Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 (Procédure accélérée)
Articles additionnels avant l'article 10
Loi de programmation militaire
Loi de programmation militaire (Suite)
SÉANCE
du mercredi 15 juillet 2009
5e séance de la session extraordinaire 2008-2009
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Marc Massion.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.
Discussion générale
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - Nous voici réunis pour le rendez-vous de vérité budgétaire et comptable de l'année. Il peut sembler vain de se pencher sur l'année passée, lorsque tout nous presse de nous préoccuper du présent et de l'avenir. Cela dit, je reste convaincu de l'utilité de ce rendez-vous au cours duquel le Gouvernement doit rendre compte de sa gestion et ne pas se contenter d'afficher des intentions. Nos concitoyens ont plus que jamais besoin de la vérité des comptes et les ministres comme les élus ne seront crédibles que s'ils restaurent la transparence en ce domaine.
Par ailleurs, ce projet de loi de règlement n'est pas complètement étranger à l'actualité puisque la dégradation de notre déficit budgétaire en 2008 traduit la violence du retournement de la conjoncture. Ce déficit, de 56,3 milliards, est supérieur de 14,6 milliards à celui prévu en loi de finances initiale et, fait plus significatif, supérieur de 4,8 milliards à la dernière prévision du collectif voté en décembre dernier. Cette détérioration traduit les chocs que nous avons connus l'année dernière.
D'abord, le choc de l'inflation sur le premier semestre de 2008, qui s'est essentiellement répercuté sur la progression des dépenses. Celles-ci ont excédé de 4 milliards l'objectif fixé en loi de finances initiale, sous l'effet, essentiellement, d'une forte augmentation de la charge de la dette et, en particulier, du provisionnement de la charge d'indexation des obligations indexées. Sans surprise, la réserve de précaution constituée en début de gestion n'a pu à elle seule endiguer l'explosion de ce coût. Conçue pour faire face à des aléas de gestion, elle n'a évidemment pas vocation à amortir des secousses de l'ampleur ce celle que nous avons essuyée.
L'essentiel, c'est que ce dépassement de l'objectif de dépenses ne témoigne en rien d'un relâchement de nos efforts et ne peut être mis sur le compte de la maladie chronique qui touche nos finances publiques depuis trente ans. II faut le resituer dans le contexte d'une inflation qui a pratiquement doublé par rapport à la prévision sur laquelle a été construite la loi de finances initiale pour 2008. Rapportée à une inflation observée de 2,8 % en 2008, l'évolution des dépenses respecte strictement la règle du « zéro volume », règle d'autant plus exigeante en 2008 qu'elle s'apprécie désormais sur un périmètre de dépenses que nous avons élargi aux prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales et de l'Union européenne ainsi qu'aux affectations de recettes, fiscales et non fiscales au profit de tiers.
Deuxième motif de satisfaction : d'incontestables progrès en 2008 dans l'assainissement des relations financières entre l'État et les régimes de sécurité sociale. L'exercice 2007 s'était soldé par la reconstitution d'une dette de 1,7 milliard envers les régimes malgré l'apurement de plus de 5 milliards de dettes constatées au 31 décembre 2006. Un an plus tard, cette dette ne s'est accrue que de 0,4 milliard. C'est là le fruit de nos efforts, d'abord dans l'amélioration de la budgétisation des crédits ; ensuite dans la poursuite de l'apurement des dettes anciennes puisque nous y avons encore consacré 750 millions ; enfin dans le redéploiement effectué en fin d'année pour gager l'ouverture de presque 800 millions de crédits sur les dotations à la sécurité sociale.
Une légère déception : l'objectif de stabilisation de la dette envers la sécurité sociale n'a pas été tout à fait tenu l'an dernier du fait, notamment, des effets de la crise avec, par exemple, la forte augmentation du coût des aides au logement. Car le deuxième choc, c'est celui de la crise économique apparue à la fin de l'année dernière et dont nous ressentons principalement les effets dans une moins-value de recettes fiscales qui frappe par son ampleur : le manque à gagner est de 11,7 milliards par rapport à la prévision inscrite en loi de finances initiale. Sur ce montant, la crise en explique au moins 8,5 milliards.
Sans surprise, les moins-values sont concentrées sur les impôts les plus exposés au retournement de la conjoncture : les recettes de l'impôt sur les sociétés (IS) sont inférieures de 4,6 milliards aux prévisions initiales, celles de TVA le sont de 5,1 milliards. Ces chiffres ne sont que les signes avant-coureurs d'une crise qui se prolonge, avec plus d'acuité, en 2009. La baisse des acomptes d'IS versés en fin d'année dernière préfigure le manque à gagner qu'on observe cette année sur le solde dû au titre de l'exercice 2008 et, plus encore, la forte augmentation des restitutions d'IS. Même constat pour la TVA : au-delà de l'effet lié à l'accélération des délais de remboursement des crédits de TVA aux entreprises, la baisse des recettes de cette taxe témoigne surtout du déstockage des entreprises. Pour sa part, la consommation des ménages se maintient plutôt bien.
La crise n'a eu, en revanche, qu'une incidence limitée sur les comptes de l'exercice 2008. Le résultat comptable ressort en perte de 73,1 milliards en 2008 : c'est une dégradation d'un peu plus de 30 milliards par rapport à 2007 mais dont l'explication relève, en réalité, de facteurs en partie étrangers à la crise. Le résultat comptable est d'abord affecté par les reprises de dettes pour un montant de 13 milliards. La lecture du résultat est ensuite brouillée par la progression importante des provisions et amortissements : + 9 milliards. Dans un contexte où l'information comptable se veut toujours plus exhaustive pour répondre à l'exigence du certificateur, il serait hasardeux de tirer des enseignements de cette évolution d'une année sur l'autre.
L'enrichissement de la comptabilisation des éléments d'actif et de passif de l'État affecte également l'interprétation que l'on peut faire de l'évolution du bilan de l'État. Par rapport à 2007, l'amélioration du recensement et de la valorisation des actifs conduit à réévaluer de 555 à 639 milliards l'actif de l'État dans les comptes de l'exercice 2008.
Les travaux ont aussi été poursuivis, depuis l'an dernier, pour mieux identifier les provisions et les dettes non financières de l'État. Le montant du passif ressort ainsi à 1 325 milliards, incluant un peu plus de 1 000 milliards de dettes financières.
Cette double évolution, à l'actif et au passif, conduit en définitive à une dégradation limitée de la situation nette de l'État, compte tenu de montants très importants : 30 milliards pour une perte comptable de 70 milliards sur l'exercice.
Pour véritablement comparer ces chiffres, il faudra attendre l'année prochaine : nous allons, en effet, établir des comptes pro forma afin de mieux apprécier les résultats des exercices successifs.
A bien des égards, nous sommes encore en période de rodage. Les efforts constants que nous réalisons pour améliorer la qualité des comptes nuisent transitoirement à leur exploitation et surtout à leur comparaison. Avec un recul de trois années, nous devrions disposer, en 2010, d'un cadre d'analyse enfin stabilisé et complet. Nous récolterons ainsi les fruits d'une révolution comptable dans laquelle beaucoup d'entre vous se sont investis.
La certification des comptes, même assortie de réserves, est une reconnaissance importante des efforts accomplis depuis plusieurs années. II ne tient qu'à nous de faire des comptes un instrument de gestion publique et un outil de son contrôle.
A l'évidence, nous ne partons pas de zéro. Ainsi, les comptes nous ont obligés à nous pencher sur la gestion des stocks et de l'immobilier. Il faut poursuivre le mouvement afin de mieux apprécier la réalité des marges de manoeuvre budgétaire et de mieux développer l'analyse et la gestion des risques.
A défaut de donner un second souffle à la réforme comptable, nous risquons de la voir s'enfermer dans la recherche, assez vaine à mes yeux, de la certification pour elle-même. Or, la certification n'a qu'un intérêt : améliorer la transparence et donc la gestion. Il en va d'ailleurs de même en ce qui concerne la démarche de performance initiée par la Lolf.
La mesure de la performance de l'action publique est plus que jamais une ardente obligation. La Lolf a fait de l'examen du projet de loi de règlement un moment important du débat parlementaire. Malgré les contraintes de calendrier, ce rendez-vous entre le Parlement et le Gouvernement a gagné en importance et en crédit. Votre Haute assemblée s'est impliquée dans cet exercice en renouvelant, cette année, l'audition de ministres en commission élargie. Il faut donc se référer à tout le travail qui a été mené et non se cantonner aux débats dans l'hémicycle. Les comportements changent mais il est possible d'aller encore plus loin dans l'évaluation des résultats. Aujourd'hui, la démarche de performance se trouve trop souvent réduite aux objectifs et aux indicateurs de performance qui figurent dans les documents budgétaires.
Nous sommes, d'une certaine façon, prisonniers des choix faits au moment de la mise en oeuvre de la Lolf qui mêlent le contrôle de gestion à la vision politique. L'excès de complexité d'un outil nuit aux fins qu'il sert. Je souhaite éviter cet écueil car la Lolf est un instrument clé de la réforme de l'État.
Pour que nos objectifs et nos indicateurs soient utiles, il faut donc qu'ils soient tout d'abord renseignés, or ils ne le sont pas tous. Il faut ensuite qu'ils soient pertinents, proportionnés aux enjeux financiers et surtout compréhensibles. Nous devons éviter que ne s'instaure une lecture bureaucratique de la Lolf.
Des progrès ont été effectués depuis 2006 : le nombre d'indicateurs a été réduit de presque 20 % en trois ans mais il y en avait encore près de 1 300 en 2008. Nous avons donc poursuivi les travaux avec les ministères pour passer au crible la liste de ces indicateurs. Il faudra sans doute en réduire encore le nombre pour n'en retenir qu'un millier. Au-delà, il s'agit de mieux identifier la centaine d'indicateurs qui revêt une dimension politique propre à impliquer le décideur et celui qui le contrôle.
Voilà les enjeux de l'évaluation des politiques publiques et de l'exercice auquel invite la loi de règlement.
Est-il possible de rendre un service public de meilleure qualité à un moindre coût ? Cette question est au coeur de la RGPP, dont nous allons lancer la deuxième phase. Nous avons ainsi respecté les objectifs de réduction d'effectifs et nous sommes même allés au-delà, l'an dernier, sans rien abandonner de notre volonté de mieux servir nos concitoyens. Certains ministères ont pris de l'avance sur le calendrier de mise en oeuvre de réformes prévues dans la RGPP : les effectifs ont ainsi baissé de l'ordre de 28 000 équivalents temps plein (ETP) alors que l'objectif fixé par la loi de finances initiale était de 23 000 ETP.
Ce résultat conforte la faisabilité du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Certains ministères pourront d'ailleurs aller plus vite pour redéployer les économies dégagées sur la revalorisation des salaires des agents ou sur d'autres postes de dépenses. (Applaudissements à droite)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - En l'absence de notre collègue Philippe Marini, retenu à l'étranger, il m'incombe de présenter le rapport de la commission des finances sur le projet de loi de règlement pour 2008.
Il ne s'agit plus, comme cela a pu l'être par le passé, d'une simple formalité. L'examen de ce projet de loi se situe, en effet, à une phase charnière du cycle budgétaire. C'est à la fois un « moment de vérité », pour reprendre la formule désormais consacrée, permettant de confronter les prévisions aux dépenses effectives, c'est-à-dire les promesses aux réalisations, et un « moment de cohérence », où l'on est en mesure de tirer les conséquences de l'exécution du dernier budget en vue de l'élaboration de celui de l'année à venir. Le débat d'orientation budgétaire pour 2010, qui aura lieu demain, va ainsi pouvoir s'appuyer sur l'état des lieux auquel a procédé votre commission dans son rapport écrit sur l'exécution 2008.
Sans doute s'agit-il d'un rendez-vous traditionnel mais, cette année, il est moins anodin que jamais. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous souhaiterions que ce débat trouve sa place durant la session ordinaire et, en tout état de cause, avant le 14 juillet, mais nous connaissons les contraintes qui ont pesé sur l'agenda parlementaire durant ce printemps.
L'année 2008 est doublement significative : elle traduit le choc de la crise mais aussi le poids du passé, c'est-à-dire 35 années de déficits. Elle est la première à subir, de façon déjà marquée, l'impact de la crise que traverse l'économie mondiale depuis le second semestre de 2008. Elle est aussi le reflet de la douce insouciance qui a conduit tous les gouvernements, depuis la crise du pétrole de 1973, à s'accommoder de déficits même en phase haute du cycle. A ces deux titres, elle préfigure la situation critique à laquelle nous allons devoir faire face en 2009.
Deux phénomènes majeurs caractérisent l'année budgétaire 2008 : le gonflement du déficit budgétaire, essentiellement dû à la nette chute des recettes fiscales consécutive au brutal ralentissement de l'activité économique mais aussi à la propension, il est vrai déjà ancienne, à accorder des allégements d'impôts non compensés. Deuxième phénomène : l'alourdissement de la charge de la dette publique, à la croissance de laquelle l'on semble se résigner, malgré la menace qu'elle constitue pour la pérennité de notre modèle économique et social.
Certes, l'inflation forte a laissé la place à une quasi-stabilité des prix, tandis que les taux d'intérêt diminuent pour atteindre des points bas historiques mais ces inversions de tendance ne changent pas l'attention toute particulière qu'il faut porter à la dette publique et à ses modalités de financement.
La dégradation tient, d'abord, au recul brutal de l'activité et à ses conséquences en matière de recettes mais elle résulte également, pour une large part, de la gestion budgétaire passée. Il ne faudrait pas que la crise ait « bon dos » et masque le fait que le déficit budgétaire est largement structurel.
La commission des finances a aussi relevé des points positifs : il convient de se féliciter de la maîtrise des dépenses, dont la progression reste limitée à la hausse des prix. De plus, les dépenses de personnel apparaissent maîtrisées, passant de 118,4 à 119,6 milliards. Cette tendance peut être rapprochée de l'évolution des effectifs de l'État. La consommation des emplois a ainsi diminué de plus de 78 000 ETP par rapport à 2007, soit 3,5 %. Celle-ci est essentiellement imputable à la décentralisation ou aux transferts de missions à certains opérateurs mais la diminution réelle s'élève quand même à 23 000 ETP.
On constate par ailleurs une sous-consommation de 21 861 ETP par rapport au plafond d'autorisation d'emplois autorisé en loi de finances initiale pour 2008. Cette sous-consommation résulte d'une surévaluation des plafonds d'emplois en loi de finances initiale, de mouvements de décentralisation de personnel et d'une diminution des effectifs réels des ministères.
Certains ministères semblent, à l'instar du ministère de l'écologie, avoir anticipé en 2008 les suppressions d'emplois programmées par le budget triennal de 2009-2011.
En revanche, du côté des recettes, ce projet de loi prolonge des tendances préoccupantes amorcées depuis quelques années. La diminution des recettes nettes de près de 12 milliards par rapport à la loi de finances initiale alimente de légitimes inquiétudes sur la soutenabilité de la loi de programmation des finances publiques, qui sous-estimait, dès l'origine, l'impact de la crise.
Détérioration de la conjoncture, impact des premières mesures de relance, certes ; mais le décalage croissant entre recettes brutes et recettes nettes tient aussi à une propension à multiplier les allégements fiscaux. Les aménagements de notre fiscalité, non compensés, sont financés par un endettement accru.
La commission des finances adresse ses compliments au ministre pour l'exécution 2008 : la dépense publique a été tenue. La définition de la norme du « zéro volume » fait toujours débat et les chiffres fournis illustrent les difficultés qui tiennent au périmètre et à la base de référence. Lorsqu'a été déposé le projet de loi de finances pour 2008, la progression de la norme de dépense élargie devait être nulle, avec une hypothèse d'inflation de 1,6 %. La progression de la dépense, sur l'exécution 2008, a dépassé de 4,1 milliards d'euros la prévision, soit une augmentation en valeur de 2,8 %, liée essentiellement au surplus de dépenses nettes du budget général, ainsi qu'à une augmentation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. L'inflation en 2008 s'étant établie à 2,8 %, la règle du « zéro volume » est finalement respectée. Heureuse coïncidence dont nous nous félicitons, même si nous savons que le phénomène ne se reproduira pas en 2009. Ayons le triomphe modeste car, d'exécution à exécution, la progression de la norme de dépense s'établit à 3,3 % en valeur et à 0,5 % en volume...
Des mesures de refinancement de l'économie ont été décidées en lois de finances rectificatives d'octobre 2008 et de février 2009. Or l'État a décidé de préfinancer, dès la fin de l'exercice 2009, une partie des mesures des plans de soutien, à hauteur de 10 milliards d'euros. Je vois dans cette initiative la fin de la politique de réduction de la trésorerie de l'État, entamée par l'un de vos prédécesseurs pour cause d'affichage maastrichtien. J'en comprenais la logique dans une situation normale : éviter que le maintien d'une trésorerie excédentaire ne se traduise par un supplément de dette pouvant faire apparaître un ratio dette sur PIB plus élevé que le strict nécessaire. Dans les circonstances actuelles, il est logique que la sécurité des paiements et le coût de refinancement priment sur le souci de faire diminuer la dette brute. Nous considérons du reste qu'il ne faut pas se focaliser sur la dette brute mais s'attacher aussi à la dette nette, voire aux engagements hors bilan des États...
Les conditions de marché ont conduit à une très forte augmentation de la dette à moins d'un an : l'encours des bons du Trésor à taux fixe constitue désormais 13,6 % de l'encours de la dette négociable de l'État. Conformément à la Lolf, le Parlement se prononce sur la variation du plafond de dette à plus d'un an ; mais son vote est privé de portée si l'essentiel du refinancement peut s'effectuer hors plafond par des emprunts à court terme ! L'amendement, cosigné par le rapporteur général et par M. Jean-Pierre Fourcade, est sans doute bien contraignant. Tous deux sont très attachés à la liberté de manoeuvre indispensable au Gouvernement en la matière, mais il y a là une vraie lacune de la Lolf et un reporting régulier sur les modalités de financement de la dette serait le bienvenu. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous nous apporterez toutes les assurances nécessaires.
Durant l'exercice également, les émissions d'obligations indexées se sont considérablement développées : 15,5 milliards d'euros, soit 12 % des emprunts. Et le supplément d'inflation entre 2007 et 2008 a conduit à provisionner 4,6 milliards d'euros au lieu des 2,2 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale. Au total, la charge de la dette atteint 44,4 milliards d'euros en 2008, 5 milliards d'euros de plus qu'en exécution 2007. L'agence France Trésor a été autorisée à procéder à ces opérations bénéfiques à court terme. Mais au vu des risques qui s'y attachent, le Parlement ne devrait-il pas être mieux informé ? Ne devrait-il pas, même, fixer des bornes ? En effet, ce moyen de financement peut être lourd de conséquences pour les finances publiques, comme l'ont été historiquement tous les emprunts indexés. Faut-il laisser les seuls experts de France Trésor décider -même s'ils méritent toute notre considération ? Prenons conscience des risques. Il existe un niveau d'inflation qui assure la neutralité des taux d'émission. Si l'inflation est inférieure à 2,2 %, cela est bon pour le budget de l'État ; au-delà, la pénalité est lourde pour les finances publiques. Nous devons donc être attentifs. A court terme, l'inflation semble sous contrôle, mais à dix, vingt ou trente ans ?
Ne nous laissons pas non plus entraîner dans la spirale infinie du déficit permanent, l'équivalent pour les États du crédit revolving pour les particuliers : une facilité initialement indolore mais qui entraîne ensuite les pires difficultés. L'amendement que j'ai déposé à titre personnel, pour imposer la prise en compte de l'amortissement d'une fraction de la dette, est un appel à la responsabilité de tous. L'encours de la dette négociable est de 1 100 milliards d'euros ; il paraît sage de nous imposer un amortissement annuel -si on le prévoit sur cinquante ans, la charge de l'amortissement sera de 20 milliards d'euros par an. Je sais que M. le ministre cherche plutôt à réaliser des économies, mais je souhaite l'accompagner dans sa démarche pédagogique. On a voté l'amortissement de 150 milliards d'euros en 2009. Or qu'a-t-on fait pour financer ces 150 milliards ? On a emprunté ! Cette médecine douce pourrait avoir, à terme, les conséquences les plus préjudiciables !
Le rapport de votre commission des finances ne se borne pas à retracer les grandes lignes de l'exécution budgétaire ; un deuxième tome est consacré aux rapports de performance de chaque mission, pour tirer les conséquences des contrôles opérés par les rapporteurs spéciaux sur pièces et sur place. Il nous apparaît manifeste qu'il faudra réduire le nombre des indicateurs de performance. Dans le « petit hémicycle », nous avons rencontré douze de vos collègues, monsieur le ministre, pour discuter avec eux de l'usage des crédits.
La loi de règlement reste l'heure de vérité où on peut apprécier de façon synthétique l'adéquation des dotations budgétaires aux objectifs ainsi que, d'une façon générale, le niveau de performance des administrations de l'État dont dépend, à terme, notre capacité à maîtriser la dépense. La commission des finances vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Angels. - La Lolf et son calendrier rénové nous fournissent la possibilité de débattre dès aujourd'hui de l'exercice budgétaire 2008, d'examiner les écarts par rapport à la loi de finances initiale, de nous interroger sur les causes profondes de cette dissemblance. Pour vous, la mauvaise conjoncture économique serait la principale explication de la dégradation de l'état de nos finances publiques. Mais selon la Cour des comptes, la réalité est bien différente : plus que les chocs de la crise et de l'inflation, ce sont bien des réformes structurelles inadaptées, à l'image de la loi Tepa, qui sont les principales responsables de ce dérapage.
Il est indispensable d'analyser d'abord les évolutions respectives des recettes et des dépenses publiques, afin de discerner les causes du déficit budgétaire, arrêté à 56,3 milliards d'euros pour l'année 2008.
Les recettes fiscales ont diminué de 2,5 % entre 2007 et 2008. Selon vous, la crise économique expliquerait 8,5 milliards de moins-values, mais je me suis livré à une addition d'une simplicité biblique grâce aux documents fort instructifs fournis par les magistrats de la rue Cambon.
La différence entre les recettes estimées en loi de finances initiales et le constat s'établit à 23 milliards, dont 5 milliards semblent liés à des surestimations, notamment de l'impôt sur le revenu. Quelque 7,8 milliards s'expliquent par des allégements fiscaux et 5,6 milliards par des transferts de charges -en majorité induites pour compenser les exonérations consenties dans la loi Tepa. La conjoncture explique donc un plus de 4 milliards, non 8,5 milliards. Il y a une grande marge entre vos chiffres et ceux de la Cour des comptes, car vous avez sciemment surestimé l'incidence de la crise.
En quatre ans, les recettes fiscales brutes ont augmenté de 58 milliards d'euros, alors que leur montant net diminue de 6 milliards. Pourquoi ce décalage ? En quatre ans, les impôts d'État ont été allégés de 30 milliards, 34 milliards de recettes fiscales ont été transférées à d'autres administrations publiques, dont 25 milliards en contrepartie de transferts de charges. Ces dispositions fiscales ont augmenté le déficit de 39 milliards d'euros. Et les mesures nouvelles pour 2008 ont diminué les recettes fiscales nettes de 10 milliards d'euros.
Vous prétendez avoir respecté la norme « zéro volume » en restreignant l'augmentation des dépenses publiques à la stricte inflation, évaluée à 2,8 %. Mais ce résultat est biaisé, car vous avez omis certaines dépenses, à l'image des 950 millions d'euros au titre de l'épargne logement, pour lesquels vous avez sollicité le Crédit foncier de France. Avec ces charges, l'augmentation réelle des dépenses publiques s'établit à 3,4 %.
Il est déplorable que le Gouvernement se soit soustrait à la sincérité budgétaire, fondement de la Lolf !
La sincérité budgétaire aurait aussi conduit à mettre en parallèle l'évolution de la dépense budgétaire et des dépenses fiscales, car l'effort fait sur la maîtrise de la première en 2008 fut conduit au prix d'une explosion des dépenses fiscales, qui représentent cette année 73 milliards d'euros, après une augmentation de 23 milliards en cinq ans, auxquels s'ajouteront 2,5 milliards avec la baisse de la TVA dans la restauration.
Depuis 2003, quinze nouvelles dépenses fiscales voient le jour chaque année, contre cinq entre 1980 et 2003 ! Ainsi, les dépenses fiscales représentent 21 % des dépenses totales et 27 % des dépenses du budget général.
Les économies réalisées pèsent lourdement sur l'investissement de l'État : il arrive loin derrière les collectivités territoriales, qui réalisent aujourd'hui plus de 70 % de l'investissement public. Or, le Président de la République vient d'annoncer que le « déficit d'avenir » financerait de « bons investissements ». Où est la cohérence entre la parole du chef de l'État et l'alourdissement des dépenses fiscales depuis deux ans ?
Ainsi, le niveau élevé de nos déficits budgétaire et structurel s'explique par la baisse marquée des recettes nettes de l'État, due aux allégements fiscaux et sociaux, outre la croissance soutenue des dépenses.
Commençons par le déficit budgétaire. Arrêté à 56,3 milliards d'euros, il excède les prévisions initiales de 14,6 milliards. En un an, il a augmenté de 0,7 point pour atteindre 3,4 % du PIB. Certes, le ralentissement de l'activité explique partiellement ce résultat, mais les recettes fiscales nettes auraient augmenté de 2,7 % sans les allégements d'impôt qui produisent leurs effets en année pleine pour la première fois en 2008. Voilà qui aurait nettement amélioré le solde budgétaire !
J'en viens aux reports de charges sur 2009, correspondant à des impayés en 2008, car ces 6 à 7 milliards d'euros font passer le déficit public à plus de 62 milliards d'euros. Dans un contexte de finances publiques fortement dégradé, vous avez persisté dans la fuite en avant, faisant des générations à venir les comptables de vos arbitrages.
Au surplus, vous vous êtes défaussé de votre responsabilité en invoquant des événements extérieurs. Mais si la crise avait déjà produit tous ses effets en 2008, elle aurait massivement pesé sur les résultats budgétaires de la zone euro et de toute l'Union européenne. Or, la France affiche un solde budgétaire parmi les plus dégradés.
M. Eric Woerth, ministre. - Parce que nous avons le plus de prélèvements.
M. Bernard Angels. - Les 3,5 % du PIB de déficit structurel français sont bien élevés au regard du reste de la zone euro, qui affiche 1,4 %. Si la crise avait été seule responsable, pourquoi la croissance française aurait-elle été deux fois plus faible que dans le reste de la zone euro ?
La France est devenue le quatrième État le plus endetté de la zone euro en points de PIB, derrière l'Italie, la Grèce et la Belgique, et le cinquième de l'Union européenne après la Hongrie. Notre déficit primaire atteint 0,6 point de PIB, alors que l'excédent primaire de la zone euro atteint 1,6 point de PIB. La diminution constante de nos recettes publiques depuis quatre ans oblige à financer par emprunt les intérêts de notre dette publique... L'écart se creuse avec nos voisins allemands, qui présentent une dette inférieure à la nôtre en points de PIB, pour la première fois depuis la création de l'euro.
Ces chiffres éloquents devraient vous conduire à préserver les recettes publiques pour faire face à la crise, dont les effets ont été véritablement désastreux en 2009. Insuffisamment préparée, la France subit de plein fouet les conséquences de la conjoncture.
En 2007 et 2008, la Cour des comptes s'était déjà inquiétée du déficit public, insuffisamment réduit au cours des années de croissance. Elle jugeait le déficit structurel trop élevé. En 2009, ces remarques revêtent une importance nouvelle, car la crise financière impose un plan de relance suffisant et pertinent, dont vous n'avez pas les moyens quand bien même vous l'auriez souhaité, car vous avez déséquilibré le budget. Je n'évoquerai pas l'absence de mesures soutenant la consommation des ménages modestes... Il eût fallu faire face à la conjoncture avec des finances publiques plus saines, car 25 milliards de recettes fiscales disparaîtront en 2009 par rapport à 2008, environ 10 milliards étant liés aux mesures de relance. Le déficit budgétaire pourrait donc dépasser 120 milliards en 2009, pour une dette publique avoisinant 80 % du PIB.
Bien que votre plan de relance soit le moins important de l'ensemble du G7 -à l'exception de l'Italie, qui n'a pris aucune mesure en ce sens- le déficit français restera en 2009 supérieur à celui des autres pays européens.
Je conclurai par le point d'orgue du Congrès de Versailles : l'annonce, par le chef de l'État, d'un grand emprunt national destiné à financer le fameux « déficit d'avenir » et qui devrait stimuler la croissance, grâce aux dépenses publiques induites. Je me réjouis que le Gouvernement ait compris que les dépenses publiques bien employées préparent l'avenir et relancent la croissance, mais je m'interroge sur la pertinence d'un tel outil dans notre contexte économique. Pourquoi n'avez-vous pas mis l'accent sur une revue générale, non des politiques publiques -la Cour des comptes a d'ailleurs souligné son peu d'efficacité, en estimant à 6 milliards et non à 8 le montant total des économies cumulées attendues à l'horizon 2011- mais des niches fiscales et sociales ? Une telle révision pourrait atténuer le déficit à un moment où l'État emprunte constamment.
Il est de votre responsabilité de prendre la mesure de l'impact des choix du Gouvernement. Les socialistes sauront vous le rappeler dès le débat de demain. (Applaudissements à gauche)
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
M. Thierry Foucaud. - Le président de la commission des finances a parlé d'un moment de vérité, d'un moment de cohérence. Tel est bien le sens de cette intervention. S'exprimant sur la loi de finances rectificative de décembre dernier, Marie-France Beaufils disait en effet : « S'il fallait trouver une raison de ne pas voter ce collectif, il suffirait de se pencher sur la situation désastreuse des comptes publics, un désastre amplifié encore en 2009 par ce qui a été décidé à la dernière minute ». Et de citer les derniers chiffres de l'Insee. Je n'aurai pas la mauvaise grâce de vous rappeler les discours que vous teniez alors sur la réalité d'un déficit calibré à 42 milliards à l'automne 2007. En ces temps reculés, M. de Rohan appelait à l'approfondissement de la réforme : le chemin de la croissance passait, assurait-il, par la poursuite des très grandes réformes engagées par le Président de la République, qu'il présentait comme la condition du développement et du progrès social. Nous devions, poursuivait-il, les mener à bout sans faiblesse car il y allait de notre crédibilité.
Oui, ce sont bien des temps révolus car, quand le déficit double, le redressement des comptes publics paraît mal parti. Fin prévisionniste, le rapporteur général se félicitait alors de la suppression de l'impôt de bourse, du relèvement du seuil d'exonération des plus-values immobilières, du régime des sociétés civiles immobilières cotées et autres mesures indifférentes au citoyen anonyme. Ce fin débatteur, qui m'aurait déjà interrompu s'il avait été là, conseillait la compétitivité et la rigueur. Parce que la première conditionnait tout, il se réjouissait que les deux Assemblées se fussent accordées sur l'industrie financière, véritable clef, à terme, de la compétitivité : la suppression de l'impôt de bourse en était une condition. Il est vrai que le CAC 40 évoluait alors entre 5 500 et 6 000 points. Mais il peine maintenant à demeurer à 3 000 points et l'atout économique majeur que l'industrie financière constituait pour le Royaume-Uni en est devenu le talon d'Achille avec la crise la plus formidable depuis 1929 : le lion de l'ingénierie financière a les griffes bien élimées !
La France, et c'est heureux, n'a pas encore tout à fait quitté la sphère de l'économie matérielle. L'exécution 2008 n'en a pas moins été marquée par une aggravation qui n'a pas attendu la tempête boursière de l'automne. Le déficit atteint 56 milliards, personne n'avait fait pire -mais il faudrait évoquer le ministre du budget du gouvernement Balladur. Cette forme de record va pourtant être nettement battue. Sans marquer plus d'émotion, le ministre du budget annonçait qu'on s'acheminait tranquillement vers un déficit de 125 à 130 milliards. Vos services, qui ont le sens de la litote, évaluent la dérive à 38,6 milliards en mai, dont 16,1 milliards dus au plan de relance, le reste étant imputable à « une évolution moins favorable des recettes fiscales » -un reste qui pèse quelque 22 milliards !
Inutile de multiplier les citations : l'essentiel est de revenir au principe de réalité et la réalité, c'est l'écueil sur lequel le pari économique du gouvernement Fillon s'est fracassé. La réalité, c'est que loin de favoriser le développement et l'emploi, votre politique a dégradé les comptes publics et augmenté le chômage. Le pouvoir d'achat est en berne malgré vos lois inapplicables, l'emploi est en charpie malgré vos discours ronflants. Tout ce qui a été entrepris depuis 2007 peut ainsi être jugé à la lumière des faits. On compte officiellement trois millions de chômeurs, et il n'y a que la communication gouvernementale pour feindre de croire qu'ils ne sont pas beaucoup plus nombreux ; la récession est durablement installée, les PME licencient, certaines disparaissent ; la bourse pique du nez ; les prix de l'immobilier reculent -c'était d'ailleurs nécessaire ; le bâtiment va de plus en plus mal et Mme Boutin a payé le prix des choix du pouvoir sarkozyste.
Et puis, à la source de tout, il y a le paquet fiscal de la loi Tepa. A grands coups de clairon, le Gouvernement vantait la défiscalisation des heures supplémentaires, mesure imbécile dont on sait quels arbitrages elle a suscité dans la gestion du personnel. Selon la Dares, elles ont baissé de 11 % au premier trimestre, malgré les soldes de début d'année. Restent les mesures relatives à la taxation du patrimoine, qui ont profité aux plus aisés sans permettre une relance de la consommation. On a annoncé des mesures de clémence en faveur des épargnants bernés par Madoff -les impôts de tous paieront pour ceux qui avaient préféré investir aux États-Unis. Il ne s'agit pas de simples particuliers : cela concerne Natixis, conseillée par la Financière de Rothschild et un certain François Pérol, celui-là même qui a été appelé pour redresser Natixis. Mais nous en reparlerons bientôt. Attendez donc que l'on évalue les actifs des caisses d'épargne et des banques populaires dont vous avez voté la fusion sans changer une virgule : on verra alors si votre vote n'a pas été pipé, comme cela s'est passé pour la loi de finances initiale avec les lois de finances rectificatives successives.
L'opposition s'oppose et nous avons voté contre le budget et contre les collectifs, lesquels n'ont d'ailleurs pas permis de mesurer exactement le déficit. Tout justifie donc notre vote : la relance a échoué, le déficit a dérapé et les recettes sont déprimées. Bravo !
Les dépenses, elles, sont tenues. Sauf la charge de la dette, qui représente 5 des 8 milliards de dérapage. La mauvaise herbe fiscale pousse jusqu'aux 90 milliards. Je n'ose imaginer ce que ce sera après le plan de relance... La charge de la dette dépassera le produit cumulé de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.
Il est plus que temps de changer de braquet car qui paiera la facture ? Il est trop tard pour 2009, la logique délirante qui préside à vos choix depuis 2007 est toujours à l'oeuvre. Mais on peut changer le logiciel pour 2010 puisque vos recettes ont fait la preuve de leur nuisance.
Dans tous les cas, le groupe communiste ne votera pas ce projet de loi de règlement. (Applaudissements à gauche)
M. Joël Bourdin. - Pour la troisième année, ce projet de loi de règlement se présente selon le mode Lolf. Cet instrument de contrôle de l'exécution budgétaire et d'évaluation de la mise en oeuvre des programmes s'inscrit pleinement dans la fonction de contrôle du Parlement. Toutefois, il doit être perfectionné et simplifié, afin notamment de réduire le nombre d'indicateurs de performance. La comparaison des exercices ne prendra tout son sens que lorsque le périmètre comptable aura été définitivement fixé. A ce titre, nous nous félicitons que vous ayez, monsieur le ministre, annoncé vouloir établir des comptes pro forma, à méthode et périmètres donnés.
Sur le fond, l'année 2008 a été marquée par la crise financière et économique, qui a entraîné au quatrième trimestre un recul du PIB de 1,6 % aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro, et une perte de recettes fiscales de 8,5 milliards d'euros en France. Néanmoins, les effets en seront beaucoup plus visibles dans le projet de loi de règlement pour 2009.
La dégradation du contexte économique était antérieure au choc de l'automne 2008. En France et dans la zone euro, la très forte appréciation de la monnaie européenne, l'inflation du premier semestre 2008 et l'envolée des cours du pétrole et des matières premières avaient déjà eu des conséquences négatives. La croissance du PIB en France a été de 0,4 % en 2008 contre 2,3 % en 2007, avec une baisse de 1,5 % au quatrième trimestre. Alors qu'en 2007 le taux de chômage avait atteint son niveau le plus faible depuis 25 ans et que le rythme de créations d'emplois avait été le plus vigoureux depuis 2000, de nombreuses destructions d'emplois ont été observées fin 2008. Le secteur financier et le marché immobilier français ont plutôt mieux résisté à la crise que ceux de nos voisins européens, et la consommation des ménages a augmenté de 1 %. Le fort recul des prix des matières premières depuis l'été 2008 a entraîné un repli de l'inflation, passée en juillet 2008 d'un pic de 3,6 % sur un an à 0,7 % en janvier 2009 -sans déflation.
Le déficit budgétaire s'établit à 56,3 milliards d'euros, soit une dégradation de 17,9 milliards par rapport à 2007, de 14,6 milliards par rapport à la loi de finances initiale et de 4,8 milliards par rapport aux prévisions de la loi de finances rectificative pour 2008. Le creusement de ce déficit est essentiellement dû au financement des premières mesures de relance, que le Gouvernement n'a pas financé par une hausse des prélèvements, conformément à l'engagement du Président de la République. Le groupe UMP soutient ce choix, qui s'accompagne d'une maîtrise des dépenses essentielle pour un retour à l'équilibre de nos finances publiques dans un avenir encore indéfini.
Les 4 milliards d'euros de dépenses supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale correspondent à l'augmentation du taux d'inflation : nous nous félicitons du respect de la règle du « zéro volume » alors que le périmètre des dépenses a été élargi. Le non-remplacement d'un poste de fonctionnaire partant à la retraite sur deux a été une nouvelle fois respecté : 40 % des départs n'ont pas été remplacés, soit 28 000 équivalents temps plein au lieu des 23 000 prévus.
Malgré les difficultés conjoncturelles, des efforts importants sont consentis, avec un souci de sincérité et de transparence que nous saluons. La Cour des comptes a, en dehors de quelques réserves, certifié ces comptes et le Parlement a une nouvelle fois utilisé ses prérogatives de contrôle grâce au travail de son rapporteur général. Nous félicitons Philippe Marini et les 44 rapporteurs spéciaux pour leur utile contribution à l'examen de l'exécution budgétaire des missions.
La réforme budgétaire est en marche, et elle progresse. Le groupe UMP aborde donc l'examen de ce projet de loi de règlement dans un esprit très positif. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
M. Aymeri de Montesquiou. - Le tsunami qui s'est abattu sur l'économie mondiale a disloqué le système bancaire, emporté de nombreuses entreprises et privé de travail des millions de salariés. Cette catastrophe a perturbé le budget des États. Monsieur le ministre, vous avez été d'autant plus incité à gérer au mieux la dépense publique que les déficits conjoncturels ont atteint des hauteurs himalayennes. Avec un périmètre de dépenses élargi, vous êtes parvenu à ne pas dépasser l'inflation. Privilégier l'investissement était une bonne décision, mais le problème du déficit structurel récurrent subsiste néanmoins.
Pour redresser nos finances publiques, il faut, tout d'abord, suivre les recommandations de la Cour des comptes. Selon son dernier rapport, les dépenses fiscales nouvelles représentent, pour la période 2006-2008, 55 milliards d'euros -vous vous étiez pourtant engagé à les baisser. La loi Tepa a coûté près de 6,5 milliards : pouvez-vous nous préciser quelles recettes supplémentaires elle a générées ? Cette loi, promulguée en période de croissance, ne devrait-elle pas être modulée en période de crise ? Plus inquiétant, les ressources de l'État diminuent du fait de choix politiques et fiscaux. Monsieur le ministre, reconnaissez-vous un bien-fondé à l'analyse de la Cour des comptes et appliquerez-vous ses recommandations ?
Ensuite, il faut réduire le nombre de fonctionnaires. Si la France s'en tenait à la moyenne européenne, elle économiserait 100 milliards chaque année. D'après le Président de la République, nos dépenses dans ce domaine seraient de 150 milliards supérieures à celles de l'Allemagne. Les décentralisations successives étaient nécessaires, mais très mal réalisées. Une nouvelle répartition des dépenses des collectivités, donc une nouvelle fiscalité, sont indispensables. Qu'allez-vous proposer dans le prolongement du rapport Balladur ? Pour l'État, l'objectif de non-remplacement des départs en retraite n'a pas été atteint puisqu'il a été de 40 % au lieu de 50 %. C'est insuffisant. Depuis 1992, le nombre de fonctionnaires a augmenté de un million pour s'élever à 5,2 millions malgré l'informatisation de l'administration. Avec le remplacement d'un fonctionnaire sur deux, l'économie n'est que de 1 % chaque année, soit un milliard d'euros.
Le gisement d'économies le plus important réside dans la suppression des niches fiscales ; notre commission des finances et notre rapporteur général font un travail remarquable en ce sens. Nous ne pourrons pas éviter une évaluation de toutes les niches, sans exclusive. Ainsi, selon plusieurs rapports, les 4,5 milliards consacrés à la prime pour l'emploi sont mal ciblés. Quant au crédit d'impôt visant à améliorer la performance énergétique des logements, il donne sans doute lieu à des avantages indirects perçus par certaines entreprises, qui en profitent pour augmenter leurs prix. Alors que la loi de finances initiale pour 2009 avait commencé à remettre en cause l'existence de ces niches, il serait opportun que vous rappeliez l'intérêt de Ieur disparition progressive, à l'exception de celles favorisant indéniablement l'investissement. En contrepartie, on pourrait baisser les taux des barèmes de l'impôt sur le revenu et sur les sociétés.
Cet exercice difficile consiste à privilégier l'intérêt général plutôt que les intérêts particuliers, et à trouver un équilibre entre efficacité et équité. En période de crise, pour limiter les dommages sur le tissu social et renforcer la cohésion, le souci d'équité l'emporte, ce qui explique le plafonnement décidé cette année. Mais il faudra s'interroger à l'avenir sur la pérennité de cet arbitrage. Monsieur le ministre, vous connaissez mieux que personne les anomalies qui rendent le retour à la croissance difficile. Nous avons besoin de connaître votre plan et votre calendrier pour supprimer ces niches, apparentées à des privilèges. A l'approche du 220e anniversaire de la nuit du 4 août, montrez le même courage que vos prédécesseurs ! En aidant nos concitoyens à prendre conscience de l'ampleur des réformes nécessaires, cette crise doit permettre au Gouvernement d'accélérer les mesures indispensables pour retrouver un équilibre budgétaire.
La politique, c'est la mise en oeuvre de moyens pour atteindre des objectifs.
Une politique budgétaire doit oeuvrer pour un budget en équilibre, voire en excédent. Comment, et quand espérer un tel résultat ? Dans un an, dans cinq, dans dix ? Notre pays ne peut survivre avec un déficit structurel endémique, conséquence des renoncements des divers gouvernements qui se sont succédé depuis 1981. Les nouvelles grandes puissances parviennent à des comptes extérieurs et intérieurs excédentaires : elles nous tiendront dans la dépendance du débiteur. L'image humiliante de l'ambassadeur de France touchant son chèque à Washington dans les années 50 était celle d'un pays asservi...
On peut s'étonner que le Président de la République proscrive la « rigueur », pourtant appliquée par le Général de Gaulle. En 1958, l'impasse représentait 5 % du PNB ; en 1961, le budget était en équilibre. Pour conclure, je citerai le Général : « Sans l'effort de remise en ordre avec les sacrifices qu'il requiert et les espoirs qu'il comporte, nous resterons un pays à la traîne, oscillant entre le drame et la médiocrité. » (Applaudissements sur quelques bancs à droite ; Mme Anne-Marie Escoffier et M. Nicolas About applaudissent aussi)
M. Christian Gaudin. - Le projet de loi de règlement, moment de vérité budgétaire, maillon-clé du chaînage vertueux introduit par la Lolf, doit permettre au Gouvernement et au Parlement d'évaluer l'efficacité des politiques publiques et d'améliorer la gestion pour les futurs budgets.
Je regrette que notre débat soit aussi bref : pour que notre contrôle soit réel, nous avons besoin de temps pour juger sur place et sur pièces. Un rapprochement entre la Cour des comptes et nos commissions des finances s'impose. Il nous faut également le temps d'étudier le projet de loi et ses annexes, afin de tirer les conséquences de l'exécution du budget de l'année écoulée avant d'établir les prévisions pour l'année à venir.
Le big bang budgétaire et comptable que l'on attendait de la Lolf n'a toujours pas eu lieu. Nombre d'acteurs de la gestion publique ne se sont pas approprié le nouveau modèle, et le lien entre la réforme comptable et la révision générale des politiques publiques n'a pas encore été fait.
Au prix d'un gros effort, le budget de l'État a été réparti en missions et programmes, dotés d'objectifs et d'indicateurs. Les responsables de programmes, au coeur du nouveau système, disposent en principe d'une plus grande liberté, mais peinent à trouver leur place. La programmation, la gestion et le suivi des crédits se font encore partiellement selon les anciennes modalités, la fongibilité est trop peu utilisée. Si la construction de perspectives pluriannuelles est un progrès, la remontée d'informations, l'utilisation des indicateurs, l'adaptation des moyens aux résultats demeurent insuffisants. Financements hors budget, sous-budgétisations, reports de charges, utilisation inappropriée de comptes spéciaux contreviennent à l'esprit et à la lettre de la loi. Ce n'est que si elle est pleinement appliquée, tout au long de l'exercice, que la Lolf deviendra la clé de voûte de la réforme de l'État. Cela exige une impulsion politique forte du Gouvernement et du Parlement, qui doit adopter une démarche constructive.
Le déficit s'établit à 56,3 milliards, en augmentation de 18 milliards. Pour la première fois depuis 2003, il est pire que celui prévu dans la loi de finances initiale. Il a représenté en 2008 plus du quart des recettes nettes. L'Union Centriste prône de longue date l'application à l'État de la règle d'or interdisant aux collectivités territoriales les déficits de fonctionnement. Or on s'en éloigne : le déficit de fonctionnement est de 73 milliards, plus qu'en 2007 !
Deuxième constat : l'État n'investit pratiquement plus. L'actif immobilisé a certes progressé de 58,5 milliards, mais si l'on retire le montant de l'intégration du spectre hertzien, les quotas CO2, les réévaluations et élargissements de périmètres, les investissements directs s'élèvent à 13,8 milliards, 3 milliards de moins qu'en 2007 ! La valeur comptable des actifs cédés -1,7 milliard en 2008- témoigne de la faiblesse des investissements nets : 12 milliards à peine.
Enfin, l'actif net négatif s'élève à 686 milliards fin 2008. C'est une dégradation de 30 milliards par rapport à 2007. Les dettes financières, elles aussi, se sont accrues d'environ 100 milliards.
La croissance de la dépense est trop rapide, indépendamment des mesures de relance. Le Gouvernement s'était fixé pour règle de ne pas dépasser l'inflation, estimée alors à 1,6 %. Si la règle du « zéro volume » a pu être respectée, c'est que l'inflation s'est établie à 2,8 % !
En majorant la norme de dépense des remboursements et dégrèvements d'impôts, des dépenses fiscales et des taxes affectées à des organismes tiers, nous sommes passés de 479 milliards en 2007 à 501 en 2008. On ne peut continuer ainsi. C'est l'ensemble du périmètre de dépenses qu'il faudra tenir en 2010, sachant que l'inflation avoisinera 1 %. J'encourage donc le Gouvernement à poursuivre l'élargissement de la norme.
En matière de recettes, l'incidence de la crise est indéniable. Pour autant, nous ne pouvons poursuivre les allégements fiscaux et les réductions d'impôts sans réduire les dépenses à due concurrence.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Très bien.
M. Christian Gaudin. - Des progrès ont été accomplis. Les projets annuels de performances pour 2009 indiquent un chiffrage sur trois ans, le nombre de bénéficiaires pour 2007, les années de création et de dernière modification, ainsi qu'un classement des dépenses fiscales en fonction de l'objectif recherché. La présentation des quinze dépenses fiscales à enjeux est plus détaillée. La loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour 2009-2012 instaure un objectif annuel de dépenses fiscales indicatif, et prévoit que toute mesure législative créant ou modifiant une dépense fiscale doit être neutre pour les finances de l'État. Enfin, la loi prévoit l'évaluation des dépenses fiscales trois ans après leur entrée en vigueur, tandis que l'article 91 de la loi de finances pour 2009 instaure un plafonnement global des niches fiscales.
Pour reconstituer nos marges de manoeuvre, il nous faut toutefois aller plus loin : mettre un coup d'arrêt à la baisse des recettes, et revenir à la norme de la croissance zéro en volume. Le temps presse : la soutenabilité de nos finances publiques est en jeu, l'explosion de notre dette publique en germe.
L'article 34 de la Lolf prévoit que la loi de finances de l'année « fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an ». Or une partie croissante du besoin de financement de l'État est couverte par l'émission de dettes à moins d'un an. L'amendement tendant à prévoir, à titre expérimental, la fixation d'un plafond spécifique pour la variation de la dette à court terme semble donc opportun. Le groupe de l'Union Centriste le soutiendra. Il votera également à une grande majorité cette loi de règlement, en espérant qu'au-delà des incantations, elle aura permis de tirer des enseignements qui seront suivis d'effets. (Applaudissements sur la plupart des bancs au centre)
M. Eric Woerth, ministre. - Monsieur le président Arthuis, je partage vos constats et vos préoccupations, s'agissant notamment de la dette. Merci d'avoir remarqué que la dépense a été tenue en 2008, ce qui nécessite de grands efforts de la part des gestionnaires comme des parlementaires.
Vous l'avez dit : la crise ne doit pas nous conduire à oublier le déficit structurel. Même si le déficit global de la France fut inférieur en 2008 à celui d'autres pays développés, la part structurelle de ce déficit reste plus élevée qu'ailleurs. Il faut donc continuer à réduire l'accélération des dépenses publiques. L'objectif du « zéro volume » n'est pas une lubie de bureaucrate ! En 2008, la hausse des dépenses n'a pas dépassé l'inflation. Nous pourrons revenir sur cette question demain, à l'occasion du débat sur l'orientation des finances publiques pour 2010.
Il faut également veiller à la bonne gouvernance, non pour occulter les problèmes de fond mais pour améliorer notre situation financière. Les indicateurs de performance créés par la Lolf sont souvent mal renseignés et ils sont trop nombreux : la mission d'évaluation au sein de la direction du budget propose d'en réduire le nombre de 1 300 à 1 000 et de sélectionner une centaine d'indicateurs parmi les plus significatifs qui puissent être consultés par tout un chacun et servir de base de données pour l'analyse de l'évolution de la gestion publique.
Vous vous êtes inquiété, monsieur le président, de la part importante de l'endettement à court terme -M. Fourcade doit y revenir tout à l'heure. Mais il est assez naturel d'y recourir en période de crise, et on nous reprocherait de ne pas le faire, car c'est la forme d'endettement la moins coûteuse. L'Allemagne et les Pays-Bas ne s'en privent pas... La part de la dette à court terme a d'ailleurs assez peu évolué par rapport à l'année dernière.
Les obligations indexées sur l'inflation constituent une part très faible de la dette publique -environ 16 % de la dette à plus d'un an et 13 % de la dette globale- et il ne faut pas en exagérer les risques car ceux-ci s'annulent à long terme. En 2008, l'inflation a provoqué une hausse de 4 milliards d'euros des intérêts de la dette, mais nous sommes revenus en 2009 à un niveau beaucoup plus raisonnable, de l'ordre de 200 ou 300 millions d'euros. En émettant ce genre de titres, nous montrons aux marchés que nous n'avons pas peur de l'avenir. Enfin, ces outils financiers permettent de répartir les risques à moyen terme sur l'ensemble des titres que nous lançons. Je pense comme vous que le Parlement devrait être mieux informé de cette question et plus régulièrement.
Le Gouvernement n'est pas toujours d'accord, monsieur Angels, avec les conclusions de la Cour des comptes. (On ironise à gauche) Nous reconnaissons sa compétence mais nous pensons qu'elle sous-estime les effets de la crise sur le budget de l'État : la Cour évalue les pertes de recettes fiscales à 4 milliards d'euros, le Gouvernement à 8,5 milliards d'euros. Nos méthodes diffèrent : pour notre part, nous nous fondons sur la moyenne des recettes des années précédentes, dont nous déduisons les éventuelles niches fiscales créées entre-temps.
Mme Nicole Bricq. - Il faut arrêter d'en créer !
M. Eric Woerth, ministre. - C'est un autre sujet. Quoi qu'il en soit, il est temps que cesse la bataille des chiffres. Le Gouvernement a écrit à la Cour pour lui faire part de ses divergences méthodologiques. Nous ne cherchons nullement à truquer les chiffres ! Mieux vaut regarder la réalité en face sinon elle nous rattrapera...
La Cour considère en outre que l'augmentation des dépenses dépasse le « zéro volume », mais comme je m'en suis expliqué devant votre commission, je considère que la méthodologie retenue n'est pas la bonne. La Cour intègre dans ses calculs des dépenses globales sans les annualiser, ce qui est pourtant la règle en comptabilité budgétaire : je pense notamment aux prêts accordés au titre du compte épargne logement, dont le volume s'élève à 950 millions d'euros. En outre, certaines dépenses sont comptabilisées deux fois, comme la charge de la dette et les pensions relevant des comptes spéciaux, qui figurent aussi au budget général. Le niveau des dépenses est ainsi rendu artificiellement élevé. (M. François Marc le conteste)
Vous avez parlé, monsieur Angels, de fuite en avant aux dépens des générations futures. Mais dans la situation de crise très grave où nous étions en 2008, nous aurions agi au détriment de ces générations si nous n'avions rien fait ! Il faut accepter, en temps de crise, que le déficit public s'aggrave.
M. François Marc. - Vous provoquez cette aggravation !
Mme Nicole Bricq. - Il aurait fallu profiter des années de croissance pour rétablir l'équilibre !
M. Eric Woerth, ministre. - Vous avez vous-mêmes été aux affaires pendant des années fastes, sans avoir rien fait pour rééquilibrer les comptes publics.
Mme Nicole Bricq. - Cela fait sept ans que vous gouvernez !
M. Eric Woerth, ministre. - Vous ne pouvez pas répéter d'article en article que le plan de relance était insuffisant, puis nous accuser de creuser le déficit !
Mme Nicole Bricq. - Nous nous expliquerons.
M. Eric Woerth, ministre. - La première phase de la RGPP a permis de faire 7 ou 8 milliards d'économies à court terme, mais la nouvelle organisation du service public, la substitution d'une logique qualitative à une logique quantitative -car ce n'est pas le nombre de fonctionnaires qui compte mais l'efficacité du service public- aboutiront à long terme à une réduction bien plus importante des dépenses. Il faut poursuivre cet effort : ce sera l'objet de la deuxième phase qui s'entamera à la rentrée.
Monsieur Foucaud, je vous laisserai débattre avec M. Marini des mesures destinées à renforcer la place financière de Paris. A l'évidence, nos conceptions sont diamétralement opposées et il est difficile de les confronter sur un sujet limité comme celui des finances publiques : nos divergences sur ce point résultent de désaccords plus généraux sur la politique économique qu'il faut suivre.
Avec M. Bourdin, en revanche, nous partageons les mêmes présupposés théoriques.
M. Nicolas About. - C'est rassurant !
M. Eric Woerth, ministre. - L'aggravation du déficit public n'est pas due à l'augmentation des dépenses mais à la fragilisation des recettes, qui résulte de la crise. En 2009, les recettes prévues sont inférieures de 15 % à celles de l'exercice 2008 dont l'exécution était déjà minorée par rapport à 2007.
L'urgence est donc bien d'accélérer la sortie de crise.
Merci, monsieur Bourdin, d'avoir souligné la baisse des effectifs dans la fonction publique. C'est une tâche à laquelle il faudra également s'atteler dans nos collectivités locales...
Monsieur de Montesquiou, j'ai déjà dit que les 4 milliards de la Cour des comptes sont en deçà de la réalité. La sécurisation des recettes est devenue un objectif majeur. Conformément au souhait du Président de la République, il faut supprimer la taxe professionnelle...
Mme Nicole Bricq. - C'est le moment !
M. Eric Woerth, ministre. - ...si nous voulons attirer les entreprises sur notre territoire. La réduction des effectifs est déjà très importante dans la fonction publique : 100 000 personnes sur les trois dernières années et cela sans incidence sur la qualité du service public, notamment grâce à la rémunération au mérite. Sur le coût de la dépense fiscale, je présenterai une évaluation plus solide avec le projet de loi de finances. Des ajustements s'imposent pour limiter l'accès aux niches.
Oui, monsieur Gaudin, on pourrait encore améliorer l'examen du collectif. Mais il y a des progrès et, en la matière, le Sénat est en tête de classe, lui qui auditionne régulièrement tous les ministres. La modification des indicateurs de performance permettra de mieux évaluer les politiques publiques. L'objectif principal est désormais de faire diminuer notre déficit public d'un point de PIB chaque année. Nous concentrons nos dépenses sur les investissements ; il n'y a pas, d'un côté, l'État qui assure les dépenses de fonctionnement et, de l'autre, les collectivités locales qui se consacrent à l'investissement. Sur ce point, nous continuerons le débat. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il est impossible, dans cet hémicycle, de procéder à l'examen détaillé de la loi de règlement. C'est pourquoi nous avons choisi d'auditionner tous les membres du Gouvernement dans les salles Clémenceau ou Médicis où tous les sénateurs qui le désirent peuvent interroger les ministres de façon interactive.
Mais, monsieur le ministre, il faut reconnaître que l'exercice se complique lorsque ces auditions ont lieu juste avant ou pendant un remaniement... Cela dit, je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez été confirmé dans vos délicates fonctions. (Applaudissements à droite ; M. Nicolas About applaudit aussi)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Les articles premier à 9 sont successivement adoptés.
Articles additionnels avant l'article 10
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par M. Marini, au nom de la commission.
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les lois de finances pour 2010 et 2011 fixent un plafond pour la variation nette de la dette négociable de l'Etat à court terme. Cette dette s'entend comme celle résultant des emprunts d'une durée supérieure ou égale à trois mois et inférieure à un an.
En cas d'urgence, les emprunts qui auraient pour conséquence le dépassement de ce plafond ne peuvent être effectués qu'après avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances, sur le fondement d'un arrêté du ministre chargé des finances fixant un nouveau montant pour ledit plafond.
La commission chargée des finances de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet d'arrêté. La signature de l'arrêté ne peut intervenir qu'après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, après l'expiration du délai susmentionné.
La ratification des modifications apportées sur le fondement des deux alinéas précédents au plafond de variation de la dette à court terme fixé en application du premier alinéa par la dernière loi de finances, est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Le ministre a un peu anticipé sa réponse à notre amendement... Nous avons constaté que l'autorisation parlementaire requise pour émettre un emprunt à moyen ou long terme n'a plus beaucoup de sens dans la mesure où l'encours des emprunts à court terme est bien supérieur au plafond des emprunts à long et moyen termes. Au 30 juin, le total de ces derniers était de 104,7 milliards -le plafond étant de 150 milliards- tandis que le total des bons du Trésor atteignait 182 milliards. En d'autres termes, aujourd'hui notre dette à court terme est supérieure à notre dette à moyen et long termes.
Notre amendement propose donc de créer -à titre expérimental et pour les exercices 2010 et 2011- un second plafond de variation pour les titres de court terme -de trois mois à un an- afin de permette un contrôle plus précis du Parlement sur la dette tout en évitant au Gouvernement d'être gêné dans la gestion de la dette. Le fait de dépasser un des deux plafonds n'exigerait plus de loi de finances rectificative mais une simple information des deux commissions des finances, suivie d'une ratification dans la loi de finances suivante. Cela permettrait d'avoir une connaissance plus réaliste de notre endettement annuel.
M. Eric Woerth, ministre. - Sur le fond, le Gouvernement n'est pas favorable car il a besoin de conserver une certaine souplesse de gestion. Le gain sur l'année est de 3 milliards ; nous serions coupables de ne pas en tenir compte. Cette stratégie du court terme avait déjà été employée en 1992-1993. Actuellement on y fait appel de manière raisonnable. Le court terme représente 16 % de l'emprunt total, contre 14 % en 2008 - et 8 % en 2007. L'Allemagne a un taux comparable et les Pays-Bas en sont à 18,7 %. Ce ne sont pourtant pas des pays laxistes.
La maturité moyenne de la dette a assez peu évolué : au 31 décembre 2008, elle se situait à 6 ans et 292 jours. Aujourd'hui, nous en sommes à 6 ans et 251 jours. En dehors des plafonds votés par le Parlement, nous avons besoin d'une souplesse infra-annuelle pour faire face à des dépenses ou des échéances imprévues, comme lors de retraits non anticipés sur les comptes du Trésor ou de dégradation de recettes : ainsi, cette année, le rendement de l'impôt sur les sociétés a diminué d'une bonne vingtaine de milliards. Pour faire face à ces aléas, nous avons besoin de mobiliser tous les instruments de financement possible.
Je vous adresserai donc des comptes rendus trimestriels afin d'expliquer les variations. J'en profiterai pour faire le point sur les obligations indexées. Vous disposerez donc de toutes les informations nécessaires, ce qui vous permet de retirer cet amendement.
M. Bernard Angels. - Vous avez parlé à plusieurs reprises de gestion raisonnable, monsieur le ministre. Nous pensons que cet amendement est raisonnable et même indispensable. Nous voulons rester dans l'esprit de la Lolf et c'est pourquoi le groupe socialiste le votera.
M. Jean-Pierre Fourcade. - La réponse de M. le ministre me donne presque satisfaction. (On ironise à gauche)
Mme Nicole Bricq. - Presque !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je retirerai mon amendement si le Gouvernement nous donne tous les mois la décomposition entre les emprunts à court, moyen et long termes. Mais dans le tableau des ressources de financement, que nous votons chaque année, figurent à la fois le plafond des emprunts à moyen et long termes prévu par la loi organique et un poste « variation des encours de bons du Trésor ». Au 30 juin, cette variation de 35 milliards est épuisée. Par conséquent, nous avons voté un article qui, aujourd'hui, n'a plus de sens. Je souhaite donc que dans le tableau que vous nous proposerez pour 2010, cette variation soit beaucoup plus large pour que le Parlement soit bien informé.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - A l'évidence, la réponse de M. le ministre va dans le sens des préoccupations des auteurs de l'amendement. Cependant, la loi organique n'a pas totalement répondu aux espoirs du législateur, même s'il ne faut pas enfermer le Gouvernement dans un corset qui l'empêcherait de gérer intelligemment sa trésorerie.
Le législateur a prévu que l'on encadrerait l'endettement à plus d'un an. Il peut être tentant d'échapper à cet encadrement en souscrivant des titres à moins d'un an, surtout quand les taux d'intérêt sont inférieurs à 1 % !
L'information du Parlement est essentielle, ce qui suppose une reddition des comptes en temps réel. Cet amendement est perfectible et je préférerais une modification de la loi organique pour mieux asseoir la politique de l'endettement. Les documents actuels ne rendent pas vraiment compte de la situation et c'est ce que M. Marini appelait la semaine dernière en commission : « L'insoutenable légèreté de l'endettement ». (Sourires) Si cet amendement est retiré, ce sera un encouragement au dépôt d'une proposition de loi organique modifiant la loi du 1er août 2001.
Mme Nicole Bricq. - En commission, nous avons voté cet amendement avec nos collègues de la majorité, ce qui est assez rare.
M. Nicolas About. - C'est même inquiétant ! (Sourires)
Mme Nicole Bricq. - Pourquoi ne pas réunir la commission avant de retirer cet amendement ? Nous avons le sentiment d'être instrumentalisés et il pourrait en être de même pour l'amendement suivant. Ces amendements posent des questions de fond sur les déficits et sur la dette. Il est dommage que l'on n'aille pas au bout de la discussion en séance publique. Il n'y aurait pas de drame à ce que la majorité et le Gouvernement ne soient pas d'accord, d'autant qu'il s'agit plus de forme que de fond.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - J'aurais en effet pu réunir la commission des finances mais je ne trahis pas l'esprit des délibérations de la commission en indiquant que les auteurs de l'amendement avaient conscience du caractère perfectible de leur initiative.
Mme Nicole Bricq. - Vous aviez une semaine pour améliorer le texte !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Une disposition organique demande plus de travail ! Il s'agissait d'un amendement d'appel dont l'objet était de recueillir en séance publique l'avis du Gouvernement. La préoccupation première était d'être informés en temps réel de la politique conduite par le Gouvernement pour assurer le financement et l'amortissement du déficit.
L'amendement n°1 est retiré.
M. Eric Woerth, ministre. - Nous sommes prêts à fournir des éléments d'information tous les mois si vous le souhaitez, mais nous devrons poursuivre les discussions afin que le Gouvernement dispose de la souplesse de gestion nécessaire et que le Parlement obtienne les données en temps réel.
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par M. Arthuis.
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La charge budgétaire correspondant au coût représentatif de l'amortissement de deux pour cent de la dette financière de l'État est inscrite chaque année en loi de finances au titre 4 de la mission « Engagements financiers de l'État » du budget général.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il s'agit ici de l'amortissement de l'emprunt. La loi organique s'est préoccupée de cette question puisqu'elle a prévu que l'amortissement apparaitrait dans l'article d'équilibre. Mais cet amortissement peut être financé par la souscription à due concurrence d'autres emprunts. Il s'agit donc de médecine douce mais comme l'évolution de la dette publique est préoccupante -20 % du PIB en 1980, 40 % en 2000 et 100 % d'ici quelques années-, il faut impérativement y mettre un coup d'arrêt. Cette tendance est en effet intenable, insoutenable.
Pour faire oeuvre de pédagogie, la loi de finances initiale doit inscrire un montant d'amortissement minimal qui affecte le solde budgétaire. Pourquoi ne pas prévoir que la dette soit amortie en 50 ans, soit un peu plus de 20 milliards par an ? Ainsi, nos concitoyens comprendraient l'urgence de réduire les dépenses publiques ou, à défaut, de trouver des recettes afin d'amortir l'endettement du pays.
Cette contribution modeste est inspirée par la sagesse et par un souci de pédagogie. Commençons à rembourser la montagne de dette accumulée !
Mme la présidente. - Et quel est l'avis de la commission ? (Sourires)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Un consensus s'est fait jour en commission pour souhaiter que l'amendement vienne en discussion...
Mme Nicole Bricq. - Et soit voté !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - ...car il va dans la bonne direction. Avant de le voter, nous souhaitions entendre l'avis du Gouvernement.
M. Jean-Claude Frécon. - Amendement d'appel, peut-être ?
M. Eric Woerth, ministre. - C'est un beau sujet... qui mérite plus ample discussion. Une telle comptabilisation dégraderait le solde budgétaire, ce qui n'est pas le but recherché par les temps qui courent. Cela serait aussi une première sur le plan comptable -aucune entreprise ne comptabilise le remboursement de capital. Et si l'on vous suivait, il faudrait à tout le moins intégrer également en recettes le produit de l'emprunt. L'emprunt n'est pas considéré comme une charge à inclure dans le compte d'exploitation puisqu'il a vocation à être remboursé. Bref, vous modifiez la logique comptable. Je signale qu'au bout de 50 ans, on n'aura pas remboursé l'emprunt, le solde ne sera pas nul -sauf à comptabiliser le remboursement réel. Finalement, il n'y aura d'impact que sur la norme de dépense ! Je vous propose de créer un groupe de travail associant votre commission et le ministère pour rechercher comment mieux traduire la réalité des choses.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Certes, les entreprises n'incluent pas dans leur compte de résultat l'amortissement de l'emprunt, mais elles amortissent les investissements productifs. En comptabilité budgétaire, rien de tel. La règle d'or, c'est l'interdiction des déficits de fonctionnement. Or quelle est la situation ? Si nous étions à l'équilibre et sans déficit de fonctionnement, nous ne disposerions pas du premier centime pour commencer à rembourser la dette. Pour que la dette soit éteinte au bout de 50 ans -la sagesse même !- il faudrait que les comptes soient équilibrés et qu'ils incluent en dépenses une capacité de remboursement de 2 % du montant de l'emprunt. Nous en sommes loin.
Comment, si nous ne fournissons pas à nos compatriotes une vue claire de la situation, espérer accomplir les réformes structurelles ? J'ajoute qu'il faudrait exprimer les dépenses en euros courants... D'autres pays ont réalisé des progrès considérables, alors que notre RGPP souffre d'une appropriation inégale (sourires) parmi vos collègues, monsieur le ministre -ce qui renforce l'estime que nous avons pour votre démarche, car elle ne doit pas être simple tous les jours.
Cessons de nous raconter des histoires, de jouer les illusionnistes, entrons enfin dans le vif du sujet, nous avons encore tant à accomplir ! L'amendement, je le sais, est perfectible, mettons-nous au travail pour améliorer la Lolf qui à cet égard autorise une dérive commode, masquant la gravité de la situation. Elle n'est pas sur ce point le levier de réforme que nous pensions mettre à la disposition du Gouvernement et du Parlement. Je retire l'amendement.
Mme Nicole Bricq. - Non ! Quel dommage !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - J'ose penser, chère collègue, que vous soutiendrez avec le même enthousiasme la réduction des dépenses et la recherche de l'équilibre budgétaire !
L'amendement n°2 est retiré.
L'article 10 est adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Nicole Bricq. - Année après année la loi de règlement est maltraitée au Parlement. Il n'y a pas le petit, le moyen ou le grand hémicycle mais le débat en séance publique. Or la loi de règlement n'a pas son espace de discussion dans notre hémicycle et c'est dommage car ce texte est un moment de vérité. La réforme du règlement intérieur n'a pas amélioré les choses.
M. le Ministre invoque la méthode -celle retenue par le Gouvernement, celle de la Cour des comptes. Mais les faits sont cruels, les chiffres sont têtus et le résultat est là ! Les deux amendements traitent d'un problème de fond, déficit et dette. L'appétit nous est venu grâce au vote en commission, mais après nous avoir appelés à nous intéresser à la question, vous retirez les amendements ! Quel dommage !
Nous voterons contre ce texte. Sans aller jusqu'à parler d'insincérité de la loi de finances, chaque année la loi de règlement révèle comment l'on a vécu dans l'illusion des déclarations initiales. L'hypothèse macro-économique est chaque fois fausse, cette année elle l'est plus encore qu'avant. Le président de la commission nous invite à cesser d'écouter les illusionnistes : relisez nos débats de loi de finances initiale et vous constaterez qui tenait le langage de la raison.
Nous sommes de farouches ennemis de la dette, car sa charge obère les marges de manoeuvre budgétaires, donc pénalise les plus pauvres, ceux qui n'ont pour vivre que le capital public. Monsieur le ministre, vous ne vous trouvez pas dans un congrès du parti socialiste mais face à des parlementaires aguerris qui connaissent très bien ces questions ! (Marques d'étonnement à droite)
Nous allons aborder la sortie de crise avec une grave déficience.
Entrée dans la crise avec un appareil productif affaibli, une dette et un déficit publics très forts, la France connaîtra une sortie de crise obérée par les comptes publics.
Autre raison de nous opposer : l'avenir de l'Europe. Pouvons-nous durablement conduire des politiques budgétaires contradictoires de part et d'autre du Rhin ? L'enjeu est la pérennité de l'euro, qui nous a protégés jusqu'ici. Les deux amendements présentaient donc un intérêt politique, car il faut envoyer un signal.
Nous étions opposés à la loi de finances initiale ; nous voterons contre la loi de règlement.
L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l'adoption | 179 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté.
Loi de programmation militaire
Discussion générale
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
M. Hervé Morin, ministre de la défense. - Alors que nous venons de célébrer hier notre fête nationale, occasion de rappeler le lien qui unit la Nation et ses armées, cette loi de programmation militaire atteste la priorité que le Gouvernement et le Président de la République accordent à la défense.
Depuis deux ans, nous avons lancé le plus important mouvement de transformation que la défense ait connu depuis sa professionnalisation, avec la nouvelle gouvernance, la nouvelle carte militaire, la rationalisation de l'administration et du soutien et la création de bases de défense. J'ajoute que 100 millions d'euros seront consacrés au développement durable grâce à la filière de déconstruction du matériel militaire. Parallèlement, les procédures d'exportation ont été modifiées, puisqu'il faut aujourd'hui moins de 40 jours pour obtenir une autorisation, contre 80 en 2007. Grâce au plan d'égalité des chances, 450 jeunes défavorisés bénéficieront de l'infrastructure des lycées militaires. Enfin, alors que le ministère de la défense employait moins de 5 % de personnes handicapées, on en recense plus de 6 % aujourd'hui, et il y en aura 7 % à la fin de l'année prochaine. (M. Nicolas About s'en réjouit)
Depuis deux ans, nous adaptons notre stratégie et notre fonctionnement aux réalités du monde. La loi de programmation en est la clef de voûte. Je remercie particulièrement le président, les rapporteurs et les membres de la commission de la défense et des forces armées pour leur esprit constructif.
Ambitieux, ce projet de loi constitue la première étape de 377 milliards d'euros destinés à la défense entre 2009 et 2014. Parmi les 186 milliards liés à cette loi, 102 milliards sont destinés à l'équipement des forces.
Ce texte est équilibré, notamment pour la protection du secret de la défense nationale, le travail avec les parlementaires ayant permis de conforter à la fois le rôle de la CCSDN et la sécurité des investigations judiciaires.
Enfin, la loi de programmation militaire est cohérente avec notre vision de la défense, issue du Livre blanc, qui reste notre feuille de route.
Ainsi, nous poursuivons la modernisation de la dissuasion, qui demeure « l'assurance vie » de la Nation, avec un programme d'alerte avancée qui sera pleinement opérationnel en 2020.
Le renseignement est notre première protection face aux nouvelles menaces comme le terrorisme, la prolifération nucléaire et les cyber-attaques. Nous développerons donc la nouvelle fonction stratégique « connaissance et anticipation », notamment avec 700 postes supplémentaires dans les services de renseignement, le lancement du système multinational d'imagerie spatiale (Musis) -qui succédera au programme Helios- le lancement du satellite d'écoute électromagnétique Ceres et le développement du drone de moyenne altitude et longue endurance (Male).
Ensuite, le Livre blanc identifie un nouvel arc de crise, allant de l'océan Atlantique à l'océan Indien, pour lequel nous devons renforcer nos capacités d'intervention : nous allons recevoir 60 Rafale F3 ; nous disposerons en outre de dix-huit frégates de premier rang après l'admission au service actif des deux frégates Horizon en 2009 et 2010, puis des frégates multi-mission (Fremm) à partir de 2012.
Le Barracuda renforcera notre capacité de projection en 2017 ; 24 milliards sont prévus pour l'armement terrestre, 23 Tigre seront achetés ; enfin, vous avez vu défiler hier les premiers VBCI : nos troupes en recevront 550 exemplaires.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) nécessite un effort financier soutenu. La loi de finances initiale a augmenté la dotation de 8 %, la portant à 2,9 milliards. La loi de programmation la stabilisera durablement à 3 milliards : plus d'argent avec un plus petit format, cela représente plus pour chaque équipement. Nos matériels sont très sollicités, certains vieillissent et les récents sont plus coûteux : l'heure de vol du Tigre est dix fois plus chère que celle de la Gazelle. Même si 1,5 milliard est prévu sur la durée de la programmation, la problématique du MCO va au-delà de l'argent : il faut aussi réformer l'organisation et les structures, d'où la montée en puissance du SIAé, d'où la nouvelle politique de gestion des parcs, d'où la création d'un service de soutien pour l'ensemble du matériel, d'où la contractualisation et le développement du contrôle de gestion. Cette question est vraiment centrale.
Pour répondre aux nouveaux défis, nos armées auront à intervenir plus souvent en coalition, ce qui impose de renforcer l'interopérabilité. De manière complémentaire à notre engagement au sein de l'Otan, la construction de l'Europe de la défense doit nous permettre de mener de façon autonome des opérations significatives.
De ces nouvelles priorités découle une nouvelle organisation du ministère. Le conseil des ministres a adopté lundi le décret qui permettra une organisation plus intégrée, le chef d'état-major des armées assurant la responsabilité de toute la programmation et de la budgétisation. Cette loi de programmation est ainsi la première à n'être pas construite bottom up, en additionnant les demandes exprimées par chacun, mais top down, en déclinant les priorités définies. Le symbole de cette nouvelle gouvernance est le site unique de Balard, opérationnel en 2014.
Le soutien et l'administration générale sont rationalisés. Pas moins de 38 chantiers sont en cours. La réforme des achats permettra de 50 à 100 millions d'économies. C'est aussi la modernisation des services de paye. Elle passe également par une externalisation maîtrisée, par une agence interarmées de reconversion du personnel et la réunification des centres de recrutement. Nous avons aussi lancé la réforme du système d'information et de communication pour regrouper le budget informatique sous une autorité unique. Le ministère, qui consacre 1,2 milliard aux systèmes informatiques, table sur une économie de 300 millions d'euros.
La nouvelle carte militaire, fruit d'une formidable concertation, est la conséquence de cette nouvelle organisation. Les onze bases de défense expérimentales regroupent 50 000 hommes, plus 6 000 civils ou militaires en soutien. Cette expérimentation est très positive et nous pensons désormais aller vers 60 à 70 bases plutôt qu'aux 90 initialement envisagées. Les mentalités ont évolué, ce qui permettra d'accélérer les calendriers de la fusion des commissariats et de la généralisation des bases.
Je mesure l'effort important que cela représente. C'est pourquoi nous avons prévu un plan massif d'accompagnement : 140 millions. Nous avons d'ores et déjà quatre fois plus de demandes de pécule de départ.
M. Didier Boulaud. - C'est plutôt inquiétant.
M. Hervé Morin, ministre. - Ils sont 2 010 à avoir trouvé une nouvelle affectation. Nous avions prévu 1 100 reclassements dans la fonction publique, nous en sommes à 1 350.
Parce qu'il n'est de richesse que d'hommes, nous avons revalorisé la fonction militaire, réévalué la grille indiciaire et consacré 300 millions à la promotion interne et à l'amélioration des soldes. La place des civils n'est pas négligée et certains pourront commander des groupements de soutien des bases de défense.
Nous avons également accompli un important effort en faveur du logement. La renégociation du contrat avec la SNI ayant permis de dégager 240 millions, nous pourrons offrir 7 000 logements supplémentaires dans le sud de la France et en région parisienne.
Une défense pleinement intégrée à la vie de la cité, c'est aussi une défense qui participe au plan de relance. Nous avons déjà engagé 1,3 milliard sur 1,7 milliard, assurant ainsi 25 % du plan de charge des chantiers de Saint-Nazaire. Le commerce extérieur a connu une excellente année 2008 et nous espérons accomplir un nouveau bond en 2009. J'ai lancé une vaste réforme du contrôle et des autorisations d'exportation. Les délais d'examen ont été ramenés à moins de 40 jours et désormais, le taux d'ajournement est inférieur à 7 %. Nous avons lancé une procédure globale d'autorisation et, en adoptant la liste globale européenne, mis nos entreprises à égalité avec leurs concurrentes -on en parlait depuis vingt ans. Le plan en faveur des PME, ce trésor technique et d'inventivité, n'est pas moins ambitieux. La DGA a créé un service particulier, elles ont un guichet unique. Désormais, elles bénéficient plus de la programmation amont et la sous-traitance est prévue dans les cahiers des charges. Enfin, le nouveau régime d'appui à l'innovation a été lancé en Aquitaine.
La défense ne doit pas être loin des préoccupations de nos compatriotes. Nous aurons recruté 250 emplois en 2009 et en recruterons 240 en 2010. Le plan pour l'égalité des chances, ce sont 170 jeunes de milieu modeste scolarisés dans des lycées et écoles militaires où ils bénéficient d'un encadrement de qualité. Ils seront 380 à la rentrée prochaine et 450 en 2010. Des classes-tampons mettront ceux que tentent les grandes écoles à égalité avec les enfants de milieux favorisés. Désormais, les armées, y compris leurs officiers, seront à l'image de la République. Je suis heureux, enfin, de la prochaine réouverture de l'école des mousses. Fermée il y a quelques années, elle accueillera 150 jeunes.
Outre le bilan carbone, le plan de développement durable mobilisera quatre unités. Nous allons inaugurer des panneaux solaires à Istres et 100 millions permettront de lancer la filière de démantèlement et de déconstruction des équipements militaires réformés -nous pourrions trouver des crédits supplémentaires dans le grand emprunt.
Je souhaite aussi créer un grand pôle universitaire et scientifique pour donner à la recherche française sur les questions de défense une qualité et une visibilité à la hauteur de la réputation de nos armées. C'est aussi cela, faire entendre la voix de la France dans les choix internationaux. (M. Robert del Picchia approuve)
Enfin, nous devons faire preuve de responsabilité. Après les députés le mois dernier, vous examinerez le projet de loi visant à indemniser les victimes des essais nucléaires français. Ce texte permettra à la France d'être en paix avec elle-même, comme l'ont déjà fait la Grande-Bretagne et les États-Unis. J'espère que nous trouverons une fenêtre parlementaire pour inscrire ce texte très attendu.
Si ce projet de loi participe d'un vaste mouvement de réforme, les fondements de la culture de défense demeurent intangibles : dévouement, courage et sens de l'action collective. Cet outil ne serait rien sans la qualité des femmes et des hommes, civils comme militaires, qui le servent quotidiennement, et auxquels nous avons rendu hommage hier.
M. Alain Gournac. - C'était magnifique !
M. Hervé Morin, ministre. - Par leur amour de la France et leur professionnalisme, ils montrent aux Français combien ils peuvent être fiers de leur défense et compter sur leurs armées.
Cette réforme engage notre responsabilité envers les générations futures : la défense est gardienne de notre héritage et porteuse de nos valeurs. Grâce à elle, nous construisons l'avenir de notre pays pour qu'il conserve toute sa place parmi les grandes nations et participe aux grands équilibres du monde. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Josselin de Rohan, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le vote d'une loi de programmation militaire marque toujours une étape majeure pour notre politique de défense, qu'il s'agit d'inscrire dans une indispensable vision à moyen terme tout en assurant la cohérence entre les objectifs et les moyens. Ce texte répond bien à cette exigence. Il ne prévoit pas une simple continuation de la précédente loi de programmation militaire, mais fait suite à la réflexion menée dans un cadre dépassant très largement les seuls responsables de la défense, et dont a découlé le Livre blanc.
Nous poursuivons principalement trois ambitions. Tout d'abord, il nous faut adapter notre outil de défense. Même si des ajustements ont constamment été opérés dans les dix ou douze dernières années, le cadrage stratégique de notre politique méritait d'être entièrement réactualisé. Depuis le précédent Livre blanc, la réalité du monde multipolaire s'est affirmée, modifiant les rapports entre États, et générant des tensions et des crises. Nous devons tirer les enseignements de nos engagements militaires dans des opérations très diverses, y compris dans des régions du monde en dehors de notre champ d'intervention traditionnel.
Il nous faut aussi prendre en compte les vulnérabilités nouvelles susceptibles d'affecter le territoire et les populations par une vision plus globale anticipant tous les risques quelles que soient leur nature et leur origine. Les perspectives en matière de défense doivent également être considérées à la lumière du développement des opérations de l'Union européenne, des résultats obtenus lors de la présidence française et de la réflexion menée sur l'articulation entre notre ambition européenne et notre position dans l'Alliance atlantique, à laquelle appartiennent également vingt de nos partenaires.
La deuxième ambition consiste à permettre à la France de continuer à assumer ses responsabilités en matière de sécurité internationale. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, il lui faut intervenir dans le règlement de crises hors d'Europe et témoigner sa solidarité avec ses alliés de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique. L'accentuation prévue de l'effort de défense traduit un choix clair et courageux pour maintenir la France parmi les nations dotées d'une capacité d'action militaire au plan international.
Enfin, ce texte entend poursuivre la modernisation de notre outil de défense dans un cadre financièrement soutenable. La loi de programmation qui s'est achevée il y a six mois aura été avant tout une loi de redressement : les crédits ont été consommés à près de 98 %. Sur les quatre derniers exercices, nous avons consacré 15,5 milliards d'euros par an aux dépenses d'équipement, soit 30 % de plus qu'au cours de la période 1998-2001. Parallèlement, la professionnalisation a été consolidée et la capacité opérationnelle des armées attestée sur les théâtres d'opérations. Mais nous avons sévèrement décroché de l'objectif de réalisation du modèle et, en dépit d'un effort financier très conséquent, l'écart a continué de se creuser dans l'avancement des programmes d'équipement, en raison du surcoût lié à l'entretien des matériels et à plusieurs programmes, et de difficultés industrielles. Le glissement des programmes et la réévaluation des coûts d'acquisition et d'entretien rendaient une remise à plat inévitable, effectuée dans le cadre du Livre blanc.
Cette loi de programmation s'inscrira dans un cadre plus souple que par le passé. L'horizon 2020 n'est pas assorti d'un nouveau modèle, mais de grands objectifs opérationnels et de capacités susceptibles d'être régulièrement réactualisés. La loi de programmation sera révisée au bout de quatre ans, avec un point d'étape en 2010 lors de la loi triennale de programmation des finances publiques. La volonté d'accroître les ressources allouées à la défense se traduit par une augmentation du budget de la mission, auquel s'ajoutent les crédits du plan de relance et les recettes exceptionnelles provenant de cessions immobilières et de fréquences : 31 milliards d'euros annuels hors pensions, soit 4,5 % de plus qu'en 2008, sont prévus pour les six prochaines années. Il s'agit donc bien d'une priorité quand la règle générale est la croissance zéro. C'est un point très positif.
Enfin, au sein de cette enveloppe en progression, est prévu un profond redéploiement des crédits. Le ministère de la défense n'a cessé de se réformer depuis la professionnalisation, mais cet effort doit être poursuivi, en priorité pour les structures d'administration générale et de soutien sur lesquelles 75 % des réductions d'effectifs doivent être concentrées. La part des dépenses de personnel et de fonctionnement devrait passer de 50 à 43 % des ressources hors pensions. La part du budget d'équipement augmentera en conséquence et représentera en moyenne 17 milliards d'euros par an, soit 10 % de plus qu'en 2008.
Les gains ainsi réalisés permettront également de poursuivre l'amélioration de la condition des personnels, tant militaires que civils, grâce à de nouvelles grilles indiciaires et à des mesures indemnitaires. Le provisionnement des opérations extérieures sera porté à 630 millions d'euros en 2011, contre seulement 24 millions en 2001.
De nouveaux équilibres vont s'établir au sein de notre outil de défense. Les choix effectués permettent à la France de conserver, dans le cadre d'un format resserré et concentré, un éventail de capacités en accord avec ses responsabilités internationales. Avec le maintien des moyens de la dissuasion et l'accentuation des capacités de connaissance et d'anticipation, notamment grâce à la progression du budget spatial militaire qui passera de 500 à 800 millions d'euros, ce texte montre que la France entend conserver les moyens de son autonomie stratégique, renforçant ainsi sa spécificité en Europe.
C'est sur les moyens d'intervention que les incidences de la contraction du format sont les plus sensibles, particulièrement sur ceux liés au combat terrestre de haute intensité et sur la flotte de surface, avec la diminution du nombre de frégates et le report de la décision sur un éventuel second porte-avions. Toutefois, les matériels de nouvelle génération attendus disposeront de capacités opérationnelles renforcées par rapport à leurs prédécesseurs. Un effort très important portera sur des programmes moins emblématiques, mais essentiels en termes de capacités militaires tels les nouveaux capteurs optiques ou radars, les moyens de communication et de transmission de données et les armements de précision. Les dotations pour l'entretien des matériels, déjà très fortement réévaluées au cours de la précédente loi de programmation, seront majorées. Les moyens consacrés à la recherche seront consolidés plus que véritablement augmentés. Cela doit d'autant plus nous inciter à mutualiser la recherche européenne, dans le cadre de l'Agence européenne de défense ou de projets bilatéraux ou multilatéraux.
Le cadre général de notre politique de défense pour les prochaines années a recueilli l'approbation de la majorité de la commission, mais il faut évoquer certains défis auxquels elle sera confrontée et sur lesquels il faudra être particulièrement vigilant. La dégradation du contexte économique et financier fait courir un risque à l'augmentation des ressources. Dans l'immédiat, le Gouvernement a choisi d'accélérer, et non de freiner, la réalisation de la programmation. Les crédits prévus pour 2009 et 2010 ont été majorés par le plan de relance, et tout est fait pour qu'ils soient consommés et participent au soutien d'un secteur très important pour notre économie. Nous souhaitons que l'attention particulière portée à la défense soit maintenue lorsque les conditions économiques auront changé et que le remboursement des avances s'effectue selon le calendrier prévu, de manière échelonnée.
Le deuxième défi est celui des recettes exceptionnelles. (M. Didier Boulaud s'exclame) Nous avons pris acte de la mise en place, à l'automne, de la structure nécessaire à la cession des immeubles parisiens du ministère, et des avances budgétaires permettant de pallier le retard prévisible des ventes immobilières et de fréquences. L'essentiel est que le volume global des ressources exceptionnelles ne soit pas remis en cause.
Le troisième défi est celui de la réorganisation du ministère et de la déflation des effectifs, dégageant les marges nécessaires. Faute de véritable mobilisation, le recrutement des militaires engagés servira de variable d'ajustement, au détriment de nos capacités opérationnelles.
Enfin, le quatrième défi sera de maîtriser d'éventuels surcoûts en cours de programmation. Un comité ministériel d'investissement et un comité financier évalueront le coût et la soutenabilité des programmes d'armement.
Sur plusieurs programmes, néanmoins, la programmation est établie sur la base de cibles et cadences de livraison qui n'ont pas encore été consolidées. L'équilibre économique du programme Rafale sera ainsi conditionné par les résultats à l'exportation ; malgré une mobilisation au plus haut niveau, cet aléa demeure.
La poursuite du programme A400M est une autre incertitude : l'enveloppe devra couvrir son financement ainsi qu'une large gamme de mesures destinées à atténuer l'aggravation du déficit en transport aérien.
Le maintien en condition opérationnelle des équipements constitue lui aussi un enjeu majeur. La maîtrise de coûts en pleine progression est indispensable au respect des équilibres financiers prévus dans le projet de loi.
Enfin, à l'issue de la revue de la structure de commandement de l'Otan, nous devrons dégager un effectif plus important que prévu pour servir dans les états-majors alliés. Il n'y a pas de raison que ce surcoût soit entièrement supporté par la loi de programmation militaire.
Le projet de loi comporte d'importantes dispositions législatives. Il fallait assouplir les conditions de créations de filiales par DCNS, qui voit s'ouvrir de réelles perspectives de développement. (M. Jean-Pierre Godefroy s'émeut) L'Assemblée nationale a apporté des garanties sur le maintien des droits sociaux des personnels transférés. DCNS doit rapidement bénéficier de conditions identiques à celles des autres entreprises publiques.
L'inscription de la Société nationale des poudres et des explosifs (SNPE) au rang des entreprises privatisables lui permettra d'évoluer en consolidant ses activités dans les domaines de la propulsion et des poudres et explosifs. La commission a approuvé le principe de la privatisation, même s'il appartient au Gouvernement d'en apprécier le moment et les modalités.
Enfin, la question de la protection du secret de la défense nationale a donné lieu à malentendus : il s'agit de permettre -et non de limiter- des perquisitions pouvant toucher au secret de la défense nationale, en leur donnant un cadre juridique reposant, à l'instar de la procédure actuelle de déclassification, sur l'intervention de la commission consultative du secret de la défense nationale. Dans son avis du 5 avril 2007, le Conseil d'État a souligné les obstacles à la conduite de perquisitions lorsque sont en jeu des documents classifiés, et l'impossibilité pour le juge d'accéder à certains lieux. Il fallait un cadre juridique clair. L'Assemblée nationale, après de longs débats, est parvenue à un texte équilibré, même si le rôle du président de la commission consultative aurait gagné à être mieux mis en évidence. (M. Alain Gournac le confirme) Tout comme la commission des lois, nous avons cependant préféré nous en tenir au texte de l'Assemblée.
M. Didier Boulaud. - Conforme !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - A ce stade, des modifications de détail prolongeraient inutilement la navette, alors que ce texte, déposé en octobre 2008, est très attendu. Il doit être adopté définitivement, alors que s'élabore le projet de budget pour 2010.
En programmant, pour les six prochaines années, une augmentation des moyens, nous adressons un signe clair à la communauté de la défense. Cet engagement financier de la Nation donne tout leur sens aux efforts de réorganisation et d'adaptation que civils et militaires accomplissent avec résolution et discipline. C'est également un signe important pour nos personnels engagés sur les théâtres d'opérations, auxquels nous devons tous rendre hommage. (Applaudissements à droite)
M. François Trucy, rapporteur pour avis de la commission des finances. - (Applaudissements à droite) Si l'intégrité d'un territoire, la liberté et l'indépendance d'une nation sont des biens fondamentaux, les lois de programmation militaires et les budgets consacrés à la défense nationale sont des textes essentiels. Pour que la France conserve son rang dans le concert des nations et contribue au maintien d'une paix mondiale plus que jamais menacée, notre programmation militaire doit être à la hauteur. Si la France veut préserver la sécurité sur son propre territoire, et partout où vivent et travaillent nos compatriotes, nos armées doivent être opérationnelles.
La loi de programmation militaire est issue du Livre blanc, de la révision des programmes de défense, de la révision générale des politiques publiques, et de la réorganisation générale des armées lancée par le ministère de la défense. Le rapport qui lui est annexé reprend les conclusions du Livre blanc sur les orientations de la politique de défense, décrit la programmation des équipements, décompose l'enveloppe financière : c'est un travail énorme, que notre commission a particulièrement apprécié.
Parmi les dispositions législatives figurent la révision de l'ordonnance de janvier 1959, la création d'un Conseil de défense et de sécurité nationale et, en son sein, d'un Conseil national du renseignement.
La loi est évolutive : elle prévoit un rapport d'étape en 2010, une révision au terme de quatre ans et une nouvelle loi de programmation pour 2013-2018, ce qui lui permettra de s'adapter aux évolutions stratégiques, politiques et économiques. Elle mécontentera ceux qui croient encore viable le modèle Armées 2015, mais conviendra aux réalistes, dont le Sénat, qui ne se paye pas de mots.
La loi est cohérente : avec les études qui l'ont précédée, avec les leçons tirées de l'exécution de certaines lois de programmation précédentes, avec les priorités du Livre Blanc. Elle trace les perspectives du financement des équipements militaires à l'horizon 2020, garantissant la poursuite des programmes au-delà de 2014. Elle est en concordance avec le plan de relance.
La loi de programmation militaire est sincère dans l'exposition de ses ressources humaines et financières. Mais le défi sera difficile à relever, car il faudra respecter les engagements financiers, ainsi que la déflation des effectifs prévue. Une gestion rigoureuse des programmes d'équipement suppose une bonne exécution des contrats par les industriels. Il faudra également gager les surcoûts indispensables à la modernisation des équipements militaires.
La moitié des crédits prévus par l'État dans le cadre du plan de relance concerne la défense. C'était un sacré pari. Regroupés dans une mission spécifique, créée pour deux ans, ces crédits seront réservés à un programme exceptionnel d'investissement public. La charge sera intégralement engagée sur le territoire national. Le ministre a rappelé les programmes concernés. Une question toutefois : quid de l'équipement de la direction du renseignement militaire (DRM) ?
La gestion des effectifs s'articule autour de cinq priorités : la réduction des effectifs, le maintien des recrutements, le soutien à la condition militaire et à l'action sociale des armées, la fidélisation des contrats, les reclassements en sortie de contrat.
La loi de programmation oblige à préserver l'équilibre entre les suppressions d'emplois et les recrutements. L'armée accueille chaque année entre 20 000 et 30 000 militaires et civils ; il est indispensable de préserver l'attractivité des contrats. Il ne suffit pas de dire, comme font les services de communication des armées, que celles-ci offrent des centaines de métiers passionnants : il faut que cela reste vrai. Or la diminution en cours d'année de certains crédits de fonctionnement ne peut que réduire les activités qui rendent ces métiers attractifs. Il est également nécessaire d'améliorer la condition militaire et d'encourager l'action sociale des armées, car, dans une armée professionnelle le poids des familles est lourd. Les lois de finances précédentes y ont pourvu, mais il faut poursuivre cet effort afin de fidéliser les nouvelles recrues. Beaucoup de militaires s'inquiètent aujourd'hui de leur avenir.
Enfin, les armées doivent offrir des perspectives à l'issue des contrats. La loi prévoit des indemnisations et des pécules, mais elle élargit surtout pour les militaires l'accès aux emplois publics. Cependant, même si ces passerelles ne concernent que les titulaires d'environ 1 100 équivalents temps plein sur un total de 6 300 supprimés chaque année, n'est-il pas trop optimiste de prévoir que la moitié d'entre eux seront versés à la fonction publique d'État, l'autre moitié à la fonction publique territoriale, si l'on songe aux baisses drastiques d'effectifs résultant de la RGPP ? D'ailleurs, pour garantir le succès de ces reclassements, il faut prévoir des mesures d'accompagnement.
Nous félicitons le ministère pour ce projet de loi qui est assurément le fruit d'un travail considérable. (On ironise à gauche) La réorganisation de nos armées, la réalisation des bases de la défense, la consolidation de nos capacités opérationnelles : tous ces objectifs devraient être atteints. C'est pourquoi la commission des finances, à une exception près, a approuvé ce texte et souhaite que le Sénat en fasse autant. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)
M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. - La commission des finances, comme à son habitude, a examiné sans complaisance ce projet de loi et s'est notamment interrogée sur son équilibre financier. Si le texte nous avait paru irréaliste, nous l'aurions dit. Mais ce n'est pas le cas, malgré les aléas auxquels l'action politique ne peut échapper.
M. Hervé Morin, ministre. - Sans aléas, il n'y a pas de vie !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - La principale qualité de ce projet de loi est sa sincérité. (M. Didier Boulaud s'esclaffe) Il eût été facile de prétendre que le « modèle d'armée 2015 », défini en 1997 puis en 2003, était encore accessible et de laisser à la législature suivante le soin de revoir les objectifs à la baisse. Le Gouvernement a le courage de reconnaître que 35 milliards d'euros manqueront en 2015 pour réaliser ce modèle, et rompt ainsi avec une politique d'affichage.
Quels sont les aléas auxquels nous sommes confrontés ? Il y a d'abord de faux aléas. A l'Assemblée nationale, l'opposition a insisté sur les incertitudes liées aux ressources exceptionnelles et à la déflation des effectifs, mettant même en cause la sincérité du projet de loi. Mais cette opinion est parfaitement infondée. En ce qui concerne les ressources exceptionnelles, il faut distinguer le court et le long terme. A court terme, M. le ministre a lui-même reconnu que les ressources provenant des cessions de fréquences hertziennes ne seront pas disponibles dès 2009. En outre, la société de portage que doivent créer la Caisse des dépôts et consignations et la Sovafim ne sera mise en place qu'en octobre prochain. Mais ce retard n'est pas de nature à compromettre l'équilibre du projet de loi, même au cas où le produit des cessions immobilières n'aurait pas été perçu avant l'automne. Sur 1,6 milliard d'euros de ressources exceptionnelles prévues pour 2009, 360 millions ont déjà été perçus, essentiellement sous la forme d'une soulte de la Société nationale immobilière. La diminution de l'inflation devrait permettre d'économiser environ 300 millions d'euros. En outre, le ministère de la défense devrait être autorisé à consommer plusieurs centaines de millions d'euros de crédits reportés de 2008 à 2009. Compte tenu du fait que les ressources exceptionnelles représentent seulement 5 % des crédits de la mission « Défense », certaines dépenses pourraient être reportées à 2010.
M. Didier Boulaud. - Au diable l'avarice !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Il est vrai qu'à long terme, on peut craindre que le produit des cessions de biens immobiliers en province, initialement évalué à 400 millions d'euros, ne soit très inférieur à cause de la crise immobilière...
M. Didier Boulaud. - Mince !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - On fit d'ailleurs cette estimation avant de décider de céder des biens aux collectivités locales pour un euro symbolique. Mais les pertes ne s'élèveraient qu'à quelques centaines de millions d'euros d'ici à 2014.
M. Didier Boulaud. - On en a les moyens !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Rien aujourd'hui ne permet de penser qu'à l'échéance du projet de loi, les ressources exceptionnelles ne seront pas globalement disponibles.
De même, il paraît peu vraisemblable que l'équilibre du présent projet de loi soit remis en cause par une déflation des effectifs moins rapide que prévu. Le ministère de la défense n'est pas dans la même situation qu'une entreprise cherchant à réduire ses effectifs : une armée, par la nature des choses, connaît d'importants flux d'entrées et de sorties.
Quels sont donc les véritables aléas ? Le risque principal, passé jusqu'ici inaperçu, tient à l'effet conjugué des modalités d'indexation retenues et de l'inflation moins forte que prévu. Ce projet de loi de programmation, comme les précédents, est défini en euros constants. On pourrait s'en féliciter, les crédits étant ainsi protégés de l'inflation. Mais le présent texte innove en programmant non seulement les dépenses d'équipement, mais aussi les dépenses de personnel, qui ne dépendent pas de l'inflation et représentent environ un tiers des dépenses totales. Ainsi, dans le cas où l'inflation serait moins forte que prévu, le ministère de la défense ferait des économies sur les deux tiers de ses dépenses, mais pas sur le tiers restant, ce qui se solderait par une perte de pouvoir d'achat. Inversement, une inflation plus forte que prévu augmenterait son pouvoir d'achat : c'est le contraire de ce qui se passe pour la ménagère. La faible inflation en 2009 et 2010 pourrait donc diminuer d'environ 2 milliards d'euros le pouvoir d'achat de la mission « Défense » d'ici 2014. Mais rien ne permet d'exclure d'ici là une forte inflation.
Un autre aléa, moins important, tient au fait que les crédits de paiement en 2009 et 2010 sont légèrement supérieurs à ce que prévoit le présent projet de loi. C'est une bonne chose, mais cela nous laisse dans l'incertitude pour l'avenir : faut-il considérer qu'il s'agit de ressources définitivement acquises, ou de l'anticipation de ressources qui auraient dû être perçues plus tôt ?
Le projet de loi prévoit la livraison d'environ 50 Rafale d'ici 2014, mais, si les résultats à l'exportation sont moins bons, cela pèsera sur notre budget. S'agissant des opérations extérieures, le texte prévoit d'augmenter considérablement les crédits qui leur sont dévolus dans la loi de finances : il faut se féliciter de cet effort de sincérité. Mais il est probable que leur coût restera supérieur au montant prévu. Le projet de loi prévoit que ce surcoût sera financé par la réserve de précaution créée par la Lolf, mais la rédaction retenue est ambiguë : elle ne précise pas si la réserve de précaution utilisée sera celle des autres ministères. Dans ces conditions, il ne paraît pas impossible que le surcoût des opérations extérieures continue à être financé en partie par les crédits de la mission « Défense ». (Marques d'ironie à gauche)
En outre, on ne sait ce qui se passera lors de la révision du projet de loi en 2012. Les dépenses doivent normalement augmenter de 1 % par an en volume à partir de 2012, mais elles pourraient rester stables si les finances publiques sont toujours aussi dégradées. Les crédits s'en trouveraient diminués d'environ un milliard d'euros entre 2012 et 2014.
Je passe sur les aléas classiques liés au cours du pétrole, au coût de l'entretien du matériel, à l'évolution de la masse salariale, au possible dérapage du coût de certains programmes -souvenons-nous de l'A400M- ou à des commandes de matériel imprévues. Il demeure que ce présent projet de loi paraît plus réaliste que les précédents.
M. Didier Boulaud. - Surtout le dernier !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - La crise économique ne facilite pas les choses. Mais selon les estimations de la commission des finances, si toutes nos craintes se réalisaient, il ne manquerait que 7 milliards d'euros d'ici à 2014, dont la moitié imputable à la crise économique, alors qu'il a manqué 13 milliards d'euros pour réaliser la loi de programmation 1997-2002 et 8 milliards d'euros pour réaliser la suivante.
M. Hervé Morin, ministre. - Ce qui ne représente que 4 %.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Certes.
M. Didier Boulaud. - La faute à Madoff !
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. - Sensible au réalisme et à la sincérité de ce projet de loi, la commission des finances lui a donné un avis favorable. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La commission des lois a été saisie, pour avis, des articles 12, 13 et 14 qui modifient les dispositions du code de procédure pénale, du code pénal et du code de la défense, relatives aux perquisitions judiciaires et au secret de la défense nationale. Répondant aux incertitudes de notre droit relevées par le Conseil d'État dans son avis du 5 avril 2007, ces articles s'efforcent d'établir un équilibre entre deux objectifs constitutionnels : la nécessité de protéger le secret de la défense nationale et celle de disposer de moyens efficaces pour rechercher les auteurs d'infraction.
Alors que le droit en vigueur ne mentionne que les documents classifiés, le projet de loi introduit la référence aux lieux dans lesquels se trouveraient de tels documents ainsi qu'aux lieux qui seraient en eux-mêmes classifiés. Il distingue ainsi les lieux classifiés, les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale et les lieux neutres où sont incidemment découverts des éléments classifiés.
C'est dans la création des lieux classifiés que le projet de loi est le plus novateur et susceptible d'interrogations, tant nous pouvions craindre la création de lieux sanctuarisés interdits à toute visite, en quelque sorte des zones de non-droit. Cette nouvelle notion répond directement à une observation du Conseil d'État qui fait expressément référence au risque encouru par le juge du seul fait de sa présence dans un de ces lieux. Ainsi, l'article 13 qui les institue, les définit clairement comme des lieux « auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations et des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ».
Le texte, tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale, devrait apaiser les inquiétudes. La décision de classification résulterait d'un arrêté du Premier ministre, arrêté lui-même soumis à deux conditions. D'une part, seule la décision de classification ferait l'objet d'une publication au Journal officiel dans laquelle figurerait la liste de ces lieux. En revanche, leur délimitation précise ne saurait être rendue publique et devrait donc figurer nécessairement à l'annexe qui constituera elle-même un document classifié. Cette publication présente un double avantage : elle écartera le soupçon de classification de pure circonstance, liée par exemple à l'ouverture d'une information judiciaire ; elle permettra de connaître précisément le nombre de lieux classifiés. D'autre part, la décision de classification devrait être prise après avis de la commission consultative du secret de la défense nationale, commission dont l'impartialité est saluée par tous ses interlocuteurs et dont les avis ont, jusqu'à présent, dans leur quasi-totalité, été suivis par le Gouvernement. Enfin, la classification devrait être prise pour une durée de cinq ans afin d'inviter le Premier ministre à vérifier le bien-fondé de sa décision. L'éventuelle prolongation devrait faire l'objet d'une nouvelle procédure et serait rendue publique. Le nombre de lieux classifiés devrait être extrêmement réduit, au nombre de dix-neuf d'après les précisions que vous nous avez apportées, monsieur le ministre. En outre, compte tenu des contraintes lourdes qui régissent l'accès aux lieux classifiés, ceux-ci devraient, en principe, être étroitement circonscrits au sein des espaces protégés.
J'en viens aux lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale. Cette notion, issue des travaux de l'Assemblée nationale, a remplacé la notion imprécise de lieux « susceptibles d'abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale » et elle a le mérite d'interdire une interprétation très extensive. Les députés ont également souhaité que le choix de ces lieux fasse l'objet d'une procédure précise comportant trois garanties fixées par le législateur. Premièrement, ces lieux seront mentionnés dans une liste établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre. Deuxièmement, cette liste sera régulièrement actualisée et communiquée à la commission consultative ainsi qu'au ministre de la justice, qui devraient la rendre accessible au magistrat de façon sécurisée. Troisièmement, les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale seront déterminées par décret en Conseil d'État.
Enfin, restent les lieux neutres qui sont tous ceux qui ne relèvent pas des deux catégories précédentes et où, vraisemblablement, les informations classifiées se trouveront de façon irrégulière et seront découvertes fortuitement.
Compte tenu des garanties apportées par l'Assemblée nationale, il convient de maintenir le texte amendé. Au regard de l'État de droit, la loi interdit désormais juridiquement l'existence de lieux totalement sanctuarisés, la définition des lieux classifiés et des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale conduisant à considérer tout autre lieu comme un lieu neutre.
L'Assemblée nationale a mieux encadré la procédure de perquisition afin de préserver les compétences et les moyens d'action du magistrat, et de garantir la protection du secret de la défense nationale.
La perquisition intervenant dans les lieux classifiés, soumise à des conditions très strictes, ne pourrait être réalisée que par le magistrat lui-même et en présence d'un membre de la commission consultative. En outre, préalablement à la perquisition, le magistrat doit adresser au président de cette commission une décision écrite et motivée, indiquant la nature de l'infraction sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de cette dernière. La perquisition ne serait possible qu'après une déclassification provisoire des lieux par l'autorité administrative.
Pour les lieux abritant un secret de défense nationale, l'Assemblée nationale a profondément modifié les modalités d'intervention du président de la CCSDN. D'abord, l'information préalable du juge serait limitée aux seules « informations utiles » à l'accomplissement de sa mission. Cependant, ces informations ne doivent pas être entendues de manière restrictive, mais dans le cadre d'un dialogue constructif entre l'autorité judiciaire et le président de la commission. Ce président, ou son représentant, serait tenu de se transporter « sans délai » sur les lieux. Enfin, les informations relatives à la nature de l'infraction sur laquelle portent les investigations ne lui seraient communiquées qu'au commencement de la perquisition, à l'instant même où elles seraient également transmises au chef d'établissement, à son délégué, ou un responsable du lieu.
Pour les perquisitions amenant la découverte fortuite de documents classifiés dans des lieux neutres, si le magistrat ne se trouve pas sur les lieux, il est immédiatement averti par l'officier de police judiciaire et doit en informer le président de la commission consultative. L'Assemblée nationale a prévu la mise sous scellés des éléments classifiés par le magistrat ou l'officier de police judiciaire, sans que ces derniers puissent en prendre connaissance, et leur remise ou leur transmission au président de la commission, chargé d'en assurer la garde.
Le déroulement de la perquisition obéit aux mêmes principes de protection du secret de la défense nationale. Le dispositif proposé par le Gouvernement, sous réserve de quelques modifications, a été conservé par l'Assemblée nationale. Il comporte plusieurs garanties au regard de la sauvegarde de ce secret. Seul le président de la commission consultative pourrait prendre connaissance d'éléments classifiés découverts sur les lieux. Le magistrat ne peut saisir que les éléments classifiés relatifs aux infractions sur lesquelles portent ses investigations. Les éléments classifiés saisis seraient inventoriés par le président de la commission consultative, puis placés sous scellés par ses soins.
Je regrette que des dispositions, modifiant le code de procédure pénale et le code pénal, aient été incluses dans un projet de loi de programmation militaire. Pour autant, compte tenu des améliorations apportées par l'Assemblée nationale, les articles 12 à 14 assurent un équilibre satisfaisant entre les deux objectifs constitutionnels précités. En outre, le cadre juridique fixé exclura à l'avenir l'existence de lieux sanctuarisés et non identifiés, puisque le juge sera autorisé à y accéder. Les procédures de perquisition sont proches de celles retenues pour les perquisitions au cabinet ou au domicile d'un avocat. Enfin, le dispositif proposé accorde une place accrue à la commission consultative dont l'indépendance et l'impartialité n'ont jamais été remises en cause depuis sa création en 1998.
En conséquence, votre commission des lois vous invite à adopter sans modification ces articles 12,13 et 14. (Applaudissements à droite)
M. Yves Pozzo di Borgo. - Depuis deux ans, une vaste réforme modifie l'organisation de notre défense et ce projet de loi de programmation en constitue la clef de voûte. L'enjeu, important pour notre sécurité mais aussi pour l'emploi et l'industrie, aurait mérité que les conditions d'un vrai débat soient réunies, tant en commission qu'en séance publique. Tel n'a pas été le cas. Après le passage de la TVA à 5,5 % dans la restauration, cela fait deux fois, en l'espace de quelques jours seulement, que des dispositions aux conséquences considérables sont examinées par le Sénat dans des conditions insatisfaisantes.
M. Didier Boulaud. - C'est la revalorisation du rôle du Parlement !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Cela ne peut pas durer ! On ne peut pas continuer à attendre de nous des votes conformes pour éviter un accident de parcours lors d'une seconde lecture à l'Assemblée nationale. On attend de nous que nous votions la loi, pas que nous confirmions les votes de l'Assemblée. Ce n'est pas ce projet de loi qui est en cause, monsieur le ministre, ni le travail colossal qui a été accompli en amont, mais nos conditions de travail.
Je tenais à le dire car il aurait été souhaitable que les craintes émises à propos de l'article 5 et, plus largement, à propos du concept de sécurité nationale, soient levées. C'est une des innovations majeures introduites par le Livre blanc. Il s'agit de proposer une stratégie de sécurité nationale répondant à toutes les menaces contre la vie de la Nation. C'est une bonne chose, mais des réserves se sont exprimées, car associer sécurité intérieure et extérieure évoque de mauvais souvenirs. En fait, toute la pensée libérale et démocrate-chrétienne va à l'encontre de cette association. Nous savons trop à quelles terribles dérives l'ingérence des militaires dans la société a mené, notamment en Amérique latine, durant des décennies. Sans porter de jugement hâtif sur une situation complexe, les récents évènements au Honduras témoignent du fait que cette menace existe toujours. (On apprécie sur les bancs du CRC-SPG) Un débat moins réduit dans le temps aurait permis de rassurer, de lever ces réserves.
De même, il aurait été souhaitable que nous puissions, nous aussi, prendre le temps de débattre des articles 12, 13 et 14. Les dispositions votées par l'Assemblée nationale ont permis de trouver un juste équilibre entre la sauvegarde du secret défense et la recherche des auteurs d'infractions, et je me réjouis du fait que cette rédaction redonne à l'exécutif toutes les prérogatives qui doivent lui revenir en matière de secret défense.
Là encore, ce n'est pas le texte qui est en cause, c'est la forme qui aurait pu être améliorée. Le fond, en revanche, est à la hauteur de l'enjeu.
L'enjeu, c'est la sécurité de demain. Il faut la financer et c'est ce qu'autorise ce texte, puisqu'il constitue la première étape d'un effort de 377 milliards d'ici à 2020. Sur la période 2009-2014, 186 milliards seront affectés à la mission « Défense », dont 102 milliards pour l'équipement des forces.
Depuis la fin de la guerre froide, le monde a changé, les menaces ont changé. Mais la sécurité de demain passe toujours par la dissuasion. Elle n'est plus suffisante, mais elle doit rester « l'assurance vie de la Nation ». C'est ce que permettra cette loi de programmation, en maintenant notre effort dans ce domaine et en le renforçant, par le lancement d'un programme d'alerte avancée.
A ce sujet, nous devons prévoir un programme d'alerte spatiale qui serait un élément essentiel du futur système d'alerte globale avancée. Pour l'alerte spatiale, le démonstrateur Spirale, dont les deux satellites ont été lancés en février, confirme la faisabilité de ce projet. Mais afin que ce démonstrateur puisse jouer tout son rôle, il faut prévoir des investissements : 700 millions seraient nécessaires pour que le projet soit opérationnel en 2016. C'est peu, comparé aux dizaines de milliards que les États-Unis dépensent depuis 1982 pour construire leur bouclier antimissile. C'est peu, alors que la France pourrait proposer à l'Europe une protection antimissile autonome. J'espère que les orientations qui seront arrêtées permettront de dégager les moyens nécessaires.
Aujourd'hui, le programme « Recherche duale » doit définir une nouvelle stratégie. Depuis cinq ans, nous assistons à la reconduction des crédits à deux seuls opérateurs, le Cnes et le CEA. Mon collègue Christian Gaudin avait dit, lors de la dernière loi de finances, que cette situation n'était pas satisfaisante et il avait proposé la création d'un programme « Recherche spatiale » pour financer spécifiquement les travaux du Centre national de recherche. En reprenant le système Spirale, ce système d'alerte spatiale pourra avantageusement contribuer à la surveillance spatiale et aérienne ainsi qu'à l'observation de phénomènes naturels ou de sites industriels.
Depuis le lancement du premier satellite russe, le 4 octobre 1957, l'espace a pris une importance considérable dans nos systèmes de défense. C'est sans aucun doute l'un des principaux enjeux stratégiques de demain, et la France ne doit pas prendre de retard dans ce domaine. Aujourd'hui, ce système est vulnérable. Pour le protéger, il faudrait donner à l'espace toute la place institutionnelle qu'il mérite. Peut-être pourrait-on envisager qu'à côté de l'air, de la mer et de la terre, l'espace dispose, lui aussi, d'un état-major dédié.
Face aux nouvelles menaces, la sécurité de demain passe aussi par le renseignement. C'est pourquoi la loi de programmation militaire érige la connaissance et l'anticipation en nouvelle fonction stratégique. Concrètement, elle prévoit de créer 700 postes dans les services de renseignement, de lancer, avec nos partenaires européens, le programme Musis et de mettre en orbite un satellite d'écoute électromagnétique.
Un des grands enjeux de la défense de demain tient à l'amélioration de la disponibilité. Là encore, cette loi de programmation est à la hauteur de cet enjeu en permettant la montée en puissance du service industriel de l'aéronautique créé début 2008 et le regroupement géographique des parcs selon leur emploi.
Cette optimisation passe aussi par l'extension des nouveaux modes de contractualisation avec les industriels de défense -DCNS, Dassault, etc.- et par le développement du contrôle de gestion sur toute la filière.
La coopération avec nos alliés sera essentielle pour assurer notre sécurité. Le Livre blanc est très clair : avec nos partenaires européens et atlantiques, nous avons bien plus que des intérêts communs : nous avons un destin commun, qui doit se traduire par une véritable ambition européenne en matière de défense.
Sous la présidence française de l'Union, l'Europe de la défense a été relancée autour de projets concrets, comme un Erasmus militaire pour les officiers, un groupe aéronaval européen, une flotte européenne de transport, ou encore un réseau de surveillance maritime des côtes européennes. Cette évolution n'a pas échappé à nos partenaires. Depuis quelque temps, le Royaume-Uni se rapproche de l'Union européenne en matière de défense.
Le Livre blanc rappelle que cette défense européenne devrait être à terme en mesure de mener des opérations militaires autonomes et importantes. Cette autonomie n'est pas concurrente de l'Alliance atlantique. Bien au contraire, elle la renforce car l'Union européenne et l'Alliance Atlantique doivent être complémentaires. Cette idée rejoint d'ailleurs la doctrine défense de la famille centriste, inscrite dans le marbre par Jean Lecanuet. En rapprochant nos équipements de ceux de nos partenaires, en facilitant l'interopérabilité, en donnant à notre industrie de défense les moyens de nouer plus facilement des partenariats avec des entreprises européennes, cette loi de programmation nous satisfait pleinement.
Enfin, il faut que les femmes et les hommes qui assurent notre sécurité obtiennent les meilleures conditions matérielles, organisationnelles et financières possibles. Il faut qu'en cours d'intervention leur protection soit maximale et qu'ils puissent exercer leur métier dans les meilleures conditions. L'immense réforme de notre défense a demandé beaucoup d'efforts à tous les personnels. Heureusement, un vaste plan d'accompagnement a été prévu : 140 millions par an pour les aides au départ, à la mobilité et à la formation.
Mme la présidente. - Veuillez conclure !
M. Yves Pozzo di Borgo. - En revanche, comment comptez-vous accompagner les territoires affectés par la réforme de la carte militaire ? Mêmes interrogations sur les cessions d'emprises militaires avant leur dépollution. A l'heure du Grenelle de l'environnement, l'État ne peut laisser le secteur privé effectuer seul ce travail de dépollution.
Avec la loi de programmation militaire nous pourrons bâtir une nouvelle défense. La majorité du groupe de l'Union Centriste la soutiendra. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme la présidente. - Je demande à tous les orateurs de respecter leur temps de parole.
Mme Michelle Demessine. - En ce lendemain de 14 juillet, notre grande fête nationale républicaine qui célèbre la cohésion de la Nation et de ses armées, nous abordons, enfin, l'examen de cette loi de programmation militaire 2009-2014 qui fixe les principes de notre politique de défense et donne à nos armées les moyens nécessaires à l'exercice des missions que leur confie la Nation. Il est toutefois paradoxal d'examiner ce texte aujourd'hui, avec huit mois de retard, alors que la première annuité est déjà largement entamée et que le ministère de l'économie et des finances prépare la seconde.
M. Hervé Morin, ministre. - Nous aussi !
Mme Michelle Demessine. - Le Gouvernement nous demande de débattre de décisions qui sont déjà prises, et la majorité du Sénat, jugeant peut-être que la comédie a assez duré, nous invite à ne pas débattre en acceptant le texte de l'Assemblée nationale. (M. Josselin de Rohan, rapporteur, proteste)
Cela étant dit, nous critiquons aussi votre projet de loi car, sur le fond, il met en oeuvre des conceptions avec lesquelles nous sommes en profond désaccord.
En premier lieu, ce texte traduit la nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale définie par le Livre blanc de l'année dernière. Nous avions eu l'occasion, en son temps, de dire toutes les réserves que nous inspirait cette nouvelle stratégie. Nous nous opposons donc très vivement aux nouveaux concepts qui sous-tendent certaines analyses stratégiques et prospectives du Livre blanc. Celles-ci traduisent une conception d'un ordre mondial basé sur la domination et impliquent des modifications stratégiques et institutionnelles que nous récusons.
M. Hervé Morin, ministre. - C'est le contraire qui m'aurait étonné !
Mme Michelle Demessine. - La pleine réintégration dans le commandement militaire de l'Otan et le nouveau concept de sécurité nationale modifient considérablement l'approche de la défense nationale qui, jusqu'à présent, emportait l'adhésion de tous. La décision du Président de la République de réintégrer le commandement militaire de l'Otan est une réorientation stratégique qui révèle sa vision atlantiste de l'ordre mondial. C'est un gage d'alignement donné aux États-Unis afin de normaliser nos relations avec ce pays. Mais les raisons invoquées par le Président de la République sont injustifiées. Il ne s'agit en effet pas de renforcer l'influence de la France au sein de l'Alliance atlantique car nous savons tous que le poids de notre pays dépend plus de sa volonté politique, de ses capacités et de son savoir-faire militaires, que de son statut dans le commandement militaire intégré. La nomination de deux de nos généraux à la tête des commandements de l'Otan n'y changera rien : ils ne pourront qu'appliquer les concepts stratégiques conçus à Washington.
A l'en croire, le Président de la République voulait aussi rassurer nos partenaires européens en affirmant que nous ne voulions pas concurrencer l'Otan tout en les amenant à participer à l'Europe de la défense. Là encore, il n'y a pas de quoi pavoiser, devant les réactions de nos partenaires et les maigres résultats des six mois de présidence française. Nous n'avons enregistré aucune avancée sur la politique européenne de sécurité et de défense ni sur les créations d'un état-major permanent de conduite et de planification des opérations et d'une Agence européenne de l'armement dotée d'une réelle autorité. La réintégration du commandement intégré de l'Otan a donné un signal négatif à ceux des pays européens qui se satisfont d'une défense à moindre coût sous le parapluie de l'Otan et qui ne veulent pas d'une politique autonome de sécurité et de défense pour l'Europe.
Le statut spécifique de la France nous procurait une réelle autonomie de décision par rapport aux États-Unis et garantissait que nous voulions élaborer en Europe une politique commune de sécurité et de défense. La loi de programmation militaire qui entérine cette réorientation stratégique nous fera perdre ces précieux atouts.
La définition dans le Livre blanc d'un arc de crise allant de l'Atlantique à l'Océan Indien, avec la création d'une base à Abu Dhabi, est également lourde de conséquence. Il s'agit en effet de la première base française créée à l'étranger depuis la fin de la période coloniale. Avec cette implantation, la France a franchi un cap stratégique, souscrivant ainsi officiellement au rôle de sous-traitant des États-Unis dans la défense occidentale du golfe arabo-persique, au prix, sans nul doute, de la perte de son autonomie de décision.
Il est inacceptable que, dans un pays démocratique comme le nôtre, la décision stratégique d'implanter une nouvelle base à l'étranger n'ait pas fait l'objet d'un débat devant la représentation nationale. En outre, les accords de défense signés avec les Émirats, dont les parlementaires connaissent l'existence mais pas le contenu, nous feraient courir un risque majeur. Si l'on en croit des informations récemment parues dans la presse, nous risquerions en effet d'être entraînés quasi mécaniquement dans un affrontement nucléaire régional. (M. le ministre s'exclame)
Pour éviter ces ambiguïtés, il est indispensable, tout en préservant une confidentialité bien compréhensible, que les commissions parlementaires compétentes soient informées du contenu de ces accords de défense.
Nous sommes également très réservés au sujet de la cinquième fonction stratégique, les interventions extérieures, qui devraient être strictement circonscrites aux opérations de stabilisation ou de rétablissement de la paix autorisées par le Conseil de sécurité de l'Onu. Ces interventions coûtent de plus en plus cher -852 millions d'euros en 2008. Le Parlement doit se prononcer sur l'opportunité et la durée de ces missions !
Sur la dissuasion nucléaire, nous avons un désaccord fondamental. Vous en faites la clef de voûte de notre sécurité, quand nous y voyons un danger pour le monde et une incitation à la prolifération. Et la dissuasion nucléaire accapare trop de moyens budgétaires, la sécurité de notre personnel en mission s'en ressent. La France se doit de prendre des initiatives plus fortes que celle du Président de la République à Cherbourg l'an dernier. Il faut parvenir rapidement au désarmement multilatéral, et sans attendre abaisser le seuil de notre armement à la stricte suffisance.
M. Hervé Morin, ministre. - On y est déjà !
Mme Michelle Demessine. - La nouvelle stratégie, celle du Livre blanc, est à l'article 5 presque un cavalier législatif. Elle amalgame deux notions, défense nationale et sécurité intérieure, diluées dans un concept unique. Elle mélange toutes les menaces et tous les risques, sans hiérarchisation. Elle procède d'une vision strictement occidentale, conforme au « choc des civilisations » cher à l'ancienne administration américaine. Elle s'inspire trop directement des nouveaux concepts stratégiques de l'Otan. Un officier général français vient du reste d'être nommé à la tête du commandement de Norfolk pour travailler à la transformation des concepts de l'Otan.
Les risques que vous décrivez englobent tout à la fois la prolifération nucléaire, les attentats terroristes, les attaques informatiques, la lutte pour l'accès aux ressources naturelles, les pandémies, les catastrophes naturelles... Mais les solutions proposées sont essentiellement sécuritaires et militaires ; elles ne s'attaquent pas aux causes profondes. Les menaces, multiformes et diffuses, viennent de partout, y compris de l'intérieur, de certains quartiers ou de certaines catégories de la population. Nous dénonçons cette dérive !
Cette nouvelle stratégie induit un changement profond dans l'organisation des pouvoirs publics, en modifiant l'ordonnance de 1959 et en créant un Conseil de défense et de sécurité nationale. Vous touchez à l'équilibre même de nos institutions ! Nous nous opposons fermement à cet accroissement du champ des compétences du Président de la République. L'extension du secret de la défense nationale à des lieux modifie aussi nos équilibres institutionnels et n'a pas sa place dans une loi de programmation militaire. Cette nouvelle disposition semble surtout destinée à protéger des secrets d'État dans des affaires politiquement sensibles, plutôt que des informations concernant la défense nationale. Vous tirez les enseignements d'investigations judiciaires trop poussées à votre goût dans les affaires récentes, frégates de Taïwan, Clearstream, perquisition à l'Élysée à propos de l'assassinat du juge Borrel... La mesure va au-delà des recommandations de la commission consultative du secret de la défense nationale et de l'avis du Conseil d'État. Avec la nouvelle catégorie juridique des « lieux classifiés », vous étendez le secret défense, mais surtout vous restreignez gravement les pouvoirs d'investigation des magistrats en imposant l'habilitation du ministre de tutelle. Le pouvoir exécutif a toute latitude pour décider à tout moment de la classification d'un lieu ! Tout cela s'ajoute à la suppression prochaine de la fonction de juge d'instruction : on comprend que les magistrats soient inquiets de cette reprise en main.
Cette loi de programmation militaire n'est pas simplement la traduction des grandes orientations du Livre blanc. Elle contient aussi des mesures qui tendent à moderniser l'outil militaire, à le rendre plus efficace, plus mobile. Nous ne contestons pas les programmes d'équipement ; mais nous critiquons la façon dont cette loi sera financée.
Pour mieux équiper nos forces et revaloriser la condition militaire, vous organisez le plus grand plan social que notre pays ait connu et vous comptez sur des recettes exceptionnelles bien aléatoires. Vous prévoyez une « déflation » de 7 000 postes par an, principalement dans le soutien, l'administration et les personnels civils, sans oublier la perte de 16 000 emplois due à l'externalisation de certains services. Ces objectifs sont irréalistes en période de crise. Ils procèdent d'une application toute mécanique des principes de la RGPP. Et croyez-vous vraiment vendre pour un milliard d'euros d'immeubles parisiens ? Pensez-vous que les opérateurs de téléphonie vont se jeter sur les fréquences hertziennes et vous en offrir 600 millions d'euros ?
La privatisation de deux de nos industries stratégiques nous choque aussi grandement. DCNS, fleuron national de la construction navale, entrerait dans le droit commun des privatisations. Le démantèlement d'une entreprise intégrée se profile, derrière la création de filiales dans lesquelles l'État serait minoritaire. En quoi préservez-vous nos bases industrielles et technologiques de défense ? La privatisation de la Société nationale des poudres et des explosifs serait peut-être encore plus risquée ; cette entreprise fabrique des carburants utilisés pour les missiles balistiques ou pour les lanceurs spatiaux civils. Il n'est pas envisageable, « action spécifique » ou non, qu'un secteur industriel aussi sensible dépende pour une large part d'intérêts privés ! Cette orientation est révélatrice de la politique industrielle sans fil conducteur clair que vous menez aussi au plan européen. Vous voulez participer à tout prix au Monopoly européen dans ce secteur en privilégiant les prises de participation, les acquisitions, les alliances capitalistiques. Mieux vaudrait garder la maîtrise de la puissance publique et développer des coopérations et des partenariats où chacun conserve ses atouts nationaux.
Cette loi de programmation militaire, qui prétend adapter nos armées aux réalités d'aujourd'hui, le fait selon des conceptions stratégiques que nous ne partageons pas et par des moyens que nous condamnons. En conséquence, le groupe CRC-SPG votera contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le projet de loi de programmation militaire a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 29 octobre 2008 et il est regrettable que sa discussion devant le Sénat intervienne aussi tard et dans la précipitation. Entre-temps, la crise économique a bouleversé les perspectives économiques et financières ! Du reste, l'exécution de cette programmation militaire est subordonnée à la maîtrise des finances publiques, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter.
Le Parlement ne trouve pas son compte dans ce simulacre de débat. Une session extraordinaire, au creux de l'été, conduit le Gouvernement à demander au Sénat de voter conforme un texte amendé à la va vite par l'Assemblée nationale. Il serait navrant que le fait majoritaire, instrumentalisé d'en haut, ressuscite le vote bloqué ! Le Sénat est réduit à jouer le rôle d'une simple chambre d'enregistrement, y compris sur le rapport annexé qui reprend les orientations du Livre blanc de juin 2008, lequel imprime un réel tournant politique à la politique de défense.
Cette absence de débat sur le fond nuit au consensus, toujours souhaitable quand il s'agit de défense nationale. Je crois y avoir apporté ma pierre dans les années 70, en ralliant la gauche à la dissuasion nucléaire, au nom de l'indépendance nationale. L'attitude du Président de la République et du Gouvernement vis-à-vis du Sénat me choque, car le consensus national sur la défense a été jusqu'à présent un atout précieux pour la crédibilité de celle-ci.
M. Didier Boulaud. - Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Vous gâchez cet atout bien à la légère, par votre refus du débat comme par le contenu de votre politique, en rupture avec le souci de l'indépendance nationale.
Certes ce projet de loi de programmation a quelques avantages. Pour autant que les crédits prévus seront effectivement inscrits en lois de finances, il donne à nos armées la visibilité nécessaire et comble une partie de leur retard d'équipement. Mais il faut pour en juger se projeter à l'horizon 2020 et même au-delà... Or aujourd'hui, nos soldats, d'un grand professionnalisme, accomplissent leurs missions avec des matériels à bout de souffle.
Une déflation annuelle de 7 800 postes est censée gager l'investissement ; mais comment seront opérées les reconversions, notamment dans une fonction publique où un départ à la retraite sur deux ne sera pas remplacé ?
M. Didier Boulaud. - Exact !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Et comment éviter l'inversion de la pyramide des âges de nos militaires ?
La programmation pérennise la dissuasion. C'est, à mes yeux, un mérite non négligeable. A Prague, le Président Obama a ouvert des perspectives nouvelles à la réduction des armements nucléaires. Faut-il rappeler cependant les 1 700 à 2 200 -demain 1 500 à 1 650- têtes nucléaires déployées par les États-Unis et la Russie, les stocks de têtes stratégiques de ces pays ainsi que les armes nucléaires tactiques ?
On aboutit à un total de 10 000 têtes nucléaires. A Prague, le Président Obama a douté voir un jour le désarmement. La Chine, l'Inde, le Pakistan ont la bombe, et quand d'autres pays développent leur arsenal, il est légitime que la France se donne les moyens de calibrer sa dissuasion à un format de stricte suffisance, surtout compte tenu du fait qu'après vingt ans les systèmes perdent de leur fiabilité.
Si j'approuve certains aspects, je refuse une inspiration qui rompt avec l'indépendance. Le concept fourre-tout de mondialisation est censé justifier notre retour dans l'Otan sans qu'une défense européenne ait pris préalablement corps. Mais la mondialisation ne procède pas seulement de facteurs techniques comme la facilité des communications, elle vient de l'emprise croissante du capital financier qui bouleverse la géographie des puissances. Des pays anciennement avancés comme la France voient leur tissu industriel se déliter, tandis que l'on assiste à une montée de la Chine et de l'Inde ainsi qu'à un retour de la Russie. Des tensions se développent, ainsi sur les hydrocarbures, les matières premières, les inégalités se creusent. En résultent des replis identitaires, ethniques ou religieux qui nourrissent des conflits asymétriques, rendus plus dangereux par la dissémination.
Alors, quelle sortie de crise ? Nous ne devons pas nous mettre à la remorque d'autres puissances. Mais ce n'est pas le choix fait par le Livre blanc, qui met en avant le multilatéralisme. Certes, le Président de la République mentionne l'indépendance dans la préface, mais c'est en deuxième lieu, après nos obligations internationales. Et lorsque l'on approuve par principe l'élargissement de l'Otan, que devient sa gouvernabilité ? L'avoir complètement réintégré est symptomatique de notre nouvelle posture.
Il est inquiétant que l'Alliance se voit reconnaître la mission de gérer les crises au nom d'intérêts stratégiques communs -une communauté d'intérêts à démontrer. La France et les États-Unis n'ont pas toujours la même politique dans le Golfe ; l'Asie centrale n'a jamais été notre priorité, contrairement aux États-Unis.
L'Otan n'a pas à devenir une Onu bis. L'ambition européenne se trouve mise en avant sans que ses progrès aient assuré une contrepartie au retour dans l'Otan. L'état-major de Mons n'a que les moyens que l'Otan lui accorde et nos amis britanniques veillent à éviter toute montée en puissance.
M. Didier Boulaud. - Eh oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Les intérêts de sécurité communs ? Beaucoup de nos partenaires voient en l'Otan les moyens de s'en remettre aux États-Unis.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Ils évoluent.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Je ne le vois pas.
M. Didier Boulaud. - Même à la loupe !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Si nos voisins parlent d'un pôle européen, la plupart s'en remettent aux armes de l'Otan ou militent pour le désarmement de l'Europe ! Vous prétendiez aboutir à une défense européenne autonome mais vous aboutissez au résultat inverse.
En désignant comme ennemi prioritaire le terrorisme d'inspiration djihadiste, on nous amène à confondre défense et sécurité intérieure. Elles ne doivent pourtant pas l'être ; aux termes de l'article 15 de la Constitution, le Président de la République préside les conseils de défense mais non ceux de sécurité intérieure : la Constitution n'autorise pas cette extension de ses pouvoirs. Confondre action militaire et policière a plus d'inconvénients que d'avantages. On glisse de l'esprit de défense vers la sécurité nationale. Votre concept de défense nationale l'est fort peu, qui nous met dans le sillage des États-Unis, lesquels modifient leur politique sans prendre le temps de consulter leurs alliés. Ces méandres nous échappent largement. De Bush à Obama, vous retardez d'un président !
M. Didier Boulaud. - Exact !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Illustrant ces dérives, le texte sur la protection du secret de défense nationale est une usine à gaz. Il aurait fallu que la loi apporte publiquement une définition simple mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
La définition de nos zones de sécurité prioritaire commence par l'arc de crise qui va de la Mauritanie au Pakistan, mais est-il judicieux de confondre l'Atlas et l'Hindou-Kouch et de parler d'Afpak ? Il faut distinguer le conflit israélo-palestinien de la question iranienne sur laquelle la diplomatie française gagnerait à imiter le pragmatisme du Président Obama, car une guerre en Iran précipiterait les dangers que l'on veut éviter.
M. Didier Boulaud. - Très juste !
M. Jean-Pierre Chevènement. - L'Afrique, reléguée au troisième rang, n'aurait qu'une base, sans doute à Dakar. Mais une grande partie des francophones résident en Afrique centrale, dont les richesses attirent les convoitises et dont les États sont fragiles. On ne peut se dissimuler qu'il conviendrait d'y maintenir des forces prépositionnées.
Tout cela témoigne d'un rétrécissement de l'ambition nationale. Il en est de même avec la privatisation de la SNPE ou la création de filiales minoritaires de la DCNS alors que l'État doit contrôler la fabrication de ses missiles stratégiques.
Comment, à la longue, le consensus national sur la défense résistera-t-il à une telle accumulation d'analyses superficielles et d'orientations dangereuses ? Certes, tout n'est pas mauvais, et je serai vigilant sur l'application, mais l'adhésion ne peut aller qu'à une politique conforme à l'intérêt national.
Certains membres de mon groupe privilégieront les moyens offerts par cette loi de programme ; d'autres, plus sensibles à la désinvolture avec laquelle le Gouvernement traite le Sénat et à la réorientation de la politique extérieure, s'abstiendront ou voteront contre. Quelle défense indépendante après avoir réintégré le giron de l'Otan que le général de Gaulle nous avait fait quitter il y a 43 ans ? Il faudra nous convaincre ; nous jugerons votre politique aux actes. (Applaudissements et « très bien » à gauche)
M. Daniel Reiner. - Le 14 juillet, le pays se rassemble et, comme chaque année, on vient « voir et complimenter l'armée française ».
M. Hervé Morin, ministre. - Et après il y a le 15 !
M. Daniel Reiner. - Membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu, notre pays se doit de tenir son rang et d'affecter à la défense une part significative de son PNB. L'examen d'une loi de programmation doit être utile et affirmer cette volonté aux yeux de l'étranger, éclairer nos industriels et conforter le lien armée-Nation, si facile à distendre depuis la fin de la conscription. Votre loi de programmation 2009-2014 était attendue depuis longtemps ; elle méritait un large débat. Dommage qu'il soit escamoté par la volonté de la majorité sénatoriale de l'adopter conforme.
Cette loi vient après d'autres et ne peut ignorer les exercices précédents. Celle de 1996-2002, inspirée du Livre blanc de 1994 a intégré la suppression du service militaire et engagé la restructuration de l'industrie de défense.
M. Didier Boulaud. - Très bien !
M. Daniel Reiner. - Celle de 2002-2008 était, disait-on, volontariste. Trop ambitieuse, elle n'a pu atteindre les objectifs affichés. Les moyens n'ont pas suivi, et l'affirmation chaque année par chaque arme qu'elle avait pu assurer l'essentiel de ses missions, relevait de l'effet rhétorique.
Elle n'a pas non plus atteint son objectif pour les équipements, en dépit de la satisfaction de circonstance affichée année après année par la ministre de la défense au moment des lois de finances initiales. L'écart a grandi, jusqu'à la découverte de cette fameuse « bosse » qu'il faut aujourd'hui araser. Les rapports des commissions des affaires étrangères et des finances sur ce sujet sont plus critiques que ne viennent de l'être les rapporteurs au micro...
Le modèle d'armée 2015, séduisant sur le papier, s'est révélé inatteignable. Le groupe socialiste l'avait dit en son temps. Il n'est pas satisfait pour autant d'avoir eu raison, et l'on peut toujours espérer que les leçons du passé servent à bâtir une loi de programmation raisonnable, dans le cadre des moyens financiers que la Nation peut accorder à sa défense. Nous n'attendons pas un exercice déclamatoire, mais une programmation réaliste. Or le modèle que vous nous proposez aujourd'hui ressemble comme un petit frère au précédent, mais très amaigri après la cure RGPP.
Il était nécessaire de discuter du modèle d'armée : armée de projection ou de protection du territoire, ou apte à toutes ces tâches ? L'insuffisance des ressources financières est venue à bout du modèle 2015. Le nouveau modèle disposera-t-il des ressources nécessaires ? J'entends les déclarations et les promesses, qui n'engagent, comme on sait, que ceux qui les reçoivent.
Les budgets affichés pour cette loi s'élèvent à 30 milliards d'euros par an, augmentés pendant cinq ans de recettes exceptionnelles. Cela représente pour l'équipement une moyenne annuelle de 17 à 18 milliards. En 2002, le Gouvernement de votre majorité avait annoncé un effort de 14 à 15 milliards, équivalent à celui annoncé en 1996. Dans les deux cas, ces montants n'ont pu être atteints, même en période de croissance. Il faudrait être bien optimiste pour prévoir le contraire dans le contexte budgétaire actuel et avec un niveau d'endettement qualifié cet après-midi de « montagne de dettes » par le président de la commission des finances.
Votre volontarisme ne suffira pas, et il n'est guère raisonnable de maintenir dans ce texte des chiffres calculés avant la crise, à moins qu'il ne s'agisse d'une loi d'affichage de plus. J'espère en outre que le plan de relance de la défense ne sera pas seulement une anticipation de court terme rapidement touchée par la régulation budgétaire, qui s'est souvent exercée ces dernières années en priorité sur ces dépenses-là... Les engagements non tenus se sont traduits par des retards dans la réalisation des programmes et dans les livraisons, par des réductions de volumes et des augmentations de coûts qui désolent les unités et désespèrent les industries. Mieux vaudrait faire des choix et annoncer moins plutôt que de ne pas tenir ses engagements.
A l'exception des moyens de la dissuasion nucléaire, qui paraissent sanctuarisés -mais il faudrait y regarder de plus près-, le rapporteur du programme 146 que je suis ne peut que constater que les insuffisances capacitaires relevées au début de la dernière loi de programmation n'ont pas disparu. Ainsi des programmes d'hélicoptères de combat Tigre et de transports NH 90, dont on parle depuis vingt ans : les premiers Tigre viennent à peine d'être livrés et les NH 90 sont attendus pour 2011. Quant à l'avion de transport A400M, chacun sait ici, après avoir lu l'excellent rapport de nos collègues Masseret et Jacques Gautier, que la première livraison attendue cette année n'est plus à l'ordre du jour.
En outre, la disponibilité des matériels majeurs est affectée par l'insuffisance du renouvellement des pièces de rechange. C'est vrai de nos sous-marins comme de nos avions de combat. L'objectif de 240 appareils de combat avec un taux de disponibilité de 70 % est-il réellement atteignable ? Quel est ce taux aujourd'hui ? Allez-vous encore réduire le nombre de ces appareils ? La cadence de livraison du Rafale envisagée par la présente loi conduirait, si elle était prolongée, à la livraison du dernier appareil en 2036... (M. Didier Boulaud s'exclame)
Quant aux programmes de cohérence opérationnelle, considérés parfois à tort comme mineurs, ils sont constamment l'objet d'arbitrages défavorables. Destinés à parfaire l'équipement de nos unités engagées dans les opérations extérieures, ils font pourtant preuve de leur efficacité et pourraient inspirer la réalisation de programmes de matériels simples et fiables, rapidement adaptables aux divers théâtres d'opérations. Il y a là peut-être une source d'économie.
Monsieur le ministre, je plaide pour que l'on n'inscrive que ce que l'on pourra réellement faire, en qualité, en quantité et en temps, et que l'on renonce à ce que nos moyens ne permettent pas. Si cette loi faisait preuve de ce courage, cela constituerait un vrai progrès. Nous croyons, parmi d'autres, qu'elle n'a pas cette qualité. Ce projet ne choisit pas et voudrait à nouveau tout faire, ou du moins le faire croire. Ainsi, il s'agirait, selon vous, d'une armée de projection de 30 000 hommes en moins de six mois... mais sans moyens de projection.
Ces budgets, ces équipements n'ont de sens et de valeur que par les hommes qui les servent. Nous saluons tous ici régulièrement leur professionnalisme, leur dévouement, leur courage et leur capacité d'adaptation. Depuis la suppression du service militaire, ils ont eu à faire preuve d'une certaine flexibilité : la définition d'une armée « modèle 2015 » a été abandonnée, puis la RGPP, objet politique maI identifié, a exigé une réduction drastique de près de 54 000 emplois militaires en six ans, une nouvelle organisation du soutien et un déploiement des garnisons resserré autour des bases de défense. Attention à ne pas mettre la barre trop haut, ou plus exactement trop bas, avec 275 000 emplois en 2014 pour les trois armes et leur soutien et 7 à 8 000 suppressions d'emplois par an !
Le plus surprenant n'est pas tant la crainte de ne pas atteindre ce seuil, mais plutôt la réponse des personnels. Les volontaires au départ semblent plus nombreux que la déflation prévue. Cela mérite une analyse sociologique plus fine car l'armée doit attirer des vocations.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Daniel Reiner. - J'y viens, mais un budget de 377 milliards d'euros mérite bien une à deux minutes supplémentaires !
Comment ne pas craindre qu'une sous-estimation de la masse salariale ne fasse échouer un équilibre financier si délicat ? 13 000 soldats sont engagés en permanence dans des missions extérieures, 35 000 participent à des missions de présence et de souveraineté, et près de 2 000 assurent des missions de sûreté sur le territoire national. Pensez-vous que cette cure d'amaigrissement permettra de maintenir une armée opérationnelle ?
Cette loi présente des défauts majeurs : la réorientation stratégique qui la sous-tend, des moyens financiers surévalués, une déflation d'effectifs qui s'apparente à une saignée. La majorité à laquelle appartient votre Gouvernement est responsable de la question militaire depuis sept ans, voire quatorze. La programmation précédente et celle-ci s'exercent sous votre responsabilité, et les lacunes capacitaires sont le résultat de votre action. Comment aujourd'hui pourrions-nous vous faire confiance ? (Applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 19 h 40.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 21 h 45.
Conférence des Présidents
M. le président. - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.
JEUDI 16 JUILLET 2009
A 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense ;
A 15 heures et le soir :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;
3°) Discours du Président du Sénat ;
4°) Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'orientation des finances publiques pour 2010 ;
5°) Éventuellement, suite du projet de loi relatif à la programmation militaire.
LUNDI 20 JUILLET 2009
A 16 heures et le soir :
1°) Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital ;
2°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (Procédure accélérée) ;
3°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (Procédure accélérée) ;
4°) Projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants ;
5°) Projet de loi autorisant l'approbation de la convention de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;
6°) Projet de loi autorisant l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée ;
7°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ;
8°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ;
9°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris ;
10°) Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental ;
11°) Proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, présentée par M. Xavier Pintat.
MARDI 21 JUILLET 2009
A 15 heures et le soir :
1°) Sous réserve de la transmission du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, examen de la proposition du Président du Sénat tendant à la création d'une commission spéciale sur ce projet de loi et nomination des membres de cette commission spéciale ;
2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
MERCREDI 22 JUILLET 2009
A 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
Suite de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.
JEUDI 23 JUILLET 2009
A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
1°) Suite de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ;
2°) Navettes diverses.
ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 24 JUILLET 2009
A 9 heures 30 :
- Navettes diverses.
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Loi de programmation militaire (Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Discussion générale (Suite)
M. André Dulait. - Nous examinons ce texte qui dessinera les armées du futur en ce lendemain de fête nationale qui marque l'intérêt de la Nation pour nos forces armées. Transposition du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale présenté par le Président de la République en juin dernier, ce projet de loi, outre qu'il fixe les moyens humains et financiers de notre politique de défense pour les six ans à venir, est empreint du nouveau concept de sécurité nationale, ce qui n'est ni surprenant ni choquant. Demeurer nostalgique de l'ordonnance de 1959 ne permet pas de répondre aux nouveaux défis géostratégiques apparus après la fin du monde bipolaire et à la multiplication de multiples menaces difficiles à identifier Il y va de la sécurité de nos citoyens et de notre territoire ! Nous ne devons plus dresser de barrières entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. La France, dès 1995, bien avant le 11 septembre, a connu la triste réalité des attentats ; c'est faire preuve de responsabilité que de reconnaître que la sécurité de nos concitoyens peut dépendre de la situation à Kaboul ou à Islamabad et garantir la continuité de notre État et la protection de nos concitoyens, au-delà de la résilience... Il ne s'agit en rien d'attribuer des fonctions de police à nos soldats, ce que ce texte, au reste, ne laisse en rien présager.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - Bien !
M. André Dulait. - Ensuite, face aux menaces balistiques, NRBC -soit, nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques- et informatiques, priorité est légitimement donnée aux fonctions stratégiques telles que la connaissance et l'anticipation. Le rôle du renseignement sera renforcé du stratégique au tactique, avec la création du Conseil de défense et de sécurité nationale et du Conseil national du renseignement, mouvement qui prolonge la réforme du renseignement. En matière de secret défense, le texte comble un vide juridique pour mieux protéger l'autorité judiciaire. L'extension des prérogatives de la commission consultative du secret de la défense nationale facilitera la poursuite des auteurs d'infractions pénales tout en préservant les intérêts fondamentaux de la Nation.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - Exactement !
M. André Dulait. - Nous respectons profondément l'institution militaire, si consciente des évolutions géostratégiques. La guerre classique est révolue, les conflits sont asymétriques et les menaces de plus en plus diffuses car non étatiques. Les soldats en Opex sont les premiers témoins de ces évolutions et s'y adaptent. A ce titre, je salue l'exemplarité du ministère de la défense et de ses hommes...
Mme Nathalie Goulet. - Et les femmes ?
M. André Dulait. - Quel autre corps a su ainsi se réformer avec succès ? Après la professionnalisation des armées durant l'exercice 1997-2002, le ministère, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, a entrepris de réformer sa géographie territoriale. Il souhaite aujourd'hui consacrer les économies dégagées à l'amélioration des conditions et des équipements de nos soldats ; c'est toute l'ambition de ce texte. Pour la première fois, les armées bénéficient de leurs propres économies issues des restructurations et de réorganisations, notamment pour les fonctions de soutien et d'administration. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce cycle vertueux. Livre blanc et révision générale des politiques publiques, ce texte le montre, dessinent une politique de défense cohérente. Certes, le projet de loi est débattu avec quelques mois de retard, mais l'on ne peut que saluer sa sincérité budgétaire et sa trajectoire financière crédible avec l'augmentation des moyens de la défense. Il prévoit, en effet, un engagement inédit de 377 milliards d'ici 2020, dont 185 milliards seront affectés pour la période 2009-2014, et 200 milliards au total aux crédits d'équipements. La réorganisation procure des recettes exceptionnelles grâce aux cessions immobilières et à la vente des fréquences hertziennes, Pour ces dernières, même si l'encaissement du produit, évalué à 600 millions, interviendra avec un an de retard pour des raisons indépendantes du ministère, nous saluons l'annonce de l'avance de trésorerie pour combler ce manque à gagner en 2009.
Une politique de défense, c'est aussi une politique industrielle, comme le ministre l'a souligné. Nos PME sous-traitantes connaissant de lourdes difficultés dues à la crise, ce texte bénéficiera du plan de relance et verra son enveloppe majorée d'un milliard. Monsieur le ministre, nous formons le voeu que la défense verra ses fonds garantis lorsque notre situation économique redeviendra favorable...
M. Hervé Morin, ministre. - Moi aussi !
M. Bernard Piras. - On peut toujours rêver !
M. André Dulait. - Enfin, ce texte est cohérent avec nos engagements internationaux et européens. La réintégration de la France dans les structures militaires de l'Otan nous permettra d'assurer des responsabilités à la mesure de nos engagements (M. Bernard Piras ironise) dans les Opex, sans pour autant remettre en question la politique européenne de défense de notre pays.
M. Didier Boulaud. - Il n'en a pas !
M. André Dulait. - Relayer une sempiternelle opposition entre Europe de la défense et Otan serait anachronique : aujourd'hui, 21 pays de l'Union européenne sont membres de l'Otan et les deux politiques sont intrinsèquement liées. Le texte, en conséquence, prévoit une nouvelle augmentation de la part consacrée aux Opex qui s'établira à 630 millions en 2011. De plus, ce réajustement est pris en compte par le texte en mettant l'accent sur la coopération européenne, notamment par la réalisation d'objectifs concrets afin que l'UE joue son rôle dans la gestion des crises internationales, comme elle a su le faire pour lutter contre la piraterie dans le golfe d'Aden.
En conclusion, ce texte témoigne de la volonté du Président de la République de tenir ses engagements auprès de nos armées.
Directement et légitimement inspirée du Livre blanc sur la défense, cette loi de programmation militaire s'inscrit dans un cadre équilibré conciliant RGPP, besoins de nos armées et protection de nos concitoyens.
Les restructurations parfois difficiles dont témoigne ce texte créent, dans le même temps, des ressources exceptionnelles qu'il nous appartient de restituer au plus vite à nos armées, car la réalité qui est celle de nos soldats sur le terrain ne saurait attendre le long cours de la navette. C'est bien là l'enjeu de ce texte. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi en l'état. (Applaudissements à droite)
M. Robert Badinter. - Je partage entièrement, sur un point, le sentiment de notre rapporteur pour avis de la commission des lois : il est regrettable que la question du secret défense n'ait pas bénéficié, à elle seule, d'un débat au fond. Au lieu de cela, on l'insère dans une loi de programmation militaire dont on sait, toute importante qu'elle soit, et avant même que le débat n'ait lieu, qu'elle fera l'objet d'un vote conforme. J'ai donc un peu le sentiment, en montant à cette tribune, que je vais parler en vain, puisque rien de ce que je dirai n'a de chance d'être retenu...
Ainsi que l'a rappelé le rapporteur, nous sommes face à un problème constitutionnel. Car nous sommes censés répondre à un double impératif : protéger les intérêts fondamentaux de la Nation, et au premier chef le secret militaire, ce que nul ne saurait remettre en cause ; mais aussi permettre à la justice d'exercer sa mission constitutionnelle, en recherchant et poursuivant les preuves et auteurs des infractions. Si sa démarche doit être paralysée par l'existence d'un sanctuaire, que reste-t-il de cette mission constitutionnelle ? De cela, nous devons prendre la mesure.
Les plus hautes autorités de l'État nous rappellent constamment à cet impératif catégorique qu'est la lutte contre la corruption. Cela signifie bien que l'on ne peut admettre que certaines personnes soient placées hors de portée de la justice au motif que leurs agissements délictueux sont couverts par le secret défense.
Le secret défense est conçu pour protéger les intérêts vitaux de la Nation. Il ne saurait se muer en une protection que le pouvoir politique étendrait, pour des raisons politiques, sur certains. Encore une fois, nous sommes face à un impératif catégorique, en particulier dans le cadre international : j'aimerais que les membres de la commission des affaires étrangères en prennent la pleine mesure. La corruption est un fléau, tout particulièrement en Afrique.
Notre pays, en dépit de déclarations parfois fracassantes, ne fait pas bonne figure, loin de là, dans le classement établi chaque année par Transparency international. En 2007, il se situait à la 18e place, entre le Japon et les États-Unis -ce qui consolait tout de même un peu... Aujourd'hui, il a rétrogradé à la 20e place, tandis que les États-Unis et le Japon nous distançaient.
Nous sommes un des premiers pays producteurs d'armement et de haute technologie militaire, et c'est très bien ainsi. Mais nous savons que c'est là que sévit, et tout particulièrement dans les affaires internationales, la corruption la plus grande. Or, comment la justice, saisie de pratiques délictueuses, pourra-t-elle poursuivre les infractions, y compris le versement de commissions occultes, si elle se voit opposer le secret ?
Oui au secret défense, non au secret des affaires. On ne peut pas, au nom de la protection de nos hautes technologies de défense, prétendre que le versement de telle commission occulte à telle société domiciliée aux îles Caïmans est destiné à protéger nos intérêts vitaux.
Le débat doit se circonscrire autour de cet impératif. Or, nous avons tous entendu le satisfecit du rapporteur, tant était forte l'injonction du vote conforme.
Il y a certes eu des progrès dans le temps. Je pense à la création, en 1998, de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Le Gouvernement aurait, sur son rôle à venir, pris quelques légers engagements. Soit. Mais que l'on ne nous oppose pas, sur ce texte, la position du Conseil d'État : nulle part dans son avis il n'est suggéré de créer des lieux protégés, quand seuls des documents ou des données pouvaient jusqu'à présent l'être ! Il y aurait donc désormais, c'est là une véritable innovation, des lieux classifiés en eux-mêmes ? Et pourquoi ce paradoxe ? Parce que nous ne sommes pas capables de nous plier au bon sens qui voudrait que pour dénouer l'opposition entre un magistrat qui souhaite se saisir et l'autorité qui oppose le secret, une tierce autorité soit appelée à trancher. Dans un véritable État de droit, une telle autorité doit exister. Ce pourrait être la commission consultative elle-même, à condition que soit clarifiée par la loi organique la désignation de ses membres. Or, le texte ne prévoit qu'un avis de cette commission. On nous dit qu'il sera volontiers suivi. Soit. Il n'en reste pas moins que la décision revient, in fine, à l'autorité administrative, donc au ministre.
La liste des lieux sera publiée ? Mais la commission sera-t-elle auparavant consultée ? Non ! La liste sera établie par le Premier ministre et c'est seulement après, au coup par coup, que la commission donnera son avis. Il y aura donc des lieux « top secret » : mais face à un magistrat convaincu que se trouvent là des éléments permettant de confondre les bénéficiaires ou les auteurs actifs d'une corruption à grande échelle, qui décidera de déclassifier ? Non pas une autorité administrative indépendante, ou au moins une commission ad hoc, mais le pouvoir exécutif seul. Nous en sommes là ! Et il n'y aura pas d'amendements !
Il y a un immense danger à désigner des lieux, sur notre territoire, où les magistrats ne pourront plus se rendre, sinon avec l'aval de l'autorité administrative. C'est faire échec à l'État de droit. Voilà trop longtemps que l'on joue à ce petit jeu : on crée certes des garanties, mais qui deviennent inopérantes dès lors que le Gouvernement le décide. Et c'est ainsi que l'État de droit se dissout quand la raison d'État commande. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jacques Gautier. - Il est hautement symbolique que le Sénat se prononce sur la loi de programmation militaire 2009-2014, au lendemain du 14 juillet (M. le ministre apprécie), qui a permis à la Nation de témoigner sa reconnaissance à ses armées et de rendre hommage à la compétence, au professionnalisme et au courage de nos troupes.
Nous avons le devoir, dans un contexte économique et financier pourtant difficile, de leur apporter les formats opérationnels, les équipements, la maintenance et les moyens dont elles ont besoin pour assurer leurs missions.
Cette loi de programmation ambitieuse, cohérente et réaliste, conserve à notre pays l'éventail des capacités d'un acteur militaire majeur et lui permet d'assurer sa sécurité, de respecter ses engagements internationaux, de protéger ses intérêts, tout en prenant en compte l'évolution des menaces. Le volet industriel et technologique, source d'emplois, incarne l'avenir.
La loi de programmation est novatrice. Elle intègre les conclusions du Livre blanc. L'instabilité accrue du monde nous oblige à développer nos capacités d'anticipation et de connaissance et à adopter une approche plus globale, s'appuyant sur l'ensemble des acteurs, tout en développant la polyvalence de nos forces. Mais le Livre blanc planifie les équipements et effectifs en fonction des besoins réels et des perspectives financières. Contrairement aux deux précédentes, cette loi de programmation ne définit pas un modèle d'armée, par nature figé et rapidement obsolète. Elle instaure l'évaluation : au-delà des lois de finances annuelles, plusieurs programmes seront décidés en 2011 et 2012 au vu de l'évolution stratégique et économique.
La loi de programmation consolide le financement des Opex, pour atteindre progressivement 630 millions. Les surcoûts nets seront financés par prélèvements sur la réserve de précaution interministérielle, et non au détriment du budget de la défense.
Depuis la professionnalisation de nos armées, les personnels militaires et civils ont vécu une déflation régulière des effectifs, avec un remarquable sens de l'intérêt de la Nation. Cette loi fait de l'adaptation des ressources humaines un pivot de la réussite de la programmation, d'une part, en tirant les conséquences des formats opérationnels définis par le Livre blanc en fonction de nos besoins et de nos capacités ; d'autre part, en intégrant la nécessaire réorganisation de nos soutiens et de l'administration.
Les économies brutes dégagées en fonctionnement et en personnel sont totalement sanctuarisées et leurs destinations définies : améliorer les conditions militaires, mettre en oeuvre les restructurations et accompagner socialement les personnels, dégager des marges de manoeuvres pour les équipements.
Ces sommes -1,2 milliard sur six ans- sont complétées par les recettes nouvelles dégagées par les cessions de patrimoine et de fréquences hertziennes, ainsi que par le volet Défense du plan de relance, qui permet d'atteindre un niveau d'investissement inédit et de financer des programmes indispensables. Au total, plus de 7 milliards supplémentaires seront consacrés aux programmes majeurs. Nul doute que le ministre saura rassurer ceux qui s'inquiètent des incertitudes qui pèsent sur les montants et les échéances.
Les programmes destinés au renseignement et à la maîtrise de l'information sont essentiels, car il faut anticiper. Les trois satellites du programme européen Musis remplaceront les systèmes actuels - Helios II pour la France, Sar-Lupe pour l'Allemagne- avec des capacités d'imageries tout temps, jours et nuits et des performances inégalées. Il nous faut disposer rapidement de drones sur les segments Male et Tactique et rattraper notre retard face aux Américains et aux Israéliens. Notre parc actuel de drones pourrait être complété par l'achat d'un quatrième Harfang et d'un deuxième segment sol. Surtout, nous devons choisir, pour le futur système Male, entre l'UAV d'EADS, le SDM de Dassault et Thalès sur une plate-forme Heron ou l'achat « sur étagère » du Heron israélien ou du Predator américain. Le choix doit prendre en compte les délais, les coûts, les performances et les retours en termes d'emplois. Dans le segment tactique, je me félicite que des drones Sperwer, intégrés au sein du système de drones tactiques intérimaires, soient déployés en Afghanistan. Il faut toutefois accélérer les livraisons des drones de contact Drac et les affecter d'urgence à nos troupes sur le terrain.
En matière nucléaire, les programmes prévus modernisent notre outil de dissuasion tant au niveau de la composante océanique et aéroportée que des transmissions nucléaires ou de la mise en service du laser mégajoule.
Concernant les capacités de projection, de mobilité et de soutien, nous connaissons tous les problèmes entraînés par le retard du programme A400M. Profitant du moratoire, les discussions vont bon train entre les pays concernés et l'avionneur. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour trouver des solutions avec les pays partenaires le 24 juillet. Ce programme ne peut échouer. Les moyens de compenser le trou capacitaire existent : il faut maintenant les mettre en oeuvre en officialisant les solutions, les calendriers et les modes de maîtrise retenus.
Les capacités d'engagement et de combat concentrent 40 % des crédits d'équipement, car beaucoup de matériels sont anciens. Pour la composante aéroterrestre, l'accent est mis sur le VBCI, qui a défilé le 14 juillet : 594 VBCI sur 630 devraient être livrés pour 2014 ; les vieux AMX 10 P seraient remplacés au fur et à mesure, ce qui implique la livraison parallèle des équipements Félin pour les fantassins embarqués. La totalité de cette commande, dont la cible a été ramenée à 22 500 exemplaires, devrait être aussi effective en 2014. Le successeur du missile filoguidé Milan n'a toujours pas été défini ; peut-être faudrait-il retarder ce programme et acheter, si nécessaire sur étagère, quelques Javelin américains ou Spike israéliens. Le Canon de 155 Caesar apporte mobilité, souplesse d'emploi, allonge et précision ; nos troupes en Afghanistan ont bien besoin de ce soutien.
Je me félicite que l'on aille vers un parc homogène d'avions de combat centré sur le Rafale. La piste du réacteur M 88 en version dite Smart, délivrant neuf tonnes de poussée sur des phases spécifiques de vol, mérite d'être approfondie. La phase intermédiaire reposant sur un parc mixte de Rafale et de Mirage 2000 D modernisés semble cohérente mais avec les retraits progressifs des Mirage F1, CT et CR ainsi que des Super-étendards puis des Mirage 2000 C et N, l'objectif de 300 avions polyvalents est encore loin.
Le report en 2011 ou 2012 de la décision sur le deuxième porte-avions est positif, car un choix rapide aurait déstabilisé d'autres programmes. L'orientation prioritaire pour six sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda représentera une réelle amélioration capacitaire et opérationnelle par rapport aux sous-marins de type Rubis.
M. le président. - Concluez.
M. Jacques Gautier. - Il faudra réfléchir en amont avec les utilisateurs finaux. Les Rubis ne peuvent emporter les matériels nécessaires à nos nageurs de combat, qui doivent s'entrainer avec les sous-marins allemands. Évitons cela pour les Barracuda.
En conclusion, je salue la volonté politique, la mobilisation financière et le pragmatisme qui ont présidé à l'élaboration de cette loi de programmation militaire. Sans l'effort consenti pour l'entretien et le maintien en condition opérationnelle, trop d'équipements vieillissants seraient indisponibles. Cette loi de programmation militaire ainsi que celle de 2015-2020 permettront de retrouver un niveau opérationnel satisfaisant, sans sacrifier la période transitoire. (Applaudissements à droite)
M. André Vantomme. - Depuis vingt ans, la France projette en permanence dix à douze mille militaires dans des opérations extérieures, qui s'ajoutent à ceux pré-positionnés dans des pays avec lesquels nous avons signé des accords de défense. Ces Opex coûtent cher et sont en augmentation continue. A 852 millions pour 2008, leur coût est probablement sous-estimé ; il ne devrait guère se réduire vu notre implication croissante en Afghanistan.
Ces opérations coûteuses ont attiré la curiosité de l'Assemblée nationale, où une mission d'évaluation et de contrôle sur le financement des Opex a été mise en place, ainsi que de la deuxième chambre de la Cour des comptes et de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, qui a publié un rapport intitulé Les opérations extérieures sous le contrôle du Parlement.
Pour financer les Opex, le ministère puisait traditionnellement dans ses crédits d'équipement. Depuis 2005 une dotation est inscrite à cet effet dans la loi de finances initiale. Le présent texte prévoit une budgétisation plus complète et porte la provision budgétaire de 510 millions d'euros en 2009 à 570 millions d'euros en 2010 et 630 millions d'euros en 2011. Il prévoit également que les crédits mis en réserve au titre des différents ministères pourront être mobilisés pour payer la différence. Que devient alors la sincérité budgétaire ? Vous demandez aux militaires un engagement total au péril de leur vie -il y a eu 27 morts en Afghanistan- et vous augmentez l'engagement de notre pays dans certains conflits, mais vous refusez d'inscrire les sommes nécessaires dans le budget de l'État conformément aux règles de notre droit budgétaire ! Ah ! Le bel artifice que la réserve ! Qui seront donc les généreux contributeurs ? L'éducation nationale, la santé, les affaires étrangères ?
Nous avons décidemment beaucoup de mal à respecter le principe de sincérité budgétaire dans nos interventions à l'étranger : M. le ministre des affaires étrangères continue année après année de comptabiliser de manière extra-comptable des annulations de dettes vis-à-vis de pays pauvres pour majorer artificiellement notre contribution à l'aide au développement !
Parlementaires et citoyens sont d'autant plus attachés au respect des règles comptables qu'ils ont eu vent d'enquêtes judiciaires portant sur des ventes d'armement à l'étranger... Dans le même temps le bouclier du secret défense s'agrandit. Attention à la contagion du soupçon ! La sincérité budgétaire est d'ailleurs indispensable pour que le Parlement puisse décider de l'évolution des dépenses en temps de crise.
Je finirai par une interrogation : le courage et les sacrifices de nos soldats en Afghanistan, les efforts budgétaires consentis depuis sept ans ont-ils été récompensés par les résultats obtenus sur place, par le progrès de nos valeurs et de nos idéaux ? (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Pintat. - Ce projet de loi de programmation est le résultat d'un travail approfondi entamé lors de la rédaction du Livre blanc : il s'agissait de revoir notre politique de défense et de sécurité en fonction du nouveau contexte international, des impératifs de sécurité de notre pays et des besoins de nos armées. Le présent projet de loi doit mettre sur les rails cette nouvelle politique en garantissant la cohérence des mesures prises. L'objectif est de mieux prendre en compte les divers facteurs qui, dans le monde instable où nous vivons, peuvent affecter notre sécurité à l'extérieur ou à l'intérieur.
Le projet de loi vise également à poursuivre la transformation de notre défense, entamée depuis la fin de la guerre froide et la professionnalisation des armées. Il est temps de réorganiser l'administration et le soutien aux armées pour les rendre plus efficaces et moins coûteux, afin de concentrer nos efforts sur l'entraînement et l'équipement des soldats.
Je crois enfin que ce projet de loi permettra à la France de mieux jouer son rôle dans les diverses instances internationales. La politique européenne de sécurité et de défense a pris corps ces dernières années : un grand nombre d'opérations très variées ont été menées. Mais il faut encore renforcer la coopération européenne, notamment dans les domaines de l'équipement, de la recherche, de la formation et de l'entraînement, ainsi qu'en mutualisant les moyens. En redéfinissant l'articulation de l'Europe de la défense et de l'Alliance atlantique, nous avons facilité l'élaboration de projets communs.
En tant que rapporteur des crédits liés à la dissuasion, à l'espace et aux systèmes de commandement et d'information, je voudrais évoquer certains thèmes qui me tiennent à coeur. Le rôle de la dissuasion nucléaire dans la stratégie de la France est confirmé : je me félicite de la cohérence entre les positions diplomatiques de la France, sa stratégie de défense et les moyens qu'elle consacre à la dissuasion. Au plan international, la France oeuvre en faveur du désarmement et de la non-prolifération. Au plan national, elle a entamé le démantèlement des sites d'essais et de production de matière fissile et la réduction du format des forces nucléaires, en particulier de la composante aéroportée. Il n'y a pas de contradiction entre notre politique et le message du Président Obama, qui évoquait récemment la perspective d'un monde sans armes nucléaires.
Ce mouvement ne pourra être poursuivi que si les deux principales puissances nucléaires consentent à réduire leur arsenal toujours considérable, et si la communauté internationale parvient à endiguer la prolifération nucléaire. En attendant, il est indispensable de maintenir notre capacité de dissuasion à un niveau strictement suffisant mais néanmoins crédible. Le projet de loi, qui prévoit le renouvellement de deux missiles et un programme de simulation, traduit bien cette ambition.
Je voudrais aussi souligner le renforcement des moyens affectés à la fonction « connaissance et anticipation ». Dans le domaine spatial, nos capacités d'observation et d'alerte progresseront, notamment grâce au programme européen Musis. Le budget spatial connaîtra au cours des prochaines années une forte augmentation, ce qui permettra d'élargir la gamme de nos moyens spatiaux mais aussi, espérons-le, d'accroître en Europe notre force d'entraînement. La loi prévoit l'acquisition, non seulement de satellites, mais d'équipements qui augmenteront nos connaissances et notre faculté d'anticipation : je pense par exemple aux systèmes de commandement et de communication ou aux nacelles de reconnaissance NG pour les avions de combat.
Comme ces équipements devaient être en partie financés par la cession de fréquences hertziennes, qui ne pourra avoir lieu cette année, vous avez promis, monsieur le ministre, des mesures compensatoires ; il est indispensable que les moyens nécessaires soient effectivement affectés à ces programmes.
Il faudra également améliorer notre équipement en drones, compromis ces dernières années par des difficultés industrielles. C'est un sujet sur lequel le comité interministériel d'investissement devra se pencher avec une attention particulière.
La défense antimissile n'apparaît qu'en filigrane dans ce projet de loi. La décision de développer notre capacité d'alerte balistique au moyen d'un satellite et d'un radar de très longue portée tend à renforcer notre autonomie d'appréciation et la crédibilité de notre dissuasion mais les échéances sont assez lointaines. Le missile Aster nous permettra d'intercepter des missiles balistiques de moyenne portée ; une version plus évoluée de l'Aster ou l'acquisition de radars de trajectographie ne sont pas encore à l'ordre du jour. Vous avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, qu'il fallait prendre en considération la fiabilité des techniques et le coût des investissements avant de décider d'acquérir ce genre de capacité. Ne prenons pas de décisions précipitées, mais sachons que ce sujet restera d'actualité, car un certain nombre de puissances régionales -la Corée, l'Iran- cherchent à développer leurs capacités balistiques. Il serait dommage que la France, qui est en Europe le pays le plus en pointe sur la technologie antimissile, prenne du retard.
Ce projet de loi ouvre la voie à une modernisation profonde de notre défense, grâce à un effort financier accru. Comme la majorité de la commission, je souhaite qu'il entre en vigueur rapidement. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)
M. Bernard Cazeau. - Je parlerai essentiellement des objectifs de privatisation inscrits à l'article 11.
Dans notre pays, depuis plusieurs siècles, la politique militaire est aussi une politique industrielle et d'aménagement du territoire. L'État s'est donné des leviers d'action en créant de grands groupes industriels spécialisés, détenteurs de technologies et de savoirs spécifiques, en lien avec notre politique d'armement et les intérêts économiques de la Nation. Il a pu assurer notre indépendance stratégique par des implantations éloignées des zones traditionnelles de combat et favoriser le développement économique de bassins d'emplois défavorisés, notamment dans l'ouest et le sud-ouest de la France.
La Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) fait partie de ce socle industriel militaire et civil. Investie dans les matériaux énergétiques et la chimie, cette entreprise publique de 4 000 salariés comporte plusieurs filiales et plusieurs implantations sur le territoire. Aussi, la perspective de sa privatisation, proposée par l'article 11, provoque-t-elle inquiétude et incompréhension.
Inquiétude, car nous savons ce qu'il adviendra des parties les moins rentables du groupe s'il est vendu : une privatisation aujourd'hui, c'est une cession demain et des restructurations après-demain. Je ne vous rappellerai pas l'histoire de Molex, cédée à Safran en 2004, revendue à des investisseurs d'outre-Atlantique en 2006 et délocalisée en Slovaquie en 2009 ! Il n'aura fallu que trois ans pour supprimer 300 emplois à Villeneuve-sur-Tarn. Il en sera de même avec des filiales de la SNPE, comme Bergerac NC, dont le résultat n'est pas satisfaisant pour le secteur privé et dont le métier et le marché se développent désormais davantage en Asie qu'en Europe. A Bergerac, la réforme de la carte militaire supprimera déjà 120 emplois avec la fermeture de l'Établissement spécialisé du commissariat de l'armée de terre ; faut-il y supprimer encore quelques centaines de plus ?
Cette perspective de privatisation suscite aussi de l'incompréhension, notamment auprès des 400 employés des filiales SNPE de Bergerac parce que les raisons financières avancées il y a quelques mois ne tiennent plus. Dans son rapport d'activité 2008, le groupe SNPE écrit en toutes lettres que l'indemnité versée par la filiale de Total-Grande-Paroisse, à la suite du sinistre d'AZF, « réduit de façon significative l'endettement financier net du groupe et aura une incidence très favorable sur le résultat net de l'exercice 2009 ». Dans le même document, on lit que « le groupe SNPE anticipe une progression de son chiffre d'affaire 2009 », de nature à compenser les incertitudes concernant ses autres activités.
Bref, un accord transactionnel satisfaisant après AZF, des contrats à long terme pour 2009, une dette en passe d'être comblée, de l'argent pour investir dans de nouvelles activités, des accords salariaux signés dans tout le groupe : l'entreprise renaît. Et pendant ce temps-là, le Gouvernement s'enferre aveuglément dans sa logique de privatisation ! A l'heure où le chef de l'État parcourt le monde et les sommets internationaux pour plaider en faveur de l'économie mixte, de la régulation, de l'intervention de l'État dans la sphère productive, son Gouvernement cède aux sirènes du tout privé ! Pendant qu'on prétend fonder un plan de relance sur l'investissement, la réindustrialisation de la France et qu'on lance un emprunt d'État pour développer l'économie, voilà qu'on pratique le délestage ! Comment concevoir que l'État garde ses entreprises dans les transports, dans l'énergie, dans le courrier, dans les médias, dans les jeux à gratter, dans le commerce de gros, mais qu'il les abandonne dans l'armement, compétence régalienne par excellence, ou dans la chimie, industrie exportatrice s'il en est ? On pourrait quand même accepter que des entreprises qui travaillent pour le carburant de nos missiles, la propulsion de nos fusées ou la chimie de spécialité demeurent dans le domaine public !
A moins que le but de tout cela ne soit de trouver des recettes puisque la loi de finances pour 2009 a prévu 5 milliards de privatisations et de cessions d'actifs. Cette motivation traduit une précipitation comptable plus qu'une réflexion industrielle. Nous nous opposerons donc à une privatisation précipitée et sans perspective et demanderons pour cela, sans grand espoir, la suppression de l'article 11. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Hervé Morin, ministre. - Merci au président de Rohan ainsi qu'à MM. Dulait et Pintat, d'avoir reconnu la sincérité et la cohérence de cette loi de programmation que nous avons voulue réaliste.
M. Bernard Piras. - On verra ça dans quelques années...
M. Hervé Morin, ministre. - Monsieur Guené, l'absence d'aléas, c'est la mort ! Les aléas font la vie ! Et il faut relativiser les 7 milliards d'aléas relevés par la commission des finances pour les mettre en rapport avec un total de 186 milliards !
Il existe en effet un aléa : l'indexation peut poser problème, notamment pour la masse salariale. Mais cette règle d'indexation est valable dans les deux sens et, en cas d'augmentation de l'inflation, cette loi de programmation nous protègera !
Pour le financement de l'Otan, il s'agit de savoir comment financer les surcoûts, non de diminuer encore les effectifs pour cela.
Sur l'A400M, il y a en effet une incertitude. Mais l'abandonner, ce serait, pour les Européens, renoncer pour des décennies à une flotte militaire de transport tactique. Dans ces conditions, il faut savoir accepter certains surcoûts... Qui, dans cet hémicycle, a déjà vu un seul programme militaire exempt de surcoût ? C'est impossible car les avancées technologiques sont permanentes. Si je milite pour ce programme, ce n'est pas seulement à cause de l'emploi, c'est aussi pour que l'Europe n'abandonne pas toute capacité de construction d'un avion de transport militaire.
D'après vous, monsieur Reiner, nous n'aurions pas fait de choix capacitaires ? Mais la restructuration de la carte militaire, qui tire les conséquences de l'absence de risque de conflit en Europe centrale, c'est déjà un choix capacitaire ! Nous réduisons sérieusement nos moyens en artillerie, en blindés, nous augmentons nos moyens satellitaires et renforçons notre dissuasion par un système d'alerte avancée.
A ce sujet, monsieur Pintat, avant de se lancer dans une défense antimissile, nous devons réfléchir à son coût : dans un budget contraint, il faudrait arbitrer entre les autres programmes à supprimer pour financer celui-ci. Mais en plus, un tel programme pose de multiples questions. Quelle défense antimissile ? Contre quelle menace ? Comme on ne pourrait mener seul ce programme, avec quel allié le ferait-on et, dans ce cas, qui détiendrait la clé ? Pour toutes ces raisons, je suis très réservé...
Monsieur Reiner, nous n'avons aucun problème de recrutement et assistons à une forte remontée de la vocation militaire et de l'attractivité de l'armée.
M. Bernard Piras. - Nous n'avons pas les mêmes informations.
M. Hervé Morin, ministre. - Monsieur Chevènement, sur le concept de sécurité nationale, M. Pillet a répondu mieux que je ne le ferais. Dans un monde global, la menace est globale et -vous le savez, vous qui avez été ministre de l'intérieur et ministre de la défense- il est nécessaire de mutualiser l'ensemble des moyens de sécurité -je pense notamment aux services de renseignements, DGSE et DCRI-, de faire qu'ils échangent leurs informations et définissent clairement leurs priorités. Le terrorisme a aujourd'hui des aspects intérieurs et extérieurs !
Il faut replacer le débat sur l'Otan dans son vrai contexte. Depuis 1949 nous faisons partie de l'Alliance atlantique et sommes tenus de respecter l'article 5 de son traité.
Nous avons détaché plus de 150 militaires dans l'ensemble des structures et des états-majors de l'Alliance sous des gouvernements de gauche comme de droite, sans que cela pose de problème. Nous avons commandé des opérations de l'Alliance et nous y affectons des hommes en permanence. Nous envoyons des hommes risquer leur vie sous l'égide de l'Otan et vous voudriez que nous renoncions à la planification, à la préparation et à l'organisation des missions ? Il y aurait une incohérence extraordinaire !
Comme vous, je considère que l'Otan n'a pas vocation à être une ONU bis : c'est d'abord et avant tout un système de sécurité collectif. Pour peser sur la transformation de l'Alliance, il faut que les Européens et les Français y siègent car nous avons une parole singulière sur ces sujets.
Concernant le surcoût des opérations extérieures, monsieur Vantomme, c'est l'hôpital qui se moque de la charité ! En 2002, lorsque vous étiez encore dans la majorité, vous aviez voté la somme magistrale de 24 millions pour financer les opérations extérieures alors que leur montant s'était élevé à 678 millions. Je ne sais si vous teniez le même discours lorsque le ministre de la défense de l'époque, M. Alain Richard, vous présentait ces chiffres. (Exclamations sur les bancs socialistes)
M. Bernard Piras. - Et comment donc s'appelait le Président de la République à l'époque ?
M. Hervé Morin, ministre. - Nous sommes en régime parlementaire... (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)
M. le président. - Laissez M. le ministre s'exprimer !
M. Hervé Morin, ministre. - Pour notre part, nous avons prévu 510 millions pour 2009, 570 millions pour 2010 et 630 millions pour 2011. Nous aurons couvert en loi de finances initiale 70 à 80 % des besoins. Avec la réserve interministérielle, une somme gelée et mutualisée, nous disposons d'une réserve de précaution, comme le fait toute collectivité territoriale bien gérée. (On s'exclame derechef à gauche)
M. Bernard Piras. - Avec les transferts de l'État, c'est difficile de constituer des réserves !
M. Hervé Morin, ministre. - M. Cazeau m'a interrogé sur la SNPE : lorsque cette entreprise a moins perdu d'argent, c'est quand elle cédait des actifs. Mais aujourd'hui, elle perd chaque année une trentaine de millions ! Nous protégerons le pôle propulsion de missiles balistiques de la SNPE, même si des entreprises privées, comme EADS, participent à notre dissuasion sans que cela pose le moindre problème. Nous sommes donc en train d'envisager une alliance avec une autre grande entreprise française pour préserver cette filière. En ce qui concerne le pôle munitions de la SNPE, nous examinons divers scénarios : un mariage avec une entreprise européenne ou bien une consolidation française. Enfin, la SNPE compte divers secteurs hérités du passé et nous essayons de trouver des partenaires. Ce que nous faisons, c'est ce qu'Alain Richard avait prévu en 2001 avec son projet Héraklès (exclamations sur les bancs socialistes) afin que la SNPE ne mette pas la clé sous la porte.
M. Bernard Piras. - S'il était là, il vous répondrait !
M. François Trucy, rapporteur pour avis. - Il a été le plus mauvais ministre de la défense que nous n'ayons jamais eu !
M. Hervé Morin, ministre. - Enfin, concernant le secret défense, je ne peux laisser M. Badinter dire ce qu'il a dit. Il s'étonne de l'existence de dix-neuf « sanctuaires ». Mais la liste sera publiée et vous savez bien que l'exécutif est contrôlé par le Parlement (M. Bernard Piras ironise) et par les médias. On imagine mal l'exécutif publier une liste de lieux secret défense tellement longue qu'elle viderait de son sens le projet de loi. En outre, cette liste pourrait faire l'objet de recours devant le juge administratif. Grâce à la publication de cette liste, le Parlement pourra interpeller le Gouvernement.
De plus, M. Badinter estime qu'il y aurait un lien entre ces sites et la lutte contre la corruption. Jusqu'alors, je n'aurais jamais imaginé que les pièces liées à une éventuelle corruption pourraient se situer à l'ile Longue ou au centre de conduite et de planification des opérations ! Établir un tel lien est vraiment abusif.
M. Bernard Piras. - Pourtant, c'était bien vu !
M. Hervé Morin, ministre. - Enfin, M. Badinter estime que ces lieux deviendraient inviolables. Mais c'est déjà le cas ! En vertu du code pénal, ces lieux ne sont aujourd'hui pas accessibles aux magistrats. Si les militaires laissaient passer un magistrat, il tomberait sous le coup de l'article 413-11 du code pénal et pourrait être puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Les militaires qui auraient laissé passer le magistrat seraient considérés, en vertu de l'article 413-10 du code pénal, comme complices. M. Badinter a donc fait un contresens majeur, car dans l'état actuel du droit, aucune perquisition n'est possible dans ces lieux, sauf à saisir la commission consultative du secret de la défense nationale. Le texte que nous vous proposons permet de parvenir à un équilibre entre la préservation des intérêts majeurs de l'État et la recherche de la vérité voulue par les magistrats. (Applaudissements à droite)
M. Didier Boulaud. - C'était laborieux !
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. - Motion n°107, présentée par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (n° 514, 2008-2009).
Mme Dominique Voynet. - A quoi bon cette séance ? Il nous est demandé d'examiner un texte important qui marque, comme toute loi de programmation, une étape majeure. Mais le Gouvernement veut aller vite en obtenant un vote conforme des deux assemblées, car l'examen de ce texte a pris un retard considérable alors qu'il a été adopté par le conseil des ministres du 29 octobre 2008.
Les députés de la majorité, qui, eux, ont été autorisés à déposer des amendements, et les sénateurs seront d'accord sur un point : le retard et l'urgence pourraient être recevables si ce retard n'était pas le fait du Gouvernement qui, ces derniers mois, a surchargé l'ordre du jour des deux assemblées de textes de circonstance souvent inutiles. En outre, l'urgence qui a été si souvent invoquée, a servi le plus souvent à limiter le rôle du Parlement alors que le Gouvernement prétendait vouloir revaloriser son travail. Les amendements des députés portent sur des points qui ne sont pas absolument essentiels, comme l'accélération des procédures permettant d'attribuer des décorations à des personnels engagés dans des opérations extérieures. Les sénateurs de la majorité sont, eux, au régime sec, au point de n'avoir déposé aucun amendement en commission sur un texte de dix-sept articles.
Pendant l'examen en commission des amendements déposés par les seuls sénateurs de l'opposition, certains membres de la majorité ont même regretté de ne pouvoir retenir telle ou telle de nos propositions.
Le Sénat n'aura le droit qu'à une seule lecture mais il aura débattu à deux reprises des manèges forains et des chiens dangereux, deux sujets qui relèvent de questions moins cruciales pour l'avenir de notre pays qu'un projet de loi de programmation militaire censé traduire les ambitions d'un Libre blanc qui a fait l'objet de dizaines d'auditions et d'un travail important de la commission des affaires étrangères et de la défense. Ce Livre blanc a suscité des analyses critiques, souvent pertinentes, et qui méritaient des réponses sérieuses. Or, le Gouvernement a déployé beaucoup plus d'énergie pour identifier les membres du groupe Surcouf qu'à nous apporter des réponses concrètes.
Le Gouvernement maltraite le Parlement. Faut-il pour autant que le Parlement renonce à ses droits ? Personne n'oblige les sénateurs à ne pas déposer d'amendements ! Le Sénat qui a su, à d'autres moments, résister à la volonté du Gouvernement pour améliorer un texte, comme la loi sur l'hôpital, ou pour refuser de remettre en cause un dispositif utile, comme celui qui fixe le pourcentage de logements sociaux, ne devrait pas renoncer à ses droits au motif que le président du groupe majoritaire est devenu ministre des relations avec le Parlement !
Et au motif que le président d'un autre groupe qui a su marquer son autonomie dans des moments importants de la vie démocratique a lui aussi hérité d'un portefeuille important.
La loi de programmation militaire nous est présentée alors que nous n'avons pas adopté les orientations du Livre blanc ; en juillet 2009, le Sénat est saisi d'un texte qui est censé être en vigueur depuis le 1er janvier dernier et il doit se conformer au vote de l'Assemblée nationale ! Le Livre blanc devait proposer une stratégie pour les quinze prochaines années ; la commission chargée de ce travail réunissait experts, personnalités qualifiées, parlementaires. Le précédent document datait de 1995, le monde avait changé, il fallait redéfinir la stratégie et l'organisation des pouvoirs publics. On se souvient de la démission de la députée Mme Patricia Adam et du sénateur M. Didier Boulaud parce que les décisions importantes semblaient se prendre à l'Élysée, sans la moindre considération pour le travail de la commission. Dés la parution du Livre blanc, nous avions demandé au Gouvernement de préciser ses intentions. On nous offrit un débat sans vote, en juin 2008, à quelques jours du début de la présidence française de l'Union européenne. Débat agréable, dont nous espérions qu'il fût utile et au cours duquel le ministre confirma : « au regard des avancées de l'Europe de la défense, la France se montre ouverte, sous certaines conditions, à l'idée de retrouver sa place dans le dispositif militaire de l'Alliance atlantique, sauf pour les questions nucléaires. » On connaît la suite : la présidence française s'est achevée sans avancée notable dans le domaine de la défense ; quelques mois plus tard, le Président de la République décidait le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan, décision avalisée au sommet de Strasbourg. Nombre de députés de la majorité y étaient franchement hostiles et le Premier ministre dut engager la responsabilité de son Gouvernement en mars 2009. Pendant que le Président de la République faisait connaître sa position aux dirigeants de l'Otan, les sénateurs recevaient un os à ronger : encore un débat sans vote !
Le Livre blanc, rédigé avant même que cette orientation ait été arrêtée, n'en tient pas compte. Tout comme il ignore l'infléchissement de la position américaine et les ouvertures faites par le nouveau président de ce grand pays pour préparer un monde sans armes nucléaires. Dans le monde entier, on a salué les paroles fortes de M. Barak Obama à Prague. En France, on a évacué la question d'un revers de main, considérant qu'il ne s'était rien passé.
Ce texte renforce les pouvoirs du Président de la République et son domaine réservé ; sa mainmise est totale sur les questions de défense et de sécurité. En présidant un Conseil de défense et de sécurité nationale aux compétences élargies, le chef de l'État empiète sur les responsabilités du Premier ministre. La redistribution des rôles au sein du Gouvernement s'opère au profit du ministre de l'intérieur, comme l'indique le transfert de la gendarmerie placée sous son autorité.
Mais il y a plus préoccupant encore : les articles 12 et suivants étendent le secret de la défense non plus seulement à des documents mais à des lieux, selon des modalités que même certains membres de la majorité ont jugées discrétionnaires et sur lesquelles ils ont exprimé des réserves. Nous les partageons, M. Badinter l'a bien dit. Les dispositions en cause sont en contradiction avec l'esprit de nos lois fondamentales, en particulier l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a point de constitution. »
Le Conseil constitutionnel a rappelé « l'indépendance de l'autorité judiciaire » dans sa décision du 1er mars 2007 et l'interdiction de porter des « atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction » dans deux décisions de 1999 et 2006. Le Conseil constitutionnel a aussi jugé que, au regard du principe de l'indépendance des autorités judiciaires, il n'appartient « ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ». Considérant ces décisions ainsi que la mésaventure de la loi Hadopi, dans laquelle le Gouvernement a tenté de substituer une autorité administrative à l'autorité judiciaire, je ne vois pas comment nous pourrions considérer que le présent texte est conforme à l'esprit du droit. La séparation des pouvoirs, l'indépendance de l'autorité judiciaire sont totalement méprisées.
La liste des lieux classés secret défense relève de l'exécutif sur simple avis de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN). Quelle est la place du Conseil d'État ? Le régime de perquisition applicable impose qu'une « déclassification » ait été décidée à la demande du magistrat. Elle relève de l'autorité administrative, sur simple avis de la CCSDN, sans recours possible. Le délit de dissimulation de l'article 12 vise uniquement les lieux abritant des éléments couverts par le secret défense, non les lieux classifiés en tant que tels. Cette loi offre donc au Gouvernement le privilège de créer des zones de non-droit législatif, sans avoir à s'en expliquer. Que l'État protège les intérêts stratégiques fondamentaux du pays, personne ne le conteste. Monsieur le ministre, ne me répondez pas en justifiant l'usage du secret défense, expliquez-moi pour quelle raison son usage devrait aujourd'hui être étendu.
La loi doit concilier défense des intérêts fondamentaux et séparation des pouvoirs, indépendance de l'autorité de la justice, protection des libertés fondamentales, en l'occurrence la liberté d'information. Or ici, le déséquilibre est patent ! Ces dispositions sur le secret défense auront en outre des effets immédiats sur le travail des magistrats, effets qui s'ajouteront aux conséquences de la suppression des juges d'instruction. Le Président de la République a qualifié de fable certains propos tenus par des magistrats et par les proches des victimes. Quelle désinvolture, sur un sujet aussi grave et douloureux !
Je voudrais croire que le souci de justice est largement partagé et que les magistrats pourront travailler en toute sérénité, sans pressions d'aucune sorte ni freins à leurs enquêtes. Mais comment, en conjuguant la suppression des juges d'instruction et l'extension discrétionnaire du secret défense, pouvez-vous espérer qu'une enquête se déroulera dans de bonnes conditions ?
Si le Sénat refuse de tenir compte des réserves formulées par quelques-unes des plus éminentes figures de la majorité, il sera demain impossible d'aller saisir dans un ministère ou dans une entreprise les contrats litigieux, les documents compromettants, les éléments douteux. Il sera impossible de saisir la corruption, de l'arrêter et de la sanctionner. Le secret défense sera utile, en temps de paix, pour protéger la délinquance financière, les bénéficiaires de commissions et rétro-commissions, les bandits en col blanc.
Je ne peux pas croire, monsieur le ministre, que ce soit là l'objectif du Président de la République et de la majorité. Et je veux croire que vous saurez, sur ce point, me répondre autrement que par la dénégation indignée ou la dénonciation de je ne sais quelle fable. Le Sénat s'honorerait de déclarer irrecevable ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)
M. François Pillet, rapporteur pour avis. - Nous ne nous indignerons pas mais chercherons ce qui peut nous rassembler. Le président Badinter a évoqué la difficulté juridique qui naît de la rencontre entre deux principes constitutionnels, deux plaques tectoniques.
Pas plus que vous, nous ne voulons permettre aux corrompus d'échapper à la justice : nous faisons nôtres les mots de M. Badinter, oui au secret de la défense, non au secret des sales affaires. Et faut-il refuser le secret professionnel lorsqu'il peut handicaper la recherche de la vérité sur les sales affaires ? Recherchons le consensus et l'équilibre. Je ne crois pas me livrer à une critiquable exégèse lorsque j'estime que l'avis du Conseil d'État évoque très clairement les lieux classifiés : il incombe au juge d'instruction, « lorsqu'il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la nécessité impérieuse d'éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale, compromission qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone, sous peine d'encourir les sanctions pénales qui assurent la protection de ce secret ». Le Conseil d'État dit en délié ce qui est écrit en plein dans le projet de loi. Aujourd'hui, c'est l'incertitude juridique qui empêche le juge de pénétrer dans certains milieux et qui sanctuarise ces lieux. Nous voulons que personne ne soit à l'abri de la justice et que, lorsqu'il existe des abris, ceux-ci deviennent perméables. Voilà pourquoi le texte pose les critères de définition de ces lieux, les conditions de déclassification. Il n'autorise pas tout mais il autorise plus qu'actuellement. Il est juridiquement faux de dire que le secret de la défense s'étend. Il recule et c'est l'état de droit qui avance. Il est abusif d'évoquer des zones de non-droit. Rejetons cette motion. (Applaudissements à droite)
M. Josselin de Rohan, président de la commission. - Défavorable.
M. Hervé Morin, ministre. - Défavorable.
A la demande du groupe socialiste, la motion n°107 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 140 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. - Motion n°42, présentée par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (514, n° 2008-2009).
M. Didier Boulaud. - Au lendemain de la fête nationale, je veux d'abord rendre hommage aux hommes et aux femmes engagés pour la défense de notre pays.
M. Robert del Picchia. - Très bien !
M. Didier Boulaud. - Cette année encore, nos armées et la gendarmerie ont été très sollicitées, et nous n'oublions pas ceux qui sont tombés au service de la France. Ils ont droit à notre reconnaissance. Cela nous engage et notre responsabilité est de leur accorder les moyens nécessaires. Le débat se doit d'être digne. Or nous sommes contraints à un débat en trompe-l'oeil. Corseté par un Gouvernement aux ordres de l'Élysée, la majorité s'oppose pourtant à ce qu'on en débatte et balaie tous nos arguments d'un revers de la main. Censure inacceptable et procédé d'autant plus indigne que le retard historique de ce projet est de votre seul fait ! Vous voulez bâcler la discussion ; notre question vise à vous contraindre au débat, même si nous savons le prix que vous lui attachez.
Le débat, vous le refusez. On parlait pourtant de revalorisation du rôle du Parlement ; il paraît même que l'on a révisé la Constitution à cet effet. Reste que la loi portera le nom du ministre qui n'a guère de motifs d'en être fier : on parlera de la loi-prog Morin, mort-née en dérapage incontrôlé ! Mais c'est votre choix...
Quand il s'agit de donner aux armées les moyens dont la France a besoin pour faire face aux menaces et jouer son rôle au service de la paix, on ne saurait s'en tenir aux approximations. Le vote conforme interdit au Sénat de jouer pleinement son rôle. Ce texte est le faux-nez d'une série d'articles parasites, ainsi sur les lieux classifiés. En outre, alors que vous aviez refusé un débat suivi d'un vote sur le Livre blanc, dont les conclusions étaient un peu téléguidées par le Président de la République -je peux en témoigner puisque j'y ai participé-, il a été annexé au projet.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. - Qu'y a-t--il de choquant à cela ?
M. Didier Boulaud. - Tout y passe. Il suffit d'un arrêt sur image sur l'article 5 qui traite du nouveau concept de sécurité nationale et crée de nouvelles structures auprès du Président de la République. Que l'on me comprenne bien, je juge qu'une coordination des renseignements était nécessaire, mais pourquoi la réaliser sous l'autorité du secrétaire général de l'Élysée ? C'est que les émeutes de banlieue de 2005 ont laissé des traces dans l'esprit de celui qui était à l'époque un ministre de l'intérieur à la peine. En héritiers attardés du bushisme débridé, il nous faudrait considérer que les banlieues sont quadrillées par des réseaux dormants islamistes n'attendant qu'un signe venu d'Orient pour se lever contre la civilisation judéo-chrétienne. Mais nous ne partageons pas cette vision simpliste.
Une fois ce texte adopté et le pouvoir du Président de la République renforcé, le ministre de l'intérieur sera le détenteur de toutes les décisions. La gendarmerie a été bradée, beaucoup par une ancienne ministre de la défense passée à l'intérieur, un peu par son successeur. Où sont le Premier ministre et le ministre de la défense ? La présidentialisation de la défense méritait un vrai débat, pas ce détournement législatif !
Ce texte officialise sur le plan législatif le changement stratégique opéré par Nicolas Sarkozy du temps de la présidence Bush. La présidence française a fait la démonstration de la place insignifiante de l'Europe de la défense : personne n'est dupe de l'abandon en rase campagne de cette belle ambition.
Enfin le projet est dépourvu de tout dessein en matière de stratégie industrielle, si ce n'est le mécano qui prépare la privatisation de la DCNES et de la SNPE. Il était pourtant possible, je l'ai dit, d'envisager d'autres évolutions.
Le procureur le plus farouche des aléas financiers qui guettent votre projet n'est pas très loin. Je vous recommande, puisque son auteur ne l'a pas fait, l'avis de la commission des finances. Il pourrait vous alerter mais quelle pertinence et que la lumière qu'il jette sur ce texte est crue ! L'héritage de la précédente programmation n'a pas été soldé et les promesses ne sont pas crédibles. Une révision interviendra en 2012 : voilà la programmation glissante dont la vie active ne sera, au mieux, que de trois ans. Une nouvelle loi est d'ailleurs prévue pour la période 2013-2018. Il s'agira de prendre en compte la situation des finances publiques, dont on imagine aisément qu'elle ne permettra pas une augmentation annuelle des dépenses de 1 % en volume.
Le Président de la République nous a expliqué benoîtement que la vérité, c'est qu'il a trouvé à son arrivée une situation financière plus que difficile, qu'il manquait 6 milliards par an à la défense : « qui peut me dire que cet objectif est seulement crédible ? ». Voilà qui exécute l'ancienne ministre de la défense et le Gouvernement auquel il a lui-même appartenu.
Quand nous tirions alors la sonnette d'alarme, cette vérité ne semblait pas bonne à dire à la majorité qui votait les budgets la tête dans le sable...
M. René Beaumont. - Et qui vient de gagner les européennes !
M. Didier Boulaud. - Les armées ne cessaient de regretter les retards des programmes d'armement majeurs -rappelez-vous la polémique après une tragique embuscade ! Les Parlements britannique et allemand ont débattu de l'engagement en Afghanistan, où la violence reprend, comme les Allemands viennent d'en faire l'expérience. Le conflit sera dur et long. En quoi ce texte y prépare-t-il nos soldats au moment où les États-Unis demandent plus de troupes et où l'Otan, que nous avons rejointe sans restriction, parle de 10 000 hommes ? Il nous serait agréable d'avoir votre réponse au moment de voter votre loi qui durera moins que la guerre en Afghanistan.
Cette programmation nous conduit dans l'impasse. Les choix de fond ne sont pas faits, et l'on table sur les engagements de crédits antérieurs.
Les nouveautés en matière d'équipement sont rares avec l'acquisition programmée après 2014 d'un dispositif de détection des tirs de missiles balistiques et la poursuite du développement des capacités de renseignement satellitaire. En revanche, le texte révise durement à la baisse certaines cibles telles que les drones, les équipements Félin, les hélicoptères Tigre, les frégates Fremm et missiles de croisière sans remettre en cause, ce qui n'étonnera personne, les Rafale dont la livraison est prévue selon un calendrier pour le moins baroque : livraison du dernier appareil annoncée pour 2036 ! Il y a fort à craindre, hélas !, que les moyens de transport aériens ne seront pas au rendez-vous en 2014. Autrement dit, on étale, on reporte, on éparpille, on pulvérise (sourires), on réduit les commandes mais on maintient tous les programmes... Vous êtes passés maîtres en procrastination !
Quant à l'Europe de la défense, elle piétine. Intervenant sur la réintégration de la France dans le commandement de l'Otan, je m'étais vu répondre qu'il « y aura davantage de défense européenne ». Malgré quelques moissons d'étoiles on a plutôt l'impression du contraire. Même l'Otan au titre de la Force internationale d'assistance à la sécurité n'a pas eu son mot à dire sur le remplacement du général Mac Kiernan à la tête des deux missions en Afghanistan. Est-ce en réduisant nos moyens que l'on pèsera sur les décisions de l'Union européenne et de l'Otan ?
Un mot sur la réduction des effectifs avec la suppression de 54 000 postes à terme. Que penser de ce gigantesque plan social en période d'explosion du chômage, sinon que le pari est douteux, voire cynique ? Le financement de 2009 à 2014 de l'augmentation des dépenses d'équipement doit être assuré par les 3 milliards des réductions d'effectifs et les 3,5 milliards des recettes exceptionnelles. Or notre méfiance est alertée quand les principales sources d'économie sont la création des bases de défense et la centralisation de l'entretien lourd du matériel aérien et terrestre sur quelques sites. Outre que ces mesures rencontrent plus de difficultés que prévu, il n'est pas certain que les économies seront au rendez-vous des budgets 2010 et 2011 d'autant que certains craignent une sous-estimation de la masse salariale et que, monsieur le ministre, vous envisagez déjà de réduire le nombre de bases. Je ne doute pas que les collectivités qui pensaient accueillir ces bases en seront très rapidement informées...
Mme Nathalie Goulet. - On peut l'espérer !
M. Didier Boulaud. - Enfin, si l'on ajoute l'inquiétude très largement partagée sur l'avenir des recettes exceptionnelles, le fragile équilibre financier du texte semble bien compromis. Ultime remarque sur les réductions d'effectifs prévues pour les fonctions de soutien. Êtes-vous en mesure de confirmer qu'une fois la purge achevée, les effectifs combattants seront au niveau souhaité par le Livre blanc, soit 30 000 combattants, projetables à 8 000 km et dans un délai de six mois pour une durée d'un an, suivie d'une action de stabilisation ? De nombreux personnels choisissent, malgré le difficile marché de l'emploi, en plus grand nombre que prévu, de nouveaux horizons professionnels, ce qui n'est guère rassurant pour notre outil de défense et le conduira, à terme, à occuper un rôle supplétif au sein de l'Otan.
Le contexte général de ce projet de loi, ce sont vos erreurs depuis 2002 ; le contexte particulier, le chômage avec 2 000 chômeurs de plus par jour, un commerce extérieur qui connaît un déficit de 20 milliards en 2006 et une dérive des comptes publics telle qu'on s'en bouche les yeux et les oreilles ! Et on voudrait nous faire croire que ces difficultés sont dues à la seule crise internationale ! Personne ne saurait nier son rôle mais rappelez vous les propos tenus par le Premier ministre qui déclarait déjà en septembre 2007 la France en faillite. Le Premier président de la Cour des comptes ne s'y est d'ailleurs pas trompé en indiquant que la moitié du déficit public prévu en 2009 résulte de la baisse des impôts et d'une maîtrise des dépenses très insuffisante. M. Seguin ne fait que confirmer ce que nous vous disons depuis des mois et des années : votre politique, depuis 2002, conduit le pays à la faillite car votre politique est mauvaise ! Comment vous croire quand le déficit budgétaire de 2009, 120 milliards, représentera la moitié des recettes nettes de l'État ? Tôt ou tard, vous passerez outre à vos promesses et puiserez dans les caisses de la défense !
En conclusion, cet ensemble législatif n'est pas cohérent et recevable par le Parlement. Les mesures relatives au secret défense, à l'organisation des pouvoirs publics et à l'organisation de la défense, qui remettent gravement en cause des principes fondamentaux, devraient faire l'objet de textes législatifs sur mesure. En particulier, nous refusons de cautionner un tel cavalier législatif sur le secret défense qui rompt des équilibres nécessaires au bon exercice de la justice dans notre démocratie. Sa sincérité budgétaire n'est ni manifeste ni prouvée. Son équilibre financier, précaire dès l'origine, est bousculé par la politique gouvernementale qui ne fait qu'aggraver la crise. Ce texte est déjà caduc. L'héritage de la loi de programmation 2003-2008 pèse si lourdement que nous ne sommes pas face à une nouvelle programmation mais devant une lettre d'intentions que le Gouvernement ne saura tenir. En conséquence, il est nécessaire d'opposer la question préalable au texte d'autant que la commission saisie au fond n'a pas tenu compte des amendements issus de l'analyse approfondie du projet de loi. Son irrépressible désir de faire plaisir au pouvoir exécutif a été plus forte que son désir intime d'améliorer le texte... Je vous invite donc, mes chers collègues, même si c'est beaucoup vous demander, à corriger cette anomalie en votant la question préalable ! (Applaudissements à gauche ; M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - Rien n'ayant trouvé grâce aux yeux de M. Boulaud, je ne répondrai pas à chacune de ses critiques. Cela serait trop long... (Sourires à droite)
Ce texte, loin de mêler des dispositions de nature très diverse, est constitué de mesures qui concernent toutes la politique de la défense et ont pour point commun de mettre en oeuvre les orientations du Livre blanc qui a d'ailleurs fait l'objet d'un débat dans cette assemblée, certes sans vote, parce qu'il ne s'agit pas d'un texte législatif.
Les mesures concernant les crédits, les effectifs et les mesures d'accompagnement liées ont été amplement discutées de même que les dispositions sur le secret défense et l'organisation des pouvoirs publics. Ces dernières résultent de la dernière réforme constitutionnelle qui rappelle clairement le rôle de chef des armées du Président de la République. A ce titre, il est parfaitement normal qu'il préside le nouveau Conseil de défense et de sécurité. Au reste, nous ne faisons que mettre en accord le droit avec les faits. Qui peut soutenir que le Président de la République n'a pas exercé la direction des opérations armées lors des grandes crises depuis 1958 ? Les présidents de Gaulle lors des crises de Berlin et de Cuba, Giscard au moment de Kolwezi, Mitterrand lors de la guerre du Golfe,...
M. Hervé Morin, ministre. - Et M. Chevènement ici présent ?
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - ...Chirac pour le Kosovo. Cela entre pleinement dans les attributions du chef de l'État. Quant au Premier ministre, il ne joue pas un rôle subalterne dans la politique de défense. Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter à la loi de programmation militaire : celui-ci est appelé à suppléer le Président de la République dans certains comités -le cas n'est pas rare- et coordonne l'action du Gouvernement en matière de défense. L'accusation est donc infondée.
Les dispositions sur l'industrie de défense sont parfaitement liées à l'objet de ce texte qui ne remet en cause aucun principe fondamental. La sincérité budgétaire n'est guère douteuse au regard de l'adéquation des programmes et des crédits et des moyens votés en 2009 en loi de finances initiale comme en loi de finances rectificative. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler ce qui s'est passé en 1998 et en 2001...
M. André Dulait. - Oh si !
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - ...où les fameuses encoches ont eu pour conséquence que nos navires ne pouvaient plus naviguer, nos hélicoptères ne pouvaient plus voler et nos chars ne pouvaient plus rouler ! (Protestations à gauche) Il a fallu une loi de programmation militaire pour rétablir l'équilibre. Si nous n'y sommes pas entièrement parvenus, figurez-vous, c'est qu'il y avait un retard énorme à rattraper ! Le Gouvernement que vous souteniez est à l'origine dudit retard ! (Applaudissements à droite)
M. Bernard Piras. - Peut-être, mais qui était alors le chef des armées ?
M. Josselin de Rohan. - Monsieur Piras, je ne me flatte de vous convaincre, je m'y essaierais si vous veniez plus souvent en commission...
Pour conclure, monsieur Boulaud, méditez ces propos de Rivarol : « C'est un terrible avantage que de n'avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. » (Applaudissements à droite)
M. Hervé Morin, ministre. - Avis défavorable.
Mme Michelle Demessine. - Ce texte est effectivement un curieux mélange des genres : outre des mesures financières qu'il est normal de trouver dans une loi de programmation, il comporte de véritables cavaliers législatifs. Les mesures relatives au secret défense, à l'adaptation du code de la défense au nouveau concept de la sécurité nationale, à l'organisation et l'équilibre des pouvoirs publics ou encore à l'industrie de la défense auraient effectivement dû figurer dans des textes distincts. Ensuite, sa sincérité budgétaire est douteuse. Vous faites le pari de financer la défense par une réduction drastique des effectifs, avec 54 000 postes supprimés d'ici 2015 dont 8 390 en 2009. De cette saignée, vous escomptez 2,7 milliards d'économies auxquels il faut ajouter un milliard attendu des restructurations d'implantations. Résultat, des territoires sinistrés par le départ des unités, des emplois supprimés dans l'industrie, des programmes annulés ou étalés comme la construction du second porte-avions, des véhicules blindés de combat d'infanterie, des hélicoptères Tigre et des frégates multi-missions. Monsieur le ministre, vous savez bien que la réforme de la carte militaire induira des coûts en équipements d'infrastructure et en accompagnement social et que les économies escomptées risquent fort de se transformer en surcoût... Enfin, les prévisions de recettes exceptionnelles, de nombreux orateurs l'ont dit sur plusieurs bancs, sont très aléatoires. Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera la question préalable.
A la demande du groupe socialiste, la motion n°42 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 141 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion des articles
Article premier
Les dispositions du présent chapitre fixent les objectifs de la politique de défense et la programmation financière pour la période 2009-2014.
M. le président. - Amendement n°80, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans cet article, remplacer l'année :
2009
par l'année :
2010
M. Daniel Reiner. - Un amendement modeste qui, en ne modifiant qu'une date, rétablit la vérité. Il est, de fait, surprenant que la programmation militaire débute alors même que la moitié de l'année budgétaire est passée... Les services de Bercy, comme, je suppose, les vôtres, monsieur le ministre, s'activent déjà pour préparer l'exercice 2010.
Toutes les dépenses afférentes à la mise en oeuvre de la loi de programmation sont-elles budgétées ? Sinon, la présentation de données essentielles à la formation de l'équilibre budgétaire serait faussée, ce qui entacherait lourdement le principe de sincérité budgétaire élevé au rang de principe de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 1993 et inscrit dans la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.
Personne n'ignore que l'équilibre de la nouvelle loi de programmation militaire repose sur un pari audacieux : réduction de format et réorganisations militaires afin de dégager de nouvelles marges de manoeuvre financières. Mais sans les ressources exceptionnelles, le pari s'écroule. Or, ces ressources-là semblent aussi exceptionnelles qu'introuvables...
On est en droit de s'inquiéter, enfin, de l'exécution réelle des budgets en cours et à venir. Dès le 21 septembre 2008, le Premier ministre, en déplacement à Calvi, martelait : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier ; je suis à la tête d'un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique ; je suis à la tête d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Ça ne peut pas durer. »
Je crains fort, dans le contexte économique actuel, que le budget de la défense ne soit la victime désignée d'arbitrages budgétaires désespérés, conséquences directes de votre réponse à une crise qui signe la crise de votre politique économique.
Quel crédit accorder, dès lors, à une loi qui programme le passé ?
On peut s'interroger sur la sincérité de la progression des crédits d'équipement. La réforme du ministère devrait, dites-vous, dégager des marges de manoeuvre. D'où la nécessité d'engager rapidement cette réorganisation, qui passe par une très forte déflation d'effectifs. Pari fort risqué dans la situation de nos finances et alors que le chômage grimpe...
M. Hervé Morin, ministre. - Votre temps de parole aussi...
M. Daniel Reiner. - Faire débuter cette nouvelle programmation en 2010 marquerait un premier pas vers la sincérité.
M. le président. - Je rappelle que les orateurs disposent de trois minutes pour défendre leurs amendements.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - Pour la cohérence de la programmation 2009-2014, l'annuité 2009 ne peut être dissociée. Défavorable.
L'amendement n°80, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
Article 2
Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2009-2014 et précise les orientations en matière d'équipement des armées à l'horizon 2020.
Mme Virginie Klès. - Nous serions donc saisis d'un texte censé fixer les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours d'une période 2009-2014 -dont M. Reiner nous a dit ce que l'on pouvait en penser-, dans le respect de la transparence et de la sincérité... On est loin du compte. Car voici un nouveau texte fourre-tout, mélangeant décisions législatives et volontés capricieuses du Président de la République.
Cet article 2 ne prévoit ni plus ni moins que l'approbation indirecte par le Parlement du Livre blanc dont le rapport annexé n'est rien d'autre que la synthèse. Un texte doctrinaire, issu de la seule volonté présidentielle, n'ayant fait l'objet d'aucun débat, rédigé par des civils, dans le mépris et l'ignorance affichée des avis militaires, recueillis « pour le fun », comme diraient nos enfants. (On s'indigne à droite)
Ainsi, le point 2.3.1 du rapport annexé, qui traite de la nouvelle base militaire d'Abu Dhabi, pose bien des questions. On peut d'abord s'interroger sur les procédures décisionnelles et le contrôle des structures ad hoc utilisées pour la construction d'un équipement si lourd. La fameuse transparence voulue par le chef de l'État ? Mais ces infrastructures militaires sont-elles autre chose que la base du président, dont la création a été gérée de A à Z par l'Élysée, dans le plus grand secret ? L'ouverture d'une nouvelle base à Abu Dhabi ne se fera pas au détriment de la présence française en Afrique, dites-vous. Mais comment, puisque l'armée doit aussi payer son tribut à la RGPP ? Les militaires rappellent pourtant que la présence des forces françaises renforcées en Afghanistan sera durable, soulignant qu'une nouvelle élongation stratégique permanente dans le golfe arabo-persique serait coûteuse, surtout pour conduire des missions qui se déroulent actuellement sans anicroche. Force est de constater, une fois encore, que le Président de la République est sourd à leurs arguments éclairés. Qui paiera ce « redéploiement » ? La base de Djibouti ne sera-t-elle pas touchée, alors que les qualités stratégiques de cette grosse installation française ont été confirmées par l'augmentation de la piraterie et que le point 2.3.3 du rapport annexé prévoit spécifiquement la lutte contre les trafics ? Ou bien sera-ce la participation des forces armées à l'aménagement du territoire ou à la sécurité civile intérieure, notamment lors de catastrophes naturelles ou technologiques ?
Enfin, cette installation militaire dans le Golfe persique illustre un changement de position stratégique. Le nouvel accord de défense signé par le Président de la République avec les Émirats arabes unis place désormais Paris au premier rang en cas de conflit avec l'Iran, la France les défendra « avec tous les moyens militaires », y compris donc le recours à l'arme nucléaire. Comment se fait-il que ce nouvel accord ait été conclu à un niveau bilatéral -alors que la France, sur la seule décision du chef de l'État et contrairement, une fois encore, à l'avis militaire, vient de réintégrer le commandement de l'Otan- et renferme des clauses secrètes ? Où est la transparence vis-à-vis des parlementaires, promise par le chef de l'État et rappelée dans le point 5.1 du rapport annexé ? La France offrira donc désormais une protection nucléaire à un pays sans coordonner ses actions avec l'Otan ni avec les États-Unis. L'émergence de la France comme puissance nucléaire dans la région du Golfe pourrait bien ainsi exacerber les tensions dans cette partie du monde : le chef de l'État en porte seul la responsabilité.
J'en viens à cette grande première dans l'histoire militaire : la vente par l'armée française du système des communications sécurisées entre la France et les différentes unités déployés sur un théâtre d'opération extérieure et les bâtiments de la marine nationale assuré par le satellite Syracuse. Voilà encore une opération clandestine et honteuse. Le 29 mai dernier, lors de la réunion de la Commission exécutive permanente, les représentants des états-majors ont été fermement invités à valider, dans le plus grand secret, une décision prise quinze jours plus tôt par le chef de l'État. Pris par surprise, convoqués à l'Élysée, en l'absence de leur ministre, ils n'ont pas eu d'autre choix que de s'exécuter. Rompez ! Et la véritable raison de l'opération, qui ne rapportera pas plus de 400 millions d'euros alors que l'investissement total s'élève à 3 milliards depuis 1980 pour des satellites qui assurent l'ensemble des communications militaires cryptées entre le commandement et les unités déployées sur les théâtres d'opérations ? Boucler le financement de la loi de programmation !
En 2011, les satellites seront donc la propriété d'une société privée. Et, comble de l'absurdité, l'État louera désormais ses canaux de communication. Comme d'autres clients, d'ailleurs, puisque l'acheteur sera autorisé à sous-louer les infrastructures... Cette affaire, qui suscite de fortes réticences dans le commandement, soulève un certain nombre de questions auxquelles je crains de n'avoir jamais réponse. Est-il normal qu'une telle décision, la privatisation, des communications tactiques opérationnelles, n'ait fait l'objet d'aucun débat, ni au Parlement ni ailleurs ?
Qui est responsable en cas de bug ? Comment garantir la confidentialité des codes, le secret défense ? (On s'impatiente à droite)
En résumé (exclamations à droite) : mépris répété des avis de l'état-major, opacité des décisions prises unilatéralement, ambitions démesurées par rapport aux moyens alloués. Nous ne pouvons que nous opposer à cet article.
M. le président. - Amendement n°81, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit cet article :
Le Gouvernement déposera, à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010, un projet de loi qui proposera les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2010-2014.
Tous les ans, un débat sera organisé au Parlement sur les orientations relatives à la politique de défense, sur leur mise en oeuvre et sur les orientations en matière d'équipement des armées.
M. André Vantomme. - Comment accepter que la définition de la politique de défense soit reléguée à une annexe du projet de loi de programmation ? Réduire la défense à un sous-ensemble de la sécurité nationale, c'est s'en tenir à une vision purement sécuritaire de l'organisation de l'État. Le Gouvernement, qui se targue pourtant de revaloriser le rôle du Parlement, fait fi d'un débat de la représentation nationale, qui aurait été l'occasion de recréer le consensus national sur la défense, mis à mal depuis 2007. L'article 8 de la loi de programmation militaire 2003-2008, qui prévoyait un débat tous les deux ans, est resté lettre morte. Cette annexe constitue un chèque en blanc. La définition d'une nouvelle stratégie exige un large débat devant la Nation. Nous demandons un débat annuel, afin de revaloriser réellement le Parlement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - L'amendement est irrecevable au titre de l'article 41, car il enjoint au Gouvernement de déposer un projet de loi. Sur le fond, défavorable : nous souhaitons une programmation de 2009 à 2014.
M. Hervé Morin, ministre. - Défavorable.
L'amendement n°81 n'est pas adopté.
Rapport annexe
M. le président. - Amendement n°94, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Au début du rapport annexe, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
La défense a pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population.
M. Didier Boulaud. - II s'agit de définir l'objet de la défense avant d'en décliner les aspects et les missions. Nous ne souhaitons pas que la défense devienne un sous-ensemble de la sécurité nationale. La définition donnée par l'ordonnance de 1959, socle de la doctrine française et objet d'un consensus national, comprend la notion de défense globale. Le concept importé de « sécurité nationale » n'a pas la même force de frappe intellectuelle. Nos concitoyens sont instinctivement attachés à cette définition de la défense, qui doit être rappelée devant la représentation nationale.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - Défavorable. La définition proposée à l'article 5 est plus complète.
M. Hervé Morin, ministre. - Nous avons déjà eu maintes fois ce débat, en commission et dans l'hémicycle. Avis défavorable.
L'amendement n°94 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°92, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
A la fin du premier alinéa du rapport annexé, remplacer le mot :
Elle
par la phrase et les mots :
Le Livre blanc sera discuté et adopté par le Parlement. La loi de programmation militaire 2009-2014
M. Didier Boulaud. - La Commission du Livre blanc, installée par Nicolas Sarkozy, fut chargée de définir une stratégie globale de défense et de sécurité pour les quinze prochaines années. Les parlementaires socialistes membres de la commission, dont j'étais, ont démissionné pour protester contre l'ingérence du Président de la République et les orientations imposées depuis l'Élysée.
Il faut aujourd'hui ouvrir le débat devant la représentation nationale. Vous modifiez, en catimini, l'équilibre des pouvoirs en matière de défense et de sécurité. Vous bousculez le consensus national autour de l'ordonnance de 1959. Ce rapport annexé est hors programmation et mériterait un débat ad hoc devant la représentation nationale.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - Ne vous en déplaise, le Livre blanc a été discuté au Parlement ! Jamais auparavant un Livre blanc n'avait été préparé par une commission comportant des personnalités extérieures, avec des parlementaires de l'opposition, dont vous-même ; jamais il n'y avait eu d'auditions publiques, jamais il n'avait été rendu compte de l'avancement des travaux devant les commissions parlementaires ; jamais un Livre blanc n'avait donné lieu à un débat en séance publique ! Ne versons pas dans la surenchère. Cet amendement sort du domaine de la loi. Le Gouvernement peut toujours faire approuver une déclaration, mais il est seul juge de l'opportunité.
M. Hervé Morin, ministre. - Défavorable.
L'amendement n°92 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°47, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller.
Dans le deuxième alinéa du rapport annexé, supprimer les mots :
et qui se traduit en particulier par de nouveaux contrats opérationnels ;
Mme Dominique Voynet. - Un contrat est un accord qui lie plusieurs parties par des obligations réciproques. Ici, les « contrats opérationnels » désignent davantage des objectifs à atteindre que de réelles obligations.
La rédaction de l'alinéa est en outre ambiguë : elle ne précise pas si les prérogatives du Président de la République et du ministre de l'intérieur sont élargies, aux dépens du ministre de la défense, à des contrats opérationnels dont le champ est élargi à la sécurité intérieure et civile.
M. Josselin de Rohan, rapporteur. - La notion de contrat opérationnel est en usage dans les armées de longue date et revêt une signification concrète. Avis défavorable.
M. Hervé Morin, ministre. - Défavorable.
L'amendement n°47 n'est pas adopté.
Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 16 juillet 2009, à 9 h 30.
La séance est levée à minuit et demi.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 16 juillet 2009
Séance publique
A NEUF HEURES TRENTE
1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (n°462, 2008-2009).
Rapport de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°513, 2008-2009).
Texte de la commission (n°514, 2008-2009).
Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°493, 2008-2009).
Avis de M. François Trucy, M. Jean-Pierre Masseret et M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n°548, 2008-2009).
A 15 HEURES ET LE SOIR
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Discours du Président du Sénat.
4. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'orientation des finances publiques pour 2010.
5. Éventuellement, suite du projet de loi relatif à la programmation militaire.