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Table des matières
Annulation du permis de conduire d'un employé
Sécurisation des réseaux de distribution d'électricité
Conflit de compétences pour le traitement des déchets
Répertoire national commun de la protection sociale
Conservatoire de la forêt méditerranéenne
Aide à la gestion locative sociale
Magasins de déstockage alimentaire
Situation de l'entreprise Molex
Opérations de renouvellement urbain
Formation des infirmiers et infirmières
Maisons départementales des personnes handicapées
Tribunaux des affaires de sécurité sociale
Hôpital, patients, santé et territoires (Urgence)
SÉANCE
du mardi 12 mai 2009
98e séance de la session ordinaire 2008-2009
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Secrétaires : M. Jean-Pierre Godefroy, M. Jean-Noël Guérini.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Raymond Dumont, qui fut sénateur du Pas-de-Calais de 1978 à 1984.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.
Annulation du permis de conduire d'un employé
Mme Françoise Férat. - Je souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Il est nécessaire que les employeurs soient systématiquement avertis en cas d'annulation du permis de conduire de l'un de leurs employés ayant des obligations de conduite. Si l'employeur peut licencier un salarié au motif que celui-ci a perdu son permis, il n'existe aucune procédure lui permettant d'être automatiquement informé que l'un de ses employés ne possède plus de permis valable. Or il arrive de plus en plus souvent que des salariés ayant perdu leur permis du fait d'infractions répétées au code de la route au volant de leur véhicule personnel le dissimulent à leur employeur et continuent de conduire, parfois pendant plusieurs mois, dans le cadre de leur travail : souvenez-vous du drame survenu en février dernier à Grigny. Comptez-vous mettre fin à cette anomalie juridique ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Vous avez raison de soulever ce problème, sur lequel un accident récent a attiré notre attention. Vous qui connaissez bien le monde de l'entreprise, madame, vous avez sûrement d'autres exemples en tête.
La réglementation actuelle ne permet pas à l'employeur d'avoir accès aux données nominatives concernant le permis de conduire de ses employés : plusieurs articles à valeur législative du code de la route limitent strictement le nombre de personnes à qui ces informations peuvent être divulguées.
Mais l'émoi suscité par le drame survenu en février -un accident de car au cours duquel cinq personnes ont été blessées alors que le chauffeur avait vu son permis invalidé- a conduit le Gouvernement à mettre en place un groupe de travail associant des représentants des ministères des transports, de l'intérieur, de la justice et du travail ainsi que des délégués du secteur professionnel des transports, afin de réfléchir au moyen d'avertir l'employeur en cas de perte du permis de conduire d'un de ses employés. La question est épineuse, car toute nouvelle réglementation devra se concilier avec la nécessaire protection des données individuelles et des libertés publiques.
Nous réfléchissons à la possibilité d'annexer au contrat de travail une déclaration sur l'honneur où le salarié communiquerait les informations relatives à son permis de conduire. En outre, nous envisageons de mettre en place un système d'alerte par lequel l'employeur serait informé lorsqu'un salarié verrait son permis de conduire annulé ou que son nombre de points passerait sous un certain seuil.
Je souhaite que ce groupe de travail, qui n'est pas une façon d'enterrer le problème, rende ses conclusions avant l'été afin que celles-ci puissent être mises en oeuvre au plus vite.
Mme Françoise Férat. - J'ai en effet eu connaissance dans mon entreprise d'une situation inconcevable où, pendant plusieurs mois, le chauffeur d'un camion de gros tonnage dont le permis avait été invalidé a continué à conduire, avec deux ouvriers à bord du véhicule. Je me réjouis de la mise en place de ce groupe de travail. Vous connaissant, monsieur le ministre, je sais qu'il ne servira pas à enterrer la question.
Transports scolaires
M. Jacques Blanc. - Je m'adresse à la fois au secrétaire d'État chargé des transports et à l'ancien ministre de l'agriculture qui fut à l'origine de la loi de développement des territoires ruraux (DTR).
L'article 29 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, la Loti, prévoit, dans un alinéa ajouté par la loi DTR, qu'« en cas de carence de l'offre de transports, notamment suite à une mise en concurrence infructueuse, il peut être fait appel à des particuliers ou des associations inscrits au registre des transports ». Cette disposition a créé des conditions plus favorables aux collectivités locales : il ne s'agissait nullement de remettre en cause le rôle des transporteurs professionnels, mais d'autoriser les départements à remédier à la carence de l'offre, lorsqu'un seul candidat répond à l'appel d'offres et qu'il pratique des prix prohibitifs.
Mais qui juge de la carence de l'offre ou du caractère infructueux de la mise en concurrence ? Cette insécurité juridique pose problème, notamment dans un département rural comme la Lozère. Il est nécessaire de fixer l'interprétation de cet article.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - En tant que président d'un conseil général, je suis aussi particulièrement sensible à cette question.
La notion de carence de l'offre, notamment suite à une mise en concurrence infructueuse, doit être appréciée au regard du droit général des marchés publics et ne peut faire l'objet d'une interprétation propre au secteur des transports scolaires.
Lorsque, dans le cadre d'une mise en concurrence, une seule offre est présentée et qu'elle est appropriée, l'autorité publique peut soit conclure le marché, soit déclarer la procédure sans suite pour un motif d'intérêt général. Elle ne peut pas la déclarer infructueuse puisqu'il y a une offre. En revanche, lorsque les prix proposés sont excessifs et l'offre inacceptable, il y a carence de l'offre et la procédure est déclarée infructueuse.
C'est donc le contenu de l'offre unique, et non son caractère unique, qui détermine la situation de carence et donne le droit à l'autorité organisatrice de recourir aux particuliers ou aux associations, sous le contrôle du juge administratif.
Cette procédure, vous le voyez, est assez souple. Il revient en dernière instance à la commission d'appel d'offres et au président de la collectivité de se prononcer.
M. Jacques Blanc. - Le cas des transports scolaires est tout de même spécifique, puisqu'il est seul concerné par l'alinéa ajouté en 2005 à l'article 29 de la Loti à l'initiative de M. Forissier, alors secrétaire d'État à l'agriculture. Si je comprends bien, c'est en fonction du montant de la proposition que l'autorité publique pourra décider de ne pas attribuer le marché et de déclarer la procédure infructueuse sans risquer une condamnation.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Tout à fait.
Sécurisation des réseaux de distribution d'électricité
M. Michel Teston. - Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la nécessaire sécurisation des réseaux de distribution d'électricité.
Au cours des derniers mois, la France a été touchée par de fortes intempéries : de très fortes chutes de neige dans le Massif central du 15 décembre 2008 à la fin du mois de février 2009, des chutes de neige en région marseillaise début janvier, le passage de la tempête Klaus dans le sud-ouest le 24 janvier et de la tempête Quentin dans le centre et le nord le 10 février.
Ces intempéries ont provoqué d'importants dégâts sur les réseaux de distribution d'électricité, privant des milliers de foyers d'électricité et de chauffage, parfois pendant plusieurs jours, en dépit de la formidable mobilisation du personnel d'ERDF et de ses prestataires qu'il faut une nouvelle fois saluer.
L'importance de ces dégâts s'explique par le faible taux d'enfouissement (37 %) des réseaux de distribution d'électricité en France, combiné à la dégradation de leurs performances relevée dans le rapport annuel 2008 de la Commission de régulation de l'énergie.
Les investissements de rénovation et les prévisions d'enfouissement des réseaux ne sont pas à la hauteur des besoins en matière de sécurisation. Ils ne permettraient pas d'atteindre avant longtemps le taux souhaitable de 50 % alors que l'Allemagne a déjà enterré 75 % de son réseau de transport et de distribution.
Quels enseignements le Gouvernement a-t-il tiré des récents épisodes d'intempéries en ce qui concerne la sécurisation du réseau de distribution d'électricité ? Comment entend-il renforcer les dispositifs de communication, en période de crise, entre d'une part, le concessionnaire et d'autre part, les autorités concédantes et les usagers ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - La fin de l'année 2008 et le début de l'année 2009 ont été marqués par des épisodes climatiques exceptionnels : le 14 décembre 2008, suite à un épisode de neige collante, 100 000 particuliers ont été privés d'électricité dans le Massif central ; le 24 janvier 2009, suite au passage de la tempête Klaus dans le sud-ouest de la France, 1,7 million de particuliers ont été privés d'électricité ; le 10 février, suite au passage de la tempête Quentin sur l'ouest et le nord de la France, 900 000 particuliers ont été privés d'électricité.
RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité, et ERDF, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, ont immédiatement mobilisé plusieurs milliers de personnes, qui, dans des conditions difficiles, ont rétabli en moins de cinq jours l'alimentation électrique de 90 % des usagers qui en étaient privés, conformément aux engagements pris dans le contrat de service public entre l'État et le groupe EDF.
M. Borloo a toutefois demandé aux présidents de RTE et d'ERDF d'établir un retour d'expérience concernant chacun de ces événements et il a décidé de lancer prochainement une mission d'inspection générale qui proposera un plan d'action pour sécuriser durablement les réseaux de distribution d'électricité.
ERDF s'est engagé depuis 2005 à construire plus de 90 % des nouvelles lignes moyenne tension en technique souterraine, objectif que l'entreprise a dépassé chaque année. Il a lancé en 2006 un plan Aléas climatiques qui prévoit l'enfouissement de 30 000 km de réseau moyenne tension en dix ans, accompagné d'un programme d'élagage. Ce plan sera complété en fonction des retours d'expérience et des travaux de la mission d'inspection.
RTE a pris des engagements importants sur la mise en souterrain des lignes nouvelles dans le cadre de son contrat de service public avec l'État ; en 2008, 60 % des lignes à haute tension créées ou renouvelées l'ont été en souterrain. Suite aux tempêtes de 1999, RTE a lancé un programme de sécurisation mécanique de son réseau ; son montant sera porté de 113 à 180 millions l'an.
Les futurs tarifs d'utilisation des réseaux permettront une nette accélération des investissements, qui amélioreront la sécurité de l'alimentation en électricité des usagers. Pour ERDF, M. Borloo a demandé à la Commission de régulation de l'énergie de retenir un programme d'investissements ambitieux dit « Redressement ciblé de la qualité », prévoyant le doublement des dépenses d'investissements entre 2008 et 2012. Pour RTE, le Gouvernement demande à la C3 de modifier sa proposition tarifaire afin de respecter l'échéance 2017 de son programme de sécurisation mécanique.
Enfin, la Présidence de la République a mandaté le secrétariat général de la défense nationale pour qu'il élabore un plan de gestion de crise nationale en cas de rupture de l'alimentation électrique. Un volet « communication » figurera dans ce plan.
M. Michel Teston. - Je vous remercie pour la précision de cette réponse. Les très longues et fortes chutes de neige de cet hiver ont eu des effets catastrophiques dans la partie montagneuse de l'Ardèche.
Il faut aller plus loin que le plan d'action de 2006. Ce n'est pas 30 000 mais 50 000 kilomètres de lignes à moyenne tension, que la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies voudrait qu'on enfouisse en dix ans, sans parler des 70 000 kilomètres de lignes à basse tension. Ces programmes doivent être intégrés au plan de relance.
La même fédération souhaite une meilleure gestion des groupes électrogènes. (M. le ministre approuve) Il faut aussi faire des progrès en matière de communication lors des épisodes d'intempéries.
Conflit de compétences pour le traitement des déchets
M. Alain Vasselle. - Je salue la polyvalence des membres du Gouvernement ! (Sourires)
On constate de plus en plus souvent des désaccords et des tensions entre les collectivités compétentes en matière de traitement des déchets et les conseils généraux au moment de la révision des plans départementaux. L'échelon intercommunal assume le plus souvent l'entière responsabilité de la gestion de la collecte et du traitement des déchets et ne comprend pas la volonté de certains conseils généraux d'exercer ce qui s'apparente de plus en plus à un contrôle d'opportunité.
Une collectivité qui aurait délibéré pour recourir à un mode de valorisation associant tri, méthanisation et incinération avec valorisation énergétique de ses déchets ménagers résiduels, qui aurait choisi un mode juridique pour le montage de son projet, qui aurait retenu le site d'implantation, qui aurait recruté son assistance technique pour constituer le dossier de consultation des entreprises, pourrait voir son projet non retenu par un conseil général chargé du plan départemental en cours de révision, donc non arrêté, alors même que l'ensemble des documents préparatoires à cette révision recensent clairement l'existence du projet de la collectivité concernée !
Si, en outre, le projet en question permet à la collectivité légitimement compétente de dépasser les objectifs réglementaires et ceux définis dans le Grenelle de l'environnement, sur quels fondements constitutionnels et juridiques un conseil général pourrait-il s'appuyer pour exclure le projet de la collectivité du futur plan révisé ?
Une circulaire d'avril 2007 précise « que ce serait une interprétation erronée des textes de voir la planification comme un instrument pour imposer des projets aux collectivités compétentes en matière de collecte ou de traitement des déchets ménagers ». Un plan départemental qui s'opposerait ainsi à un projet intercommunal serait-il légal ? Ce serait une tutelle d'une collectivité sur une autre et ce n'est pas ainsi qu'on atteindra rapidement les objectifs du Grenelle de l'environnement !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je connais un peu le sujet : président d'une intercommunalité, j'ai demandé au président du conseil général, qui n'est autre que moi-même, un plan de gestion départemental... Mais je vais vous lire la réponse du ministre.
La planification de la gestion des déchets est un sujet d'importance communautaire traité dans la directive-cadre du 19 novembre 2008. Son chapitre V précise le contenu des plans, qui doivent comporter des indications assez précises sur les nouveaux projets. Le renforcement de la planification, dans son rôle de déclinaison territoriale et opérationnelle des politiques nationales en matière de gestion des déchets, constitue aussi un engagement du Grenelle de l'environnement.
Nous vous rejoignons sur le fait que ce renforcement de la planification ne doit pas heurter le principe constitutionnel de libre exercice par les communes de leurs compétences. M. Borloo a demandé à ses services d'engager d'ici l'été les travaux relatifs à cette réforme, à la fois pour répondre aux objectifs du Grenelle et aux dispositions de la directive-cadre. Ces travaux associeront l'ensemble des acteurs concernés et notamment les représentants des différentes collectivités. Le ministre d'État estime en effet que cette question requiert une concertation approfondie, qui prenne le temps de la réflexion.
En ce qui concerne les déchets relevant de la compétence des communes et de leurs groupements, une piste pourrait être celle d'une meilleure formalisation des programmes et projets en amont de l'élaboration ou de la révision d'un plan et de leur intégration dans ces plans. Dans une telle configuration, le rôle du conseil général serait d'agir en coordonnateur des programmes et projets des instances compétentes sur le territoire départemental et avec les territoires voisins et, ce faisant, de mettre en oeuvre une gestion des déchets efficace et respectueuse des objectifs et programmes nationaux et communautaires.
J'ai interrogé mon préfet ; il m'a répondu que, lorsqu'une action de l'État était engagée, ce n'était pas au département d'agir, qu'il appartenait à l'État lui-même de continuer son action. Je suis bien convaincu de la réalité du problème posé par la coordination des compétences. Il faut pouvoir en discuter librement...
M. Alain Vasselle. - J'ai écouté avec intérêt la fin du propos du ministre. J'ai entendu la volonté du Gouvernement de clarifier les choses. Je tiens à ce que le principe constitutionnel de non-tutelle d'une collectivité sur une autre soit respecté.
J'ai bien noté que la situation était différente lorsque l'État avait préalablement engagé le processus. J'attends avec intérêt les suites de la réflexion en cours.
Répertoire national commun de la protection sociale
M. Guy Fischer. - Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le projet de décret relatif au Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce répertoire regrouperait des données d'état civil et d'affiliation, les montants et la nature des prestations servies, les coordonnées de tous ordres déclarées par les assurés, les familles et les retraités ainsi que leurs revenus ; il offrirait dans le même temps un service de gestion des échanges informatisés aux organismes de protection sociale. Les données seraient conservées pendant cinq ans renouvelables tant que la personne concernée restera assurée.
L'article R. 144-26 précise que le droit d'opposition ne s'appliquerait pas à ce dispositif, tandis que l'article R. 114-28 renvoie à un arrêté la fixation de la très longue liste des risques, droits, prestations et organismes concernés. Selon la direction de la sécurité sociale, auditionnée par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, une soixantaine d'organismes seraient concernés par l'alimentation du répertoire, et bien plus encore y auraient accès. (M. Alain Vasselle le confirme)
Combiné à d'autres dispositifs, le répertoire multiplierait de façon considérable les possibilités de croisement de fichiers, hors de l'assentiment et de la connaissance des assurés. C'est une nouvelle attaque contre les précaires, les chômeurs et les autres personnes en grande difficulté, après ce qui s'est passé au moment du transfert du RMI et l'instauration, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, d'un contrôle systématique du « train de vie » -je cite- des allocataires de minima sociaux.
Je me suis déjà élevé contre une conception qui fait de tous les allocataires de prestations des fraudeurs, et je prédisais que le Gouvernement envisageait d'aller plus loin. Nous y sommes, avec ce super contrôle informatisé qui se met en place, attaque cynique, inacceptable et stigmatisante contre les libertés individuelles. Je demande au Gouvernement de renoncer à son décret.
M. Alain Vasselle. - Caricature !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je vous prie d'excuser M. Hortefeux. La création du RNCPS est due à l'initiative de M. Morange, député, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ; un décret est en effet en préparation pour mettre en oeuvre cette disposition législative. Le répertoire a un double objectif : améliorer le service aux usagers et offrir aux organismes de protection sociale des outils pour mieux maîtriser les risques d'erreur et de fraude. Je ne doute pas que tout gestionnaire de l'argent public n'y soit sensible -50 milliards d'euros de prestations sont servies chaque année.
M. Alain Vasselle. - Ce n'est pas rien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Contrairement à ce que vous avez dit, le montant des prestations ne figurera pas dans le répertoire, non plus que les revenus des intéressés. Le Gouvernement a travaillé en liaison étroite avec la Cnil sur les finalités du dispositif et ses modalités de mise en oeuvre ; toutes les préconisations de la Cnil seront suivies.
J'ajoute que tout ce qui va dans le sens de l'équité et de la justice ne peut à mon sens qu'être approuvé par tous les groupes de cette assemblée. (M. Alain Vasselle applaudit)
M. Guy Fischer. - Je déplore que le Gouvernement s'entête -vous le confirmez, monsieur le ministre- à utiliser les technologies informatiques au détriment des libertés publiques et du respect de la vie privée. Le répertoire permettra demain de croiser ad libitum les données concernant les populations les plus modestes. Je ne cesserai de dénoncer cette stigmatisation des faibles.
Ce n'est pas tout, un autre mauvais coup se prépare avec le décret relatif au traitement automatisé des données à caractère personnel accompagnant, à compter du 1er juin, la mise en place du Revenu de solidarité active (RSA), prestation dont le nombre d'allocataires va nécessairement exploser avec la crise. Demain, pour percevoir quelques dizaines d'euros, il faudra tout dire de soi, de ses ressources, de sa famille ! Cette façon de faire est indigne. Alors que grandit la cohorte des travailleurs pauvres, je m'efforcerai de faire entendre la voix des plus faibles, toujours plus stigmatisés alors qu'on laisse prospérer stock options et autres retraites « chapeau ». Aujourd'hui se développe en France la « pauvreté laborieuse ».
Retraités des mines
M. Guy Fischer, en remplacement de M. Jean-Claude Danglot. - Je remplace M. Danglot, qui vient de perdre son père.
Il souhaitait attirer l'attention du Gouvernement sur l'engagement du Président de la République de mettre un terme aux inégalités de traitement qui perdurent entre les retraités des mines selon qu'ils sont partis en retraite avant ou après 1987. L'accord de 2001, que deux syndicats n'ont pas signé, entraîne en effet une discrimination entre les retraités et veuves de mineurs à cause d'un rattrapage différencié selon l'âge de départ à la retraite. La revalorisation des pensions va de 0 % pour ceux partis avant 1987, soit 80 % des pensionnés, à 17 % pour ceux partis en 2001 et 25,5 % pour ceux partis en 2008. Les écarts se creusent année après année. Et les veuves de mineur sont davantage touchées encore, la pension de réversion n'étant que de 54 % du montant de la retraite. La plupart d'entre elles vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour rétablir l'équité et tenir les promesses du Président de la République ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je vous prie de transmettre à votre collègue mes amicales condoléances.
Dans le régime spécial des mineurs, les pensions sont calculées sur une base forfaitaire ; cette situation a conduit à partir de 1987, année depuis laquelle les pensions sont indexées sur les prix, à un décalage entre les prestations servies par ce régime et celles du régime général. Pour le corriger, un accord a été conclu avec trois organisations syndicales en 2002 pour améliorer les conditions de liquidation des pensions. Ce dispositif a toutefois été insuffisamment expliqué et compris.
Comme le Gouvernement l'a écrit à M. Danglot, la situation des retraités du régime des mines va être réexaminée. Je rappelle d'ailleurs que le régime des mines n'a pas été concerné en 2008 par la réforme des régimes spéciaux de retraite. Une première concertation a eu lieu à l'été 2008, qui a permis d'identifier les positions et propositions de chacun et d'échanger sur les mesures susceptibles d'améliorer le pouvoir d'achat des retraités les plus modestes et les plus âgés. Les discussions continuent ; un groupe de travail s'est réuni pour la première fois le 9 mars dernier et a tenu depuis plusieurs réunions techniques. Le Gouvernement souhaite que la concertation puisse s'achever ce printemps sur un consensus ; je veux au passage souligner l'esprit de responsabilité dont font preuve les organisations syndicales. Toutes les propositions seront sur la table. Le Gouvernement tiendra la Haute assemblée informée et particulièrement M. Danglot.
M. Guy Fischer, en remplacement de M. Jean-Claude Danglot. - Effectivement, les groupes politiques de l'Assemblée nationale, après avoir reçu les organisations syndicales, ont tous reconnu l'injustice et la discrimination dont souffrent les mineurs selon leur date de départ à la retraite. Après leur intervention répétée auprès du Gouvernement, le Président de la République, par lettre, s'est engagé auprès des syndicats à s'investir personnellement dans la résolution de ce problème. Mais la réunion du 16 avril n'a pas débouché sur des propositions concrètes. Bref, le traitement du problème dépasse la seule question technique. Pour débloquer la situation, le Gouvernement doit confirmer sa volonté de faire cesser cette discrimination reconnue par tous.
Crise de l'université
M. Claude Bérit-Débat. - L'université française, alors qu'elle doit appliquer le plan licence et passer à l'autonomie, traverse une grave crise qui s'enlise par la faute du Gouvernement si bien que certaines facultés entrent dans leur quinzième semaine de grève et que la délivrance des diplômes y est compromise. Plutôt que de reconnaître l'inanité de la réforme, le Gouvernement rejette la faute de cette situation sur les enseignants-chercheurs. Or les centaines de millions promis pour accompagner l'autonomie se réduisent, après calcul, à 175 millions répartis de manière très inégale. Résultat, la conférence des présidents d'université dénonce maintenant cette réforme qu'elle soutenait initialement. Comme si cela ne suffisait pas, vous voulez transformer l'université en une entreprise en instaurant pour les enseignants-chercheurs de nouvelles règles d'évaluation et de modulation de service. Mais celles-ci, à lire le décret pris en catimini durant les vacances, constituent un tel embrouillamini que l'on en retient seulement que les présidents d'université, ces nouveaux managers, auront le dernier mot.
Si certains, face à la fronde des enseignants-chercheurs -particulièrement marquée à Paris ou encore à Bordeaux-, menacent les universitaires de sanctions financières, beaucoup expriment leur crainte devant cette situation, véritable bombe à retardement. Quand le Gouvernement reconnaîtra-t-il que cette réforme ne répond pas aux besoins des étudiants et des universitaires ? Comment allez-vous mettre fin à ce trop long conflit qui pénalise étudiants et chercheurs et, pour tout dire, se révèle indigne de l'université française ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Qui est responsable de cette indignité ? La question reste entière...
Permettez-moi d'excuser Valérie Pécresse qui accompagne aujourd'hui le Président de la République à Nancy.
En 2009, l'État a augmenté le budget des universités de 17 % avec 300 millions, dont 67 millions pour le plan licence -730 millions sur 2008-2011- afin d'aider toutes les universités -j'y insiste- à favoriser la réussite de leurs étudiants lors de cette délicate année universitaire, 150 millions destinés à la rénovation des locaux -soit trois fois plus qu'en 2008- auxquels s'ajoutent les crédits de l'État via les contrats de projet État-région alloués à l'opération campus et 16 millions, qui s'ajoutent à 5 millions en 2008, pour accompagner le passage à l'autonomie et rétribuer les personnels engagés dans ce processus. Les budgets des dix-huit universités passées à l'autonomie ont progressé en moyenne de 15,5 %, contre 12,6 % pour les autres. Des moyens sont donc mobilisés pour que les universités relèvent le défi de la réforme. Pour preuve, le passage à l'autonomie à l'université de la Rochelle a été réussi grâce à l'engagement d'excellents professeurs qui sont également d'excellents managers !
M. Claude Bérit-Débat. - Certes, mais grèves et blocages continuent. Renvoyer la responsabilité de cette situation sur les étudiants et les universitaires est cavalier, voire irresponsable. De plus, je le répète, si l'on regarde de près les chiffres, le milliard promis par an à l'université se limite en 2009 à 175 millions pour le fonctionnement des universités, 70 pour le plan licence et 67 pour l'autonomie. Étonnamment, ces crédits sont répartis de manière très inégale : le budget augmente de 27 % à Lyon II contre seulement 0,5 % à Montpellier II. En outre, cette réforme qui veut transformer l'université en une entreprise provoque le mécontentement des chercheurs et des présidents d'université. Considérer l'évaluation comme l'alpha et l'oméga de l'université est excessif. Que propose le Gouvernement pour sortir de cette crise ? La question des examens et de la validité des diplômes, qui suscite de nombreuses craintes, relève bien de la responsabilité du Gouvernement, et non de celle des étudiants !
Conservatoire de la forêt méditerranéenne
M. Pierre-Yves Collombat. - Monsieur le ministre, je vous ai interrogé lors de la discussion budgétaire, comme tous vos prédécesseurs, sur les crédits alloués au Conservatoire de la forêt méditerranéenne, le CFM, sans obtenir de réponse autre que rhétorique.
A sa création en 1987, le CFM disposait d'un budget de 100 millions de francs, alimenté par une taxe nouvelle sur les briquets et une hausse de la fiscalité sur le tabac, ce qui représente aujourd'hui 22,8 millions euros, soit presque trois fois plus que les 8 millions budgétisés cette année. De fait, deux tiers de ces fonds sont utilisés à d'autres fins. Second détournement, l'essentiel des ressources résiduelles devait être consacré au financement, en partenariat avec les collectivités -j'y insiste- de quinze départements du sud de la France, des installations de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) -pistes, pare-feu, coupures agricoles- et au préfinancement du débroussaillement obligatoire, qui est de la responsabilité des maires. Mais, d'après le rapport de la Cour des comptes en 2000, 90 % de ces crédits entre 2003 et 2007 ont financé des missions à la charge de l'État, 10 % seulement des opérations relevant des collectivités territoriales. Or la plupart des communes forestières n'ont pas les moyens de préfinancer le débroussaillement d'office, non plus que d'appliquer les plans de protection des risques incendie qui leur ont été imposés. A Collobrières, commune de quelque 1 700 habitants située au coeur du massif des Maures, le simple entretien des pare-feu et des pistes DFCI coûterait 300 000 euros par an, soit 15,5 % du budget de fonctionnement communal ! Monsieur le ministre, ce détournement massif de deux tiers des ressources attribuées au CFM lors de sa création est-il légal ? S'agissant des crédits résiduels, envisagez-vous de les réorienter vers le financement d'opérations menées en partenariat avec les communes pour leur permettre de faire face à leurs obligations ?
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. - Monsieur le sénateur, l'évolution des crédits du Conservatoire depuis 1987, que vous qualifiez de détournement -je vous laisse la responsabilité de ce mot- ne peut relever de la seule responsabilité du ministre actuel de l'agriculture, de nombreux gouvernements s'étant succédé. Je suis heureux de compléter les informations que je vous avais adressées par écrit en mars après votre interpellation du 3 décembre dernier à l'occasion la discussion budgétaire. La dotation réservée en 2009 aux actions de défense des forêts contre les incendies en zone méditerranéenne a été à peu près maintenue, soit 8,9 millions contre 9,1 en 2008. Le Conservatoire, instrument financier créé en 1987 suite aux dramatiques incendies de l'été 1986, complète les crédits que le ministère consacre à la prévention des incendies de forêts dans le cadre des contrats de projets État-Région, de la convention-cadre avec l'ONF ou des conventions annuelles avec les départements dotés d'unités de forestiers-sapeurs. L'expérience accumulée lors des grands incendies de 1986 sert aujourd'hui tant en France qu'à l'étranger.
Je me suis ainsi rendu en Grèce après les incendies dramatiques de 2007.
Depuis la Lolf, la programmation des crédits du Conservatoire est déléguée au préfet de la zone de défense sud, chargé de la coordination des politiques de prévention et de lutte contre l'incendie dans les quinze départements. Ces crédits, désormais inclus dans le budget opérationnel de programme « Forêt, déconcentré régional », ont été maintenus en 2009 au niveau de 2008.
Les priorités de la programmation annuelle du Conservatoire sont fixées après avis du Conseil d'orientation de la forêt méditerranéenne, présidé par le préfet de la zone de défense sud, et qui rassemble l'ensemble des partenaires. Elles doivent toutefois être éligibles à la liste arrêtée par circulaire du 2 juillet 2007 : prévision et connaissance de l'aléa, stratégie, coordination et harmonisation, surveillance, équipements de défense des forêts, traitement des causes, prévention des dommages, information et formation, recherche et expérimentation.
Le Conservatoire participe aux investissements en matière d'équipements de défense des forêts, mais l'entretien incombe aux maîtres d'ouvrage. Il ne finance pas les travaux de prévention mais apporte son expertise ou son concours aux préfets, sachant que le maire est chargé du contrôle des débroussaillements obligatoires. Enfin, les mesures de prévention décidées dans le cadre des plans de prévention des incendies de forêts sont éligibles au Fonds de prévention des risques naturels majeurs géré par le ministère de l'écologie.
La mobilisation du ministère de l'agriculture en faveur de la prévention des incendies de forêt en zone méditerranéenne est entière, aux côtés des collectivités locales, des associations et des sapeurs-pompiers.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je sais que vous n'êtes pas responsable de tout, monsieur le ministre, et je concède qu'il y a des circonstances atténuantes, mais cela ne vaut pas absolution ! J'apprécie que vous soyez venu me répondre personnellement, malgré votre emploi du temps chargé, mais, sur le fond, vous ne me dites rien de nouveau...
Les élus qui participent au conseil d'orientation se plaignent d'y jouer les plantes vertes : le préfet de région fait ce qu'il veut, à savoir détourner les crédits, au mépris des missions confiées à l'Observatoire par Jacques Chirac ! La forêt méditerranéenne exige une action sur le long terme ; il faut aider financièrement les communes à assumer leurs responsabilités.
Aide à la gestion locative sociale
Mme Bernadette Bourzai. - L'aide à la gestion locative sociale des résidences sociales (AGLS), instituée en 2000, participe à la politique de lutte contre les exclusions. Elle finance la présence d'intervenants attachés à une résidence sociale, aptes à répondre aux difficultés que rencontrent les résidents dans leur parcours vers un logement banalisé et vers l'emploi, et à leur fournir accueil, médiation et orientation pour les rapprocher du droit commun.
L'une des fonctions de l'AGLS est de faciliter la mise en oeuvre de la loi sur le droit au logement opposable. Dans le domaine de l'insertion, l'effort doit être global et s'inscrire dans la durée. Dans l'aide aux personnes en grande difficulté, toute rupture est synonyme d'échec et de gâchis.
L'AGLS est une aide d'État, non obligatoire ; la circulaire de 2000 fixe des plafonds mais pas de plancher. Le directeur du foyer du jeune travailleur de Tulle, lui-même sensibilisé par l'Union pour l'habitat des jeunes du Limousin, m'a alertée sur un risque de réduction, voire de suppression de I'AGLS dans certains territoires en 2009, ce qui ruinerait les efforts d'associations et des centres communaux d'action sociale.
Face à la défaillance de l'État, des associations se retournent vers les collectivités territoriales. Fort sollicitées, contraintes d'assumer leurs responsabilités, mobilisées face à la crise, celles-ci sont accusées par la majorité d'augmenter les impôts...
Comment l'État compte-t-il assumer ses responsabilités ? Quelles instructions allez-vous donner aux préfets de région ?
Mme Christine Boutin, ministre du logement. - Avec plus de 70 000 places, les résidences sociales ont prouvé leur efficacité en matière d'insertion et constituent une étape importante dans un parcours vers le logement autonome. Depuis sa mise en oeuvre en 1994, ce dispositif a su s'adapter aux évolutions de la société et répondre à de nouveaux besoins, notamment ceux liés à la mobilité professionnelle. La résidence sociale prend sa place dans la gamme des réponses d'hébergement et de logement.
Le travail accompli par les gestionnaires est à saluer et à encourager. Le secteur s'est fortement professionnalisé, et la qualité des prestations offertes s'est améliorée, même si des efforts restent à faire. L'aide à la gestion locative sociale, mise en place par circulaire du 31 août 2000, assure la bonne intégration des nouveaux résidents, la médiation au sein de la résidence, la liaison avec le comité de résidents et les services sociaux, mais surtout la fluidité vers le logement ordinaire.
A l'heure où l'État se mobilise pour développer l'offre de logement adapté, notamment via le plan de relance, il n'est pas question de supprimer ni même de diminuer le soutien financier à ces structures. Le budget pluriannuel 2009-2011 du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » inscrit l'AGLS pour chacune des trois années considérées ; pour 2009, les crédits sont identiques à ceux de l'exercice 2008, soit 5,716 millions.
Le montant de l'AGLS peut être modulé en fonction des difficultés constatées dans la résidence sociale et des moyens en personnel consacrés à la gestion sociale. L'AGLS n'est pas automatique et est accordée selon la validité du projet social. Son montant comme son principe peuvent donc être revus, si les conditions de mise en oeuvre du projet viennent à changer. Enfin, l'AGLS, comme les mesures d'accompagnement social supplémentaires prévues par le plan de relance, pour 12 millions d'euros, s'ajoutent aux aides existantes des caisses d'allocations familiales ou du Fonds de solidarité pour le logement, et ne s'y substituent pas.
Mme Bernadette Bourzai. - Je vous remercie de ces assurances, en espérant qu'elles se vérifieront sur le terrain. Les associations comme les collectivités locales se sont beaucoup investies dans ce dispositif. J'ai moi-même travaillé pendant deux ans à un projet de résidence sociale pour une commune de 5 000 habitants : il aurait été scandaleux de supprimer cette aide indispensable. Nous serons vigilants.
Heures supplémentaires et APL
Mme Bernadette Dupont. - L'article premier de la loi Tepa du 21 août 2007 exonère d'impôt sur le revenu les salaires versés au titre des heures supplémentaires et complémentaires. Or l'article 2 du décret du 26 juin 2008 intègre ces éléments de rémunération dans les ressources prises en compte pour le calcul de l'aide personnalisée au logement (APL).
Cette situation aboutit au paradoxe que des salariés, qu'on encourage à travailler davantage, voient diminuer l'aide sociale dont ils peuvent bénéficier. Cela pénalise particulièrement ceux qui sont salariés au Smic : leur gain est quasiment nul. Cela risque donc de créer une trappe à inactivité en dissuadant ces salariés à travailler davantage. Entendez-vous assurer aux plus modestes une juste prise en charge sociale sans pénaliser leur activité ? Tout cela est lié au versement du RSA.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Je vous prie d'excuser Mme Lagarde. Pour accroître le pouvoir d'achat, le Gouvernement, soutenu par sa majorité, a voulu dans la loi Tepa que les heures supplémentaires aient une rémunération majorée de 25 ou 50 %, qu'elles soient exonérées de l'impôt sur le revenu et, ce qui est une première, qu'elles bénéficient d'une réduction des cotisations sociales salariales. La dernière enquête montre que 5,5 millions de Français ont ainsi augmenté leur pouvoir d'achat de 10 % en moyenne. Il est justifié d'en tenir compte dans le calcul de l'APL.
Je comprends bien votre souci mais l'intégration de ces heures supplémentaires dans le revenu répond à un souci d'équité : pourquoi traiter différemment des salariés qui perçoivent le même revenu ? Ce ne serait ni justifié ni équitable, surtout quand ces heures supplémentaires bénéficient des déductions que j'ai rappelées.
Mme Bernadette Dupont. - Les salariés des entreprises d'insertion font très peu d'heures supplémentaires, une dizaine tout au plus. Faut-il les récompenser en les privant de l'APL ? Je crains, que par un effet pervers, ce dispositif ne les conduise à préférer toucher l'APL plutôt que d'accomplir les heures supplémentaires qui sont gratifiantes sur le plan de la dignité humaine : elles montrent qu'on est capable de travailler. Évitons donc de les priver d'APL.
Magasins de déstockage alimentaire
Mme Catherine Dumas. - Depuis plusieurs semaines, les médias soulignent l'émergence d'un nouveau mode de commerce. Installés, notamment aux abords de Paris, dans des locaux modestes, sans la moindre décoration, situés dans les quartiers les moins prospères, les magasins de déstockage alimentaire se spécialisent dans la vente de produits à peine sortis de leurs cartons d'emballage, dont la date de consommation est sur le point d'expirer et celle d'utilisation optimale dépassée.
Alors que le hard discount propose les mêmes produits tout au long de l'année, ces centres d'approvisionnement d'occasion dépendent des opportunités, des produits en fin de vie qu'ils peuvent racheter à prix cassé aux industriels ou aux réseaux classiques de distribution. Ils vendent ces produits proches de la date limite de consommation, produits que l'on donnait hier aux associations humanitaires pour les distribuer rapidement. C'est pour celles-ci la fin d'un appoint régulier et gratuit.
Ces nouveaux commerçants aux frontières de notre cadre légal, dévalorisent les dates limites de consommation ou d'utilisation optimale : quelle valeur leur accorder si l'on vend des produits qui atteignent leur date limite de consommation et dont la date limite d'utilisation optimale est fréquemment dépassée ? Le législateur avait pourtant entendu informer les consommateurs chez lesquels la confusion existe déjà dans la gestion personnelle de leur réfrigérateur. Enfin, les médias font état de pratiques de « réétiquetage » sauvage destinées à prolonger la durée de vie de produits périmés ou sur le point de l'être.
Quels sont donc les résultats de l'enquête diligentée par le ministère sur ce circuit d'approvisionnement souvent opaque et comment allez-vous réaffirmer l'utilité d'un strict respect des dates limites de vente ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Votre question est importante et légitime. Une clarification est en effet nécessaire. Les dates limites d'utilisation optimale et de consommation sont prévues à l'article L. 112-9 du code de la consommation, qui transpose les articles 3 et 9 de la directive du 20 mars 2000 sur l'étiquetage. La date limite de consommation est impérative ; la date limite optimale de consommation est indicative. Si la première est dépassée, le produit est impropre à la consommation, tandis qu'une atteinte à la date limite optimale constitue un délit de tromperie.
La direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes a réalisé une première enquête sur onze régions. Les 257 produits contrôlés étaient conformes à la règlementation microbiologique, peut-être parce qu'ils étaient préemballés. Sur 378 établissements visités, 1,8 % seulement ont fait l'objet de suites, soit pour date limite consommation dépassée, soit pour température de stockage non réglementaire, ce qui est conforme à la moyenne. Nous disposerons bientôt des résultats de l'enquête nationale lancée en 2009.
Dans la révision de la directive « Étiquetage », nous sommes attentifs à ce que les informations nécessaires aux consommateurs soient reconnues. Nous restons également vigilants sur les pratiques de remballe des produits et sur le non-respect des dates limites.
Mme Catherine Dumas. - Votre réponse détaillée intéressera les Parisiens. Je veux souligner l'impact de ce nouveau mode de distribution sur les associations humanitaires et témoigner de l'engagement de leurs bénévoles : je l'ai encore constaté lors d'une visite des Halles avec M. Legaret, maire du premier arrondissement.
Assurances vie non réclamées
M. Hervé Maurey. - L'assurance-vie constitue l'un des placements préférés des Français : au 1er janvier, 12 millions d'entre eux en avaient souscrit une pour un encours total de 1 147 milliards, soit deux fois la capitalisation du CAC 40. Cependant, des bénéficiaires ne réclament pas leur prime : on considère que le montant des contrats non réclamés atteint 5 milliards, dus à plusieurs centaines de Français. Cette situation n'est pas tolérable d'un point de vue éthique, et elle n'est pas saine d'un point de vue économique et financier puisqu'il serait plus utile, surtout aujourd'hui, de réinjecter ces sommes dans l'économie que de les laisser dormir sur les comptes des compagnies d'assurances. La loi de 2007, que le Sénat avait votée à l'unanimité, faisait obligation aux compagnies de rechercher si les bénéficiaires des contrats étaient toujours vivants. Elle prévoyait également que le Gouvernement présenterait un rapport au Parlement avant le 1er janvier 2009. Cela n'a pas été fait. Quand l'aurons-nous et pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques informations : la loi de 2007 est-elle efficace ou faut-il aller plus loin ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Le sujet est d'importance, mais j'observe que le montant des contrats non réclamés fait l'objet de nombreux débats : les estimations se situent dans une fourchette de un à dix milliards.
Les évolutions législatives de ces dernières années ont permis, avec les lois du 15 décembre 2005 et du 17 décembre 2007, qui forment un ensemble cohérent, de réduire le phénomène des contrats non réclamés.
La loi de 2007 a, en particulier, constitué une étape très importante, puisqu'elle permet aux organismes d'assurance de traiter les données relatives aux décès enregistrées au répertoire national d'identification des personnes physiques. Elle est devenue opérationnelle le 29 janvier dernier, avec la publication, après avis de la Cnil rendu en décembre 2008, de son arrêté d'application. Compte tenu du caractère récent de cet arrêté sur l'utilisation d'un outil appelé à jouer un rôle central dans la démarche, la remise du rapport prévu à l'article 4 de la loi a été reportée de quelques mois pour prendre le recul nécessaire à une vérification du bon fonctionnement du dispositif. Mais elle interviendra au terme du premier semestre, soit dans quelques semaines à peine. Ce rapport sera l'occasion de dresser une analyse complète sur l'utilisation des moyens de recherche, le nombre de dossiers qui auront ainsi pu être identifiés, l'état des encours et le problème du reversement au Fonds de réserve des retraites des contrats dont les actions sont prescrites.
M. Hervé Maurey. - Je me réjouis de votre réponse, en précisant toutefois que l'estimation basse de un milliard d'encours, que vous avez citée, est peu vraisemblable : c'est en effet celui qu'avaient fourni les sociétés d'assurance il y a dix ans -et l'on sait que les contrats ont augmenté depuis- et qui ne concernait pas tous les contrats. Le chiffre de 5 milliards semble donc plus près de la réalité.
J'observe en outre que l'accès au fichier de l'Insee ne résoudra pas toutes les questions : il permettra de connaître les décès, mais pas les bénéficiaires du contrat. C'est pourquoi il me semble nécessaire d'aller plus loin et de s'assurer d'un meilleur suivi, par les sociétés d'assurance, des informations fournies par les souscripteurs. Nous attendons le rapport et resterons vigilants.
Situation de l'entreprise Molex
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je ne doute pas une seconde que M. Novelli remplacera avantageusement Mme Lagarde... (Sourires)
Je souhaitais attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie sur la situation de l'entreprise Molex de Villemur-sur-Tarn, dans le Lot-et-Garonne, dont il convient avant tout de rappeler qu'elle a enregistré, en 2008, un bénéfice de 1,2 million d'euros. La direction, déjà délocalisée aux États-Unis, a annoncé aux salariés du site la perspective prochaine d'une délocalisation. Trois cents salariés sont concernés, c'est-à-dire trois cents familles, dans un bassin d'emploi déjà sinistré. Il s'agirait « d'anticiper des pertes éventuelles » ! Tel est le seul motif fourni par la direction, qui n'a longtemps pas été en mesure de justifier son choix. Qui plus est, l'entreprise n'a pu fournir la moindre justification au cabinet d'expertise mandaté par le comité d'entreprise pour recueillir les éléments comptables permettant d'apprécier la situation de l'entreprise.
La direction, retranchée derrière le droit américain, est donc la première responsable d'un blocage qui jette des familles entières dans le marasme économique. Au point que la question avait été posée à la ministre des moyens qu'entendait engager l'État pour assurer l'application du droit du travail dans notre pays.
Depuis un an et demi, les choses ont évolué et le problème local qui se posait à l'entreprise Molex est devenu problème national. Dans l'intervalle, les salariés de Molex ont appris qu'en même temps que la direction américaine de Molex envisageait une délocalisation erratique, d'abord en Tchéquie puis en Chine, une chaîne de production alternative fonctionnait déjà aux USA -pour une production de qualité d'ailleurs discutable. La preuve est donc faite que la décision de suppression du site de Villemur était programmée de longue date et que la procédure pour délit d'entrave engagée par les salariés de Villemur se justifie pleinement.
Or, le principal client de Molex, pour la connectique, est Peugeot PSA qui a reçu, dans le cadre du pacte automobile, une somme importante de l'État. L'urgence, compte tenu des quatre mois de sursis avant la fermeture du site, consiste à rétablir les relations préférentielles de Peugeot avec le site, qui feront la preuve de sa viabilité. Le Gouvernement est en droit d'obtenir satisfaction. Est-il disposé, monsieur le ministre, à s'engager en ce sens ?
Laisser les choses suivre leur cours, ce serait mettre en danger l'indépendance de l'industrie automobile française, puisque la connectique est l'une de ses composantes essentielles. En êtes-vous conscient, monsieur le ministre ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - L'annonce de la fermeture du site de Villemur a en effet plongé les salariés de Molex dans un profond désarroi. Si leur inquiétude est légitime, je regrette qu'elle ait été instrumentalisée par certains leaders, au point de conduire à la séquestration de managers de la société : le Gouvernement condamne très fermement de telles actions, qui ne peuvent en aucun cas aboutir au règlement de la situation. Rien ne remplace le dialogue entre organisations syndicales et direction.
Grâce à l'implication des collaborateurs de Luc Chatel et des services de l'État en région dans la résolution d'une crise qui de jour en jour a gagné en intensité, un accord de fin de crise a été trouvé ; reportant au 31 octobre l'arrêt de l'activité, il a permis une reprise satisfaisante et s'accompagne de moyens supplémentaires pour la revalorisation du territoire, en donnant la priorité aux projets internes de réindustrialisation et s'appuyant sur les compétences propres au site.
Sans le dialogue de sourds qui a prévalu plusieurs semaines durant, cet accord aurait pu être conclu plus tôt. Aujourd'hui encore, les actions en justice du comité d'entreprise fragilisent cet accord, qui pourrait être le point de départ d'une relance de la négociation.
Toute entreprise engageant la fermeture d'un site assortie d'un plan de sauvegarde de l'emploi est tenue de fournir des arguments économiques. Les salariés de Molex, estimant que l'information fournie par la direction n'a pas été loyale, ont saisi la justice. Le Premier ministre l'a rappelé : si le délit d'entrave est confirmé par la justice, l'entreprise sera condamnée et nous en tirerons les conséquences. L'échéance fatidique est donc celle du 19 mai, date à laquelle le juge des référés rendra sa décision.
La situation de Molex, dont le principal client est français mais dont la production est délocalisée dans d'autres pays, fait également écho au problème des relations entre les constructeurs automobiles et les sous-traitants. L'État a mis en oeuvre, pour répondre à la grave crise qui secoue le secteur, un pacte automobile ambitieux dont la mise en oeuvre est conditionnée à une amélioration du comportement des constructeurs à l'égard de leurs sous-traitants. L'attitude de PSA fera donc l'objet d'un examen, et si nécessaire d'un rappel à l'occasion du comité que Luc Chatel réunit tous les mois.
Le pacte automobile fixe des règles que producteurs et sous-traitants doivent respecter pour maintenir la filière et la rendre à nouveau performante et pourvoyeuse d'emplois.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Comme vous, nous attendons la date fatidique du 19 mai avec impatience. Nous vous laissons la paternité de votre jugement sur les responsables de dérapages largement dus au mépris de la direction de Molex pour les salariés qui, d'après le dirigeant local, auraient un niveau intellectuel les empêchant de réaliser qu'ils sont manipulés... Pour leur part, l'ensemble des élus de Haute-Garonne ont choisi leur camp.
Vous ne niez pas la nécessité de renforcer les liens entre constructeurs et sous-traitants : il n'est que temps !
Enfin, il est contradictoire que la direction envisage des pertes pour la fin de l'année et, en même temps, demande aux salariés d'avoir une productivité encore plus grande qu'avant la crise... Nous restons extrêmement vigilants pour éviter que, une fois la crise passée, la direction de Molex ne procède, comme au rugby, à un « cadrage-débordement ».
Opérations de renouvellement urbain
M. Michel Boutant. - Je veux appeler l'attention du ministre du budget sur la situation financière des communes engagées dans des opérations de renouvellement urbain et, en particulier, sur la situation d'Angoulême. La population de ces villes diminue car ces opérations entraînent la destruction de logements et la reconstitution de l'offre se fait presque exclusivement dans les communes périphériques. C'est le cas à Angoulême, dont le dernier recensement a révélé la perte de 1 193 habitants.
Cela a pour conséquence de diminuer les dotations de l'État versées en fonction du nombre d'habitants, tandis que la destruction de logements se traduit par des pertes de taxe d'habitation et de taxe sur le foncier bâti et par un moindre rendement de la fiscalité ménage. En même temps, les conventions signées entre les villes et l'Agence nationale de renouvellement urbain (Anru) figent les recettes affectées par l'agence et par les autres cofinanceurs aux opérations de renouvellement urbain, ce qui conduit les communes, maîtres d'ouvrage, à supporter seule l'augmentation systématique des budgets de ces opérations, tout en subissant une diminution des dotations de l'État et des ressources fiscales.
Il est donc indispensable de maintenir le pacte de stabilité au profit des collectivités engagées dans des opérations de renouvellement urbain pour une durée de cinq ans au moins, durée de leur réalisation matérielle et financière. Le ministre peut-il confirmer ce maintien ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - La difficulté que vous soulevez, réelle, doit cependant être replacée dans son contexte. Ces communes peuvent, en effet, pâtir d'un transfert de population, généralement limité, qui réduit leur dotation globale de fonctionnement, mais ce manque à gagner est contrebalancé par plusieurs autres dispositifs correctifs.
Ces communes bénéficient en effet du soutien financier du programme national de rénovation urbaine : l'État consacre, via l'Anru, plus de 12 milliards aux collectivités porteuses de projets. La ville d'Angoulême, concernée par deux projets, sur les quartiers « Ma campagne » et « Basseau Grande Garenne », bénéficie de subventions de l'Anru, qui s'élèvent respectivement à 31 et 20 millions. En outre, la finalité des projets de rénovation urbaine est de redynamiser le tissu économique et social de quartiers urbains, d'y créer davantage d'activité et, donc, de procurer davantage de recettes aux collectivités locales.
Cependant, si à court terme les communes-centres subissent une baisse de leurs dotations forfaitaires, elles peuvent bénéficier de différents dispositifs. Le premier, voté dans la loi de finances pour 2009, permet de lisser sur deux ans l'impact d'une diminution des dotations de l'État pour les communes connaissant une variation de population de plus de 10 % entre 2008 et 2009, quelle que soit l'origine de la diminution de la population.
Le renforcement de la péréquation, au travers d'une dotation de solidarité urbaine (DSU) rénovée, est également un soutien aux communes engagées dans des projets de rénovation urbaine. La DSU est devenue un outil majeur de solidarité grâce à la réforme engagée depuis 2005 et encore accentuée pour 2009 : son montant a quasiment doublé entre 2004 et 2009 et, conformément aux engagements pris dans la loi de programmation pour la cohésion sociale en 2005, elle a été abondée chaque année de 120 millions.
Ensuite, le Gouvernement a lancé en 2009 la première étape d'une réforme de la DSU : l'intégralité de sa hausse, soit 70 millions, a été partagée en 2009 entre les communes les plus défavorisées d'au moins 10 000 habitants. Et Angoulême fait partie des 476 communes les plus démunies qui bénéficient d'une DSU majorée de 2 % en 2009, soit 1,7 million supplémentaire. Cette réforme de la DSU doit se poursuivre, sur la base des travaux du groupe de travail du comité des finances locales.
La nouvelle dotation de développement urbain créée en 2009, de 50 millions, est destinée à soutenir les 100 villes comportant les quartiers les plus défavorisés.
Au total, la loi de finances initiale pour 2009 consacre 120 millions supplémentaires, par rapport à 2008, à la solidarité en faveur des villes les moins favorisées. C'est la somme maximale prévue par le plan de cohésion sociale.
J'espère, monsieur le sénateur, que ces rappels vous auront convaincu du large éventail des mesures déjà mises en oeuvre au profit de nos villes engagées dans des opérations de rénovation urbaine.
M. Michel Boutant. - Certains aménagements prévus ont été sortis des conventions et reposent maintenant sur les épaules soit du département, soit de la ville d'Angoulême ; c'est le cas des centre médico-sociaux, par exemple. Même si la DSU augmente, la collectivité maître d'ouvrage est confrontée à des dépenses imprévues, avec des recettes fiscales moins importantes.
Suicide des jeunes
Mme Marie-Thérèse Hermange. - En Europe, la France a un des plus forts taux de suicide, lequel y est la première cause de mortalité des 35-44 ans et la deuxième des 15-24 ans. Sous-estimé, le suicide des adolescents est devenu un grave problème de santé publique, souvent lié à des facteurs psychologiques et sociaux, aux doutes et à l'angoisse inhérents à l'adolescence. Mais il peut être aussi lié aux addictions, souvent révélatrices des souffrances psychiques ressenties par de plus en plus d'adolescents. De nouvelles pratiques -scarifications, alcoolisme allant jusqu'au coma éthylique, poly-addictions, cyberdépendance- expriment un profond mal-être chez près de 900 000 adolescents de 11 à 18 ans.
En outre, il semblerait qu'il y ait des carences dans le suivi post-hospitalier de ces adolescents, en dépit de l'action louable des maisons des adolescents qui doivent être présentes dans tous les départements. L'accompagnement socio-éducatif et le suivi médico-psychologique de ces jeunes sont indispensables pour éviter la récidive. Il est de notre devoir de dire à ces jeunes qu'ils ont leur place dans la société et que si la vie n'est pas facile, elle vaut la peine d'être vécue.
Quelles mesures concrètes prendra Mme la ministre de la santé dans le cadre du plan national d'action face au suicide 2008-2012, pour la prévention des addictions et l'accès aux soins psychiques pour les jeunes ?
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Il n'est pas admissible que le suicide reste en France, après les accidents de la route, la deuxième cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans. Même s'il est en recul depuis dix ans, la France est l'un des pays européens les plus frappés et l'addiction est un facteur de co-morbidité fréquent lors de la crise suicidaire.
Ce constat amène à s'interroger sur le lien entre comportement suicidaire, comportement addictif et comportement à risques.
Tous révèlent une grande souffrance psychique. Pour faciliter le repérage précoce de la souffrance psychique des enfants et des adolescents, le ministère de la santé, en liaison avec l'École des hautes études en santé publique (EHESP), encourage la formation des médecins de la protection maternelle et infantile, des médecins de santé scolaire et des pédiatres et cherche à associer les acteurs du monde de la santé, de l'éducation et de l'insertion sociale, familiale et professionnelle.
Le plan « Santé des jeunes » que Mme Bachelot-Narquin a présenté en février 2008 s'attaque au problème des addictions et notamment aux phénomènes d'alcoolisation aiguë. Il est fondé sur des actions de prévention et de prise en charge : des contrats cadre de partenariat sont signés par les ministères de la santé, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de l'agriculture et de la justice pour mettre en oeuvre des actions communes d'information, de repérage et de formation. Le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoire » tend à interdire la vente d'alcool aux moins de 18 ans et les open bars. Afin d'améliorer le repérage des cas difficiles et leur prise en charge, Mme la ministre soutient la création de 65 maisons des adolescents qui bénéficieront d'aides financières. Enfin, elle a confié en juillet 2008 à David Le Breton, sociologue à l'université de Strasbourg, la mission de proposer une stratégie de prévention du suicide. Son rapport a été remis récemment, et nos services travaillent actuellement à la mise en oeuvre de ses propositions.
Vous le voyez, le ministère de la santé et des sports accorde l'attention qu'ils méritent à ces douloureux problèmes.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Merci de votre réponse. Nous allons commencer tout à l'heure l'examen du projet de loi sur l'hôpital. En attendant l'ouverture des 65 maisons des adolescents que vous annoncez, il serait opportun que chaque CHU dispose d'un service de prise en charge de l'addiction et du suicide, ce qui est loin d'être le cas pour l'instant. Ces services sont moins valorisés que les services « nobles » comme la chirurgie hépatique ou cardiaque et rapportent moins d'argent à l'hôpital. C'est donc les mentalités qu'il faut changer. Je vous interrogerai dans quelque temps pour savoir si les CHU ont fait des progrès dans cette direction.
Formation des infirmiers et infirmières
M. Marc Laménie. - Les études d'infirmier sont en cours de réorganisation : un nouveau référentiel de formation proposé par la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé doit entrer en vigueur à la rentrée de 2009. Le diplôme sera ainsi intégré dans la filière « licence master doctorat » (LMD).
On peut s'interroger sur le nombre important d'heures de travail personnel dans le cursus d'enseignement : ce type de formation ne paraît pas le plus approprié et ne correspond pas au profil d'études défini par les directives européennes. Aux stages de terrain de huit semaines, il serait sans doute préférable de substituer des stages plus courts, de l'ordre de cinq semaines, mais démultipliés et effectués dans un plus grand nombre de services. Enfin, les formations aux soins relationnels, aux soins éducatifs et préventifs et aux soins palliatifs ne rapportent que peu d'unités de valeur alors qu'elles correspondent à des préoccupations de plus en plus vives.
A l'heure où le Parlement réfléchit au nouveau paysage médical français et envisage de permettre aux infirmiers d'accomplir certains actes jusqu'alors réservés aux médecins, il importe que la formation initiale de ceux-là soit la meilleure possible. Quelles seront donc les choix définitifs du ministère ?
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Les infirmières et les infirmiers sont au coeur de notre système de santé. La confiance que nos concitoyens leur témoignent, le dévouement et le professionnalisme dont ils font preuve appellent une juste reconnaissance de leurs compétences, et d'abord de leur formation initiale.
Celle-ci doit mieux encore les préparer aux défis de demain : vieillissement de la population et pathologies chroniques. Une très large concertation entre les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur et de la recherche, la conférence des présidents d'université et les représentants de la profession et des étudiants a permis l'élaboration d'un programme d'études fondé, pour la première fois en France, sur un référentiel des compétences. Conformément à l'engagement du Gouvernement d'intégrer la formation des infirmiers au cursus LMD, le diplôme d'État d'infirmier sera reconnu au grade de licence dès 2012 : il s'agit là d'une avancée historique. Les infirmiers pourront ainsi se spécialiser et combler le manque de professionnels situés entre les soignants et les médecins dans notre système de soins.
A cette fin, le niveau de la formation a été amélioré par le renforcement des matières scientifiques et un contenu plus axé sur la clinique. Conformément aux directives européennes la nouvelle maquette, fondée sur la notion de crédit européen, tiendra compte de l'ensemble de la charge de travail des étudiants, y compris le travail à domicile : il ne s'agit donc que de comptabiliser les heures de travail personnel qu'ils effectuent déjà. A la demande des professionnels et des étudiants, les stages cliniques ont été allongés pour renforcer l'indispensable apprentissage auprès des malades. Enfin la durée prévue pour les soins relationnels, éducatifs et préventifs et palliatifs n'a jamais été si élevée.
Ce nouveau programme répond à la demande des professionnels et des étudiants qui pourront ainsi envisager de poursuivre leur cursus en master, voire en doctorat. J'en veux pour preuve le fait qu'il a été très largement approuvé le mois dernier par le haut conseil des professions paramédicales. Enfin, cette nouvelle formation répond aux besoins des usagers en mettant à disposition du système de soins des infirmiers mieux formés, plus autonomes et susceptibles de poursuivre leur formation à l'université tout au long de leur vie.
M. Marc Laménie. - Merci de votre réponse. Elle rassurera les étudiants qui choisissent un métier de plus en plus difficile et qui requiert un grand dévouement ; il est juste que leur formation soit reconnue à sa juste valeur et qu'elle donne lieu à la délivrance d'une véritable licence.
Maisons départementales des personnes handicapées
Mme Maryvonne Blondin. - Je souhaite alerter Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur les grandes difficultés rencontrées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour obtenir de l'État les moyens humains et financiers prévus lors de la signature des conventions qui les ont créées.
L'esprit de la loi de février 2005, qui a redonné espoir à de nombreuses personnes handicapées et à leur famille, est menacé par les graves problèmes de fonctionnement auxquels les MDPH sont aujourd'hui confrontées. Mme la secrétaire d'État a déjà été interpellée plusieurs fois à ce sujet, mais ses réponses n'ont pas suffi à dissiper nos inquiétudes. L'État manque à ses engagements : il a ainsi décidé de ne pas verser sa quote-part financière pour 2008 à la MDPH du Finistère, indiquant qu'il en irait probablement de même pour les années suivantes.
Ce désengagement de l'État nuit au fonctionnement des MDPH, qui se voient régulièrement confier de nouvelles missions : je pense à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, à la prestation de compensation du handicap pour les enfants ou encore au financement du transport. C'est grâce au financement supplémentaire accordé par les conseils généraux et au dévouement de leur personnel et des militants associatifs que les MDPH parviennent aujourd'hui à assurer la continuité et la qualité des services.
Plus inquiétant encore est le fait que l'État ne compense pas le départ des agents qu'il avait mis à disposition des MDPH alors qu'il s'y était engagé. Voilà encore un transfert de charges sans juste compensation financière, qui porte atteinte au principe de l'autonomie et de la libre administration des collectivités locales inscrit dans notre Constitution.
Cette situation n'est ni acceptable, ni supportable. Le 19 mars dernier, les membres de la commission exécutive de la MDPH du Finistère, à l'exception des représentants de l'État, ont voté en faveur d'un recours contre l'État devant le tribunal administratif, afin d'obtenir près de 156 000 euros en compensation du départ des quatre agents de l'État qui ont voulu regagner leur administration d'origine. Ils ont été remplacés par des contractuels payés par le conseil général du Finistère. Celui-ci n'avait guère le choix : quatre sur soixante, c'est énorme ! Sachez qu'en 2008, la commission des droits et de l'autonomie a examiné plus de 35 000 demandes de prestations.
Le conseil général est doté d'un budget global destiné au handicap de près de 90 millions d'euros ; il a financé la dizaine de nouveaux postes créés à la MDPH depuis son ouverture en 2006. De nombreux conseils généraux se sont déjà engagés bien au-delà de leurs obligations. Mais si l'État se refuse à honorer ses promesses, la situation des MDPH continuera à se détériorer, ce qui entraînera l'allongement des délais de réponse et d'instruction des dossiers.
Depuis leur création, les MDPH ont prouvé leur utilité. Nous devons continuer à faire de la compensation du handicap une action prioritaire, pour permettre aux personnes handicapées de trouver leur place dans la société. L'État va-t-il pleinement respecter ses engagements ?
Je m'adresse cette fois à vous personnellement, monsieur le ministre, en tant qu'élue de la Bretagne, pour vous demander si vous avez apprécié l'ambiance bretonne samedi dernier.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Oui, j'ai beaucoup apprécié l'extraordinaire ambiance qu'il y avait au Stade de France.
Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Létard, qui m'a chargé de vous faire part de sa réponse.
Je ne peux pas vous laisser dire que l'État ne s'est pas investi dans la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées, qui sont effectivement un élément clé de la réforme de 2005. Un millier d'agents de l'État sont mis à disposition des MDPH et, depuis leur création, ce sont 245 millions qui ont été consacrés par l'État et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour leur fonctionnement, ce qui en fait les premiers financeurs, à hauteur de 60 % de leur budget. L'État s'était engagé à mettre à disposition des MDPH l'ensemble des moyens, humains et matériels, qui étaient jusque là affectés aux services de l'État qui accomplissaient les mêmes tâches. Cet engagement sera tenu en 2009 : tout sera mis en oeuvre pour que les postes devenus vacants depuis la création des MDPH en 2006 soient pourvus et ceux qui ne le seraient pas seront compensés financièrement. Un premier versement provisionnel sera opéré avant l'été en fonction des besoins constatés ; le solde sera versé en fin d'année en fonction des postes encore vacants à cette date.
C'est bien parce que les MDPH ont des missions plus larges que celles qui étaient auparavant dévolues aux services de l'État que le législateur a prévu une contribution de la CNSA à leur financement. Fixée au départ à 30 millions, elle a été portée l'an passé à 45 millions.
De nouvelles réformes ont été décidées : extension de la prestation de compensation du handicap aux enfants, réforme de l'allocation aux adultes handicapés. Il fallait aux MDPH des moyens supplémentaires pour les mettre en oeuvre, nous les avons prévus : la CNSA a de nouveau augmenté de 15 millions sa dotation. La régularisation est intervenue le 5 mai.
Vous conviendrez qu'on ne peut en rester là : améliorer réellement et durablement le fonctionnement des MDPH suppose désormais de faire évoluer leur statut et celui de leur personnel. Le Gouvernement a engagé une réflexion en ce sens. Cette évolution se fera en concertation avec les différents partenaires concernés, au premier rang desquels les conseils généraux, afin de s'assurer que tout est mis en oeuvre pour permettre aux MDPH de tenir correctement et efficacement leur rôle auprès des personnes handicapées.
Mme Maryvonne Blondin. - Voilà de bonnes nouvelles ! Les sommes vont être versées aux conseils généraux, merci !
L'État doit exercer ses responsabilités et continuer à le faire. Le dispositif va s'étendre ; les conseils généraux ne pourront en assumer seuls la charge.
Tribunaux des affaires de sécurité sociale
M. Jacques Mézard. - Je reviens sur un sujet que M. Teulade avait abordé le 12 mars et je vais tenir compte de la réponse que vous-même lui aviez lue.
Il est question de supprimer les 44 tribunaux des affaires de sécurité sociale (Tass), ceux qui traitent moins de 550 dossiers par an. En Auvergne, cela reviendrait à fermer trois Tass sur les quatre existants ! Seul le Tass de Clermont-Ferrand subsisterait et serait amené à statuer sur l'ensemble des dossiers de la région Auvergne.
Comme l'ont dénoncé de nombreuses associations de défense des victimes, ainsi que des professionnels, avocats et magistrats, la fermeture des Tass serait très préjudiciable aux personnes qui saisissent ces tribunaux -où la procédure est orale et requiert donc la présence des justiciables, qui sont souvent fragiles. La disparition du Tass d'Aurillac conduirait les justiciables à effectuer cinq heures de trajet aller-retour pour se rendre à Clermont-Ferrand ! Le Conseil national des barreaux, le 19 février, s'est prononcé contre cette réforme. Si elle devenait effective, nombre de nos concitoyens -accidentés du travail, invalides, souffrant d'une maladie ou d'un handicap- seraient privés d'accès à une juridiction de proximité qui fonctionne bien. Il est d'ailleurs incohérent de créer des juges de proximité et de supprimer certains tribunaux d'instance !
Le 12 mars, vous avez répondu à M. Teulade que la concertation serait prolongée jusqu'au 3 avril et que les préfets de région « porteraient une attention particulière à la consultation des élus ». Pourtant, les élus n'ont été aucunement consultés, comme me l'a confirmé Mme Escoffier C'est très désagréable ! Les parlementaires ont pourtant un avis sur cette question qui touche des citoyens particulièrement démunis. En l'absence de toute concertation, nous ne savons même pas où en est le dossier !
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la garde des sceaux.
Les tribunaux des affaires de sécurité sociale, au nombre de 115, sont chargés de régler les litiges d'application de la législation de la sécurité sociale. Chacun de ces Tass est présidé par un magistrat de l'ordre judiciaire, assisté de deux assesseurs et d'un secrétariat composé d'agents administratifs. Les Tass constituent à ce titre une juridiction sociale.
Afin d'obtenir une meilleure affectation des moyens de la justice et d'améliorer la qualité du service public rendu aux justiciables, un avant-projet de réforme, élaboré conjointement par les ministères de la justice, du travail et de l'agriculture en octobre 2008, envisage de rassembler, au sein de Tass de taille plus importante, les Tass saisis de moins de 550 requêtes nouvelles en moyenne annuelle ; leur nombre est estimé à 44 au niveau national, dont 3 en Auvergne : Moulins, Aurillac et Le Puy-en-Velay. Cet avant-projet de réforme a été conçu dans un contexte où, grâce à la récente simplification des procédures administratives, la diminution du nombre de requêtes émanant d'institutions publiques va réduire sensiblement la charge de travail des Tass, avec un effet positif sur les délais de jugement.
Néanmoins, je tiens à préciser qu'il ne s'agit que d'un avant-projet.
Afin de vérifier l'adéquation des propositions envisagées au regard des réalités locales, notamment en matière d'accessibilité pour les justiciables, cet avant-projet a fait l'objet d'une large consultation locale en février et mars, menée par les premiers présidents de cours d'appel et les procureurs généraux près les cours d'appel et par les préfets de région. Il a été demandé à ces derniers de porter une attention spécifique à la consultation des parlementaires et des élus locaux et d'examiner en profondeur la question de l'accessibilité pour les justiciables, qui sont souvent des personnes fragilisées. Dans le même esprit, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés a été reçue par les ministères concernés.
En fonction des résultats de la concertation, qui viennent de nous parvenir et qui vont faire l'objet d'une analyse approfondie au cours du mois de mai par les ministères concernés, cet avant-projet pourra être mis en oeuvre totalement, partiellement ou bien faire l'objet d'un réexamen.
Ainsi, vous l'aurez compris, il ne s'agit ni d'un projet définitivement acté, ni d'une réforme visant à remettre en cause l'existence et la spécificité des Tass.
M. Jacques Mézard. - La concertation dont les résultats vont être analysés par les ministères concernés n'a pas eu lieu. Il est facile de s'auto-concerter !
Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour expliquer à vos collègues les difficultés de transport sur les routes du Massif Central.
La séance est suspendue à midi.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 5.
Hôpital, patients, santé et territoires (Urgence)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Je suis saisi de deux rappels au Règlement.
Rappels au Règlement
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - (Applaudissements sur les bancs du CRC-SPG et sur divers bancs socialistes) Mon rappel au Règlement porte sur l'organisation de nos travaux et plus précisément sur le respect des droits du Parlement.
M. Alain Gournac. - C'est parti !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le débat sur le projet de loi relatif à l'hôpital s'ouvre aujourd'hui dans des conditions qui démontrent l'inféodation croissante des assemblées au pouvoir exécutif (exclamations à droite), c'est-à-dire au Président de la République ! (Applaudissements à gauche tandis que les exclamations se poursuivent) En effet, il a dicté hier soir à la majorité sa ligne de conduite : voilà ce que j'accepte et ce que je n'accepte pas, voilà ce que je veux et ce que je ne veux pas !
M. Jean-Louis Carrère. - On appelle cela un monarque !
M. Guy Fischer. - Et voilà !
M. Jean-Claude Gaudin. - Il a quand même été élu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La commission des affaires sociales a été saisie à 15 heures de 30 amendements qui portent sur les articles premier à 13. (M. Guy Fischer brandit la liasse) On peut imaginer qu'il y en aura d'autres sur les articles suivants. Le principe républicain de la séparation des pouvoirs est bafoué : plus besoin de discours annuels à Versailles : Nicolas Sarkozy est tous les jours dans l'hémicycle ! En outre, le Gouvernement a été systématiquement présent au cours des réunions de la commission. Si la récente décision du Conseil constitutionnel ne prévoit de présence ministérielle qu'au moment du vote, la pression de l'exécutif n'en sera pas moindre. Enfin, les conditions de travail des sénateurs ont été très difficiles, notamment en matière de délais. Ainsi, en une heure, de 15 à 16 heures, il était très difficile d'examiner les 30 amendements dont je parlais qui tombent du ciel, ou plutôt du trône ! (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ceci ne prête pas à rire ni même à sourire. La révision constitutionnelle ne renforce pas les droits du Parlement mais elle le soumet encore plus au Président de la République et elle l'humilie.
L'opposition massive au projet du Gouvernement est sans doute pour quelque chose à ces tergiversations et à ces amendements de dernière minute, qui du reste ne modifient pas le fond des choses. Est-il conforme à l'esprit de la Constitution que l'urgence soit maintenue et que jamais les députés ne puissent examiner ce qui va devenir un nouveau projet de loi ? La démocratie exige la levée de l'urgence ! (Applaudissements à gauche)
Les conditions de déroulement de ce débat doivent nous alerter sur le devenir même de la démocratie parlementaire et sur les droits de chacun d'entre nous. (Vifs applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Bel. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Après notre collègue et amie Nicole Borvo Cohen-Seat, je veux revenir sur les conditions d'examen de ce projet de loi. Si gouverner, c'est prévoir, le moins que l'on puisse dire sur l'examen en commission de ce projet de loi, c'est que rien n'avait été prévu. Le travail en commission aura finalement pris quatre jours complets, dont deux jusqu'à très tard dans la nuit. On ne connaissait pas encore les séances de nuit pour les commissions ! Rien n'avait été prévu non plus concernant les délais de dépôt des amendements et les conditions de débat en présence de Mme la ministre qui n'a d'ailleurs pas vraiment apprécié notre travail.
La mise en route des nouvelles règles de travail issues de la révision constitutionnelle de juillet dernier montre une absence de préparation qui aboutit à une improvisation totale et à des conditions de travail déplorables pour les sénateurs de la commission.
Mais là n'est pas le plus grave : la procédure accélérée devient de plus en plus insupportable sur ce projet de loi où l'improvisation le dispute au changement à vue. Le projet initial contenait 33 articles. A la sortie de l'Assemblée nationale, il en comptait 103. Il s'agissait véritablement d'un second texte. Notre commission des affaires sociales l'a réécrit presque totalement, même si rien n'a réellement changé sur le fond, que ce soit sur la mise en place d'un démantèlement progressif du service public hospitalier, sur la logique purement comptable de la gestion hospitalière ou sur l'absence d'une réelle politique de santé publique. Tout changer pour ne rien changer, telle a été la devise, mais il s'agit quand même d'un troisième texte relatif à l'hôpital.
Hier, devant la fronde de certains médecins parisiens, le Président de la République n'hésite pas à contredire sa volonté d'un seul chef à l'hôpital. Cette fronde semble d'ailleurs plus l'interpeller que la colère des agents hospitaliers face à la vente à la découpe de l'hôpital public et au plan social mis en place dans les hôpitaux publics. Sous prétexte du rapport sur les CHU rendu le jour même, Nicolas Sarkozy exige une modification du projet de loi. Si la majorité sénatoriale accède à sa volonté, il s'agira donc d'un quatrième texte sur l'hôpital.
Mes chers collègues, la modification plus que substantielle d'un texte, après l'examen en commission et pendant le débat, n'est constitutionnellement pas acceptable, surtout si le Gouvernement décide de maintenir la procédure accélérée. Cela signifierait que les députés ne pourront pas examiner ce nouveau projet de loi, puisque celui voté par le Sénat n'aura plus rien à voir avec celui qu'ils ont examiné. (Applaudissements à gauche)
Il est donc indispensable de lever la procédure accélérée parce que le Parlement doit être le lieu d'élaboration de la loi et non une chambre d'enregistrement des désirs changeants et versatiles de l'exécutif. Ce projet, malvenu et dangereux pour l'hôpital public, doit faire l'objet d'une réelle et préalable concertation avec les acteurs de santé qui ne cessent de le demander. Cette demande légitime avait été faite lors de la dernière séance de questions d'actualité. La secrétaire d'État avait lu une déclaration qui n'avait pas grand-chose à voir avec la question et elle n'avait pas répondu. Je repose donc la question : levez-vous la procédure accélérée ? Je demande une suspension de séance pour permettre au Gouvernement de nous répondre sur cette question. (Applaudissements prolongés à gauche)
M. le président. - Permettez-moi, non pas de répondre aux questions qui ont été posées au Gouvernement, mais de faire quelques remarques. D'abord, il ne m'appartient pas de réagir à une décision du Conseil constitutionnel qui s'impose.
Je tiens en outre à rendre un hommage particulier aux travaux conduits par la commission des affaires sociales, notamment par son président, son rapporteur et l'ensemble de ses membres. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre) Permettez-moi d'y associer les collaborateurs de la commission. (Mêmes mouvements)
M. Jean-Louis Carrère. - Cela relève du masochisme.
M. le président. - Je vous renvoie au tome II des travaux de la commission qui rend compte des interventions des collègues.
Mme Dominique Voynet. - M. Sarkozy ne les a pas lus !
M. le président. - Comme nous l'avons dit en Conférence des Présidents, nous devrons tirer les leçons de cette révision constitutionnelle pour améliorer le mode de fonctionnement de notre assemblée.
M. Guy Fischer. - Il faut faire vite !
M. le président. - Nous comptons bien aller vite : vous savez bien, monsieur Fischer, que j'ai demandé au président Hyest et au président Frimat de nous faire des propositions d'ici la fin juin.
Illustration des efforts accomplis, le compte rendu des séances de commission des 29 et 30 avril était en ligne le samedi 2 mai : il s'agissait du texte des titres I et II...
M. Jean-Pierre Michel. - Mais sans comparatif !
M. le président. - Le lundi matin, le texte a été distribué à tous les membres de la commission. Le mardi 6, le compte rendu relatif aux titres I et II rectifiés, correspondant à la séance de lundi, était disponible ; mercredi matin le titre III était publié sur papier, le titre IV sur internet.
M. Jean-Pierre Michel. - Rideau de fumée !
M. Guy Fischer. - On nous enfume !
M. le président. - Le jeudi 8, à 17 heures, 700 amendements ont été distribués et pouvaient être consultés en ligne. Le rapport a été publié le samedi 9 mai. (« Ce n'est pas la question ! » sur les bancs socialistes) Et le lundi 11, les amendements au titre IV étaient distribués. C'est dire l'intensité du travail, destiné à permettre à tous de contribuer au débat. Les efforts ont été fructueux : plus de mille amendements ont été déposés ! Vous demandez une suspension de séance : qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Décidez, monsieur le Président !
M. le président. - Je suspends pour quelques minutes.
La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 20.
M. le président. - La parole est à Mme la ministre pour présenter le projet de loi.
Discussion générale
M. Jean-Pierre Sueur. - Pas de réponse à notre question ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Réformer ou moderniser... (Vives protestations à gauche ; « La réponse ! » sur plusieurs bancs socialistes. Mme la ministre poursuit son discours, tandis que les exclamations couvrent totalement sa voix. MM. Jean-Louis Carrère et Jean-Pierre Michel se lèvent. Le brouhaha s'amplifie, Mme la ministre persiste, on tape en cadence sur les pupitres à gauche, MM. Robert Hue, Jean-Louis Carrère, Daniel Reiner et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sont debout, bientôt imités par plusieurs de leurs collègues. Le tumulte sur tous les bancs de gauche rend inaudible la voix de l'oratrice ; Mme Nicole Bricq et M. Guy Fischer, debout, l'apostrophent)
M. le président. - Allons !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je vais vous répondre, si vous acceptez de m'écouter !
Mme Nicole Bricq. - Pourquoi l'urgence ?
M. René-Pierre Signé. - Vous n'avez rien répondu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je ne lèverai pas la déclaration d'urgence (exclamations à gauche) car, je l'ai déjà dit... (Même mouvement)
M. Jean-Louis Carrère. - Nous aimerions vous l'entendre dire à nouveau !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Les hurlements ne créent pas le débat. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Cette loi a été préparée par un débat démocratique d'une largeur et d'une profondeur jamais égalées. (Protestations à gauche, sarcasmes sur plusieurs bancs socialistes et CRC-SPG) Deux importants rendez-vous démocratiques ont eu lieu. D'abord, les états généraux de l'organisation de la santé, occasion de consulter de nombreux professionnels de la santé ; ensuite, les travaux de la commission Larcher, durant lesquels plusieurs centaines de spécialistes de l'hôpital ont été interrogés, écoutés, confrontés. Des rapports parlementaires ont creusé la question, je songe à ceux des députés M. Flageolet et M. Bernier, ou à celui de votre collègue M. Jean-Marc Juilhard. Le Sénat a débattu de la démographie médicale, de l'accès aux soins... Vous avez pu alors confronter vos points de vue.
A l'Assemblée nationale, certains ont jugé que le débat -trois semaines...- était trop approfondi. Il s'est pourtant traduit par un enrichissement considérable du texte...
M. Jean-Louis Carrère. - Lequel ? Le quatrième ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - De même le débat au sein de votre commission des affaires sociales a duré, se poursuivant souvent fort tard dans la nuit : les discussions furent vives mais elles ont été menées jusqu'à leur terme. Il est sain que les choses se déroulent ainsi, surtout s'agissant d'une question qui concerne la santé de tous. Cela montre que la démocratie fonctionne correctement. (Exclamations à gauche ; Mme Nicole Bricq mime le geste du violoniste) Accepter un ou plusieurs amendements, ce n'est pas reconnaître une erreur. Donner du prix à la concertation, ce n'est pas reculer, c'est respecter la démocratie. Des inquiétudes se sont exprimées, je les ai entendues. Dans un climat sérieux et apaisé, j'ai longuement discuté, y compris ces derniers jours, avec les présidents de la Conférence ainsi qu'avec votre rapporteur, afin de trouver une voie de réponse sans dénaturer le texte. Hommage soit rendu à mes interlocuteurs au nom de la démocratie.
J'ai siégé de nombreuses années au Parlement, je sais la qualité de la réflexion qui s'y déploie. J'ai porté une grande attention aux travaux de votre commission, qui a su se mobiliser autour de cet enjeu majeur pour l'avenir de notre système de santé.
Il faut en préserver l'esprit, mais ce texte de grande qualité doit encore évoluer. Je remercie le président About de sa hauteur de vue, sa sagacité, son humanité. (Sourires ironiques à gauche ; Mme Nicole Bricq fait à nouveau mine de jouer du violon) Je lui exprime ici toute ma gratitude. Je salue également le rapporteur M. Alain Milon (applaudissements sur les bancs UMP) qui a notamment démontré son talent de pédagogue. Merci également au président du Sénat M. Gérard Larcher qui, par son rapport sur les missions de l'hôpital, a inspiré une large part de cette loi. Son expertise et sa lucidité (M. Jean-Louis Carrère : « surtout sa malignité ») nous ont depuis lors été un atout considérable. Par sa sagesse, la Haute assemblée a la capacité de s'approprier les projets les plus ambitieux.
A l'aube de ce débat, je suis confiante.
Cette réforme, il est plus que temps de l'entreprendre. Depuis de longues années, la complexité et le cloisonnement de notre système de santé, dont nos concitoyens souffrent les premiers, sont dénoncés. Personne ne trouve normal qu'un malade se rende aux urgences quand son médecin aurait pu le recevoir !
M. Jean Desessard. - A quelle heure ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Personne ne tolère que le transfert d'une personne âgée de l'hôpital à la maison de retraite soit un parcours du combattant pour ses proches.
M. René-Pierre Signé. - Rien à voir !
M. François Autain. - Ce texte ne sert à rien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous en tenir au statu quo n'est plus possible. Pour agir, faut-il attendre que les zones rurales et périurbaines ne deviennent de véritables déserts médicaux ?
M. René-Pierre Signé. - Votre loi n'apporte rien !
M. Jean-Louis Carrère. - Ce n'est que de la com' !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous ne pouvons pas accepter cette démédicalisation des territoires !
M. François Autain. - C'est pourtant ce que vous faites !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Au-delà des divergences politiques, ce texte vous invite à répondre à la question suivante : pouvons-nous continuer à observer ces fragilités sans agir ? Non, il faut améliorer l'accès aux soins, adapter l'offre de soins aux nouvelles attentes des patients, qui veulent être acteurs de leur propre santé, et des professionnels de santé, favorables -particulièrement, la jeune génération- à une organisation plus souple, plus cohérente et plus efficace. Nous ne pouvons plus ignorer les défis auxquels doit faire face notre système de santé car il y va de la survie de notre modèle solidaire. Alors que les passages aux urgences ont doublé en dix ans et que la densité médicale est de 830 médecins pour 100 000 habitants à Paris, contre 198 médecins dans l'Eure, pouvons-nous laisser la situation se dégrader ?
M. Adrien Gouteyron. - Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le vieillissement de la population impose de développer les soins de suite et, chère madame Létard, le secteur médico-social. De même, les progrès techniques commandent de repenser l'organisation de notre système de santé dans un souci de qualité et de sécurité. Peut-on accepter que les disparités entre hôpitaux se creusent au détriment des patients ?
M. Jean-Louis Carrère. - Ma parole ! Vous ne faites que poser des questions quand nous attendons des réponses !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Ce sont de bonnes questions ! Les réponses viendront en leur temps...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce texte offre des outils nombreux et variés qui forment, je veux le souligner, un ensemble cohérent pour répondre à une politique de prévention ambitieuse.
Quel système transmettre aux générations futures ? Comment garantir l'accès à des soins de qualité ?
M. René-Pierre Signé. - Avec un directeur omnipotent !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - En un mot, comment préserver durablement les principes de qualité, de solidarité et de justice ?
M. François Autain. - Tout ça, c'est du baratin !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le Président de la République et le Premier ministre ont voulu anticiper les dégradations prévisibles de notre patrimoine.
M. Jean-Louis Carrère. - Fillon rime avec bâillon !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Notre système de santé a besoin de moyens. Année après année, nous continuerons d'investir dans l'hôpital : outre la progression des crédits accordés à la médecine de ville et à l'hôpital de 3,1 % dans la dernière loi de financement, les hôpitaux bénéficieront du Plan hôpital doté de 10 milliards jusqu'en 2012 -pas moins de 279 projets sont déjà notifiés pour 2,5 milliards.
Notre système de santé a également besoin d'organisation. Malgré le dévouement et le talent de nos professionnels de santé, auxquels je rends un sincère hommage, notre système présente des fragilités en raison du manque de coordination entre la médecine libérale, la médecine hospitalière, la prévention et le secteur médico-social. Rapprochons organisateurs et financeurs pour jeter les bases d'un nouveau système de santé durable et solidaire (M. François Autain marque son scepticisme) avec les agences régionales de santé, les ARS, qui réuniront sept services de l'État et de l'assurance maladie. Nous n'avons que trop tardé à simplifier notre système de santé.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Très juste !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Finissons-en avec la dyarchie au niveau régional, dénoncée légitimement par M. About en commission. Votre commission a souligné l'importance d'un pilotage national clair. Ainsi, les ARS disposeront-elles d'instructions claires, malgré la diversité des donneurs d'ordre. Leur conseil de surveillance, qui contribuera à définir leur stratégie, sera composé de manière à respecter l'équilibre entre État et assurance maladie, mais aussi les principes de la démocratie sanitaire, politique et sociale avec des représentants des élus locaux, des partenaires sociaux et des usagers. Qui plus est, la politique régionale de santé sera définie en concertation avec les conférences régionales de santé, voire les conférences de territoire, dont les agences détermineront librement le périmètre, et les unions régionales des professionnels de santé.
Améliorer l'accès aux soins de tous les Français, quels que soient leurs moyens et leur lieu de vie, est une priorité absolue. A cet égard, outre l'initiative d'instituer un devis obligatoire pour les prothèses dentaires que je soutiens, nous devons également mieux organiser l'offre de soins dans le respect de la liberté d'installation. Nous devons agir ensemble, en responsabilité...
M. Guy Fischer. - C'est la contrainte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Notre pari est celui de l'implication des médecins libéraux...
M. René-Pierre Signé. - Aux heures ouvrables !
M. François Autain. - La liberté d'installation nuit au patient !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Personne n'a jamais conduit de bonne politique de santé contre les médecins ! (M. Gilbert Barbier applaudit) Puisque 70 % des médecins s'installent dans la région où ils ont été formés, organisons la formation en conséquence en prévoyant que le numerus clausus de première année et la répartition des internes soient fonction des besoins des populations. (Marques d'acquiescement sur quelques bancs à droite) Je remercie les étudiants et les internes d'avoir fait preuve de responsabilité sur ce point ! La proposition de votre rapporteur ouvrant la possibilité aux étudiants français diplômés d'un second cycle dans un pays de l'Union européenne de se présenter à l'examen national ainsi que celle de Mme Hermange sur le mi-temps thérapeutique des internes sont des mesures de justice. Dans le domaine de la formation, il faut encourager la formation continue. Le système de validation des acquis de l'expérience, dont le rapporteur a dessiné les contours, permettra une coordination utile de l'ordre des médecins et de l'université. Les formations des professionnels de santé seront adaptées à la réforme LMD à commencer par les infirmiers cette année. A la suite de nos échanges en commission, je présenterai un amendement sur la « masterisation » des sages-femmes. (Mme Isabelle Debré : « Très bien ! »)
Parallèlement, nous voulons définir en concertation avec les professionnels et les élus un schéma d'aménagement de l'offre de soins de premier recours sur tout le territoire, non pour les seules zones en difficulté, qui complétera le schéma hospitalier de prévention et médico-social, sans pour autant affaiblir le dispositif du médecin traitant.
L'amélioration de l'accès aux soins passe également par une coopération renforcée entre les professionnels de santé et la modernisation des ordres médicaux et paramédicaux sur lesquels nous devons nous appuyer. Les travaux en commission l'ont souligné. De même, nous devons faire évoluer les pratiques des pharmaciens d'officine et inventer des modes de prise en charge différents.
Je suis favorable à des coopérations volontaires, à partir du terrain.
Les maisons ou pôles de santé ont fait leurs preuves et ne connaissent aucun problème de recrutement. Il faut diffuser ces expériences.
S'agissant de l'installation des médecins, les contrats santé solidarité définis dans la petite loi représentent un point d'équilibre entre les exigences des praticiens et les attentes de nos concitoyens. J'y suis attachée et je souhaite qu'on le réexamine. Il appartiendra ensuite aux médecins de s'approprier cet espace de liberté.
M. René-Pierre Signé. - Et le serment d'Hippocrate ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La biologie médicale appelle d'urgence une réforme profonde, structurelle. Peut-on laisser perdurer des défauts de fiabilité ? Ce projet fait pour la biologie médicale le choix de la modélisation et de l'amélioration du maillage territorial.
La réforme du système hospitalier procède d'une logique similaire : mieux adapter les hôpitaux aux situations nouvelles. Il est impératif de moderniser leur gouvernance. Non, gouverner, ce n'est pas harceler ni caporaliser, mais c'est...
M. François Autain. - Choisir !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ...identifier des responsabilités ! (Mouvements divers à gauche) Je fais confiance à ce corps vivant qu'est l'hôpital public, je veux lui donner les moyens de porter ses valeurs.
M. Guy Fischer. - On en reparlera !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Tous doivent être unis pour la qualité des soins. Certains voudraient faire porter à ce texte des responsabilités qui ne sont pas les siennes. Ils dénoncent la situation actuelle.
M. François Autain. - Qui l'a créée ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Certains voudraient faire croire que le texte prive les médecins de pouvoir. (M. René-Pierre Signé : « le Président de la République vous a désavouée !) En plaçant le président de la commission médicale d'établissement dans une position déterminante, le projet renforce au contraire le projet médical d'établissement, qui sera élaboré par le président de la commission et le directeur et, grâce à votre commission, approuvé par le directoire, majoritairement composé de médecins.
Voix à gauche. - Ils vous ont fait peur !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - On ne peut pas opposer soins et organisation de l'hôpital. Sortons une bonne fois pour toutes d'une opposition absurde entre médecine et administration qui laisserait croire que l'une peut fonctionner sans l'autre. Le directeur est sans doute un administrateur, mais il est aussi un homme de santé publique et personne ne contestera que le service public ne relève de l'ensemble de la communauté hospitalière. C'est pourquoi j'entends que soit mise en place une gouvernance soudée au bénéfice des patients. Pour construire l'hôpital de demain, chacun doit s'approprier le texte dans le respect des responsabilités de chacun : pouvoir et responsabilité vont de pair.
J'ai volontairement proposé un texte limité, signe de ma confiance dans les débats.
M. Jean-Louis Carrère. - Plus riches que le projet du Gouvernement !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce choix a pu susciter des inquiétudes mais j'ai la certitude que nous arriverons à un dispositif équilibré. Je suis ouverte à des améliorations et la commission a déjà formulé des propositions. Nous parviendrons à un texte qui ne confondra pas indépendance de la décision médicale et individualisme. Croyez-vous que le directeur ne se soucie pas de la qualité des soins et que les médecins sont indifférents à l'avenir de leur établissement ? J'ai rencontré beaucoup de présidents de CME et de directeurs...
M. François Autain. - De supermarché !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ...unis dans la même volonté que leur hôpital progresse et réponde mieux aux attentes des patients. Je les ai entendus et je ne l'oublie pas. L'hôpital est un corps vivant, qui a besoin de relations apaisées...
M. François Autain. - C'est mal parti ! Très mal parti...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le texte rappelle l'existence des services hospitaliers ; les chefs de pôle seront nommés sur proposition du président de la CME, ce qui renforce leur légitimité tandis qu'une procédure de déblocage préserve les pouvoirs du directeur ; le projet médical sera élaboré par le président de la CME avec ce dernier, et approuvé par le directoire, qui comprend une majorité de médecins. Élu par ses pairs, le président de la CME représente l'autorité médicale morale de l'hôpital, son avis sera obligatoire pour tout ce qui concerne les médecins. (Voix à gauche : « c'est nouveau ! ») Mais serait-il indépendant s'il devait nommer les confrères qui l'ont élu et comment le directeur serait-il responsable de décisions qu'il n'aurait pas prises ? Il nous faut préciser cette ligne de partage pour que chacun ait la plénitude de ses attributions et que tous participent au développement de l'hôpital.
En cas de conflit, les avis du président de la CME seront les témoins de sa position et le conseil de surveillance pourra les consulter. Cependant, le directeur doit assumer ses responsabilités. Ne recréons pas des blocages et ne privons pas l'hôpital de cette clarification. Je suis sûre que nos débats seront fructueux.
Réformer l'hôpital, c'est répondre à la gradation des besoins par celle des structures et promouvoir une logique de complémentarité grâce aux communautés hospitalières de territoire. Les hôpitaux de proximité constituent un maillon essentiel de l'offre de soins. Des coopérations renforcées leur donneront toute leur place. La commission des affaires sociales a exprimé des inquiétudes que le débat permettra de lever -j'ai des propositions à vous faire. Mon objectif n'est pas de créer des mastodontes régionaux mais de renforcer les complémentarités entre établissements pour une activité totale MCO de 400 à 600 lits. Je sais votre attachement à des regroupements qui fassent sens. Je vous proposerai de modifier le texte de votre commission pour que le conseil d'administration puisse s'opposer à l'adhésion à un CHT comprenant un CHU mais je vous propose de maintenir la capacité d'initiative du directoire dans les autres cas. Je suis favorable aux amendements de votre commission sur le volontariat mais il faut réaffirmer la capacité d'intervention des ARS. Ce sont les mêmes conditions qui prévalent aujourd'hui pour les ARH.
M. Nicolas About, président de la commission. - Dans deux cas seulement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Si le Gouvernement a souhaité introduire la notion d'établissement siège, c'est pour éviter d'avoir à créer une nouvelle structure. Je salue l'amendement de votre commission qui évitera des craintes infondées de mainmise par l'établissement siège sur ses composantes. Il nous faut cependant prévoir les conditions d'une complémentarité car des hôpitaux bien adaptés sont des hôpitaux plus sûrs. Ne manquons donc pas l'occasion historique de développer les complémentarités et ne condamnons pas certains de nos compatriotes à recevoir des soins discutables. Je souhaite que l'on puisse faire évoluer des services, afin de maintenir la réputation de qualité des hôpitaux.
Pour améliorer les parcours de soins, il faut décloisonner et faciliter les transferts. Votre commission des affaires sociales a formalisé la coordination entre médecins libéraux et praticiens hospitaliers.
M. Jean-Pierre Fourcade. - C'est essentiel. (Mme Isabelle Debré le confirme)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le Président de la République a confié une mission au professeur Marescaux. (« Ha « ! et « enfin ! » à gauche ; M. Guy Fischer : « on se moque de nous ! ») La recherche et l'enseignement sont vitaux. Ayant beaucoup travaillé avec M. Marescaux, j'avais pu vous donner en avant-première certaines de ses orientations ; vous n'avez donc pas été surpris de ses propositions. L'enseignement et la recherche en CHU doivent être mieux identifiés et financés, car c'est la condition pour rester au plus haut niveau. Certains centres, comme celui de Lille, y ont beaucoup travaillé. Le Gouvernement a donc été très attentif aux conclusions de cette mission, et c'est pourquoi j'ai déjà déposé deux amendements que votre commission des affaires sociales a adoptés. Il s'agit d'associer le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à la nomination des directeurs de CHU.
Nous prévoyons aussi d'associer au président deux vice-présidents, soit le doyen de la faculté de médecine et un vice-président chargé de la recherche. Je souhaite que le débat ait lieu. Le Gouvernement proposera aussi deux amendements sur la valorisation des conventions hospitalo-universitaires.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Quand donc nous seront-ils communiqués ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Mais cette dimension ne doit pas occulter la mission hospitalière des CHU. C'est pourquoi j'ai souhaité que l'un des membres du directoire soit choisi parmi les praticiens-hospitaliers, qui doivent aussi pouvoir continuer à prétendre aux fonctions de chef de pôle. J'y insiste afin que les choses soient bien claires, car le rapport Marescaux a été mal interprété sur ce point, nous entendons améliorer la participation de tous aux trois missions des CHU.
Santé publique et prévention inspirent elles aussi tout ce texte. Et je pense aussi à la prévention des difficultés futures de notre système de santé.
Pour accompagner la loi et la compléter, un travail de fond est mené, en matière de prévention, qui s'appuie sur la mobilisation de tous les acteurs ainsi que sur des mesures et programmes nationaux.
La loi relative à la santé publique, en cours d'évaluation, sera révisée en 2010. Là n'est donc pas la vocation de ce texte. J'ai néanmoins tenu à proposer quelques mesures emblématiques pour protéger les plus vulnérables, parmi lesquels il faut compter les jeunes.
Améliorer l'état de santé de nos concitoyens et les aider à préserver, le plus longtemps possible, leur autonomie est un impératif essentiel. Or, le poids des maladies chroniques va croissant : plus d'un Français sur cinq est concerné. L'éducation thérapeutique doit aider le patient à mieux comprendre sa pathologie pour devenir acteur de sa santé. En l'intégrant au parcours de soins des malades, nous consacrons une nouvelle étape dans la relation du patient et de son entourage avec les professionnels de santé et les associations de malades. De nombreuses initiatives existent déjà sur le terrain. A nous de nous en inspirer et d'assurer leur développement.
C'est en amont, avant l'apparition de la maladie, que la prévention doit jouer tout son rôle. Le tabac et l'alcool sont parmi les premières causes de mortalité évitable. La consommation d'alcool chez les jeunes est en constante augmentation. Les modes de consommation se transforment : les ivresses alcooliques sont plus fréquentes. La proportion de jeunes hospitalisés pour ivresse aiguë a bondi de 50 % chez les 15-24 ans entre 2003 et 2007.
Les jeunes continuent aussi de payer un lourd tribut sur les routes. Les 15-24 ans représentent 12,6 % de la population, mais 25,6 % des morts sur la route en 2007. Chaque semaine, 25 jeunes perdent la vie dans un accident de la route, soit 41 % des causes de décès chez les garçons de 15 à 19 ans (M. Nicolas About, président de la commission, le confirme)
Il est de notre devoir de protéger les plus vulnérables. Lors de la discussion du texte à l'Assemblée nationale, les députés se sont saisis de la question, avec un indéniable sens des responsabilités qui, je le sais, est aussi le vôtre. La vente ou la distribution gratuite d'alcool aux mineurs, ainsi que les « open bars », ont été interdits, avec le souci de préserver les fêtes traditionnelles. C'est là un compromis équilibré et consensuel, qui conjugue les enjeux économiques et commerciaux avec les impératifs de sécurité routière et de santé publique.
Comme les députés, vous avez souhaité adjoindre à ce texte des mesures de santé environnementale, notamment pour la protection des personnes dans leurs logements, avec l'interdiction du radon et de l'amiante. Je me réjouis de ces mesures qui viendront renforcer notre politique de lutte contre le cancer.
Les débats à l'Assemblée nationale ont également permis d'introduire la question de la nutrition, qui constitue une préoccupation quotidienne, surtout pour les populations les plus en difficulté.
C'est bien le patient, non pas abstrait mais incarné, qui est au coeur de nos préoccupations. C'est bien la philosophie du pacte de 1945 qui inspire nos choix. (Exclamations à gauche ; M. René Teulade : « ce n'est pas vrai !) Rappeler les exigences de solidarité et de justice est non seulement utile, mais indispensable. Rappeler que ces principes fondamentaux sont mis en péril par les cloisonnements de notre système ou par les déserts médicaux est une évidence. Mais ces rengaines ne doivent pas rester vaines incantations, coupées de toute réalisation concrète.
Cette santé durable et solidaire que nous appelons de nos voeux dépend de notre implication collective. Le statu quo n'est plus possible. Le débat qui s'engage sera déterminant pour l'avenir de notre système de santé.
Si la santé n'entre pas à proprement parler dans les fonctions régaliennes de l'État, elle constitue à n'en pas douter une préoccupation majeure de nos sociétés. Nous ne devons jamais l'oublier. C'est pourquoi j'aborde ce débat avec gravité, consciente de la responsabilité qui est la nôtre. Évitons les caricatures et les raccourcis, dissipons les malentendus, oeuvrons résolument ensemble à la recherche d'un texte équilibré. J'ai la conviction que nous saurons alors donner corps à notre ambition partagée de consolider le patrimoine commun. (Applaudissements à droite et sur la plupart des bancs au centre)
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - (Applaudissements à droite et au centre) En charge, aux côtés de Roselyne Bachelot, du volet médico-social de ce texte, mon intervention portera sur le titre IV, qui crée les agences régionales de santé, pilier majeur de la réorganisation de notre système sanitaire et médico-social, tandis que l'article 28 engage une réforme profonde de la création et du financement des établissements médico-sociaux.
L'enjeu est central. Dans les prochaines années, notre pays devra faire face au défi du vieillissement de sa population. Si, comme cela est heureux, l'espérance de vie en bonne santé ne cesse de progresser, l'augmentation du nombre de patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée constitue de fait un défi majeur. Sans compter les attentes croissantes en matière de prise en charge de la dépendance mais aussi du handicap. Je n'en citerai qu'un exemple, l'autisme. Nous devons aux Français des solutions de qualité, respectueuses de leur dignité et de leur volonté d'autonomie.
Seule une adaptation du secteur médico-social permettra de répondre à ces nouvelles attentes, qui appellent des outils plus performants. Ce projet de loi est donc aussi fondateur pour le médico-social qu'il l'est pour l'hospitalier. Ce n'est pas parce qu'il est éclaté en de multiples structures que ce secteur serait « un poids Iéger » de la réforme. Il représente une dépense de 18 milliards par an 30 000 établissements, un million de places. Il emploie plus de 700 000 personnes, 410 000 dans le champ de la dépendance et 310 000 dans celui du handicap. Il constitue enfin, ne l'oublions pas, un gisement d'emplois pérennes et non délocalisables. C'est même le seul secteur à avoir embauché, en ce début d'année, plus que l'an dernier à la même époque. Il nous revient d'ouvrir ses métiers et de les rendre attractifs.
Je remercie votre rapporteur pour son attention au médico-social et le soin qu'il a pris à conforter les avancées du débat à l'Assemblée nationale. Je me réjouis de sa volonté, commune avec le président de la commission, de donner à la discussion du titre IV tout le temps nécessaire.
J'irai, avec Brice Hortefeux, dans le sens des propos de Roselyne Bachelot pour vous confirmer que la réforme du secteur se fera autour de trois lignes force : pleine prise en compte des enjeux médico-sociaux dans les politiques conduites par l'agence, au même rang que les enjeux sanitaires ; pleine association des associations et collectivité locales à la définition des priorités de la politique régionale de santé et à ses conditions de mise en oeuvre ; pleine garantie des moyens financiers adéquats, grâce à la fongibilité asymétrique.
La création des agences régionales de santé n'est pas une simple réforme administrative, c'est aussi une révolution culturelle. Il s'agit de passer d'une administration centrée sur la santé, entendue comme la prise en charge des soins aigus et de la maladie, à un service public animé par une conception globale de la santé, envisagée, selon la définition de l'OMS, comme « un état de complet bien-être physique et mental ». A ce titre, l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie est bien, tout comme la prévention, centrale.
Les agences régionales de santé sont une chance pour le secteur médico-social. L'intention du Gouvernement, et je veux vous faire partager ma conviction, est bien de préserver les acquis, comme la prise en charge globale et personnalisée ou la place privilégiée reconnue aux usagers et aux associations. Car l'agence régionale de santé, ce n'est pas la domination d'un secteur sur un autre mais l'addition des forces pour assurer la cohérence des actions, depuis la prévention jusqu'à l'accompagnement au long cours.
Certes, ce cadre nouveau opère un changement culturel d'ampleur. Ainsi de la procédure d'appel à projets ou de la définition collective et transversale des besoins via le projet régional de santé et le schéma régional d'organisation médico-sociale. Il s'agit, en somme, de décloisonner le système de soins tout en préservant la spécificité du médico-social.
La discussion du texte à l'Assemblée nationale a déjà permis de considérables progrès. Sur la place des usagers, tout d'abord, désormais garantie dans toutes les instances de gouvernance de l'ARS : conseil de surveillance, conférences régionales, commissions spécialisées et commissions d'appel à projet. Les usagers, les associations, les familles ne peuvent pas être dans la même relation à l'institution que le patient face au médecin ou à l'hôpital.
Le projet de loi a également été complété pour garantir au secteur médico-social un financement pérenne et croissant grâce au mécanisme de la fongibilité asymétrique. Par ce dispositif, complété à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a voulu non seulement garantir que les moyens de l'Ondam médico-social resteront dédiés exclusivement aux établissements et services médico-sociaux mais aussi s'assurer que lorsque des restructurations hospitalières augmenteront l'offre médico-sociale, les crédits nécessaires à cette nouvelle offre seront transférés.
Toujours pour faire face aux besoins nouveaux, il nous faut ouvrir plus rapidement de nouvelles structures. C'est l'objectif de la réforme des comités régionaux de l'organisation sociale et médico-sociale. La nouvelle procédure d'appels à projet, plus simple, accordera d'emblée autorisation et financement aux projets répondant le mieux aux besoins, ce qui mettra fin aux listes d'attentes où un promoteur reste des années dans l'incertitude. Elle fera une place particulière aux projets innovants et permettra de faire remonter du terrain les initiatives les plus intéressantes.
Enfin la prise en charge du handicap et de la dépendance implique en général fortement l'entourage, ce qui impose de soutenir les aidants et accueillants familiaux dont le projet de loi prévoit de financer la formation. C'est un axe important du plan Alzheimer voulu par le Président de la République qui répond à la demande des personnes et de leurs familles de préserver le maintien à domicile le plus longtemps possible. En soutenant les proches, on leur évitera l'isolement et l'épuisement encore trop souvent constatés.
Les avancées obtenues à l'Assemblée nationale dans le champ médico-social ont été encore confortées par votre commission des affaires sociales. Je citerai les avancées en matière d'évaluation et de certification des établissements et services médico-sociaux, la prise en compte des objectifs de qualité dans la signature des contrats d'objectifs et de moyens, l'amélioration du fonctionnement des groupements de coopération dans le secteur médico-social, la clarification des règles pendant la période de transition entre le dispositif actuel et la montée en puissance des commissions d'appels à projet.
Certaines associations ont encore des craintes qui donneront lieu à des amendements. Les collectivités territoriales ont demandé à être davantage associées au processus de planification, d'autorisation et de financement. Toutefois, dans la définition du rôle des uns et des autres, en particulier des départements, le Gouvernement aura une limite : celle fixée par le calendrier de la réforme territoriale initiée par le comité Balladur, qui nous imposera de ne pas préempter prématurément des questions qui relèvent de l'équilibre général de la décentralisation.
Nous évoquerons ensemble les points qui méritent d'être encore expliqués ou garantis, notamment lors de l'élaboration des décrets d'application. Je serai attentive à ce que le médico-social soit systématiquement pris en compte dans le volet réglementaire. Cette sensibilité au médico-social devra transparaître dans le recrutement des directeurs d'ARS et dans l'organisation de leurs équipes.
Malgré les préoccupations exprimées çà et là, ce projet de loi permet, dans le champ du médico-social, non seulement de préserver les équilibres, mais aussi d'aller de l'avant. Les textes réglementaires devront apporter les garanties nécessaires quant à la représentation des différents acteurs et à la possibilité laissée aux promoteurs de proposer des projets innovants. Décloisonner, assurer la participation de tous les acteurs à une programmation coordonnée, rendre plus rapide les procédures de créations de places : la création des ARS répond à ces problèmes pour peu que nous sachions faire vivre ce projet, que la volonté de participation des acteurs l'emporte sur la peur du changement.
Pour respecter les impératifs de proximité, le projet de loi prévoit des délégations territoriales de l'ARS dans chaque département qui, disposant d'un mandat pour appliquer la stratégie de l'agence, seront l'interlocuteur du préfet et de différents partenaires de l'ARS. Ce cadre nouveau qui assure la cohérence du système tout en préservant un échelon territorial colle au plus près des besoins.
Notre objectif est de faire de notre système de soins et de prise en charge de la dépendance un ensemble mieux articulé et plus réactif pour nous préparer à la montée en puissance du vieillissement de la population française dans les dix prochaines années. Cet objectif a été partagé par Roselyne Bachelot que je remercie pour sa capacité à travailler avec le secteur médico-social. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. - (« Bravo ! » et applaudissements à droite et au centre) Ce texte, en application de la réforme constitutionnelle de juillet 2008, est celui issu des travaux de la commission auxquels, conformément à la récente décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a pleinement participé. Cette nouvelle procédure a montré le souci de tous les membres de la commission, au-delà des appartenances politiques, de faire oeuvre commune et tous ont eu à coeur de prendre part à ce travail exigeant d'écriture collective.
Les 1 423 amendements dont nous avons été saisis et les 428 que nous avons adoptés montrent l'intérêt suscité par ce texte qui porte sur des préoccupations communes à tous nos concitoyens : l'égal accès à des soins de qualité, la sécurité sanitaire, la prévention, l'éducation thérapeutique, l'accompagnement médico-social, la cohérence du parcours de soins, l'excellence de l'hôpital public, la permanence des soins. J'y ajouterai la maîtrise médicalisée des dépenses de santé car nos concitoyens savent bien que l'emballement des dépenses, outre qu'il n'est pas un gage de qualité des soins, met en péril un élément essentiel de notre pacte social.
Dans le titre I, consacré à la modernisation du système de santé, le texte propose une nouvelle définition, matérielle et non plus organique, du service public, fondé sur l'accomplissement de missions et non plus sur le statut des établissements. Mais, comme l'avait souligné le rapport Larcher, l'actuelle participation des établissements privés au service hospitalier ne correspond plus toujours aux besoins d'accessibilité aux soins. Le texte prévoit donc que les missions de service public puissent être confiées à des établissements privés dans le cadre de leur contrat d'objectifs ou de moyens ou, à défaut, d'un contrat spécifique qui précisera les garanties offertes aux patients en termes d'égalité d'accès, de permanence des soins et de tarifs opposables.
Notre commission a complété ce dispositif sur deux points : les missions de service public déjà assurées par un établissement feront l'objet d'une reconnaissance prioritaire dans le contrat d'objectifs et de moyens et les garanties offertes aux patients seront également applicables en cas de soins consécutifs à leur prise en charge au titre du service public ou en urgence. En revanche, elle n'a pas souhaité qu'en dehors de ce cadre, et dans des conditions mal définies, on impose à un établissement d'assurer une proportion minimale d'actes facturés aux tarifs du secteur 1. Nous n'ignorons pas qu'il y a, dans certains territoires, des problèmes à cet égard, mais la mesure adoptée par l'Assemblée nationale ne les résout pas.
M. François Autain. - Faux !
M. Alain Milon, rapporteur. - La commission a aussi précisé comment les obligations de service public imposées à un établissement se traduiront dans les contrats passés entre ceux-ci et les praticiens qui y exercent. Pour répartir équitablement ces obligations entre tous les praticiens, et ne pas remettre inutilement en cause l'équilibre de ces contrats, elle a prévu que le refus de leur révision ne pourrait entraîner leur résiliation sans indemnités que lorsque les obligations imposées aux médecins excéderaient 30 % de leur temps travaillé.
La commission a reconnu, comme avant elle l'Assemblée nationale, l'existence d'une catégorie d'établissements de santé « privés d'intérêt collectif », les Espic, qui perpétuera l'apport essentiel à notre système de santé d'institutions comme les centres de lutte contre le cancer ou les anciens établissements à but non lucratif participant au service public hospitalier.
La commission a également adopté une nouvelle rédaction des dispositions du code de la santé publique relatives aux centres de santé et à leurs missions.
J'en viens au thème très controversé de la gouvernance de l'hôpital public. Nous sommes pleinement conscients de la nécessité d'une bonne administration de l'hôpital, même si la proportion des établissements en déficit est faible et s'il convient de mieux reconnaître les contraintes qui pèsent sur eux. A ce propos je me félicite, madame la ministre, que vous ayez décidé de revoir le calendrier de convergence intersectorielle. (M. Nicolas About, président de la commission, s'en réjouit également)
Nous avons été guidés par deux principes : l'on ne peut pas gérer l'hôpital sans les médecins ni, ajouterai-je, sans les élus, et il est souhaitable, conformément aux recommandations du rapport Larcher, de rééquilibrer les compétences entre le conseil de surveillance, le directoire et le directeur.
Le premier doit pouvoir contrôler la gestion de l'établissement et obtenir toutes les informations qu'il souhaite. Il doit pouvoir se prononcer sur la politique de coopération de l'établissement et sur d'éventuels projets de fusion. Nous lui avons également permis de donner son avis sur le programme d'investissement, qui n'est plus inclus dans le projet d'établissement soumis à son approbation, ainsi que sur le budget prévisionnel, les décisions immobilières, les contrats de partenariat et le règlement intérieur. Enfin, il nous a paru légitime que deux des cinq personnalités qualifiées qui siégeront à ce conseil soient nommées par le maire de la commune, et une autre par le président du conseil général.
En ce qui concerne les médecins, tout en ayant soin d'éviter les blocages, nous avons voulu favoriser la coopération entre eux et l'administration, conformément aux règles de la « nouvelle gouvernance » organisée par l'ordonnance de 2005.
Nous avons jugé indispensable d'associer le président de la commission médicale d'établissement (CME) à la définition de la politique d'amélioration continue de la qualité des soins, ainsi que des conditions d'accueil et de prise en charge des usagers. L'Assemblée nationale avait prévu un avis du conseil de surveillance à ce sujet, qui doit plus que tout autre rassembler la communauté hospitalière. Il nous semble également essentiel que le président de la CME, qui élabore le projet médical d'établissement, coordonne avec le directeur la politique médicale d'établissement.
Le même souci de rendre la gouvernance de l'hôpital plus collégiale a inspiré un amendement, dont je fus l'initiateur, tendant à associer davantage le président de la CME à l'élaboration des contrats de pôle. Le texte de la commission prévoit que les chefs de pôle seront choisis par le directeur d'établissement sur une liste établie par le président de la CME, qui cosignera les contrats de pôle avec le directeur et le chef de pôle.
Nous avons souhaité préciser que les pôles peuvent comporter des structures internes, que le projet de loi initial ne mentionnait pas. Nous pensons en effet que pôles et services sont deux structures aux finalités distinctes, qu'il convient de préserver.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le texte du Gouvernement ne remettait nullement en cause l'existence des services !
M. Alain Milon, rapporteur. - Aux services revient l'activité strictement médicale, aux pôles l'harmonisation des objectifs et des moyens. Nous avons devancé les conclusions de la commission Marescaux, selon lesquelles « la logique de rapprochement circonstanciel ou matériel (...) a trop souvent prévalu pour la création des pôles ».
Enfin nous avons confié au directoire, qui prépare le projet d'établissement, le soin d'approuver le projet médical d'établissement, et modifié la composition du directoire des CHU en créant deux postes de vice-présidents supplémentaires : les propositions du Président de la République sont donc déjà satisfaites.
M. Guy Fischer. - Comme par hasard !
M. Alain Milon, rapporteur. - Dites plutôt par anticipation, grâce à l'intelligence de la commission. (Applaudissements à droite)
M. François Patriat. - M. Sarkozy désavoue tout le monde !
M. Alain Milon, rapporteur. - Ces ajustements permettront au directeur de s'appuyer sur toutes les compétences, et d'abord sur celles des médecins qui, depuis la réforme « Mattei », se sont fortement impliqués dans la gestion des établissements. Le projet de loi leur avait donné l'impression d'être un peu « mis sur la touche »...
Renforcer la coopération entre les établissements publics était l'une des recommandations emblématiques du rapport Larcher. Il suggérait de permettre aux établissements de s'associer volontairement sur la base d'un projet commun, en s'inspirant des mécanismes de la coopération intercommunale. Le projet de loi initial retenait le principe d'une coopération conventionnelle, même si cela n'apparaissait pas toujours dans les formules retenues. Il créait des communautés hospitalières de territoire (CHT) sans leur accorder la personnalité morale. Mais l'alternative entre la « communauté fédérative » et la « communauté intégrée » laissait peu de place à la souplesse contractuelle et aux « coopérations consenties » que privilégiait le rapport Larcher : dans le premier cas, la communauté était dirigée par un établissement siège, dans le second elle devait déboucher directement sur la fusion des établissements concernés. Votre commission a jugé préférable de revenir à l'inspiration du rapport Larcher, l'autorité administrative disposant de moyens suffisants pour imposer aux établissements publics, si nécessaire, une coopération organique, voire une fusion. Il appartiendra donc aux directeurs et aux présidents de CME d'élaborer la convention de CHT, qui sera approuvée par les conseils de surveillance après information des représentants du personnel. Bien sûr, cette convention fera l'objet d'une négociation préalable avec l'agence régionale de santé, puisque le projet commun qu'elle exprimera, les transferts ou délégations d'activité qu'elle prévoira seront mis en oeuvre à travers les autorisations et les instruments contractuels dont les agences auront la maîtrise.
Les parties pourront s'organiser librement. Mais une commission composée des présidents de conseils de surveillance, des présidents des CME et des directeurs des établissements partenaires pourra proposer des mesures destinées à faciliter l'application de la convention et à favoriser la mise en oeuvre de la stratégie commune.
Les établissements auront toute latitude pour confier le pilotage de certaines actions à l'un d'entre eux. Mais notre sentiment est que cette décision s'imposera d'elle-même. Nous ne souhaitons pas que l'ARS puisse imposer la création d'une CHT ; mais elle pourra toujours, si la sécurité des patients ou la situation financière des établissements l'exigent, imposer des restructurations, la création d'un groupement de coopération sanitaire ou d'un groupement d'intérêt public, voire une fusion. En revanche, elle pourra obtenir la résiliation de la convention si celle-ci n'est pas appliquée : la démarche conventionnelle ne doit pas être le moyen de retarder les mesures nécessaires pour organiser de façon satisfaisante l'offre sanitaire et le maillage du territoire.
Quant aux groupements de coopération sanitaire, créés en 1996 pour servir de cadre aux coopérations entre établissements publics et privés, les conditions prévues pour leur création étaient dans le texte initial assez floues et ne présentaient pas toutes les garanties de sécurité juridique. En outre, il était prévu que les prestations du nouvel établissement soient financées selon la tarification de son choix, en fonction de celles applicables aux membres de l'ancien groupement : cela ne paraissait pas très logique. C'est pourquoi nous nous sommes contentés de clarifier le statut des groupements de coopération sanitaire de moyens.
Venons-en au titre II. Nous partageons tous le souci de garantir à tous nos concitoyens, quel que soit le lieu où ils habitent, l'accès à des soins de qualité. Les états généraux de l'offre de soins réunis entre novembre 2007 et avril 2008 ont permis de réfléchir à la répartition des professionnels de santé sur le territoire et à leurs missions et de dégager plusieurs pistes pour lutter contre les déserts médicaux. Même si la définition des différents niveaux de recours proposée ne me satisfait pas entièrement, j'admets que ce texte a le mérite de reconnaître la proximité comme qualité essentielle des soins. Les ARS, chargées d'élaborer les schémas régionaux d'organisation sanitaire, devront régler les problèmes d'organisation territoriale de l'offre de soins mais le projet de loi garantit que l'impératif de qualité et de sécurité des soins n'entraînera pas automatiquement l'abandon des structures de proximité.
La commission a d'ailleurs souhaité que la proximité ne soit plus seulement définie en termes de distance, mais aussi de temps de parcours, ce qui est particulièrement important dans les zones de montagnes. (M. Jacques Blanc s'en félicite) Mais nous n'avons pas voulu aller plus loin en imposant des délais limites : il faut savoir rester pragmatique.
Le même souci de pragmatisme nous a conduits à revenir sur le caractère obligatoire du contrat santé solidarité visant à faire participer les médecins des zones excédentaires à la satisfaction des besoins des zones déficitaires. Certes la contrainte est parfois nécessaire, car la santé est un droit ; mais il ne faut l'employer que pour des mesures réalistes, susceptibles d'être effectivement appliquées sur le terrain.
M. Jean Desessard. - Cette mesure n'était nullement irréaliste !
M. Alain Milon, rapporteur. - L'évolution des pratiques des soignants a un impact direct sur l'accès aux soins. Il faut donc faire un effort important en matière de formation initiale et continue et de transferts de compétences. Sur ma proposition et avec l'agrément de M. le président About, la commission a souhaité mieux intégrer la formation des sages-femmes à l'université. Conformément à vos engagements vous avez, madame la ministre, déposé un amendement qui va jusqu'au bout de cette logique et je vous en remercie. La commission, faisant droit aux demandes des professionnels, a également exempté les employeurs qui proposent aux étudiants orthophonistes des stages à finalité pédagogique de l'obligation d'indemniser leurs stagiaires, ce qui empêche dans les faits leur formation pratique.
M. Charles Revet. - C'est très important !
M. Alain Milon, rapporteur - Enfin, nous avons mis en place un dispositif de validation de l'expérience pour l'obtention d'un diplôme de formation médicale spécialisée, qui répondra au souhait des praticiens de faire évoluer leur pratique.
Concernant la délégation de tâches, nous avons préféré des dispositions précises à de simples projets. Les protocoles innovants doivent pouvoir être intégrés à la formation initiale et continue des professionnels de santé. Possibilité a été ouverte pour un pharmacien spécialement formé de délivrer sans ordonnance une première contraception orale et de renouveler une fois le traitement des maladies chroniques.
Le titre II rénove également les ordres médicaux et paramédicaux ; ces dispositions sont consensuelles, hormis sur le seuil démographique imposé par l'Assemblée nationale aux infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes pour la création de conseils départementaux que nous avons supprimée.
Les discriminations sont parfois bien réelles pour l'accès aux soins de bénéficiaires de la CMU, de la CMU-C et de l'aide médicale d'État. La sanction de ces comportements contraires à la déontologie doit être renforcée ; c'est pourquoi j'ai proposé qu'il ne soit plus question de conciliation dans les cas de récidive. En revanche, la commission a considéré que la pratique du testing n'était pas opportune car elle fait peser un soupçon sur l'ensemble des professionnels ; nous l'avons supprimée.
Toujours dans un souci de transparence, la commission a rendu obligatoire l'information du patient sur le coût d'achat de la prothèse qui lui est implantée ainsi que sur son origine de fabrication. Le médecin en charge d'une personne hospitalisée devra s'enquérir auprès d'elle des noms des professionnels de santé à qui transmettre les informations utiles à l'issue de son hospitalisation.
Un article de ce titre II habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance la biologie médicale. Cette réforme doit être conduite sous le regard de Bruxelles. Je remercie Mme la ministre de nous avoir transmis le projet d'ordonnance.
J'en arrive au titre III consacré à la santé. Nous aurions pu continuer à enrichir le texte comme l'a fait l'Assemblée nationale ; nous avons préféré concentrer notre attention sur ses parties les plus novatrices. Certes, un projet de loi au spectre aussi large que celui-ci ne se présente pas tous les jours mais nous ne pourrons faire longtemps l'économie d'une loi de santé publique et d'une loi de santé mentale. Nous avons donc souhaité renvoyer ces différents sujets à ces futurs débats à venir.
La commission a interdit, à l'initiative de son président, la vente de boissons alcooliques le long des autoroutes et des nationales à quatre voies ; elle a complété les obligations en matière de formation des vendeurs.
J'en viens à une disposition de grande importance éthique : la possibilité pour les personnes atteintes de pathologies longues ou chroniques de prendre en charge certains aspects de leur traitement. A certaines conditions, cette éducation thérapeutique est susceptible d'aider le suivi des traitements et de conforter les droits des malades. Elle mobilise les soignants, l'entourage du patient, les associations, les services du ministère et la Haute autorité de santé, les entreprises. Des tensions existent : défiance réciproque entre les associations et les médecins, volonté d'encadrement du ministère, souhait des entreprises de promouvoir l'usage des médicaments qu'elles élaborent. S'agissant de l'implication des entreprises, l'Assemblée nationale a jugé insuffisantes les garanties éthiques offertes par le texte initial ; elle a donc rendu quasiment impossible leur participation aux différents programmes et actions. Ce qui inquiète les associations qui dépendent d'elles pour leur financement. Il faudrait, pour être parfaitement logique, passer à un système de financement public de ces associations ; ce n'est pas réaliste et on mettrait ainsi fin aux programmes existants, au détriment des malades. J'ai proposé de soumettre à trois conditions la possibilité, pour une entreprise, d'élaborer un programme : la participation des associations de patients et des professionnels de santé, l'autorisation de l'ARS et l'évaluation de la HAS. En outre, j'ai souhaité inclure l'observance dans la définition de l'éducation thérapeutique, sous l'appellation qui fait désormais consensus « d'adhésion aux traitements prescrits », et conservé le rapport demandé par l'Assemblée nationale sur la création d'un fonds national.
J'en viens au titre IV et à la création des ARS, ou plutôt « Arsa », puisque la commission a complété leur dénomination. Nos amendements ont été guidés par le souci de faire clairement apparaître que la politique de santé est une politique nationale, que les ARS seront un échelon déconcentré de la politique de santé et qu'elles agiront au nom de l'État. Nous sommes loin de contester l'intérêt de décloisonner au niveau régional les compétences relevant des différents aspects de la politique de santé, ni de déconcentrer leur « pilotage » au niveau des régions et des territoires. Mais nous étions inquiets sur les conditions de la participation des ARS à la politique de gestion du risque, laquelle doit être définie et conduite au niveau national, d'abord parce qu'elle doit s'appuyer sur des études scientifiques très étayées au niveau national et international, et puis parce qu'elle doit respecter l'égalité des droits et des contraintes entre tous les citoyens.
Afin de soutenir le système de gestion du risque qui s'est mis en place au niveau national et qui commence à porter ses fruits, nous avons prévu de mettre en place des conventions d'objectifs conclues entre l'État et l'Uncam, afin de définir les objectifs pluriannuels communs de la gestion du risque auxquels se conformeront les programmes nationaux. Ces programmes pourront être complétés pour tenir compte des spécificités régionales, en espérant que cette complémentarité ne nuise pas à la cohérence des actions menées par les organismes locaux.
En ce qui concerne la coordination des Arsa, le texte que nous vous proposons résulte d'un amendement du Gouvernement. Nous vous laisserons donc le soin, madame la ministre, d'expliciter les rôles respectifs de la tutelle et du conseil de pilotage national. Doit-il exercer la tutelle de la tutelle ? Ne risque-t-on pas d'estomper ainsi quelque peu la responsabilité du politique ?
Un mot, pour finir, sur le volet médico-social du texte pour lequel le projet de loi dessine un nouveau cadre, puisque les questions d'accompagnement et de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées sont intégrées à la gouvernance des Arsa. Nous partageons ce souci de poser des passerelles entre le sanitaire et le médico-social, d'assurer la continuité du parcours de soins et de la prise en charge, et donc de décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social. Ce nouveau cadre a suscité des inquiétudes, comme celle de voir le secteur médico-social devenir le parent pauvre face au poids du sanitaire, voire sa variable d'ajustement.
M. Guy Fischer. - Eh oui !
M. Alain Milon, rapporteur. - La garantie des fonds dédiés au secteur médico-social grâce au principe de fongibilité asymétrique introduit par l'Assemblée nationale est une excellente chose. Nous avons envisagé, un temps, de créer un poste de directeur adjoint, chargé du médico-social, avant d'y renoncer pour ne pas figer dans la loi l'organigramme des agences. Le Gouvernement peut-il s'engager à ce qu'il y ait, dans chaque Arsa, un pôle médico-social fort, et prévoir que des directeurs d'agence puissent être issus de ce secteur ?
Nous continuons de nous interroger sur l'articulation entre le schéma régional et les schémas départementaux d'organisation médico-sociale et, plus globalement, sur le pilotage d'ensemble du dispositif. Le renforcement de l'échelon régional ne doit pas remettre en cause le rôle de chef de file des départements en matière médico-sociale. Nous plaidons pour la concertation entre l'agence et les conseils généraux, notamment via la commission de coordination spécialisée dans le secteur médico-social.
Nous avons continué à enrichir le volet médico-social du texte en assignant des objectifs de qualité de prise en charge aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Le cahier des charges de l'appel à projet devra garantir, outre une concurrence sincère, loyale et équitable, la qualité de l'accueil et de l'accompagnement des personnes dépendantes.
Nous créons un statut d'établissement social et médico-social d'intérêt collectif afin de mieux distinguer ceux des établissements privés qui poursuivent un but lucratif de ceux dont le but est non lucratif.
A l'initiative de nos collègues Sylvie Desmarescaux et Alain Vasselle, nous incitons les partenaires sociaux à organiser un service minimum en cas de grève dans les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées. (Exclamations à gauche)
M. Jean Desessard. - C'est un cavalier !
M. Alain Milon, rapporteur. - C'est important pour les familles des personnes accueillies dans ces établissements.
Tels sont les apports de notre commission à ce texte difficile et attendu. Dès que la commission m'a confié ce dossier, en novembre dernier, je me suis mis au travail. Je voulais entendre tous ceux qui étaient concernés par ce projet de loi. J'ai auditionné à Paris plus de 200 personnes.
M. Jean-Claude Gaudin. - Remarquable ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Milon, rapporteur. - J'ai, avec l'aide d'autres sénateurs, tenu des réunions publiques à Lille, à Gap, à Reims, à Avignon, à Rennes, à Marseille, et ainsi entendu plus d'un millier de professionnels.
Le travail de la commission des affaires sociales est reconnu par les acteurs de la santé et il est complémentaire de celui du Gouvernement et de l'Assemblée nationale. Prétendre qu'il n'y a pas eu de concertation, ce serait nier la vérité. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Je tiens à rendre hommage à l'énorme travail fourni depuis six mois par M. le rapporteur et par nos collaborateurs.
Pour la bonne information de nos collègues, j'indique que la commission demande la disjonction des amendements de suppression d'article des autres amendements pour éviter des tunnels de discussions communes comprenant des centaines d'amendements.
Elle souhaite également que l'examen des articles additionnels soit réservé à la fin de chaque titre.
Enfin, il conviendrait que l'article IV soit examiné juste après le titre I pour que nous ayons une discussion cohérente sur l'hôpital.
M. le président. - La discussion séparée des amendements de suppression des autres amendements fait partie des propositions que nous avons retenues pour notre futur Règlement. Je vous propose de retenir la proposition de M. About : nous y gagnerons en clarté. (Marques d'approbation)
En ce qui concerne le report des articles additionnels à la fin de chacun des titres, il convient d'interroger Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le Gouvernement ne s'y oppose pas.
M. le président. - La réserve est donc de droit.
M. Guy Fischer. - Nous le regrettons.
M. le président. - En ce qui concerne le déroulement de l'examen des titres, la priorité est de droit, sauf si le Gouvernement s'y oppose.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La création des agences régionales de santé (ARS) concerne les hôpitaux mais aussi les soins de ville. Pour organiser la démographie médicale, les ARS établiront le schéma régional d'organisation des soins ambulatoires, disposeront des médecins boursiers pour garnir les zones défavorisées en offre de soins. Enfin, les ARS créeront un guichet unique pour les diverses aides dont j'ai pu constater qu'elles étaient ignorées des médecins.
Il serait donc plus cohérent d'examiner les titres I et II avant le titre IV.
M. Nicolas About, président de la commission. - Je préfère que l'on examine à la suite les titres I et IV parce qu'on parle des structures. Je m'en remets à votre sagesse, monsieur le président.
M. le président. - L'article 44 prévoit que je consulte le Sénat, à moins que Mme la ministre ne se rallie à votre position.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Pourquoi ne pas examiner d'abord le titre IV ? (Exclamations et rires à droite) Si l'ARS est le socle du projet de loi, il serait bon de commencer par le titre IV avant d'aborder les autres. Je veux bien être souple, dans la limite de mes capacités physiques et intellectuelles s'entend, mais je ne comprends pas pourquoi il faudrait prendre le titre IV après le titre I. Ceci dit, je n'ai qu'un but, monsieur le président, c'est vous faire plaisir !
M. le président. - Je consulte le Sénat.
La priorité est ordonnée.
M. le président. - Nous examinerons donc successivement les titres I, IV, II et III.
présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président
Mme Marie-Thérèse Hermange. - (Applaudissements à droite) En réfléchissant à l'engagement du Président de la République et du Gouvernement sur la réforme de l'hôpital, je me disais que l'être humain a besoin d'obstacles pour parvenir au but. Ce n'est qu'ainsi qu'il peut encore rassembler ses forces alors qu'il en est incapable si ce but se présente devant lui de façon simple. Parvenir au but, c'est aujourd'hui porter un diagnostic sur un corps blessé, l'hôpital, afin de mieux prendre en charge ses blessures avec le même objectif : mieux accueillir des corps eux-mêmes blessés par la maladie.
Une telle réflexion donne à votre réforme, madame la ministre, une portée particulière puisqu'offrir une ordonnance à l'hôpital, c'est permettre de mieux prendre en charge le patient, et donc de le saisir dans son humanité singulière. Ce projet de loi a donc une dimension politique toute particulière. Face aux critiques dont il est trop souvent la cible, l'hôpital n'a pas à s'excuser d'être ce qu'il est puisqu'il est l'un des plus hauts lieux de la médecine du monde.
Non, l'hôpital n'a pas à s'excuser de ses milliers de services et de médecins, de ses dizaines de milliers de collaborateurs, de ses millions de consultations et d'hospitalisation, de ses nombreuses publications. Le groupe UMP veut adresser ce message à l'ensemble de la communauté hospitalière. A un titre ou à un autre, chacun doit être fier de ce qu'il donne, quotidiennement, au patient et donc à l'hôpital.
Pourtant, le corps même de l'hôpital est blessé. Alors que le temps de l'hôpital est complexe, il est bien souvent réduit à un temps de production, soumis aux chiffres et aux statistiques. La technologie qui permet d'accomplir de grandes premières médicales peut être victime d'une vision comptable : être performant serait disposer de la DMS la plus courte, de la T2A la meilleure, de la plus brève durée d'hospitalisation. Ce temps compté crée un sentiment d'épuisement insupportable et ne permet pas au personnel médical d'exercer sa mission hospitalière conformément aux règles de l'art.
Ces mesures quantifiables, si nécessaires soient-elles, ne font pas partie de la logique hospitalière. Elles se sont mêmes introduites au Sénat puisque la commission des finances m'a opposé l'article 40 sur un amendement qui instaurait un mi-temps thérapeutique pour les internes malades. Comment ne pas ressentir cette blessure comme une véritable agression culturelle puisqu'elle évince de l'hôpital l'homme dans son humanité la plus singulière ?
A cette pensée exclusivement comptable, vous opposez, madame la ministre, une stratégie de la confiance qui permet de tenir compte de la complexité hospitalière car on ne rencontre pas les mêmes problèmes lorsqu'on exerce à Bondy, à Dijon ou en zone rurale. Vous nous proposez de regrouper les établissements en communauté. Certains établissements sont en sous-activité chronique. Les maintenir en activité sans prendre en compte les travaux scientifiques qui montrent le lien entre le nombre d'actes réalisés et la sécurité des patients, c'est mettre une partie des Français en danger. Il convient donc d'aménager nos structures de soins en fonction des besoins de la population et de redonner plus de vitalité à certains hôpitaux. La mise en place des communautés hospitalières de territoire (CHT) répond à ces exigences.
Les mesures proposées pour mettre fin aux déserts médicaux en répartissant mieux l'offre de soins sur le territoire, dans le respect de la liberté d'installation des médecins et en réaffirmant la place centrale du médecin généraliste, permettront d'aménager l'offre en fonction des besoins.
Pour répondre à la fracture public-privé et médico-sociale, vous nous proposez de décloisonner notre système de santé par le renforcement des liens entre le public et le privé.
Cette stratégie fondée sur la confiance et la coopération exige une nouvelle politique contractuelle évitant une pensée qui ne perçoit qu'un fragment d'humanité pour construire une pensée qui considère les parties dans leur relation au tout et le tout dans ses relations aux parties. (Marques de perplexité à gauche) C'est cette philosophie qui inspire votre projet, qui met en valeur les capacités de chacun : le soignant n'est plus là pour faire face à un manque et une meilleure répartition de l'offre améliore la prise en charge des patients.
Le dialogue entre l'hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social est une nécessité. Au nom de quoi laisser à l'hôpital la lourde tâche de gérer la dépendance et la vulnérabilité, tandis que l'autre médecine choisirait ses clients selon des données techniques et économiques... ? Certaines cliniques sont prêtes à apporter leur contribution aux missions de service public : pourquoi s'en priver ? (« Très bien ! » à droite, protestations sur les bancs CRC-SPG)
L'obstacle financier a été levé par la réforme de la T2A ; certes, des ajustements restent à apporter, par exemple pour déterminer la juste rémunération de l'innovation ou des soins hautement spécialisés. Mais le projet de loi apporte une novation juridique en définissant les missions de service public assurées par les établissements hospitaliers -elles seront inscrites dans les contrats d'objectifs et de moyens à conclure avec les ARS. Mais les plus belles structures ne peuvent vivre que si chacun se les approprie : l'ensemble de la communauté médicale et hospitalière doit contribuer au décloisonnement.
Cette stratégie de la confiance passe par une modernisation de la gouvernance de l'hôpital, pour répondre à la fracture du processus décisionnel. Les procédures manquent de clarté, les pouvoirs sont morcelés. Tout se passe comme si chacun s'efforçait d'illustrer ce jugement de Sartre, « l'enfer, c'est les autres ». (M. François Autain s'étonne) Mme la ministre propose d'impliquer l'ensemble des intervenants, le directeur étant responsable de la bonne marche de l'établissement ; et le président de la CME, le dépositaire de la pensée médicale. En outre, dans le cas des CHU, un doyen représente l'université.
Ces mesures demeureraient purement techniques sans le pilotage unifié de notre système de santé, pour réduire la fracture entre politique nationale et actions territoriales locales. Le système reposera sur les ARS -sans hiérarchie régionale, comme l'a souligné Mme la ministre. Le groupe UMP s'efforcera en séance publique, comme il l'a fait en commission, de perfectionner le projet ; il soutient Mme la ministre sur ce texte de haute portée symbolique (« Ah oui ! » à gauche), dans son contenu comme dans son cheminement.
En effet, le politique a une mission, chercher ce qui manque au coeur de la plénitude. (M. Jean Desessard s'interroge) Cela passe par des rencontres, des auditions. Mme la ministre le sait bien, M. le rapporteur aussi -qui a aussi conduit une mission à la demande du président du groupe UMP. Des rapports ont été rédigés, tels celui du président du Sénat M. Gérard Larcher ou celui de M. Jacques Marescaux. Il s'agit toujours de prendre le pouls de la société...
M. François Autain. - La société aurait-elle une crise cardiaque ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. - ...écouter les avis, chercher le chemin de l'intérêt général. Le présent projet de loi est le fruit de tous ces travaux, chacun a pris le temps de la réflexion. Il convient à présent de définir une norme, non qui menace mais qui encadre l'action et l'épanouit. Espérons que chacun fera vivre cette loi et se l'appropriera. Il y va de l'avenir de notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Gilbert Barbier. - Présenté après la révision constitutionnelle, le texte dont nous allons discuter est celui élaboré par notre commission des affaires sociales. C'est heureux. Votre projet initial, madame le ministre, comportait 33 articles dont on pouvait contester la philosophie ou regretter les lacunes, mais qui avaient le mérite de la concision. A l'Assemblée nationale, les modifications ont été nombreuses -ce ne sont pas toutes des améliorations...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Certes !
M. Gilbert Barbier. - Les articles ajoutés ne relèvent pas forcément du domaine de la loi et certains ont un intérêt tout relatif, je songe à celui prévoyant l'apposition de panneaux au bas des ascenseurs encourageant les bien portants à utiliser les escaliers. (Rires) Logique comptable, parfois provocation, notamment vis-à-vis des praticiens des établissements privés. Madame le ministre, tous les amendements votés ne correspondent pas à votre vision des choses, j'espère. (Mme la ministre le confirme) Il en est en tout cas résulté un véritable soulèvement des professionnels, hospitaliers, hospitalo-universitaires, libéraux, auxquels se sont jointes les catégories non médicales, kinésithérapeutes, infirmières, sages-femmes...
Le Sénat se doit donc de refondre le texte afin de le rendre acceptable pour le monde de la santé. Je salue le travail considérable de notre rapporteur qui, devant le tsunami des revendications, a proposé un socle cohérent de discussion. Les membres de la commission y ont contribué. Mon groupe déplore cependant le calendrier qui nous a été imposé...
M. Jean Desessard. - Bien sûr...
M. Gilbert Barbier. - Madame le ministre, vous avez eu la louable ambition de traiter plusieurs dossiers brûlants : peut-être trop à la fois ! Il vous a fallu mener des concertations avec des corporations dont les intérêts ne sont pas tous compatibles. Les problèmes sont nombreux : déficit d'organisation, inefficience de certaines structures, manque d'attrait des carrières, difficultés d'accès aux soins. Ce n'est pas une simple question de moyens financiers : notre pays consacre un budget considérable à la santé.
CMU, Cmuc, prise en charge des affections de longue durée (ALD), les plus déshérités sont correctement soignés. Solidarité et accès de tous à des soins de qualité doivent rester les fondements intangibles de notre système. Mais cette ambition a un coût qui oblige chacun à une gestion rigoureuse et responsable. Depuis plusieurs années, la médecine de ville a servi de variable d'ajustement au tonneau des Danaïdes que constitue le budget de la sécurité sociale. La devise « Touche pas à mon hôpital » faisant consensus, l'opacité a régné sur les dépenses hospitalières, la moitié des dépenses de santé. Pourtant, une rationalisation est possible, si l'on améliore la gouvernance et l'organisation interne. Comme le souligne le professeur Laurent Sedel dans Chirurgiens au bord de la crise de nerfs, les incohérences et les erreurs d'organisation ont des conséquences onéreuses ; le chacun pour soi et la dualité de pilotage source de déresponsabilisation n'arrangent rien.
Vous défendez, madame la ministre, l'idée d'un « vrai patron » aux pouvoirs renforcés. Il faut effectivement un décideur. Mais toute réorganisation, pour être efficace, doit être concertée et comprise. A l'hôpital, l'implication des médecins dans la gouvernance est la garantie d'une meilleure qualité des soins. Cela pourrait aller sans dire mais dans le texte reçu de l'Assemblée nationale, cela n'apparaissait pas clairement. Directoire et conseil de surveillance sans réels pouvoirs, médecins marginalisés : le directeur de l'hôpital faisait figure de despote absolu ! Notre commission est fort heureusement intervenue sur ce volet, crucial pour le succès de la politique engagée. La CME est davantage impliquée dans la gestion ainsi que dans la nomination aux postes médicaux ; le conseil de surveillance est mieux associé aux orientations stratégiques. Bref, c'est un texte d'apaisement.
J'en viens au statut des praticiens hospitaliers. Hors quelques grands services, la distorsion financière avec le secteur privé vient à bout des meilleurs serviteurs de l'État. Pour certaines disciplines comme la chirurgie, la désaffection est grave ; elle risque à présent de s'étendre aux établissements privés. Le recours à des médecins étrangers est une solution acceptable, à condition de s'assurer de leurs compétences. Le projet de loi propose un nouveau statut contractuel. En quoi consiste-t-il ? La coopération, les restructurations hospitalières suscitent aussi des inquiétudes, parfois légitimes. La rédaction de la commission y répond en faisant une large place au volontariat et en levant des difficultés techniques.
Réorganisations et regroupements sont nécessaires. Il ne s'agit pas d'aller à marche forcée vers des grands plateaux techniques au détriment des structures de proximité mais de réorganiser les établissements autour d'un projet médical de territoire cohérent et opérationnel.
Pour certains, la santé n'a pas de prix.
Vouloir tout partout en matière d'équipements et de services n'est pas sérieux, est dangereux pour les patients, et coûteux. La chirurgie moderne, toujours plus sophistiquée, exige une formation continue des praticiens, une optimisation des équipements que les hôpitaux locaux ne peuvent offrir. Vouloir maintenir leur activité à tout prix revient à instaurer une chirurgie à deux vitesses. Proximité ne rime pas toujours avec qualité, chacun en convient. Cette restructuration de l'hôpital exigeait, sans doute, davantage de concertation et de pédagogie. L'hôpital ne saurait être un cautère efficace sur le mal du chômage dans les zones désindustrialisées, contrairement à ce que certains élus espèrent.
A la question de l'accès aux soins et des déserts médicaux, ce texte apporte des réponses de bon sens à commencer par la régionalisation du numerus clausus jusqu'aux contrats santé solidarité et d'engagement de service public. En revanche, des mesures coercitives concernant l'installation ou le secteur 2, telles celles des députés Bur et Préel, fort mal ressenties par les médecins, risqueraient d'aggraver la désaffection pour certaines spécialités et secteurs sous-médicalisés.
M. Nicolas About, président de la commission. - Eh oui ! Les médecins ne sont pas du bétail !
M. Gilbert Barbier. - De nombreux médecins ont choisi l'exercice libéral pour se libérer des contraintes de la permanence des soins. Leur participation, si elle est nécessaire, doit donc s'effectuer dans les conditions d'exercice courant. Quant à l'instauration de quotas, elle relève d'une construction idéologique strictement inapplicable en temps et en volume.
M. Alain Vasselle. - Très bien !
M. Gilbert Barbier. - La situation privilégiée de certains praticiens et les tarifs abusifs pratiqués dénoncés par la presse sont le fait d'une petite minorité. (MM. Guy Fischer et François Autain le contestent)
M. Roland du Luart. - Et les footballeurs ? Personne ne s'en occupe !
M. Gilbert Barbier. - Abus que le conseil de l'ordre, s'il était doté de pouvoirs supplémentaires, pourrait corriger.
Pour conclure, les travaux de la commission ont abouti à un texte d'apaisement. Celui-ci peut être encore amélioré...
M. Nicolas About, président de la commission. - Ah !
M. Gilbert Barbier. - ...notamment sur la concertation avec le corps médical. Sous ces réserves, je voterai le projet de loi tel qu'il devrait sortir des travaux en séance publique ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Cazeau. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Lors de la publication du rapport Larcher, le Président de la République lançait la réforme de l'hôpital, qualifiée aussitôt d'historique. Un an après, cette réforme, dont les orientations d'inspiration libérale avaient le mérite de la franchise, se solde par un cafouillage, un surcroît de tensions sociales et une surcharge des médecins libéraux...
M. Nicolas About, président de la commission. - Hum ! Hum !
M. Bernard Cazeau. - Madame la ministre, emportée par votre précipitation, vous avez maintenu l'urgence (applaudissements sur les bancs socialistes) et bâclé la question des CHU, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport assez négatif de M. Marescaux. Au mépris des droits du Parlement, prétendument renforcés par la révision constitutionnelle d'août 2008, vous présentez au Sénat des amendements contraires aux orientations initiales, soit dans le dos des députés. Nous voilà revenus au bon vieux temps des godillots ! (Même mouvement) La dernière volte-face présidentielle a fait perdre toute crédibilité à votre réforme.
Mme Gisèle Printz. - Eh oui !
M. Bernard Cazeau. - Comment ce texte technique a-t-il pu susciter tant de crispations ? (Applaudissements sur les bancs socialistes) Comment en êtes-vous arrivée à cette situation ubuesque...
M. Nicolas About, président de la commission. - Un peu de myolastan ne ferait pas de mal...
M. Bernard Cazeau. - ...où votre majorité a détricoté le texte en commission ? Au reste, seulement a minima. (M. Nicolas About, président de la commission, s'exclame) Vous avez fait commis une erreur de diagnostic en refusant d'associer « loi d'organisation » et « loi financière ». Pour faire adopter une loi de gouvernance rigoureuse, il fallait innover pour résoudre le déficit abyssal de l'assurance maladie.
M. Nicolas About, président de la commission. - Nous attendons vos propositions !
M. Bernard Cazeau. - Le Président de la République a assigné à cette réforme à Neufchâteau un noble objectif, celui d'assurer l'égal accès à des soins de qualité. Mais, la complexité du parcours de soins, les déremboursements, les dépassements d'honoraires, les refus de soins et de garde et les restructurations hospitalières depuis cinq ans font douter les Français de la pérennité de notre système maladie.
M. René-Pierre Signé. - Il fallait que cela soit dit ! (M. Nicolas About, président de la commission, soupire)
M. Bernard Cazeau. - Ce projet améliore-t-il l'offre de soins ? Si cela avait été le cas, nous l'aurions soutenu.
M. René-Pierre Signé. - Nous ne sommes pas sectaires !
M. Nicolas About, président de la commission. - Si nous avions su...
M. Bernard Cazeau. - Hélas, il relève d'une approche technocratique et administrative de la médecine. La tentation comptable y est à peine dissimulée...
M. Guy Fischer. - C'est surtout là que le bât blesse !
M. Bernard Cazeau. - Concernant les ARS, si leur création pouvait favoriser un utile décloisonnement, elles ne visent pour l'heure qu'à instituer un « hyper-préfet sanitaire », selon le tropisme présidentiel qui ne veut voir qu' « une seule tête, un seul chef, un seul patron » ! (Applaudissements à gauche) Bref, une chaîne de décision reliant directement le ministre de la santé au moindre chef de service !
M. René-Pierre Signé. - Le Président s'occupe de tout ! (Rires à gauche)
M. Bernard Cazeau. - Mais, madame la ministre, le pouvoir à l'hôpital n'appartient-il pas aussi à ceux qui y travaillent et, dans une moindre mesure, à ceux qui y sont soignés ? Nous ne vous suivrons pas dans cette voie car nous ne connaissons que trop son issue : après la recomposition judiciaire, hospitalière et universitaire, voici la recomposition hospitalière (applaudissements sur les bancs socialistes) dont l'objectif est de mettre l'hôpital au diapason de la rentabilité économique. Mais le seul critère de performance de l'hôpital, n'est-ce pas l'état de santé global des populations ? L'hôpital public ferait-il office de bouc émissaire en étant rendu seul responsable des déficits de la santé ?
M. Nicolas About, président de la commission. - Non, seulement pour 50 % !
M. Bernard Cazeau. - Au reste, madame la ministre, l'hôpital, avez-vous reconnu, ne représente qu'un tiers des dépenses du régime général. Et les raisons du déficit ne sont pas imputables à une mauvaise gestion...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Hélas ! Parfois, si !
M. Bernard Cazeau. - ...mais au coût lié à la mission de service public. Votre modèle serait-il la clinique privée ?
M. Guy Fischer. - Oui !
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est vous qui le dites !
M. Bernard Cazeau. - Ces cliniques dont le développement a été encouragé après la guerre pour pallier les insuffisances du secteur public !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Avec le soutien des socialistes et des communistes !
M. Bernard Cazeau. - Résultat : malgré les corrections apportées dans les années 1970 et 1980, le secteur privé compte plus du tiers des lits en France mais, ce que l'on oublie de dire, au prix de la sélection des patients et des pathologies les plus rentables. En vous appuyant sur l'arme de restructuration massive qu'est la T2A, vous avez voulu accélérer la convergence public-privé avant de vous apercevoir récemment qu'elle devait être repoussée à 2018, décision qui ne figure pas dans cette loi.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce sera inscrit dans la loi de financement !
M. Bernard Cazeau. - Mais pourquoi ne pas reconnaître que ce mode de financement n'est pas adapté à l'hôpital public ?
Il n'y a rien de rassurant dans tout cela car cette loi vous donne l'outil qui vous manquait pour opérer ces transformations : le contrat de service public entre l'ARS et les établissements privés. Et le scénario que nous entrevoyons est prévisible : acte 1, on organise la carence du service public ; acte 2, on conclut à son absence de fiabilité ; acte 3, on réoriente vers le privé et le secteur marchand pourra alors bénéficier de nouveaux marchés. Autrement dit, plus d'État aujourd'hui, pour plus de marchandisation demain !
Les syndicats professionnels ne se sont pas trompés sur les dispositions relatives à la médecine de ville. Ils ont tous compris le sens de la mainmise de l'État et le peu de contreparties, l'article 14 organisant surtout beaucoup de contrôles -mais ils ont l'habitude. Ils déplorent le manque de réflexion sur l'attractivité de la profession, ils dénoncent l'ineptie d'une organisation de la permanence de soins qui laisse aux malades éloignés de plus de 70 km, comme dans mon département, le temps de passer de l'autre côté. Ce n'est pas dans la loi ? C'est son contexte !
Vous apportez plus d'interrogations que de certitudes. Des maisons de santé pluridisciplinaires ? Pourquoi pas, mais comment faire avec les comportements d'installation des jeunes médecins ? Le numerus clausus régional ? Il ne produira ses effets que dans une douzaine d'années. Des schémas dotés de préconisation ? Ils sont sans valeur prescriptive.
Les comportements changent radicalement. La figure historique de ce moine soldat qu'était le généraliste travaillant 65 heures par semaine n'existe plus. La démographie médicale et les choix d'installation interdisent le laisser-faire. Dans cinq ans, nous serons au pied du mur...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vos propositions ?
M. Bernard Cazeau. - Tout cela me rappelle la loi de modernisation des territoires ruraux : on nous avait alors promis de grandes avancées ; on a eu deux ou trois mesures fiscales mineures, des bourses d'installation payées par les conseils généraux et, déjà, les maisons de santé, payées par les communes. C'était en 2004...
Je ne reviens pas sur l'ensemble du titre II, tant il serait difficile de restituer une cohérence à ce fourre-tout. Je veux cependant attirer l'attention sur les dépassements d'honoraires et sur les refus de soins, qui heurtent tous deux la déontologie médicale, car le médecin ne sélectionne pas, il soigne ! La lutte contre les discriminations a été bien abordée en commission mais le silence sur les dépassements d'honoraires reste pesant. Une condamnation de principe ne remplace pas une bonne prévention. Pourquoi la marchandisation médicale échapperait-elle à tout encadrement ?
M. Guy Fischer. - Bien sûr !
M. Bernard Cazeau. - La prévention n'est traitée qu'à la marge. Nous attendons un nouveau texte car on ne développera pas la citoyenneté médicale par des mesures sporadiques.
Nous sommes en désaccord sur le fond. Pour vous, l'hôpital public est un problème ; pour nous, il est une solution. Pour vous, il est archaïque ; pour nous, il est plein d'avenir. Pour vous la démocratie sanitaire et territoriale est un frein...
M. Alain Vasselle. - Caricature !
M. Bernard Cazeau. - Pour nous, elle rend les réformes acceptables. Pour vous, les professions de santé sont des exécutants indociles ; pour nous, ce sont des acteurs responsables. Pour vous, le système hospitalier est trop coûteux ; pour nous, s'il a un prix, il est efficace.
Nous consacrons 11 % de nos ressources à la santé. C'est un peu plus que la moyenne européenne mais moins que l'Allemagne et cinq points de moins que les États-Unis, où le système est totalement libéralisé mais dont le nouveau président s'inspire de notre système pour améliorer le sien. L'organisation marchande de la santé n'est qu'un miroir aux alouettes, elle finit toujours par coûter plus cher mais soigner moins bien. En refusant de l'admettre, vous condamnez le texte. (Applaudissements et « bravo » à gauche)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Avant même le vote du Parlement, ce texte passionne et inquiète. Mme Dini traitera de l'offre territoriale de soins, je me concentrerai sur la gouvernance de l'hôpital. Nous attendions le projet avec impatience : voilà des années que nous prônons la régionalisation et depuis 2004 que nous disons qu'on ne peut réformer structurellement le système de santé en s'interdisant d'évoquer l'hôpital, qui représente la moitié de ses dépenses. Il fallait éviter une démarche purement managériale et les exigences seulement financières. Nous voulions croire en l'égalité devant la santé. Les services publics doivent répondre à cette exigence et il faut évaluer leurs résultats qui sont d'abord humains.
C'est à l'aune de ces principes que nous évaluons les modifications à une loi que nous avons amendée pour mieux associer démarches médicales et gestionnaires. La loi doit créer les autorités, les pouvoirs et les outils nécessaires au pilotage régional d'un système efficace. Le texte issu de l'Assemblée nationale n'était pas exempt de critiques : il était par trop bonapartiste, dirigiste et laissait subsister d'importantes zones d'ombre.
Pour améliorer l'efficacité du système, on a créé un « pilote » régional -selon la terminologie à la mode- et désigné un « patron » à l'hôpital. Mais on a choisi de lui donner tout pouvoir au détriment d'une logique d'équilibre, comme s'il fallait jouer l'autorité contre la démocratie.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Caricature !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Le directeur de l'ARS était un superpréfet sanitaire flanqué pour le décorum de deux institutions sans prérogatives réelles, un conseil de surveillance sans attributions et une conférence régionale, organe de démocratie sanitaire, au rôle secondaire. Même schéma à l'hôpital, où le pouvoir administratif n'était gêné ni par les élus ni par les praticiens. Il contrôlait le directoire et le conseil de surveillance n'avait que des prérogatives réduites. A quoi bon créer des instances collégiales ?
Il n'y a pourtant pas à choisir entre démocratie et efficacité, parce que la démocratie est gage d'efficacité. Il faut un patron, mais aussi de l'adhésion. Où placer le curseur ? Il avait été placé sans nuance du côté du patron de droit divin.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Mon Dieu...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - La commission des affaires sociales est parvenue à un équilibre très satisfaisant. J'en remercie son président et son rapporteur. Le groupe centriste avait déposé quelques dizaines d'amendements ; certains ont été adoptés, beaucoup sont satisfaits. Puisque nous avons essuyé les plâtres de la nouvelle procédure, je regrette l'absence des collaborateurs des groupes, qui nous ont fait cruellement défaut en commission ; rien ne l'interdit plus sur le plan des principes puisque la ministre était assistée des siens. Il serait également souhaitable de ne pas répéter en séance publique ce qui s'est dit durant ces échanges fructueux.
M. Roland du Luart. - Vous avez raison !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Le texte issu de nos travaux est infiniment plus équilibré, même si, en pratique, il sera ce qu'en feront les intéressés. Au sein de l'ARS, je note un renforcement de la conférence régionale de santé, qui ne sera plus un simple office de consultation. Elle votera sur le projet régional de santé et sur la définition des territoires de santé. Elle voit ses moyens sanctuarisés, ainsi que sa composition. Une personnalité qualifiée pourra occuper la présidence du conseil de surveillance, qui ne sera plus réservée au préfet de région : il était absurde que l'État contrôle l'État.
Il en va de même à l'hôpital, où la gouvernance est rééquilibrée en faveur du conseil de surveillance, au pouvoir de contrôle quelque peu restauré.
Conformément à ce que nous avions demandé, le conseil de surveillance délibérera sur les actes engageant la vie de l'établissement -participation à toute action de coopération ou à une communauté hospitalière de territoire.
Nous avions aussi demandé que ses moyens de contrôle soient renforcés : c'est chose faite, puisqu'il pourra émettre des observations sur le rapport annuel et la gestion de l'établissement. Mais nous souhaiterions les rendre plus effectifs encore en affirmant sa capacité à saisir la chambre régionale des comptes. Nous redéposerons un amendement en ce sens.
La composition du conseil de surveillance est aussi rééquilibrée dans la mesure où, conformément à l'un de nos amendements, les personnalités qualifiées en son sein seront désignées par les exécutifs des collectivités territoriales et le préfet du département. Le conseil de surveillance gagne en autonomie puisqu'il ne revient plus au directeur de préparer ses travaux et que sa présence en son sein est limitée.
Enfin, il reconquiert un peu de son pouvoir de nomination, notre amendement imposant au directeur de proposer au Centre national de gestion les trois noms des candidats retenus par le conseil de surveillance.
La commission a aussi opéré une redistribution salutaire en direction du pouvoir médical. Au sein du directoire, les représentants du personnel médical sont nommés par le président de la CME. Les chefs de pôles médicaux seront nommés sur sa proposition, et non plus sur simple avis. Le contrat de pôle sera cosigné par le directeur et le président de la CME. Les chefs de pôles seront nommés par le directeur sur une liste élaborée par le président de la CME. Enfin, les praticiens libéraux ne seront plus admis à exercer dans un établissement public que sur proposition du président de la CME et après avis du chef de pôle. Quatre points auxquels les médecins tenaient énormément. De plus, le président de la CME ne sera plus placé sous l'autorité du directeur dans son rôle d'élaboration de la politique médicale de l'établissement.
Si nous avons progressé en matière de gouvernance, nous avons aussi éliminé d'importantes zones d'ombre que laissait subsister le texte : comment les agences s'inséreront-elles dans leur environnement institutionnel ? Quelle articulation entre politique nationale et politique régionale de santé ?
Deux amendements adoptés en commission clarifient les choses, en précisant, d'une part, que l'agence applique la politique nationale dans la région de son ressort ; en redéfinissant, d'autre part, les missions du conseil de pilotage chargé de coordonner les agences entre elles.
Deux points demeurent cependant problématiques, en ce qui concerne l'articulation du national et du régional, sur lesquels nous vous interrogerons, madame la ministre, au cours du débat.
Sous réserve des réponses qui seront apportées à nos questions et de l'accueil qui sera réservé à nos amendements, notre sentiment sur ce projet est positif. Nos félicitations au président About et au rapporteur, Alain Milon, pour l'excellence de leur travail.
Nous avons devant nous deux objectifs : peaufiner une réforme ambitieuse et parvenir à une pratique nouvelle en séance publique, pour respecter le travail de la commission. Le Gouvernement, madame la ministre, serait bien inspiré de respecter le texte voté en commission, qui reflète les prérogatives nouvelles reconnues au Parlement. Or, à la lecture de vos premiers amendements, nous sommes inquiets...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le Gouvernement a aussi le droit de défendre ses positions : respectez ses prérogatives !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Nous espérons simplement que le dialogue sera constructif...
Il reviendra, enfin, au futur projet de loi de financement de la sécurité sociale de donner à l'hôpital public et aux agences régionales les moyens de mettre en oeuvre cette nouvelle loi. Car le chapitre financier suscite peut-être plus encore que le projet lui-même des inquiétudes grandissantes sur l'avenir de l'hôpital public. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)
M. François Autain. - A ce projet de loi « Hôpital, patients, territoires » -mais mettre « médecins » à la place de « patients » aurait sans doute mieux reflété la réalité...-, il faut reconnaître au moins un mérite, partagé entre le Gouvernement et la commission : celui d'éclairer les réformes menées par vos prédécesseurs, madame la ministre, en matière de santé. Il leur donne même leur point de cohérence, puisque tout converge, désormais, vers la privatisation du système de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG et sur quelques bancs socialistes)
Cette vision marchande de la santé n'est pas la nôtre. Elle a beau être conforme aux préconisations des institutions européennes et dans la logique du traité de Lisbonne, elle n'en est pas moins inacceptable. Nous récusons cette subordination de la santé à l'économique car, partout où elle est mise en oeuvre, elle se révèle discriminatoire dans l'accès aux soins et préjudiciable à leur qualité.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - N'avez-vous pas été, il fut un temps, le grand inspirateur des cliniques privées ?
M. François Autain. - Les États-Unis, qui consacrent 16 % de leur produit intérieur brut à la santé, laissent 41 % de leur population mal ou non assurés, n'ayant pas ou difficilement accès aux soins.
M. Guy Fischer. - 50 millions d'Américains.
M. François Autain. - Et ce n'est pas le moindre des paradoxes de constater qu'au moment où les Américains prennent notre système comme modèle pour réformer le leur, nous sommes en train de nous inspirer du leur pour réformer le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG) Les conséquences sur l'hôpital public sont et seront encore désastreuses. Les réformes incessantes qu'a subies l'hôpital, ces trois dernières années, ont accru ses difficultés. Tout se passe comme si le Gouvernement misait sur sa disparition prochaine, au profit du secteur commercial. Il est vrai que ce Gouvernement est allergique au service public en général (applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG) et ne manque pas une occasion d'apporter sa contribution à la campagne de dénigrement dont l'hôpital public est l'objet. Le Président de la République est allé jusqu'à l'accuser injustement de dilapider chaque année 64 % des dépenses de santé, quand il n'en représente que 34 %.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous travestissez ses propos !
M. François Autain. - Aujourd'hui, l'hôpital va mal, il est en état de sous-financement chronique, affaibli et déstructuré.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est pourquoi il faut le réformer.
M. François Autain. - Ses personnels en nombre insuffisant sont démoralisés. (applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG) La sécurité et la qualité des soins ne sont plus garanties. Son mode de financement, sur lequel ce projet est muet, est pourtant la principale cause de la crise sans précédent qu'il traverse. La tarification à l'activité a déstabilisé l'hôpital public, provoquant une course aux recettes et une sélection des patients, instaurant entre le secteur commercial et le secteur public une concurrence meurtrière pour ce dernier, obligé de prendre en charge toute l'année, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, tous les patients qui se présentent, alors que le secteur à but lucratif peut choisir ceux d'entre eux qui sont les plus « rentables ».
Votre texte, madame la ministre, loin d'apporter des solutions à ces problèmes, les aggrave. Il supprime purement et simplement le service public hospitalier. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG) Le bloc de mission de service public est décliné en une multitude de missions parmi lesquelles le secteur privé à but lucratif peut faire son marché, pour ne choisir que les seules rentables. Les activités privées à l'hôpital, régulièrement dénoncées comme contraires à l'éthique et qui, depuis leur instauration en 1958, perturbent, où elles existent, l'organisation des services, ne connaîtront plus de limite, puisque votre texte organise l'entrée des médecins libéraux à l'hôpital.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous défilez pourtant bras dessus, bras dessous.
M. François Autain. - Je reconnais que l'hôpital manque de médecins, mais doit-on pour autant chercher à s'attacher leur service au prix fort, alors qu'il serait plus rationnel et plus simple d'éviter la fuite des praticiens hospitaliers, en particulier les jeunes, vers le secteur commercial, en améliorant leurs conditions de travail et de rémunération, notamment en ce qui concerne les retraites ?
L'instauration à l'hôpital d'un intéressement aux bénéfices risque de provoquer des conflits d'intérêt préjudiciables aux patients et à la cohésion des équipes médicales.
Enfin, vous remplacez le terme d'hôpital, sans doute trop connoté à vos yeux par celui, plus neutre, d'établissement de santé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il est dans le titre de la loi !
M. François Autain. - Ce glissement sémantique n'est pas anodin : il trahit la finalité ultime de votre réforme et la privatisation totale ou partielle du secteur public hospitalier. (Exclamations à droite)
M. Guy Fischer. - Après La Poste !
Mme Annie David. - Après l'énergie !
M. François Autain. - Votre texte organise la mutation en appliquant les techniques de gestion de l'entreprise à l'hôpital, au mépris de la spécificité de ses missions et de son fonctionnement, comme si l'activité de soins était une activité mercantile banale et les patients des clients dont la santé peut se négocier en parts de marché.
Les élus sont refoulés des instances de décision - Mme David y reviendra-, le conseil d'administration est remplacé par un conseil de surveillance, et le corps médical est écarté. Le directeur devient le seul patron qui peut décider de tout, y compris du projet médical d'établissement contre l'avis des professionnels de santé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Faux !
M. François Autain. - Heureusement, sous la pression de la rue, comme cela est déjà arrivé par le passé, vous avez dû reculer. On ne peut pas réformer contre les praticiens. Comme vous avez dû reculer sur la mise en place de la convergence tarifaire public-privé, reportée à 2018.
Venons-en aux agences régionales de santé. C'est en 1993 qu'apparaît pour la première fois l'idée, dans le rapport du Commissariat au plan. Les textes adoptés depuis ne brillent pas par leur cohérence. Alors que la loi du 23 février 2005 sur le développement des territoires ruraux est d'inspiration nettement décentralisatrice, le dispositif du 4 mars 2002, amendé par les lois Douste-Blazy et Mattei de 2004, relève plutôt d'une déconcentration technocratique. Ce projet de loi s'inscrit dans la même logique, qui consiste à déresponsabiliser les politiques en confiant à des experts, non soumis au contrôle démocratique, un pouvoir que devraient exercer les élus. Il va aggraver l'imbroglio administratif qui caractérise l'organisation de notre système de santé. Il y a trop d'agences et d'institutions de toutes sortes : pas moins d'une vingtaine dans le seul domaine de la santé. Cette « agentisation » de l'État, à laquelle ce projet donne un coup d'accélérateur, loin de simplifier le système, le rendra plus opaque encore. Ma crainte est qu'il donne naissance à un monstre bureaucratique ingérable, complètement déconnecté des réalités.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La création des agences régionales était pourtant dans votre programme.
M. François Autain. - La rédaction de l'article 26, amendé par la commission, ne me rassure pas. Il apparaît que ces agences sont moins destinées à satisfaire aux besoins de santé de la région en respectant un égal accès tarifaire et géographique, que de faire respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'Ondam...
M. Guy Fischer. - Et voilà !
M. François Autain. - ....objectif établi en fonction de critères essentiellement économiques. A cet effet, les Arsa -tel devrait être désormais le nom de ces agences- seront dirigées par un superpréfet nommé en conseil des ministres qui, hors de tout contrôle démocratique, arrêtera le projet régional de santé, nommera et révoquera les directeurs d'hôpitaux publics...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Avant, c'était le ministre de la santé !
M. François Autain. - ....directeurs qui pourront désormais venir du secteur marchand avec leur salaire, quel qu'il soit, et y retourner sans contrainte. Le directeur général de l'agence pourra réduire unilatéralement certaines dotations financières dont bénéficient les hôpitaux publics, quelles que soient les conséquences sur les soins. Il aura aussi la responsabilité de la gestion des risques qui relevait jusque là de l'assurance maladie, contrairement à ce que l'on observe dans la plupart des pays européens qui séparent régulation du système et organisation de l'offre de soins. L'assurance maladie deviendra en quelque sorte une filiale de la holding « Agences régionales de santé ». (Vifs applaudissements sur les bancs CRC-SPG) Cette concentration en une seule main de tous ces pouvoirs a pour seul objet d'assurer la maîtrise comptable des dépenses de santé. C'est pourquoi nous ne pouvons y souscrire.
L'intégration du médico-social dans les Arsa fait craindre une insuffisante prise en compte de ses besoins spécifiques. A cet égard, la modification du nom de l'ARS adoptée par la commission est un signal bienvenu qu'appréciera le monde associatif.
En revanche, la suppression des comités régionaux d'organisation sociale et médico-sociale (CROSMS) traduit la volonté du Gouvernement de renforcer le pouvoir des Arsa au détriment des représentants des associations ; cette mesure est unanimement condamnée. Nous proposons un amendement les rétablissant : il est indispensable de maintenir le seul organisme consultatif régional, pluriel dans sa composition, et seul capable d'avoir une vision prospective globale des besoins en équipements et en services sociaux et médico-sociaux.
Par ailleurs, le transfert aux Arsa de compétences dévolues auparavant aux départements et à l'échelon local est potentiellement source de conflits ou de confusion. Ainsi en est-il par exemple de la programmation : comment articuler le schéma régional médico-social de l'Arsa avec le Priac (programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie) -qui est un programme interdépartemental- et avec le schéma élaboré avec le conseil général qui, lui, est départemental ?
Pour les soins de premier recours, on peut déplorer l'absence de mesures concrètes susceptibles de répondre aux difficultés des patients. La multiplication des diverses franchises et contributions forfaitaires entraîne la détérioration du taux moyen de prise en charge des soins de ville, lequel se situe au-dessous de 60 %...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - 78 % !
M. François Autain. - ...et auquel il faut ajouter les dépassements d'honoraires en ville, en moyenne de 8 % des dépenses présentées au remboursement, et dont seulement une partie est prise en charge par les assurances complémentaires. Pour certaines spécialités, dans certaines zones, cette moyenne est largement dépassée et, dans les établissements de santé commerciaux, le montant des dépassements peut atteindre plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'euros. Malgré la CMU et l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, 8 % des assurés n'ont toujours pas de couverture complémentaire et, la crise aidant, il n'est pas exclu que la « démutualisation » se développe et qu'augmente le nombre de malades contraints à renoncer aux soins : c'est le cas de 39 % des Français contre 25 % en 1999.
Devant l'inégale répartition des médecins entre régions, départements, communes et quartiers, la seule politique du Gouvernement consiste à éviter à tout prix de s'opposer à la profession et à remettre à plus tard, à 2013 et -pourquoi pas ?- à 2018 le moindre début de politique volontariste ; et je déplore que notre commission n'ait pas supporté les quelques avancées de l'Assemblée nationale sur ce point : elle a supprimé l'article L. 6161-4-1 du code de la santé publique qui garantissait une proportion minimale d'actes facturés sans dépassements d'honoraires dans un établissement de santé commercial.
C'est regrettable car il existe en matière d'accès aux soins au moins un dossier en friche qu'il faudrait traiter de toute urgence, celui de la médecine libérale. Il faut tirer les conséquences de l'échec de cinq années de fonctionnement d'un système conventionnel à bout de souffle. L'enlisement des négociations sur le secteur optionnel, entamées il y aura bientôt cinq ans, en est la preuve la plus accablante. Mais ce système s'est montré tout aussi incapable de régler le problème des zones sous-médicalisées et celui de la permanence des soins. S'arcbouter comme vous le faites, madame la ministre, sur la liberté d'installation des médecins libéraux, même lorsqu'elle s'exerce au détriment du patient, ne peut constituer à elle seule une politique. Les droits des patients sont aussi intangibles que la liberté des médecins. Il arrive même que l'une doive s'effacer devant les autres, notamment pour les missions de service public. Il ne suffit pas de revendiquer sur le mode incantatoire un égal accès de tous aux soins de qualité pour que cet objectif soit atteint. Encore faut-il s'en donner les moyens. Et vous vous y refusez.
Vous comprendrez, dans ces conditions, que les sénateurs du groupe CRC-SPG ne puissent voter ce projet de loi. (Vifs applaudissements à gauche)
La séance est suspendue à 19 h 25.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
M. le président. - Si tous les orateurs respectent leur temps de parole, qu'ils sachent d'avance que je ne leur en voudrai pas (sourires) et qu'il nous reste deux heures quarante-trois minutes de discussion générale. Je rappelle que nous siégeons demain matin à 9 heures et demie.
M. Alain Vasselle. - J'interviens en tant que rapporteur des volets consacrés aux équilibres généraux et à l'assurance maladie des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Je tiens tout d'abord à féliciter la commission pour son excellent travail.
Je souscris aux propos de M le rapporteur sur la gouvernance hospitalière : il faut associer les médecins à la gestion des établissements, notamment à son volet médical. Plusieurs orateurs en sont tombés d'accord, et je ne doute pas que le Sénat n'adopte ses amendements.
S'agissant de l'installation des médecins libéraux dans les zones déficitaires, la commission a choisi de privilégier les mesures incitatives et la voie conventionnelle. Cela n'empêche nullement de vérifier que les partenaires disposent des outils nécessaires pour atteindre leurs objectifs et que ces derniers sont effectivement remplis, voire de les inciter à conclure des négociations entamées depuis longtemps, par exemple dans le secteur optionnel.
Il revient pourtant aux pouvoirs publics de tracer des lignes directrices pour préparer l'avenir. Dans son rapport de 2007 sur l'offre de soins, notre collègue Jean-Marc Juilhard suggérait de créer un guichet unique pour mieux informer les étudiants des dispositifs incitatifs existants : je sais que Mme la ministre partage cette préoccupation. L'ARS aura aussi son rôle à jouer. En outre, M. Juilhard préconisait le développement des maisons médicales de garde, créées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 à l'initiative de votre commission des affaires sociales. Les effets de cette mesure tardent à se faire sentir.
Ce projet de loi va dans le bon sens. Mais il faut se souvenir que les collectivités locales contribuent largement par leurs efforts financiers au maintien et à l'installation de médecins sur leur territoire. Elles devront collaborer avec les ARS. Il faudrait également remédier au fait, pointé par le rapport Juilhard, que les zones délimitées en fonction de la densité médicale ne correspondent pas à celles de l'aménagement du territoire, par exemple aux zones de revitalisation rurale. Les aides destinées à ces territoires pourraient être mieux coordonnées. (Mme Nathalie Goulet approuve)
J'en viens à la question de la fluidité du parcours de soins entre la médecine de ville, l'hôpital et les établissements médico-sociaux. Tous les débats et les rapports, en particulier le rapport Larcher, ont souligné la défaillance des relations entre ces différents prestataires. Mais lorsque je demande à mes interlocuteurs de proposer des mesures concrètes, ils restent muets. Ce projet de loi ne contient aucune disposition précise à cet égard. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement tendant à développer ce que les Anglo-saxons appellent le case management, c'est-à-dire la prise en charge des situations les plus graves, par exemple l'assistance aux patients qui vont subir une hospitalisation pour résoudre des problèmes sanitaires, administratifs et sociaux. Dans le monde anglo-saxon, cette tâche est assumée par les assureurs ; en France, certains assureurs complémentaires y réfléchissent. Il conviendrait peut-être d'autoriser l'assureur public à proposer ce type de service, notamment pour les assurés souffrant d'une affection de longue durée. Le programme Sophia, destiné aux diabétiques, a vocation à s'étendre aux patients souffrant d'autres pathologies. Cela permettrait d'identifier un acteur chargé d'améliorer la relation entre médecine de ville et hôpital, au-delà de la simple transmission de l'information médicale. Celle-ci devrait bientôt être assurée par le dossier médical personnel (DMP) ; il est temps que ce projet se concrétise.
M. Guy Fischer. - En effet !
M. Alain Vasselle. - La création des agences régionales de santé...
M. François Autain. - Et d'autonomie !
M. Alain Vasselle. - ...constitue une évolution importante de notre système de soins. Sans être aussi critique que M. Autain, je me pose quelques questions au sujet de ces nouvelles agences.
M. Guy Fischer. - Quand même !
M. Alain Vasselle. - Leurs compétences seront très étendues et il ne faut pas trop attendre d'elles. Les directeurs généraux des ARS risquent d'être entièrement absorbés par la gestion hospitalière en raison de l'importance des budgets concernés et des négociations contractuelles qu'ils devront mener avec l'ensemble des établissements de santé publics et privés. Outre les qualités qui leur seront nécessaires, il est à souhaiter que ces directeurs généraux aient la volonté de collaborer avec les élus locaux, contrairement à certains directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation (ARH), d'autant plus que les ARS devront intervenir dans le champ médico-social en concertation avec les départements.
J'en viens au choix fait, au nom de la rationalisation administrative, de confier à une seule structure à la fois l'organisation de l'offre de soins, le contrôle de la dépense hospitalière et la gestion du risque assurantiel en santé.
M. François Autain. - C'est trop !
M. Alain Vasselle. - Je ne vous surprendrai pas en vous disant qu'il y a là des risques de conflit d'intérêt.
M. François Autain. - Je partage votre inquiétude.
M. Alain Vasselle. - Les ARH n'ont d'ailleurs pas su mener de front les missions d'organisation et de contrôle. Nos voisins européens font souvent le choix de dissocier ces fonctions sans pour autant remettre en cause le caractère régalien des politiques de santé.
Si cette argumentation sur le fond ne suffit pas à vous convaincre, madame la ministre, je voudrais aborder la question de façon plus pragmatique. Dans quelques mois, ces directeurs généraux vont devoir mettre en place des structures rassemblant plusieurs centaines de personnes venant d'horizons variés, porteurs de cultures administratives différentes. Il est difficile de croire, quelles que soient les qualités de ces hommes et femmes, qu'ils pourront mener de front l'ensemble des compétences qui leur seront confiées. Leur priorité, et c'est indispensable, sera de travailler à une meilleure organisation de l'offre de soins avec les établissements de santé et la création des communautés hospitalières de territoire, avec les établissements médico-sociaux, dans le domaine de la médecine ambulatoire, pour laquelle nos attentes sont grandes et le temps compté.
Comment, dans un tel contexte et une telle urgence, les directeurs généraux pourront-ils mener de front les missions d'organisation de soins et de gestion de risque ? Pouvons-nous prendre le risque que certaines compétences transférées vers les ARS ne soient pas exercées pendant plusieurs semaines, ou plusieurs mois ? Pouvons-nous interrompre des dynamiques que nous avons eu tant de mal à mettre en oeuvre et qui commencent à produire leurs effets ?
Voilà pourquoi nous avons modifié l'architecture initiale, voilà pourquoi je proposerai encore d'optimiser la place et le rôle des ARS par rapport aux autres acteurs du système. Il s'agit de pragmatisme, et cette solution ne se traduira pas par une dépossession de compétences dont serait victime l'État ou les ARS. La politique de gestion du risque sera décidée au niveau national, dans le cadre du comité national. La convention d'objectifs et de gestion qui lie les caisses d'assurance maladie précisera les objectifs que l'État fixe aux caisses et permettra de suivre leur exécution.
Une telle solution est dans la continuité des amendements adoptés à l'initiative de la commission, elle facilite la prise en compte d'une dimension régionale sans obliger le directeur général de l'ARS à signer des conventions avec l'ensemble des caisses locales d'assurance maladie de sa région.
Je souligne, si c'est encore nécessaire, l'importance de cette réforme, tant pour l'amélioration du système de santé, que pour l'optimisation des dépenses d'assurance maladie. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Raymond Vall. - Longtemps vanté comme l'un des meilleurs du monde, notre système de santé présente aujourd'hui de redoutables symptômes : un financement fragilisé, un pilotage contesté et éclaté, de profondes inégalités d'accès aux soins. Les avancées scientifiques et technologiques ont certes rendu la médecine plus fiable, mais les problèmes d'organisation des soins et de démographie médicale privent un grand nombre de Français du bénéfice de ces performances. Derrière la crise budgétaire est apparue la fracture sanitaire.
Dans certains territoires, la permanence des soins est approximative, les délais d'accès en cas d'urgence sont incompatibles avec l'efficacité des soins, les files d'attente pour les spécialistes s'allongent. Bref, le désert médical gagne nos campagnes. Les causes en sont diverses : manque d'attractivité ou enclavement des territoires, dévalorisation de la médecine générale, désintérêt pour certaines spécialités -et aussi les conditions brutales et anarchiques dans lesquelles sont conduites les restructurations hospitalières. S'y ajoutent, pour les patients, des difficultés financières liées aux déremboursements, aux franchises, aux coûts de transports, aux dépassements d'honoraires. Dans certains secteurs, il devient difficile de trouver des médecins du secteur 1 !
Face à cette situation, qui ne date pas d'hier, on ne peut plus se contenter de mesures isolées, de voeux pieux. Il est plus que temps d'agir, d'autant qu'en matière de santé, plus encore que dans d'autres domaines de l'action publique, les fruits se récoltent à moyen et long terme.
Votre projet de loi, madame la ministre, était donc très attendu. Loin d'emporter l'adhésion de ceux qui font l'excellence de l'hôpital -je veux parler bien sûr des médecins- il a provoqué leur grogne. Le texte de la commission les implique davantage dans la gouvernance de l'hôpital, mais on peut espérer mieux.
Il y a des dispositions intéressantes : gestion des effectifs médicaux, par discipline et par région, en fonction des besoins, rôle pivot du médecin généraliste dans les soins de premier recours, stages permettant la connaissance de la médecine générale, y compris rurale, contrat d'engagement de service public. Les agences régionales de santé, dont nous approuvons le principe, permettront une utile unité d'action : l'émiettement de l'État dans le domaine sanitaire, le cloisonnement hôpital et médecine de ville, le corporatisme, les concurrences excessives entre établissements de santé comptent parmi les raisons du désordre actuel.
Ces mesures suffiront-elles pour réduire les inégalités d'accès aux soins ? Nous en doutons. Quoi qu'il en soit, elles ne trouveront leur plein impact que dans plusieurs années, dix pour certaines d'entre elles. Or, il y a urgence. Et aucune mesure immédiate n'est proposée contre le désert médical.
Les maisons de santé, les centres de santé, les réseaux permettent de rompre l'isolement, d'accueillir des praticiens habitant des zones urbaines et de partager les tâches. Ces regroupements sont aussi indispensables à la survie des hôpitaux. Et voilà que les hôpitaux locaux disparaissent du texte.
M. Nicolas About, président de la commission. - Non, ils changent seulement de nom.
M. Raymond Vall. - Le remaillage des territoires exige une démocratie sanitaire participative ; le mode de gouvernance des ARS ne présage rien dans ce sens. Instrument de cette démocratie sanitaire, la conférence régionale des territoires reste un organe purement consultatif.
La modernisation du réseau hospitalier doit être négociée et non imposée. Les ARS devront être garantes de la coopération hospitalière, entre grands centres hospitaliers et hôpitaux de proximité, en évitant tout cannibalisme. Les hôpitaux locaux constituent un renfort indispensable pour les médecins généralistes et un point d'appui pour de nombreuses spécialités. Dans certains secteurs isolés, il faut permettre leur maintien, même en dessous des seuils habituels et, si besoin, encourager leur regroupement par fusion volontaire.
Vous l'aurez compris, la grande majorité des membres du groupe RDSE n'est pas convaincue par ce projet de loi, même amélioré par la commission, dont nous saluons le travail. Pour déterminer notre position finale, nous serons attentifs aux suites qui seront données aux amendements dont nous partageons la philosophie, qu'ils émanent de notre groupe ou pas. (Applaudissements sur les bancs RDSE)
M. Jacky Le Menn. - Quand j'ai pris connaissance du titre I de ce projet de loi, m'est venu à l'esprit ce propos du sociologue Frédéric Pierru : la réforme de l'hôpital n'est qu'une illustration parmi d'autres des transformations plus fondamentales du politique où des élites, délaissant les valeurs du public au « profit » du privé, avides d'indicateurs de gestion prétendument objectifs, sûres de la supériorité de leurs recettes et coupées de la réalité de l'expérience vécue des citoyens ordinaires, se méfient de toute forme de contre-pouvoir.
Ensuite, je me suis demandé s'il fallait, de toute urgence, « initier une nouvelle gouvernance » à l'hôpital. Cette « nouvelle gouvernance » intervenait dans un univers hospitalier déjà fragilisé par une concentration de réformes survenues sur une période très courte. L'hôpital peine encore à intégrer l'impact de ces différentes réformes qui, de plus, n'ont pas été évaluées. Les professionnels médicaux et paramédicaux, les premiers visés par ces réformes, souhaitent du temps pour repenser leurs missions ; l'accumulation de réformes ne le leur donne pas ; la perspective d'une nouvelle réforme d'ampleur eut donc pour conséquence la cristallisation de la conflictualité sociale latente au sein de l'hôpital depuis de nombreux mois.
Quel est l'intérêt des malades dans tout cela ? Mais est-ce bien l'intérêt des malades qui guide cette réforme de la « gouvernance » de l'hôpital ?
M. Guy Fischer. - Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Oui !
M. Jacky Le Menn. - Permettez moi, madame la ministre, d'en douter, L'intérêt des malades finit par disparaître derrière une préoccupation centrale de vos services : la rentabilité de la structure hospitalière. L'hôpital est victime d'un concept qui a mûri d'abord dans les têtes, puis dans les déclarations de quelques opiniâtres technocrates, économistes de la santé, gestionnaires hospitaliers, le concept d'hôpital entreprise. (Applaudissements à gauche)
Que recouvre ce concept mortifère dans ses déclinaisons inscrites dans le projet de loi qui nous est arrivé en commission et dont de grosses scories demeurent ? Premièrement, une centralisation extrême du pouvoir dans la fonction directoriale tout entière « incorporée », au sens que Bourdieu donnait à ce terme, dans un seul homme, le directeur de l'hôpital, le « patron » selon le Président de la République, qui chérit une vision bonapartiste de la « gouvernance » des institutions. (Applaudissements à gauche) Ce directeur, rendu puissant dans la structure hospitalière, est aussi un colosse aux pieds d'argile dont on découvre rapidement qu'il n'est que le porte-voix du directeur général de l'agence régionale de santé, véritable préfet sanitaire hyperpuissant, nouveau Maître Jacques de la politique sanitaire régionalisée qui nous est annoncée.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Auparavant, c'était le ministre de la santé...
M. Jacky Le Menn. - Nous voilà en pleine théâtralisation de « l'illusionnisme social » où celui que l'on croit être l'acteur principal ne l'est pas vraiment et où celui qui l'est, le directeur général de l'ARS, est un haut fonctionnaire à la manoeuvre, lui-même aux ordres, et dont la mission prioritaire est de rechercher l'efficience financière du système sanitaire français, quel qu'en soit le prix à payer pour les malades et les soignants de l'hôpital public.
M. René-Pierre Signé. - Il sera sans compétence médicale !
M. Jacky Le Menn. - Certes, le directeur d'hôpital pilotera, mais sous contrôle étroit du directeur général de l'ARS qui l'évaluera, lui attribuera un budget à l'issue d'une caricature de négociation, budget dont il vaudra mieux qu'il se satisfasse et avec lequel il devra se débrouiller pour éviter de tomber dans l'enfer de l'administration provisoire. Pourtant, il connaitra cette extrémité, compte tenu du calcul irréaliste du budget des hôpitaux soumis aux contraintes de la tarification à l'activité, doublé de la convergence totale, à moyen terme, entre cliniques privées à but lucratif et hôpitaux publics.
On nous promettait cette convergence totale pour 2012. Votre récente lettre, madame la ministre, au président de la FHF la renvoie à 2018, sage et prudente décision mais nous réclamons la suppression totale de cet objectif, meurtrier pour l'hôpital public et réelle aubaine pour les chaînes de cliniques privées à but lucratif.
Mme Patricia Schillinger. - Bravo !
M. Jacky Le Menn. - Le conseil d'administration de l'hôpital, qui détenait bien peu de pouvoirs, se trouve encore affaibli. Heureusement que nous y avons mis un frein en commission, frein tout relatif du reste malgré quelques avancées dont celle de se prononcer sur la stratégie de l'hôpital. On m'a assuré que la stratégie financière y était incluse. Je reste cependant sceptique.
M. Nicolas About, président de la commission. - Mais non ! On a même rajouté les budgets prévisionnels : c'est dire !
M. Jacky Le Menn. - En outre, le conseil de surveillance pourra émettre des avis, ce qui est heureux.
En revanche, le projet prévoyait de réduire l'influence des élus locaux. Notre commission a partiellement rectifié le projet gouvernemental. Mais, madame la ministre, pourquoi minorer l'influence, dans les conseils de surveillance, de ces médiateurs naturels que sont les élus locaux alors même que vos projets de restructuration vont perturber tous les territoires ? Les élus sont les seuls à pouvoir faire oeuvre pédagogique auprès de la population et des malades.
M. René-Pierre Signé. - Bien sûr !
M. Jacky Le Menn. - De plus, vous mettez délibérément à l'écart la communauté médicale et soignante des processus de décisions essentiels de l'hôpital. (Mme la ministre lève les yeux au ciel) Du coup, le corps médical hospitalier s'apprêtait à très mal vivre la « nouvelle gouvernance hospitalière ».
L'immense majorité des médecins hospitaliers se situe très loin des clichés complaisamment répandus qui en font des mandarins. Les médecins hospitaliers sont des médecins de terrain et ils souhaitent optimiser la gestion des moyens médicaux. Oui, ce sont des femmes et des hommes responsables en matière économique et financière. En outre, ils y apportent une grande humanité, beaucoup de dévouement et ils sont bien loin de tout esprit de lucre, alors que notre époque ne s'y prête guère.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Chez les ministres aussi, il y a beaucoup d'humanité !
M. Jacky Le Menn. - Contrairement à ce qui prévaut dans la conception de « l'hôpital entreprise », les médecins de l'hôpital public souhaitent que le législateur reconnaisse la nécessité de la médicalisation de certaines décisions administratives comme le pilotage de l'hôpital, son organisation et la nomination de ses responsables médicaux.
Le projet médical, véritable épine dorsale du projet d'établissement d'un hôpital, doit être élaboré, et non simplement préparé, par la communauté médicale. Il ne s'agit pas d'une banale affaire de sémantique mais d'une conception de fond extrêmement importante sur laquelle notre assemblée doit prendre parti dans l'intérêt des malades accueillis à l'hôpital. Le projet médical concernera tous les pôles d'activités médicales de l'établissement et, dans les CHU, il aura trait aux activités d'enseignement et de recherche. Nous sommes là au coeur de la raison d'être de l'établissement hospitalier. C'est pourquoi l'élaboration du projet médical doit se faire sous l'autorité conjointe du directeur de l'hôpital et du président de la commission médicale d'établissement.
Ensuite, la commission médicale ne doit pas être exclue de la contractualisation interne relative aux pôles d'activités médicales. Cette contractualisation ne peut être réservée au seul directeur de l'hôpital qui signerait des contrats avec des chefs de pôles, qu'il aurait par ailleurs nommés. Un avis de la commission médicale d'établissement s'impose donc. Le texte de notre commission propose des solutions acceptables. Pourquoi prévoir tant de garde-fous qui semblent entraver l'action du directeur de l'hôpital ? Il ne s'agit pas de défiance mais de prudence. Le projet médical doit en effet correspondre au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) qui sera signé entre le directeur de l'hôpital et le puissant directeur de l'ARS, dans des conditions de subordination que l'on peut imaginer, d'autant que le conseil de surveillance n'aura pas voix au chapitre.
L'économie d'ensemble de ce processus ne pouvait qu'inquiéter le corps médical et l'ensemble du personnel hospitalier qui craignent que la logique comptable, rejetée par 74 % des Français, l'emporte sur celle qui donne la priorité aux soins. Madame la ministre, l'hôpital n'est pas une entreprise. Comment traiter de « consommateur éclairé » le patient hospitalisé en urgence, ou celui qui est terrassé par l'annonce d'une maladie grave ? Traiter les malades de clients avertis et libres de leurs choix est une imposture, servant à justifier la transformation de la médecine en un commerce, le médecin en un producteur, le patient en un client et l'hôpital en une usine à soins. Tout ceci est inadmissible ! (Vifs applaudissements à gauche) L'hôpital est une organisation complexe dans laquelle les professionnels sont en première ligne. C'est un lieu où un corps souffrant vient à la rencontre d'un médecin et d'un soignant. Il convient donc d'élaborer des stratégies décisionnelles spécifiques où la valorisation du jeu coopératif entre les professionnels médicaux, les soignants et les administratifs est capitale.
Nous avons présenté en commission des affaires sociales de nombreux amendements pour participer à ce nouveau fonctionnement.
Avec « l'hôpital entreprise », la masse salariale devient souvent une variable d'ajustement budgétaire. N'est-ce d'ailleurs pas ce qui se passe aujourd'hui ?
M. Guy Fischer. - Bien sûr !
M. Jacky Le Menn. - Le personnel des hôpitaux l'a bien compris depuis la montée en puissance de la tarification à l'activité. La suppression massive d'emplois dans les hôpitaux n'est plus un mythe : 20 000 postes seraient concernés ! Pensez-vous, madame la ministre, que ce personnel va continuer à subir sans réagir ? Le personnel hospitalier est fatigué, épuisé. De plus, il est mal payé ! (Vifs applaudissements à gauche) Ses conditions de travail se dégradent et, avec les suppressions de postes, les choses ne vont pas s'améliorer. Le personnel est désabusé, craignons qu'il ne se révolte ! Chacun a bien compris que l'enjeu sous-jacent de la T2A est de parfaire la définition d'un « produit » hospitalier qui soit mesurable et comparable, dans la perspective d'une augmentation de la productivité, jugée insuffisante de l'hôpital public par rapport à celle des cliniques privées à but lucratif.
Sur la base d'hypothèses hautement discutables, les malades sont d'abord considérés comme des « centres de coûts » qu'il faut minimiser ou transférer à d'autres. Vous allez nous dire, madame la ministre, que la T2A relève de la loi de financement de la sécurité sociale et qu'elle n'a rien à faire dans cette discussion. Nous ne nous laisserons pas abuser : cette réforme libérale est en totale cohérence avec le nouveau mode de financement des hôpitaux. Mais le libéralisme a montré, dans d'autres secteurs, à quels ravages il peut mener. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. Jacky Le Menn. - La marchandisation de la santé n'appartient pas à la culture hospitalière française.
Mon groupe est farouchement opposé à votre conception des missions du service public de santé à la carte, ou à la découpe (Applaudissements sur les bancs socialistes), pour les vendre plus facilement au privé qui n'acceptera de prendre en charge que ce qui est rentable à court terme.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce n'est pas lui qui décidera !
M. Jacky Le Menn. - Les cliniques privées commerciales sont prêtes à accueillir les internes de quatrième ou de cinquième année afin d'utiliser leurs compétences et d'embaucher ensuite ces jeunes professionnels. Ainsi la part belle sera faite aux cliniques privées à but lucratif, du reste souvent regroupées dans des chaînes à capitaux étrangers dont les responsables ont l'oeil fixé sur le taux de rentabilité à deux chiffres ! (Applaudissements socialistes)
M. Guy Fischer. - 16 % !
M. Jacky Le Menn. - On ne nous fera pas croire que ces cliniques privées choisiront, parmi les treize missions de service public prévues dans ce texte, celles qui n'iront pas dans le sens de leurs intérêts. Choisiront-elles la lutte contre l'exclusion sociale, les actions d'éducation et de prévention ou encore les actions de santé publique ? J'en doute.
J'en appelle au refus de cette politique hospitalière qui prône le productivisme, la sélection des patients et la concurrence. J'en appelle au refus de toute politique qui émiette les missions du service public de santé dans l'intérêt des établissements privés à but lucratif, qui écarte les élus du pilotage des hôpitaux situés sur leur territoire, qui démédicalise les décisions prises par l'hôpital, qui ignore la parole des soignants, qui dénie l'utilité indispensable du travail de tous les autres personnels de l'hôpital.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Tout en nuances...
M. Jacky Le Menn. - Le principe qui doit guider les regroupements d'établissements est le volontariat, à égalité de droits entre les établissements, sans subordination d'une structure à une autre. Ce n'est qu'exceptionnellement, dans les cas où la sécurité des malades est en jeu, que le représentant de l'État devra prononcer la fusion. La définition des conventions de regroupements doit scrupuleusement tenir compte des situations géographiques et spécifiques des établissements.
Ce projet de loi noie habilement la réforme de la gouvernance hospitalière au sein de diverses mesures qui laissent croire que le Gouvernement défend les soins de qualité pour tous et sur tout le territoire. Mais tel n'est pas le cas.
En fait, l'objectif sous-jacent est le démantèlement du service public de santé, l'accélération de la privatisation et l'amplification d'une médecine à deux vitesses. Votre projet est bien éloigné de nos valeurs et de notre conception de la santé. Nous nous battrons tout au long de la discussion pour que le texte soit infléchi, voire, ce qui serait encore mieux, retiré. (Applaudissements à gauche)
Mme Muguette Dini. - M. Vanlerenberghe a conclu que la réforme de la gouvernance territoriale et hospitalière reste à peaufiner. S'agissant de l'organisation des soins ambulatoires, nous sommes encore loin du peaufinage... Certes, le texte, au sortir de la lecture par notre commission, comprend des avancées. Toutefois notre groupe, par ses amendements, souhaitait aller plus loin, conformément à ce que préconisent chercheurs, observateurs et professionnels libéraux. Parmi les avancées, je note une véritable coordination entre l'offre de soins hospitalière et l'offre ambulatoire. La réforme de 2004, chacun en convient, avait échoué sur ce point. Et il était urgent de sortir du schéma qui veut que l'assurance maladie s'occupe de la médecine de ville et l'État, de l'hôpital. Un pilotage commun s'imposait, avec des priorités de santé publique claires : la création des agences régionales de santé répond à cette exigence. Désormais, la permanence des soins ne reposera plus sur les seuls praticiens hospitaliers mais sera également assurée par les médecins libéraux. Un véritable service public de la permanence des soins se met en place. Je me réjouis aussi d'une meilleure complémentarité entre les secteurs hospitaliers et ambulatoires, au travers des pôles de santé, passerelles utiles pour une prise en charge continue des patients.
Le projet pose les premiers jalons d'une véritable structuration des soins ambulatoires. Selon une étude de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), l'organisation de ces soins est encore largement déterminée par les principes de la charte de la médecine libérale de 1927...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Exactement !
Mme Muguette Dini. - Libre choix du médecin, respect du secret professionnel, droit à des honoraires pour tout malade soigné, paiement à l'acte direct par l'assuré social, liberté thérapeutique et de prescription, liberté d'installation. Depuis 2004, l'instauration du médecin traitant et du parcours de soins, la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité médicale, ont ouvert des perspectives nouvelles. La définition des soins de premier recours, la reconnaissance des missions des médecins généralistes, la promotion d'actions de prévention en santé et le développement de l'éducation thérapeutique, vont dans le même sens. Mais la structuration ne sera pas complète sans une meilleure répartition territoriale des professionnels de santé libéraux. Nous cherchons à inciter, voire à contraindre les médecins à exercer dans telle ou telle zone géographique. Assurons-leur plus simplement des conditions correctes d'exercice de leur métier sur l'ensemble du territoire ! Nos amendements, en commission, tendaient d'abord à mieux promouvoir le métier de médecin généraliste de premier recours. Il est indispensable de faire connaître, au plus tôt, la médecine générale et d'en vanter les attraits aux étudiants en médecine.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est déjà fait !
Mme Muguette Dini. - Créons une spécialité de généraliste de premier recours dans le cadre d'une filière non plus de trois mais de quatre ans, comme pour les autres spécialités médicales. Sinon, comment valoriser cette spécialité ? Nos amendements visaient aussi à faire évoluer les conditions d'exercice de la médecine de ville, à répondre aux aspirations en mettant un terme à l'isolement, en faisant de l'exercice regroupé la nouvelle norme et en favorisant les approches pluridisciplinaires. Le taux de regroupement des médecins généralistes est estimé à 39 %, or il atteignait déjà 30 % au début des années quatre-vingt : il a peu évolué. L'exercice isolé en cabinet reste la forme la plus répandue ; la pratique en groupe est essentiellement monospécialisée et de petite taille. Les maisons de santé pluridisciplinaires doivent devenir une réalité, surtout dans les zones sous-dotées médicalement, afin d'améliorer la productivité comme les conditions de travail -la demande de soins primaires, croissante, sera mieux prise en compte. Les médecins récemment installés apprécient, dans ce système, le partage des contraintes de la permanence des soins, ainsi que les challenges en matière de coordination des soins. Les médecins installés depuis longtemps ont l'espoir de trouver, à terme, des remplaçants. En outre les médecins, de nos jours, veulent concilier vie de famille et vie professionnelle.
Le partage des rôles, l'articulation entre les interventions des divers professionnels est un enjeu majeur. Une nouvelle répartition des activités est possible, par transfert de certaines compétences médicales vers de nouveaux métiers, afin, selon la formule du professeur Berland, de « recentrer le médecin sur son coeur de métier et libérer du temps médical ». Je songe aux patients qui souffrent d'une maladie chronique ou aux personnes âgées, sujettes aux polypathologies. Les bilans, le suivi, les rappels concernant les traitements et l'hygiène de vie, l'éducation thérapeutique, peuvent ainsi être confiés à l'infirmière et au pharmacien. Le rapport Berland, en 2003, identifiait plusieurs transferts possibles et les nouveaux métiers correspondants, infirmières cliniciennes spécialistes de soins primaires, coordonnateurs du handicap, etc. Les premières comme les seconds seraient des professionnels de niveau master, un grade qui n'existe pas encore au sein des professions paramédicales. Les trois sujets que je viens d'évoquer sont à peine effleurés dans le projet de loi. Notre groupe tentera une nouvelle fois de le faire évoluer. Rien n'est dit du temps de travail acceptable ni du temps médical réel consacré à chaque patient ; ni, bien sûr, des répercussions sur le numerus clausus à venir. A quand une réflexion sur ces sujets, que l'on ne pourra éternellement éviter ? (Applaudissements au centre)
Mme Annie David. - (Applaudissements à gauche) Je me réjouis que deux amendements de mon groupe aient été adoptés : l'accès aux soins de premier recours se calculera non seulement sur le critère de la distance mais aussi sur celui de temps de parcours ; les comités de massif recevront chaque année un rapport de l'agence régionale de santé sur l'organisation de la permanence des soins.
Hélas ces amendements ne sont pas de nature à modifier sur le fond le projet de loi, d'où sont étrangement absents... les territoires : ils figurent dans l'intitulé du projet, mais lorsqu'ils apparaissent dans le texte, c'est pour mieux asseoir l'autorité des agences régionales ou pour mettre en place des comités qui ne disposent pas de pouvoirs suffisants. Ainsi, la conférence régionale de la santé et de l'autonomie participe à la définition de la politique régionale de santé, mais ne dispose d'aucun pouvoir pour adapter les services aux besoins locaux. Les décisions sont prises au sein des ARS toutes puissantes, profondément anti-démocratiques, dirigées par les représentants de l'État ou des personnes « qualifiées », éventuellement nommées par l'État. Dans ce rapport très hiérarchique, verticalisé à l'extrême, profondément technocratique, les élus locaux n'ont pas voix au chapitre. Nous défendons une autre vision des ARS et des établissements publics de santé : les premières pourraient être dirigées par des représentants des conseils régionaux, les seconds par des élus des collectivités territoriales, qui veilleraient au bon fonctionnement de la permanence des soins. Ces élus devraient être associés à la lutte contre les déserts médicaux. Ce sont les maires qui cherchent un médecin pour leur commune, leur offrant logement et cabinet flambants neufs, exonérés de loyers. Voyez la démarche entreprise par M. Gérard Le Cam.
Régions et départements sont contraints d'offrir des bourses aux étudiants en médecine pour les attirer sur leurs territoires car les quelque 200 bourses nationales ne suffiront pas à résorber les zones blanches. Au reste, ne stigmatisons pas les jeunes qui veulent s'installer dans des zones de forte densité médicale quand l'État abandonne lui-même nos quartiers difficiles, nos zones de montagne et nos campagnes. Comment leur en vouloir quand l'État y ferme, chaque jour, des services publics, de l'école à la poste...
M. Nicolas About, président de la commission. - Et va jusqu'à saccager les cabinets médicaux ! (Sourires à droite)
Mme Annie David. - ...et demande aux médecins, qui relèvent pourtant de l'organisation libérale, d'être les derniers représentants de la puissance publique ?
Enfin, nous sommes totalement opposés à la logique comptable de ce texte qui contraindra les hôpitaux en déficit, soit leur grande majorité, à procéder à des suppressions massives d'emplois et à fusionner avec d'autres établissements sur la seule décision de l'Arsa sans même que soient consultés les comités de surveillance des établissements de santé concernés ou son propre comité de surveillance. Après la suppression d'un tiers des tribunaux des affaires de la sécurité sociale, la révision des carte judiciaire et militaire et la fermeture des postes de gendarmerie et de police au nom de la RGPP, voici que l'on ferme maintenant les hôpitaux de proximité au mépris des besoins des populations.
M. Nicolas About, président de la commission. - Il n'est pas question de fermer des hôpitaux, mais de les transformer !
Mme Annie David. - Madame la ministre, parce que les services publics participent activement de l'aménagement du territoire...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Très juste !
Mme Annie David. - ...décider de fusionner les hôpitaux en passant outre l'avis des élus locaux est inacceptable. Nous voterons donc contre ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
M. Dominique Leclerc. - Permettez-moi de féliciter notre rapporteur, M. Milon, pour la qualité de son travail. (Applaudissements à droite). Aucune réforme de santé ne peut réussir sans l'adhésion des professionnels de santé. Grâce à ses multiples auditions et à son écoute, ce texte a été recentré sur la gouvernance de l'hôpital et la création des ARS.
Les établissements de santé, publics ou privés, sont d'abord une communauté de soignants au service de patients malades. La qualité des soins est fonction de leur professionnalisme, de leur dévouement et de compétences acquises lors de leurs longues années d'étude et de pratique dans les CHU. Ce texte propose, pour remédier aux problèmes de management de l'hôpital, une nouvelle gouvernance. Pour des pouvoirs plus équilibrés, il faut non seulement, comme l'a proposé notre rapporteur, insister sur les attributions de la CME auprès des directeurs, mais aussi préserver l'identité et l'autonomie des services spécialisés au sein desquels s'affirment naturellement la responsabilité et l'autorité du chef de service, secondé par un cadre infirmier.
Je regrette que la question des CHU ait été exclue de ce texte au prétexte qu'il fallait attendre les conclusions de la mission Marescaux, qui sont déjà connues de tous.
Mme Dominique Voynet. - C'est vrai !
M. Dominique Leclerc. - Les CHU sont avant tout des hôpitaux. Par leur rayonnement, ils structurent les territoires de santé sans oublier leur rôle dans la formation pratique de tous les médecins. Parce qu'ils sont systématiquement associés à une faculté de médecine, le rôle des doyens des facultés devrait être mieux reconnu dans leur direction.
Rapporteur de la branche vieillesse, je veux, madame la ministre, appeler votre attention sur la retraite des médecins exerçant en CHU, qui ne porte que sur la partie universitaire de leur rémunération, ce qui ne contribue pas à la revalorisation de la carrière publique hospitalière. Nous en reparlerons lors de la prochaine loi de financement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Tout à fait !
M. Dominique Leclerc. - Mieux coordonner avec les ARS médecine de ville et hôpital public, c'est organiser la complémentarité public-privé, et non entretenir une rivalité préjudiciable à tous. Dans tous les établissements de santé, le rôle de la CME doit être préservé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Évidemment !
M. Dominique Leclerc. - Confier des missions de service public à des établissements privés est souhaitable à condition que les exigences soient raisonnables...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Tout à fait !
M. Dominique Leclerc. - ...c'est-à-dire compatibles avec les règles conventionnelles applicables aux praticiens. Or, madame la ministre, la nomenclature des actes médicaux arrêtée par la sécurité sociale ne reflète plus depuis longtemps la technicité des actes chirurgicaux (MM. Guy Fischer et Paul Blanc approuvent) et les responsabilités assumées par les chirurgiens. Ainsi, une hernie discale est seulement cotée 300 euros brut ! Pointer du doigt un corps professionnel honorable, responsable et compétent ne rendra pas service à nos concitoyens.
M. Paul Blanc. - Très bien !
M. Dominique Leclerc. - A nous aussi d'agir avec « tact et mesure » en rémunérant et en remboursant correctement les actes dans le cadre conventionnel afin de garantir l'accès de tous à des soins de qualité ! Si nous voulons conserver une chirurgie de qualité, nous ne pouvons compter sur le seul secteur optionnel, avec ses ratios et ses quotas.
N'en déplaise aux euro-technocrates de la Commission, l'article 152 du traité communautaire garantit le principe de subsidiarité dans l'organisation des services de santé. La financiarisation de la santé, et plus particulièrement de la biologie, emporterait d'importantes conséquences sur notre politique de santé en précipitant la disparition de certaines professions libérales des zones rurales, moins attractives. De plus, que deviendrait l'indépendance et l'éthique du professionnel de santé face au pouvoir capitalistique et à ses exigences de rentabilité à court terme ? Je me réjouis donc que le septième alinéa de l'article 20 qui faisait référence à la biologie médicale ait été retiré.
Enfin, s'il est légitime que les retraites soient essentiellement financées par les cotisations salariales et patronales sur le travail des actifs, il n'en va pas de même de la prestation maladie qui profite à tous les concitoyens, quelle que soit leur situation au regard du travail. Au reste, ces cotisations ne représentent plus que 40 % des prestations distribuées, contre leur totalité lors de la création de la sécurité sociale. Un financement par l'impôt, type CSG, diminuerait significativement le coût du travail et améliorerait le pouvoir d'achat des Français tout en renforçant le pilotage de l'offre de soins et de la gestion des risques, sous l'autorité des ARS.
Pour conclure, nous apprécions, madame la ministre, votre effort pour parvenir, avec ce texte, à une cohérence globale de notre système de santé ! (Applaudissements à droite)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Merci !
M. Yves Daudigny. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Madame la ministre, la procédure d'urgence serait justifiée si ce projet de loi l'était également. Or l'urgence n'est pas aujourd'hui de réformer, pour ne pas dire chambarder, le service public de santé français, pour la sixième fois en dix ans mais de pourvoir à son financement. Vous avez annoncé par courrier au président de la Fédération hospitalière de France le report de la convergence tarifaire public-privé, à 2018. Le renoncement est raisonnable, mais tardif, de même qu'il vous a fallu attendre les débats sur la dernière loi de financement pour reconnaître que la prise en charge de la précarité et des polypathologies par le service public était sous-estimée. Pourtant, depuis des mois, nous plaidons avec les professionnels de santé en faveur d'un plan de résorption des déficits hospitaliers. C'est donc moins l'urgence qu'il faut lever, que votre texte qu'il faut retirer. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Nous y reviendrons en défendant la question préalable.
Pour garantir un égal accès aux soins et sauver l'hôpital, vous proposez des recettes illusoires. La réorganisation des parcours de soins n'est qu'apparente, car menée avec un tel « tact » et une telle « mesure » que l'offre ambulatoire ne s'en trouvera pas modifiée. Ceux qui n'ont plus accès aux soins et auxquels votre réforme prétend s'adresser sont paradoxalement les grands oubliés de ce texte ! Les patrons tout-puissants à la tête de l'hôpital, l'autonomie de l'agence régionale de santé, tout cela n'est qu'apparence. En réalité, l'État prend la main !
Ils seront aux ordres mais cette étatisation organise le désengagement de l'État du service public hospitalier, abandonné aux appétits du privé. Les valeurs de cette réforme sont claires : vous vous appuyez sur le dogme de l'optimisation des coûts par la mise en concurrence. Il faut glisser le public dans les habits du privé, et tout ce dispositif ne tend qu'au démantèlement du service public hospitalier en parcelles que vous disperserez aux vents du marché. Vous voulez 93 millions d'économie, la santé coûte trop cher ! Voilà le souci comptable qui fixe la feuille de route des ARS, dont les directeurs, révocables à merci, seront tenus par cette obligation de résultat.
Cet impératif catégorique financier a tétanisé le personnel et gelé les financements, des associations de prise en charge sanitaire et sociale de l'Aisne me l'ont confirmé. Les moyens au service de votre évangile concurrentiel sont connus : déprofessionnalisation et contractualisation. Vous recruterez des dirigeants qui n'ont aucune expérience de la santé mais qui installeront des relations de gré à gré avec des offreurs de services de santé.
M. Guy Fischer. - Eh oui !
M. Yves Daudigny. - La guerre, disait Clémenceau, est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des militaires ; la santé est-elle trop sérieuse ou trop coûteuse pour être confiée aux médecins ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est honteux et absurde !
M. Yves Daudigny. - Il est vrai que le Président de la République est obsédé par l'image du patron tout puissant. Les soignants, grâce auxquels l'hôpital vit ou survit, seront donc écartés au profit de gestionnaires. C'est ainsi que l'ont compris les professionnels de santé.
Le texte de la commission redonne un peu de place aux médecins et les élus locaux réapparaissent au sein des conseils de surveillance. Vous nous annonciez le 8 février que vous seriez favorable à l'institution de deux vice-présidents pour la recherche et l'enseignement au sein de la commission médicale d'établissement, et les conclusions de la commission Marescaux vont dans le même sens. Ces maigres avancées ne suffiront pas à établir une gouvernance équilibrée ni cette démocratie sanitaire que vous vantez. Entre mandarin et PDG, il y a pourtant une marge !
Des questions demeurent sur les communautés hospitalières de territoire, les groupements de coopération sanitaire et les reconversions, voire les disparitions, mais je veux rappeler que l'usager, malade ou en perte d'autonomie ne sera jamais rentable ; il n'a pas sa place dans votre schéma. L'éthique du personnel soignant, en outre, est en absolue contradiction avec votre grille d'évaluation des performances. La maladie, la perte d'autonomie constituent des ruptures qui dérèglent l'ordre établi des existences...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous pensez être le seul à le savoir ? Quelle arrogance !
M. Yves Daudigny. - Cela conduit à penser autrement la politique !
Le principe même d'un pilotage régional n'est pas en cause -l'idée est même ancienne. Cependant, le consensus s'arrête là car les agences subissent les conséquences de l'approche comptable qui met la régionalisation au service d'une recentralisation destinée à maîtriser les dépenses de santé. Échelons intermédiaires entre l'hôpital et le conseil des ministres qui nommera leurs directeurs, elles verront, l'enjeu est d'importance, leurs pouvoirs précisés par notre assemblée.
Hors l'obligation de résultat que j'ai dite, une grande liberté est laissée à leurs directeurs, tout autre acteur étant réduit au rôle de figurant. Et que seront, madame la ministre, au sein d'un conseil de surveillance qui ne surveillera rien, ces membres disposant de plusieurs voix ?
M. François Autain. - Effarant !
M. Yves Daudigny. - Quant aux compétences des agences, pourvu qu'elles ne meurent pas d'indigestion ! Il faudra préciser l'articulation avec l'assurance maladie ainsi qu'avec les départements. Le pilotage sera-t-il conjoint ou en association -les termes ne sont pas équivalents. Nous vous proposerons une clarification qui confirme le rôle de chef de file des départements car, même si d'aucuns sont parvenus à jeter un doute sur leur avenir, ils ont fait leurs preuves.
L'Assemblée nationale a eu raison d'introduire la fongibilité asymétrique dynamique, mais comment reconnaître la spécificité du médico-social, et faut-il prendre le risque que le sanitaire ne supplante le médico-social ?
Le droit à la santé me tient particulièrement à coeur. Le cumul des franchises, des dépassements d'honoraires et des déremboursements le remet en cause, surtout en cas de perte du travail. L'accès aux soins ne devrait pas être l'un des objectifs du texte mais le seul, le reste n'étant que moyens. Le 8 février, vous affirmiez votre volonté de combattre les discriminations, mais avec quels moyens ?
M. François Autain. - Rien !
M. Yves Daudigny. - L'Assemblée nationale et la commission ont inclus dans les schémas régionaux d'organisation des soins l'accessibilité et la recherche de tarifs sécurité sociale ainsi que, sur notre proposition, les temps de parcours. Mais rien d'opposable et disparaît même la possibilité d'imposer aux cliniques en situation de monopole une proportion d'actes sans dépassement ! Or l'inégalité est d'abord financière et, quand 32 % de nos concitoyens retardent leurs rendez-vous et que 17 % les excluent, l'affichage des tarifs dans les salles d'attente apparaît bien dérisoire.
L'agence régionale reste dénuée d'outils de régulation sur la médecine de ville alors que les incitations ont prouvé leur inefficacité. Les moyens de l'accès aux soins sont refusés. Le testing refusé, la charge de la preuve incombe au patient, de sorte que les fautifs resteront à l'abri des plaintes. Reconnaître un droit n'est rien sans les moyens d'y accéder. Prétendre lutter contre les discriminations c'est s'en donner la capacité.
Il y avait trois raisons de remettre l'ouvrage sur le métier. La première tient aux amendements sur les CHU, qui ne témoignent guère de considération pour le Parlement. La seconde tient au saucissonnage en réformes successives alors que l'intitulé du texte appelait une loi d'orientation. La troisième réside dans la nouvelle procédure législative, dont votre texte a fait les frais -vous vous en êtes plainte. Mais le fond d'un projet, dont la logique n'a pas été inversée, n'est pas négociable. Vous faites volontiers état de la concertation, vous arguez d'une volonté de renforcer le rôle du service public et vous vantez la démocratie, l'égalité et la solidarité. Précisément, laisserons-nous disparaître les principes de solidarité que l'État abandonne sous nos yeux, accepterons-nous d'être les fossoyeurs du service public hospitalier, l'un des meilleurs au monde, mais qui ne rapporte pas d'argent ? Un système de santé livre une image de la solidarité d'une société, mais celle de votre projet n'est pas la nôtre. (Applaudissements à gauche)
M. Gérard Dériot. - Forcément très attendu, un tel projet suscite beaucoup d'espoirs et quelques craintes. La santé est en effet l'une des premières préoccupations de nos concitoyens, très attachés au système à la française, que nous envient bien des étrangers. Réformer le système de santé réclame du courage, car c'est se retrouver au coeur d'une contradiction majeure.
Contradiction entre l'idée, partagée par nos concitoyens, que la santé n'a pas de prix et la responsabilité d'assumer son coût. Or, la population vieillit. La progression des dépenses de l'assurance maladie pour les hôpitaux et les cliniques -qui a doublé depuis 1998- comme celle des moyens consacrés aux plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 montre que la collectivité ne ménage pas ses efforts budgétaires. Mais on ne peut se permettre le « toujours plus de moyens ». Nous devons ce courage à nos enfants. « Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants » disait Saint-Exupéry. Aggraver la charge de la dette en confiant à la Cades la charge de son remboursement, c'est leur léguer un bien lourd héritage. Nous ne pouvons poursuivre dans une attitude empreinte de tant de désinvolture. Voilà qui nous interpelle sur les modes de financement -c'est le rôle du projet de loi de financement de la sécurité sociale- et sur l'efficience du système -d'où ce projet.
Ce courage, nous le devons à nos concitoyens. Le courage de dire que les crédits supplémentaires, les réformes et les plans n'ont pas permis de garantir l'égal accès aux soins et un accueil qui réponde à leurs attentes. Sur le terrain, on peine à trouver des médecins ; certains territoires menacent de devenir des déserts médicaux.
Ce courage, nous le devons aux personnels de santé, prodigues de leur peine, dévoués, compétents. Aucune évolution ne sera possible sans leur adhésion.
Vous avez, madame la ministre, ce courage, en présentant ce projet ambitieux, volontaire, cohérent, qui réorganise la prise en charge des malades pour plus d'efficacité. Décloisonner, développer les coopérations entre médecins de ville et médecins hospitaliers, service public et privé est indispensable. Sans oublier la place donnée à la prévention, trop longtemps restée le parent pauvre du système.
Votre texte a évolué à l'Assemblée nationale. Notre commission des affaires sociales l'a également beaucoup amendé. La nouvelle procédure d'examen mise en place par la révision constitutionnelle nous a valu quelques désagréments dont il faut espérer que l'on saura y remédier dans le futur, pour assurer plus de sérénité à nos travaux. (M. Nicolas About, président de la commission, approuve) Reste l'intérêt indéniable de l'examen, en séance publique, du texte résultant des travaux de la commission. Je salue le travail de notre rapporteur, M. Milon, son investissement, l'écoute du terrain dont il a su faire preuve, son souci de rapprocher les points de vue pour enrichir le texte et parvenir à une rédaction équilibrée. Je remercie le président de la commission qui a su organiser au mieux nos travaux, et l'ensemble de nos collaborateurs.
Je m'attarderai sur cinq points qui me tiennent particulièrement à coeur. La gouvernance, tout d'abord, chère aux rapports Larcher et Couanau. Pour dynamiser son fonctionnement, le texte renforce les pouvoirs du conseil d'administration ; il renforce les pouvoirs du directeur, en tandem avec la commission médicale d'établissement. La relation entre le directeur et le président de la CME est clarifiée dans la nouvelle version du texte. Il est en effet essentiel, pour assurer une saine gestion, que le directeur s'associe les compétences des praticiens. Je rejoins Mme la ministre quand elle souligne que les pouvoirs confiés au directeur sont à la mesure des responsabilités qui lui sont confiées. Que faudrait-il penser d'un directeur qui serait incapable d'établir de bonnes relations avec le président de la CME ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il sera jugé là-dessus !
M. Gérard Dériot. - Le pouvoir du conseil de surveillance est renforcé, en même temps que ses moyens de contrôle. Les personnalités qualifiées en son sein seront désignées par les exécutifs des collectivités locales et le représentant de l'État. Je regrette, cependant, la disparition de la présidence de droit du maire au conseil d'administration (Mme Nathalie Goulet et M. Guy Fischer approuvent) L'hôpital est souvent le premier employeur de la ville ou de l'agglomération sur laquelle il est implanté, c'est un enjeu majeur pour les élus. (Mme Nathalie Goulet approuve derechef) Beaucoup, y compris dans votre ministère, regrettent le rôle du maire au conseil d'administration, irremplaçable pour apaiser les tensions (Marques d'approbation sur plusieurs bancs socialistes. M. Jean-Pierre Godefroy applaudit)
Je me réjouis des modifications apportées par la commission qui, conformément aux préconisations du rapport Larcher, confirme la nature conventionnelle des communautés hospitalières de territoire, au nom du principe de volontariat.
Seconde avancée, la création des agences régionales de santé. Le pilotage trop fragmenté et mal coordonné de notre organisation sanitaire constituait une faiblesse manifeste. L'objectif consistant à décloisonner au niveau régional les compétences relevant des différents aspects de la politique de santé et à déconcentrer le pilotage au niveau des régions et des territoires, nous semble donc louable. Les agences régionales de santé, tout en restant échelon déconcentré obéissant à une politique nationale, devraient permettre d'additionner les forces et d'ouvrir à une véritable démocratie sanitaire associant l'État, les professionnels de santé, les représentants des associations et des usagers ainsi que les collectivités territoriales, qui se sont déjà largement investies, bien souvent pour pallier des insuffisances...
Ce texte vise aussi à offrir à tous les Français, sur tout le territoire, un égal accès aux soins. Il s'agit là d'une réelle préoccupation, à l'heure où nombre de territoires voient les praticiens partir en retraite sans être remplacés.
Avec mes collègues conseillers généraux de l'Allier, nous avons été parmi les tout premiers à proposer des bourses d'études pour des étudiants en médecine qui s'engagent à s'installer dans les zones déficitaires. Après une campagne de promotion musclée, cette initiative commence à porter ses fruits. Je me réjouis donc de voir notre exemple suivi au niveau national, avec l'instauration du contrat d'engagement de service public pour les étudiants en médecine, créé à l'article 15 bis du projet. Avec d'autres mesures, comme le développement de maisons de santé pluridisciplinaires, cette allocation mensuelle ne peut que renforcer l'attractivité du métier de médecin généraliste. Je suis également convaincu comme vous, madame la ministre, que les mesures coercitives ne feraient que détourner un peu plus les médecins de cette spécialité.
La lutte contre l'obésité, je puis le dire comme coauteur du rapport de l'OPECST, aura mieux sa place dans un projet de loi à venir relatif à la santé publique.
Dernier sujet, enfin, qui me tient à coeur, la biologie médicale, que j'ai pratiquée pendant 25 ans. L'article 20 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à cette réforme d'ensemble, complexe et technique, préparée grâce à de larges consultations et après un processus d'expertise de grande qualité, notamment le rapport Ballereau. Afin de lever toute ambiguïté, vous avez, madame la ministre, remis le projet d'ordonnance à notre commission. Il correspond parfaitement à nos attentes puisqu'il permettra de répondre aux progrès techniques du secteur et rejette l'ouverture du capital des laboratoires à des organismes financiers. Il a donc tout notre soutien.
C'est bien aujourd'hui le courage de ce projet que nous soutenons, mais aussi le courage et l'intelligence qui ont été les vôtres d'accepter des améliorations, pour garantir à nos concitoyens qu'ils bénéficieront toujours du meilleur système de santé au monde, avec une meilleure permanence des soins, moins d'attente aux urgences, une meilleure prise en charge thérapeutique des malades et davantage de prévention. (Applaudissements à droite)
M. Jean Desessard. - Ce fut une première. Nous avons expérimenté pour la première fois la réforme du fonctionnement du Parlement. Il est désormais permis au ministre de participer à nos débats en commission. (Mouvements divers) Durant quatre jours, nous lui avons donc installé une petite table dans notre petite salle. (Rires sur les bancs de la gauche) Elle a donné son avis quand elle le jugeait bon : il paraît que cela renforce le Parlement. (Nouveaux rires) Cela n'a pas changé grand-chose pour l'opposition, les réponses du rapporteur à nos questions étant restées toujours aussi rares. Mais il est vrai que les débats ne sont pas publics. A quoi bon parler dans le vide... Et puis vous êtes là, madame la ministre. Soit on est impoli parce que l'on engage avec vous la controverse, soit il faut accepter votre empire.
Et puisque l'on réforme, autant nous en donner les moyens. Le Président nous dit que nous avions l'article premier le vendredi à 10 h 45, l'article 2 trois heures plus tard...
Et ainsi de suite, le lundi et le mardi ! Comme si c'était des résultats sportifs ! (Rires et applaudissements sur les bancs socialistes) Si vous n'êtes pas prêts, attendez donc ! Y avait-il urgence ?
Mme Dominique Voynet. - Non !
M. Jean Desessard. - Alors pourquoi cette impatience ? Pour la comprendre il faut replacer cette loi dans un contexte plus général. Qui est le patron ?
Mme Dominique Voynet. - Sarkozy !
M. Jean Desessard. - Et quelles sont ses trois obsessions? Un : faire sauter tous les blocages, tous les acquis sociaux, casser les résistances. Deux : contrôler, et contrôler tout. Trois : récompenser les plus riches, vite et dans tous les domaines. (Protestations à droite) Donc, vous nous proposez une nouvelle réforme uniquement pour répondre à la frénésie réformatrice du Président de la République qui souhaite placer tous les services publics sous les ordres de patrons à son service : après l'audiovisuel, la justice et les universités, c'est maintenant le tour de la santé ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Votre réforme ne vise qu'un objectif : diminuer les dépenses pour rentabiliser l'hôpital public sans tenir compte des attentes ni des besoins de la population.
Vous êtes en train de vous dire que je rabâche. (On le confirme à droite) A la télévision, il ne se passe pas un soir sans qu'on voie des salariés à 1 500 euros par mois, licenciés avec six mois de salaire tandis que leurs patrons s'offrent des parachutes dorés à plusieurs dizaines de millions.
M. Nicolas About, président de la commission. - Quel rapport avec ce projet de loi ?
M. Jean Desessard. - Ce n'est pas moi qui rabâche, c'est votre système qui rabâche !
Oui, l'hôpital est en crise, mais cette crise est d'abord d'ordre financier. Il faut des moyens pour l'hôpital. La colère des professionnels hospitaliers, médecins, internes, infirmières et aides-soignants, qui se mobiliseront de nouveau jeudi prochain, exprime un désaveu aussi bien sur la méthode, sur l'absence de concertation, que sur le fond. Le rapporteur nous dit : « J'en ai rencontré deux cents à Paris ». Mais la concertation, ce n'est pas l'audition ! Sinon la démocratie, c'est « cause toujours... ». Vous écoutez mais vous appliquez les décisions de Sarkozy.
M. Nicolas About, président de la commission. - Nous avons travaillé en toute indépendance !
M. Jean Desessard. - Les hospitaliers veulent être reconnus et continuer à travailler dans le public, même s'ils voient que, dans le privé, leurs collègues gagnent quatre fois plus qu'eux...
M. Nicolas About, président de la commission - Faux !
M. Jean Desessard. - Ils veulent rester dans le public mais ils refusent qu'on leur impose un directeur-superintendant chargé de rationaliser les dépenses, au besoin en supprimant des emplois et en diminuant l'offre de soins. L'origine de la crise se trouve dans la généralisation de la tarification à l'activité, imposée sans tenir compte de la complexité de la prise en charge des patients à l'hôpital. A la fin de 2008, l'ensemble des établissements de santé publics cumulaient un déficit avoisinant un milliard...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Faux !
M. Jean Desessard. - ...et 90 % des CHU étaient dans le rouge. Dans le même temps, la Générale de santé, qui réalise plus de 16 % des hospitalisations privées en France, dégageait un résultat net de 87 millions, en hausse de 91 % par rapport à 2007.
M. Nicolas About, président de la commission. - Et la Mutualité ?
M. Jean Desessard. - Les esprits simplistes diront : appliquons donc au public les méthodes du privé ! C'est oublier que les cliniques et les hôpitaux ne font pas le même travail. Les cliniques se sont spécialisées dans des actes répétitifs, programmables à l'avance, et surtout bien remboursés par l'assurance maladie. Ainsi, en Ile-de-France, l'AP-HP réalise plus de 700 types d'actes chirurgicaux, alors que l'ensemble des cliniques de la région en réalisent dix fois moins.
Autre exemple : 84 % des ablations des amygdales sont faites dans le privé : ce sont des actes rentables. En revanche, la quasi-totalité des malades du sida sont soignés dans le public parce que leurs soins coûtent très cher.
Selon la Fédération hospitalière de France, le nombre d'accouchements par césarienne a presque doublé en vingt ans, atteignant près de 20 % lorsque l'OMS estime que le taux devrait se situer entre 5 % et 15 %. Cette augmentation a surtout été constatée dans les cliniques privées ; c'est une dérive inquiétante qui relève moins de raisons médicales que de la rentabilité économique puisque les césariennes sont plus faciles à programmer et permettent de limiter les gardes de nuit et de week-end dans ces maternités.
M. François Autain. - Exact !
M. Jean Desessard. - Vous organisez l'ouverture du public au privé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il n'y a pas d'ouverture au privé !
M. Jean Desessard. - En général, la droite privatise ce qui va bien, le péage des autoroutes par exemple. Avec l'hôpital qui ne va pas bien, ce n'est pas le cas. Alors, on fait entrer le privé dans le public doucement, il choisit ce qui y est rentable et lui laisse le reste.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - N'importe quoi !
M. Jean Desessard. - Madame la ministre, votre projet aurait pu être un projet mobilisateur -je ne parle pas de la mobilisation des manifestants jeudi prochain, bien sûr- parce les agences régionales de santé sont une belle idée. Les Verts ont toujours été favorables à la transformation des agences régionales de l'hospitalisation en agences régionales de santé, pour mettre fin au cloisonnement entre hôpital et médecine de ville, entre service public et exercice libéral, entre médical et médico-social, pour tenir compte de l'ensemble des paramètres sociaux et environnementaux. Ces agences auraient pu être de véritables instances de démocratie sanitaire, associant les professionnels de santé, les élus locaux, les usagers et l'assurance maladie. Elles auraient ainsi pu constituer le socle d'une grande réforme du système de santé, en passant d'une logique de soins à une logique de santé, et en rapprochant les lieux de décision des acteurs de terrain. Elles pourraient être le lien indispensable entre des objectifs nationaux -exprimés par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale- et leur traduction concrète sur les territoires.
Mais la mise en place des ARS telle qu'elle est prévue dans cette loi, avec à leur tête des superpréfets de la santé directement aux ordres du gouvernement et de qui vous savez (rires à gauche) représente une véritable régression après trois décennies de décentralisation. Cette réforme conduit à une étatisation technocratique, dont le seul but est de réformer la carte hospitalière pour réduire les dépenses, et démanteler le service public au profit du secteur privé.
Madame la ministre, cette réforme est une occasion manquée de faire entrer notre système de santé dans le XXIe siècle, et de mettre en place un véritable plan de relance pour la santé. Vous allez sûrement me répondre que c'est irréaliste. Pourtant c'est ce que Barack Obama est en train de faire aux États-Unis. Sur les 727 milliards de dollars de son plan de relance, 150 sont consacrés à la santé. Au lieu de cela, vous mettez à la tête des hôpitaux des directeurs-superintendants chargés d'appliquer votre politique de rigueur budgétaire. Vous confiez des missions de service public aux cliniques privées qui continueront de s'enrichir sans avoir les mêmes contraintes que les hôpitaux en matière de gardes ou de dépassements d'honoraires.
Votre politique ne prend pas non plus en compte les nouveaux risques liés à l'évolution des modes de vie et de consommation, à la multiplication des pollutions et il ne prend pas la mesure des besoins nouveaux d'accompagnement liés au vieillissement de la population.
Les sénatrices et les sénateurs Verts ne se reconnaissent pas dans cette réforme qui, comme les précédentes, semble vouée à un échec certain, puisqu'elle se borne à une analyse comptable à court terme de la santé. (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Les sénateurs Verts voient tout en noir...
M. André Lardeux. - D'abord je tiens à féliciter le président de la commission et le rapporteur pour le travail accompli dans des conditions difficiles dues aux arcanes d'une nouvelle procédure inappropriée et mal maîtrisée.
Ce texte, rendu touffu et complexe par de nombreux ajouts parlementaires, comporte cependant trois éléments essentiels qui doivent conduire à l'adopter. Le premier est la modernisation de la gestion des établissements de santé. La conduite des missions de service public ne doit plus être liée au statut juridique des établissements mais aux besoins de la population. Le renforcement des prérogatives du chef d'établissement est bienvenu. Il faut un pilote qui ne soit pas un autocrate refusant la concertation, qui soit de qualité et dont le statut ne permette pas qu'il se cache derrière des règles pour rendre impossible son évaluation, laquelle doit être suivie soit de valorisation, soit de sanction. La durée de son mandat devra être suffisante mais pas trop longue pour éviter qu'il ne s'encroûte ou devienne complice d'enjeux locaux parfois incompatibles avec les orientations nationales comme avec l'intérêt général. Pour qu'il entretienne des relations de confiance avec le corps médical, il serait bon de clarifier le sens des mots et d'éviter la confusion sciemment entretenue au sujet du projet médical...
Le projet de communauté hospitalière de territoire est intéressant de même que le développement de la coopération public-privé. La séparation entre conseil de surveillance et directoire est opportune et il n'est pas choquant que le président de ce conseil ne soit pas systématiquement le maire. On met trop souvent en avant des arguments humainement compréhensibles mais pas toujours compatibles avec la qualité du service, l'intérêt des patients ou les moyens du contribuable ou du cotisant. Ce président ne doit pas non plus être le porte-parole du directeur de l'ARS dont on se demande s'il doit être le seul à nommer toutes les personnalités qualifiées du conseil de surveillance : il serait raisonnable que l'État en nomme plus de la moitié.
La création des ARS est une bonne chose, tant on a du mal à savoir qui fait quoi, entre les ARH, les Drass, les DDASS, les Urcam, les Cram, les CPAM, la MSA, les MRS, les instances ordinales et, même, les collectivités locales.
Il est bon que l'ensemble du système de santé soit désormais supervisé par un organisme unique. L'adjonction du terme « autonomie » me paraît en revanche malencontreuse.
Les directeurs des ARS devront être doués des qualités des plus grands serviteurs de l'État : ils devront savoir coopérer avec les autorités sans être prisonniers des contingences de la politique locale. Leur mandat ne devra être ni trop bref, ni trop long.
Il est nécessaire d'associer les professionnels de santé au fonctionnement des ARS et de ne pas en faire des opposants : rien ne peut se faire sans leur adhésion. Or au cours des rencontres que j'ai faites, j'ai pu constater que certains mettaient en doute la parole et la signature de l'État.
Il faut éviter que les ARS deviennent de trop lourdes machines enrayées par la prolifération des règles et de la paperasse. Plutôt que de rassembler toutes les structures existantes, il convient donc de réformer d'ores et déjà certains services.
En ce qui concerne la démographie médicale et l'installation des médecins, je considère que l'accord conclu avec les représentants des infirmiers pourrait servir de modèle. Souhaitons que le dispositif prévu fonctionne, faut de quoi il faudra recourir la prochaine fois à la coercition.
Il est judicieux de prévoir la révision annuelle du numerus clausus en fin de première année d'études, car il faut être très réactif : le nombre de postes doit être augmenté sensiblement dans les zones sous-médicalisées et réduit drastiquement dans les zones excédentaires. Je compte sur le ministère pour ne pas céder aux fortes pressions auxquelles il sera exposé.
M. Nicolas About, président de la commission. - L'arrivée des médecins étrangers rendra ce dispositif inopérant puisqu'ils seront libres de s'installer où ils voudront. Seuls les étudiants français seront pénalisés.
M. André Lardeux. - Les mesures relatives à l'internat vont également dans le bon sens, puisqu'elles prennent en compte les besoins des patients plutôt que ceux de la formation universitaire.
Les dispositions les plus médiatisées parmi celles que les députés ont introduites, comme celles qui concernent l'alcool, me paraissent également équilibrées.
Je ferai pourtant entendre quelques bémols. Je regrette que ce texte soit devenu aussi touffu, même si le Gouvernement n'en est pas responsable : cela nuit à sa lisibilité.
En ce qui concerne les articles L. 6161-4 et L. 6161-4-1 du code de la santé publique relatifs aux contrats des médecins dans le cadre de l'hospitalisation privée, il me semblait préférable de s'en remettre à la voie conventionnelle plutôt qu'à la loi. Dans le cadre des établissements gérés par des associations, les inconvénients sont limités, mais il n'en va pas de même dans les établissements à but lucratif : cela donnerait tout pouvoir aux représentants des intérêts financiers. Comment le justifier ? Je ne pense pas que notre politique ait pour but de favoriser des entreprises à but lucratif dont les intérêts ne concordent pas toujours avec les impératifs de santé publique. Les médecins qui s'inquiètent ne sont pas ceux qui ont livré les établissements aux financiers. Les modifications apportées par la commission vont dans le bon sens.
S'agissant de l'article 18, je partage le point de vue de M. le rapporteur, et la rédaction à laquelle la commission est parvenue me semble bien plus raisonnable. Je ne suis pas favorable au testing, car ceux qui s'y livrent ne sont pas toujours de bonne foi ; en outre il ne me paraît pas très civique d'encourager quelqu'un à commettre un délit. (Approbations à droite)
En ce qui concerne la CMU, je désapprouve bien sûr les médecins qui refusent de soigner les patients bénéficiaires, mais il faut savoir que certains malades ne présentent pas leur attestation ou en présentent une qui n'est plus valable : dans ce cas, le professionnel en est pour ses frais. Les dentistes pourraient différencier leurs tarifs si le niveau de rémunération de certains actes, qui n'a pas été revu depuis vingt ans, était enfin rehaussé.
En ce qui concerne l'article 22 ter, ajouté par l'Assemblée nationale, vous connaissez mon opposition de principe à la prise en charge de la pilule abortive. Dans ce cas précis, je ne vois pas pourquoi les étudiants bénéficieraient d'un traitement préférentiel par rapport aux autres jeunes majeurs.
Cette réforme va dans le bon sens, mais elle n'est qu'une étape. De grands défis nous attendent, et je ne suis pas sûr que les cadres institutionnels actuels nous permettent de les relever. Sans doute les CHU peuvent-ils garder un statut public avec une certaine autonomie, mais il me paraît souhaitable que le rapprochement des autres structures aboutisse à la création de nouvelles entités juridiques, qui pourraient s'apparenter aux fondations hollandaises.
En ce qui concerne le financement, ce texte introduira peut-être plus de rationalité et de rigueur, mais il ne résout pas la question des coûts et des ressources. Lorsque la crise sera finie, nous aurons le choix entre réduire les prestations pour les limiter aux plus coûteuses et augmenter les cotisations, ce qui serait injuste pour les jeunes générations et les familles nombreuses. Il est malhonnête de faire croire que l'on rasera gratis. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Il me sera difficile de ne pas reprendre les arguments de mes collègues, mais je fais le pari des vertus pédagogiques de la répétition.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Si c'est pour répéter les mêmes bêtises que vos amis...
M. Jean-Jacques Mirassou. - Nous sommes nombreux à partager avec les membres de la communauté hospitalière un diagnostic sévère sur ce projet de loi : ce texte n'est pas bon. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Au nom de considérations économiques, il met en cause la pérennité et la qualité et de l'hôpital public.
Tout le monde s'accorde à dire que la réforme hospitalière est une nécessité du fait de l'évolution des techniques de soins, des nouveaux modes de prise en charge des patients et des exigences de sécurité. Mais la mission de l'hôpital est de garantir à tous un égal accès aux soins et la polyvalence de l'offre. Il ne peut donc être envisagé selon une logique exagérément comptable. Les effets pervers d'une telle logique se sont déjà fait sentir à l'occasion de la mise en place de la tarification à l'activité.
Mais c'est la même approche qui prévaut ici, ce qui suffit à démentir vos bonnes intentions affichées. Ce n'est pas un hasard si le mot « hôpital » n'apparaît presque jamais dans ce texte...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il figure dans le titre !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Ce mot n'appartient plus à votre vocabulaire médical.
M. François Autain. - Il a raison !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous me faites un mauvais procès !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Les débats de ces prochains jours vont révéler le clivage qui sépare la droite de la gauche sur ce grand sujet de société comme sur tant d'autres.
Nous pensons que la politique de santé est l'affaire de tous. Mais vous avez choisi le passage en force pour faire basculer la santé dans le secteur marchand. Tout au contraire, nous nous inscrivons dans une démarche citoyenne visant à faire de la démocratie sanitaire une réalité.
En cinquante ans, notre système de soins est devenu l'un des meilleurs au monde ; l'hôpital public en est incontestablement la figure de proue. Aujourd'hui l'évolution socio-économique, l'allongement de la durée de la vie et le coût des nouvelles techniques de soin plaident en faveur d'une réforme. Faut-il pour autant faire passer la quantité avant la qualité ? Les mots que l'on emploie ne sont jamais neutres. Ceux de votre projet de loi démontrent votre volonté de créer l'hôpital-entreprise. (Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, se récrie) L'ancien conseil d'administration est ainsi remplacé par un conseil de surveillance que le dictionnaire définit comme « un organe permanent de société anonyme composé d'actionnaires ».
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il y a aussi des conseils d'administration dans les entreprises !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Le conseil exécutif est quant à lui remplacé par un directoire. Vous comprendrez notre malaise face à l'irruption au sein de l'hôpital de deux structures jusqu'ici réservées aux secteurs bancaire et industriel ! (Applaudissements sur les bancs socialistes) On entend d'ailleurs de plus en plus souvent dans les couloirs des hôpitaux parler de « gain » et de « productivité »...
Le projet de loi initial limitait considérablement le rôle des élus locaux dans l'administration des hôpitaux.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Jamais ils n'ont été aussi nombreux !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Malgré quelques amendements, votre détermination est intacte : elle répond aux ambitions, j'allais dire aux pulsions réformatrices du Président de la République chez qui les élus locaux ne sont manifestement pas en odeur de sainteté... Pourtant l'implication des élus locaux dans les décisions concernant la vie quotidienne à l'hôpital garantit l'adaptation de celles-ci à la réalité des territoires qu'ils connaissent parfaitement. Les élus servent d'interface entre les gestionnaires et les usagers.
Vous avez évoqué, madame la ministre, l'esprit du CNR qui a présidé à la création de la sécurité sociale.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - J'en sais quelque chose : mes deux parents étaient résistants !
M. Jean-Jacques Mirassou. - En ces temps difficiles, les plus fragiles d'entre nous doivent pouvoir s'appuyer sur des services publics forts, qui leur garantissent la jouissance de leurs droits fondamentaux comme le droit à la santé. Les mythes du volontarisme et de l'activisme acharné révèlent leur inanité lorsque la société génère des laissés pour compte. Votre projet de loi met en cause la pérennité du service public, et nous le combattrons avec détermination. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Etienne. - La réforme hospitalière est dans l'air depuis fort longtemps. Aujourd'hui, elle devient avec vous, madame la ministre, une réalité. Il faut en effet refonder le coeur même du dispositif hospitalier. Longtemps, l'édifice institutionnel a assuré les régulations principales du fonctionnement hospitalier : le médecin et les soignants y occupaient un rôle premier, l'administration suivait. Depuis des années, un processus de déconstruction est en cours du fait que le médecin n'est plus vécu comme le pilier central de l'institution.
M. François Autain. - Vécu par qui ?
M. Jean-Claude Etienne. - Par tout le monde, et pas qu'un peu ! (Sourires)
De leur côté, les administrations n'acceptent plus qu'on occulte la dimension économique du fonctionnement hospitalier, et c'est bien normal. En lieu et place du patient docile et muet, se dessine un usager parfois revendicatif, susceptible de traîner devant les tribunaux le médecin, le personnel soignant ou le directeur de l'hôpital qui, de simples justiciables, deviennent parfois des condamnés.
Dans un tel contexte, il est évident que les repères d'autrefois ne peuvent plus fonctionner. Vous cherchez naturellement, madame la ministre, à mettre en place de nouveaux équilibres. L'oeuvre est d'une extrême importance. Elle ne vous effraie pas. On m'a rapporté combien vous avez su vous montrer à l'écoute de notre commission en essuyant les plâtres de la nouvelle procédure. Sous l'impulsion du président About, avec Alain Milon en rapporteur clinicien éminent à la détermination toujours empreinte de sérénité (applaudissements sur les bancs UMP), la commission a apporté de franches améliorations au texte issu de l'Assemblée nationale. Et on compte sur vous, madame, pour défendre ce travail. La gouvernance des hôpitaux, cette subtile et singulière alchimie entre soignants et gestionnaires doit connaître un nouveau souffle.
Qu'il me soit permis, à partir de mon expérience à la tête de la conférence des présidents de CME, de dire qu'il n'y a de véritable décision prometteuse pour l'hôpital que dans une stratégie arrêtée de façon concertée entre les soignants et les gestionnaires. Les uns, responsables des propositions à faire ; les autres, responsables des dispositions à prendre. Si vous vous attardez à observer les quelques rares cas d'établissements où le budget réussit à être bouclé, vous ne serez pas sans remarquer qu'il s'agit d'hôpitaux où l'on a choisi des axes de développement en phase avec la problématique environnementale des populations concernées. En phase, aussi, avec l'offre de soins déjà existante sur le même territoire. Ici, c'est la mise en place d'un centre de sénologie, là une technique de traitement par chimiothérapie hyperthermique intrapéritoniale, là encore, c'est un centre d'accueil pour des jeunes en déshérence. A ce sujet, nous aurons un amendement à vous proposer, à l'initiative de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes.
Ajuster en permanence l'offre de soins à la typologie de la demande, cela s'appelle le projet médical d'établissement, pierre angulaire de l'établissement. Ce projet ne peut être construit que dans une parfaite congruence entre les préoccupations des soignants et des gestionnaires. De ce point de vue, les modalités de réalisation du projet médical d'établissement, de même qu'une liste d'aptitude des médecins arrêtée par leurs pairs dans l'établissement sont les mesures qui définissent au mieux ces nécessaires équilibres opérationnels.
Les textes en l'état font peu de cas de la singularité hospitalo-universitaire. Et c'est sur ce point que je voudrais me permettre d'insister. C'est sur eux, sur les CHU, que repose la notoriété internationale de la médecine française.
M. François Autain. - Eh oui !
M. Jean-Claude Etienne. - L'ordonnance de décembre 1958 a fait la démonstration de sa pertinence. Notre récent prix Nobel de médecine, Françoise Barré-Sinoussi, m'a encore rappelé, il y a quelques semaines : « il faut dire à tes collègues sénateurs quand la loi arrivera que c'est la trilogie soins-enseignement-recherche qui est le moteur du progrès médical ». Alors, je vous le dis. Je remplis ma mission...
M. François Autain. - On est d'accord là-dessus.
M. Jean-Claude Etienne. - La recherche n'est pas seulement une affaire de CHU : nous avons à diffuser sur tout l'ensemble des établissements de soins, mêmes les plus modestes, la préoccupation de recherche clinique.
De ce point de vue, le rapport de Jacques Marescaux arrive à point nommé. Bravo, madame la ministre, l'orchestration est impeccable. (Rires à gauche)
Le Premier ministre, cet après-midi, à l'Assemblée nationale, s'est engagé à ce que le Gouvernement dépose au Sénat un amendement tendant à placer aux côtés du directeur un représentant de chacune des communautés que constituent dans l'hôpital les soins, l'université et la recherche.
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est fait depuis dix jours. La commission a anticipé le rapport Marescaux.
M. François Autain. - Sans l'avoir lu !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et moi, je l'avais proposé dès le 8 avril !
M. Jean-Claude Etienne. - Je me suis inscrit pour intervenir dans cette discussion générale, d'abord pour vous demander, madame la ministre, de ne pas scotomiser ces références que sont, à des titres divers, les CHU français. Voilà que vous vous apprêtez à compléter la partition. Nous y comptons bien. La commission Marescaux l'a demandé, le Président de la République l'a entendue hier, le Premier ministre s'y est engagé tout à l'heure. Nous comptons sur vous, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Patricia Schillinger. - Mon intervention portera essentiellement sur le volet prévention et santé publique. Certaines avancées ont été réalisées à l'Assemblée nationale, mais nous sommes loin d'une politique de prévention ambitieuse. La prévention, parent pauvre de la santé en France -à peine 3 % des dépenses- est réduite à quelques mesures. On s'attendait à trouver une véritable politique de prévention face aux problèmes de santé publique, mais il n'en est rien.
On assiste au développement des inégalités territoriales mais aussi sociales pour certains soins, tels que les soins bucco-dentaires, ou pour certaines catégories de population, telles que les jeunes adultes ou les personnes âgées. L'état de santé est lié aux revenus, aux modes d'alimentation, aux modes de vie, aux pratiques, à l'appartenance sociale. Les écarts se creusent même dès la petite enfance. Les politiques de santé ont peu de chances d'avoir la moindre efficacité si cette dimension n'est pas prise en compte. La prévention et le dépistage sont beaucoup moins répandus parmi les plus pauvres.
On observe pourtant dans le texte une absence totale de mesures concernant le dépistage précoce du cancer, des maladies mentales, des maladies génétiques et métaboliques. Les questions de santé publique englobent de nombreux domaines comme la santé au travail, la santé environnementale, l'éducation pour la santé. Il est important de cerner les principales questions de santé publique pour arrêter un programme global de prévention et de lutte contre les atteintes à la santé. Or ce texte ne pose à aucun moment ces questions.
L'OMS définit la santé comme « un état complet de bien-être physique, mental et social, et non seulement l'absence de maladie ou d'infirmité ». Il nous faut donc développer une réelle promotion de la santé publique, qui n'en reste pas à un morcellement des initiatives, à un émiettement des responsabilités.
Le projet de loi reconnaît l'éducation thérapeutique mais ne définit ni les programmes, ni les financements. Il conviendrait également d'intégrer cette éducation thérapeutique au cursus de formation des professionnels de santé.
La question de la santé à l'école et sur le lieu du travail n'est pas évoquée alors qu'un ouvrier a sept ans d'espérance de vie de moins qu'un cadre supérieur. Notre défi majeur est de réduire les inégalités de santé et cela passe essentiellement par le développement de la prévention et de l'éducation de la santé.
Ce texte comporte un chapitre sur la « prévention et la santé publique » mais ne dit mot des accidents de la vie courante, des allergies, de l'asthme, des cancers, du mal de dos et des céphalées. Il ne parle pas non plus des maladies professionnelles et des accidents du travail, des maladies cardiovasculaires, des maladies sexuellement transmissibles, des affections liées à la périnatalité, des affections bucco-dentaires, des problèmes de santé mentale, qui concernent pourtant un cinquième de la population et constituent la première cause d'invalidité et la deuxième cause d'arrêt de travail.
L'État, en tant que garant de la protection de la santé, doit déterminer des objectifs de santé publique. Les professionnels qui ont un rôle primordial dans le domaine de prévention doivent recevoir une formation adaptée Il est important de cerner les principales questions de santé publique pour arrêter un programme global de prévention et de lutte contre les atteintes à la santé.
Seule une véritable politique de santé publique permettra de réduire les inégalités sociales et territoriales en ce domaine. Malheureusement, elle est quasiment absente de ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Fouché. - Je ne me hasarderai pas à comparer, comme l'a fait notre collègue Desessard, notre système de santé avec celui des États-Unis, qui a 40 ans de retard. Le nôtre est un des plus efficaces du monde, mais il est confronté à différentes difficultés.
La France est aujourd'hui un des premiers pays d'Europe pour ses dépenses sociales : elle consacre 11 % de son PIB aux seules dépenses de santé. L'espérance de vie est supérieure à la moyenne des pays de l'OCDE et le taux de prise en charge par le régime général de l'assurance maladie s'élève à 77 %, soit un des plus importants des grandes démocraties.
Pourtant, l'accès à des soins de qualité reste inégal sur notre territoire et des disparités sociales ou régionales dans l'espérance de vie demeurent préoccupantes. L'accès aux soins de proximité est devenu une grande préoccupation de nos compatriotes, notamment en zone rurale et dans certaines banlieues. Cette question pose un vrai défi d'aménagement du territoire et préoccupe toutes les collectivités territoriales. L'organisation de la chaîne du soin doit être revue.
Nos dépenses de santé sont en effet caractérisées par une proportion très importante des coûts hospitaliers : 64 % pour une moyenne de 48 % dans les pays de l'OCDE. Nos dépenses de prévention sont en revanche parmi les plus faibles.
Une réforme de l'organisation de notre système de santé s'imposait donc afin d'améliorer la sécurité et la qualité des soins pour tous sur tout le territoire. Avant toute chose, je tiens à saluer le travail accompli par la commission, par son président et par son rapporteur, en liaison avec le personnel de santé. Et je voudrais également rendre hommage à tous les professionnels de santé qui exercent chaque jour leur métier, dans des conditions très difficiles, avec un dévouement sans pareil.
Ce projet de loi rénove la gouvernance hospitalière en remplaçant le traditionnel conseil d'administration de l'hôpital public par une formule duale, bien connue des privatistes, à savoir un conseil de surveillance et un directoire, avec à sa tête un patron qui a de véritables pouvoirs. Si le renforcement des pouvoirs du directeur peut se justifier pour simplifier et améliorer le pilotage de l'hôpital, il est indispensable que le corps médical participe aux décisions. Et si je partage l'objectif de la réforme qui est, selon les propres termes du Président de la République, « de mieux organiser pour dépenser moins et apporter plus aux patients », je considère que la logique gestionnaire ne peut emporter tout sur son passage et qu'il faut associer les médecins au fonctionnement de l'hôpital. Un hôpital ne peut être une entreprise comme une autre : il s'agit de la santé, de l'humain, de l'éthique, et les médecins sont les garants de l'éthique et de la pensée médicale.
La gouvernance actuelle a largement fait ses preuves si bien que dans le nouveau système, les médecins doivent non seulement être consultés mais également devenir des partenaires respectés. Il est indispensable que la gestion soit imprégnée de la réflexion médicale. Le système doit garantir la qualité des soins en même temps qu'il est essentiel que certaines disciplines, notamment celles qui ne génèrent pas de bénéfices, ne disparaissent pas. J'ai connu cela dans mon département : il y avait un service de cancérologie pédiatrique à Poitiers. Grâce à la mobilisation des médecins, il n'a pas été fermé.
Certain de cette indispensable complémentarité entre l'administratif et le médical, j'ai déposé avec plusieurs de mes collègues des amendements rétablissant le rôle central du président de la commission médicale d'établissement dans la nomination des chefs de pôle et dans celle des membres du personnel médical au directoire, ce qui devrait nous permettre de revenir à l'équilibre institutionnel que proposait le rapport Larcher. La même réflexion s'applique d'ailleurs aux communautés hospitalières de territoire au sujet desquelles la commission des affaires sociales a renoué avec la souplesse contractuelle et les « rapprochements consentis ». Ainsi, toute ambiguïté sera levée et la nature conventionnelle de cette nouvelle forme de coopération sera pleinement établie. Cette approche conventionnelle exclut la notion d'établissement siège, destiné à devenir le « chef de file » de la communauté hospitalière de territoire, monopolisant tous les pouvoirs de décision.
Enfin, la même solution équilibrée permettra de répondre au problème de la géographie médicale auquel notre pays est confronté, problème qui est intimement lié à celui de la démographie médicale. Reprenant le dispositif mis en place avec succès par certains conseils généraux, le projet de loi crée une allocation mensuelle en faveur des étudiants de médecine qui s'engagent à exercer la médecine en zone de sous-densité médicale. Ce contrat d'engagement de service public favorisera l'orientation de jeunes praticiens vers les zones du territoire sous-dotées en ressources médicales, mais la constitution de déserts médicaux et l'allongement des files d'attente sont le résultat d'une gestion peu clairvoyante de la démographie des professions de santé. Les pouvoirs publics avaient réduit le numerus clausus à l'issue de la première année d'études de 8 500 dans les années 1970 à 3 500 en 1993, avant de le rehausser progressivement dans les années 2000 jusqu'à atteindre 7 400 aujourd'hui. Compte tenu de la durée des études médicales, la hausse du numerus clausus depuis 2002 ne produira ses effets sur la démographie médicale qu'avec un décalage d'environ dix ans. Pour l'heure, les promotions de médecins et de chirurgiens-dentistes ne suffisent plus à remplacer ceux qui arrivent à l'âge de la retraite. Qui plus est, certaines spécialités historiquement valorisantes et valorisées, comme la chirurgie ou l'obstétrique-gynécologie, sont délaissées à la sortie de l'internat, notamment à cause du coût des assurances. (Applaudissements à droite)
M. Claude Jeannerot. - Dans votre propos liminaire, vous avez dit, madame la ministre, qu'il était absurde d'opposer les patients aux impératifs de gestion. Comment ne pas vous donner raison ? L'intitulé de ce texte pouvait nous faire espérer que le patient serait vraiment au centre de votre projet. Or il n'en est rien. Dans ce texte, le malade a disparu. Le travail en commission a permis d'améliorer les choses mais il convient d'aller encore plus loin. Ce texte parle d'organisation, de gouvernance, mais où est le patient et quelles sont les ambitions en matière de santé ? Seules les réponses à ces questions donneraient un sens aux choix d'organisation que vous proposez. Donnons-nous une véritable loi fondatrice de droits nouveaux.
Il convient de replacer le mouvement de protestation suscité par cette loi dans la suite des réformes qui ont créé un climat de tension et de mécontentement général chez les acteurs de la santé. Du point de vue des hospitaliers de terrain, ce texte, c'est la réforme de trop. Depuis le milieu des années 1990, l'hôpital est en réforme permanente : création des agences régionales d'hospitalisation, introduction de la tarification à l'activité, création des pôles. Ces réformes se succèdent les unes aux autres sans qu'on ait pris le temps de les évaluer. C'est un peu comme un meccano dont les pièces ont été progressivement mises en place mais sans que le plan d'ensemble n'ait été dévoilé.
La gouvernance de l'hôpital sera calquée sur celle des cliniques privées avec un directeur, un directoire et un conseil de surveillance. La loi HPST achève de « verticaliser » le système de santé : la chaîne de pouvoir ira du ministère de la santé jusqu'au directeur d'hôpital, en passant par le directeur des agences régionales de santé. Elle gagnera peut-être en rapidité de commandement mais ignorera tous des hommes et des femmes qui « font » l'hôpital. L'efficience même des soins risque d'être remise en cause.
Jusqu'à présent, le médical et l'administratif savaient le plus souvent trouver les complémentarités nécessaires à l'action. Cette réforme remet en cause ce Yalta implicite. La loi ne se préoccupe pas de la mise en oeuvre des missions de service public et ne s'attaque pas aux véritables problèmes de l'hôpital : déficit de moyens, empilement administratif résultant de cinq réformes successives en vingt ans, trou démographique du nombre de médecins et d'infirmières et inégalités géographiques d'accès aux soins.
Avec ce texte, on entre dans une logique productiviste. Les objectifs économiques prennent le pas sur les enjeux de santé publique et d'accès aux soins. Pour autant, l'équilibre économique global ne sera pas atteint. En filigrane de ce passage à un hôpital comptable, placé sous le joug de tarifications à l'activité, se profile le risque d'une médecine à plusieurs vitesses.
Mais le texte continue à évoluer : hier, dans son discours devant le CHU de Nancy, le Président de la République a infléchi sa position. Les directeurs généraux seront donc désormais entourés d'un directoire de trois vice-présidents.
Il convient certes d'optimiser les organisations et de fluidifier les modes de management. En aucun cas, ils ne sauraient constituer l'essentiel d'une politique hospitalière.
Je rêvais d'un projet de loi qui garantisse à tous nos concitoyens un droit effectif, équitable et solidaire, à des soins de qualité. Mais peut-être est-il encore temps de progresser dans cette direction. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Bordier. - Le rapport Larcher visait à moderniser l'hôpital public et assurer l'accès de tous à des soins de qualité. Je m'étonne que le projet de loi ne traite pas du problème des « urgentistes »...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et le décloisonnement ?
M. Pierre Bordier. - Pourtant cette question, transversale, concerne aussi bien l'hôpital que les patients, la santé et les territoires.
La concurrence fait rage entre les « rouges », les sapeurs-pompiers, et les « blancs », qui relèvent du Samu. A cette querelle, le Président de la République souhaite mettre un terme. Au congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, il a demandé aux ministres de l'intérieur et de la santé de clarifier la répartition des compétences.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cela a été fait !
M. Pierre Bordier. - En février 2008, vous avez mis en place un comité « quadripartite » destiné à regrouper les représentants de la médecine d'urgence et des Sdis ; ce comité, de façon surprenante, exclut les quatre fédérations d'ambulanciers et les présidents des Sdis. Or il est chargé de faire des propositions sur les coordinations fonctionnelles entre le secours aux personnes et les urgences médicales. Le projet de référentiel commun confirme cette exclusion. Le déclenchement des secours se fait par appel au 15, géré par le centre de réception et de régulation des appels (CRRA) ou au 18, au centre de traitement des appels du Sdis. Les deux centres sont interconnectés et le CRRA dispose d'un médecin régulateur chargé d'apprécier la situation et d'attribuer l'intervention de prompt secours. Dans la grande majorité des cas, ce sont les services d'incendie et de secours qui sont sollicités.
La première mission des sapeurs-pompiers est celle de la sécurité sur la voie publique. Quant aux services d'incendie et de secours, leurs interventions sont directement liées aux missions de service public. Depuis 2001, le nombre d'interventions sur des incendies est de 8 % contre 65 % pour le secours à victime et l'aide aux personnes. Or, cette situation implique un coût. Le Samu, lui, intervient dans le cadre d'accidents domestiques, avec si nécessaire l'appui logistique des sapeurs-pompiers -et non l'inverse.
Évitons les amalgames entre l'origine de la profession et la réalité de terrain. A l'origine soldats du feu, les sapeurs-pompiers sont progressivement devenus les premiers engagés dans les secours et les soins d'urgence à la personne. Je plaide pour une meilleure répartition des rôles afin d'assainir une situation tendue par les déséquilibres financiers. Les services d'incendie et de secours sont financés à titre principal par les collectivités territoriales et le Samu, par l'assurance maladie. Mais qui doit payer pour les interventions hors missions propres demandées par la régulation médicale du Samu ? Intervenant en appui logistique, le Sdis doit pouvoir demander une participation aux frais.
Quant aux ambulanciers privés, ils ont été écartés par le référentiel commun ! Or depuis 2000, ils effectuent une véritable révolution, dans le sens de la professionnalisation, avec l'appui des Samu et à la demande de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. Après l'arrêté de juillet 2003, les ambulanciers se sont organisés autour d'une garde départementale dédiée au Samu pour répondre à l'urgence pré-hospitalière. Les sapeurs-pompiers professionnels semblent apprécier la complémentarité avec les ambulanciers ; les sapeurs-pompiers volontaires en revanche font pression pour une exclusivité de l'urgence aux sapeurs-pompiers. C'est pourquoi le référentiel commun a surpris et inquiété. Lors de ses arbitrages, le médecin régulateur désigne quasi automatiquement les sapeurs-pompiers : à quoi sert la régulation médicale ?
Certains sapeurs-pompiers professionnels, arguant du nombre croissant d'appels, demandent une augmentation de leurs effectifs, alors que les ambulanciers privés ont mis en place et financé un système de garde qui n'est pas sollicité ! Cela représente une perte d'activité de 15 à 20 % ; et les moyens investis ne sont pas rentabilisés.
J'ai cosigné deux amendements sur le sujet. Hors de ses missions propres, toute intervention d'un service d'incendie et de secours doit faire l'objet d'une convention financière signée entre le SIS et l'établissement de santé. Les conventions ne sont pas toujours honorées, faute de financements correspondants dans le budget des établissements... Il faudra veiller à cela.
Quelques mots enfin de l'homologation des diplômes de médecins étrangers ayant exercé en France en structure hospitalière, souvent à des postes à responsabilité et depuis de nombreuses années. Les médecins de nationalité étrangère qui ont obtenu un diplôme interuniversitaire de spécialisation s'appuient sur la loi de 2004 pour demander l'inscription à l'ordre des médecins. Mais nombre de dossiers sont refusés au motif d'un manque d'exercice, en dépit d'années de présence ! Et je regrette qu'au dernier débat à l'Assemblée nationale, Mme la ministre de la santé ait donné un avis défavorable à un amendement du reste repris chez nous en commission et présenté par Mme Proccacia. La Halde, qui avait émis un avis favorable, ainsi que le conseil national de l'ordre des médecins et une grande majorité des syndicats de santé ont approuvé un passage direct devant la commission d'autorisation. Sortons les médecins étrangers de leur situation précaire, injuste et injustifiée, qui en outre méconnaît la réalité démographique médicale ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jacques Blanc. - Nous sommes en train de démontrer l'intérêt du bicamérisme. Que fait le Sénat ? Il joue pleinement son rôle, grâce au travail remarquable du rapporteur et de la commission. Nous pouvons ainsi aborder ce texte dans la sérénité : il a été amélioré sans être dénaturé, puis enrichi par la Haute assemblée. Le rapporteur a su écouter l'ensemble des professionnels et les représentants des territoires : en tant que président du groupe montagne, je l'en remercie au nom des élus de ces zones ; il a proposé des réponses adaptées.
S'agissant des médecins, il est temps d'en finir avec la caricature des mandarins. L'immense majorité d'entre eux est avant tout au service des populations. Vous-même, madame la ministre, avez évoqué la situation inconfortable des médecins. Il faut affirmer une fois pour toutes que les médecins ne sont pas les collaborateurs subalternes du directeur.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Qui l'a dit ? Pas moi !
M. Jacques Blanc. - Pas moi en tout cas ! Alors si nous sommes d'accord, j'espère que vous soutiendrez mon amendement visant à aller plus loin. Le manager directeur a le pouvoir de nomination, mais prévoir un choix entre trois noms crée une ambiguïté. Le président de la CME doit pouvoir proposer un nom, puis un deuxième si le directeur le refuse, puis un troisième si nécessaire. En quoi cela diminuerait-il le rôle du directeur ? Je vois là un moyen au contraire de créer un climat de confiance, de reconnaître la fonction de chacun.
Je félicite Mme la ministre qui a résisté à ceux qui entendaient imposer l'installation des médecins dans telle ou telle zone. L'incitation vaut mieux que la contrainte. Votre position, madame la ministre, consacre l'exercice libéral de la médecine.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Eh oui !
M. Jacques Blanc. - Des contrats d'engagement de service public seront signés dans les zones difficiles : je souhaiterais qu'ils concernent non seulement les installations mais aussi les remplacements.
Madame la ministre, nous serons vigilants sur le nombre de contrats signés.
N'écoutez pas, je vous en supplie (exclamations à gauche), ceux qui affirment que la France compte suffisamment de médecins. C'est faux ! Vous avez porté en 2009 le numerus clausus à 7 400. Poursuivez cet effort jusqu'à 10 000 !
M. François Autain. - Autant !
M. Jacques Blanc. - Chaque année, des milliers de jeunes, qui auraient fait d'excellents praticiens, sont écartés des études de médecine, si bien que nous devons faire appel à des médecins étrangers qui manquent cruellement à leurs pays d'origine. Cessons cette folie collective !
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Jacques Blanc. - De grâce, il existe un besoin ! Plus de médecins ne signifie pas plus de dépenses ! (Exclamations à gauche)
Le rapporteur a rappelé la nécessité de mieux prendre en compte les besoins de formation des personnels médicaux. Reconnaître la formation universitaire des sages-femmes va dans le bon sens. Je passe rapidement sur la nécessaire prise en compte des populations saisonnières dans l'élaboration du schéma régional et la nécessité de pérenniser le financement des établissements de santé situés dans des zones de faible densité avec des crédits pérennes au moyen de la contractualisation.
Madame Létard, vous avez rassuré les acteurs du secteur médico-social en garantissant un financement pérenne au moyen de la fongibilité asymétrique (M. François Autain en doute) Si les appels d'offres favoriseront la création, ils ne doivent pas, en revanche, s'appliquer au renouvellement soumis à l'évaluation externe.
En conclusion, nous soutiendrons ce texte sur lequel la Haute assemblée a bien travaillé. Félicitons-nous de faire enfin tomber ces vieux tabous et de placer l'hôpital dans une nouvelle dimension dans laquelle chacun jouera pleinement son rôle, au service des patients ! (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
Mme Catherine Dumas. - En cette fin de soirée, je centrerai mon intervention sur le patient autour duquel devraient s'organiser toutes les évolutions en matière de santé, d'hôpital et de territoires. Mieux informé, plus exigeant, il souhaite être un acteur à part entière de sa santé. Le professeur Etienne l'a même qualifié d'usager. L'autonomisation du patient, notamment celui atteint d'une maladie chronique, passe par le développement de l'éducation thérapeutique. Oui, donc, à un plan coordonné de soins au niveau national pour peu qu'il soit mis en oeuvre au plus près des patients ! Les ARS, nouvellement créées, peuvent remplir un rôle important dans la définition et la mise en oeuvre de ce plan, notamment en labellisant équipes et structures pour les prises en charge en ambulatoire et en organisant l'évaluation des programmes d'éducation thérapeutique. L'éducation thérapeutique n'est la propriété de personne en particulier. Sa réussite suppose l'association de tous les acteurs -j'y insiste- autour du patient et, partant, un effort de formation des médecins et autres professionnels de santé dans le cadre des formations initiale et continue.
Reste la question du financement. Les pistes dessinées par la commission, comme une tarification spécifique pour l'ambulatoire et l'hôpital, la répartition d'un fonds national entre les ARS ou l'intégration dans la T2A sont intéressantes, sans exclure la participation des industries de santé qui ne saurait être ramenée à une simple taxation supplémentaire, contrairement à ce que certains souhaitent.
Nos concitoyens seront attentifs aux aspects les plus concrets de ce texte. Certes, la prévention et l'information ne se résument pas à l'éducation thérapeutique. Des avancées significatives devraient être proposées lors d'un prochain texte consacré à la santé publique car, disait Pasteur, « le hasard ne profite qu'aux esprits préparés ! » (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)
La discussion générale est close.
M. le président. - Je remercie les orateurs d'avoir respecté dans l'ensemble leur temps de parole. En accord avec la commission et le Gouvernement, je lève la séance pour que nous puissions débattre du projet de loi Hadopi demain matin à 9 h 45.
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 13 mai 2009 à 9 h 45.
La séance est levée à minuit quarante.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
Du mercredi 13 mai 2009
A 9 HEURES 45
1. Nouvelle lecture du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.
A 14 HEURES 30 ET LE SOIR
2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008-2009).
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 380, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 381, 2008-2009).
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DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ;
- M. Michel Thiollière un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (n° 395, 2008-2009) ;
- la commission des affaires culturelles le texte sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (n° 395, 2008-2009) ;
- M. Jean Arthuis une proposition de loi visant à renforcer l'efficacité de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises ;
- M. Xavier Pintat une proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique.