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Table des matières
Modification à l'ordre du jour
CMP (Appel à candidatures - Candidatures)
Repos dominical (Proposition de loi - Procédure accélérée)
Commissions (Démissions - Candidatures)
Création d'une commission spéciale et désignation de ses membres (Candidatures)
Repos dominical (Proposition de loi - Procédure accélérée) (Suite)
Création d'une commission spéciale et désignation de ses membres (Nominations)
Repos dominical (Proposition de loi - Procédure accélérée) (Suite)
Article premier (Texte non modifié par la commission)
SÉANCE
du mardi 21 juillet 2009
8e séance de la session extraordinaire 2008-2009
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Jean-Paul Virapoullé.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Modification à l'ordre du jour
M. le président. - Par lettre en date de ce jour, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a précisé l'ordre du jour prioritaire de nos séances des jeudi 23 et vendredi 24 juillet en inscrivant la lecture des conclusions de plusieurs commissions mixtes paritaires.
L'ordre du jour de ces séances s'établira donc comme suit :
JEUDI 23 JUILLET
A 9 heures 30 :
- Suite de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical ;
A 14 heures 30 et le soir :
- Lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, le projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte, le projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances et le projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;
- Suite de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical.
ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 24 JUILLET
Mme Raymonde Le Texier. - Et pourquoi pas dimanche 26 juillet ?
M. Dominique Braye. - Cela dépend de vous ! (M. Alain Gournac acquiesce)
M. le président. - A 9 heures 30 et à 15 heures :
- Suite de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical ;
- Navettes diverses.
Il en est ainsi décidé.
CMP (Appel à candidatures - Candidatures)
M. le président. - J'ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution de deux commissions mixtes paritaires chargées de proposer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et du projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats. Cette liste a été affichée et la nomination des membres de ces commissions aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.
Repos dominical (Proposition de loi - Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
Je profite de l'occasion pour adresser mes meilleurs voeux de réussite à Mme Muguette Dini dans ses nouvelles fonctions de présidente de la commission des affaires sociales.
Discussion générale
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. - Après m'être associé aux voeux adressés par le Président à Mme Dini, je veux rappeler combien cette proposition de loi, fruit d'un patient travail d'élaboration, a rassemblé parlementaires, partenaires sociaux et élus locaux autour d'une préoccupation commune : faire progresser notre droit sans faire régresser nos valeurs. (Mme Gisèle Printz en doute) Au terme d'un débat constructif à l'Assemblée nationale, nous sommes parvenus à un équilibre sur le texte présenté par le député Richard Mallié. Je veux saluer le travail exemplaire de votre rapporteur, Mme Debré, et sa parfaite collaboration avec M. Mallié ainsi que le dynamisme de votre commission sous la présidence de Mme Dini.
La discussion qui s'engage au Sénat est d'autant plus importante que le texte de l'Assemblée nationale accorde légitimement un rôle très important aux élus locaux, que vous représentez, les mieux à même d'identifier les besoins dans les 36 000 communes de notre pays.
Ce texte réaffirme, d'abord, un principe fondamental du vivre-ensemble auquel nous sommes tous attachés, celui du repos dominical. (On le conteste à gauche) Cette demande légitime des salariés est une conquête sociale...
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre. - ...que ce texte ne remet nullement en cause, et réaffirme au contraire en son actuel article 2. (Même mouvement ; M. Dominique Braye applaudit)
M. Xavier Darcos, ministre. - Il prend acte du fait que le principe du repos dominical a toujours été appliqué avec pragmatisme depuis 1906, pour répondre aux besoins ; souplesse qui a sans doute permis sa préservation. Pour autant, il ne s'agit pas de dicter le droit d'après le fait, mais de mieux encadrer les dérogations administratives prévues dans le code du travail en renforçant la cohérence du système et en conférant de nouveaux droits à 200 000 des 6,5 millions de salariés qui travaillent le dimanche. C'est le cas, notamment, des commerces d'alimentation qui fermeront leurs portes à 13 heures, au lieu de midi selon la réglementation.
M. André Dulait. - Eh oui ! (Mme Annie David le conteste ; M. Alain Gournac s'agace)
M. Xavier Darcos, ministre. - Le texte, conformément aux propositions du Conseil économique, social et environnemental, entérine cette évolution. C'est le cas, également, des zones d'intérêt touristique. Désormais, à partir du moment où la commune justifie d'une activité touristique régulière et à partir du moment où le maire le demande, le préfet pourra autoriser, sous le contrôle du juge, tous les commerces de cette commune à employer des salariés le dimanche. C'est le cas, enfin, des périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les Puce, où les salariés qui travaillaient le dimanche sans contrepartie et dans un flou juridique total bénéficieront, en contrepartie, du paiement double du travail effectué le dimanche et d'un repos compensateur équivalent, à défaut d'accord collectif. Le texte répond ainsi aux attentes des consommateurs, des touristes, et des entreprises...
M. Jean-Pierre Caffet. - Et du Gouvernement !
M. Xavier Darcos, ministre. - ...tout en offrant des contreparties sérieuses et des garanties juridiques aux salariés concernés.
Certains ont insidieusement tenté d'introduire de la confusion (murmures à gauche) dans les débats en affectant de redouter la généralisation progressive de la disposition relative aux communes d'intérêt touristique.
M. Jacques Mahéas. - Avons-nous le droit de nous exprimer ?
M. Xavier Darcos, ministre. - Prétendre cela, c'est d'abord méconnaître les conditions de classement en commune ou zone touristique très strictes prévues par le code du travail, conditions que ce texte ne modifie en rien, mais clarifie en rebaptisant les communes touristiques en « communes d'intérêt touristique ».
Mme Annie David. - C'est déjà dans le code du tourisme !
M. Xavier Darcos, ministre. - Ensuite, c'est ignorer les faits : seules 500 communes sur 36 000 sont concernées et, surtout, le rythme moyen de progression du nombre de communes touristiques est d'environ cinq par an depuis dix ans, preuve que les critères sont suffisamment clairs pour éviter toute généralisation. C'est, enfin, tenir pour quantité négligeable le pouvoir de décision absolument fondamental du maire.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Xavier Darcos, ministre. - Qui mieux que le maire sait s'il est de l'intérêt de sa commune d'ouvrir les commerces le dimanche ?
M. Jean-Pierre Caffet. - Sauf le maire de Paris !
M. Xavier Darcos, ministre. - Qui est mieux placé que le maire pour évaluer l'opportunité de demander le classement ?
M. Jean-Pierre Caffet. - Sauf le maire de Paris !
M. Xavier Darcos, ministre. - Il n'y a donc pas lieu de craindre une transformation de toutes les communes en communes touristiques. Si la mairie ne demande rien, rien ne changera. Et peut-on envisager sérieusement qu'un maire prenne des décisions néfastes pour sa commune et le commerce ? J'ai trop longtemps occupé ces fonctions pour ne pas être convaincu, comme vous, du contraire.
J'ai conscience des interrogations des élus parisiens puisque le préfet, et non le maire, y aurait la responsabilité de demander le classement. (M. Jean Desessard s'exclame) Mais n'est-ce pas le préfet qui y fixe chaque année, cinq fois par an, les dérogations au repos dominical ?
A Paris, la réglementation en matière de police administrative est de la responsabilité du représentant de l'État. La dérogation au repos dominical accordée cinq dimanches par an relève d'une mesure de police économique qui s'accompagne en général de mesures de police particulières liées à la période de l'année. Il est donc logique et pertinent que cette compétence soit exercée à Paris par le représentant de l'État.
J'ai toutefois demandé que l'avis du Conseil de Paris, et le cas échéant des conseils d'arrondissements concernés par la demande de classement d'une zone touristique, soit prévu dans le décret en Conseil d'État qui sera pris en application de la proposition de loi, afin de préciser les modalités de la consultation relative à l'établissement des listes des communes d'intérêt touristique et à la délimitation des zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente. Messieurs les sénateurs de Paris, il n'est donc pas nécessaire de le préciser dans la loi.
Enfin, j'entends dire que ce texte créerait des inégalités entre les salariés. (On le confirme à gauche) Tout au contraire, ce texte clarifie une situation aujourd'hui marquée par la confusion, voire l'injustice. Cette proposition apporte des nouvelles garanties et permet à tous les salariés qui travaillent le dimanche dans le cadre de dérogations administratives individuelles de bénéficier de contreparties négociées. Le fil directeur de ce texte est bien la négociation collective qui prend désormais toute sa place dans les dérogations au repos dominical.
La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a posé de nouvelles bases pour la négociation collective. C'est dans ce cadre et en prenant en compte l'audience électorale des syndicats et des représentants du personnel que nous allons négocier. Il y aura des négociations au niveau de la branche comme de l'entreprise pour tous les commerces bénéficiant de dérogations administratives au repos dominical, afin de parvenir à des accords relatifs aux contreparties accordées aux salariés.
S'agissant des contreparties au travail du dimanche, la proposition de loi distingue deux types de situations : il existe, d'une part, celles dans lesquelles le travail du dimanche constitue une dérogation de plein droit et découle des caractéristiques de l'activité même -comme, par exemple, les restaurants, les hôpitaux, les pompes à essence, le cinéma-, ou du territoire dans lequel se situe le commerce, ce qui est le cas dans les communes ou les zones touristiques et thermales au sens du code du travail.
Dans cette première situation, le travail dominical constitue une caractéristique intrinsèque des emplois concernés : pour ces salariés, le travail du dimanche est une composante normale, anticipée et certaine au moment de l'embauche. Il revient alors aux dispositions conventionnelles de fixer les conditions particulières d'exécution du contrat de travail assujetti à une activité dominicale.
Mais il existe aussi une autre situation pour laquelle une autorisation administrative temporaire et individuelle conditionne l'emploi de salariés le dimanche. Dans ce cas, ce travail revêt un caractère personnel et spécifique. Il est donc normal que les salariés concernés bénéficient de contreparties, au regard de cette situation particulière, tout en préservant la liberté de négociation des partenaires sociaux s'ils se saisissent de la question. Dans ce cas, la loi offrira des garanties qui, aujourd'hui, n'existent pas. C'est le cas également en matière de volontariat lorsque le travail dominical résulte d'une dérogation administrative individuelle.
Les opposants à ce texte craignent des pressions sur le salarié afin qu'il renonce à son droit au repos dominical, notamment dans les Puce. Le volontariat n'était mentionné nulle part dans le code du travail en matière de travail du dimanche, alors qu'il sera désormais inscrit noir sur blanc dans cette proposition de loi. Enfin, le salarié pourra revenir sur son choix au terme d'une période donnée. (Exclamations sur les bancs CRC)
Ce texte conforte le principe de notre droit...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Pas du droit des salariés !
M. Xavier Darcos, ministre. - ...le principe du repos dominical et adapte les dérogations à ce principe en tenant compte de la diversité de notre territoire, des spécificités locales et des attentes de la grande majorité des Français. (Mme Borvo Cohen-Seat le conteste) Il appartiendra aux maires et aux présidents des communautés de communes de se saisir, s'ils le souhaitent, de la faculté qui leur est donnée.
Comme l'a prévu l'amendement Méhaignerie, un comité de parlementaires de l'opposition et de la majorité évaluera d'ici un an la bonne application de ce texte, en veillant tout particulièrement au respect du principe du repos dominical.
Votre commission des affaires sociales a jugé satisfaisant l'équilibre qui a été trouvé après de nombreux mois de discussions. Le Gouvernement se félicite de cet avis et souhaite que la discussion enrichisse encore le débat sans remettre en cause les équilibres auxquels nous sommes parvenus. (Applaudissements à droite)
Mme Isabelle Debré, rapporteur de la commission des affaires sociales. - (Applaudissements à droite) Cette proposition de loi est le fruit d'une longue réflexion et de débats animés parfaitement légitimes. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame) Le repos dominical est un principe affirmé en droit français depuis 1906 et, de toute évidence, dans notre culture, le dimanche n'est pas un jour comme les autres. (On le confirme à gauche) Il est, par tradition, un jour consacré, en priorité, à la vie familiale et aux activités associatives, culturelles sportives ou cultuelles.
Le principe du repos dominical a cependant toujours été assorti de nombreuses dérogations. A l'heure actuelle, près de 7,5 millions de nos concitoyens travaillent régulièrement ou occasionnellement le dimanche. Certains dans nos services publics, d'autres dans les entreprises relevant de l'un des 180 cas de dérogations énumérés par le code du travail, d'autres encore dans un établissement titulaire d'une autorisation préfectorale.
Certaines dérogations au repos dominical sont propres au commerce de détail, qui est le seul secteur d'activité visé par ce texte. Ils peuvent cependant ouvrir sur autorisation du maire cinq dimanches par an, et les commerces alimentaires peuvent, quant à eux, ouvrir tous les dimanches jusqu'à midi.
Les règles relatives au repos dominical, qui protègent les salariés, n'empêchent nullement un commerçant d'ouvrir tous les dimanches s'il le souhaite, à condition de ne pas employer de salarié ce jour-là. Il peut en revanche se faire aider de membres de sa famille.
Certains redoutent que l'adoption de ce texte n'aboutisse à une généralisation du travail dominical. L'auteur de la proposition de loi a entendu ces craintes et a fait évoluer son texte de façon substantielle en réaffirmant le principe du repos dominical tout en l'assortissant de trois dérogations d'ampleur limitée qui poursuivent deux buts principaux : permettre à la France de mieux répondre aux besoins particuliers de la clientèle touristique et adapter notre réglementation aux changements des habitudes de consommation des habitants des grandes agglomérations.
Concernant le premier volet du texte, la réglementation applicable aujourd'hui dans les communes et les zones touristiques est d'application complexe et aboutit parfois à des situations paradoxales. Sur une même avenue, un commerce peut être autorisé à ouvrir, tandis que son voisin est obligé de fermer. La solution proposée par le texte a le mérite de la simplicité : les commerces de détail situés dans les communes et les zones touristiques pourraient ouvrir, de plein droit, tous les dimanches. Ainsi, les touristes qui ne passeraient qu'un week-end dans notre pays pourraient consommer plus facilement et ces recettes supplémentaires soutiendraient la croissance et l'emploi dans les territoires concernés. Si la France est la première destination touristique mondiale par le nombre des visiteurs accueillis, elle n'arrive qu'en troisième position, derrière les États-Unis et l'Espagne, pour les recettes produites par l'activité touristique. Sans même augmenter le nombre de visiteurs, nous pouvons donc développer le chiffre d'affaires et les emplois liés au secteur touristique.
L'Assemblée nationale s'est interrogée sur le nombre de communes concernées par ces nouvelles règles. Le groupe socialiste a affirmé qu'elles s'appliqueraient dans les 6 000 communes classées touristiques au sens du code du tourisme. En réalité, dans la mesure où la réforme porte sur le code du travail, c'est seulement dans les communes classées touristiques au sens de ce code qu'elle s'appliquera : on en dénombre près de 500, auxquelles s'ajoutent une vingtaine de zones touristiques.
A l'avenir, de nouvelles communes pourront demander à être classées communes touristiques (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame) mais, comme la demande émanera du maire, nos élus locaux utiliseront sans aucun doute cette faculté à bon escient. (On en doute à gauche) Pour toutes ces raisons, le risque de généralisation du travail dominical, qui est parfois allégué, ne me parait pas avéré.
M. Yves Dauge. - Et la messe ? (Sourires)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Pour mieux protéger les salariés, le texte prévoit que, dans toutes les branches du commerce où des contreparties ne sont pas déjà prévues, des négociations devront être engagées entre les partenaires sociaux. Il est certain qu'ils trouveront les compensations les plus adaptées et qu'ils éviteront que ne se développent des situations inéquitables.
Le deuxième volet de la réforme concerne les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, les Puce, qui seront délimités dans les agglomérations de plus d'un million d'habitants, sur demande du conseil municipal, là où existe un usage de consommation dominicale. La création des Puce inquiète certains petits commerçants qui craignent d'être pénalisés par l'ouverture dominicale des grandes enseignes situées en périphérie des villes.
M. Jean-Pierre Caffet. - Eh oui !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Le texte prévoit cependant deux garde-fous : les grandes surfaces alimentaires ne sont pas concernées par la nouvelle réglementation. Les petites épiceries de centre-ville ne sont donc pas menacées. Ensuite, la création d'un Puce ne sera possible que si un usage de consommation dominicale est constaté : à Plan-de-campagne, dans les Bouches-du-Rhône, ou à Éragny, dans le Val-d'Oise, les magasins ouvrent le dimanche depuis des décennies. La clarification juridique de leur situation ne changera donc rien à la concurrence qu'ils font subir au petit commerce.
Une vingtaine de Puce pourraient être constitués, mais aucun dans la région lyonnaise, dans la mesure où il n'y a pas dans cette ville d'usage de consommation dominicale. Dans l'agglomération lilloise, la création de Puce pourrait, en revanche, aider les commerces à faire face, le dimanche, à la concurrence des magasins belges.
La création des Puce répond aux nouvelles habitudes de consommation des habitants des grandes agglomérations. Comme les zones commerciales y sont situées en périphérie, les clients n'ont pas toujours le temps de s'y rendre en semaine et les magasins sont saturés le samedi, ce qui n'est attrayant ni pour les clients, ni pour les salariés, dont les conditions de travail sont fortement dégradées.
L'ouverture dominicale permet d'étaler les achats dans le temps et facilite la vie de chacun. Les salariés travaillant le dimanche dans les Puce devront être volontaires et bénéficieront de contreparties, définies en priorité par voie d'accord collectif. L'Assemblée nationale a utilement précisé la possibilité de réversibilité, car si le travail dominical convient à un étudiant qui recherche un emploi à temps partiel, il est contraignant pour un jeune couple avec des enfants en bas âge.
Le texte comprend une mesure plus ponctuelle, qui autorise les commerces de détail alimentaire à ouvrir jusqu'à 13 heures au lieu de midi. Cet ajustement me semble conforme à l'évolution des modes de vie des Français. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ironise)
La commission a estimé que le texte élaboré par l'Assemblée nationale était équilibré et l'a adopté sans modification, à l'issue d'un débat de qualité, où chacun a exprimé ses convictions. Un comité de suivi sera composé de six parlementaires, issus pour moitié de la majorité et pour moitié de l'opposition ; dans un an, il dressera un premier bilan dont nous devrons éventuellement tirer les conséquences par des corrections.
On ne se trompe jamais à donner plus de liberté à nos concitoyens, (exclamations à gauche) à condition que la loi fixe un cadre précis qui évite les dérives et les abus. (Applaudissements à droite)
M. Dominique Braye. - Bravo !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Ce texte a été mûrement réfléchi et je vous propose donc de l'adopter afin de répondre aux attentes de beaucoup de consommateurs et de certains salariés ; et afin de soutenir le secteur du commerce malmené par la crise. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - La commission demandera la disjonction de l'amendement n°9 de suppression partielle de l'article 2, qui place en discussion commune 85 amendements ; et la disjonction de l'examen des amendements n°s25 et 99, qui placent en discussion commune 53 amendements. Le débat sera plus compréhensible si nous examinons de petites séries...
M. Xavier Darcos, ministre. - J'y suis favorable.
M. le président. - En application de l'article 49-2 de notre nouveau Règlement, je vais demander au Sénat de se prononcer.
La disjonction est ordonnée.
M. Nicolas About. - Que de précautions dans l'intitulé de cette proposition ! On peut le comprendre, quand on songe combien passionné a été le débat jusqu'à aujourd'hui. Mais elles ne se justifient plus, tant la grogne de certains apparaît en décalage par rapport à la nature technique, bien peu révolutionnaire, de ce texte. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe socialiste s'exclament)
Dépassionnons le débat, regardons en face ce qui nous est proposé : ni panacée, ni poison ! Il s'agit d'assouplir l'octroi des dérogations dans les zones touristiques et thermales et d'autoriser les dérogations dans les unités urbaines de plus d'un million d'habitants. Il faut soutenir la croissance et l'emploi dans le secteur du tourisme, où incontestablement des gains sont possibles...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous verrons...
M. Nicolas About. - Quant aux Puce, ils visent à régulariser des anomalies...
M. Dominique Braye. - Tout à fait !
MM. Jean-Pierre Michel et David Assouline. - Des infractions !
M. Nicolas About. - J'y reviendrai. La disposition visant les commerces alimentaires, qui pourront rester ouverts jusqu'à 13 heures au lieu de midi, prend simplement en compte la façon dont vivent les Français.
Le texte réaffirme le repos dominical, mais cela n'est pas indispensable car chacun a bien conscience du droit positif. Il tend à simplifier, régulariser, aplanir certaines situations. Des questions se posent. Le champ d'application évoluera-t-il ? C'est l'argument, invoqué par certains, de la pente glissante, de la brèche, de l'exception devenant principe. Cette peur est irrationnelle.
M. Jean-Pierre Michel. - Il y a des précédents !
M. Nicolas About. - Non ! Les Puce concernent un nombre de secteurs bien identifié ; et le Gouvernement nous a donné de sérieux gages d'une application restreinte de l'article L 31.32.25, non pas à toutes les communes touristiques visées dans le code du tourisme mais à celles qualifiées, dans le code du travail, de « communes d'intérêt touristique ». La différence est de taille, l'effet de contagion improbable.
Autre interrogation, celle de la compensation du travail dominical. Le code du travail ne pose aucun principe et, dans le vide des dispositions législatives, la compensation est aujourd'hui très disparate, fonction de la dérogation de l'employeur et des accords collectifs. Le texte améliore le régime des compensations sans le chambouler. Après la lecture par l'Assemblée nationale, la compensation est meilleure qu'elle ne l'est actuellement pour les cinq dimanches autorisés par an. Dans les Puce, la compensation s'exprimera par un salaire doublé et un repos compensateur. L'Assemblée nationale a posé le principe d'une compensation minimale et transversale ; les partenaires sociaux seront obligés de négocier partout où il y aura des dérogations.
Les avancées sont réelles. Reste un enjeu pour le Gouvernement : l'administration se donnera-t-elle les moyens d'une bonne application du texte ? Le Gouvernement s'engage-t-il à agir contre les contrevenants ? Si l'on régularise ce qui est aujourd'hui toléré, nous ne saurions laisser se reconstituer de nouvelles poches d'illégalité ! (« C'est ce qui se passera ! » sur les bancs socialistes) Cette régularisation doit être la dernière. Elle implique des contrôles de l'inspection du travail... le dimanche. (On ironise à gauche)
Sous réserve des assurances que nous donnera le ministre sur la bonne application des règles et parce que cette proposition atteint un point d'équilibre entre l'ordre et la liberté, la majorité des membres de l'Union centriste est prête à soutenir ce texte. (Applaudissements à droite et sur la plupart des bancs centristes)
Mme Raymonde Le Texier. - Parfois, l'impact d'une loi sur le quotidien est si fort qu'il change des aspects fondamentaux de la vie. En voici un exemple frappant. Adopté à l'Assemblée nationale à une courte majorité, ce texte n'est hélas pas un simple toilettage technique. En France, le travail dominical est déjà une réalité. Toutes dérogations confondues, 7,5 millions de Français sont touchés, près d'un salarié sur trois. En Europe, nous sommes au troisième rang pour le travail le week-end, au premier rang pour le travail le samedi. Nous sommes loin des idées reçues !
Par ces temps de crise, le Gouvernement avance un argument qui résonne dans les esprits : l'extension du travail le dimanche produirait de la croissance et des emplois.
En changeant les conditions de l'offre, la systématisation du travail le dimanche devrait, dit-on, orienter vers la consommation l'épargne jusqu'ici bloquée et produire ainsi de la richesse et des emplois. Ce raisonnement est séduisant mais il ne tient pas.
Pour que l'ouverture des magasins le dimanche entraîne un accroissement de la consommation il faudrait d'abord qu'il y ait actuellement des goulets d'étranglement qui réduiraient notre capacité à consommer. Ce n'est pas le cas : les conditions de l'offre sont excellentes et trois Français sur quatre considèrent que le temps d'ouverture des magasins est suffisant.
Ensuite, le Crédoc a fait apparaître que l'ouverture le dimanche ne produit pas d'activité économique supplémentaire mais uniquement un transfert d'activité. Au lieu de consommer en semaine, on consommera le dimanche.
Enfin, on ne peut consommer davantage sans avoir plus d'argent disponible. Quand on a un reste à vivre hebdomadaire de 50 euros, qu'on le dépense en semaine ou le dimanche, on n'a toujours que 50 euros pour boucler la semaine. De plus, en période de crise, l'épargne se contracte, non pour consommer mais pour tenir en cas de coup dur. Il n'est pas nécessaire d'avoir fait HEC pour comprendre qu'en pleine crise, alors que le chômage explose, les Français ne vont pas casser leur épargne pour aller s'acheter une nouvelle télévision parce que Darty sera ouvert le dimanche. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
On nous fait miroiter une création d'emplois dans les centres commerciaux ; ils seront moins nombreux que les emplois détruits dans le petit commerce. Il y a quelques mois, une soixantaine de députés de la majorité écrivaient que, pour un emploi créé dans la grande distribution, trois emplois sont détruits dans le commerce de détail. Une étude évaluait à 200 000 le nombre d'emplois détruits en cas de généralisation de l'ouverture des magasins le dimanche !
M. Xavier Darcos, ministre. - Celle loi ne généralise pas le travail dominical !
Mme Raymonde Le Texier. - Ce chiffre sans appel de 200 000 emplois détruits, il provient d'une étude commandée en 2006 par le ministre du commerce d'alors, Renaud Dutreil.
Puisqu'il n'y a aucun bénéfice à attendre de l'extension de l'ouverture le dimanche, comment expliquer que ce Gouvernement ne cesse d'y pousser ? Serait-ce parce qu'il s'agit d'une promesse de campagne du candidat Sarkozy et que le Président refuse de lâcher prise, envers tout et contre tout bon sens ? Serait-ce pour légaliser des pratiques illégales et pérennes dans le seul but de satisfaire des intérêts particuliers ? S'agit-il purement et simplement d'une loi d'amnistie pour les commerces qui ouvrent le dimanche depuis des années, au mépris de l'interdiction ? Sans doute, un peu de tout cela.
Ce texte va aggraver la situation des salariés. Pour nombre d'entre eux, le travail dominical va devenir obligatoire, sans contrepartie. L'ouverture dominicale deviendra de droit. A preuve l'arrêt de la Cour de cassation de juin dernier déboutant un salarié travaillant le dimanche qui demandait une compensation, avec cet argument que, son travail dominical étant « habituel », il ne devait pas donner lieu à compensation. Ne pas dire cela clairement au salarié qui compte sur le travail dominical pour boucler un budget impossible, c'est une malhonnêteté sans nom.
Certes, dans les grands complexes commerciaux à la périphérie de Paris, Marseille et Lille, les salariés seront en droit de refuser de travailler le dimanche. Mais, dans les faits, qui peut croire qu'ils auront le choix, connaissant les rapports de subordination qui régissent le monde du salariat ? Qui peut croire que ces travailleurs prendront le risque d'aller rejoindre les millions de chômeurs en refusant de travailler le dimanche ?
Le Gouvernement présente ce texte comme uniquement technique car il sait bien que si ce texte apparaissait pour ce qu'il est, il n'aurait aucune chance de passer. Ce n'est pas un hasard si nous en examinons la quatrième version présentée au Parlement en un an. Ce n'est pas un hasard s'il est débattu fin juillet : vous savez pertinemment que, si les Français n'étaient pas à la plage, ils seraient dans la rue ! C'est à raison que nombre de nos collègues de la majorité osent rejeter ce texte publiquement, et que plus nombreux encore sont ceux qui le condamnent en coulisse. Vous manipulez un bâton de dynamite dont la mèche est allumée...
Avec ces nouvelles dérogations au repos dominical, le travail le dimanche sera banalisé. Vous voulez transformer le dimanche en un jour comme les autres pour changer de modèle de société. Les Français sont contre ce recul, ils n'en veulent pas, de votre société de la consommation totale et du travail non stop. Des pans entiers de notre façon de vivre reposent sur ce temps disponible que nous offre le dimanche. Depuis la loi de 1906, le dimanche est au coeur du pacte social national. Le dimanche, c'est ce que les Français ont en commun. Ce n'est pas non plus un hasard si 85 % des Français estiment aujourd'hui que le dimanche est un jour fondamental pour la vie de famille, sportive, culturelle ou spirituelle et doit, à ce titre, rester un jour de repos pour le plus grand nombre. Pour 85 % des Français, de droite ou de gauche, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, croyants ou athées, vivant en couple ou célibataire, le dimanche, c'est la famille, les amis, les loisirs, les activités culturelles, l'engagement associatif, l'épanouissement personnel, le lien social, la transmission entre les générations. Priver les Français de ce moment commun, c'est organiser le délitement de notre société dans son ensemble et de la cellule familiale en particulier. Aucun de nous, aucun de vous, ne peut laisser faire cela.
A Versailles, le Président Sarkozy a tenu à s'inscrire dans l'héritage du programme du Conseil national de la Résistance. Alors que celui-ci défendait le droit au repos, vous faites disparaître le repos commun des travailleurs. Alors que le Conseil national de la Résistance prônait « un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine », vous nous dites que les Français doivent travailler le dimanche pour compenser leur trop faible salaire. AIors que le Conseil national de la Résistance demandait « la sécurité de l'emploi, la réglementation des conditions d'embauche et de licenciement », ce texte précarise des salariés qui ne pourront refuser de travailler le dimanche.
Denis Kessler, ancien vice-président du Medef, déclarait voici quelque temps au magazine Challenge : « La liste des réformes du Gouvernement peut donner une impression de patchwork, personne n'arrive à voir la logique. Mais, à y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ».
A force de casser le droit du travail, ce sont les fondements de notre société que l'on détruit. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique Braye. - Tout en nuances !
Mme Raymonde Le Texier. - Le repos du dimanche, comme moment commun de tous les Français, est le plus visible de ces fondements. Améliorer les conditions de vie de nos concitoyens est au centre de notre engagement politique. Précariser toujours plus les travailleurs ne peut être notre projet de société.
M. Dominique Braye. - C'est les travailleurs qui le demandent !
Mme Raymonde Le Texier. - La loi doit défendre l'intérêt général. Ce texte en est l'antithèse parfaite. Les socialistes s'y opposeront de toutes leurs forces. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique Braye. - C'est bon signe ! On comprend pourquoi vous allez aussi mal ; continuez ainsi, vous travaillez pour nous !
Mme Isabelle Pasquet. - Je le sais, qui ne le saurait pas après une telle campagne de promotion : le seul et unique objectif du Gouvernement, en faisant passer ce texte en plein été, avec la procédure accélérée, c'est de réaffirmer le principe du repos dominical ! C'est le titre même du texte déposé par M. Mallié. De son deuxième texte puisque le premier avait paru tellement abouti que même au sein de l'UMP, il s'en était trouvé, et pas des moindres, pour bouder le texte. Si nous nous sommes réjouis que cette première mouture soit retoquée, nous n'avions pas d'illusions sur l'acharnement du Gouvernement à réaffirmer le principe du repos dominical -pour mieux le contourner.
Il s'agit là d'un enjeu sociétal, un enjeu de classes, un enjeu pour le modèle social de notre pays et son droit du travail, dont M. Sarkozy vante les mérites modérateurs sur les effets de la crise mais qu'il nous demande de démanteler au nom du libéralisme débridé, de la liberté du renard dans le poulailler, alors que la crise dans laquelle nous a entraînés l'incroyable cécité dont vous avez fait preuve vis-à-vis de la financiarisation de l'économie se traduit par des dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires tous les mois ; alors que la consommation des ménages a fortement chuté par la conjonction d'une bulle spéculative de l'immobilier et de la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée ; alors que les perspectives offertes à notre jeunesse, au sortir du baccalauréat ou même de filières universitaires, se ferment au point que les « stages rémunérés » promus par M. Frédéric Lefebvre deviennent la norme, contrairement à la loi qui stipulait que les stages ne devaient être utilisés que pour les besoins de la formation des jeunes, non pour en faire de faux salariés payés moins que le Smic.
Il faut donc réserver les stages aux cursus pédagogiques et les interdire en dehors de ce cadre. En effet, dans les autres situations, il pourra être recouru à la formation professionnelle ou à un contrat de travail.
L'urgence serait donc au travail du dimanche pour rendre du charme à nos villes, de l'attractivité à nos zones commerciales, du droit dans les zones de non-droit, de la compétitivité à nos entreprises et de l'appétit aux consommateurs -à défaut de pouvoir d'achat. Première destination touristique du monde, la France serait-elle acculée à user des mêmes expédients que Bahreïn, Cancun ou Las Vegas ? Son patrimoine architectural, culturel, historique et géographique, son patrimoine industriel, oenologique et gastronomique sont pourtant les premières raisons invoquées par les touristes qui séjournent dans notre pays -ils peuvent aussi en profiter, et d'autres jours que le dimanche, pour fréquenter les artères commerçantes. Et il existe déjà des dispositions autorisant l'ouverture dominicale pour les touristes en transit.
Je m'interroge d'ailleurs sur un des arguments employés par le Président de la République pour illustrer ce qu'il appelle l'anachronisme de la fermeture dominicale des commerces dans un pays moderne. Il a dû prendre lui-même son téléphone pour faire ouvrir les magasins afin de permettre à Mme Obama et sa fille de faire des emplettes pendant leur visite à Paris. Si on peut s'interroger sur la pertinence de notre arsenal législatif dans ce domaine comme dans d'autres, il est inconcevable que le chef de l'État, en charge plus que tout autre du respect de nos institutions, s'autorise à demander à des personnes privées d'enfreindre la loi... Il faut relever en outre que cette ouverture des commerces par la grâce présidentielle résulte d'abord d'impératifs de sécurité. On n'imagine pas les Obama faisant leurs courses pendant les soldes, sauf à fermer les commerces le temps nécessaire... Argument irrecevable, donc.
Pour conserver l'illusion que le repos dominical reste la règle et le travail ce jour exceptionnel, on nous dit que seules 500 zones environ seront concernées et que l'hypothèse d'une généralisation ultérieure n'est qu'une interprétation farfelue, une invention bassement politicienne. Mais on sait que les zones désignées comme touristiques capteront de la clientèle : les communes voisines, sous la pression des acteurs économiques, souhaiteront à leur tour bénéficier du dispositif. Et on verra s'étendre ces zones au nom de la concurrence ; une fois encore les salariés en feront les frais.
J'en viens aux périmètres d'usage et de consommation exceptionnelle, les Puce. On nous propose une nouvelle usine à gaz, sans autre raison que l'intérêt bien compris de quelques-uns. Lyon, agglomération de 2 millions d'habitants, paraît concernée à double titre, pour le tourisme et les Puce ; mais la ville est exclue du dispositif parce qu'on n'y constate pas d'usage de consommation le dimanche...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Bizarre !
Mme Isabelle Pasquet. - Nous ne critiquerons pas les élus qui ont choisi de ne pas être demandeurs ; mais il est parmi eux des partisans de la loi, pourvu qu'elle s'applique aux autres. Voilà qui démontre que l'égalité des citoyens, que l'égalité des salariés d'une même branche professionnelle ou d'une même enseigne n'est pas respectée.
Je ne peux pas parler des Puce sans évoquer l'affaire de Plan-de-Campagne, puisque c'est de là que tout est parti. Je ne reviendrai pas sur ce qui en a fait une des plus grandes zones commerciales d'Europe, ni sur les 43 ans de dérogations, d'ouvertures illégales, de conflits et de procédures. Mais je veux rappeler que les partenaires sociaux se sont réunis le 24 janvier 2007, sous l'égide du préfet de région, pour trouver un accord de méthode, qualifié à l'époque de positif, permettant un retour progressif au droit commun -accord qui faisait suite à un conflit déclenché par le jugement du tribunal administratif de Marseille dénonçant l'arrêté préfectoral autorisant l'ouverture dominicale de certaines enseignes. Cet accord envisageait la modernisation de la zone, sa sécurisation et l'amélioration de son accessibilité ; il prévoyait aussi la négociation de contreparties de sorte que ni l'activité et ni l'emploi ne soient pénalisés.
Seule la communauté du pays d'Aix s'y est déclarée favorable. Les partenaires sociaux ayant constaté le défaut d'engagement de l'État et des collectivités locales sur un programme précis garantissant la pérennité de la zone de Plan-de-Campagne aux plans social et économique ont mis fin à l'accord de méthode du 24 janvier 2007, et convenu le 19 juillet 2007 d'un retour au droit commun au plus tard le 30 juin 2008. Rien n'a bougé depuis, sinon la proposition de loi Mallié, qui enterre tout espoir de trouver un consensus sur place entre tous les acteurs concernés. Précision : il ne reste que 700 salariés à régulariser sur 7 000, dont 100 étudiants suite à l'amendement de Mme Debré. Le problème de la majorité est ailleurs.
M. Mallié a mené une campagne acharnée contre les organisations syndicales qui voulaient faire respecter la loi, ce qui lui a d'ailleurs valu de perdre son canton au bénéfice d'un élu communiste ; il nous demande en réalité de légiférer pour légaliser une zone de non-droit, où l'État a complètement démissionné. De grandes enseignes se sont installées sans déposer de permis de construire, d'autres ont déclaré des entrepôts vite transformés sans autorisation en surfaces de vente. (M. Jean Desessard approuve) Pour ce qui est de la sécurité, aucun plan d'évacuation ni de secours ne peut être mis en oeuvre un jour de grande affluence -il faut 1 h 30 pour traverser la zone et aucun hélicoptère ne peut y atterrir...
A l'heure où même la majorité semble découvrir que le développement durable impose autre chose que des slogans, encourager le développement de telles zones -même les États-Unis en reviennent- c'est aller à l'encontre des réponses collectives que nous devrions apporter aux menaces qui pèsent sur la planète. Avec le développement de l'activité commerciale, viennent la logistique, des heures d'embouteillages, des hectares de parkings, des tonnes d'emballages, des travailleurs sous-payés : que de gaspillages et de contresens ! (Applaudissements à gauche) Et ce au nom de nouvelles habitudes de consommation qui changent très vite -et pour en finir avec la conquête sociale du repos hebdomadaire, que le patronat n'avait pas encore réussi à contourner.
Après la Commission européenne et sa semaine de travail de 48 heures, après le Gouvernement qui estime raisonnable de retarder l'âge de départ à la retraite jusqu'à 67 ans, nous devrions accepter la mise à mort du repos hebdomadaire. Pour nous, ce sera « non » et nous continuerons à ferrailler contre ce texte, jusqu'au Conseil constitutionnel s'il le faut. (Applaudissements à gauche)
présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président
M. François Fortassin. - C'est la loi Sarrien du 13 juillet 1906 qui a définitivement instauré le repos hebdomadaire du dimanche.
M. Jean Desessard. - Très bien !
M. François Fortassin. - C'était une loi progressiste, qui a permis au gouvernement de l'époque d'apaiser les tensions sociales mais aussi religieuses, un an après la séparation de l'Église et de l'État. Ce fut une loi républicaine, humaniste et laïque. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Et c'est tout cela que le présent texte foule aux pieds ! (Applaudissements à gauche) Comme d'autres lois fondatrices, elle est toujours en vigueur, même si de très nombreuses dérogations ont été acceptées au fil du temps. Et voilà que le Président de la République et son Gouvernement veulent passer en force au coeur de l'été, alors que les Français ont sans doute d'autres préoccupations que le travail législatif. Mais ne vous inquiétez pas, nous sommes là pour les réveiller à l'heure de la sieste !
C'est un des piliers de notre vivre-ensemble qui se trouve remis en cause. Le dimanche, jour de repos, c'est le jour que chacun peut consacrer aux activités de son choix, familiales, sportives, associatives, culturelles ou religieuses.
M. Dominique Braye. - Sauf les achats !
M. François Fortassin. - La majorité des travailleurs du commerce ont des salaires modestes (marques d'approbation à gauche), mais ils ont l'avantage sur d'autres salariés de pouvoir se consacrer à une vie familiale harmonieuse.
M. Dominique Braye. - C'est faux ! Demandez aux caissières !
M. François Fortassin. - Vous êtes libre de votre analyse, cher collègue.
M. Dominique Braye. - C'est la leur ! N'avez-vous jamais entendu parler du temps partiel imposé ?
M. François Fortassin. - Faire croire qu'en supprimant le repos du dimanche on dopera le commerce, c'est se moquer du monde. On n'augmentera pas le pouvoir d'achat des Français par un coup de baguette magique ! (Mmes Annie Jarraud-Vergnolle et Patricia Schillinger le confirment)
Ironie du sort, vous défendiez il y a quelques semaines, monsieur le ministre, la fermeture des écoles le samedi sous prétexte de donner aux enfants un jour de repos supplémentaire... (Applaudissements à gauche)
Mme Annie David. - Avec leur famille !
M. François Fortassin. - Vous avez changé de casquette, mais vous n'étiez pas obligé de changer de conviction ! (Même mouvement ; M. Jean Desessard s'esclaffe)
Cette proposition de loi est extrêmement confuse et crée des disparités entre les territoires et les salariés. Elle risque de rallumer des guerres inutiles. Croyez-vous donc que les employés du commerce aient le choix de leurs horaires ?
Voix à gauche. - Non !
M. François Fortassin. - Je vous invite à aller travailler dans les grandes surfaces, comme je l'ai fait l'été dernier : vous pourrez constater que la liberté des salariés est beaucoup moins grande qu'on ne le dit !
M. Dominique Braye. - Vous venez de dire qu'ils avaient du temps pour leur vie familiale !
M. le président. - Poursuivez, monsieur Fortassin.
M. François Fortassin. - Je ne me laisserai pas impressionner par la voix tonitruante de M. Braye, monsieur le président ! La société doit-elle être seulement fondée sur la valeur travail et l'activité marchande ?
M. Jean Desessard. - Non !
M. François Fortassin. - L'économie, aujourd'hui, est-elle vraiment au service de l'homme ?
Plusieurs sénateurs socialistes - Non !
M. François Fortassin. - Ce texte démontre le contraire. La société doit reposer sur des valeurs partagées. Si la France est aujourd'hui dans le monde un modèle de démocratie, c'est parce que nos prédécesseurs ne se sont pas laissés guider par des nécessités techniques, mais par des valeurs fondamentales, dont le repos hebdomadaire fait partie !
En outre l'extension du travail le dimanche portera atteinte au petit commerce : c'est la grande distribution qui en retirera tout le profit.
M. Jacques Mahéas. - Bien sûr !
M. François Fortassin. - Du point de vue de l'aménagement du territoire, cette loi créera le plus grand désordre à cause des disparités entre territoires.
Parler d'ajustement technique est une duperie. (MM. Roland Courteau et Jacky Le Menn le confirment) Bien entendu, si l'on demande à un consommateur qui a besoin d'une baguette à deux heures de l'après-midi s'il accepte que son boulanger soit ouvert jusqu'à trois heures, il répondra oui. Mais ce n'est pas ainsi que l'on crée une société harmonieuse !
En une dizaine d'années, d'immenses fortunes se sont constituées dans la grande distribution, alors qu'il faut trois ou quatre générations dans l'industrie pour parvenir au même résultat. Et l'on va encore accentuer ce phénomène !
Ce texte est profondément nocif. C'est pourquoi les sénateurs radicaux et la plus grande partie du groupe RDSE le rejetteront. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du groupe RDSE)
M. Bruno Retailleau. - Il y a des débats qui dépassent les clivages traditionnels, parce que l'on n'y prend pas position en fonction d'une logique partisane mais par conviction personnelle. Celui-ci en fait partie. Ce texte, intitulé par une habileté sémantique « proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical », créera beaucoup plus de problèmes qu'il n'en résoudra.
Tout d'abord, il instaure des différences de traitement contraires à toute logique entre les territoires -l'Alsace-Moselle et le reste du pays, Lyon et les trois autres grandes métropoles, les communes touristiques au sens du code du tourisme et au sens du code du travail...- mais aussi entre les salariés : ceux qui travaillent dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel (Puce) seront payés le double et bénéficieront d'un jour de repos compensatoire supplémentaire, contrairement à ceux qui travaillent dans les communes touristiques. On écorne ainsi le principe selon lequel à travail égal, le salaire doit être égal, et l'on verse ainsi dans une sorte de relativisme juridique. (M. Roland Courteau le confirme)
Sous couvert de régularisation, on risque de banaliser le travail du dimanche, notamment dans les communes touristiques. Les verrous qui le limitaient jusqu'à présent à certaines saisons et à certaines communes sautent. Les Puce, même limités à trois grandes agglomérations, regroupent près d'un quart de la population.
En outre il existe un risque de contagion : des services périphériques devront fonctionner pour pourvoir à l'absence des salariés du foyer, et pour subvenir aux besoins des magasins ouverts.
Les bénéfices économiques de l'opération sont incertains : aucune étude ne montre que l'extension du travail du dimanche créera de la croissance ou de l'emploi.
M. Jean-Pierre Caffet. - C'est vrai !
M. Bruno Retailleau. - En termes d'aménagement du territoire, il y a un grave risque d'aspiration vers les zones de chalandise au détriment de l'arrière-pays. (M. Roland Courteau le confirme) Surtout, quel bénéfice en retirerons-nous au plan de la cohésion sociale ? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour régulariser des situations particulières ?
Nous sommes nombreux à partager le même diagnostic sur la crise économique, qui résulte d'une logique financière poussée à l'excès. Sans doute le marché est-il un modèle économique, mais il ne peut être un modèle de société. Ce n'est pas au marché de réguler les activités humaines, c'est aux hommes de réguler le marché. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et RDSE) Ne prenons pas le risque d'abîmer le lien social pour un profit aléatoire.
Ce débat se ramène à une question : dans quelle cité voulons-nous vivre ? Dans un État marchand, une communauté de producteurs et de consommateurs, ou bien dans une communauté politique de citoyens, regroupés autour d'un projet collectif ? (Même mouvement ; Mme Anne-Marie Payet applaudit également)
M. Jean Desessard. - Parfois l'action du Sénat va dans le bon sens : je me félicite que nous ayons élu pour la première fois une femme à la présidence d'une commission. (On applaudit Mme la présidente de la commission à gauche, au centre et sur quelques bancs à droite) D'autres fois elle va dans le mauvais sens. Il est inadmissible que nous examinions la plupart des textes de loi dans l'urgence. (Mme Annie David renchérit)
M. Nicolas About. - C'est dans la logique de la réforme !
M. Jean Desessard. - Cette fois, il s'agit de satisfaire les demandes de la grande distribution...
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Mais non !
M. Jean Desessard. - ...celle-là même qui étrangle le commerce de proximité et les petits producteurs que le Gouvernement prétend défendre. Et c'est un beau cadeau qu'on lui fait !
En outre, la commission n'a déposé aucun amendement. (On s'en émeut à gauche) A quoi servons-nous ?
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Nous avons travaillé en amont avec l'Assemblée nationale.
M. Jean Desessard. - L'opposition est de toute façon impuissante. Rassurez-vous, son tour viendra... (M. Jean-Pierre Michel s'amuse et applaudit)
M. Dominique Braye. - Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir !
M. Jean Desessard. - Mais la majorité elle-même accepte de se bâillonner alors qu'elle est divisée sur ce sujet. Le Sénat montre aujourd'hui qu'il ne sert à rien ! La majorité est aux ordres (Mme le rapporteur le conteste) et veut faire adopter ce texte le plus vite possible, sans débat. (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Cela fait deux ans que nous y travaillons ! (M. Nicolas About le confirme)
M. Jean Desessard. - Le Gouvernement a choisi de passer par la voie d'une proposition de loi parlementaire, ce qui offre de nombreux avantages : il n'a pas à consulter les partenaires sociaux, ni à saisir le Conseil d'État ou le Conseil économique, social et environnemental.
M. Dominique Braye. - Il n'est pas interdit aux parlementaires d'avoir des idées !
M. Jean Desessard. - Ce texte été inscrit à l'ordre du jour au mois de juillet, pendant que les Français sont en vacances. Quand ils découvriront à la rentrée la banalisation du travail du dimanche, il sera trop tard.
Richard Mallié est député des Bouches-du-Rhône, département où se trouve le pôle commercial de Plan-de-Campagne, dont les commerces sont depuis longtemps ouverts le dimanche, en toute illégalité ! (Huées à gauche) Cette proposition de loi est destinée à régler une situation particulière, favorisant des intérêts privés ?
M. Jean-Pierre Michel. - Tout mandat impératif est nul !
M. Jean Desessard. - Les patrons prendront ce qu'on leur donne, et recommenceront ! (On ironise sur la lutte des classes à droite ; applaudissements à gauche)
L'ouverture dominicale représenterait un jour de croissance en plus, dites-vous ; les consommateurs et les salariés l'attendraient pour consommer plus et gagner plus... Faut-il rappeler que nous sommes en pleine crise ? Comment nos concitoyens feront-ils pour dépenser le dimanche, quand l'argent manque le reste de la semaine ? (Applaudissements à gauche)
L'ouverture dominicale ne favorisera pas la consommation car il n'existe pas de réserves de consommation. Au mieux, les achats seront reportés. L'expérience européenne montre également que le chiffre d'affaires des commerces ouverts le dimanche n'augmente pas. Sans effet sur la croissance, cette disposition n'entraînera pas de création d'emplois.
La banalisation du travail dominical entraînera la diminution des échanges familiaux, l'abandon des activités sportives et associatives et la baisse des activités culturelles. Comment pouvez-vous accepter un tel changement de civilisation, où tout est axé sur la production et la consommation ? Que faites-vous des valeurs ? J'espère bien que vous voterez nos amendements !
M. Dominique Braye. - Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir...
M. Jean Desessard. - Les salariés les plus précaires seront volontaires pour travailler le dimanche : ils sacrifieront leur vie de famille parce qu'ils n'auront pas d'autre choix financier.
N'en déplaise au Gouvernement, les Français ne sont pourtant pas des feignants : avec 7 % de salariés travaillant habituellement le dimanche, la France se situe dans la moyenne européenne.
Venons-en à « l'embrouille » autour des dénominations des villes touristiques. Vous différenciez communes d'intérêt touristique ou thermales et zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, l'une relevant du code du tourisme, l'autre du code du travail. Je vous croyais pourtant attachés à la simplification du droit ! Il y aurait donc des communes touristiques sans affluence touristique. (Sourires à gauche)
Selon le Conseil national du tourisme, entre cinq et six mille communes pourraient recevoir l'appellation « commune touristique » : les salariés travailleront le dimanche sans contrepartie financière, sans repos compensateur et sans volontariat !
Enfin, l'instauration des Puce dans les unités urbaines de plus d'un million d'habitants est clairement destinée à valider les pratiques illégales de Plan-de-Campagne et d'autres. Cette proposition de loi est une loi d'amnistie ! (M. Jean-Jacques Mirassou le confirme) Les « patrons voyous », que le Président de la République ne cesse pourtant de dénoncer, sont récompensés, voire choyés : l'ouverture le dimanche ne leur coûtera pas plus cher que les autres jours ! (Applaudissements à gauche)
Avec ce texte, le travail dominical devient la norme. Quel modèle voulons-nous pour la France ? Au moment où la crise s'installe, on ne peut penser que la dérégulation dynamisera l'emploi, pas plus que le bouclier fiscal ! Voyez les courbes du chômage... (On invoque la crise à droite) C'est la réduction et le partage du temps de travail qui peuvent être créateurs d'emplois ! Là, on va recourir à des travailleurs précaires. Pour remédier à la saturation des magasins le samedi, il suffirait de donner un jour de congé supplémentaire ! (Sourires à gauche ; exclamations à droite)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - La liberté est inscrite sur le fronton de nos mairies.
M. Jean Desessard. - La crise devrait être l'occasion d'analyser nos modes de surconsommation. Il y mieux à faire le dimanche que des achats !
Mme Raymonde Le Texier. - Très bien.
M. Nicolas About. - C'est gentil de penser aux autres !
M. Jean Desessard. - La possibilité de consommer sans cesse n'est pas une liberté supplémentaire, mais un assujettissement aux biens de consommation. Nous ne sommes pas obligés d'accompagner l'individualisation de la société, le désir toujours inassouvi de consommer...
M. Roland Courteau. - Vous avez raison !
M. Jean Desessard. - Et quid de l'impact de l'ouverture dominicale sur l'environnement ? Certains consomment déjà beaucoup trop pour ce que peut supporter notre planète !
Ce texte est un non-sens économique, social et écologique. J'espère que la majorité luttera contre une réforme qui bafoue des valeurs fondamentales. (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Maurey. - Cette proposition de loi est dotée d'un titre bien long pour une réforme finalement a minima. Face à la polémique et à l'hostilité soulevées par son texte, son auteur a revu par trois fois sa copie ! J'avais moi-même déposé des amendements au projet de loi Tourisme visant à modifier le régime de l'ouverture dominicale des magasins situés en zone touristique, M. Pozzo di Borgo s'intéressant pour sa part aux zones de plus d'un million d'habitants. Seul M. Dominati m'avait apporté son soutien, ce dont je le remercie. N'en déplaise au Gouvernement, j'estime que ces dispositions avaient toute leur place dans un texte sur le tourisme -au moins autant que la baisse de la TVA dans la restauration !
Je suis stupéfait que notre commission de l'économie n'ait pas jugé nécessaire de se saisir de cette proposition de loi, contrairement à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale -au motif que le texte n'aurait pas de dimension économique ! (Exclamations à gauche) Si c'est le cas, que faisons-nous ici ? Ce texte a bien une dimension économique : c'est pourquoi je le soutiens. J'adhère pleinement aux propos tenus par le Président de la République le 23 octobre 2008 : « La possibilité de travailler sur la base du volontariat le dimanche, c'est un jour de croissance et de travail en plus. C'est une occasion en plus de vendre ses produits, sur la base du volontariat et par les salariés qui veulent travailler le dimanche, une occasion d'être payés davantage. Cela sera bon pour le pouvoir d'achat ».
M. Dominique Braye. - Très bien.
M. Hervé Maurey. - Après la loi de programmation militaire et le projet de loi Tourisme, le Gouvernement nous demande -encore !- un vote conforme. Dans ces conditions, à quoi sert le Sénat ? Réjouissons-nous encore que l'on ne nous soumette pas une réforme déjà rentrée en application... Je regrette ces méthodes, d'autant que l'apport du Sénat a toujours été positif.
Mme Isabelle Debré. - Nous avons travaillé en amont !
M. Hervé Maurey. - Sur le fond, il est temps de démystifier l'impact de ce texte. Il ne met pas en cause le repos dominical, créé par la loi de 1906. Au contraire, il le réaffirme. Mais chacun sait que ce principe souffre déjà plus de 180 dérogations. Chacun sait que tous les gouvernements, de droite comme de gauche, et y compris Mme Aubry quand elle était ministre du travail, en ont institué. Chacun sait qu'un tiers des Français travaillent déjà le dimanche, de manière régulière ou occasionnelle. Arrêtons donc de jouer à se faire peur. Arrêtons de poussez les hauts cris sur un texte qui ne fait que proposer de porter la fermeture des magasins de détail à 13 heures au lieu de midi...
M. Alain Gournac. - Quelle horreur !
M. Hervé Maurey. - ...de permettre aux commerces de détail situés dans les communes et les zones touristiques d'ouvrir de plein droit les dimanches, d'autoriser la création de périmètres d'usage de consommation exceptionnels dans les grandes agglomérations.
On ne peut pas être le pays du monde qui reçoit le plus de touristes en même temps que le seul où les magasins n'ouvrent pas le dimanche. (Exclamations sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Faux !
M. Hervé Maurey. - J'ai eu l'occasion de souligner le caractère absurde de ce régime. Je ne reviendrai pas sur la distinction byzantine entre lunettes de vue et lunettes de soleil, entre vêtements de création et vêtements de prêt-à-porter : tout le monde connaît ces exemples fameux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous achetez souvent des lunettes de vue le dimanche ?
M. Hervé Maurey. - Et je ferai observer à mes collègues de l'opposition que Paris n'attire pas seulement les visiteurs pour ses monuments, mais aussi pour ses magasins. Leur offrir un tourisme de qualité, c'est leur permettre de faire des courses le dimanche. (Applaudissements sur de nombreux bancs UMP) Il ne faut pas se voiler la face. L'ouverture le dimanche, notamment à Paris, aura un impact très positif sur l'emploi et le commerce extérieur.
Autoriser l'ouverture du dimanche dans les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, dans les grandes agglomérations, permettra de sécuriser des situations qui existent depuis de nombreuses années, l'autoriser dans les zones frontalières évitera de voir les consommateurs aller faire leurs courses de l'autre côté de la frontière, où la législation est moins conservatrice. Je suis de ceux qui pensent, n'en déplaise à la commission dont je fais partie, que ce texte a un impact économique en termes d'emploi et de pouvoir d'achat.
Et puis, effectuer certains achats le dimanche n'est pas antinomique avec la vie de famille : il existe des achats importants pour la vie de famille. (Rires et exclamations à gauche)
Mme Raymonde Le Texier. - Vous voulez parler des achats que ne peuvent pas faire les salariés qui travaillent le dimanche ?
M. Roland Courteau. - C'est travailler le dimanche qui est incompatible avec la vie de famille !
M. Hervé Maurey. - Dans la vie moderne, en milieu urbain, quand on travaille et que l'on a deux enfants, on est souvent occupé le samedi par leurs activités périscolaires : il ne reste que le dimanche pour faire ses achats. (Nouvelles exclamations à gauche)
Mme Annie David. - Que restera-t-il à ceux qui travaillent le dimanche ?
M. Roland Courteau. - La semaine des quatre jeudis !
M. Hervé Maurey. - Le texte est entouré de garanties : le salarié devra être volontaire. (Nouvelles exclamations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous croyez au Père Noël !
M. Hervé Maurey. - Ce principe a été réaffirmé à l'Assemblée nationale. La réponse devra être formulée par écrit et un refus ne pourra pas entraîner une radiation des listes pour les demandeurs d'emploi.
Le salarié bénéficiera de contreparties salariales. L'Assemblée nationale, à la demande du Nouveau Centre, a fait inscrire l'obligation d'une négociation collective. C'est un point très positif.
On ne peut que regretter que le principe du doublement de salaire ne s'applique qu'aux Puce et ne soit pas généralisé, au risque d'entraîner des inégalités entre travailleurs du dimanche. C'est pourquoi je me suis permis, bien que sachant que les amendements ne sont pas bienvenus, d'en déposer un, modeste, à l'article 4, pour demander que le rapport du comité d'évaluation examine les différences dans la compensation et propose des mesures d'harmonisation.
Ce texte n'est certainement pas parfait. (Exclamations à gauche) Mais il ne ressemble en rien à la caricature qu'en présentent nos amis de l'opposition. Il ne fait rien d'autre que modifier un régime dérogatoire existant sur la base du volontariat. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) C'est un texte de bon sens. Il est nécessaire de s'adapter aux réalités, aux évolutions de la société en confortant tout à la fois l'attractivité économique de notre pays, mais il est vrai que c'est une notion qui échappe à certains. (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)
M. Alain Gournac. - (Exclamations à gauche) Cette proposition de loi est le fruit de plusieurs années de travail et de réflexion. (Exclamations à gauche, où l'on manifeste son doute par gestes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah oui ?
M. Alain Gournac. - La réflexion n'a pas commencé hier. C'est faux. Moi aussi, je peux faire ça, (M. Alain Gournac esquisse des moulinets) mais ça ne nous fait pas avancer !
Le texte a suscité de vifs débats à l'Assemblée nationale et au sein de notre commission. Sur un sujet aussi passionnel, évitons la caricature !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Un connaisseur nous conseille !
M. Alain Gournac. - A en croire certains, ce texte porte atteinte aux droits des salariés (« Oui », « oui », « oui » entend-on scander sur les bancs socialistes) et banalise le travail le dimanche. Au contraire, l'article 2 réaffirme le principe du repos dominical, dans l'intérêt des salariés. (Vives exclamations à gauche) Il ne s'agit pas d'étendre le travail du dimanche à l'ensemble du territoire. II ne s'agit pas de révolutionner le droit existant. Il s'agit simplement d'apporter des réponses ciblées à des questions spécifiques.
Trois cas sont visés : l'ouverture du commerce le dimanche dans les communes et zones touristiques ; l'ouverture dans des « périmètres d'usage de consommation exceptionnel », les Puce ; le droit, enfin, pour les commerces alimentaires, de fermer à 13 heures au lieu de midi le dimanche : pas de quoi crier au scandale !
Dans ces trois cas, le droit ne répond pas aux réalités du commerce. Inutile de s'étendre sur la prolongation de l'ouverture des commerces alimentaires jusqu'à 13 heures, pratique déjà entrée dans les faits.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah oui ?
M. Alain Gournac. - Eh oui, sortez donc de temps en temps le dimanche !
Dans les communes touristiques, un commerce ne peut aujourd'hui ouvrir que s'il met à disposition du public des biens et services destinés à « faciliter son accueil ou ses activités de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel ». Est-il normal qu'un magasin situé dans une commune touristique puisse ouvrir le dimanche s'il vend des lunettes de soleil, alors qu'une boutique voisine qui vend des lunettes de vue ne le peut pas ? (Exclamations à gauche) Qu'un vendeur de chaussures de sport puisse ouvrir mais pas un vendeur de chaussures de ville ? (Nouvelles exclamations)
M. Jacques Mahéas. - Encore cette scie !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous connaissez beaucoup de touristes qui achètent des lunettes de vue le dimanche ?
M. Alain Gournac. - Parfaitement ! Les Italiens ! (Éclats de rire à gauche)
De nombreux contentieux sont nés de ces incohérences. Il est évident que la réglementation en vigueur est imparfaite et d'application complexe. La situation paraît injuste aux commerçants et invraisemblable aux touristes.
Alors que la France est la première destination touristique mondiale, elle n'est que troisième pour le montant des recettes issues du tourisme. II y a beaucoup de touristes qui passent un week-end à Paris, pourquoi ne pas leur donner la possibilité de consommer le dimanche ? Et de consommer des produits français. (On ironise à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Des lunettes de vue ?
M. Alain Gournac. - Vous avez raison, mieux vaut qu'ils partent acheter en Angleterre !
Et je ne parle pas des zones frontalières, où il suffit de faire quelques kilomètres pour faire ses courses le dimanche alors que nos commerces sont obligés de rester fermés, contre toute logique.
Pour les Puce, les Français souhaitent faire leurs achats le week-end, surtout quand ils concernent certains secteurs, comme par exemple l'équipement de la maison ou la décoration.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ceux qui travaillent le dimanche ne le peuvent pas.
M. Alain Gournac. - Les Français, dans un pays de plus en plus urbain, passent beaucoup de temps dans les transports. Ce n'est pas le soir en rentrant du travail qu'ils peuvent faire leurs achats, mais bien le week-end, pourvu que les magasins soient ouverts. Pour le moment, ils sont obligés de faire leurs achats...
Mme Annie David. - Ceux qui peuvent encore faire les achats dont vous parlez...
M. Alain Gournac. - ...le samedi, lorsque les magasins sont bondés, ou sur internet.
M. Nicolas About. - Quelle vie, quel enfer !
M. Alain Gournac. - Là est le vrai danger pour les commerces de proximité. Le Conseil économique et social a mis l'accent à plusieurs reprises sur les nouveaux rythmes de vie et les nouveaux comportements de consommation. II a précisé que de nombreux salariés sont prêts à travailler le dimanche. C'est d'ailleurs déjà le cas pour de nombreux Français. Les chiffres de l'Insee montrent que 3,4 millions de Français travaillent habituellement le dimanche, 4 millions occasionnellement.
Dans les hôpitaux, les commissariats, les services de secours...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les services publics, en somme.
M. Alain Gournac. - Et les restaurants ? Et les transports ? Et je ne parle pas des magasins qui sont attaqués en justice aujourd'hui : si on ne légalisait pas l'ouverture le dimanche pour ces commerces souvent ouverts de longue date, ils se verraient contraints de supprimer des emplois. (Exclamations à gauche)
Nombreux sont les salariés intéressés pour travailler le dimanche, parce que cela leur permet d'être mieux payés. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)
Le texte prévoit des contreparties aux salariés des Puce : à défaut d'accord collectif, ils percevront au moins le double de leur salaire. Pour ceux des communes et zones touristiques, un amendement adopté par l'Assemblée nationale impose le lancement de négociations dans toutes les branches où des contreparties ne sont pas déjà prévues.
Notre pays traverse l'une des plus graves crises économiques de son histoire ; je le rappelle à un orateur précédent qui feint de l'oublier !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mais non ! Pour le chômage, vous êtes des champions !
M. Alain Gournac. - Le travail dominical est une solution pour créer de l'emploi. (Vives protestations à gauche)
M. Jean-Pierre Caffet. - Au contraire, il en détruit !
M. Alain Gournac. - Pourquoi interdire aux salariés de travailler le dimanche s'ils sont volontaires ? Chacun doit être libre de travailler le dimanche ou non selon son mode de vie.
M. Jean-Pierre Michel. - Mais bien sûr !
M. Alain Gournac. - Il n'a jamais été question de généraliser le travail dominical. Je suis autant attaché que vous, chers collègues...
Voix à gauche. - ...à la messe !
M. Alain Gournac. - ...au repos dominical. Notre groupe est attaché à l'idée du dimanche partagé en famille, pourquoi pas dans un magasin de meubles ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat se gausse) Le dimanche est un jour différent, nous ne souhaitons pas en modifier le visage (exclamations et sarcasmes à gauche), mais nous refusons que le respect des traditions fasse le lit de l'archaïsme, qu'une vision conservatrice du repos dominical nous empêche d'adapter notre droit à la réalité. Reconnaître des dérogations au principe du repos dominical n'est pas scandaleux, il en existe déjà 180 introduites par des gouvernements de tous les bords !
Je reviens sur les nombreuses garanties entourant le travail dominical. Concernant les communes et zones touristiques, la décision sera prise par les maires, avec l'accord du préfet.
Mme Annie David. - Insuffisant !
M. Alain Gournac. - Contrairement à ce que certains ont tenté de faire croire à l'Assemblée nationale, seules 500 communes sont concernées. De fait, le classement des communes touristiques selon le code du travail et celui qui est opéré selon le code du tourisme sont deux procédures distinctes et il n'a jamais été question d'appliquer le code du tourisme. Pour éviter toute confusion, les députés ont qualifié de communes d'intérêt touristique, celles qui relèvent du code du travail. Ensuite, le texte apporte également plusieurs garanties relatives à la procédure : initiative du conseil municipal, consultation du conseil de communauté et fixation du périmètre de la zone par le préfet. Les élus sont les plus légitimes pour évaluer les besoins et, moi, je leur fais confiance ! Il prévoit également des contreparties aux salariés : à défaut d'accord collectif, la décision unilatérale de l'employeur sera soumise à référendum et le salarié bénéficiera au moins d'un doublement de salaire et d'un repos compensateur. A cela s'ajoutent les garanties introduites par les députés : une entreprise ne pourra refuser d'embaucher une personne qui ne souhaite pas travailler le dimanche...
Mme Annie David. - Impossible à appliquer !
M. Alain Gournac. - ...et le droit du salarié de revenir sur son choix est reconnu. Tout le mécanisme institué par la proposition de loi repose sur le volontariat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Bla bla bla !
M. Alain Gournac. - Le texte, amélioré par les députés, présente toutes les garanties possibles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Bla bla bla !
M. Alain Gournac. - Aussi le groupe UMP suivra-t-il l'avis de notre rapporteur qui n'a pas souhaité le modifier. Il votera ce texte équilibré entre le respect du repos dominical et la reconnaissance d'exceptions très encadrées ! (Applaudissements sur la plupart des bancs UMP)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous ne voyons pas très bien comment !
M. le président. - La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jean Desessard. - Enfin, une intervention sérieuse !
M. Jacques Mézard. - Oui, les radicaux ont été et continuent à être les apôtres du repos dominical ! Ajourné en décembre dernier, faute de majorité dans votre majorité (sourires), le texte sur le travail dominical nous reviendrait dans une version édulcorée. Permettez-nous d'en douter... Si le travail dominical était un remède à la crise, nous le saurions ! Ce texte est un cheval de Troie introduit en plein jour dans le droit du travail...
M. Roland Courteau. - Bien dit ! (Approbations sur les bancs socialistes)
M. Jacques Mézard. - Ce n'est, certes, pas le grand soir mais une expérimentation dont la suite est connue d'autant que le tourisme lui sert de paravent... (Même mouvement) M. Fortassin a démontré les dangers de ce texte qui, sous couvert de réaffirmer le principe du repos dominical, le sape. Est-il opportun d'ajouter de nouvelles dérogations, sources de contentieux, à ce maquis juridique qu'est notre code du travail ? Est-il opportun de diversifier davantage l'application de la loi selon les territoires au risque de la rendre inapplicable et illisible ? Est-ce un progrès ?
Plusieurs millions de Français travaillant le dimanche, notamment dans le secteur de la santé, une évolution est justifiée mais à condition qu'elle soit transparente et réduise les inégalités au lieu de les aggraver. En dépit des effets d'annonce, ce texte est loin de garantir que les salariés seront volontaires et payés double. Nous assisterons à beaucoup de nominations de volontaires désignés, malgré la règle affirmée du volontariat ! Dans les zones et communes d'intérêt touristique ou thermales, tout emploi est, rappelle l'exposé des motifs, « susceptible d'impliquer pour un salarié un travail le dimanche puisque cela découle de facteurs structurels ». Autrement dit, dans ces communes, il n'y aura ni volontariat, ni majorations de salaire, ni repos compensateur. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) De plus, le ministre du travail n'a pas fourni la liste des communes concernées dont les préfets devraient pourtant disposer, a regretté le rapporteur. Ce n'est pas rassurant, non plus que de prendre pour seul exemple le magasin Vuitton des Champs Elysées !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ça rapporte !
M. Jacques Mézard. - Certes, un amendement a été adopté par les députés qui impose le lancement de négociations dans les branches où aucune contrepartie n'est prévue, mais sans obligation de résultat... Ce texte crée, de fait, un système à deux vitesses selon le lieu de travail et, donc, une inacceptable rupture d'égalité entre les salariés.
En outre, penser que les salariés travaillant dans les Puce auront réellement la possibilité de refuser de travailler le dimanche est illusoire et procède d'une totale méconnaissance du fonctionnement de l'entreprise. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) Ne nous voilons pas la face, le choix deviendra vite obligation car les employeurs imposent plus facilement leurs conditions de travail en période de crise. Comment croire que le refus du travail dominical n'aura aucune incidence sur la carrière et la rémunération du salarié et qu'il ne motivera pas un refus d'embauche ? Que se passera-t-il lorsque le nombre de volontaires sera insuffisant ?
M. Roland Courteau. - Bonne question !
M. Jacques Mézard. - Les puces ont toujours eu le don de se reproduire facilement et de transmettre des germes pathogènes... (Sourires)
M. Gérard Cornu. - Ça gratte ! (Sourires)
M. Jacques Mézard. - Ce texte d'opportunité élargit inopportunément une brèche dans notre droit du travail, la majorité de notre groupe ne le votera pas ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et à gauche)
Mme Gisèle Printz. - La loi de modernisation du dialogue social, dont nous avons débattue en janvier 2007, voulait réconcilier le Gouvernement d'alors avec des partenaires sociaux qu'il avait systématiquement ignorés. Hélas !, les mauvaises habitudes reviennent vite... Alors que le travail dominical constituait une des promesses de campagne du candidat Sarkozy, que les déclarations tonitruantes sur la liberté de consommer et le droit de travailler plus se multipliaient, on pouvait s'attendre à d'âpres négociations avec des partenaires sociaux. Le Gouvernement n'a finalement déposé aucun projet de loi, et nous examinons aujourd'hui une proposition de loi qui aurait pour seul but de régler quelques situations urgentes.
Mais personne n'est dupe, l'intention de libéraliser le travail du dimanche est omniprésente dans ce texte...
M. Roland Courteau. - C'est exact !
Mme Gisèle Printz. - ...qui élargit les possibilités de dérogations aux zones et communes d'intérêt touristique ou thermales : au moins 6 000 communes sont concernées. Pourquoi réaffirmer le principe du repos dominical alors qu'il figure à l'article L. 3132-3 du code du travail ?
Historiquement, le repos du dimanche vient de la Bible mais la Révolution l'a aboli en 1789. Il fut réintroduit lors de la Restauration puis annulé une nouvelle fois le 12 juillet 1880 : le patron décidait alors du jour chômé. Sa réintroduction date de 1906 : elle fut votée sous le gouvernement de Ferdinand Sarrien afin d'apaiser de vives tensions sociales, après la tragédie de la mine de Courrières, mais aussi religieuses, moins d'un an après la séparation de l'Église et de l'État. La loi Sarrien est toujours d'actualité, même si de nombreuses dérogations sont venues progressivement la compléter.
C'est d'un vrai choix de société dont nous débattons aujourd'hui, un choix entre le dimanche et le « jour du patron ». Défendre le repos dominical, ce n'est pas défendre un simple jour de repos, c'est défendre une conception de la famille...
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Gisèle Printz. - qui doit pouvoir se retrouver ailleurs qu'au supermarché, au moins une fois par semaine, autour d'un repas ou d'une activité commune. C'est aussi l'occasion de se promener, de rendre visite aux parents, aux grands-parents. Pour les enfants, le rendez-vous du dimanche en famille est un facteur de stabilité. Il n'y a pas si longtemps, monsieur le ministre, vous déclariez que « l'école le samedi matin n'est pas favorable à la vie familiale ». Pensez-vous que le travail du dimanche le soit davantage ? D'ailleurs, les Français ne s'y trompent pas : près de 55 % de nos concitoyens sont hostiles au travail dominical et pour 80 % d'entre eux, le dimanche doit rester un jour non travaillé.
Défendre le repos dominical, c'est aussi protéger la vie associative et sportive. Chaque semaine, des milliers de bénévoles s'activent aux quatre coins du pays pour partager leur passion. Pourtant, le bénévolat est en crise. Croyez-vous, monsieur le ministre, que celles et ceux qui travailleront le dimanche vont continuer à s'engager ?
Enfin, nos concitoyens ont le droit de pratiquer leur culte le dimanche. S'ils travaillent, ils ne pourront pas le faire. Et même pour les non pratiquants, les mariages, les baptêmes, les communions sont des moments importants.
Il convient également de se livrer à une petite chasse à la désinformation : on nous dit que les salariés seront payés double le dimanche. Ce n'est pas exact ! D'ailleurs, le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée a parlé de « grosse bourde ». Bien évidemment, tous les salariés qui travailleront le dimanche ne seront pas payés double, puisque ceux des zones touristiques et thermales sont d'ores et déjà exclus du dispositif. Pour ceux des zones commerciales autour de Paris, Lille et Marseille, les fameuses Puce, l'accord collectif de branche s'appliquera. Si cet accord ne prévoit pas de double rémunération, rien ne changera pour les salariés. Le doublement n'interviendra que pour une toute petite minorité de métiers, car beaucoup d'accords de branche ne prévoient pas de doublement de salaire. Il y a fort à parier que la surprime éventuelle liée au travail du dimanche dans les Puce disparaîtra en proportion de la banalisation du travail du dimanche. C'est ce qui s'est passé en Angleterre et en Irlande...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est leur modèle !
Mme Gisèle Printz. - ...et c'est déjà ce qui se passe en France, ou l'amendement ConfoKea dispose que le travail du dimanche des salariés du secteur du meuble ne donne lieu à aucune compensation salariale.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Mais si !
Mme Gisèle Printz. - On nous dit que les salariés auront le choix de ne pas travailler le dimanche. Mais c'est méconnaître le lien de subordination entre l'employeur et le salarié, les rapports de force et les pressions qui règnent dans la grande distribution ! D'ailleurs l'actualité récente confirme cette analyse : trois salariés ont été licenciés pour avoir refusé de travailler le dimanche dans un magasin Ed dans l'Ain. On leur avait pourtant dit que le travail dominical se ferait sur la base du volontariat ! L'une des trois salariés, après cinq années de bons et loyaux services, a renoncé à une prime de 5 euros pour consacrer son dimanche à sa famille.
M. Xavier Darcos, ministre. - Ce qui prouve qu'elle avait le choix !
Mme Gisèle Printz. - Résultat : la direction l'a licenciée pour « Insubordination et non-respect des horaires planifiés ». Combien de cas similaires passent inaperçus, n'étant pas motivés !
Nous ne pensons pas non plus que ce texte créera des emplois, contrairement à vos affirmations.
J'en viens à la question des femmes : 63 % d'entre elles travaillent dans le commerce. Elles seront donc particulièrement touchées par le travail dominical. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat le confirme) Leur situation est difficile sur le marché du travail : leur taux de chômage est supérieur à celui des hommes et les écarts de salaire restent significatifs. Elles sont plus souvent employées sous contrats à durée déterminée et à temps partiel. C'est particulièrement vrai dans la grande distribution : les horaires sont discontinus et les amplitudes d'ouvertures de plus en plus grandes. Ainsi, quand un magasin ferme à 22 heures, il faut encore faire la caisse, puis prendre les transports en commun. Le matin, il faut se lever tôt pour préparer les enfants avant de les conduire à l'école. En outre, ces femmes sont souvent mères célibataires. Quand bien même elles seraient payées double, il faudrait encore qu'elles paient la garde d'enfant le dimanche, si bien qu'au final, il ne resterait pas grand-chose.
Mme Raymonde Le Texier. - C'est tout à fait exact !
Mme Gisèle Printz. - En définitive, ce texte porte un coup sévère à l'égalité entre les hommes et les femmes. Il a été rédigé sans concertation avec les partenaires sociaux ni avec les associations d'élus locaux. Sous prétexte de régler quelques situations urgentes, vous allez provoquer un changement de société majeur aux conséquences désastreuses sur la vie familiale de nos concitoyens. Beaucoup l'ont compris, même au sein de la majorité, j'en veux pour preuve ce vote sans enthousiasme à l'Assemblée Nationale. Nous ne voterons bien évidemment pas ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Cornu. - (Applaudissements à droite) A titre personnel, je ne suis pas favorable au travail dominical (on s'en félicite à gauche), non pas uniquement par conviction religieuse mais pour des raisons sociales et familiales. En outre, s'il se généralisait, le travail dominical nuirait à la vie associative. Étant par nature pragmatique (exclamations sur les mêmes bancs), cette proposition de loi me semble juste et équilibrée. Je tiens à remercier les rapporteurs de l'Assemblée et du Sénat qui ont travaillé bien en amont et qui nous proposent un texte raisonnable.
M. Nicolas About. - C'est vrai !
M. Gérard Cornu. - L'objectif poursuivi n'est en effet nullement, comme on l'a trop souvent prétendu, d'ouvrir les vannes au travail dominical dans tous les commerces et tous les services, en tous points du territoire. (On le conteste à gauche)
Mme Raymonde Le Texier. - Ah bon ?
M. Gérard Cornu. - Bien au contraire, ce texte permet de stabiliser le cadre existant et de protéger le commerce de proximité. Il permet aussi de garantir les équilibres sociaux et familiaux que nul ne songe à remettre en cause en cette période de crise. (On en disconvient sur les mêmes bancs) Si tel n'avait pas été le cas, je n'aurais pas voté cette proposition de loi. (Nouvelles exclamations à gauche)
Ce texte vise surtout à simplifier des situations trop complexes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est le leitmotiv de la droite !
M. Gérard Cornu. - Le régime d'autorisation actuel est à l'origine d'un abondant contentieux. L'introduction d'un régime simplifié d'autorisations de plein droit permettra de réduire considérablement les situations floues, sources de contentieux toujours néfastes à l'activité commerciale.
Le critère de la zone ou de la commune « d'intérêt touristique » n'ouvrira nullement la boîte de Pandore puisque le classement sera exclusivement réalisé sur le fondement du code du travail, qui repose sur des critères précis. Ces ouvertures ne devraient concerner que 500 communes et 200 000 salariés qui s'ajouteraient aux 7,5 millions de Français qui travaillent déjà le dimanche régulièrement ou occasionnellement.
Ce texte tient donc davantage de la simplification que de la révolution sociétale !
M. Roland Courteau. - C'est ça !
M. Gérard Cornu. - En posant enfin le principe du volontariat des salariés et en consacrant le droit au refus, ce texte réaffirme le principe de la liberté du travail voulu par le Président de la République et auquel on ne peut que souscrire, surtout en période de crise.
L'introduction par les députés du principe du volontariat réversible a opportunément parachevé le dispositif. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat le conteste)
Je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre : les grandes surfaces alimentaires, jusqu'à présent autorisées à ouvrir jusqu'à midi le dimanche, pourront désormais rester ouvertes jusqu'à 13 heures, ce qui ne peut pas nuire au commerce de proximité. Qu'en est-il en revanche du régime des grandes surfaces alimentaires qui réalisent un chiffre d'affaires important en non-alimentaire ? La distinction entre alimentaire et non-alimentaire continuera-t-elle d'être effectuée sur la base des critères posés par la cour d'appel de Paris dans l'arrêt Continent du 2 février 1989, à savoir le chiffre d'affaires réalisé dans les différents rayons, les surfaces occupées et l'effectif employé dans ces rayons ?
La grande surface alimentaire située dans le périmètre du Puce ou en zone touristique ne pourra-t-elle ouvrir tout le dimanche que ses seuls rayons blancs et bruns, c'est-à-dire l'électroménager, la hi-fi et la télévision ?
Bref, a-t-on raison ou non de craindre le contournement de la loi par la grande distribution ?
La procédure concernant les dérogations accordées par les maires cinq dimanches par an doit être simplifiée. Réaffirmons l'autorité du maire en cette matière ; la concertation préalable est inutile car les réponses sont connues à l'avance et le maire n'en tient donc pas compte. Que celui-ci prenne son arrêté et qu'après contrôle par les services de I'État, il avertisse les syndicats et les organisations patronales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mais bien sûr ! C'est plus simple ! Vous supprimez les syndicats !
M. Gérard Cornu. - Leur réponse est toujours la même !
Mme Isabelle Pasquet. - Celle des patrons aussi !
M. Gérard Cornu. - Exactement et c'est la raison pour laquelle elle n'a pas d'intérêt.
Cette proposition de loi est parvenue à un point d'équilibre qui emporte l'adhésion, d'autant que les étudiants devraient en être les principaux bénéficiaires. (Applaudissements à droite)
M. Alain Fouché. - Je me pose un certain nombre de questions. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'en réjouit) Chaque année, la France reçoit 85 millions de touristes étrangers et 70 millions de visiteurs fréquentent les parcs de loisirs, parcs animaliers, parcs technologiques, parcs aquatiques... J'ajoute que 80 % de ces parcs sont situés en province.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les visiteurs ne sont pas ceux qui achètent des sacs Vuitton...
M. Alain Fouché. - Le dimanche est considéré par les Français comme le jour du repos et des loisirs, où l'on se divertit et se promène entre amis ou en famille. L'industrie du tourisme représentait 7,5 % du PNB en 1995, mais seulement 6,3 % aujourd'hui : elle est fragilisée, elle perd des parts de marché. Elle a pourtant, grâce à l'action des collectivités locales, contribué à l'aménagement et au rééquilibrage des territoires. Depuis l'avènement d'internet, le mode de consommation touristique connaît une profonde mutation : moins de longues vacances en juillet ou en août, plus de courts séjours toute l'année, en fin de semaine.
Les grandes surfaces vont ouvrir le dimanche : dans combien de communes, 500 ou 6 000 ? Combien de salariés et de professions indépendantes seront touchés par ces mesures ? De nombreux professionnels du tourisme m'ont fait part de leur profonde inquiétude. Les grandes chaînes, par des politiques commerciales agressives, des spectacles et des animations gratuites -comme aux États-Unis- auront pour unique souci de happer les populations au détriment des sites touristiques ou des parcs de loisirs. Monsieur le ministre, vous avez l'opposition de l'Association française des parcs zoologiques qui accueille 25 millions de visiteurs par an. Dans la Vienne, la fréquentation des sites le dimanche représente 30 % de la fréquentation hebdomadaire ! Ne reviendrons-nous pas 25 ans en arrière ? Ne risque-t-on pas une recentralisation commerciale ? Les petits commerces, eux, n'auront pas les moyens financiers et humains de suivre. L'ouverture des grandes surfaces dans les grandes métropoles va aussi entraîner une distorsion de la concurrence. Lille doit faire face à la concurrence belge. Soit. Mais les grandes surfaces de Lille attireront une clientèle située plus au sud.
Mme Annie David. - Eh oui.
M. Alain Fouché. - Sur quel motif refusera-t-on aux grandes surfaces d'Arras, de Valenciennes, d'Amiens, d'ouvrir également ?
Mme Annie David. - Eh oui.
M. Alain Fouché. - Les pressions seront telles que la loi sera très rapidement généralisée.
M. Claude Jeannerot. - Tout est fait pour cela.
M. Alain Fouché. - C'est le modèle anglo-saxon. Pour ma part je ne considèrerais pas déshonorant de visiter le Louvre, la Tour Eiffel et les magnifiques sites culturels de notre capitale plutôt que les grandes surfaces... (MM. Jean-Pierre Caffet et Jean Desessard approuvent) La France doit garder son exception culturelle et son identité propre. Je souhaite que le ministre me réponde sur ce point. (Applaudissements sur certains bancs à droite et à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il ne vous répondra pas.
M. André Lardeux. - La France est un pays formidable, où le vice vaut souvent mieux que la vertu, où le premier est mieux récompensé que la seconde. On bafoue la loi en ouvrant des magasins le dimanche, puis on modifie la loi pour éviter la sanction du juge. C'est la loi de la jungle... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Je ne crois pas que le législateur s'honorerait à voter un texte qui récompense la délinquance économique -et qui, même amélioré, exprime toujours la même philosophie, sinon il n'aurait pas de sens.
La proposition ouvre la porte à la généralisation du travail le dimanche.
M. Daniel Raoul. - Et voilà !
M. André Lardeux. - Il suffira de multiplier les cas particuliers ou, comme maintenant, de violer la loi. Je voterai résolument contre ce texte, d'autant que le Sénat a interdiction de le modifier. C'est une question de principe. Ce qui est en jeu, c'est notre conception de la vie en société. Il y a ici un changement sociétal qui ne veut pas dire son nom.
M. Roland Courteau. - Bien !
M. André Lardeux. - Faut-il, au prétexte d'être moderne, tout regarder par le petit bout de la lorgnette économique? (MM. Jacky Le Menn et Roland Courteau approuvent) Étendre le travail le dimanche a des avantages hypothétiques et des inconvénients certains. Les termes de l'échange sont déséquilibrés. Et ce n'est pas parce que 7 millions de Français travaillent régulièrement ou occasionnellement le dimanche qu'il faut en rajouter !
Je suis hostile à cette proposition qui n'est pas de bon sens et qui méconnaît la dignité des personnes.
M. Yves Daudigny. - Oui !
M. André Lardeux. - Le dimanche n'est pas un jour comme les autres : j'ai au moins dix raisons pour l'affirmer.
Première raison : C'est un acquis social apprécié depuis cent ans. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) La loi de 1906 sur le repos dominical mettait fin à des décennies de régression sociale.
Deuxième raison : Le dimanche est le jour de la famille, le jour où deux ou trois générations se retrouvent : comme rapporteur de la branche famille, j'y suis sensible. Et les parents de jeunes enfants devront-ils payer double ce jour-là leur assistante maternelle ? (« Bravo ! » et applaudissements à gauche) Les aides de la CAF devront-elles doubler aussi ? Chacun désormais vivra à son rythme, les familles seront un peu plus déstabilisées. Déjà tant de parents et d'enfants passent peu de temps ensemble !
Troisième raison : Le régime actuel favorise le jeu, le sport, la vie en société ; hors la présence des parents, les activités sportives ou culturelles sont plus difficiles à organiser et nombre d'enfants en seront donc exclus. Beau progrès !
Quatrième raison : Le travail le dimanche est un leurre économique, le gâteau divisé en sept n'est pas plus gros que divisé en six. Ouvrir plus longtemps n'augmente pas les achats des clients, sauf si les concurrents sont, eux, fermés... Les budgets des consommateurs ne sont pas extensibles, surtout en ce moment. En Allemagne, l'assouplissement des règles pour le commerce de détail en 2003 n'a pas modifié d'un iota les taux de l'épargne et de la consommation. Les créations d'emplois sont incertaines, les destructions garanties. (On renchérit à gauche)
M. Daniel Raoul. - Quatre à zéro !
M. André Lardeux. - Les petits commerces seront définitivement écrasés par la grande distribution.
Cinquième raison : Le travail le dimanche est un piège pour les salariés. La banalisation du travail le dimanche aboutira à une déréglementation totale. Celui qui ne voudra pas travailler le dimanche sera prioritaire en cas de licenciement. Il subira de très fortes pressions. La sur-rémunération est alléchante : mais elle sera instaurée au détriment des autres salariés. Il est curieux du reste que l'on puisse payer double le salarié le dimanche, alors que la grande distribution refuse la moindre augmentation sur le reste de la semaine ! (Vifs applaudissements à gauche)
Il est donc hypocrite de nous dire que ce serait une réponse aux difficultés des travailleurs pauvres. Ce sera une bonne base de revendication salariale pour ceux qui travaillent déjà le dimanche pour nécessité de service public !
On nous dit que travailler le dimanche est le souhait des femmes seules avec enfants ; j'entends que l'on vise les plus pauvres. On nous parle aussi des jeunes célibataires, oubliant qu'ils se marieront un jour et auront des enfants. On nous dit encore que des étudiants financeraient ainsi leurs études, comme si le commerce ne fonctionnait qu'avec des étudiants. Et d'ailleurs est-ce ainsi qu'on réglera le problème du financement des études ?
L'argument de la sur-rémunération risque d'être mis à mal par la Cour de cassation, selon qui un salarié qui travaille « habituellement » le dimanche ne peut prétendre à une majoration de salaire.
Sixième raison : il ne faut pas tomber dans l'addiction à la consommation. N'en faisons pas une nouvelle idole : elle doit participer à l'épanouissement de l'homme, non à son assujettissement. (M. Jean Desessard manifeste vigoureusement son approbation) Avons-nous besoin d'acheter sept jours sur sept, au risque, pour les plus pauvres, du surendettement ? La consommation doit-elle être l'horizon indépassable de notre société ? Il n'y a pas besoin d'être un pousseur de chariot pour être un bon citoyen !
Des temps de repos sont indispensables ; la société doit s'autoriser un relâchement de la cadence de travail et octroyer à ses membres un temps libre de l'économique. Passer du temps sur un terrain de sport ou dans la nature serait plus profitable que de déambuler dans une galerie marchande. Doit-on, pour gagner honnêtement son pain, renoncer à la qualité de la vie ? On ne peut impunément remplacer « je pense donc je suis » par « je bouge donc j'existe ». (Applaudissements à gauche) Il semble d'ailleurs que les probabilités de maladie soient plus grandes de 30 % dans les entreprises où les salariés travaillent le samedi et le dimanche. On peut enfin s'interroger sur le bilan carbone du travail dominical.
Huitième raison : Le repos dominical est un repère pour l'homme, inscrit dans toutes ses dimensions, de l'horloge biologique à la spiritualité. Qu'est une société sans rythme commun ? Une jungle abandonnée à l'individualisme. La culture du gain doit-elle passer avant celle de la personne ? En faisant de celle-ci un moyen, on ne regarde pas si les âmes se perdent mais si les affaires se font. L'argent dévore les individus et réifie les salariés. (Applaudissements à gauche) C'est un appauvrissement spirituel sans enrichissement économique. Le Président de la République n'a pas dit autre chose au Latran quand il a dénoncé la frénésie de consommation (on ironise à gauche) ni quand, recevant le pape à l'Élysée, il a déclaré que la croissance économique n'avait pas de sens si elle était sa propre finalité.
Neuvième raison : le repos dominical fait partie de nos racines ; le mettre en cause, c'est amoindrir la cohérence de notre société.
Enfin, et c'est ma dernière et dixième raison, en tant que catholique, je ne peux pas ne pas évoquer le caractère sacré de ce jour, jour différent, jour du repos prescrit par Dieu. Je préfère les amateurs de vie spirituelle aux théologiens du marché ! (Mme Anne-Marie Payet applaudit vivement) Le chrétien se fait le promoteur de ce qui ne sert à rien, de ce que l'on croit à tort inutile, il montre les limites d'un monde où tout s'achète et se vend, il souligne le sens du gratuit et la culture du don. Certains objecteront qu'en permettant la messe le samedi soir le concile aurait ouvert la brèche puisque le jour liturgique va de minuit à minuit. Il s'agit en fait d'une extension de la vigile en souvenir du sabbat juif. (M. Dominique Braye s'esclaffe)
L'extension du travail le dimanche n'est pas une affaire d'efficacité économique mais un choix de société. Aucun économiste ne peut dire que l'on aurait besoin d'ouvrir partout le dimanche. Le travail dominical n'est pas une liberté mais un leurre. Il y a mieux à proposer à nos concitoyens que « métro, boulot, conso ». (Applaudissements sur les bancs socialistes ainsi que sur plusieurs bancs CRC, RDSE et centristes)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je tiens à faire une mise au point. En 2007, le Sénat a voté à mon instigation un amendement permettant aux commerces de meubles d'ouvrir le dimanche. J'aurais volontiers étendu cette disposition aux équipements de la maison et au bricolage mais je ne l'ai pas proposé parce que la fédération du meuble était la seule des trois à disposer d'une convention protectrice pour ses salariés.
Après le vote de cet amendement, les syndicats se sont inquiétés que les dimanches ne soient plus payés double. Dès le 6 mai 2008, la fédération du meuble a proposé le paiement double pour tous les dimanches. Les syndicats n'ont pas signé ce texte, non qu'ils l'auraient désapprouvé mais dans l'attente de celui que nous étudions aujourd'hui.
Mme Raymonde Le Texier. - Cela ne change rien à l'arrêt de la Cour de cassation...
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Reste que, dans les magasins de meubles, tous les salariés sont payés double le dimanche. (Applaudissements sur certains bancs UMP)
M. Xavier Darcos, ministre. - D'aucuns ont dit que la procédure de la proposition de loi ne permettait pas un débat préalable avec les partenaires sociaux. Je rappelle simplement que le Conseil économique, social et environnemental a examiné deux fois ce sujet et n'a pas émis de vote hostile.
On ne peut à la fois dénoncer le désordre actuel en la matière et regretter l'ordre que ce texte y apporte. Désormais, on y verra clair, sachant que le classement des communes reste inchangé.
Plusieurs d'entre vous ont parlé d'un changement de civilisation. Ce serait vrai s'il s'agissait vraiment de renoncer au repos dominical, mais ce n'est pas du tout l'objet de ce texte. Si cela l'était, je ne l'aurais pas défendu.
M. Dominique Braye. - Nous non plus ! (Rires à gauche)
M. Xavier Darcos, ministre. - Les salariés recevront des garanties nouvelles, que fera respecter une inspection du travail modernisée par la volonté du Gouvernement. Les inspecteurs du travail contrôleront aussi le travail dominical !
M. Jean-Pierre Michel. - Écoutez les syndicats !
M. Xavier Darcos, ministre. - Écoutez aussi les inspecteurs du travail !
Je veux aussi qu'il soit clair que plusieurs dérogations parmi les 180 constatées aujourd'hui ont été décidées par un gouvernement de gauche, je pense notamment à celles de 1982. Je n'ai pas souvenir qu'on ait alors crié au scandale ou au naufrage de la civilisation de la culture. Mme Le Texier a convoqué des études que nous connaissons bien, du Credoc ou de l'OCDE, pour souligner les dangers potentiels d'une ouverture des commerces le dimanche ; elle a oublié de préciser que ces analyses portaient uniquement sur une ouverture généralisée, ce qui n'est en rien le propos du texte.
Je dis à M. Desessard, après son intervention plutôt spectaculaire...
M. Dominique Braye. - Théâtrale !
M. Xavier Darcos, ministre. - ...ce que j'ai déjà souligné : le Cese s'est prononcé par deux fois sur la question et les partenaires sociaux ont été consultés à cette occasion. Qui en outre a relancé la négociation collective, sinon cette majorité ? Les leçons en la matière ne sont pas de mise. (Applaudissements à droite) Il y a en outre une bonne raison pour que Lyon ne soit pas classée en Puce : il n'y a pas d'usage de consommation le dimanche. Une zone touristique y existe néanmoins.
Je rappelle deux chiffres à M. Fortassin, qui a énergiquement défendu des valeurs auxquelles je peux moi aussi adhérer : les salariés concernés sont aujourd'hui 7 millions, la loi en concernera 200 000 supplémentaires... Rien ici qui justifie qu'on évoque un basculement de la société française dans une logique de consommation à l'américaine, ou qu'on convoque les philosophes de l'hyperconsommation... Correction à la marge, 500 communes et trois Puce concernées, régulation de l'existant : voilà ce qu'est ce texte. Je n'y vois pas de mise en cause des règles du droit du travail.
M. Retailleau s'est interrogé sur la possible inconstitutionnalité de la différence de traitement faite aux salariés. Il y a deux situations, celle où le travail du dimanche est intrinsèque au métier, par exemple des employés d'une station de ski l'hiver...
M. Dominique Braye. - Des sacristains ! (Sourires)
M. Xavier Darcos, ministre. - ...et celle où il est temporaire et exceptionnel. D'où la nécessité d'apprécier les cas individuellement, commerce par commerce, et l'obligation de négocier. M. Mézard et d'autres ont jugé la loi illisible et source d'inégalités ; c'est la situation actuelle qui est ainsi, la loi apporte clarté et garanties.
M. Cornu a posé deux questions importantes et d'abord celle des grandes surfaces qui ne sont pas qu'alimentaires. Sera considérée comme alimentaire une surface dans le chiffre d'affaires de laquelle l'alimentaire est majoritaire -ce qui est plutôt rare dans la grande distribution. Je suis d'autre part d'accord avec lui, si on peut simplifier le maquis des arrêtés municipaux qui autorisent l'ouverture cinq dimanches dans l'année, je n'y verrais aucun inconvénient...
Je ne reproche à aucun d'entre vous d'avoir sur cette question du travail du dimanche des convictions personnelles, sociales, politiques, intimes ou religieuses. Mais les enjeux ne sont pas là. Il n'est pas question de généralisation. (On en doute vivement sur les bancs socialistes) Je le redis, la loi concerne 500 communes, régule l'activité autour de trois grandes agglomérations, protège les salariés qui travailleront le dimanche. Tout le reste est procès d'intention. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Commissions (Démissions - Candidatures)
M. le président. - J'ai reçu avis de la démission de Mme Bernardette Dupont comme membre de la commission des affaires sociales ; de M. Jean-Paul Alduy comme membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; de M. Henri de Raincourt comme membre de la commission des finances.
Le groupe intéressé a fait connaître à la Présidence le nom des candidats proposés en remplacement. Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l'article 8 du Règlement.
J'ai reçu avis de la démission de M. Jean-Pierre Bel comme membre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
La séance est suspendue à 18 h 5.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
La séance reprend à 21 h 35.
Commissions (Nominations)
Mme la présidente. - Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et une candidature pour la commission des finances ; et que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le délai prévu par l'article 8 du Règlement est expiré. La Présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame : Mme Bernadette Dupont, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Jean-Paul Alduy, démissionnaire ; M. Jean-Paul Alduy, membre de la commission des finances, en remplacement de M. Henri de Raincourt, démissionnaire ; et M. Jean-Pierre Bel, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par M. Jean-Luc Mélenchon, qui a cessé d'exercer son mandat de sénateur.
CMP (Nominations)
Mme la présidente. - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants des commissions mixtes paritaires chargées de proposer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et du projet de loi relatif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances. La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition. Cette liste est donc ratifiée et je proclame représentants du Sénat à ces commissions mixtes paritaires MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat, Patrice Gélard, Yves Détraigne, Bernard Frimat, Simon Sutour et Mme Éliane Assassi, titulaires, ainsi que Mmes Anne-Marie Escoffier et Jacqueline Gourault et MM. Dominique de Legge, Jean-Claude Peyronnet, François Pillet, Jean-Pierre Sueur et Jean-Pierre Vial, suppléants.
Création d'une commission spéciale et désignation de ses membres (Candidatures)
Mme la présidente. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
En conséquence, l'ordre du jour appelle, en application de l'article 16, alinéa 2 du Règlement, la proposition de M. le Président du Sénat tendant à la création d'une commission spéciale sur ce projet de loi. Cette proposition a recueilli l'accord de tous les groupes et des commissions intéressées.
Il en est ainsi décidé.
L'ordre du jour appelle la nomination des membres de cette commission spéciale, conformément à l'article 10 du Règlement. La liste des candidats établie par les présidents de groupes va être affichée. Elle sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration d'un délai d'une heure.
Repos dominical (Proposition de loi - Procédure accélérée) (Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires. Nous en sommes parvenus à la discussion des motions de procédure.
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°119, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 562, 2008-2009).
Mme Annie David. - La préparation de cette proposition de loi ne fut pas un long fleuve tranquille. Depuis deux ans, le Gouvernement s'y est repris à quatre fois avant d'imposer à ses parlementaires un texte dont ils ne voulaient pas. En décembre dernier, l'opposition de plus de 50 députés UMP l'avait conduit à retirer de l'ordre du jour l'avant-dernière mouture du projet. Malgré la pression constante du Président de la République, 25 députés sont demeurés récalcitrants.
Selon l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». La proposition de loi qui nous est soumise enfreint ces deux principes. En imposant à tous les salariés dont l'entreprise est située dans une zone touristique de travailler le dimanche, elle les prive de la liberté de refuser cette modification substantielle de leur contrat de travail. Qui peut croire qu'ils pourront s'y opposer, dans l'état de dépendance économique où ils se trouvent en ces temps de crise, alors que le spectre du chômage plane sur notre pays ? Ce texte contrevient également au principe d'égalité entre les territoires, puisqu'il fait varier le mode de rémunération selon que les salariés se trouvent dans une zone touristique, dans un Puce ou ailleurs, sans que cette disparité soit justifiée par la différence des situations.
Nous, sénateurs du groupe CRC-SPG, considérons qu'il faut renforcer la protection des salariés plutôt que de donner aux patrons de nouveaux moyens de pression sur eux. Comme les membres de la Gauche démocratique et républicaine de l'Assemblée nationale, nous entendons nous associer à toutes les démarches entreprises auprès du Conseil constitutionnel, afin qu'il censure une proposition de loi lourde de conséquences pour les droits fondamentaux des salariés de ce pays.
Ce texte ne respecte pas l'esprit de notre Constitution. Depuis l'arrêt du Conseil d'État du 27 mars 2000, il est interdit de résilier le contrat de travail d'un salarié en raison de sa situation familiale. Mais les mères célibataires qui travaillent dans les zones touristiques et auxquelles leur employeur voudra imposer de travailler le dimanche n'auront d'autre choix que de refuser et d'être licenciée, ou de sacrifier le temps libre qu'elles peuvent encore passer avec leurs enfants et d'accroître, comme le disait M. Lardeux, leurs frais de garde ! Ces femmes-là n'iront pas faire leurs courses le dimanche, faute de temps et d'argent !
Je regrette, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas fait respecter le principe de sincérité des débats, qui ne vaut pas qu'en matière budgétaire puisque l'article 3 de notre Constitution dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ». La majorité multiplie les contre-vérités. L'intitulé de la proposition de loi, tout d'abord, est un leurre. Drôle de manière de réaffirmer le principe du repos dominical que d'étendre le champ des dérogations ! Mais il aurait été périlleux de présenter cette proposition de loi pour ce qu'elle est : un texte qui vise à généraliser le travail du dimanche, comme l'a montré Mme Pasquet. L'intitulé de la proposition de loi de M. Mallié « visant à définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires » avait au moins le mérite d'être clair ! Le Gouvernement veut nous faire croire que le présent texte est d'une moindre portée. Par ce tour de passe-passe, il cherche à convaincre ceux de ses amis que les pressions élyséennes n'auraient pas suffi à amadouer, et à tromper la vigilance de nos concitoyens à la veille des vacances.
On tente de nous faire croire que seuls les volontaires travailleront le dimanche. Mais les salariés des zones touristiques n'auront pas le choix ! Nous ne cessons de dénoncer ces employeurs voyous qui pratiquent le chantage à l'emploi, et je me souviens d'avoir entendu l'un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, dénoncer à cette tribune le comportement d'un directeur d'usine qui menaçait de fermer un établissement dont les salariés refusaient de revenir sur les 35 heures. Demain, les patrons pourront se livrer à un chantage du même genre dans les zones touristiques et thermales, et le Gouvernement, en n'accordant aucune protection aux salariés, s'en fait le complice ! Quant aux salariés des Puce et d'ailleurs, il serait bien naïf, voire malhonnête de prétendre qu'ils pourront refuser de travailler le dimanche sans craindre de perdre leur emploi. Telle était d'ailleurs la conviction exprimée par 55 députés UMP et Nouveau centre dans une tribune intitulée « Vivement dimanche ! » le 27 novembre dernier : « Chacun connaît les limites du volontariat : sans faire de procès d'intention aux chefs d'entreprise, il est peu probable que les salariés sollicités le dimanche puissent avoir d'autre choix que celui d'accepter ». Nombre d'entre eux sont rentrés dans le rang ; certains ont même cosigné cette proposition de loi. Pourtant ce texte n'apporte aucune nouvelle garantie par rapport aux précédents !
La notion de volontariat n'a aucun sens dans un contexte de travail collectif : comme dans toute société, les décisions individuelles ont des répercussions communes. Il est vrai que ce texte s'inscrit dans un processus d'individualisation des relations de travail entamé depuis les années 1970, avec l'individualisation des horaires de travail.
L'individualisation des conditions de travail a pour corollaire le morcèlement des droits collectifs. Selon Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, le volontariat est employé pour banaliser les atteintes aux protections collectives. Votre société du « libre choix » n'existe pas : elle méconnaît les contraintes économiques et sociales qui pèsent sur les salariés.
Les contreparties financières sont loin d'être à la hauteur, et ne bénéficieront qu'à la minorité de salariés travaillant dans les Puce -et encore, en fonction d'accords négociés, qui peuvent être moins favorables que la loi
Ces écrans de fumée masquent mal votre objectif réel : imposer un changement de société. Pour vous, le temps dédié aux loisirs, à la culture, à la vie associative et cultuelle, à l'engagement politique, est du temps non productif. Certains de vos amis espèrent que cette proposition de loi permettra de « remettre la France au travail » -comme si les délocalisations ne jetaient pas des milliers de salariés dans la précarité, comme si avant 2007 régnait l'oisiveté ! Pourtant, 7 % des salariés travaillent le dimanche, ce qui nous place en haut de la fourchette. Avec les travailleurs occasionnels du dimanche, on atteint 25 %. Pour le travail du samedi, la France est en tête, avec 70 % de travailleurs occasionnels ou réguliers. Ne vous en déplaise, le seul « sous-travail » est dû au chômage et aux temps de travail morcelés ! La France se classe troisième en termes de productivité, derrière les États-Unis et la Norvège. Preuve que cette proposition de loi ne correspond pas aux besoins de notre économie, ni de nos concitoyens !
Surtout, l'ouverture des magasins le dimanche ne répond pas à une attente populaire. Selon une étude du Crédoc, trois Français sur quatre estiment que le temps d'ouverture des commerces est déjà suffisant. Si 36 % déclarent manquer de temps pour faire ce qu'ils ont à faire, ils ne sont que 28 % à en manquer pour leurs achats. Est-ce pour cette minorité que vous voudriez bouleverser les équilibres sociaux et humains bâtis depuis la loi de 1906 ?
Non, vous cherchez à imposer une société où l'individualisation prime sur le collectif, où le travail et le rapport marchand sont seules références. Pour nous, il doit y à avoir, à côté de la vie professionnelle, une vie sociale et sociétale, dans laquelle se conjuguent passions, intérêts, vivre ensemble. L'homme n'est pas réductible à sa seule force de travail ou à sa capacité d'achat ! Comme l'a fort bien dit le député UMP Marc Fur, « nous ne voulons pas d'une République qui traite l'homme contemporain en individu consommateur ».
Il faut dégager un temps pour soi et pour les autres. Toutes les études démontrent que l'instauration d'une journée commune de repos a joué un rôle de cohésion et de socialisation. C'est grâce au principe du repos dominical que la loi de 1901 a pu prendre racine. Selon le sociologue Yves Boulin, le dimanche a « une fonction de synchronisation des temps et des activités ». Pour 70 % des Français, le dimanche rime avec vie de famille. Les horaires de travail atypiques, l'évolution de la vie familiale imposent de conserver un temps partagé.
Le ministre des affaires sociales va-t-il contredire l'ancien ministre de l'éducation nationale, qui déclarait que la fermeture des écoles le samedi permettrait « aux familles de se retrouver » ? (Approbation ironique à gauche) Faire travailler les salariés le dimanche, seul jour véritablement partagé, aurait l'effet inverse ! Vous aurez beau jeu demain de dénoncer le démantèlement du cercle familial et d'imposer des sanctions pénales et financières aux parents jugés inconséquents, contraints de travailler les jours de repos de leurs enfants...
Nous refusons une société dédiée à la satisfaction immédiate des envies matérielles. Loin de favoriser l'épanouissement de tous, ce matérialisme accroît le sentiment d'inégalité. D'autant que ce texte ne sera qu'un début : on voudra bientôt pouvoir acheter téléviseurs ou chaussures toute la nuit... Enfin, l'ouverture des magasins le dimanche ne peut être comparée à un service public ! Cette motion s'adresse à tous ceux qui placent le politique au-dessus de l'économique et l'homme au coeur de leurs préoccupations, qui ne veulent pas d'une société où les intérêts collectifs seraient sacrifiés sur l'autel de l'argent roi. (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Défavorable. Les aménagements apportés au repos dominical sont de portée limitée, et ne portent pas atteinte au droit au loisir et au repos garanti par le Préambule de 1946.
Les différences entre salariés s'expliquent par l'existence de deux types de situation : le travail dominical conditionné par l'obtention d'une autorisation temporaire et individuelle d'une part, l'ouverture de plein droit en raison de la nature de l'activité de la zone d'autre part. La proposition de loi rend obligatoire la négociation même là où la dérogation est de droit : c'est une avancée parmi d'autres.
M. Xavier Darcos, ministre. - Défavorable. En référer à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est considérer que les 8 millions de personnes qui travaillent aujourd'hui le dimanche sont ostracisées, ce qui est insoutenable.
Le salarié n'est nullement obligé d'accepter la modification de son contrat. (Rires incrédules à gauche) Le refus de travailler le dimanche ne peut être cause de licenciement : l'inspection du travail y veillera. Il n'y pas de généralisation du travail dominical mais une extension limitée et encadrée. Il n'y a aucune tendance à l'individualisation des relations de travail en France, contrairement à d'autres pays européens : celles-ci restent caractérisées par la négociation collective. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Vos statistiques gagneraient à être nuancées : en matière de temps de travail, la France est dans la deuxième moitié du peloton européen. Le vrai risque pour la vie familiale, c'est le chômage, contre lequel le Gouvernement mobilise toutes ses forces. Enfin, le droit individuel des salariés ne sera nullement sacrifié.
A la demande du groupe CRC-SPG, la motion n°119 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 137 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°6, présentée par M. Jeannerot et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 562, 2008-2009).
M. Claude Jeannerot. - J'ai bien entendu, monsieur le ministre, vos explications. Croyez-le, je ne vous fais aucun procès d'intention. Par définition, je vous accorde même le bénéfice de la bonne foi. J'aimerais me rallier à vos assurances, mais vous faites une erreur d'analyse. Vous sous-estimez la force des signes, et celui que vous nous donnez est de bien mauvais augure. Au terme de la discussion générale, ma conviction sort renforcée.
Ce débat, que vous nous faites engager au coeur de l'été, n'est pas, contrairement aux apparences, un débat technique destiné à apporter quelques aménagements subalternes et périphériques. Il ne s'agit pas de régler des exceptions plus ou moins larges au principe du repos dominical. Il ne s'agit pas d'un simple toilettage. Ce débat renvoie à une question de société. Il porte en germe des bouleversements profonds.
J'invoquerai trois raisons pour le rejeter. Il crée des mesures inefficaces économiquement, injustes socialement, dangereuses pour la cohésion sociale.
Personne ne croit, ni ici ni ailleurs, à un quelconque effet positif sur la consommation et la croissance. C'est le pouvoir d'achat qui génère la croissance, et celui-ci est d'abord commandé par les salaires. Une étude de I'OFCE sur la situation en Allemagne montre que l'ouverture des magasins le dimanche n'a modifié ni les comportements de consommation, ni les comportements d'épargne. Les précaires n'auront pas davantage de travail, mais leur travail sera plus émietté. La généralisation progressive du travail du dimanche n'aura qu'un effet : élargir le temps de consommation. Mais ni la croissance ni le pouvoir d'achat des Français ne s'en trouveront augmentés. Au contraire, Ie travail dominical détruira l'emploi, en pénalisant les petits commerces qui emploient, à chiffre d'affaires égal, trois fois plus de salariés que les grandes surfaces.
M. Jean-Pierre Sueur. - Eh oui !
M. Claude Jeannerot. - De l'avis d'une majorité d'experts et des organisations syndicales et patronales représentant les PME et les petites entreprises, ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui seraient ainsi menacés dans le petit commerce.
L'ouverture des commerces le dimanche, c'est aussi, paradoxalement, la certitude d'une augmentation des prix. Les surcoûts des charges fixes seraient évalués à 4 ou 5 % pour tous les consommateurs, y compris ceux qui achètent en semaine. Ouvrir un dimanche coûte trois fois plus cher qu'ouvrir un jour de semaine à cause des frais de communication, des charges de fournisseurs, augmentées par les prestations dominicales. C'est également une aberration sur le plan environnemental. Après le Grenelle de l'environnement, il est malvenu d'engager la course à la consommation. Chauffer, éclairer, climatiser, transporter produits et consommateurs un jour de plus crée une surconsommation d'énergie dommageable. Nulle évaluation de ces sujets n'a été produite. Des commerces d'ameublement ont cessé d'ouvrir le dimanche au vu des coûts et des accords locaux se multiplient pour fermer simultanément dans des départements entiers.
Quoi que vous disiez, ce texte constitue un véritable changement de cap. Sous une forme rampante, insidieuse, il ouvre une brèche dans le droit du travail. Ce n'est pas un hasard si vous avez choisi de faire déposer une proposition de loi. Même si, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, les partenaires sociaux ont pu, in fine, faire entendre leur voix, vous avez réussi à contourner l'obligation de dialogue préalable. L'Élysée a utilisé M. Mallié pour court-circuiter les syndicats.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
M. Claude Jeannerot. - En invitant, fin octobre, à se saisir du sujet sans tabou, le Président de la République indiquait sa volonté d'aboutir au plus vite.
Liberté de choix, dites-vous, monsieur le ministre ? Pourquoi interdire à ceux qui le souhaitent de travailler le dimanche ? C'est oublier que le contrat de travail n'est pas un contrat comme les autres, il n'est pas passé entre deux personnes placées sur un pied d'égalité. S'il existe encore, dans notre pays, un droit du travail distinct du droit des contrats, c'est précisément sur le fondement de la reconnaissance du lien de subordination entre employeur et salarié. L'égalité entre les personnes au contrat, la parfaite liberté de l'une et de l'autre partie sont une illusion. Les salariés ne sont jamais volontaires, en raison même de ce lien de subordination. Pour ne prendre qu'un exemple, un demandeur d'emploi pourra-t-il, lors d'un entretien d'embauche, affirmer tranquillement ne pas vouloir travailler le dimanche si l'employeur le lui demande et conserver réellement toutes ses chances d'être embauché ? Au moins, s'il trouvait, en contrepartie de ce qui lui sera, de fait, une obligation, des compensations de salaire, cette mesure trouverait peut-être un commencement de justification. Mais ce texte ne prévoit aucune compensation pour les salariés dès lors qu'ils travaillent dans une zone ou une commune de tourisme.
Ce texte nous invite à élargir notre réflexion : dans quelle société voulons-nous vivre ? Voilà la question centrale. Tous les équilibres auxquels nous sommes parvenus à travers les siècles sont remis en cause. Aujourd'hui, le marché exige les dimanches ; hier, il demandait la précarisation du salariat. Que demandera-t-il demain ? Il ne faut pas seulement des règles de protection, il faut des principes intangibles au service de l'organisation sociale. Ces principes sont au centre de toute l'histoire du mouvement social. Ils rappellent la prééminence de l'homme sur le matériel. Et, même si l'activité commerciale dominicale devait permettre de créer des richesses supplémentaires, ce qui est loin d'être démontré, elle ne vaut rien par rapport à cette prééminence de l'humain dans toutes ses dimensions, citoyenne, culturelle, affective et spirituelle. L'homme ne se réduit pas à un consommateur. Entendez la voix de Jean Jaurès qui vous adjure de ne pas renoncer à une grande loi qui, en 1906, a instauré le repos dominical obligatoire de 24 heures pour les ouvriers et les employés du commerce (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Odette Terrade applaudit également)
Aux femmes et aux hommes qui n'appartiennent pas à cette tradition de la gauche mais qui se réfèrent à la démocratie chrétienne, je veux rappeler que ce repos dominical ne fut pas la victoire de la seule CGT. Il fut aussi la leur, puisqu'en 1880, une majorité, anticléricale, avait abrogé la loi de 1814 qui permettait déjà de chômer le dimanche. C'est donc une loi de consensus national qui fut alors votée, et ce fut une manière de protéger les travailleurs face au marché.
Ce débat n'est pas un débat comme les autres. Si cette proposition de loi en est à sa quatrième mouture, c'est parce que nous savons tous que le travail du dimanche est une digue dont la destruction en entraînerait beaucoup d'autres. La philosophie de ce texte est claire : il faut travailler plus, plus longtemps, plus vieux, le dimanche, les jours fériés, la Pentecôte et bientôt, pendant son arrêt de maladie ou son congé de maternité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - 10 % de chômeurs...
M. Claude Jeannerot. - La philosophie de ce texte est simple : un pays moderne est un pays où la consommation doit être élevée au rang de loisir et où le bon vouloir de la clientèle s'affirme comme objectif d'intérêt général. C'est ainsi que le dimanche est présenté comme une survivance surannée résultant de vieilles obligations religieuses, et que l'abolir serait une marque de modernité.
Ce qui est en question, ce n'est pas seulement l'intérêt des salariés, c'est toute notre vie collective et sociale. Elle s'en trouvera ébranlée. Le repos dominical est, dans notre droit, érigé en principe d'ordre public. Le législateur a choisi de sacraliser l'existence d'un jour consacré au repos collectif, à la famille, aux amis, d'un jour qui déroge aux règles de l'échange marchand.
Ce jour, en ce qu'il échappe à l'activité marchande, exerce une fonction symbolique, une fonction sociale que chacun s'accorde à reconnaître tant l'enjeu dépasse les clivages politiques -nous l'avons encore vérifié cet après-midi. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx ironise) En fragilisant notre édifice social, vous jouez les apprentis-sorciers...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Exagération !
M. Claude Jeannerot. - Quelles conséquences aura votre réforme sur la vie familiale, associative...
M. Dominique Braye. - C'est la fin du monde ! (Sourires)
M. Claude Jeannerot. - ...et culturelle.
M. Alain Gournac. - Et sur les hommes politiques ?
M. Claude Jeannerot. - Quelles conséquences auront ces mesures qui détériorent le tissu social et familial sur la santé ?
Certes, il est difficile de disposer de projections précises. (Exclamations sarcastiques à droite) Mais j'observe qu'aucune forme d'expertise n'a été sollicitée à droite...
M. Dominique Braye. - Que ne l'avez-vous fait !
M. Claude Jeannerot. - Un élément devrait pourtant troubler le Gouvernement et sa majorité...
M. Dominique Braye. - Certainement pas !
M. Claude Jeannerot. - Tous les syndicats de salariés, de la CGT à la CFTC en passant par la CGC, ont exprimé de vives réserves.
M. Alain Gournac. - Oui, mais seulement des réserves !
M. Dominique Braye. - Et seulement ceux du haut ! Ceux du bas, ceux qui sont sur le terrain, veulent travailler le dimanche ! (Protestations à gauche)
M. Claude Jeannerot. - Et les Français s'expriment : 64 % d'entre eux refuseraient de travailler le dimanche régulièrement, seulement 13 % accepteraient. (M. Alain Gournac marque son agacement) D'après le sondage d'Ipsos de novembre dernier, plus de 65 % des ouvriers et plus de 67 % des cadres et professions intermédiaires sont défavorables à cette évolution. Parce que ce texte est économiquement inefficace, socialement injuste et dangereux pour notre vivre-ensemble, nous en demandons le retrait ! (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Sans revenir en détail sur les raisons du soutien de la commission à ce texte que j'ai présentées en discussion générale, permettez-moi de souligner que la loi de 1906 a souffert 25 000 dérogations dès 1913 ! Il en existe seulement 180 aujourd'hui. (« Et alors ? » sur les bancs socialistes) Le rappel est utile... Ensuite, la question dépasse le clivage entre la droite et la gauche...
Mme Raymonde Le Texier. - Nous sommes d'accord !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - M. Blazy, le maire de Gonesse défend, de longue date, le travail dominical.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Un maire, ce n'est pas une majorité !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - « La ville de Gonesse et ses élus défendent le principe du repos dominical. Toutefois, dès lors que ces emplois existent et que la modification de l'ouverture des commerces en menacerait la pérennité, une solution spécifique doit être trouvée », déclarait-il le 15 novembre 2008.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et alors ?
M. Daniel Raoul. - Zorro est arrivé... (Sourires)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - M. Blazy est socialiste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Personne n'est parfait !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Preuve que le pragmatisme n'est pas seulement de droite... Aujourd'hui, nous avons une solution qui n'est pas, certes, parfaite mais a le mérite de mieux protéger les salariés ! (« Bravo ! » et applaudissements à droite) Avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Un peu de décence !
M. Xavier Darcos, ministre. - L'avis du Gouvernement n'est pas favorable. (« Quelle surprise ! » à gauche) Selon M. Jeannerot, ce texte constituerait un projet néfaste pour notre société toute entière. Tout d'abord, il n'y a pas eu un avant 1906 et un après 1906. Depuis, de multiples dérogations ont été faites à la règle. Quelque 180 aujourd'hui...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et alors ?
M. Xavier Darcos, ministre. - ...dont certaines adoptées par des gouvernements que vous souteniez. Rappelez-vous la loi de 1980 pour le travail du week-end dans l'industrie, les modifications de 1991, 1992 et 1993. Quand Mme Aubry défendait des dérogations au repos dominical, que n'avez-vous invoqué le droit sacré au dimanche ! (On renchérit à droite) De même, il n'y aura pas la civilisation d'avant et d'après cette proposition de loi : les dérogations sont clairement circonscrites. Le monde entier ne va pas basculer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Certainement pas !
M. Xavier Darcos, ministre. - Quant aux organisations syndicales, aucun de leurs représentants n'a voté contre au Conseil économique et social.
M. Dominique Braye. - Très bien ! (M. Gérard Longuet acquiesce)
M. Xavier Darcos, ministre. - Enfin, rappelons à la Haute assemblée, qui compte des maires et représente les intérêts des élus locaux, que si le maire refuse le dispositif, il ne s'appliquera pas. Un peu de confiance dans la démocratie, s'il vous plaît ! Les prémisses de cette question préalable, quels que soient leur légitimité morale, ne sauraient donc s'appliquer !
M. François Marc. - Pourquoi nous opposer, avec cette question préalable, à l'ensemble du texte ? Parce que le texte pourrait entraîner de graves désordres dans notre pays et porte en germe des évolutions catastrophiques. Cette réforme, dites-vous, créera un sursaut économique...
M. Jean Desessard. - Logique, pour des Puce ! (Rires)
M. François Marc. - Mais l'impact sur l'emploi sera négatif. Votre habillage économique convainc seuls ceux dont la philosophie politique est conforme aux principes qui guident ce texte. Depuis 2003, cette idéologie est exploitée à longueur de textes. Résultat, la baisse des impôts et taxes s'est traduite par une diminution de notre croissance au-dessous de la moyenne européenne, et non par la progression annoncée, une perte de recettes de 39 milliards dans notre budget pour 2009 et un alourdissement de la dette. L'habillage économique ne tient donc pas. Préoccupons-nous plutôt des conséquences de ce texte sur notre organisation sociale.
Je regrette que les travaux du Conseil économique et social n'aient pas davantage retenu l'attention du Gouvernement. Après avoir souligné l'important dérèglement qui pourrait s'ensuivre et le risque de déséquilibre entre les différentes formes de commerce, le Conseil concluait : « Dès lors, la question posée est celle du modèle de société auquel nous aspirons ». Notre inquiétude, dont M. Jeannerot s'est fait l'écho, est donc fondée.
M. Alain Gournac. - Mais non !
M. François Marc. - Le Conseil d'analyse économique, dans son rapport sur le temps de travail, a montré combien l'impossibilité de mener une vie de famille, en raison d'une importante charge de travail, entraîne la désocialisation et des mécanismes dépressogènes. Le volontariat fictif aura de nombreuses conséquences sur les familles monoparentales, il représente une discrimination envers les plus modestes. Pour les femmes, c'est un retour en arrière de deux décennies !
Mme Raymonde Le Texier. - Très bien !
M. François Marc. - Avec le travail du dimanche, vous sacrifiez, par pur dogmatisme idéologique, notre modèle de société sur l'autel de la consommation outrancière. Parce que ce projet est dangereux pour notre cohésion sociale, j'invite le Sénat à voter la question préalable ! (Applaudissements à gauche)
A la demande du groupe socialiste, la motion n°6 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Renvoi en commission
Mme la présidente. - Motion n°120, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 562, 2008-2009).
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Une nouvelle fois, je considère qu'il est anormal que nous défendions une motion après la clôture de la discussion générale. Quand nous reverrons notre Règlement, il faudra modifier cette façon de faire aberrante.
Les conditions dans lesquelles cette proposition de loi a été examinée ne sont pas acceptables : elles sont bien loin de l'esprit de la révision constitutionnelle qui devait, à vous entendre, renforcer le rôle des parlementaires, notamment ceux de l'opposition.
Comment se satisfaire qu'un texte aussi important soit examiné dans la précipitation à quelques jours des congés ? Pour mémoire, la proposition de loi du député Mallié dont il n'aura échappé à personne qu'elle donne une prime à la délinquance puisqu'elle permet d'amnistier ceux qui faisaient travailler des salariés dans l'illégalité, a été adoptée le 15 juillet à l'Assemblée dans l'après-midi. Le dépôt limite des amendements à la commission des affaires sociales du Sénat était fixé le même jour à 19 heures. Le lendemain matin, Mme Debré a présenté son rapport et le délai limite des amendements en séance publique était fixé hier à 11 heures.
Vous vouliez sans doute satisfaire au plus vite le Président de la République...
M. Roland Courteau. - Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ...qui exigeait que ce dossier soit traité de façon prioritaire et qui n'avait pas supporté le camouflet de décembre dernier. D'ailleurs, les députés UMP qui s'y étaient opposés sont, depuis, rentrés dans le rang.
Vous avez donc déposé une proposition de loi d'inspiration présidentielle : ce stratagème vous a permis d'éviter la consultation obligatoire des organisations syndicales. En outre, vous profitez d'une période peu propice aux mobilisations syndicales pour imposer une contre-réforme qui a réussi à fédérer contre elle l'opposition de la CFDT, de la CFTC, de la CGC, de FO, de la CGT, mais également d'organisations patronales comme l'UPA et la CGPME.
M. Daniel Raoul. - C'est vrai !
M. Dominique Braye. - Mensonges !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous n'avez pas non plus auditionné l'association « Laissez-nous travailler » qui se fait le porte-parole de la minorité de salariés favorables au travail le dimanche. Il faut dire que l'Assemblée nationale, ayant refusé d'instaurer le volontariat et des contreparties dans les zones touristiques, son président Jean-Patrick Grumberg, pourtant ardent défenseur du travail le dimanche, considère que le compte n'y est pas pour les salariés. Enfin, vous avez sans doute voulu agir vite pour éviter la contestation dans votre propre camp.
Au-delà de ces considérations, je dénonce l'absence d'une étude d'impact, pourtant si chère aux sénateurs, une étude qui aurait estimé les conséquences de ce texte sur l'emploi, notamment dans le commerce de proximité. Une étude menée avant l'élection de Nicolas Sarkozy avait démontré que, pour un emploi créé dans la grande distribution, trois étaient supprimés dans le commerce de proximité. De plus, dans la grande distribution, les emplois sont moins protecteurs et moins rémunérateurs que dans le commerce de proximité. Les comptes sociaux pâtiront de cette perte en quantité et en qualité. Au Royaume-Uni, que vous citez sens cesse en exemple, il y avait, avant l'application de loi autorisant le travail le dimanche, 15 000 magasins de proximité non franchisés vendant des chaussures. Après son entrée en vigueur, il n'en reste plus que 350. Naturellement, vous ne manquerez pas de contester ces chiffres. C'est d'autant plus votre droit qu'en raison de l'absence d'étude d'impact, rien ne vient corroborer mes propos. Cette étude d'impact aurait aussi mesuré les conséquences de ce texte sur la vie sociale et familiale comme sur l'environnement.
En outre, la commission des affaires économiques ne s'est pas autosaisie de ce texte, alors que je l'y avais invitée par courrier. Ce refus traduit, au mieux, votre volonté d'aller vite au détriment du travail parlementaire et, au pire, il confirme que, jusque dans vos rangs, vous doutez des effets positifs de cette nouvelle dérégulation sur l'économie de notre pays.
Comme le faisait justement remarquer M. Baroin en décembre, « les gens qui consommeront le dimanche ne le feront pas un autre jour ». C'est une lapalissade mais c'est pourtant exact.
M. Dominique Braye. - Non, c'est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Votre Gouvernement n'aura pas non plus amélioré le pouvoir d'achat de nos concitoyens, bien au contraire !
Mme Raymonde Le Texier. - Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - J'en viens à Paris car son cas est emblématique. Ce texte lui réserve en effet une place à part : le préfet de Paris décidera seul du sort de la capitale : une commune touristique dans sa totalité ou éclatée en diverses zones touristiques. Le Conseil de Paris et le maire n'auront pas leur mot à dire. Il s'agit ici d'une conception très particulière de la concertation dont se prévaut le Gouvernement ! Le maire et la majorité de Paris s'étant prononcés contre ce projet à diverses reprises, vous voulez passer outre.
Si ce texte était adopté, Paris pourrait à la fois devenir un Puce et une zone touristique, qui autorisent dans l'un et l'autre cas à ouvrir les commerces 365 jours par an alors qu'il existe un lien direct entre l'augmentation de l'amplitude horaire et l'extension du temps partiel imposé. En outre, dans un même quartier, les salariés concernés par le dispositif des Puce bénéficieraient de contreparties obligatoires mais ceux qui travailleraient dans les sept zones relevant de l'article L. 3132-25 n'en disposeraient plus. Ces deux dispositifs étant concurrents, il ne sera pas possible de maintenir durablement les avantages accordés en échange du travail le dimanche. Peut-être nous donnerez-vous enfin des explications, monsieur le ministre.
Avec cette loi, tous les établissements de vente de détail pourront ouvrir le dimanche. Aujourd'hui déjà, nombre de commerces de détail ouvrent illégalement le dimanche, comme le dénoncent régulièrement les syndicats, notamment du commerce. Outre les faibles moyens alloués à l'inspection du travail, cet état de fait ne peut s'expliquer que par la clémence, voire la complaisance, des pouvoirs publics.
A Paris, les magasins des Galeries Lafayette et du Printemps viennent d'obtenir une dérogation préfectorale pour ouvrir un sixième dimanche dans l'année au lieu des cinq prévus dans le code du travail. En outre il est déjà prévu que des zones commerciales du Val-d'Oise, des Yvelines et de l'Essonne feront l'objet de Puce. Les choses sont déjà bien engagées.
M. Dominique Braye. - Nous attendons cela avec impatience !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il est évident pourtant que l'ouverture du dimanche coûte cher car elle induit une augmentation des frais fixes de 15 % et une destruction massive des emplois liés au petit commerce, remplacés par des postes encore plus précaires. Tout cela pour effectuer un simple transfert de clientèle ! Cette loi induira une augmentation des prix que les groupes compenseront en rognant sur la masse salariale et en détruisant des emplois.
Je suis scandalisée de vous entendre affirmer que le niveau de l'emploi pourrait être redressé par les achats d'une riche clientèle touristique qui viendra consommer à Paris. La Samaritaine, devenu magasin de luxe sous la houlette de LVMH, a été fermée parce que son taux de rentabilité était inférieur à 15 %. Des milliers de salariés ont été mis à la porte. Le travail le dimanche se traduira-t-il par 2 000 recrutements sur les Champs Élysées ?
Cette proposition de loi aura de lourdes conséquences dans une région déjà très touchée par le travail à temps partiel subi et annualisé. Mais qui se soucie des salariés ? Une caissière de Monoprix explique en ces termes comment l'entreprise fonctionne : « 80 % des emplois sont à temps partiel, des dizaines à 34 heures car cela ouvre un abattement de 30 % au groupe ». Elle ajoute que « les horaires vont jusqu'à 22 heures, alors que le magasin, lorsque j'ai commencé à travailler, fermait à 19 h 15 ». Des horaires de plus en plus larges ont tué le petit commerce, poursuit-elle, mais Monoprix poursuit le but de rester ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. « Bientôt, il faudra abandonner ses enfants, divorcer et planter sa tente devant le magasin » pour pouvoir suivre le rythme...
M. Dominique Braye. - Propos tout en nuances, comme toujours !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les femmes qui travaillent à temps partiel perçoivent un demi Smic. Depuis, le groupe a ouvert les « Monop' », ouverts jusqu'à minuit... et le dimanche ! Les employées habitent loin -comment se loger à Paris avec de pareilles rémunérations ?- et mènent une vie infernale. A 22 heures ou à minuit, elles ont encore une heure et demie de trajet pour rentrer chez elles. Vous apprécierez leur qualité de vie.
M. Dominique Braye. - Mais nous n'apprécions pas vos discours !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Arrêtez de brailler !
M. Dominique Braye. - On me la faisait déjà à la maternelle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous préférons chercher comment concilier vie professionnelle et vie familiale et sociale. Nous voulons revenir à une amplitude de dix ou onze heures pour l'ouverture des magasins, une fermeture à 19 heures ainsi que le dimanche. Nous souhaitons mettre fin à cette concurrence féroce entre la grande distribution et les enseignes de centre-ville, favorisée par la puissance publique. L'argument du chiffre d'affaires est fallacieux, les capacités de consommation n'étant pas extensibles. La relance économique reposerait-elle entièrement sur les achats de touristes fortunés dans les magasins de LVMH ?
M. Dominique Braye. - Nous attendons les Russes qui dépensent beaucoup !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En outre, il y a mieux à faire le dimanche que du shopping avec les enfants, distraction que suggère M. le ministre avec cynisme. Il convient de renvoyer ce texte en commission afin de réfléchir à toutes les implications de cette loi. (Applaudissements à droite)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je ne puis vous laisser dire que la commission n'a pas travaillé. Lorsque nous avons reçu la CGPME, une seule représentante de la gauche était présente. Si vos collègues étaient absents, c'est sans doute qu'ils avaient mieux à faire ailleurs, mais nous avons pour notre part mené un travail approfondi, en concertation avec l'Assemblée nationale. Je refuse ces caricatures. Monoprix, Monop', ne sont pas concernés par ce texte puisqu'il s'agit de commerces alimentaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Pas seulement !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Ils ne seront donc pas ouverts le dimanche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ils le sont déjà !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je vous prie de ne pas m'interrompre. Un peu d'éducation !
Les débats ont débuté il y a un an avec M. Mallié. Vous auriez préféré un projet de loi, soit, mais ne prétendez pas que les syndicats n'ont pas été écoutés. Ils l'ont été. De plus, le propre des parlementaires, vous l'avez souvent souligné, est de faire des propositions de loi : pourquoi l'interdire à M. Mallié ? Je le connais, il n'est pas homme à se laisser guider par qui que ce soit contre son envie.
Le Conseil économique et social a lui aussi travaillé. Il a mis en évidence qu'une création d'emploi dans une grande surface en détruisait trois ailleurs, mais cela concerne essentiellement l'alimentaire qui, je le répète, n'est pas visé par ce texte. Il convient donc de rejeter la motion et d'entrer dans la discussion des articles. (Applaudissements à droite)
M. Xavier Darcos, ministre. - Le Gouvernement ne souhaite pas le renvoi en commission. Précipitation, dites-vous : mais cela fait un an et demi que ce texte ne cesse de circuler !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Parce que personne n'en veut !
M. Xavier Darcos, ministre. - Durant ce va-et-vient, nombre de remarques et d'amendements ont été intégrés. Je citerai, puisque vous avez évoqué la nécessité d'une étude d'impact, l'amendement Méhaignerie qui tend à créer un comité de suivi, où la parité est assurée entre la majorité et l'opposition. Que n'avez-vous réclamé une telle étude d'impact avant de voter les 35 heures ! (Applaudissements à droite) Votre soupçon d'une amnistie n'a pas lieu d'être, puisque le vote de cette proposition n'interrompra aucune des poursuites engagées contre ceux qui ont enfreint la législation actuelle. Je ne vois aucune raison d'accepter cette motion. (Applaudissements à droite)
La motion n°120 n'est pas adoptée.
Création d'une commission spéciale et désignation de ses membres (Nominations)
Mme la présidente. - La liste des candidats aux fonctions de membre de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a été affichée. Je n'ai reçu aucune opposition et cette liste est ratifiée. Je proclame donc membres de la commission spéciale M. Gilbert Barbier, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Bernadette Bourzai, MM. Jean-Claude Carle, Gérard César, Serge Dassault, Mmes Annie David, Isabelle Debré, Christiane Demontès, Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Daniel Dubois, Jean-Léonce Dupont, Jean-Luc Fichet, Mmes Gisèle Gautier, Colette Giudicelli, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-François Humbert, Claude Jeannerot, Jacques Legendre, Mmes Raymonde Le Texier, Colette Mélot, Isabelle Pasquet, MM. François Patriat, Jean-Pierre Plancade, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, Patricia Schillinger, MM. André Trillard, Jean-Marie Vanlerenberghe, René Vestri et Jean-Paul Virapoullé.
Repos dominical (Proposition de loi - Procédure accélérée) (Suite)
Rappel au Règlement
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Rappel au Règlement, pour rétablir la vérité sur la position de M. Blazy, clairement exprimée sur le site du collectif des Amis du dimanche : il prend acte de la décision du préfet d'autoriser l'ouverture de Castorama le dimanche et rejette la proposition de loi. Il rappelle que les salariés de Gonesse sont très attachés à un droit conquis de haute lutte. « A l'heure où des emplois sont en jeu, où des familles sont menacées par des pertes de pouvoir d'achat, la responsabilité des élus locaux est de pérenniser des emplois et de défendre les salaires ». C'est pourquoi M. Blazy exprime sa très ferme opposition à toute généralisation du travail dominical et rappelle que celui-ci doit faire l'objet d'une majoration salariale et d'un repos compensatoire réels et significatifs. La proposition de loi soutenue par le Gouvernement ne comportant aucune garantie sur ces deux conditions et constituant un recul du droit, M. Blazy appelle les parlementaires à la rejeter.
Cela se passe de commentaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Éric Doligé. - Cela prouve que M. Blazy change toujours d'avis.
M. Xavier Darcos, ministre. - J'ai retenu que M. Blazy s'opposait à la généralisation du travail dominical. Nous aussi ! (« Bravo ! » et applaudissements à droite)
Discussion des articles
Articles additionnels
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article L. 1 du code du travail, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés (quatre fois) les mots : « ou le Parlement ».
Mme Raymonde Le Texier. - L'accroissement du nombre de propositions de loi devrait nous réjouir -si nous ne soupçonnions pas certaines de n'être que des projets de loi masqués de façon à éviter le passage devant le Conseil d'État et, pour les textes touchant le droit du travail, la concertation avec les syndicats exigée par l'article L. 1 du code dans la rédaction qu'en a fait adopter le Président Larcher quand il était ministre du travail. Nous voudrions que la même concertation soit requise dans les mêmes conditions pour les propositions de loi.
Une proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson est bloquée sur le bureau de l'Assemblée nationale parce que les partenaires sociaux doivent être consultés...
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - L'idée paraît séduisante mais elle requiert un examen approfondi. Faudrait-il, par exemple, que toutes les propositions de loi soient soumises à une telle obligation ? Cela paraît d'autant moins envisageable que la grande majorité d'entre elles n'accèdent même pas à la séance publique... En attendant cet examen approfondi, l'amendement doit être retiré.
M. Xavier Darcos, ministre. - Cet amendement est dénué de rapport avec ce texte et il ne respecte pas la séparation des pouvoirs. J'observe d'ailleurs que le 16 juillet Mme Debré a reçu les syndicats ; ceux-ci ont donc bien été consultés.
M. Daniel Raoul. - Qui a décidé qu'il y aurait procédure accélérée ?
M. Xavier Darcos, ministre. - Je vous renvoie aussi aux échanges qui avaient eu lieu à l'occasion de la loi Larcher. Sur le texte d'aujourd'hui, vous ne pouvez nier que tout le monde s'est maintes fois exprimé.
Cet amendement ne se justifie donc ni en opportunité ni sur le fond.
M. Jean Desessard. - J'étais à la commission des affaires sociales quand les syndicats sont venus. Nous étions d'ailleurs nombreux, en particulier de la gauche parce que nous sommes très présents... (exclamations à droite) mais vous aussi étiez là ! Vous allez ainsi pouvoir infirmer mon propos s'il doit l'être.
On demande à la CGT si elle est pour ce texte. C'est non. On demande à la CFDT. C'est non. Et ainsi avec les cinq syndicats. Contredisez-moi si je ne dis vrai ! Et voici que le ministre affirme aujourd'hui à deux reprises que les syndicats seraient pour ! Cela prouve au moins la nécessité d'une concertation officielle, avec un acte officiel.
M. Xavier Darcos, ministre. - Le seul document qui vaille, c'est celui du Conseil économique, social et environnemental car il y a eu vote, et les syndicats n'ont pas voté contre. (Applaudissements sur certains bancs UMP)
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est abrogé.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - L'article 102 de la LME a permis l'ouverture de grandes surfaces sans autorisation préalable. Il en est résulté la création d'un million de mètres carrés de magasins à grande surface, au détriment des petits commerces. Nous avons déjà le plus grand nombre de magasins à grande surface du monde ! Il y a quelque hypocrisie à bavarder sur l'animation des centres-ville tout en prenant les mesures qui ont pour effet de les asphyxier.
En Grande-Bretagne l'ouverture des commerces sept jours sur sept a eu pour effet que le nombre de magasins de chaussures est passé de 11 000 à 350. En quoi est-ce un gain ? Combien d'emplois perdus en centre-ville cela signifie-t-il ? Un emploi créé dans les grandes surfaces, c'est trois de perdus dans le petit commerce.
On ne va pas accroître la consommation mais seulement la déplacer. Si je vois bien l'intérêt des grandes surfaces, je vois aussi la catastrophe pour les petits commerces de centre-ville !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Cet amendement est un cavalier. Nous avons approuvé cet article 102 l'an dernier et je ne vois pas d'élément nouveau.
M. Daniel Raoul. - C'était aussi un cavalier avec la LME !
M. Xavier Darcos, ministre. - De fait, cet amendement est sans rapport avec ce texte, et l'article 102 favorise la concurrence.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Je regrette cet avis. Le lien, je le vois bien, tout comme il saute aux yeux des petits commerçants qui m'ont adressé un courrier innombrable pour me dire leur inquiétude. Prétendre que cet amendement serait sans rapport avec ce texte relève de la mauvaise foi. (Exclamations à droite)
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
Article premier (Texte non modifié par la commission)
Le premier alinéa de l'article L. 3132-27 du code du travail est ainsi rédigé :
« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. »
Mme Annie David. - Cet article résulte de l'adoption par la commission de l'Assemblée nationale d'un seul des amendements présentés par nos collègues du groupe de la gauche démocrate et républicaine, dont notre ancien collègue, M. Muzeau. La majorité distingue deux catégories de salariés : ceux qui sont contraints de travailler le dimanche dans les zones ou communes touristiques, pour lesquels le dimanche deviendrait un jour de travail comme les autres et ne donnant lieu à aucune contrepartie ; et ceux qui sont volontaires, ce volontariat étant toutefois relatif, et qui mériteraient, eux, compensation. Cette distinction est parfaitement artificielle : les contreparties doivent seulement dépendre de la réalité du travail dominical. Une juste rémunération doit être accordée à tous ceux qui travaillent le dimanche pour le plaisir des quelques riches touristes chinois ou norvégiens qui viendront sur nos côtes acheter la tondeuse à gazon qu'ils remporteront dans leur pays leur visite achevée...
L'article premier est certes une avancée en ce qu'il clarifie la rédaction du code du travail et précise l'existence d'un temps de repos compensateur, mais une avancée très insuffisante ; il opère une discrimination injuste entre salariés. Sauf adoption de notre amendement, nous nous abstiendrons.
M. Daniel Raoul. - Je m'étonne que la commission de l'économie n'ait pas été saisie pour avis de cette proposition de loi, alors qu'on nous parle sans cesse de l'intérêt économique de celle-ci. Peut-être majorité et Gouvernement doutent-ils de son impact réel...
Première remarque : pourquoi M. Darcos n'a-t-il pas eu le courage de déposer un texte au lieu de le faire porter par une proposition de loi, ce qui lui permet de court-circuiter la concertation avec les organisations syndicales ?
M. Dominique Braye. - Il n'était pas encore ministre !
M. Daniel Raoul. - Deuxième remarque : on s'apprête à donner l'absolution à ceux qui depuis dix ans bafouent la loi... Cette amnistie a quelque chose d'immoral.
Troisième remarque : comme nous l'avons déjà évoqué lors de l'examen de la loi Tourisme, ce texte entrouvre une porte dont on ne sait ni jusqu'où elle va s'ouvrir, ni quand elle sera refermée.
J'ajoute que le Président de la République manque singulièrement de pudeur en se référant à Versailles au Conseil national de la Résistance et à notre pacte social, tandis que la majorité ne cesse de détricoter ce dernier. Cette proposition de loi en est une nouvelle preuve, marquée, comme bien d'autres textes, du sceau de l'hypocrisie. (Applaudissements à gauche)
Mme la présidente. - Amendement n°72, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit cet article :
Tout salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.
Mme Isabelle Pasquet. - Tous les salariés qui travaillent le dimanche doivent bénéficier de compensations, quel que soit le cadre dans lequel ils exercent leur activité. Travailler volontairement ou de façon subie le dimanche, jour de repos pour tous depuis 1906, demande un effort particulier. Des richesses sont créées qui doivent être partagées.
Il y a quelques mois, alors que la France s'enfonçait dans la crise, alors que le Gouvernement multipliait les chèques aux banques et aux groupes industriels, le Président de la République déclarait vouloir moderniser le capitalisme et partager les richesses en trois tiers, salariés, actionnaires, investissement. De ces belles paroles il ne reste rien. Point de partage, et la modernisation du capitalisme demeure une chimère.
Faire travailler les salariés le dimanche sans contrepartie est un recul majeur. Notre amendement est légitime et attendu, y compris par ceux qui se déclarent favorables au travail dominical et pour lesquels un complément de salaire serait bien utile.
Mme la présidente. - Amendement n°140 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mme Laborde et MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... . - L'article L. 3132-26 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'employeur fait appel aux seuls salariés volontaires qui ont exprimé leur demande par écrit.
« Le refus du salarié de travailler le dimanche ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
M. Jacques Mézard. - Il s'agit d'offrir les mêmes garanties à tous les salariés qui travaillent le dimanche. De la même façon que le texte prévoit une rémunération double et un repos compensateur pour les salariés des établissements de commerce de détail exceptionnellement ouverts par décision du maire, il faut préciser que ces salariés doivent être volontaires.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - L'amendement n°72 s'appliquerait à tous les secteurs d'activité...
M. Daniel Raoul. - Ce n'est pas idiot !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - ...et déstabiliserait ceux d'entre eux pour qui le travail du dimanche est de droit, et qui ont pu développer leurs propres contreparties. Je rappelle que la négociation sera désormais obligatoire dans les zones touristiques et dans les Puce.
Le code du travail prévoit déjà des contreparties dans le cadre des cinq dimanches. Le volontariat n'a pas été retenu eu égard au caractère ponctuel, dans ce cas, du travail dominical ; la pratique est d'ailleurs à l'appel à candidatures, et il faut souvent procéder à un tirage au sort. L'amendement n°140 rectifié n'est pas indispensable. J'interroge cependant le Gouvernement.
M. Xavier Darcos, ministre. - Faire reproche à un parlementaire de déposer une proposition de loi dépasse l'entendement, monsieur Raoul ! (Applaudissements à droite) Il est encore plus étrange de demander à un ministre qui est en fonction depuis cinq semaines de se saisir d'un texte déposé il y a plusieurs mois... Il n'est pas question en outre -vous parliez d'amnistie- d'interrompre les procédures contentieuses en cours.
J'en viens à la question complexe des deux catégories de salariés, à laquelle je répondrai une fois pour toutes de façon claire et nette. Il y a deux situations objectivement différentes. D'abord celle des salariés qui, lorsqu'ils sont embauchés, savent qu'ils travailleront le dimanche ; je pense aux personnels des hôpitaux, des restaurants ou des cinémas, ou encore à ceux qui travaillent dans les zones touristiques ou les stations de sport d'hiver, et pour qui le travail dominical fait intrinsèquement partie du contrat.
Dans ces cas, le travail dominical fait partie des caractéristiques intrinsèques de l'emploi, et il n'y a pas lieu d'imposer par la loi de mesures compensatoires. Toutefois les partenaires sociaux pourront convenir de contreparties : c'est ce qu'ils font déjà le plus souvent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Encore heureux !
M. Xavier Darcos, ministre. - Pour d'autres emplois, qui n'impliquent pas nécessairement de travailler le dimanche, une autorisation administrative temporaire individuelle est requise. La loi prévoit que les salariés bénéficieront de contreparties, mais les partenaires sociaux devront en définir d'autres dans les conditions précisées par Mme le rapporteur. Nous avons tenté de trouver un équilibre juridique et économique tenant compte de la différence des situations. Je ne puis donc qu'être défavorable à l'amendement n°72.
L'amendement n°140 rectifié est plus complexe. Il concerne les dérogations accordées par le maire en vertu de l'article L. 3132-26 du code du travail pour satisfaire aux demandes ponctuelles des entreprises. Nous avons tous été maires, et nous savons que ces dérogations sont généralement accordées avant les fêtes de fin d'année. La proposition de loi ne modifie pas cet équilibre, mais prévoit des compensations pour les salariés dont l'emploi n'implique pas nécessairement de travailler le dimanche. Si l'un d'entre eux s'y refuse et se voit sanctionner pour ce motif, le droit commun s'appliquera : il pourra se pourvoir devant le juge pour obtenir réparation du préjudice subi. L'amendement est inspiré par une intention louable, mais il est satisfait par la proposition de loi et par les dispositions actuelles du code du travail. Retrait, sinon rejet.
Mme Annie David. - Nous avons tous bien compris qu'il existait deux sortes de salariés : ceux qui travaillent en zone touristique dans un commerce lié au tourisme -par exemple un restaurant- et qui savent d'emblée qu'ils seront amenés à travailler le dimanche, et les autres. Nous ne contestons pas les 180 dérogations qui existent aujourd'hui, mais ce texte étend leur champ à des commerces qui n'ont aucun lien avec l'activité touristique ! Les touristes viendront sur les côtes françaises pour acheter des canapés, des tondeuses à gazon et des téléviseurs ! En outre, les commerces pourront désormais ouvrir le dimanche toute l'année, alors que cette autorisation ne valait jusqu'à présent que pendant certaines périodes fixées par le préfet.
Prenons le cas d'un salarié d'un magasin de chaussures. Il avait prévu en signant son contrat de ne pas travailler le dimanche. Mais s'il a la malchance de travailler dans une zone touristique...
M. Gérard Longuet. - La chance, en termes d'emploi !
Mme Annie David. - ...il y sera désormais contraint !
Dans le cas des salariés travaillant dans les Puce, la loi prévoit qu'ils bénéficieront de contreparties : le doublement du salaire et un repos compensateur. Mais cela ne vaudra qu'à défaut d'accord entre les partenaires sociaux. Or l'accord peut être moins protecteur que la loi. Ainsi, quand vous dites que les salariés des Puce bénéficieront de ces contreparties, vous ne dites pas la vérité ! (M. le ministre s'agace) Un accord peut être négocié au niveau de chaque commerce, sans que les conventions collectives s'appliquent ; dans une entreprise où il n'y a pas de syndicat, les salariés n'auront d'autre choix que d'accepter les propositions du patron !
A ce propos, j'ai une question à vous poser. La loi ne précise pas que ces mesures compensatoires seront rétroactives. Vaudront-elles seulement pour les salariés embauchés après la promulgation de la loi ?
Vous prétendez enfin qu'aucun syndicat ne s'est opposé au rapport du Conseil économique et social, mais la CGT, la CFTC, l'Unsa et FO ont voté contre, tandis que la CFDT et les représentants de l'artisanat se sont abstenus. (M. le ministre le conteste. Applaudissements à gauche) Parlons-nous bien du rapport de 2007 sur les mutations de la société et les activités dominicales ?
M. André Lardeux. - Sans vouloir faire de provocation, je dois dire que je suis tenté de voter l'amendement de Mme David. J'ai entendu Mme le rapporteur dire que celui-ci n'était pas économiquement soutenable. Mais les compensations prévues pour les salariés travaillant lors des cinq dimanches dits « du maire » et ceux dont l'entreprise est située dans un Puce sont-elles économiquement soutenables ? Sinon, pourquoi nous demander de voter des mesures impraticables ?
M. Xavier Darcos, ministre. - Je vais m'efforcer de rassurer Mme David. Si les syndicats refusent l'accord salarial proposé par l'employeur, les salariés bénéficieront du doublement du salaire et du repos compensateur prévus par la loi. S'il n'y a pas de syndicat dans l'entreprise, aucun accord salarial ne pourra être conclu ; les mêmes dispositions s'appliqueront donc.
Tous les salariés travaillant dans les Puce verront leur situation modifiée, puisque les Puce n'existaient pas jusqu'à présent. Par conséquent, tous bénéficieront des contreparties inscrites dans la loi.
Enfin, je parlais de l'avis formulé en février 2007 par le Conseil économique et social sur le rapport de M. Salto, qui concernait le sujet dont nous traitons aujourd'hui, et non de son avis sur le rapport Bailly. Je répète que dans le premier cas, la CFDT, la CFTC et la CGC ont voté pour, tandis que la CGT et FO se sont abstenues.
J'ai déjà répondu indirectement à M. Lardeux.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Monsieur Lardeux, je disais qu'il n'était économiquement pas soutenable d'imposer le doublement du salaire à toutes les entreprises, y compris les cafés et les restaurants. Quant aux magasins des Puce, si leurs responsables considèrent qu'il n'est pas rentable de les ouvrir le dimanche, ils resteront fermées !
M. Jean Desessard. - On entend souvent dire dans cet hémicycle que les entreprises de certains secteurs, comme les commerces de bouche, manquent de main-d'oeuvre. « Les gens ne veulent pas travailler, alors qu'il y a du boulot. » Mais ne faudrait-il pas s'interroger sur le fait que ce sont précisément ces entreprises qui contraignent leurs salariés à travailler le dimanche ?
M. Michel Houel. - Il est manifeste que peu de membres de cette assemblée connaissent bien le secteur commercial.. On se désole que les 2 000 salariés de La Samaritaine aient été mis à la porte, mais la question est de savoir si un tel commerce est aujourd'hui approprié. Un commerce vit et meurt !
Le personnel n'était pas adapté : on ne peut passer sans transition de la quincaillerie au prêt-à-porter haut de gamme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Qu'est-ce qu'il faut entendre !
M. Michel Houel. - Monsieur Desessard, 80 % des jeunes qui sortent de l'apprentissage dans les métiers de l'hôtellerie et de la restauration ne poursuivent pas dans cette voie. Heureusement que certains sont prêts à travailler le week-end, car nous sommes tous allés au restaurant un dimanche !
Si un commerçant ne doit pas gagner d'argent, il n'ouvrira pas. Certains d'ailleurs ne profitent pas des cinq dimanches d'autorisation, car leurs produits ne correspondent pas à ce que l'on recherche le dimanche. En revanche, le choix de l'ameublement exige l'avis de toute la famille !
J'ai travaillé le week-end pendant 30 ans : je n'en suis pas mort. C'est un choix qui a ses avantages et ses inconvénients.
Mme Annie David. - Et cela doit rester un choix !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les vendeuses de La Samaritaine étaient des démonstratrices de marques. Renseignez-vous !
L'amendement n°72 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°140 rectifié.
Mme Bariza Khiari. - En limitant à cinq les dérogations autorisées, l'article premier préserve le dimanche comme élément fondamental de la vie familiale, sportive, culturelle, associative et spirituelle. En réaffirmant l'obligation de la majoration salariale et du repos compensateur, il signifie que le dimanche n'est pas un jour comme les autres.
Cette limitation du travail dominical est vitale pour nos commerces de proximité et l'attractivité des centres-villes, déjà fragilisés par la loi de modernisation de l'économie. Le groupe socialiste votera l'article premier. Mais quelle est sa portée, quand l'article 2 s'acharne à le contourner, voire à le contredire ?
La LME, qui devait moraliser les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, a donné les coudées franches à la distribution. La réduction des délais de paiement n'a guère de sens quand il s'agit des relations commerciales entre la librairie de quartier et le groupe Hachette... Plutôt que de répondre aux besoins des commerces de proximité, le Gouvernement ne se soucie que des grands, des gros, des puissants. Pourtant, un emploi créé en grande surface en détruit trois dans le petit commerce ! L'étude du Crédoc démontre que l'ouverture des commerces non alimentaires le dimanche entraînerait une perte d'emplois. Pour faire face à cette concurrence, les commerces indépendants de centre-ville chercheront à s'organiser pour ouvrir eux aussi le dimanche, généralisant, par capillarité, le travail dominical.
Cette mesure a pour seul mérite d'être un symbole de la volonté réformatrice du Président. Le travail dominical est une obsession de la droite libérale, dans la lignée du bouclier fiscal ou des déclarations du porte-parole de l'UMP sur le travail pendant un congé de maternité ou de maladie.
L'article premier est adopté.
Articles additionnels
Mme la présidente. - Amendement n°42, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 3132-12 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent sous réserve d'un accord collectif plus favorable. »
M. Jean Desessard. - Ces contreparties sont une exigence de justice sociale. Un accord collectif de branche pourra toujours être plus favorable, mais le principe d'égalité entre salariés doit être inscrit dans la loi pour éviter tout abus de la part des employeurs.
Mme la présidente. - Amendement identique n°76, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Annie David. - Les contreparties au repos dominical doivent valoir pour tous les salariés. Nous proposerons plus loin d'empêcher que des accords collectifs puissent prévoir des contreparties moins favorables que celles prévues par la loi. En 2003, M. Fillon, alors ministre du travail, inversait la hiérarchie des normes : l'accord collectif ou d'entreprise peut désormais contredire le code du travail. Sous prétexte de renforcer la négociation, on contourne le code du travail et les protections d'ordre public !
Au Cese, les syndicats ont voté contre le rapport Bailly, mais pour le rapport Salto qui recommandait de « ne pas banaliser cette journée en généralisant l'ouverture des commerces et de maintenir le principe du repos dominical », et demandait un débat plus large. Ce n'était pas dire oui à l'ouverture dominicale dans les zones touristiques ou les Puce ! (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Défavorable, pour les raisons que j'ai déjà exposées. Je fais confiance à la négociation collective.
M. Xavier Darcos, ministre. - Même avis. Je vous renvoie à ma réponse à l'amendement n°72. Quant à la négociation collective, elle fait l'objet d'autres amendements à venir.
M. Jean Desessard. - Vous ne vous seriez pas répété, monsieur le ministre, en répondant que le vote des syndicats ne revenait pas à approuver la loi mais à demander que le travail dominical ne soit pas banalisé !
M. Xavier Darcos, ministre. - J'aurais dit strictement la même chose qu'à l'amendement n°72. Je le répète, il n'y a pas de généralisation du travail dominical ! La question des dérogations faisait l'objet d'un texte qui n'a pas été désapprouvé par les représentations syndicales, qui s'étaient abstenues. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas désapprouvé ? Ce n'est pas la même chose !
Les amendements identiques n°s76 et n°42 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°45, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 3132-12 du code du travail est complété par les mots : « , après consultation et avis de la commission de la négociation collective ».
M. Jean Desessard. - L'article L. 3132-12 du code du travail prévoit qu'un décret en conseil d'État fixe la liste des catégories d'établissements intéressés. L'inscription sur cette liste ouvre aux commerces un droit permanent de déroger à la règle du repos dominical. Pour échapper à toute polémique, il est nécessaire de prévoir une consultation préalable des partenaires sociaux, je ne me lasserai pas de le répéter. Ce décret doit être pris après consultation de la Commission nationale de la négociation collective.
Mme la présidente. - Amendement identique n°75, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
M. Michel Billout. - Nous ne pouvons nous satisfaire de cette mise à l'écart des partenaires sociaux, porteuse, de surcroît, de conflits potentiels. Il serait pertinent de prévoir une consultation de la Commission nationale de la négociation collective, chargée, aux termes de l'article L. 2271-1 du code du travail, d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnances et de décrets relatifs aux règles générales portant sur les relations collectives et individuelles du travail.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - L'article L. 2271-1 prévoit déjà une consultation de la Commission consultative de la négociation collective. L'amendement nous a donc semblé redondant. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Darcos, ministre. - Je confirme : L'amendement est superflu. Défavorable.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Même avis.
Les amendements identiques n°s45 et n°75 ne sont pas adoptés.
Mme la présidente. - Amendement n°43, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3132-20 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. Ces dispositions sont d'ordre public sous réserve de dispositions plus favorables prévues par convention ou accord collectif. »
M. Jean Desessard. - Le principe d'égalité de traitement des salariés sur tout le territoire doit être inscrit dans la loi. Ce qui signifie que les contreparties au travail dominical doivent être clairement prévues.
Comme l'indique le Conseil économique et social dans un avis du 28 février 2007, le dimanche est « un point fixe structurant permettant de se retrouver et de consolider la cellule familiale de plus en plus éclatée et dispersée ». Ajoutant que « c'est aussi un temps privilégié pour les activités culturelles, sportives, ludiques, touristiques, associatives, la rencontre avec des amis, la disponibilité sociale au service d'autrui, donc le support de la cohésion de la société ». Mais peut-être le ministre n'est-il pas de cet avis ?
M. Xavier Darcos, ministre. - Arrêtez de me chercher !
M. Jean Desessard. - La reconnaissance que le dimanche n'est pas un jour comme les autres doit s'accompagner de mesures compensatoires au travail dominical, y compris dans le cadre des dérogations temporaires au repos dominical accordées par le préfet.
Mme la présidente. - Amendement n°77, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3132-20 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent sous réserve d'un accord collectif plus favorable. »
Mme Odette Terrade. - Nous poursuivons, avec cet amendement, notre engagement pour la défense de l'égalité entre les salariés. C'est le chemin inverse de celui que vous défendez, monsieur le ministre.
En vous entendant expliquer qu'il ne s'agissait que de simplifier une situation beaucoup trop complexe pour tous, nous pouvions espérer que vous vous emploieriez aussi à la simplifier au profit des salariés du dimanche, en leur reconnaissant les mêmes droits. Las, vous ne visez nullement la situation des employés, mais seulement celle des employeurs et de leurs sociétés. Cette proposition de loi est tournée vers les patrons. Loin de saisir l'occasion d'une réelle harmonisation des droits des salariés, vous vous cantonnez à étendre les dérogations, à multiplier les différences de traitement, selon que l'on travaillera dans un Puce ou ailleurs, que l'on sera ancien ou nouveau salarié, que l'on travaillera déjà habituellement ou occasionnellement le dimanche, selon que l'on travaillera ou non dans une zone touristique, où la majorité des travailleurs n'auront pas droit à compensation.
Cette usine à gaz inégalitaire vous sert à limiter le plus possible le nombre de salariés qui bénéficieront d'un salaire double.
M. Jean Desessard. - Eh oui !
Mme Odette Terrade. - Nous pensons à l'inverse : égalité pour tous. Il faut donc en passer par la loi, afin que des accords collectifs moins favorables ne puissent pas venir réduire ce droit.
Que ceux-là mêmes qui ont préféré passer par la voie d'une proposition de loi pour contourner la négociation avec les partenaires sociaux, ceux-là mêmes qui, pour les mêmes raisons, refusent une étude d'impact prétendent rassurer en renvoyant à la négociation fait sourire.
Mme Isabelle Debré. - Aux termes de l'article L. 3132-1 du code du travail tel que le rédige cette proposition de loi, les salariés bénéficieront des mêmes garantis que ceux des Puce, soit par accord collectif, soit par référendum d'entreprise. Il n'est pas nécessaire d'aller au-delà. Défavorable aux deux amendements.
M. Xavier Darcos, ministre. - Même avis.
Mme Annie David. - Vous nous disiez il y a un instant, monsieur le ministre, que vous vous expliqueriez sur cette question ; c'est ce que vous appelez vous expliquer ?
M. Xavier Darcos, ministre. - Nous avons toute la nuit. Je pourrais répéter ce que vient de dire le rapporteur, mais à quoi bon ? S'il existe un accord collectif, il s'applique. Nous respectons le principe de liberté de négociation entre les partenaires sociaux.
Mme Annie David. - Un accord collectif, vous le savez fort bien, peut désormais être moins favorable. C'est pourquoi nous demandions de préciser que l'accord collectif ne s'applique que sous réserve qu'il soit plus favorable.
L'amendement n°43 n'est pas adopté.
L'amendement n°77 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°44, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 3132-31 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'établissement, sur injonction de l'inspecteur du travail, n'est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l'établissement. »
M. Jean Desessard. - Si l'on ne veut pas voir les dérogations suivre une courbe exponentielle, il faut renforcer l'effectivité des sanctions. Nous avons tous en tête des exemples de contentieux qui s'étendent sur des années -celui de Plan-de-campagne a d'ailleurs inspiré ce texte- et sur lesquels les avis divergent. Certains veulent l'amnistie.
Nous, nous pensons qu'il faut refuser l'amnistie et ce texte. Mais nous pouvons au moins nous mettre d'accord sur cet amendement par lequel le Parlement affirmerait sa volonté d'éviter de nouveaux contentieux en donnant à l'inspecteur du travail la faculté de demander en référé la fermeture administrative d'un établissement pour ouverture illégale le dimanche.
M. Xavier Darcos, ministre. - C'est déjà le cas !
Mme la présidente. - Amendement n°74, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3132-31 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'établissement, sur injonction de l'inspecteur du travail, n'est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l'établissement. »
Mme Annie David. - L'amendement est le même que celui de M. Desessard. A l'Assemblée nationale, vous avez refusé l'amendement, monsieur le ministre, au prétexte que « cette faculté, au demeurant fort légitime, est déjà prévue dans le code du travail à l'article L. 3132-31 qui dispose « l'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13. » Or cette proposition de loi propose, en son article 2, la rédaction de l'article L. 3132-3 suivante : « Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Cette formulation floue ne permet pas aux inspecteurs du travail de s'y fonder en toute sécurité, outre que le repos dominical ne relève pas du seul intérêt des salariés. En outre, vous avez fait référence à l'article L. 3132-13 qui concerne seulement les commerces de détail alimentaires qui ont obtenu une dérogation permanente. Notre amendement, en visant l'article L. 3132-20 relatif aux dérogations accordées par le préfet et l'article L. 3132-25-1 relatif aux dérogations accordées aux Puce, va donc plus loin. Votre explication, monsieur le ministre, ne se fonde donc pas sur des arguments juridiques. Ce ne sont qu'arguties pour éviter un renforcement des sanctions à l'égard des contrevenants qui ont su trouver le chemin de vos oreilles... Cet amendement, en affirmant la volonté du Parlement d'éviter de nouveaux contentieux, répondrait aux préoccupations de nombreux collègues à la tribune qui craignaient qu'un projet de loi ou, encore mieux, une proposition de loi ne légalise des situations illégales qui ne manqueront pas de se reproduire. Pour que ce texte soit respecté, il faut durcir les sanctions frappant les contrevenants.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Priver un salarié de repos dominical hors des dérogations prévues par la loi est déjà sanctionné par 1 500 euros d'amende par salarié employé illicitement, 3 000 en cas de récidive et le juge des référés peut ordonner la fermeture d'un établissement sous astreinte. Ces sanctions étant déjà très dissuasives, avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Même avis. Je répète à M. Desessard que cette loi n'est pas d'amnistie car elle n'interrompt aucune des poursuites en cours et le répéterai autant qu'il le faudra. Bis, ter, quater, repetita placent...
M. Jean-Pierre Fourcade. - Ad finitum !
M. Xavier Darcos, ministre. - En outre, sans être un spécialiste des spéculations sur le code du travail, la modification de la rédaction de l'article L. 3132-3 ne change rien au fait que l'inspecteur du travail peut demander en référé la fermeture d'un établissement contrevenant. L'avis est donc tout à fait défavorable.
Mme Annie David. - Certes, monsieur le ministre, mais notre amendement élargit ces sanctions aux nouvelles dérogations visées, notamment à l'article L. 3132-25 que modifie ce texte ; des sanctions, au demeurant, peu appliquées... J'entends bien que les procès en cours ne seront pas interrompus. Mais en attendant que les grandes enseignes paient, associons des sanctions à cet article qui n'existait pas dans le code du travail. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - Répéter, c'est parfois utile, n'est-ce pas ?
M. Xavier Darcos, ministre. - L'article visé concerne les contrevenants tandis que les articles que vous voulez ajouter sont relatifs aux dérogations au repos dominical. Nous n'allons pas sanctionner ceux qui appliquent le droit à déroger !
M. Charles Revet. - Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quelle clarté ! (M. le ministre manifeste son impatience)
L'amendement n°44 n'est pas adopté, non plus que le n°74.
Mme la présidente. - Amendement n°66, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi n'entrera en vigueur qu'après la signature d'un accord interprofessionnel tel que prévu par le code du travail.
M. Jean Desessard. - Conformément à l'article L. 1 du code du travail relatif au dialogue social, les partenaires sociaux doivent être saisis avant l'entrée en vigueur de cette loi. On ne peut pas prôner la rénovation du dialogue social et se passer de l'avis des partenaires sociaux sur une question aussi importante d'autant que la grande majorité d'entre eux souhaitent l'ouverture de négociations sur un accord interprofessionnel.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je ne comprends pas cet amendement. Un accord interprofessionnel sur quoi ? Ce texte ou ses dispositions ?
M. Jean Desessard. - Ses dispositions !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Donc, à cause de la rédaction, avis défavorable. Je l'ai expliqué en commission mais, monsieur Desessard, vous n'étiez pas là...
M. Xavier Darcos, ministre. - J'ai déjà répondu à cette question lors de l'examen de l'amendement n°7 : le législateur prend toutes ses responsabilités, en particulier dans le cas d'une proposition de loi, ce qui n'interdit en rien des négociations qui ont, d'ailleurs, eu lieu. Mais il est hors de question de changer l'organisation législative et réglementaire au motif de cette loi.
L'amendement n°66 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°73 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'une augmentation de salaire et ne peut déterminer l'attribution de primes et leur montant.
Un décret précise les conditions dans lesquelles la Haute autorité de lutte contre les discriminations peut être saisie et rend un avis sur la situation individuelle portée devant elle.
Mme Isabelle Pasquet. - Ce texte aurait pour but, selon son auteur, de défendre les intérêts des salariés et de leur conserver leur emploi en période de crise. Cette loi d'exception met en lumière le chantage permanent à l'emploi auquel se livrent certains grands patrons. Selon M. Mallié, 15 000 salariés seraient menacés de licenciement si ce texte n'était pas adopté. Pour satisfaire quelques grands patrons, il faudrait donc revenir sur un principe vieux de 1906. D'où notre précision que le refus du salarié ne peut déterminer l'attribution d'une augmentation de salaire ou de primes, précision importante car de grandes enseignes, notamment de bricolage, ont déclaré qu'il était légitime de promouvoir les salariés qui travaillent le dimanche.
Enfin, pour satisfaire Mme le rapporteur qui regrettait l'absence de dispositions relatives au contrôle dans cet amendement auquel elle ne s'est pas déclarée défavorable, nous y avons intégré la Halde, compétente en matière de discrimination -et c'en serait une-, et qui présente l'avantage de ne pas empiéter sur les compétences des inspecteurs du travail tout en les éclairant par son avis.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je m'exprimerai au nom de la commission sur l'amendement n°73, et non sur l'amendement rectifié puisque nous n'en avons pas eu connaissance. Le principe qu'il pose risque d'être difficile à contrôler : nous demandons donc l'avis du Gouvernement.
M. Xavier Darcos, ministre. - Le refus de travailler le dimanche ne doit effectivement pas être préjudiciable à la carrière et à la rémunération, mais ceci est déjà prévu par les textes.
Pour les dérogations individuelles, la proposition de loi garantit le salarié contre toute mesure discriminatoire. Le travail le dimanche qui deviendrait durable entrainera une modification du contrat de travail, ce qui suppose l'accord du salarié. Cet amendement est légitime mais il est satisfait par les textes actuels, y compris la saisine de la Halde, s'il s'agit d'une discrimination. Je demande donc le retrait de cet amendement sinon, avis défavorable.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - A titre personnel, même avis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Tout cela parce qu'il faut un vote conforme !
L'amendement n°73 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°106, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque salarié qui travaille le dimanche bénéficie du paiement intégral des frais de transport supplémentaires, du paiement intégral des frais supplémentaires liés à la garde des enfants et du paiement intégral des frais de repas supplémentaires, consécutifs au travail le dimanche.
M. Michel Billout. - Au titre des contreparties destinées aux salariés, il convient de prévoir la prise en charge des frais de transports et de garde des enfants. Cette dernière question est d'autant plus importante que la majorité des salariés de la grande distribution sont des femmes, souvent en grande précarité compte tenu des faibles rémunérations, et parfois qui élèvent seules leurs enfants.
Pourtant, bien que nous soyons tous conscients de cette situation, cette proposition de loi est curieusement muette sur ces questions. Interrogé à l'Assemblée nationale sur une série d'amendements similaires, vous avez tenté, monsieur le ministre, de louvoyer avant de faire une réponse étonnante : « Le texte porte sur le travail du dimanche, pas sur tous les problèmes sociologiques ».
M. Xavier Darcos, ministre. - C'est vrai !
M. Michel Billout. - Pourtant, le législateur ne doit-il pas se soucier des conséquences de ses votes ? Surprenante réponse qui renvoie à votre obstination de priver la représentation nationale d'une étude d'impact qui aurait permis d'aborder sereinement ces questions.
Concernant la garde des enfants, le petit bricolage qui consisterait à les confier aux grands-parents ou à des proches n'est pas satisfaisant, puisque tout le monde ne pourra pas bénéficier de ce type d'aides. En outre, on ne peut accepter que les salariés qui travaillent le dimanche soient contraint de faire appel à la solidarité des proches sous prétexte que les représentants de la Nation n'auraient pas accompagné les évolutions sociales, sociétales et sociologiques qui résultent de la généralisation du travail le dimanche.
Poussés dans vos retranchement, vous avez même osé dire « Nous n'obligeons personne à travailler le dimanche ».
M. Xavier Darcos, ministre. - C'est vrai !
M. Michel Billout. - Soit il s'agit d'un déni de réalité, soit d'une méconnaissance de la proposition de loi, puisque dans les zones touristiques, les salariés n'auront pas le choix : le travail le dimanche sera de droit. C'est précisément parce que ces dérogations sont de droit, qu'elles ont une force obligatoire sur les salariés, que nous devons prévoir des solutions pour permettre aux salariés d'accomplir le travail qu'on leur imposera demain dans des conditions un peu moins difficiles et injustes.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - En tant que mère de famille, je m'étais posé la même question que vous, monsieur le sénateur. J'ai interrogé les syndicats et ils m'ont répondu qu'ils n'avaient pas cette remontée du terrain concernant la garde des enfants. (Murmures de réprobation à gauche)
Beaucoup de femmes seules souhaitent travailler le dimanche. (Exclamations sur les mêmes bancs) La solidarité familiale ou de voisinage n'est pas un vain mot : les frais de garde sont donc inexistants. En cas de séparation, c'est l'ex-conjoint qui peut se charger des enfants. En outre, et surtout, elles obtiennent deux jours de compensation. Nous en avions parlé avec Mme Le Texier et je crois que des femmes seules avec enfants lui ont également dit qu'elles souhaitaient travailler le dimanche, pas forcément parce que ce travail était payé double mais parce que les deux jours de repos compensateurs leur permettaient d'être avec leurs enfants.
Votre amendement n'est donc pas nécessaire. (Exclamations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et pourquoi ne pas inscrire que le père prendra les enfants les dimanches lorsque la mère travaillera ?
M. Xavier Darcos, ministre. - La proposition de loi précise que les partenaires sociaux régleront les conditions de mise en place des dérogations et examineront les contreparties accordées aux salariés concernant les frais occasionnés par le travail du dimanche. Toutes ces discussions devront se faire au sein des entreprises concernées : ce n'est pas au législateur de fixer les conditions de remboursement des frais de transport ou de garde, car nous sommes dans des situations extrêmement diverses.
Cet amendement limiterait la discussion des partenaires sociaux : j'y suis donc défavorable.
Mme Raymonde Le Texier. - Nous avons effectivement eu un échange informel avec Mme Debré et je veux préciser quelques points. J'ai rencontré dans une grande surface de bricolage ouverte le dimanche des caissières qui m'ont expliqué qu'elles voulaient travailler le dimanche car cela leur permettait d'avoir 300 euros de plus par mois. Grâce à cet argent, me disaient-elles, elles pouvaient faire un tout petit peu plus que de payer leur loyer et leurs charges fixes. Voilà donc des femmes obligées de travailler le dimanche pour avoir un petit peu plus de 20 euros de reste-à-vivre par semaine ! Cela vaut la peine qu'on y réfléchisse. Je suis persuadée qu'aucun d'entre nous ne souhaite une société où des mères de famille sont obligées de travailler toujours plus pour tout juste survivre.
Mme Odette Terrade. - Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. - En ce qui concerne la garde des enfants, si vous êtes obligée, madame le rapporteur, d'interroger les syndicats pour savoir s'il y a un problème, c'est tragique ! Ouvrons les yeux ! Il y a de plus en plus de femmes seules avec enfants et elles sont prêtes à accepter n'importe quel emploi, notamment le dimanche. (M. Dominique Braye s'exclame) Comment font-elles pour faire garder leurs enfants ? On n'a pas besoin d'interroger les syndicats pour savoir qu'il s'agit d'un parcours du combattant. Ces enfants resteront un jour de plus avec la clé autour du cou !
Ne venez pas dire ensuite que les parents ne font plus leur travail, qu'il n'y a plus de transmission de valeurs et que les enfants sont livrés à eux-mêmes ! (Vifs applaudissements à gauche)
M. Éric Doligé. - Que faites-vous pour eux sinon larmoyer ?
Mme Raymonde Le Texier. - Vous, vous ne faites rien ! Assumez au moins votre inaction !
Mme la présidente. - Un peu de calme, mes chers collègues !
L'amendement n°106 n'est pas adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 22 juillet 2009 à 9 h 45.
La séance est levée à minuit quarante.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 22 juillet 2009
Séance publique
A 9 HEURES 45, A 14 HEURES 30 ET LE SOIR
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 557, 2008-2009).
Rapport de Mme Isabelle Debré, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 561, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 562, 2008-2009).