que l'on pourra attribuer des avantages familiaux de retraite dans les mêmes conditions aux hommes et aux femmes.
Cette égalité, nous devons la préparer dès aujourd'hui. Notre délégation sera très attentive aux efforts annoncés par M. Darcos. Le combat ne doit pas se limiter à la sphère sociale : nous serons très exigeants dans la sphère politique pour que la réforme territoriale ne se traduise pas par un recul de la parité parmi les conseillers territoriaux. (Applaudissements à gauche) Entre la protection et l'égalité, l'idéal de l'égalité passe par la mise en place d'une protection et le travail de la délégation est de hâter les évolutions : beaucoup reste à faire et nous devons le dire fermement. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. le président. - Suivant l'usage, nous allons rejoindre M. le Président du Sénat en haut de l'escalier d'honneur pour rendre hommage aux sénateurs et fonctionnaires morts pour la France.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Comme l'a indiqué M. Vasselle et en accord avec la commission, le débat thématique sur les retraites pourrait être reporté afin de faciliter le déroulement de la discussion sur le PLFSS. Il devra se tenir à un moment qui ne soit pas marginal...
M. François Autain. - Comme d'habitude...
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - ...pendant une semaine d'initiative parlementaire, avant le rendez-vous sur les retraites fixé par le Président de la République en 2010.
M. le président. - M. le président du Sénat a déjà donné son accord.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - La commission se réunira à 12 h 40.
La séance est suspendue à midi vingt.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.