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Table des matières



Demandes d'avis du Sénat sur des nominations

Projet de loi de finances pour 2009 (CMP - Nominations)

Prévention du surendettement (Question orale avec débat)

Conférence des Présidents

Parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Article 3

Vote sur l'ensemble

Législation funéraire (Deuxième lecture)

Discussion générale

Discussion des articles

Intervention sur l'ensemble




SÉANCE

du mercredi 10 décembre 2008

40e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 16 h 5.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Demandes d'avis du Sénat sur des nominations

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat une demande d'avis sur le projet de nomination de M. Jean-Claude Mallet aux fonctions de président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ainsi que sur le projet de nomination de M. Jean-Luc Darlix aux fonctions de président du Haut conseil des biotechnologies.

Ces deux demandes d'avis ont été transmises à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

Projet de loi de finances pour 2009 (CMP - Nominations)

Mme la présidente.  - Le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2009.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mardi 9 décembre prennent effet.

Prévention du surendettement (Question orale avec débat)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour réservé appelle la discussion de la question orale avec débat de Mme Muguette Dini à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la « prévention du surendettement : davantage responsabiliser les établissements de crédit ».

Mme Muguette Dini, auteur de la question.  - Je n'ai pas attendu la crise pour me préoccuper du surendettement : le 17 décembre 2004, j'ai interpellé M. Borloo, alors ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ; le 15 février 2006, j'ai déposé une proposition de loi sur le sujet.

Cela fait longtemps que les chiffres du surendettement sont alarmants. Aujourd'hui, près de six millions de Français déclarent avoir des difficultés à rembourser leurs dettes, et plus d'un million ont eu recours aux procédures de surendettement depuis leur création. Le nombre de dossiers soumis aux commissions de surendettement augmente à un rythme de 10 %. Les procédures de rétablissement personnel par effacement des dettes restent nombreuses, avec 24 123 dossiers depuis janvier, contre 21 070 en 2007.

La plupart des études sur le sujet, de la Banque de France ou de l'Observatoire de l'endettement des ménages, exploitent les données des commissions de surendettement. En 2001, la Banque de France soulignait une évolution, avec une prédominance de l'endettement constitué de charges courantes, une nette diminution de la part de l'endettement immobilier et une forte utilisation des crédits à la consommation et des prêts personnels.

Le surendettement a longtemps principalement concerné des consommateurs qui s'engouffraient dans une spirale de consommation et de crédit. De nos jours, dans 73 % des cas, le surendettement est dit passif et résulte d'une accumulation de crédits. Les ménages concernés sont déjà fragilisés par leur situation économique : un incident de la vie les pousse à s'endetter davantage et à aggraver leurs difficultés.

Face à cette réalité, il faut renforcer la prévention, accompagner les ménages en difficulté dans la gestion de leur budget et enseigner dès l'école la tenue d'un budget familial.

Dès les années 1970, la France s'est dotée d'un arsenal législatif en la matière, avec les deux lois Scrivener sur l'information et la protection des consommateurs dans le domaine du crédit. La loi Neiertz du 31 décembre 1989 permet une planification amiable des remboursements, grâce à l'intervention d'une commission administrative, puis le cas échéant du juge. La loi du 11 décembre 2001 a réduit les pénalités appliquées aux chèques sans provision de faible montant et créé un solde bancaire insaisissable.

La loi Borloo du 1er août 2003 a créé la procédure de rétablissement personnel qui permet, dans certaines conditions, un effacement total des dettes des particuliers, encadré la publicité sur le crédit à la consommation, précisé les conditions de renouvellement du contrat et renforcé l'information périodique du client. Enfin, monsieur le ministre, votre loi du 28 janvier 2005 consacre un chapitre au seul crédit renouvelable. Ces textes s'ajoutent aux dispositions existantes régissant la publicité, le formalisme contractuel, les droits et obligations des parties, dont le délai de rétractation.

Au regard de nos voisins anglo-saxons, notre dispositif législatif est dense et plutôt protecteur. Il donne la priorité au traitement du surendettement. Désormais, il est urgent de mettre l'accent sur la prévention afin d'anticiper les situations de détresse. Tout d'abord, la publicité des établissements de crédit sur leurs offres de crédit à la consommation doit être loyale et informative et en aucun cas banaliser l'acte d'endettement. Les accroches vantant un crédit « simple, facile, gratuit, immédiatement disponible, accordé sans justificatif » sont à proscrire.

M. Joël Bourdin.  - Tout à fait.

Mme Muguette Dini, auteur de la question.  - Il en va de même pour les publicités présentant les réserves d'argent des crédits renouvelables comme une épargne ou un complément de budget.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

Mme Muguette Dini, auteur de la question.  - En matière de crédit revolving, le démarchage à domicile et par téléphone doit être interdit. La publicité sur le lieu de vente doit être strictement encadrée.

S'agissant de la rémunération des vendeurs, toute incitation à faire souscrire un crédit au client est la porte ouverte aux dérapages.

M. Charles Revet.  - C'est vrai.

M. Alain Gournac.  - Oui !

Mme Muguette Dini, auteur de la question.  - Je propose d'imposer, d'une part, la transparence de la rémunération du prêteur et, d'autre part, une règle de déterminabilité de la rémunération.

Afin de davantage responsabiliser les établissements de crédit, il convient d'instaurer une obligation d'information et de conseil de la part du prêteur. Dans deux arrêts en date du 29 juin 2007, la Cour de cassation va plus loin, en estimant que l'établissement bancaire est tenu à un « devoir de mise en garde » lors de la conclusion du contrat. Dans une des affaires, treize prêts avaient été accordés en deux ans alors que d'autres portant sur des emprunts à long terme étaient en cours...

Deuxièmement, le contrat de crédit doit être plus lisible. Mettons fin à ces contrats truffés de termes jargonnants, en caractères minuscules, et de renvois à des dispositions au dos du contrat !

L'offre de crédit doit mentionner en termes lisibles, clairs et compréhensibles par tous, les droits et devoirs de chaque contractant.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

Mme Muguette Dini, auteur de la question.  - La troisième action de prévention consiste à exiger des établissements de crédit qu'ils étudient la situation financière des souscripteurs avant de remplir le dossier de demande. A défaut de vérification, l'organisme prêteur serait rendu responsable de la non-solvabilité éventuelle du souscripteur ; il ne pourrait pas engager de procédures de recouvrement. Le délai obligatoire de sept jours laisserait suffisamment de temps au prêteur pour étudier la solvabilité de l'emprunteur, et à celui-ci pour prendre conscience des contraintes du contrat.

La création d'un répertoire des crédits des particuliers pour des besoins non professionnels s'impose. Son financement pourrait être assuré par les établissements financiers lors de chaque consultation. Un tel répertoire me semble indispensable pour prévenir le surendettement. La question de sa création s'est posée dès l'élaboration de la loi Neiertz. A l'époque, seule la proposition d'un fichier négatif, le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, a été retenue ; cette option a été maintenue lors des réformes successives de notre législation sur le surendettement.

La Cnil a rappelé que seul le législateur a compétence pour se prononcer sur l'utilité sociale de la constitution de fichiers positifs, dans le secteur du crédit. Cependant, en raison de traditions aussi bien historiques que politiques, plusieurs d'entre nous répugnent encore à admettre la création de tels fichiers, au motif de protéger les individus de toute intrusion dans leur vie privée.

M. Charles Revet.  - C'est un mauvais prétexte !

Mme Muguette Dini, auteur de la question.  - Plusieurs de nos voisins disposent d'un tel fichier, tout en garantissant les libertés fondamentales aussi bien qu'en France. La Grande-Bretagne fait coexister fichiers négatif et positif : on peut y connaître l'ensemble des charges pesant sur une personne, mais aussi sa diligence à exécuter le paiement de ses dettes. En Allemagne, la création d'un fichier positif remonte aux années 1920 ; l'autorisation expresse du particulier est requise pour qu'il y soit inscrit. Aux Pays-Bas, un fichier positif a été créé en 1965 par les établissements financiers, il doit obligatoirement être consulté avant l'octroi de tout crédit. Quant à la Belgique, longtemps réfractaire à cette idée, elle a instauré, en janvier 1999, un fichier positif tenu par la Banque nationale de Belgique.

Ces expériences n'ont pas provoqué la colère des associations de protection des droits de l'homme, ni de litige relatif à d'éventuelles atteintes à la vie privée.

La prévention du surendettement réside également dans des actions générales d'information et d'éducation.

Il est souhaitable de prévoir, au-delà de l'offre de crédit, une information des établissements financiers vers leurs clients sous la forme d'une brochure pédagogique dont le contenu serait défini d'un commun accord entre professionnels du crédit et associations de consommateurs.

Les relevés bancaires devraient être plus simples et plus explicites. Combien de nos compatriotes ignorent que la colonne débit est celle des dépenses et que le chiffre au bas de cette colonne, qui n'est pas précédé du signe « - », est le montant de leur découvert ? A l'ouverture d'un compte bancaire, des conseillers devraient être spécialement chargés de présenter à leurs clients toutes les informations liées à la bonne gestion de leur compte et remettre la brochure d'information susvisée.

Les collectivités locales ont aussi leur rôle à jouer dans l'information de leurs administrés et la prévention de leurs difficultés, qu'elles soient juridiques ou sociales. Sur le modèle des consultations en fiscalité assurées gratuitement en mairie par des avocats ou des experts-comptables, une assistance gratuite des particuliers pourrait être assurée, de la même manière, par des professionnels en matière de gestion du budget familial.

Surtout, à l'école, au collège et au lycée, un apprentissage de la gestion quotidienne d'un budget familial doit être dispensé. Un accent particulier doit aussi porter sur les dangers que représentent les incitations à la consommation, notamment en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Monsieur le ministre, ces actions utiles à la prévention du surendettement figuraient, pour la plupart, dans ma proposition de loi déposée en février 2006. Elles sont proches des recommandations que le Conseil économique et social a faites dans son rapport sur le surendettement des particuliers en 2007. De même, la Commission européenne, dans sa directive sur le crédit aux consommateurs, adoptée le 23 avril dernier, propose-t-elle d'améliorer la publicité, d'instituer une obligation générale de conseil et de créer un fichier positif d'endettement.

Le 3 décembre dernier, le Président de la République a confié à Mme Lagarde et à M. Hirsch la mission de préparer une réforme des procédures de surendettement. Cette réforme devrait réduire l'hétérogénéité des pratiques selon les départements, la durée des procédures et améliorer le recours au rétablissement personnel, afin d'en faire une réelle « seconde chance ».

Ces pistes de réforme du surendettement sont importantes, mais la prévention en est absente.

Monsieur le ministre, comment entendez-vous remédier à cette lacune ? Quelles mesures pensez-vous pouvoir prendre pour qu'une véritable politique de prévention du surendettement soit mise en oeuvre ? (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)

M. Bernard Angels.  - Chaque année, plus de 50 000 nouvelles familles basculent dans le surendettement. Ce phénomène est amplifié par la crise économique et l'augmentation significative du chômage. Il faut éviter que des familles, asphyxiées par les crédits qu'elles ont contractés, ne se retrouvent privées de leurs moyens de paiement ou contraintes d'abandonner leur logement.

La perte de pouvoir d'achat à laquelle nombre de nos concitoyens sont confrontés depuis plusieurs années déjà, et qui s'aggrave de jour en jour, a eu des conséquences dramatiques sur le recours au crédit des ménages. Loin de ne servir qu'à financer des dépenses exceptionnelles, l'emprunt est fréquemment utilisé pour des dépenses de première nécessité comme l'alimentation ou le paiement des factures quotidiennes. Cette banalisation du crédit à la consommation est d'autant plus importante que les établissements qui le dispensent profitent de la situation de nombreux ménages pour l'encourager. La publicité, massive et racoleuse, à la télévision, dans la presse et jusque dans les boîtes aux lettres fait miroiter aux familles en difficulté une solution miracle, facile et rapide, dont les coûts réels n'apparaissent souvent pas ; la question du remboursement est sciemment remise au lendemain. Aucune garantie n'est demandée aux emprunteurs si ce n'est un relevé d'identité bancaire et des bulletins de salaire. Sans se soucier de leur solvabilité, les emprunteurs peuvent empiler les crédits au-delà de leurs capacités à les rembourser.

C'est pourquoi, comme Mme Dini, je souhaite faire figurer sur les publicités les risques liés au surendettement ainsi que la mention du taux effectif global du crédit, le taux de l'usure. Trois types de crédits sont particulièrement nocifs : les crédits renouvelables, dits revolving, les rachats de crédits et les crédits contractés dans les grandes surfaces. Il ne faut pas autoriser le démarchage de ces types de crédits, de même qu'il faudrait interdire la possibilité de contracter un crédit dans une grande surface. Nous devons envisager de sanctionner les établissements ayant consenti des crédits disproportionnés au regard des revenus des emprunteurs.

Il faut responsabiliser les établissements de crédit pour qu'ils ne puissent recourir au recouvrement de crédits qu'ils auront accordés à des particuliers sans vérifier leur solvabilité.

Mme Dini propose de créer un fichier positif, géré par la Banque de France, afin que les établissements de crédit vérifient la situation de leurs clients potentiels. Un tel fichier ne saurait être créé sans garanties législatives suffisantes et concrètes assurant le respect de la vie privée. La communication de données complètes concernant les revenus et la situation de crédit d'un individu ou d'un foyer à un établissement de crédit, fût-ce avec l'autorisation de l'emprunteur, me semble dangereuse. Comment contrôler l'usage qu'un établissement de crédit pourrait faire de ces données ? Pourquoi ne pas prévoir que l'emprunteur lui-même contacte la Banque de France pour recevoir d'elle une autorisation de crédit sans que jamais ses données ne quittent les ordinateurs sécurisés de l'établissement public ?

La prudence s'impose : quelle serait l'efficacité d'un tel fichier ? Il n'aurait de valeur qu'actualisé en temps réel. En effet, il n'est pas rare que plusieurs crédits à la consommation soient souscrits le même jour, pour servir d'apport personnel à un emprunt immobilier. Le surendettement naît alors instantanément.

Il faudrait aussi renforcer l'accompagnement des personnes surendettées, par exemple via une nouvelle succursale de la Banque de France. Toutes les propositions sont en effet positives, mais traiter les symptômes sans les causes ne suffit pas quand tant de ménages ne disposent plus des revenus leur assurant une vie digne. Ne prenons pas seulement en compte les surendettés par mauvaise gestion : les autres -les trois quarts- le sont en raison d'accidents de la vie, chômage, divorce, maladie...

M. Marini mentionne, dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, que 89 % des dossiers concernent des employés, des ouvriers, des chômeurs. Responsabiliser les prêteurs et les emprunteurs ne suffira pas. Nombre de familles ne parviennent plus à survivre avec le Smic ou le RMI. Lorsque la pauvreté menace, lorsque le pouvoir d'achat recule, veillons aussi à ne pas priver les ménages de leurs dernières sources de financement. (Applaudissements à gauche ; applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Philippe Marini.  - Je salue l'engagement opiniâtre de Mme Dini sur ce sujet. La représentation parlementaire peut et doit, malgré ses diversités, traiter de façon solidaire et consensuelle du surendettement. La crise fragilise encore plus un grand nombre de personnes ; l'État a fait le nécessaire pour soutenir le secteur bancaire ; il est en droit de lui demander en contrepartie de se montrer irréprochable, c'est-à-dire de respecter ses clients. Or certaines pratiques dans le compartiment du crédit à la consommation sont inacceptables.

M. Joël Bourdin.  - C'est vrai.

M. Philippe Marini.  - La bonne procédure pour y remédier, ce ne sont pas les codes de bonne conduite...

Mme Nicole Bricq.  - Non !

M. Philippe Marini.  - ...ni les codes professionnels, ni les réunions à quelques-uns. C'est un débat contradictoire et pluraliste au sein du Parlement, menant à l'adoption d'un texte. La contribution de tous les groupes, des deux assemblées et, je l'espère, du Gouvernement est souhaitable.

Du reste, nous avons tous, dans notre diversité, pris des initiatives. Ma proposition de loi tend à assainir le crédit à la consommation ; ce n'est pas une proposition contre ce crédit. Elle vise à responsabiliser les établissements de crédit et leurs clients et à lutter contre le mal endettement. Le mal endettement, c'est l'endettement inadapté à la situation de l'emprunteur, le crédit qui ne dit pas son nom, la réserve de trésorerie apparemment gratuite, l'offre promotionnelle agréable, la souscription en un clic de souris sur internet ou en un paraphe à la caisse du supermarché, la mensualité de 20 euros pour une durée indéfinie, le crédit qui n'ose afficher son taux. Bref, la facilité qui exploite la faiblesse des gens.

M. Charles Revet.  - C'est scandaleux.

M. Philippe Marini.  - Tous, nous devons prendre nos responsabilités : nous lançons, tous groupes politiques confondus, un appel solennel au Gouvernement. C'est que nous sommes des gens de proximité, des élus de terrain. Nous connaissons l'encombrement des commissions de surendettement, les administrés qui ont besoin d'une aide d'urgence et de conseils parce qu'ils ont été mis en difficulté par des crédits obtenus et octroyés trop facilement, trompés par une information défectueuse, un crédit promotionnel. Le Médiateur, le Conseil économique et social, les sénateurs, les grandes associations de consommateurs -UFC-Que choisir, notamment- appellent ensemble à une prise de conscience. Ma proposition de loi est compatible avec la directive du 23 avril 2008 sur le crédit promotionnel...

Mme Nicole Bricq.  - C'est vrai.

M. Philippe Marini.  - N'y cherchez pas, par conséquent, un alibi pour repousser l'adoption d'un texte indispensable.

Mme Nicole Bricq.  - Il a raison !

M. Philippe Marini.  - Il faut à la fois encadrer les conditions de la publicité, pousser l'emprunteur à réfléchir avant de s'engager, responsabiliser les établissements de crédit en les obligeant à vérifier la solvabilité du demandeur et prendre des dispositions spécifiques pour des pratiques nouvelles telles que le crédit renouvelable, le rachat de crédits ou le crédit dans les grandes surfaces. Comme souvent, l'innovation a pris de court le législateur ! Or l'onde de choc financière que nous avons connue pourrait se reproduire dans le crédit à la consommation. Les ingrédients sont réunis. Lorsqu'une carte délivrée très facilement offre à la fois des primes de fidélité dans le magasin, le paiement comptant, le crédit, le retrait d'argent au distributeur, l'accès à une réserve de trésorerie, les risques s'accumulent ! Que faire ?

Très concrètement, la publicité doit comporter une information sur les risques et exclure toute offre promotionnelle. Le crédit renouvelable ne doit pas être présenté comme une souplesse, un moyen de boucler le budget mensuel. Les conditions de taux doivent figurer clairement dans toute publicité... assurance comprise ! Quant au délai de réflexion, il est un principe de base largement appliqué... mais insuffisamment en ce qui concerne le crédit à la consommation. L'établissement de crédit ne saurait se contenter d'une simple déclaration de ressources par l'emprunteur, sans justificatif ni contrôle, ni examen des charges fixes. Le fichier est un débat dans le débat. N'ayons pas peur de l'aborder, en conciliant les deux approches qui se sont ici exprimées, celle de Mme Dini et celle de M. Angels. Et ne faisons pas de cette question un préalable, car elle est complexe et ne doit pas différer la mise en oeuvre de solutions.

Mme Nicole Bricq.  - Très juste !

M. Philippe Marini.  - Entendons les associations et les professionnels. Réfléchissons à la façon d'élaborer le fichier, de le financer. Acceptons de l'inclure au coeur du débat parlementaire afin que la représentation nationale prenne sa décision en toute connaissance de cause.

Enfin, il serait bon d'aller plus loin dans la mise en cause de la responsabilité des établissements prêteurs qui auront accordé un crédit manifestement disproportionné sans examen sérieux des ressources de l'emprunteur. La commission du surendettement pourrait proposer l'annulation des intérêts, voire une indemnité dont déciderait le juge.

Comment contrôler le crédit en grande surface et de quelle manière appréhender les rapports entre crédit à la consommation et demande intérieure ? Nous ne nous situons pas ici dans le même registre que les professionnels : nous voyons les aspects concrets et des situations douloureuses ; ils nous répondent macro-économie et statistiques, affirmant que l'endettement serait moindre en France et les défauts de paiement plus rares qu'on le dit. Il faut dépasser cette contradiction pour s'interroger sur ce qui va se passer en une période de baisse d'activité et de fragilisation du public. C'est l'avenir qui importe et il est de notre responsabilité de législateur -cela inclut le Gouvernement qui contribue à l'élaboration de la loi- d'éviter que cette fragilité s'accentue. Nous devrions pouvoir avancer vite. La commission des affaires économiques, j'en remercie le président Émorine, a bien voulu en faire une priorité. M. Dominati sera le rapporteur de nos propositions de loi qui viendraient en principe pour la prochaine séance réservée, le 20 janvier. Je souhaite qu'on ne s'encombre pas de prétextes pour contrarier nos efforts sur cette question qui répond aux préoccupations de nos compatriotes. Bien entendu, la procédure parlementaire est faite d'écoute respective et nous écouterons attentivement le Gouvernement.

Mme Lagarde réunit demain des élus et des experts pour commencer à élaborer une méthode de travail. Si son effort est méritoire, la meilleure méthode de travail, c'est d'aborder le sujet dans l'enceinte du Parlement, en toute transparence, afin que l'opinion partage les arguments et soit associée à l'élaboration des normes nécessaires.

On a beaucoup critiqué le système financier anglo-saxon, l'évolution de ses concepts et l'insuffisante appréhension des risques par sa réglementation. Il ne faudrait pas oublier qu'une approche laxiste des crédits aux particuliers est à l'origine des malheurs d'aujourd'hui et que c'est la distribution de prêts faussement garantis à des acteurs économiques manifestement incapables de les rembourser qui a initié l'effet de dominos auquel on a assisté. Que la leçon nous serve pour trouver un équilibre entre activité économique, régulation...

M. Joël Bourdin.  - Éthique !

M. Philippe Marini.  - ...et pouvoir d'achat. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - En nous appelant à débattre de la situation et du comportement des établissements de crédit qui ne prendraient pas suffisamment de précautions, Mme Dini attire l'attention sur les six millions de personnes qui ont des difficultés à rembourser leurs emprunts, sur le million qui a eu recours aux commissions de surendettement, auxquelles 180 000 familles font appel tous les ans.

Si la continuité de ce mouvement appelle pour le moins un débat, le constat est clair : les établissements de crédit font en sorte que les ménages s'endettent. Publicités alléchantes mais trompeuses, affiches à la porte des agences, tout est fait pour attirer le chaland. C'est que, dans une économie de marché en quête de rentabilité financière, le crédit est l'un des ressorts de l'activité économique. L'offre de crédit s'est donc diversifiée et touche désormais des services qui, loin d'enrichir le patrimoine des ménages, précarisent leur consommation. De plus en plus de familles doivent recourir au crédit revolving pour payer leurs factures ou acheter des aliments. La plupart des grandes enseignes proposent elles-mêmes des crédits et des cartes d'accès, qui leur donnent surtout accès ... aux comptes bancaires de leurs clients.

La situation prend des proportions si inquiétantes que notre rapporteur général s'est senti tenu de déposer une proposition de loi qui propose surtout de responsabiliser les prêteurs. Même si l'endettement atteint 70 % du revenu des ménages, nous n'en sommes heureusement pas parvenus aux 105 % des Américains ni aux 115 % des Britanniques. On a d'ailleurs vu ce que cela pouvait donner quand les subprimes ont, de proche en proche, contaminé l'ensemble des marchés financiers : le modèle américain est fondé sur des mécanismes pervers et le blairisme n'est pas exempt de défauts...

Pourquoi l'endettement des ménages français s'est-il aggravé ? Deux solutions sont possibles : soit les ménages s'endettent plus, soit leur revenu n'a pas progressé assez vite. La seconde solution est la bonne ! En fait, ce sont les textes votés par la majorité -à laquelle vous appartenez, madame Dini- qui ont accentué le surendettement : réforme de l'impôt sur le revenu favorable aux plus riches, suppression de la demi-part des veuves, freinage constant des aides au logement, absence de revalorisation des retraites, franchises médicales, hausse des prix de l'énergie, flambée des loyers encouragée par le dispositif Robien... Nos compatriotes doivent encore supporter les hausses de prix, les ententes entre opérateurs de téléphonie prétendument concurrents, la progression injustifiée des tarifs bancaires, sans oublier les incitations législatives à la déflation salariale et ces trappes à bas salaires que sont les allégements de charges sociales.

Alors de bonnes âmes s'émeuvent, ici comme à l'Assemblée nationale. Vous ne gagnez pas assez pour payer vos dettes ? Travaillez donc le dimanche et les jours fériés ! Et d'ajouter hypocritement : sur la base du volontariat... Ce sont pourtant toutes les mesures votées par la majorité qui alimentent cette situation. Certes, les établissements de crédit ont leur part de responsabilité et leurs taux d'intérêt intègrent depuis longtemps les risques d'accidents de paiement, mais, ne l'oublions jamais, c'est d'abord la faiblesse de leurs revenus qui pousse les familles s'endetter pour payer leur loyer ou leur facture d'électricité. Modifions la loi pour priver les établissements les plus indélicats de tous les intérêts sur des crédits distribués sans réel examen de la situation des emprunteurs. Certes, il faudra être plus coercitif, mais si vous voulez changer de braquet, il faudra bien développer le pouvoir d'achat des familles et remettre en cause votre politique.

Vous commencez la lutte contre le surendettement en relevant le plafond du prêt à taux zéro et en créant le crédit d'impôt « intérêts d'emprunt immobilier », qui donne aux banques une sorte de droit à polluer, et vous restez inactifs quand les banques se refont une santé sur le dos des emprunteurs en relevant les taux d'intérêt !

Modifions la politique des revenus et nous aurons une meilleure prévention du surendettement.

M. Claude Biwer.  - Plus de 700 000 personnes sont en situation de surendettement, c'est-à-dire dans l'incapacité de faire face à leurs charges, qu'il s'agisse du paiement des loyers, de l'électricité, du chauffage ou encore du remboursement des prêts contractés auprès d'un organisme de crédit. Le surendettement a beaucoup évolué depuis que la loi Neiertz, en 1989, a créé les commissions de surendettement : plutôt d'origine bancaire à l'époque, il est désormais dû, pour l'essentiel, à la dégradation de la situation financière et sociale des ménages, des personnes seules ou des familles monoparentales. En vérité, le surendettement est devenu un miroir de la fragilisation sociale, voire de l'exclusion. Il reste principalement passif, c'est-à-dire lié aux accidents de la vie, comme le chômage ou le divorce, mais il s'accompagne désormais d'un surendettement causé par un excès de crédit sans aucune modification des ressources. Pour traiter les cas les plus difficiles, la loi de rénovation urbaine du 1er août 2003 a introduit la procédure de rétablissement personnel qui s'apparente à la législation locale sur la faillite civile en vigueur en Alsace et en Moselle.

Ces textes s'attaquent plus aux conséquences du surendettement qu'à ses causes et, notamment, à la possibilité d'obtenir des crédits à la consommation sans vérification sérieuse de la situation financière des demandeurs. Certes, il faut bien reconnaitre que les banques sont devenues beaucoup plus regardantes pour l'octroi d'un crédit immobilier et n'accordent pratiquement plus de prêt-relais ; le surendettement à venir ne pourra donc pas leur être imputé. Mais elles ont beaucoup vanté les prêts à taux variable sur des durées de remboursement de plus en plus longues. Dans un premier temps, les emprunteurs ne remboursaient que peu d'intérêts, mais il a suffit d'un retournement de situation pour faire remonter les taux.

S'agissant des prêts à la consommation, la crise financière n'a guère changé les pratiques. Si vous demandez le prix d'une voiture, on vous répond que c'est 200 ou 300 euros par mois. Récemment, un de mes proches s'est rendu dans un grand magasin de meubles et a souhaité bénéficier d'une opération promotionnelle de crédit en dix fois sans frais, ce qu'il a obtenu... mais on lui a établi une carte de crédit revolving, au taux extravagant de 20,26 %, pour tout autre achat. C'est stupéfiant... et inacceptable. Que lui a-t-on demandé ? De préciser son ancienneté dans son emploi, de présenter son dernier bulletin de salaire et un certificat de domicile. On lui a demandé s'il était propriétaire ou locataire mais pas s'il avait déjà à sa charge des remboursements de prêts. Il arrive que l'on interroge sur les crédits en cours mais il suffit au client de ne pas dire la vérité pour que le nouveau crédit lui soit accordé. Tout se passe comme s'il y avait une connivence entre ces commerces et les organismes de crédit : pour les premiers, l'essentiel est de vendre coûte que coûte leur marchandise et pour les seconds, leurs prêts. Si les emprunteurs ne sont pas solvables, on n'hésitera pas à recourir à des officines spécialisées dans le recouvrement. Il est vraisemblable que certains vendeurs sont commissionnés par les organismes de crédit...

Faute d'avoir vérifié la situation des emprunteurs, il est ainsi arrivé qu'une personne contracte pour 80 000 euros de crédits et, les remboursements mensuels dépassant son revenu, doive contracter de nouveaux prêts pour rembourser les précédents. On comprend dès lors qu'une florissante industrie propose à ces emprunteurs aux abois le rachat et l'étalement de leurs crédits à la consommation, et même leur transformation en prêt hypothécaire à quinze ans.

Nous serions coupables si nous laissions les choses en l'état. Les associations de consommateurs, le Médiateur de la République, le Haut-commissaire aux solidarités actives, tous réclament un encadrement du crédit à la consommation. Cela fait des années qu'avec le groupe de l'Union centriste, je réclame une responsabilisation des organismes de crédit à la consommation. C'est le sens des amendements que nous avons déposés sur les lois de 2003 relatives à la sécurité financière et à la rénovation urbaine, ainsi que sur la loi de cohésion sociale de 2004. La commission de surendettement aurait pu saisir le juge afin d'obtenir le prononcé d'office de l'effacement total de la dette ou, à tout le moins, la déchéance des intérêts des dettes contractées, chaque fois que le créancier aurait manqué à ses obligations légales d'information, que le contrat aurait comporté des clauses abusives ou que le débiteur aurait été victime d'un abus de faiblesse, d'une tromperie ou d'une falsification. Une telle disposition, qui a d'ailleurs été adoptée en première lecture avant de disparaître dans la navette, aurait été bienvenue pour lutter contre les crédits accordés sur des fondements abusifs.

De façon plus générale, il apparait nécessaire de réglementer la publicité et de renforcer l'obligation pour les sociétés de crédit de vérifier en détail la solvabilité des emprunteurs. Tel est l'objet des deux propositions de loi qui ont récemment été déposées sur le bureau du Sénat, celle de M. Marini et la nôtre. Nous proposons d'exiger des établissements de crédit qu'ils vérifient la situation financière des souscripteurs, et de leur donner les moyens de le faire. A défaut de vérification sérieuse de la situation financière du souscripteur, les organismes de crédit pourraient être tenus pour responsables de l'insolvabilité de leur client et ne pourraient pas engager de procédures de recouvrement contre lui. Les emprunteurs aussi doivent être responsabilisés. C'est pourquoi nous entendons mettre en place un délai de réflexion de sept jours et imposer aux établissements de crédit de faire figurer un avertissement bien visible alertant sur les risques du surendettement.

Pour donner aux organismes de crédit les moyens de remplir ces obligations, nous proposons de créer un répertoire national des crédits aux particuliers pour les besoins non professionnels. Souhaité par les établissements eux-mêmes, cet outil serait de consultation obligatoire.

Je suis heureux que la proposition de loi de notre collègue Marini ait eu un grand retentissement médiatique qui a sans doute sensibilisé l'opinion au problème du surendettement. Il ne reste plus qu'à espérer que, fort de ces initiatives convergentes, une nouvelle législation voie le jour, susceptible de nous prémunir contre de nouvelles et douloureuses situations de surendettement. C'est mon voeu le plus cher. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Nous nous étonnons chaque jour de voir coexister des richesses incommensurables et des détresses insoutenables. Je remercie la Conférence des Présidents d'avoir inscrit à l'ordre du jour ce débat sur le problème alarmant du surendettement.

Le nombre de familles surendettées en France augmente sans cesse : elles sont aujourd'hui 3,5 millions, soit 15 % de la population. Le surendettement était jadis une exception et un sujet de romans : nous avons tous en tête César Birotteau. Alors, on ne prêtait qu'aux plus aisés, et les crédits étaient généralement gagés sur des biens immobiliers. Aujourd'hui, les choses ont changé. Les banques rechignent à prêter depuis le début de la crise financière, mais elles multiplient pourtant les crédits revolving qui s'étendent comme les métastases d'un cancer financier sur tout le corps social. Ces formules, qui se sont insidieusement imposées comme des outils normaux de gestion du budget familial, induisent la spirale infernale du surendettement.

La publicité mensongère est largement responsable de ce fléau : elle cherche à persuader que les organismes de crédit n'agissent que par compassion envers ceux qui ont besoin d'argent ; elle laisse penser aux consommateurs qu'ils seront libres de choisir les modalités de remboursement d'un prêt réputé avantageux. En réalité, les opérateurs bancaires ne peuvent s'engager sur un taux d'intérêt qui varie en fonction des situations particulières.

Ennemis numéro un des consommateurs fragiles, ces banques cherchent même à les détrousser sur les lieux de vente, où les crédits sont accordés au forceps par des vendeurs intéressés au nombre et au montant des ventes à crédit conclues. Profitant des travers de notre société où l'on veut tout, tout de suite, à n'importe quel prix, ils se font vendeurs de rêves et d'illusions, sans garde-fou ni recours. Trop souvent, le taux effectif global annuel du crédit n'apparaît pas, ou apparaît en caractères minuscules : ce qui est affiché, c'est un taux mensuel beaucoup plus séduisant. Le contractant entre alors dans un engrenage infernal, qui le contraint à s'endetter pour acquérir non plus le superflu mais l'indispensable, et fait de lui un débiteur permanent.

Ainsi, le vieil adage selon lequel on ne prête qu'aux riches est inversé : c'est désormais aux plus démunis que l'on fait miroiter les merveilles de la société de consommation grâce aux crédits revolving. Les familles monoparentales et les retraités aux faibles revenus sont les premiers touchés. Ils n'ont pas les compétences juridiques nécessaires pour lire les contrats et n'ont pas facilement accès au conseil des hommes de loi. Selon un rapport du Conseil économique et social, plus des deux tiers des personnes surendettées vivent seules ; on compte parmi elles 55 % d'employés ou d'ouvriers, 36 % de chômeurs ou d'inactifs ; enfin, 92 % des surendettés ne possèdent aucun patrimoine immobilier.

Mais les opérateurs bancaires ne sont pas les seuls à sévir : certaines grandes surfaces ont adopté des démarches commerciales tout aussi pernicieuses en délivrant leurs propres cartes de crédit, ou en instaurant un système d'achat où l'acquéreur ne débourse dans l'immédiat qu'une fraction du prix et acquitte le reste grâce à un crédit revolving. L'objectif recherché est que le contractant n'ait jamais conscience des sommes qu'il emprunte.

J'ai pleinement souscrit aux lois Neiertz et Borloo qui visaient à protéger les populations les plus fragiles et à leur donner une deuxième chance. Mais les dispositifs existants sont devenus inopérants. Il est donc indispensable de réfléchir à des mesures complémentaires.

La proposition de loi de notre collègue tend à imposer quatre principes : l'encadrement des conditions de publicité du crédit à la consommation, l'information exhaustive de l'emprunteur avant toute conclusion d'une opération de crédit, la responsabilisation des établissements de crédit et l'encadrement des nouvelles formes de crédit.

Il faudrait également donner une nouvelle vigueur au dispositif de rétablissement personnel, qui n'est pas en réalité l'offre d'une deuxième chance mais seulement un moyen d'aider, trop souvent provisoirement, des personnes à bout de ressources. Le fonctionnement des commissions de rétablissement personnel doit être simplifié, le délai d'instruction de neuf mois réduit, les procédures déjudiciarisées en partie, et la notion de situation financière « irrémédiablement compromise » mieux définie.

Personne, dans cette assemblée, ne peut rester insensible au problème du surendettement : 180 000 cas sont recensés chaque année. Il faudra chercher les solutions les plus opérantes pour mettre un terme à des pratiques cyniques, donner une lumière d'espoir à ceux qui se sont perdus dans la jungle des usuriers et rendre au crédit sa vraie fonction : libérer plutôt que d'opprimer. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs du RDSE ; M. Bernard Angels applaudit aussi)

M. Charles Revet.  - Je remercie Mme Dini de nous avoir donné l'occasion de débattre de ce problème récurrent, auquel nous sommes tous confrontés dans nos permanences.

Les dispositifs actuels de lutte contre le surendettement doivent être renforcés et les procédures accélérées : actuellement, des familles continuent à être harcelées par leurs créanciers alors qu'elles attendent l'avis de la commission de rétablissement.

Mais mieux vaut prévenir que guérir. Le surendettement touche des familles pauvres, mais aussi de moins pauvres, on l'oublie trop souvent.

M. Joël Bourdin.  - C'est vrai.

M. Charles Revet.  - Il peut alors résulter soit d'un accident de la vie, soit d'un manque de vigilance dans la gestion du budget du ménage.

Je suis tout à fait favorable à ce que l'on encadre davantage l'attribution des prêts à la consommation. Mais je me concentrerai sur la prévention, sous trois aspects : la formation, l'alerte et la prévention curative.

On ne s'improvise pas chef d'entreprise ; on ne s'improvise pas non plus gestionnaire d'un budget personnel ou familial. Pourquoi donc ne pas créer un enseignement spécifique à ce sujet au cours de la scolarité ? A l'école, on apprend à lire, écrire et compter, on apprend un métier, pourquoi n'apprendrait-on pas à gérer son budget ?

M. Jean-Claude Carle.  - Très bonne proposition !

M. Charles Revet.  - J'en viens à l'alerte et à la réactivité. En général, une personne endettée essaye de payer ses dettes, puis vient le moment où elle lève le pied.

Souvent, il ne se passe rien pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, jusqu'à ce qu'une mise en demeure de payer toutes les dettes accumulées place le débiteur dans une situation intenable. Il faut donc organiser ce que j'appelle une alerte réactive pour qu'un aménagement des paiements aide la famille à passer un cap difficile, ce qu'elle ne pourra réussir si l'on tarde.

Il importe de réguler ces prêts à la consommation. Je citerai un exemple parmi des dizaines. Un jour, un habitant est venu à ma permanence pour que je l'aide à trouver un logement car il devait vendre le sien pour acquitter ses dettes. J'étais alors président d'Opac. Nous y avions élaboré le dispositif suivant : l'organisme de prêts rachète le logement pour prix de ses créances, il y maintient la famille comme locataire en attendant qu'elle puisse le racheter après retour à meilleure fortune. Ce dispositif a été appliqué. Mais l'examen de la situation que je viens d'évoquer a montré qu'en deux ans, 38 prêts à la consommation avaient été souscrits par cette famille, les mensualités cumulées atteignant le double du revenu ! Comment pourrait-elle s'en tirer ? Bien sûr, la famille est responsable, mais aussi les organismes qui accordent des prêts avec légèreté.

J'arrive ainsi au fichier positif. Je sais qu'il soulève beaucoup de réserves, mais pourquoi ce qui existe en Allemagne ou ailleurs serait-il exclu chez nous ? J'ai dû retirer en séance les amendements que j'avais déposés à ce propos. L'opposition de la Cnil a été invoquée. Or, une récente audition a montré que, malgré ses interrogations, son président estime que le Parlement doit légiférer. Des familles sont meurtries à vie car elles ne peuvent rembourser les prêts ; même le dispositif de lutte contre le surendettement ne leur permet pas de se remettre à niveau.

Il faut mettre fin aux abus manifestes commis par certains organismes de crédit ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Joël Bourdin.  - Le surendettement d'une partie des ménages n'est pas une nouveauté dans un pays dont le niveau de développement n'évite pas qu'une fraction de la population vive au-dessous du seuil de pauvreté.

Or, cette couche est devenue en quelques années une cible pour les organismes spécialisés dans les prêts à la consommation, dont les méthodes varient dans le détail autour des caractéristiques fondamentales communes.

La première caractéristique est la simplicité, puisqu'il suffit en général de téléphoner pour obtenir l'emprunt. Un simple clic d'ordinateur peut convenir. Ces organismes incitent ainsi aux achats compulsifs, qu'ils exploitent.

La deuxième caractéristique est l'existence d'un montant maximum, parfois appelé « réserve disponible », déterminé selon des critères mystérieux et qui augmente dès qu'on l'atteint. C'est bizarre, mais c'est ainsi.

La troisième caractéristique tient au harcèlement publicitaire permanent rappelant qu'il reste encore de l'argent non utilisé sur la « réserve disponible ». On peut encore faire un effort !

L'absence de prise en compte des autres engagements financiers est assez systématique. Dans tout grand magasin, on vous accorde sans discuter le crédit dont vous avez besoin pour vos achats.

La cinquième caractéristique tient au coût extrêmement élevé du crédit, de nombreuses charges et frais venant s'ajouter aux intérêts et assurances pour grever le taux effectif global (TEG). Résultat : avec une mensualité de 250 euros, le remboursement en capital peut être limité à 90 euros. Au mieux, on frise l'usure.

Enfin, les états de remboursement sont illisibles, même pour le professionnel que je suis : expert-comptable de formation, j'enseigne les finances. En examinant les dossiers, je peine à comprendre comment on en est arrivé à la situation qui m'est soumise. Les documents d'engagement sont illisibles. C'est invraisemblable !

Le surendettement conduit au crédit à la consommation, qui relève largement de pratiques peu ragoûtantes, dont les plus démunis sont victimes. Tout un chacun peut souscrire un crédit à la consommation, mais les moins initiés sont les plus vulnérables.

Il est rare qu'une personne surendettée fasse appel à un seul organisme. M. Revet vient d'évoquer le cas d'une famille cumulant 38 prêts, les mensualités de remboursement étant doubles des revenus. Le cas est extrême, mais son principe est typique : le premier qui accorde un crédit assure le chiffre d'affaires du suivant. La prolifération de ces organismes en dix ans n'est donc pas pour étonner.

Comme parlementaires, nous ne pouvons tolérer de telles dérives au détriment des plus démunis. Certes, ils doivent avoir accès au crédit, mais pas sans que l'on ait pris leur situation en compte.

Je remercie Mme Dini pour sa question et M. Marini pour sa proposition de loi, en me réjouissant d'aborder le sujet en janvier. Il est temps d'intervenir !

J'en viens au fichier positif. Je l'ai évoqué en mars 2006 dans mon Rapport d'information sur l'accès des ménages au crédit en France, présenté au nom de la délégation du Sénat à la planification, dont M. Collin est membre.

M. Yvon Collin.  - C'était un excellent rapport !

M. Joël Bourdin.  - Je suis surpris que le fichier positif n'existe pas encore. Le verrou de la Cnil a sauté. En revanche, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) est en retrait. N'y a-t-il pas du lobbying ?

Le fichier positif est une bonne chose car il est inconcevable qu'une famille doive rembourser chaque mois 38 échéances dont la somme est double de ses revenus ! Heureusement, les commissions de surendettement peuvent limiter le remboursement de certains prêteurs, mais il faut aller plus loin pour que les organismes de crédit puissent apprécier le degré de solvabilité de leurs clients. C'est le b-a-ba de la finance.

Il faudra avancer sur la question du fichier positif, même si nous devrons sans doute prendre quelques précautions.

J'ai été ravi de discuter de cette question dont nous serons appelés à reparler dans quelque temps.

M. Marini a eu raison de rappeler que la crise actuelle était due aux banques ayant accordé des prêts à des personnes qui n'avaient pas les moyens de les rembourser. Heureusement, nous n'en sommes pas là pour les crédits à la consommation, mais nous ne devons pas pour autant faire une confiance aveugle à ceux qui les distribuent. (Applaudissements à droite et au centre ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit aussi)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.  - (Applaudissements à droite) Je souhaite remercier Mme Dini d'avoir demandé ce débat et je vous félicite tous pour l'intérêt que vous portez à la vie quotidienne de nos concitoyens. Le Sénat a prouvé une nouvelle fois qu'il était capable, au-delà des clivages politiques, de faire de nombreuses propositions.

En tant que parlementaire, je m'étais beaucoup intéressé à la question du surendettement : en 2003, le Premier ministre m'avait confié une mission sur le sujet et j'avais déposé une proposition de loi en janvier 2005 qui a permis quelques avancées. Le surendettement, qui touche environ 3 % des ménages français, peut les entraîner dans le cercle infernal de l'exclusion, mais il est également un des moteurs de la croissance. Il nous revient donc de placer le curseur législatif au bon endroit. D'ailleurs, un ménage sur deux qui achète à crédit déclare qu'il n'aurait pas effectué cet achat s'il n'avait pu l'obtenir.

Les statistiques ne rendront bien sûr jamais compte des détresses individuelles. Pour autant, elles sont utiles pour guider l'action publique. Le nombre des ménages ayant des difficultés pour rembourser leurs dettes est en cours d'évaluation par TNS Sofres pour l'Observatoire des crédits aux ménages. II sera vraisemblablement élevé compte tenu de la conjoncture actuelle. Les chiffres du surendettement publiés par la Banque de France montrent que le nombre de dossiers de surendettement n'a pas progressé sensiblement depuis un an : + 1,3 % durant les onze premiers mois de l'année. Je me garde bien entendu de tout triomphalisme car la crise aura sûrement un impact sur les chiffres de surendettement. Quand les difficultés apparaissent, la recherche de solutions dans le cadre des commissions de surendettement est de loin préférable à l'isolement de personnes confrontées à la dégradation de leur situation. Tous les ans, près de 155 000 dossiers de surendettement sont déclarés éligibles auprès de la Banque de France. Comme l'a souligné Mme Dini, l'enquête triennale de la Banque de France sur le surendettement parue en septembre montre que les trois quarts des dossiers sont dus aux accidents de la vie.

La Banque de France réalise un baromètre trimestriel du surendettement qui fournit des informations statistiques d'autant plus utiles que le Gouvernement est particulièrement attentif à son évolution.

Pour prévenir le surendettement, il faut d'abord une distribution du crédit responsable. En France, tous les organismes concernés sont contrôlés par la Commission bancaire, ce qui explique que nous n'ayons pas connu les dérives des subprimes américaines.

Pour autant, contrairement à ce que propose M. Marini, je ne crois pas qu'il faille réduire l'accès au crédit, en interdisant, par exemple, sa distribution sur le lieu de vente. Si nous empêchions les grandes surfaces ou les concessionnaires de le faire, les consommateurs n'auraient qu'à traverser la rue pour s'adresser au premier établissement bancaire venu.

Le crédit à la consommation est utile et nécessaire. En outre, c'est un produit populaire puisque neuf millions de ménages en ont contracté un. Il permet de réaliser des achats autrement inenvisageables, de faire face à des dépenses urgentes ou à des coups durs. Comme le dit M. Marini, dans la conjoncture actuelle, nous avons besoin d'un crédit plus responsable. Notre effort doit tout particulièrement porter sur le crédit revolving.

Avec Mme Lagarde, nous avons réinstallé le Comité consultatif du secteur financier et nous lui avons fixé comme priorité de faire des propositions en matière de crédit revolving. Son rapport sera présenté demain. Pour la première fois, les pratiques de distribution de tous les crédits renouvelables sont analysées et des propositions concrètes sont présentées.

Le Président de la République, qui s'est rendu dans l'Oise il y a quelques jours, a demandé à Mme Lagarde et à M. Hirsch d'avancer sur ces questions. Demain, ils réuniront divers responsables de ce secteur, dont certains parlementaires, pour travailler sur un projet de loi sur le crédit à la consommation. La transposition de la directive sur le crédit à la consommation, prévue au début de l'année prochaine, va permettre de refonder notre droit en la matière.

Nous devrons aussi réguler la publicité en matière de crédit renouvelable car elle est trop agressive. Depuis une vingtaine d'années, l'encadrement par la loi n'a pas donné les résultats escomptés, et pourtant nous n'avons pas lésiné sur les mesures législatives. Nous devrons trouver des moyens réellement efficaces : M. le rapporteur général a fait des propositions intéressantes dont nous devrons nous inspirer.

Le crédit est un acte qui engage : on ne doit pas pouvoir entrer dans le crédit sans s'en rendre compte. Il convient donc de réfléchir aux garde-fous à mettre en place afin que les consommateurs soient conscients qu'ils s'engagent sur plusieurs années. Enfin, il faut mettre un terme aux sollicitations et démarchages trop agressifs. Je suis favorable à un amortissement minimum du capital en matière de crédit renouvelable. Mme Dini et M. Marini ont évoqué la responsabilité du prêteur. La directive prévoit un devoir d'explication et une obligation d'évaluer la solvabilité des emprunteurs. Le débat parlementaire nous permettra d'avancer.

Voilà les sujets que nous aborderons demain en vue de la préparation d'un projet de loi pour refonder le droit du crédit à la consommation.

Un certain nombre d'entre vous a évoqué la question des fichiers.

Député, j'avais moi-même déposé une proposition de loi et signé plusieurs amendements en faveur d'un fichier positif. Ce n'est pas la realpolitik gouvernementale mais divers éléments d'analyse qui m'ont conduit à revoir ma position. En effet, les principaux intéressés sont résolument opposés à un tel fichier, à commencer par les associations de consommateurs et la Cnil. Les exemples étrangers ne sont pas probants : la création d'une centrale en Belgique n'a pas permis de réduire le surendettement. Enfin, au moment où nous cherchons à simplifier les procédures administratives, faut-il ficher tous les Français alors qu'ils ne sont que 3 % à être concernés ?

Le Gouvernement n'est pas inactif pour autant : nous accélérons la réforme en profondeur du fichier des incidents de remboursement des crédits.

M. Joël Bourdin.  - Ce n'est pas pareil !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Il s'écoule aujourd'hui six mois entre la déclaration d'un incident de remboursement à la Banque de France et le moment où toutes les banques sont informées. En six mois, la situation peut considérablement s'aggraver...

M. Joël Bourdin.  - C'est un fichier négatif !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - M. Revet a évoqué une famille qui avait 38 emprunts à la consommation... La moyenne est de cinq crédits renouvelables.

M. Joël Bourdin.  - C'est beaucoup !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - En effet, d'autant que ces emprunts sont souvent contractés dans des délais réduits.

Mme Lagarde a demandé à la Banque de France que le FICP passe en temps réel d'ici fin 2010. Parallèlement, nous avons introduit un nouveau droit d'accès à distance aux informations du fichier, qui inscrit 2,4 millions de personnes. Chacun pourra savoir s'il y figure et connaître la durée de son inscription. En complément, nous avons demandé à la Banque de France de créer un guichet de traitement des réclamations pour les personnes qui contestent l'information contenue dans le fichier.

Deuxième pilier de notre politique : le traitement du surendettement. Les commissions de surendettement, réparties sur tout le territoire, en sont la colonne vertébrale. Avec Mme Lagarde, j'ai mesuré le savoir-faire développé localement pour accompagner les personnes en difficulté. Cette décentralisation permet l'innovation, mais est aussi source d'inégalité car chaque commission traite de questions importantes, comme le calcul du reste à vivre, à sa façon. Mme Lagarde a donc demandé au gouverneur de la Banque de France de mettre en place un mécanisme de « respiration » des commissions : la Banque de France organisera chaque année des réunions thématiques régionales avec les commissions afin de dégager et diffuser les meilleures pratiques.

L'enquête triennale de la Banque de France publiée en septembre tire un premier bilan encourageant des procédures de rétablissement personnel créées par la loi du 1er août 2003. Cette forme de faillite civile a pour la première fois permis au juge de prononcer la vente des actifs et l'effacement total des dettes restantes de personnes dont la situation financière est irrémédiablement compromise. Fin 2007, 102 470 dossiers, soit 17 % des dossiers de surendettement, avaient été orientés vers cette procédure. Avant la réforme, ces personnes seraient allées de commission en commission, de plans de remboursement en plans de remboursement impossibles à honorer... Avec la procédure de rétablissement personnel, il existe désormais une issue.

A la suite du rapport Guinchard, le ministère de la justice réfléchit à une meilleure répartition des compétences entre le juge et les commissions de surendettement. Toute accélération des procédures irait dans le bon sens. Pour autant, le ministère de l'économie sera très attentif. Les commissions de surendettement sont les plus à même de porter un diagnostic juste sur la situation économique et sociale des personnes surendettées, mais c'est le juge qui apporte à la procédure de rétablissement personnel sa force et sa sécurité juridique. Le débat doit se poursuivre pour accompagner la montée en puissance de cette procédure.

Nous devons enfin nous préoccuper du rebond des personnes qui ont connu des difficultés d'endettement. La durée d'inscription au FICP pour les personnes en procédure de rétablissement personnel sera réduite de huit à cinq ans, et de dix à cinq ans pour les personnes engagées dans un plan de remboursement. En cas d'incident de remboursement, l'inscription sera prolongée, mais ne pourra dépasser dix ans. Ce raccourcissement des durées permettra de retrouver plus rapidement accès au crédit une fois les difficultés surmontées. Un incident de paiement ne doit pas condamner à l'exclusion du crédit à vie.

Entre vos propositions, la proposition de loi de M. Marini, la transposition de la directive, le rapport du Comité consultatif des services financiers et les travaux demandés par le Président de la République sur le crédit revolving, le Gouvernement a l'opportunité d'avancer sur le sujet. Le Parlement, et en particulier le Sénat, sera bien entendu associé. (Applaudissements à droite)

Conférence des Présidents

Mme la présidente. - Voici les conclusions de la Conférence des Présidents sur l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat.

JEUDI 11 DÉCEMBRE 2008

A 9 heures 30 :

1°) Projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

A 15 heures et le soir :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement.

3°) Suite de l'ordre du jour du matin.

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 12 DÉCEMBRE 2008

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

Suite du projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

MARDI 16 DÉCEMBRE 2008

A 10 heures :

1°) Dix-huit questions orales :

A 16 heures :

2°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement.

3°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement.

4°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant.

5°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne.

La Conférence des Présidents a décidé que ces quatre projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.

6°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Tadjikistan, d'autre par.

7°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces.

8°) Projet de loi autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais.

9°) Projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais.

10°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou.

11°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe.

Pour ces six projets de loi, la Conférence des Présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée.

A 17 heures et le soir :

12°) Projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale. (Urgence déclarée)

A partir de 18 heures :

Désignation des vingt-cinq membres de l'Observatoire de la décentralisation.

MERCREDI 17 DÉCEMBRE 2008

A 16 heures :

1°) Suite du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.

A 21 heures 30 :

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2009.

JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

A 9 heures 30 :

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2008.

A 15 heures et le soir :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement.

3°) Suite de l'ordre du jour du matin.

VENDREDI 19 DÉCEMBRE 2008

A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

ÉVENTUELLEMENT, SAMEDI 20 DÉCEMBRE 2008

A 9 heures 30 et à 15 heures :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2008.

LUNDI 22 DÉCEMBRE 2008

A 15 heures et, éventuellement, le soir :

- Navettes diverses.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, présentée par M. Jean-Claude Carle et plusieurs de ses collègues du groupe UMP.

Discussion générale

M. Jean-Claude Carle, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires culturelles.  - Depuis son adoption par une nuit de juillet 2004, l'article 89 a éveillé bien des passions. Certains y ont vu une attaque rampante contre la parité, d'autres une remise en cause de la laïcité. Le temps est venu d'apporter un peu de clarté et de sérénité dans ces débats sans fin. Je remercie M. Détraigne, auteur d'une proposition de loi très semblable, d'avoir accepté de cosigner ce texte.

La guerre scolaire est terminée : nous ne sommes plus à l'époque où l'école des bons pères et celle des hussards noirs de la République se livraient un combat sans merci ! Aussi, le vieil adage « à école privée, fonds privés ; à école publique, fonds publics » n'a-t-il plus grande pertinence. Car si les écoles privées sous contrat perçoivent des fonds publics, c'est parce qu'elles remplissent des missions de service public et qu'elles délivrent un enseignement placé sous le contrôle de l'État. Qui pourrait encore en douter ? Il y a vingt ans, l'enseignement privé était encore largement confessionnel ; aujourd'hui, nombreux sont les parents qui inscrivent leurs enfants dans les écoles privées non plus pour des raisons philosophiques ou religieuses mais parce qu'ils apprécient la pédagogie qui y est proposée.

Je suis viscéralement attaché à ces deux principes fondamentaux : la liberté de l'enseignement et la parité entre le public et le privé.

La liberté de l'enseignement offre aux parents un véritable choix entre des formes de pédagogie différentes, dans le respect de la liberté de conscience. C'est l'article premier de la loi Debré : « L'établissement [sous contrat], tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants, sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances, y ont accès ». Mais cette liberté a comme corollaire que nous acceptions tous de prendre en charge notre part des dépenses qui lui sont liées. Que nous soyons maires d'une commune de résidence, d'une commune d'accueil, qu'il y ait ou non sur notre territoire une école publique ou une école privée, nous devons tous participer à l'exercice de cette liberté fondamentale !

Il reste cependant, monsieur le ministre, à préciser l'étendue de ces obligations. Ce texte clarifie celles qui pèsent sur les communes de résidence ; pouvez-vous nous préciser les dépenses qui entrent dans le calcul du forfait ? Les investissements n'y entrent pas, nous confirmez-vous que leur statut est inchangé ?

Le principe de parité garantit que les élèves du public et du privé sous contrat seront traités de manière égale. Le Conseil constitutionnel a garanti successivement les droits de l'enseignement privé, puis de l'enseignement public. Le public et le privé sous contrat ont toute leur place dans notre système d'enseignement : le temps de la sérénité est venu, nous le démontrerons en apportant un peu de clarté au régime de financement des écoles élémentaires sous contrat.

En présentant son amendement qui allait devenir l'article 89 de la loi du 13 août 2004, M. Charasse déclarait ceci dans notre hémicycle : « A partir du moment où, quoi que l'on en pense sur le fond, on a voulu, à travers les conventions, aligner complètement enseignement public et enseignement privé, je suggère tout simplement que les règles de participation des communes à la scolarisation des enfants dans les écoles privées soient les mêmes que si les enfants sont scolarisés dans les écoles publiques. ». Le Sénat suivait notre collègue, avec l'avis favorable du Gouvernement, représenté par M. Copé.

Pour des raisons techniques, cette volonté s'est perdue dans des sables rédactionnels, contraignant ainsi l'État à une construction juridique complexe pour redonner à l'article 89 son sens originel : celui d'une disposition paritaire alignant le régime applicable au privé sous contrat sur celui de l'enseignement public.

Je vous propose aujourd'hui de graver cette parité dans la loi. L'article premier définit un principe simple : une commune de résidence n'aura jamais à prendre en charge les dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation dans le privé sous contrat d'un élève dans un cas où elle n'aurait pas dû le faire pour un élève scolarisé dans le public. Une commune de résidence n'aura à acquitter cette contribution pour un élève du privé sous contrat que si l'une de ces quatre conditions est remplie : si elle ne dispose pas des capacités d'accueil dans l'école publique de sa commune ; si les obligations professionnelles des parents imposent la scolarisation dans une autre commune, sans que la commune de résidence n'ait organisé de service de garde ni de service de restauration ; si des raisons médicales imposent la scolarisation de l'enfant dans une autre commune ; enfin, si le frère ou la soeur de l'enfant est déjà scolarisé dans cette autre commune.

Ces conditions sont les mêmes que pour le public, à cette exception près : l'accord du maire n'a pas à être recherché pour l'inscription dans le privé, alors qu'il doit l'être pour le public. Certains l'ont regretté ; cependant, l'accord préalable ne serait pas conforme à la Constitution puisque le Conseil constitutionnel, en 1985, a jugé que l'exercice effectif de la liberté de l'enseignement ne pouvait pas être soumis à l'accord préalable d'une quelconque autorité locale ; ensuite, l'information du maire est déjà prévue par le code de l'éducation, nul n'est besoin d'un accord préalable ; enfin, la commune n'étant pas obligée de financer la scolarisation dans le privé hors des quatre cas précités, il n'y a pas lieu d'étendre au privé l'accord du maire, car cet accord est lié dans le public à une obligation de financer.

Je vous propose un régime autonome, respectueux de la singularité de l'enseignement sous contrat, et paritaire, où le public et le privé sont traités de manière égale. Chaque partie y gagnera : les maires sauront dans quels cas verser la contribution légale ; les établissements pourront compter que les financements leur seront effectivement versés. Actuellement, les circulaires sont claires mais leur contestation latente entretient l'insécurité juridique. La position du ministère, conforme à l'intention du législateur n'a pas été invalidée en justice. Le Conseil d'État a annulé la première circulaire d'application pour un motif de pure forme. Quant aux tribunaux administratifs, ils n'ont jamais eu à connaître que de délibérations manifestement illégales des conseils municipaux, pour refus d'appliquer la loi ou bien pour exigence d'un accord préalable du maire.

Je vous propose donc de dissiper l'insécurité juridique qui règne encore et de consacrer le principe d'un traitement paritaire du public et du privé.

Cela suppose de garantir aux établissements sous contrat qu'ils ne seront plus victimes de refus de paiement : l'article 2 prévoit, en cas de conflit, une intervention préfectorale dans un délai de trois mois. Quant à l'article 3, il supprime, par coordination, des dispositions actuelles.

L'histoire de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 commence en 1985. Le Sénat avait souhaité alors poser le principe d'une participation de la commune de résidence au financement du privé, en confiant au préfet le soin de trancher les éventuels conflits. Notre regretté collègue Paul Séramy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, soulignait alors que l'absence de recours possible à un arbitrage inciterait les communes à ne pas contribuer. Les faits lui ont donné raison, tout a démontré depuis combien le Gouvernement d'alors avait eu tort de refuser cet arbitrage préfectoral : je vous propose de refermer ce feuilleton vieux de près de vingt-trois ans !

La commission des affaires culturelles a adopté ce texte. Il est équilibré, respectant le libre choix des familles et la stricte parité public-privé ; il est d'application aisée, grâce aux prérogatives reconnues au préfet. Je vous propose d'adopter ce texte « gagnant-gagnant » ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Le Gouvernement soutient cette proposition de loi : elle est claire, avec des solutions concrètes, pragmatiques, respectueuses de la liberté de choix des familles et qui apportent aux établissements scolaires la sécurité qu'ils demandent.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004 visait à corriger une disparité de traitement entre le public et le privé sur le financement par la commune de résidence, de la scolarité des élèves scolarisés à l'extérieur de la commune.

L'intention était louable, l'intuition était juste. Mais l'application a donné lieu à diverses interprétations... Finalement, un accord a été signé en 2006 entre le secrétaire général de l'enseignement catholique, l'Association des maires de France (AMF) et le ministère de l'intérieur. La loi préservait bien sûr la parité entre public et privé, telle qu'elle a été posée dans la loi Debré de 1959 et jamais remise en cause depuis lors.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Hélas !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Le compromis a été repris dans la circulaire de septembre 2007. A présent, votre collègue vous propose d'ancrer les principes du compromis et de la circulaire dans la loi. On ne peut que s'en féliciter car il n'est pas souhaitable que les difficultés d'application rencontrées par les maires soient tranchées par le juge, alors même que des solutions existent.

Le compromis de 2006 a inspiré les auteurs de cette proposition qui prend en compte les réalités concrètes. La loi Debré prévoyait de financer dans les mêmes conditions le privé sous contrat et le public. C'est en s'appuyant sur ce principe incontestable que le Sénat avait adopté l'article 89, qui hélas n'a pas résolu le cas des élèves non résidents et qui est apparu imprécis et insuffisamment en phase avec les règles applicables au public.

La proposition le réaffirme : la commune de résidence sera obligée de financer un élève scolarisé dans le privé à l'extérieur de son territoire uniquement dans les cas prévus pour les écoles publiques. En revanche, ainsi que l'a fait remarquer M. de Raincourt, ni l'investissement dans l'école ni les amortissements comptables ou financiers ne figurent dans le forfait. La commune de résidence participera obligatoirement à cette dépense si elle ne dispose pas de capacités d'accueil sur son territoire, ou si l'élève est scolarisé à l'extérieur de la commune pour les motifs contraignants déjà mentionnés par le rapporteur.

Cette proposition de loi répond pleinement aux préoccupations des maires soucieux de préserver le réseau des écoles publiques, notamment en milieu rural. Les règles qui s'appliqueront à leur commune seront claires désormais, dans le respect de la parité. Aux établissements privés, le texte apporte également une garantie, un champ d'application bien délimité et incontestable. Le préfet pourra être saisi en cas de différend entre une commune et une école privée. Il disposera de trois mois pour faire connaître sa position ; alors seulement un recours contentieux pourra être engagé. Tout est fait pour éviter les contentieux. Je suis convaincu que cette proposition règlera définitivement les questions soulevées par l'article 89 et que, dans un esprit républicain, vous serez nombreux à la voter. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yannick Bodin.  - La laïcité est un fondement de notre République et un principe qui a guidé toute l'organisation du service public de l'éducation. En 1984, le gouvernement Mauroy avait voulu mettre en place un grand service unifié. L'opinion publique, hélas !, n'était pas prête à l'accepter.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Seulement les réacs !

M. Yannick Bodin.  - En 2004, l'égalité entre les établissements publics et privés sous contrat était rompue par l'adoption du fameux article 89, qui a remis en cause la laïcité comme fondement de l'organisation de l'enseignement scolaire. La participation forfaitaire des communes ne tient aucun compte des cas d'obligation et d'exonération prévus par l'article L. 212-8 du code de l'éducation. Une « possibilité » de contribution est devenue obligatoire !

Les conséquences sont lourdes pour les petites communes rurales, contraintes de financer l'école privée d'une autre commune, parfois au détriment du maintien de classes ou d'une école publique sur leur propre territoire ! Cet article pose également des problèmes d'équité entre les établissements publics et privés sous contrat. En 2004, l'enseignement privé n'accueillait que 17 % des élèves, mais disposait déjà de 20 % des postes d'enseignants. Et voilà que le déséquilibre s'accentue encore.

Il y a aussi le coût. Le mécanisme s'applique potentiellement à environ 120 000 élèves. Le forfait annuel s'élevant à 400 ou 500 euros, le coût total atteindrait 60 millions d'euros, selon l'AMF. Les petites communes, exsangues, sont celles qui ont subi la plus forte augmentation des charges. De nombreux élus, de toute sensibilité politique, se sont émus du profond déséquilibre ainsi créé. Et des contentieux ont surgi, entre des communes et des établissements privés, entre des communes et des préfets.

Ainsi, l'Union des maires de la Seine-et-Marne, dont je salue le président, (M. Michel Houel sourit) a unanimement appelé les communes à refuser de payer et a répété son conseil à chaque congrès annuel. Les organisations syndicales, opposées à ce texte, ont déposé un recours devant le Conseil d'État contre la circulaire de décembre 2005. Le Conseil l'a annulée en 2007 pour vice de forme. Une nouvelle circulaire, adoptée en août 2007, a fait l'objet d'un nouveau recours. Le feuilleton aurait pu continuer longtemps...

Une loi était donc nécessaire, pour apaiser le climat. La proposition de loi Todeschini visait donc à abroger purement et simplement l'article 89. Pourquoi en effet accorder à l'enseignement privé des droits nouveaux, qui sont soumis à des conditions restrictives lorsqu'ils s'appliquent à des établissements publics ? L'égalité entre l'enseignement public et l'enseignement privé étant rompue, la braise qui couvait sous le foyer de la guerre scolaire risquait de s'enflammer à nouveau. Il ne faut pas jouer avec le feu...

L'hostilité de la majorité sénatoriale m'avait alors incité à appeler à un texte de compromis, pour mettre un terme à une situation devenue ingérable pour tous. Une année supplémentaire s'est écoulée : ce fut une année supplémentaire d'incertitude pour les élus locaux. Le statu quo n'était pas viable. Le Gouvernement ne bougeant pas, le Parlement a pris l'initiative.

Le texte est le résultat d'un compromis. En supprimant l'article 89, il rétablit une égalité entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat, en utilisant les mêmes critères que ceux posés par l'article L. 212-8 du code de l'éducation. L'égalité est rétablie. J'émettrai cependant quelques réserves. Il y aura des difficultés sérieuses pour les communes qui n'ont pas d'écoles publiques sur leur territoire

Je pense en particulier au Grand Ouest : je suggère des solutions ad hoc pour que des communes ne soient pas pénalisées. Notre objectif n'est pas de rallumer la guerre scolaire. La plupart des grandes organisations se sont déclarées plutôt favorables. Le Comité national d'action laïque note avec satisfaction que la proposition de loi reprend sa propre analyse, même s'il indique que le texte ne peut le satisfaire entièrement. L'Association des maires de France a souhaité qu'il soit rapidement adopté : elle s'était fortement investie, n'hésitant pas à déférer les circulaires ministérielles au Conseil d'État. Sa volonté d'arriver à un accord en a fait l'un des inspirateurs de la proposition. Nous ne sommes pas insensibles à la recherche d'un compromis, aussi donnerons-nous notre accord à ce texte afin de lever les difficultés des communes et de préserver la paix scolaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - La guerre scolaire ?

M. Yves Détraigne.  - Je ne peux que me réjouir de notre débat et espérer que l'Assemblée nationale examinera bientôt ce texte, non parce que j'en suis cosignataire mais parce qu'il règle un problème qui dure depuis plusieurs années et sur lequel j'ai attiré l'attention par une question écrite dès février 2005. J'ai ensuite déposé des amendements à la loi d'orientation pour l'école, en mars suivant, puis j'ai été reçu au ministère de l'éducation par M. de Robien en janvier 2006, avant de déposer une proposition de loi en février suivant, une initiative renouvelée en octobre 2008. Je remercie donc M. Carle qui nous propose de mettre un terme à cette course d'obstacles par une proposition de loi à laquelle il a bien voulu m'associer. Le 28 février, le tribunal administratif de Dijon a annulé une délibération municipale de Semur-en-Brionnais refusant de prendre en charge les frais de scolarité d'enfants inscrits dans une école privée située sur le territoire d'une école voisine. Le commissaire du Gouvernement avait relevé que l'obligation de prise en charge s'imposait plus pour les enfants scolarisés dans le privé que dans le public. M. Carle tient ainsi l'engagement qu'il avait pris en février lors de l'examen de la proposition de loi de M. Todeschini et de la mienne.

Au fil de ces quatre années de débat, il n'a pas été question de rallumer la guerre scolaire : mon souhait était que le législateur prenne ses responsabilités et qu'un texte équilibré assure une véritable parité. Il n'est pas normal que les communes assurent les frais de fonctionnement d'une école désertée et doivent contribuer à la scolarisation d'enfants sur le territoire d'autres communes.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Voilà le scandale !

M. Yves Détraigne.  - Je ne pense pas, malgré les inquiétudes de certains parents, qu'il y ait de recul. Au contraire, car des communes refusaient de payer et qu'il y avait des situations d'attente. Cette proposition de loi, qui s'inscrit dans le compromis intervenu entre l'Association des maires de France, l'enseignement catholique et l'Intérieur clarifiera les choses. Autant il était contestable qu'une commune de résidence soit totalement exonérée des frais de scolarisation dans une école privée d'une autre commune, autant il est inéquitable qu'elle y soit tenue quelles que soient les circonstances. Celles qui sont retenues pour l'enseignement public sont acceptées depuis des années ; en les étendant aux écoles privées, on met fin aux conflits et l'on rétablit la parité.

Nous partageons cette approche. Pour être acceptée, une réforme doit être équitable. La proposition de loi rétablit l'équité, elle sera donc comprise et appliquée. Nous la voterons. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Voici la deuxième fois cette année que nous débattons de l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Ce débat, mon groupe l'a porté à plusieurs reprises, et d'abord avec la proposition de loi que Mme David avait déposée en 2005 à la suite de nombreuses auditions. Cet article a en effet introduit une véritable différence de traitement entre écoles publiques et privées, mais la majorité et le Gouvernement nous ont à chaque fois opposé une fin de non-recevoir. En février encore, le rapporteur nous expliquait que notre interprétation ne pouvait être retenue, qu'il était urgent d'attendre la décision du Conseil d'État sur la deuxième circulaire d'application et qu'il était inutile de mettre en cause un compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré.

Le juge administratif ne s'est pas prononcé et nous sommes pourtant réunis à son initiative pour abroger l'article 89. Que de temps perdu...

La question est loin de faire l'objet d'un large accord et le compromis « juridiquement fondé et politiquement équilibré » intervenu entre l'Association des maires de France et l'enseignement catholique sous l'égide de M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, n'a jamais eu force de loi et il ne réglait pas les divergences d'interprétation !

En revanche, le tribunal administratif de Dijon a bel et bien annulé une délibération municipale de Semur-en-Brionnais refusant de participer aux frais de scolarisation d'enfants inscrits dans une école privée d'une autre commune. La première excipait de l'absence d'accord préalable de son maire et de l'existence d'un service de garderie et de cantine mais la juridiction administrative lui a donné tort : la notion de capacités d'accueil ne peut être retenue puisque les établissements privés ne sont pas soumis à la carte scolaire. Il ne s'agit pas là d'inquiétudes mais de réelles divergences d'interprétation.

Votre démarche est guidée par un souci de clarification. Vous proposez d'abroger l'article 89, comme mon groupe le demandait depuis le début. Dont acte ! Pour autant, le nouveau système de financement ne nous satisfait pas pleinement. En dépit de vos explications, vous ne retenez pas les modalités de financement prévues pour le public par l'article 212-8 du code de l'éducation. La notion de contraintes n'apparaît pas, d'où l'un de nos amendements, et les parents ne sont pas tenus de présenter une demande à l'approbation du conseil municipal. Votre texte ne règle pas plus le cas des regroupements pédagogiques intercommunaux : la commune qui se bat pour faire vivre l'enseignement public, sinon sur son territoire du moins à proximité, subira-t-elle la double peine en devant financer des scolarisations dans des écoles privées ? On ne peut ignorer une telle question au moment où les restrictions budgétaires atteignent des niveaux sans précédent, où l'on supprime la carte scolaire et où l'on veut généraliser l'autonomie des établissements. Quid des efforts des communes pour faire vivre le service public, dont l'école gratuite et laïque ? Où sont l'égalité et la liberté quand des écoles publiques ferment faute de moyens ? C'est que la situation n'est plus celle de 2004 : 25 000 postes ont été supprimés en deux ans, et avec quels effets pour les communes rurales !

En France, 12 000 communes ne disposent plus d'école communale et 28 % des écoles ont deux classes au plus, et la situation ne va pas en s'arrangeant. Ce surcoût sera donc préjudiciable au maintien de petites structures publiques.

Ces interrogations et inquiétudes me conduisent à émettre beaucoup de réserves sur cette proposition de loi, au point de voter contre.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Mme Colette Mélot.  - Cette proposition de loi tend à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence. Cette parité est déjà reconnue en principe, mais sa mise en oeuvre requiert le vote d'une loi.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004 visait à réaffirmer cette parité dont le principe, posé par la loi du 31 décembre 1959 dite loi Debré, ne fait plus l'objet d'aucune contestation. L'article 89 posait le principe d'une participation de chaque commune aux frais d'accueil de ses enfants scolarisés dans les écoles privées sous contrat des communes voisines. Sa justification était claire : éviter que certains maires se défaussent sur leurs voisins de leurs obligations financières. Il a limité l'incitation faite aux maires de pousser les parents à scolariser leurs enfants dans les établissements privés des communes voisines, mais n'y a pas mis fin, faute de préciser la répartition entre la commune d'origine et la commune de résidence des enfants. Une commune pouvait ainsi se trouver contrainte à les prendre en charge pour un établissement privé situé sur son territoire, alors que ces frais auraient dû incomber à la commune de résidence pour une école publique.

Pour mettre fin à ces abus, l'Association des maires de France a engagé un dialogue avec les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur. Il s'est conclu par le compromis de mai 2006 et l'édiction de deux circulaires prévoyant que « la commune de résidence doit participer au financement de l'établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d'une école publique qui accueillerait le même élève. » L'accord entre l'AMF, l'État et l'enseignement catholique a donc permis un compromis pratique qui reste juridiquement fragile tant que le principe de parité n'est défendu que par des circulaires. Il convenait donc de l'ancrer dans la loi. Tel est l'objet de cette proposition de loi.

Celle-ci soustrait les communes de résidence à l'obligation de participer aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d'un enfant dans une école privée extérieure, comme pour l'enseignement public -à condition qu'elles puissent l'accueillir dans leur propre école publique et abstraction faite des cas dérogatoires prévus par l'article L. 212-8 du code de l'éducation nationale : obligations professionnelles des parents dont la commune de résidence n'assure pas la restauration et la garde des enfants ; inscription d'un frère ou d'une soeur dans une école de la même commune ; raisons médicales. Sans mettre en cause ces dérogations, la proposition de loi de notre collègue abroge l'article 89 et définit précisément les situations dans lesquelles le financement par les communes de résidence sera obligatoire.

Ce texte est le fruit d'un long travail de la commission des affaires culturelles, d'un large consensus et d'un travail pédagogique dans lequel notre collègue Carle s'est énormément impliqué aux côtés de l'Association des maires et des ministres. Je souhaite que ce texte juste et utile soit appliqué dans les meilleurs délais. Il va de soi que le groupe UMP le votera. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Sylvie Desmarescaux.  - Cette proposition de loi a un objectif simple : clarifier les règles contenues dans l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Son intérêt est donc évident et je félicite nos collègues qui en ont pris l'initiative.

L'enseignement privé sous contrat d'association est de loin la plus importante des quatre formes d'enseignement privé existantes. Il scolarise 2,2 millions d'élèves et 17 % des effectifs totaux. Ouverte à tous, sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance, l'école privée sous contrat propose un projet éducatif adapté. La contribution financière de la commune fait vivre le pluralisme scolaire dans le cadre de la liberté de choix des familles, reconnue par la Constitution. Le dire n'est pas critiquer l'enseignement dispensé au sein de nos écoles publiques : je rends hommage à tous ceux qui, parfois dans des conditions difficiles, mettent tout en oeuvre pour apporter à nos enfants et petits-enfants un enseignement de qualité.

Je me demande encore si en votant cet amendement, nous avions conscience des débats qu'il allait susciter. Il est vrai que notre collègue Charasse l'avait présenté avec beaucoup de doigté... En souhaitant harmoniser les conditions de financement des écoles privées et publiques, on a créé un véritable paradoxe. Les maires de mon secteur des Flandres, un secteur rural, sont inquiets : nous pouvons craindre de voir les enfants de nos communes s'inscrire en école privée sous contrat d'association dans une autre ville parce que nous aurons refusé une dérogation pour convenance personnelle dans une école publique. Conséquence : la commune de résidence se voit dans l'obligation de financer l'école privée d'une ville voisine alors qu'elle n'avait pas à le faire pour l'école publique. Bien évidemment, les maires respectent le choix des parents d'inscrire leurs enfants dans une école privée d'une autre ville. Mais cela relève d'un choix personnel que les communes de résidence n'ont pas à assumer.

La proposition de loi clarifie et stabilise un cadre juridique flou. Il est bien dommage qu'il ait fallu plus de quatre ans pour y aboutir. Mais le résultat est là. Vous l'aurez compris, je voterai pour. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Serge Lagauche.  - Il y a quelques mois, le 6 février dernier très exactement, M. Carle, alors rapporteur de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de mon collègue Todeschini, affirmait qu'il n'y avait pas lieu de rouvrir le débat sur l'article 89 de la loi du 13 août 2004, en dépit des multiples initiatives parlementaires prouvant que son application posait un problème sérieux. Nous n'avons pas vu venir non plus de texte gouvernemental, pourtant un temps évoqué. A croire que le sujet n'était pas assez porteur médiatiquement...

Le ministre de l'éducation nationale a été plus prompt à transférer une part de la responsabilité de l'État en matière scolaire aux collectivités locales, avec une loi inapplicable sur le service minimum d'accueil...

M. Xavier Darcos, ministre.  - Il y avait longtemps !

M. Serge Lagauche.  - ...ou à mettre les communes devant le fait accompli du bouleversement des horaires hebdomadaires de l'école primaire qu'à résoudre cette délicate question.

Je salue donc le ralliement de notre rapporteur à la nécessité de légiférer, en regrettant juste le temps perdu : les maires attendent depuis longtemps une clarification.

Nous avons pris acte du refus de la majorité sénatoriale, comme de celle de l'Assemblée, d'abroger purement et simplement l'article 89, qui nous a été clairement signifié par le rejet de nos propositions de loi. Les groupes socialistes des deux assemblées ont saisi toutes les occasions législatives pour sortir du statu quo, en vain. Notre priorité reste de mettre fin aux désaccords d'interprétation de l'article 89, à ce flou juridique préjudiciable, par un cadre législatif juste et équilibré.

Des décisions de tribunaux, notamment l'arrêt du tribunal de Dijon, ont fragilisé un peu plus l'application de l'accord conclu entre l'Association des maires de France et le Secrétariat général de l'enseignement catholique. Quant au Conseil d'État, il n'a toujours pas statué sur le fond.

Ce flou entretient la suspicion à l'égard de certaines écoles privées, auxquelles il est reproché de bénéficier de financements publics indus. Il faut dire que certains organismes de gestion d'établissements privés semblent ignorer les modalités d'application de l'article 89 et saisissent les communes de demandes de financement pour tous les élèves scolarisés dans leurs écoles. Il est donc urgent d'instaurer un cadre législatif clair.

Cette proposition de loi y contribue ; elle présente les garanties suffisantes à une application apaisée du principe de parité. Nous sommes toutefois sensibles au risque de pression financière sur les plus petites communes et à celui de fragilisation de l'école publique en milieu rural.

Si nous comprenons tout à fait l'impression que peuvent ressentir certains maires de se trouver mis devant le fait accompli, on ne peut recevoir la demande portée par certaines associations de soumettre à l'avis du maire les dérogations pour le privé. Subordonner l'inscription dans une école privée sous contrat d'association à l'autorisation d'un élu local serait assurément inconstitutionnel.

La crainte d'une déstabilisation des petites écoles rurales a conduit notre collègue Collombat, vice-président de l'Association des maires ruraux, à déposer un amendement.

Le caractère obligatoire de la contribution serait alors subordonné à la capacité d'accueil du regroupement. Je ne doute pas que cette mesure d'équité trouvera un large écho dans notre assemblée.

Il est nécessaire de sortir rapidement de l'incertitude juridique, en adoptant un dispositif équilibré. (Applaudissements à gauche, sur certains bancs du centre ainsi que sur le banc des commissions)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Nous allons passer à la discussion des articles, tels qu'ils figurent dans les conclusions de la commission des lois.

Article premier

Dans la section 3 du chapitre II du titre IV du livre IV du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi L. 442-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-5-1. - La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d'un établissement privé du premier degré sous contrat d'association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d'accueil.

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son école publique ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider trouve son origine dans des contraintes liées :

« 1° Aux obligations professionnelles des parents, lorsqu'ils résident dans une commune qui n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;

« 2° A l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ;

« 3° A des raisons médicales.

« Lorsque la contribution n'est pas obligatoire, la commune de résidence peut participer aux frais de fonctionnement de l'établissement sans que cette participation puisse excéder par élève le montant de la contribution tel que fixé à l'alinéa suivant.

« Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d'élèves de cette commune scolarisés dans la commune d'accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil, sans que le montant de la contribution par élève puisse être supérieur au coût qu'aurait représenté pour la commune de résidence l'élève s'il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques. En l'absence d'école publique, la contribution par élève mise à la charge de chaque commune est égale au coût moyen des classes élémentaires publiques du département. »

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Cette proposition de loi vise, selon M. le rapporteur, à restaurer la sérénité des rapports entre l'école publique et l'école privée, et à clarifier l'article 89 de la loi de 2004.

Mais d'où venait le trouble ? D'un privilège exorbitant accordé aux écoles privées par un article adopté à deux heures du matin par des parlementaires noctambules, qui n'ont peut-être pas compris toutes les conséquences du texte qu'ils votaient... (Protestations sur le banc des commissions, sourires à gauche) L'auteur de cet article l'a peut-être présenté avec doigté, mais il n'avait aucunement l'intention d'accorder un privilège supplémentaire à l'école privée ! On peut déplorer sa maladresse mais non mettre en cause sa sincérité !

M. Michel Charasse.  - Merci !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Il ne subissait nullement les pressions de l'enseignement catholique ! (M. Michel Charasse le confirme) Les membres des groupes progressistes de cette assemblée...

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Progressistes !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - ...-socialistes et communistes- ont demandé l'abrogation de cette disposition qui n'était réclamée par personne, mais ils n'ont pas été entendus.

On fait une nouvelle fois entendre aux défenseurs de l'école publique la musique doucereuse des mises en garde contre la guerre scolaire afin de leur faire accepter de repousser un peu plus loin la frontière des droits de l'école privée. Ce n'est pourtant pas la gauche qui a compromis la paix scolaire mais ceux qui ont organisé délibérément la concurrence scolaire sur tout le territoire ! Tant qu'il existe des communes où il n'y a pas d'école publique, il n'est pas question qu'elles financent le transfert des élèves vers des écoles privées !

M. le rapporteur déclare que l'idée selon laquelle l'école privée doit être financée par des fonds privés et l'école publique par des fonds publics est une idée dépassée. (M. Jean-Claude Carle, rapporteur, le confirme) Qu'il permette que tous les législateurs ne soient pas de son avis ! Dans les collectivités que nous gérons, nous nous soumettons à la loi, mais nous ne voterons pas ici contre notre conscience.

Abrogeons enfin ce privilège exorbitant de l'école privée, qui nuit à la bonne organisation de l'école publique.

M. François Fortassin.  - Comme beaucoup d'autres dans cette assemblée, je suis un enfant de l'école de la République. C'est pourquoi je suis fermement attaché à la laïcité, socle des principes républicains. Tous les élus républicains se doivent de défendre et de promouvoir l'école publique. Mais je partage le souci de mes collègues de ne pas rallumer la guerre scolaire.

Etre laïque au vrai sens du terme, c'est accepter l'expression de toutes les religions, mais aussi affirmer que celle-ci doit avoir un caractère exclusivement privé. Il faut défendre la liberté de l'enseignement mais aussi respecter les principes républicains et ne pas se laisser enfermer dans un piège.

Un de nos collègues parlait avec raison de double peine. Je citerai l'exemple de cinq communes qui se sont associées pour créer un regroupement pédagogique intercommunal (RPI) doté de deux établissements. Il n'est pas normal que les communes qui n'ont pas d'école sur leur territoire mais participent au financement d'un RPI soient obligées de financer le transfert des élèves vers les écoles privées sous contrat.

Il faudra aussi prendre garde aux dérives permises par le certificat médical.

Si l'amendement du groupe socialiste est adopté, je voterai cette proposition de loi ; sinon, je m'abstiendrai.

M. le président.  - M. le ministre doit s'absenter quelques instants en raison d'une obligation urgente. Je suspens la séance pour quelques minutes.

La séance, suspendue à 19 h 25, reprend à 19 h 40.

M. Michel Charasse.  - Dans le système qui était en réalité celui de l'article 89, mais bien mieux rédigé par la version élaborée par la commission des affaires culturelles, il était admis que, lorsqu'une commune ne devait pas régler de frais pour la scolarisation d'enfants à l'école publique d'une commune voisine, elle ne devait rien payer non plus pour les enfants scolarisés à l'école privée. C'est la règle, sauf en cas de dérogation puisque les élèves partent alors sans que le maire ne puisse s'y opposer, l'exception valant aussi pour les écoles privées.

Il convient toutefois de préciser que, lorsque l'obligation financière est liée au caractère dérogatoire de la scolarisation dans un établissement privé, celui-ci ne peut en tirer un argument pour exiger quoi que ce soit pour les élèves dont la scolarisation n'est pas dérogatoire. Bref, si une commune ne doit payer que pour la scolarisation dérogatoire dans l'établissement public de la commune voisine, l'obligation est strictement identique en cas de scolarisation à l'école privée.

Vous avez eu une discussion entre vous au sujet des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI). Il faut bien être conscient qu'ils sont tous d'organisations différentes car si ce sont des ententes intercommunales au sens du code général des collectivités territoriales, chacun règle ses affaires comme il l'entend. Parfois les dépenses sont mutualisées, parfois non, et le pouvoir des maires reste entier pour la partie de l'école qui est sur son territoire. Je suggère donc qu'il soit précisé qu'un décret règlera la question des RPI, de façon à ce qu'il y ait des règles uniformes sur tout le territoire.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation :

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d'une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ou le regroupement pédagogique intercommunal dont elle fait partie ne dispose pas des capacités d'accueil nécessaires à la scolarisation de l'élève concerné dans son ou ses écoles publiques ou lorsque la fréquentation par celui-ci d'une école située sur le territoire d'une autre commune que celle où il est réputé résider est justifiée par des motifs tirés des contraintes liées :

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il convient de ne pas oublier la question des regroupements pédagogiques intercommunaux, concentrés ou non. Il ne serait pas juste que les communes qui ne disposent pas d'école sur leur territoire, mais qui participent au financement d'un RPI, se voient exclues du dispositif que vous allez mettre en place, d'autant que cette politique de regroupement a souvent été imposée par l'éducation nationale pour faire des économies. Les communes rurales qui ont fait le deuil de leur école publique seraient aujourd'hui doublement sanctionnées. Il s'agirait d'une rupture d'égalité.

La notion de capacité d'accueil doit donc aussi comprendre les RPI. Sinon, les écoles privées qui ne sont pas sous contrat bénéficieraient d'un effet d'aubaine.

En outre, les écoles publiques doivent justifier des cas de dérogations mais pas les écoles privées : quid alors de l'égalité de traitement ? Le maire, qui a un droit de regard sur l'école publique, n'en disposera pas pour les écoles privées, que celles-ci soient sur son territoire ou non !

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation, après le mot :

résidence

insérer les mots :

ou le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour les communes qui, de gré ou de force, ont été amenées à scolariser leurs enfants dans le cadre d'un RPI, nous proposons de considérer que la capacité d'accueil est celle du RPI. C'est une affaire de justice et si cet amendement n'est pas adopté, cette proposition de loi d'apaisement perdra une bonne partie de ses effets bénéfiques, car la boite de Pandore des contentieux se rouvrira. Il faut véritablement régler cette question.

Ceci dit, nous sommes d'accord avec le sous-amendement de M. Charasse.

M. le président.  - Sous-amendement n°4 à l'amendement n°2 de M. Collombat et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, présenté par M. Charasse.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°2 après le mot :

ou

insérer les mots :

, dans des conditions fixées par décret,

M. Michel Charasse.  - Je m'en suis expliqué.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 442-5-1 du code de l'éducation, après le mot :

publique

insérer les mots :

ou au sein d'un établissement privé du premier degré sous contrat d'association situé sur son territoire

M. Bruno Retailleau.  - Je félicite M. Carle pour cette proposition de loi car, depuis quatre ans, beaucoup d'élus ont dû expliquer aux petites communes rurales pourquoi elles étaient victimes d'un texte adopté à la hâte, sans mauvaise intention mais qui posait de réelles difficultés d'application. Le parallélisme des formes entre le privé et le public sera désormais rétabli.

Mon amendement est un plaidoyer en faveur des petites communes : dans certaines régions de l'ouest, il n'y a que des écoles privées sous contrat dans les petites communes.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Ce n'est pas normal !

M. Michel Charasse.  - C'est une infraction à la loi.

M. Bruno Retailleau.  - Or, on assiste à une dévitalisation de ces petites communes qui investissent pourtant dans des haltes-garderies, dans le périscolaire et dans des équipements sportifs, au profit des villes. Ceci dit, M. le rapporteur m'a convaincu qu'il fallait retirer cet amendement pour s'en tenir au strict parallélisme. (Applaudissements sur le banc des commissions)

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - La commission s'est longuement interrogée sur les RPI. Pour ceux adossés à un EPCI, la question est réglée puisque l'EPCI dispose d'une structure juridique précise. Pour les RPI qui ne sont pas adossés, on ne sait pas qui décide, qui est le président, quelles sont les responsabilités. Je souhaite donc entendre le Gouvernement avant de me prononcer.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je remercie M. Retailleau d'avoir retiré son amendement qui posait quelques difficultés. Avis défavorable à l'amendement n°3.

L'amendement de M. Collombat, sous-amendé par M. Charasse, est satisfaisant. Mais comme je suis prudent, je m'en remets à la sagesse de la Haute assemblée.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Le sous-amendement de M. Charasse réglant le problème juridique par décret, la commission est favorable à l'amendement ainsi sous-amendé. Je remercie également M. Retailleau pour son retrait : sa région connaît effectivement un problème, mais il n'est pas possible d'aller à l'encontre du libre choix de l'école, qui est une liberté constitutionnelle.

Enfin, je souhaite le retrait de l'amendement n°3 au profit de celui de M. Collombat qui est mieux rédigé.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. Adrien Gouteyron.  - Je suis heureux que nous nous préparions à voter cette proposition de loi dans la sérénité : fort heureusement, les esprits ont évolué. Les propos de M. Mélenchon me semblent un peu décalés : ils ne représentent pas la réalité de l'opinion.

Pour les RPI adossés à un EPCI, le problème juridique est réglé. Quand il n'y a pas d'EPCI, les choses sont plus compliquées et la rédaction du décret ne va pas être simple, monsieur le ministre. Si le RPI vaut pour l'enseignement public, il vaudra aussi pour l'enseignement privé, qu'on le veuille ou non. Il faut que nous mesurions bien notre vote : je voterai ce sous-amendement, mais le Gouvernement devra bien peser les mots du décret car cette affaire est compliquée et risque de nous entraîner plus loin que nous le pensons.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Avec le sous-amendement de M. Charasse, nous allons avoir la joie de vous remettre un chèque en blanc, monsieur le ministre ! Comme la proposition de loi ne suffisait pas, il faut maintenant prévoir un décret. Et tout le monde applaudit ! (Exclamations sur divers bancs) Avec une opposition de cette nature, le ministre peut dormir tranquille !

Il ne s'agit pas d'un compromis mais d'une capitulation : M. Gouteyron me dit que mon point de vue ne représente pas l'opinion majoritaire mais nous n'avons pas les moyens de le vérifier. Nombre de consciences républicaines sont blessées de devoir se taire quand, dans telle collectivité, le retrait d'un enfant d'une école publique, maintenue à bout de bras par la commune, amène à fermer ladite école, ou, quand dans certains secteurs, il n'y a pas d'école publique. J'ai l'intime conviction que l'opinion est plutôt de mon côté que de celui de ceux qui suggèrent le compromis de ce soir.

Je ne voterai naturellement pas ce texte, je ne serai pas de ces gens de gauche qui demandent à des gens de droite d'organiser la paix scolaire après l'avoir violée !

M. Jean-Claude Frécon.  - Ce décret est important, il faudra en peser les mots, mais je n'emploierai pas le vocabulaire de M. Mélenchon...

Pour les regroupements pédagogiques intercommunaux de droit, les choses seront simples, mais pour les regroupements de fait, il faudra que les communes concernées aient fait savoir officiellement leur volonté d'organiser la scolarité sous cette forme, au minimum par une délibération du conseil municipal.

M. René Garrec.  - Très bien.

M. Jean-Claude Frécon.  - Nous vous faisons confiance pour rédiger ce décret, monsieur le ministre, mais nous souhaitons que notre assemblée soit tenue au courant, par l'intermédiaire de notre rapporteur.

M. Michel Charasse.  - Je souhaiterais apaiser les choses. La création d'un regroupement pédagogique intercommunal n'est pas une décision des communes mais de l'État, responsable de l'école publique.

Mme Jacqueline Gourault.  - Pour éviter les fermetures de classes !

M. Michel Charasse.  - A cette occasion, monsieur Mélenchon, l'État doit respecter toutes les règles et tous les principes qui s'appliquent à l'école de la République ! Les modalités pratiques ne remettent pas en cause les principes.

L'entente intercommunale date de 1884 ; elle est antérieure aux premiers établissements publics, les syndicats intercommunaux à vocation unique, en 1890. L'entente intercommunale, c'est une série d'accords, de conventions passées entre les communes. Autant de regroupements pédagogiques intercommunaux, autant de règles pratiques entre les communes !

Même si l'on n'adopte pas mon sous-amendement, il y a tellement de cas particuliers que le ministre sera conduit à prendre un décret quand même ! Autant le prévoir tout de suite ! Ce décret devra concilier les principes de l'école publique avec les pratiques mises en oeuvre sur le terrain en vertu des règles qui touchent à la liberté locale. C'est à l'État de le faire.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - On le demande à la droite !

M. Michel Charasse.  - Je demande au Gouvernement qui est en place, même si ce n'est pas celui que j'aurais souhaité !

Monsieur Gouteyron, il n'y a pas de carte scolaire pour l'école privée, or le regroupement pédagogique intercommunal est un élément de la carte scolaire ! La loi Ferry, c'est une école dans chaque commune.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Allez voir en Vendée ! (M. Philippe Darniche s'émeut)

M. Michel Charasse.  - S'il n'y en a pas, c'est que l'État républicain n'a pas fait son travail.

Comment intégrer l'école privée dans le regroupement pédagogique intercommunal ? Ce serait comme installer dans une école publique une classe relevant de l'enseignement privé ! Le décret devra harmoniser les pratiques sur le territoire, sans pour autant intégrer l'école privée.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Nous avons pu travailler en commission et en séance publique avec la volonté de trouver ensemble, en toute bonne foi, une solution à un problème qui nous embarrasse tous. Quels qu'aient été les débats de nos grands ancêtres, dont les médailles ornent nos pupitres, c'est cette attitude-là qu'attendent les Français. Les regroupements pédagogiques intercommunaux qui ne sont pas adossés à des EPCI seront de moins en moins nombreux, du fait de ce décret et de l'évolution naturelle du paysage intercommunal. Je propose donc de voter ce sous-amendement et de faire confiance au Gouvernement. La commission des affaires culturelles sera néanmoins désireuse de connaître le projet de décret.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - C'est un vote de confiance au ministre !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je regrette que vous n'y participiez pas.

M. François Fortassin.  - Avec toute la courtoisie républicaine qui sied à cette assemblée, je ferai remarquer à M. Mélenchon que, malgré tout son talent, il ne me fera pas culpabiliser ! Je ne suis pas ici pour délivrer des brevets de gauche, de républicanisme ou d'européisme, et je n'accepte pas que d'autres s'en arrogent le droit. Très modestement, en politique, j'ai évité les compromissions, mais je fais en permanence des compromis. Le laïque que je suis ce soir a le sentiment d'avoir fait un compromis, qu'il peut expliquer sans problème dans son département. Je crois que nous avons fait du bon travail ; libre à d'autres de considérer que nous nous sommes couchés ! (Applaudissements à droite et au centre)

Le sous-amendement n°4 est adopté.

L'amendement n°2, sous amendé, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté, le groupe CRC-SPG votant contre.

Article 3

M. Jean-Luc Mélenchon.  - L'article 3 propose d'abroger l'article 89 de la loi de 2004.

M. Jean-Claude Frécon.  - N'était-ce pas l'article 2 ?

M. le président.  - Dans le texte adopté par la commission, c'est bien l'objet de l'article 3.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - C'est le compromis que le groupe CRC-SPG propose à l'assemblée : on enlève tout, c'était très bien avant ! Pas de compromission ! Nous voterons cet article.

L'article 3 est adopté à l'unanimité.

L'intitulé de la proposition de loi est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Jacqueline Gourault.  - Je voterai ce texte, qui est une bonne loi.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Normal, vous êtes de droite !

Mme Jacqueline Gourault.  - Non, je suis du centre. Chacun son appréciation...

Nous constatons les difficultés d'application sur le terrain.

Dans les grandes villes, il existe des écoles publiques et privées ; et quelle que soit la couleur politique des municipalités, aucun problème n'est apparu. De même dans les communes qui n'ont pas d'école, les maires versent sans difficulté une participation ailleurs à une école publique ou privée. Mais là où le maintien d'une école est menacé, des tensions apparaissent si des enfants partent dans l'école privée d'une autre commune -ou l'école publique, soit dit en passant...

Voilà donc une bonne loi, qui soulage tous les maires, quelles que soient leurs convictions. Nous pouvons être fiers de ce consensus. La clarification est bienvenue, pour les écoles publiques comme pour les écoles privées, qui sont aussi les écoles de la République.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cette proposition de loi réduit considérablement les dégâts collatéraux occasionnés par l'article 89. D'un point de vue pragmatique, elle est un vrai progrès et le groupe socialiste la votera.

Cela ne signifie pas que nous soyons satisfaits de la problématique dans laquelle ce texte nous enferme. L'article 89 partait d'un bon sentiment : pénaliser les petits malins qui se déchargent de leurs devoirs en matière d'enseignement public sur l'enseignement privé. L'amendement nocturne à l'origine de cet article ne visait nullement à affirmer un quelconque principe de parité entre école publique et école privée, comme on voudrait nous le faire croire ! Le préambule de la Constitution de 1946 précise que « l'organisation de l'enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l'État ». Il n'est pas question d'un enseignement « public ou privé gratuit à tous les degrés » ! Sur le plan pratique, je ne suis pas certain que le déséquilibre en faveur de l'enseignement privé ne subsiste pas. Il est très rare aujourd'hui que des élus s'envoient des factures par le canal préfectoral -d'autant plus rare que l'intercommunalité s'est beaucoup développée... Je crains qu'il en aille différemment entre communes de résidence et établissements scolaires à la recherche de financements. Nous verrons. En attendant, l'effort pour sortir d'un imbroglio qui empoisonne la vie des petites communes mérite d'être salué. Nous le faisons volontiers, même si nos raisons ne sont pas les vôtres.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté, le groupe CRC-SPG votant contre.

(Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 20 h 20.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 22 h 30.

Législation funéraire (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la législation funéraire.

Discussion générale

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - Parler de la mort, c'est toucher au plus intime, souvent au plus douloureux. Le texte soumis à notre examen aujourd'hui entend adapter notre législation à une profonde modification de nos rites funéraires : les services funéraires, responsables de l'organisation des obsèques, du transport du corps et de l'accompagnement des familles, occupent désormais une place essentielle et la crémation se substitue progressivement à l'ensevelissement. Je salue l'esprit de consensus et la qualité des échanges entre Parlement et Gouvernement qui ont marqué l'examen de cette proposition de loi dont le Sénat avait pris l'initiative.

Face au développement de la crémation, il fallait préciser le statut juridique des restes mortels car le corps humain, n'en resterait-il que des cendres, doit être respecté. Aussi est-il réaffirmé dans le texte que les urnes cinéraires sont inviolables au même titre que les sépultures et, partant, que leur profanation est un acte choquant et condamnable. Ce souci, compte tenu des récents événements, revêt une importance singulière... Ensuite, parce que la carte des crématoriums ne répondait pas aux besoins, certaines communes et établissements publics de coopération intercommunale devront créer des sites cinéraires dans le respect, toutefois, du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Au-delà, il convient de réaffirmer les principes juridiques et moraux qui fondent le pacte républicain. Parce que respect de la volonté des défunts et liberté des funérailles sont au coeur de notre droit funéraire, il importe d'autoriser les maires à faire procéder à la crémation du corps si le défunt en a clairement exprimé la volonté et de restreindre la procédure de « crémation administrative », selon laquelle le maire peut procéder à la crémation d'un défunt à la suite d'une reprise de sépulture aux seuls cas d'absence d'opposition connue ou attestée du défunt à la crémation. Autre principe fondamental, reconnu par la loi de 1887, le caractère public des cimetières et des sites funéraires, qui est la condition du respect de la pluralité. Ces sites doivent continuer d'être directement gérés par les communes et les EPCI, malgré la tendance contemporaine à la privatisation de la mort. De même, la délégation de la création et de la gestion des sites cinéraires doit demeurer l'exception.

Mieux encadrer les nouvelles pratiques funéraires en réaffirmant nos principes dans une société qui tend à les dissoudre, c'est ainsi que nous concilierons respect des morts et protection des vivants ! (Applaudissements)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois.  - « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »... Cette proposition, qui constitue la traduction législative des travaux que M. Hyest, président de la commission des lois, avait confiés à M. Sueur et moi-même sur la modernisation de la législation funéraire fin août 2006, a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 20 novembre dernier, vingt-neuf mois après qu'elle a connu le même sort au Sénat. Je salue, au reste, l'unanimité qui a entouré l'adoption de ce texte dans les deux chambres et préfère oublier ce long délai qui pourrait apparaître comme un blocage de la navette parlementaire qui serait de mauvais augure quand la dernière révision constitutionnelle entend revaloriser le rôle du Parlement. Quoi qu'il en soit, je me réjouis que ce texte, qui constitue un progrès pour la législation funéraire, soit définitivement adopté ce soir.

J'en viens aux modifications introduites par l'Assemblée nationale. Concernant les conditions d'exercice des opérateurs funéraires, les députés ont supprimé l'article premier créant une commission départementale des opérations funéraires au motif que celle-ci alourdissait la procédure administrative et nuirait à l'objectivité de la décision à cause de la présence de deux représentants des opérateurs funéraires en son sein. Notre objectif initial était d'accroître la vigilance de la préfecture quant au respect de la législation funéraire, notamment au moment de la demande d'habilitation. Compte tenu des engagements du Gouvernement et des progrès constatés, considérons que le but est atteint. A l'article 2, l'Assemblée nationale a restreint le bénéfice de la dispense de formation aux seuls dirigeants des régies, c'est-à-dire aux maires et présidents d'EPCI et précisé quels étaient les métiers concernés par le nouveau diplôme d'opérateur funéraire et ceux qui ne l'étaient pas, tels les porteurs et les fossoyeurs.

S'agissant des démarches des familles, le Sénat avait prévu, à l'article 6, l'instauration de devis types obligatoires dans les communes d'au moins 10 000 habitants. L'Assemblée nationale a confié à un arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales, plutôt qu'aux conseils municipaux, le soin d'élaborer ces modèles de devis et a laissé au maire, quel que soit le nombre des habitants de sa commune, le soin de définir les modalités de consultation des devis. Les députés ont également inséré deux articles additionnels relatifs aux contrats de prévoyance d'obsèques : le premier prévoit que ces contrats assurent au souscripteur un taux d'intérêt au moins égal au taux légal ; le second, la création d'un fichier national des contrats d'assurance obsèques. Sur ce dernier point, l'enjeu est de taille puisque, selon une étude récente de l'UFC-Que Choisir, près de deux millions de contrats d'assurance obsèques étaient souscrits fin 2007 et l'on ignore le nombre de contrats qui ne sont pas réclamés.

Enfin, le point le plus important : le statut et la destination des cendres. L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 9 qui énonce une obligation de respect, de dignité et de décence à l'égard des restes des personnes décédées, y compris après une crémation. A l'article 12, les députés ont étendu l'obligation de créer des sites cinéraires aux communes et EPCI de 2 000 habitants, quand le Sénat avait restreint la disposition aux communes et EPCI de 10 000 habitants. L'article 14, relatif à la destination des cendres des personnes décédées et interdisant aussi bien leur partage que leur appropriation privée, a fait l'objet de modifications plus nombreuses consistant à porter de six mois à un an la conservation transitoire de l'urne dans un crématorium, à autoriser le dépôt temporaire de l'urne dans un lieu de culte plutôt qu'au crématorium et à prévoir que les informations relatives à la destination des cendres sont conservées à la mairie de la commune de naissance, et non à la mairie du lieu de décès.

Enfin, l'article 16, relatif au schéma régional de crémation, a été supprimé, l'Assemblée nationale préférant demander, par votre intermédiaire, madame, des enquêtes plus approfondies aux préfets.

S'agissant de la conception et de la gestion des cimetières, l'article 17 permettait au maire, sur délibération du conseil municipal et après avis du conseil d'urbanisme et d'environnement, de prendre toute disposition de nature à assurer la mise en valeur architecturale et paysagère du cimetière ou site cinéraire ; l'Assemblée nationale a limité son pouvoir à la fixation des dimensions maximales des monuments mais en supprimant l'exigence d'une délibération du conseil municipal et d'un avis du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement.

L'article 18 permettait au maire de procéder à la crémation des restes exhumés en l'absence d'opposition connue ou attestée du défunt et prévoyait que les restes des personnes ayant manifesté leur opposition à la crémation devaient être distingués au sein de l'ossuaire. L'Assemblée nationale, allant au-delà du souhait du Sénat, a précisé que le maire ne pourrait y faire procéder en cas d'opposition présumée du défunt. Elle a ajouté un article additionnel créant une police spéciale des monuments funéraires menaçant ruine et complété l'article 22 relatif à la ratification de l'ordonnance du 28 juillet 2005 sur les sites cinéraires privés créés avant le 31 juillet 2005 et qui ne s'applique, à ma connaissance, qu'à celui des Arbres de mémoire, près d'Angers.

La législation funéraire demeure perfectible. Le développement des contrats obsèques appelle de nouvelles interventions du législateur pour renforcer les garanties offertes aux souscripteurs et pour assurer la concurrence en maintenant des opérateurs locaux. Il faudra bien en venir au taux réduit de TVA, à condition que cette baisse soit intégralement répercutée vers les familles.

Les conditions de prise en charge de la mort périnatale doivent être améliorées. Certes, des décrets et des arrêtés sont venus remplacer les anciennes circulaires, mais l'on peut se demander, comme l'a fait le Médiateur de la République, si le législateur ne pourrait donner une base juridique à la notion de viabilité.

Enfin, l'incertitude juridique subsiste sur les carrés confessionnels, d'où l'expatriation de 80 % des corps de personnes de confession musulmane décédées en France, dont un nombre croissant ont la nationalité française. Michel Dreyfus-Schmidt, ce laïque convaincu, soulignait que la tolérance était consubstantielle à la laïcité et qu'il fallait, en conséquence, non s'opposer aux carrés confessionnels mais les favoriser.

Mais à chaque jour suffit sa peine. L'Assemblée nationale a amélioré la rédaction du Sénat et la commission des lois propose d'adopter conforme un texte qui contribuera à assurer la sérénité des vivants dans le respect des morts, ainsi que l'avait souhaité M. Sueur, avec lequel j'ai eu plaisir à travailler. (Applaudissements)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La proposition de loi correspond à l'évolution des pratiques funéraires depuis plusieurs dizaines d'années : le choix de la crémation est passé de 0,4 % en 1975 à 28 % aujourd'hui. Vouloir adapter notre législation funéraire, créer les conditions d'un choix entre inhumation et crémation, veiller au respect des cendres et assurer l'accès des familles au service public était donc souhaitable. Cette proposition de loi aura attendu deux ans et demi avant de nous revenir et, hasard du calendrier ?, ce délai a permis à des associations de défense des consommateurs d'enquêter sur les pompes funèbres et les contrats d'assurance obsèques. Leur constat est accablant. Celle menée par Que choisir ? dans 80 départements révèle qu'il est impossible de comparer en raison des pratiques abusives et indécelables par des familles endeuillées : dans un cas sur trois, l'opérateur funéraire refuse d'établir un devis conforme à la loi et les devis proposés sont si vagues qu'ils autorisent des écarts allant jusqu'à 1 100 %.

On devine l'impact de telles pratiques sur les familles. La question de la qualification professionnelle des opérateurs et de la formation des agents est donc essentielle : la création d'un diplôme national est un élément positif. Nous saluons l'exemption des seules régies simples, dont les agents seront néanmoins astreints à une formation. L'exemption de tous les dirigeants n'était en effet pas opportune.

S'agissant du coût pour les familles, les enquêtes ont montré l'urgence de devis types car les familles ne sont pas en état de comparer ni de déjouer les pratiques abusives. L'Assemblée nationale a renvoyé leur établissement au ministre de l'intérieur, laissant au maire le soin d'en prévoir les modalités de consultation. Nous nous étions interrogés en première lecture sur l'opportunité de devis types établis au niveau national et notre interrogation demeure sur les moyens d'assurer l'égalité entre tous les citoyens.

L'objectif de réduction du coût des obsèques demeure prioritaire : il a augmenté de 35 % en dix ans pour atteindre 4 000 euros. L'abaissement du taux de TVA demeure d'actualité. Généraliser le taux réduit, qui ne s'applique actuellement qu'au transport du corps, soulagerait les familles en nous ramenant au taux pratiqué par nos voisins européens.

Le rapporteur à l'Assemblée nationale a permis, ce que n'avait pas envisagé M. Sueur, le dépôt temporaire des centres dans un lieu de culte plutôt qu'au crématorium, dont nous rappelons néanmoins qu'il demeure le principe. Nous avons été quelque peu surpris par cette insertion mais, conscients de l'importance de cette proposition de loi pour mieux prendre en compte l'évolution des pratiques, nous la voterons. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - L'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi est source de satisfaction, non pas parce qu'elle nous rappelle une échéance inéluctable mais en raison du consensus qui a régné à l'Assemblée nationale comme au Sénat durant son élaboration. Le rapport n° 372 établi par MM. Lecerf et Sueur et intitulé Sérénité des vivants et respects des défunts aura finalement préparé une adaptation de la loi à l'évolution des pratiques et dans le respect de convictions religieuses et laïques, éminemment respectables.

Pour m'être penchée sur cette question après avoir été interrogée par de nombreux maires, je mesure l'excellence du travail accompli, avec délicatesse et finesse, avec tact et sensibilité, sur la matière la plus personnelle et la plus intime qui soit. Ce texte est bon, qui vient clarifier les problèmes en s'adaptant à une pratique qui tend à devenir majoritaire. S'il s'adresse à tous nos concitoyens, il est d'abord destiné aux maires, qui auront à l'appliquer. Il est équilibré et respectueux de la volonté des familles tout en veillant à ne pas alourdir inutilement des procédures complexes. La commission départementale des opérations funéraires n'a pas été retenue, monsieur le rapporteur, mais les services du préfet prendront toutes les informations nécessaires. De même les schémas régionaux des crématoriums seront-ils intégrés à des documents plus globaux.

Des précisions sont apportées sur la mise en valeur architecturale et paysagère des cimetières et sites cinéraires et il faut se féliciter que l'article 19 bis permette au maire de faire réparer les sépultures laissées à l'abandon.

D'aucuns ont observé que tous les sujets n'avaient pas été abordés. Ils auraient aimé que l'on parle du taux de TVA ou de la création de carrés confessionnels. Sans doute, mais je crois raisonnable, dans un premier temps, de s'en tenir à un texte consensuel : le cas est assez peu fréquent pour le souligner !

Le RDSE sera unanime à voter ce texte conforme à l'esprit républicain. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce fut un long chemin ! Je me revois en 1992, secrétaire d'État aux collectivités territoriales, défendant ici et à l'Assemblée nationale ce qui allait devenir la loi de janvier 1993, qui a mis fin au monopole des pompes funèbres, monopole faussé cohabitant avec une concurrence biaisée pour le plus grand dommage des familles. Cette loi a été bien appliquée mais elle ne répond pas à certains problèmes nouveaux, et la question du prix des obsèques reste lancinante.

Élu sénateur, j'ai rédigé deux propositions de loi, que je n'ai jamais pu faire inscrire à l'ordre du jour. Je rends donc hommage au président Hyest qui n'a pas voulu laisser à l'abandon ce sujet important et qui a confié à M. Lecerf et à moi-même une mission de réflexion. Avec M. Lecerf, nous avons pu travailler de manière très positive et confiante et préparer le rapport qui a abouti à cette proposition de loi sur laquelle un large accord s'est fait. Ensuite, nous avons attendu... Vingt fois nous sommes intervenus auprès du ministre de l'intérieur, de celui en charge des relations avec le Parlement, de celui en charge des collectivités territoriales, du Premier ministre. Quand une proposition de loi qui concerne toutes les familles est adoptée à l'unanimité par une assemblée, il serait logique de la faire examiner par l'autre dans un délai raisonnable. Il a fallu deux ans et cinq mois !

Je rends hommage au président et au rapporteur de l'Assemblée nationale, avec qui nous avons travaillé dans un bon climat et de manière fructueuse, sans pour autant que s'effacent les différences de nos sensibilités. Il y a là quelque chose de réconfortant qui pourrait donner des idées pour d'autres domaines.

Cela dit, je reviens à mon tour sur quelques points de ce texte, et d'abord la protection des familles. Les devis types sont nécessaires pour améliorer leur transparence et maîtriser les coûts. Ils étaient prévus dans la loi de 1993 mais nous ne les avions pas inscrits noir sur blanc, si bien que Bercy s'y est opposé au nom de je ne sais plus quelle règle. Pourquoi sont-ils nécessaires ? Parce que quand on perd un être cher, on est très affecté et l'on n'a pas le coeur d'aller demander à toutes les entreprises habilitées de la commune des devis qui, de toute manière, seraient rédigés en trente pages avec de tout petits caractères. Il est donc bon que la puissance publique s'en préoccupe en liaison avec les professionnels ; je l'ai fait dans une commune qui m'est chère et cela s'est fort bien passé. Le Conseil national des opérations funéraires est tout indiqué pour élaborer des devis types avec le ministère de l'intérieur. On peut ainsi établir trois ou quatre modèles de devis, auxquels les entreprises se conformeront, quitte à proposer aussi d'autres prestations. Cela peut se faire à l'échelle de toute la France ; les communes ne seront pas chargées de faire ces devis types, mais simplement -c'est l'accord que nous avons passé avec l'Assemblée nationale- de décider des modalités selon lesquelles tous les citoyens pourront avoir accès à ces modèles de devis.

Deuxième point : nous avons proposé, dès la première lecture, de simplifier les formalités administratives payantes, coûteuses, et souvent inutiles. Au lieu d'avoir cinq formalités payantes pour un seul enterrement, on aura un seul contrôle avant la fermeture du cercueil. L'Assemblée nationale a souhaité que le prix soit fixé dans la loi, entre vingt et vingt-cinq euros. On ne pourra donc plus surfacturer des formalités qui n'existeront plus.

Troisième point : je veux rendre hommage aux députés qui ont repris des propositions de l'UFC-Que choisir sur la réévaluation du capital versé par le souscripteur d'un contrat obsèques et sur la création d'un ficher national des contrats obsèques. Nous n'en avons pas fini avec ces contrats : la loi de 2004 n'est pas bien appliquée du fait de la confusion entre eux et les contrats d'assurance vie et du fait de l'existence de formules packagées. Toujours dans l'intérêt des familles, des dispositions visent à restreindre le démarchage en la matière.

Le problème du taux de TVA est toujours devant nous. Je ne comprends pas que le taux le plus élevé soit appliqué à ces dépenses que les familles doivent faire au moment où elles sont le plus éprouvées. Bercy nous dit rituellement que cela coûterait 145 millions ; le prix d'une autre baisse de TVA est sans commune mesure...

Il est positif d'instaurer un diplôme national ; nous avons exclu les régies pour dispenser de formation le pauvre maire-adjoint qui préside un syndicat gérant une chambre mortuaire dans une commune rurale.

En matière d'habilitation, je vous demande, madame la ministre, qu'il y ait plus de rigueur. Aujourd'hui, les habilitations sont délivrées trop facilement ; j'ai signalé, en vain, de graves dysfonctionnements à mon préfet. La profession réclamant tact, décence et compréhension, une telle habilitation ne peut être un acte purement formel. Dès lors qu'il n'y aura pas de commission, je souhaite vivement que vous puissiez faire une circulaire très précise sur ce point.

Je regrette que le schéma régional des crématoriums ait été supprimé ; la question mérite d'être approfondie.

La crémation s'est beaucoup développée ces dernières années : encore marginale en 1993, elle représente désormais un tiers des obsèques. Le Sénat avait voulu faire obligation aux villes de plus de 10 000 habitants de créer un site cinéraire dans leurs cimetières ; l'Assemblée nationale a décidé d'étendre cette obligation aux villes de plus de 2 000 habitants, tout en allongeant le délai : c'est une bonne chose.

Les dispositions relatives à la destination des cendres découlent toutes de l'article 9 : il était essentiel d'inscrire dans la loi que les restes humains doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Cette proposition de loi a été bâtie en référence à la loi de 1887, qui a défini la conception républicaine du cimetière communal, public et laïque. Une ordonnance prise par un précédent ministre de l'intérieur avait ouvert la voie à la création de sites cinéraires privés, mais M. Hortefeux a accepté, en première lecture à l'Assemblée nationale, de revenir sur ces dispositions.

Ce texte établit quatre lieux de destination pour les cendres et les urnes. Elles peuvent être soit déposées dans un caveau ou un columbarium, soit dispersées dans un jardin du souvenir ou dans la nature. Si elles sont dispersées dans un jardin du souvenir, l'identité de la personne devra être mentionnée quelque part ; si elles sont dispersées dans la nature, l'opération devra faire l'objet d'une déclaration à la mairie du lieu de naissance. En effet, il importe de conserver une trace des personnes défuntes et d'entretenir leur mémoire.

J'en viens à la question de l'appropriation privée des cendres. Soit dit en passant, je partage la réaction de Mme Mathon-Poinat au sujet de l'article 14. On demande parfois pourquoi les cendres ne peuvent être conservées dans des lieux privés. Il y a plusieurs raisons à cela.

Tout d'abord, je ferai remarquer que l'on ne peut être inhumé dans son jardin.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - A quelques exceptions près !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Certes... mais personne n'a jamais considéré cette interdiction comme une atteinte à la liberté des personnes ! Le deuil est une séparation : c'est ce qui explique l'existence des cimetières.

En outre, si l'on permettait l'appropriation privée des cendres, un problème se poserait lors de la mort du dépositaire, qui touche au statut même des cendres : celles-ci ne sont pas un bien meuble dont on pourrait hériter. On pourrait décider que l'urne doit rester dans la famille. Mais alors, au bout de plusieurs générations, des champs d'urnes familiaux et privatifs se constitueraient, ce qui serait contraire au principe du cimetière public. Il y a donc une antinomie entre l'appropriation privée des cendres et la conception républicaine du cimetière.

Enfin, il est important que chacun puisse aller se recueillir devant les restes de ceux qui lui furent chers, et faire ainsi son deuil. Si les cendres étaient remises à quelqu'un en particulier, d'autres personnes pourraient, en cas de conflit, se voir priver du droit d'aller se recueillir devant elles. Le cimetière public assure donc une forme d'égalité devant la mort. Je ne nie pas qu'il y ait certains problèmes. Je suis naturellement horrifié par les profanations récurrentes de tombes. Je crois aussi que M. le rapporteur a eu raison d'évoquer la question des carrés confessionnels : il faudra y réfléchir. Mais le cimetière public doit continuer à accueillir tous ceux qui ont vécu leur vie humaine dans la République.

Je vous remercie tous de l'intérêt que vous avez porté à ce texte, qui remplit un vide de notre législation. Nous avons recherché la transparence : les professionnels qui, pour beaucoup, accomplissent un travail de qualité, y ont intérêt. Nous avons aussi voulu garantir à toutes les familles de notre pays l'aide de la puissance publique au moment où elles traversent une épreuve douloureuse. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10 du Règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

L'article premier est supprimé.

Les articles 2, 3, 5 et 6 sont adoptés.

A l'article 7, l'amendement n°1 rectifié n'est pas défendu.

L'article 7 est adopté, ainsi que les articles 7 bis, 7 ter, 10, 12, 13, 14 et 15.

L'article 16 est supprimé.

Les articles 17, 18, 19 bis, 21 et 22 sont adoptés.

Intervention sur l'ensemble

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je me félicite que sur un sujet aussi délicat, qui touche à l'essence même de l'homme et à sa dignité, les parlementaires aient pu mener un travail en profondeur afin de moderniser notre droit funéraire. Cela fait deux ans que nous préparons cette réforme et, si nous avons souvent l'occasion de nous plaindre de ne pas disposer du temps de la réflexion sur les textes qui se succèdent à l'ordre du jour, nous ne pouvons que nous réjouir que cette proposition de loi mûrement réfléchie soit aujourd'hui près d'être adoptée.

Je remercie M. Sueur, qui a mis son opiniâtreté coutumière au service d'une cause commune.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - En effet !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je remercie également M. le rapporteur Lecerf. Ce texte écrit à quatre mains nous semble juste, équilibré et de nature à améliorer notre législation funéraire. Il concilie l'indispensable rigueur juridique et le respect des valeurs qui fondent notre société. Le groupe UMP votera donc ce texte, qui sera adopté, je l'espère, avec une belle unanimité. (Applaudissements)

La proposition de loi est adoptée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La commission des lois n'est pas coutumière des congratulations, mais je tiens à féliciter M. Sueur, qui était déjà à l'origine de la loi de 1993 sur le monopole. Les pratiques funéraires ont évolué depuis ; on a notamment assisté au développement de la crémation, mais il n'existait jusqu'à présent aucune règle à ce sujet. Afin de garantir le respect des restes humains, il fallait donc légiférer. Les ministres successifs prétendirent qu'un décret suffisait, mais ce ne fut pas notre avis : ces questions doivent être réglées par la loi.

Cet exemple montre que le Parlement peut se saisir d'un sujet et élaborer une réforme ambitieuse. Nous avons d'abord mis en place une mission d'information dotée de deux rapporteurs, l'un de l'opposition, l'autre de la majorité, qui sont devenus respectivement l'auteur et le rapporteur de la proposition de loi. La commission des lois s'est prononcée, et nous avons voté unanimement ce texte.

Avec, toutefois, une réserve : théoriquement, la révision constitutionnelle accroît l'initiative parlementaire, encore faut-il que les deux assemblées coopèrent. La nôtre adopte très volontiers les propositions de loi élaborées par les députés. La réciproque doit être vraie. L'Assemblée nationale a quelque peu tardé à inscrire à son ordre du jour la proposition dont nous avons discuté ce soir.

Autre exemple de coopération : la réforme des prescriptions, sujet fort complexe, qui a donné lieu à la création d'une mission d'information qui a débouché sur une proposition de loi votée par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale. Cette méthode aboutit souvent à un vote conforme en deuxième lecture.

Bien sûr, les textes de loi resteront pour l'essentiel d'origine gouvernementale, mais le Parlement peut également produire des dispositions législatives portant sur des questions de société.

Je me réjouis que le Sénat ait proposé un texte de cette importance. (Applaudissements)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Au nom du Gouvernement, je me félicite de la qualité, de la hauteur de vue et de l'équilibre qui ont marqué vos interventions, toutes inspirées par la volonté de travailler en commun en vue d'une solution équilibrée.

Certes, un certain délai s'est écoulé depuis le premier débat, car l'élection présidentielle et les élections législatives ont suscité l'examen de textes jugés prioritaires. L'essentiel, c'est la remarquable concertation organisée entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Sur tous les bancs, les orateurs considèrent ce travail comme un modèle ; j'en déduis que la révision constitutionnelle est unanimement appréciée au Sénat. (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ne parlons pas de la loi organique, qui a suscité d'intenses discussions en commission ce matin : nous l'examinerons demain en séance publique.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Il reste que le travail parlementaire ne règle pas tout : il faudra des textes d'application, notamment une circulaire adressée aux préfets, explicitant les contrôles qu'ils devront diligenter.

En outre, la TVA suppose un accord européen.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce que nous proposons existe dans d'autres États membres !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Oui, mais nous avons quand même besoin d'un accord.

Enfin, certains sujets n'ont pu être traités parce que nous n'étions pas tout à fait prêts. Je pense notamment aux carrés confessionnels. Il me paraît souhaitable de respecter la volonté des défunts et de leur famille. J'espère qu'en travaillant dans le même esprit, il sera possible d'aboutir dans un prochain texte. (Applaudissements à droite et au centre)

Prochaine séance demain, jeudi 11 décembre 2008, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 35.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 11 décembre 2008

Séance publique

A NEUF HEURES TRENTE

1. Discussion du projet de loi (n°106, 2008-2009) relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et du projet de loi organique (n°105, 2008-2009) portant application de l'article 25 de la Constitution, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

Rapport (n°120, 2008-2009) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.

A 15 HEURES ET LE SOIR

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (n° 122, 2008-2009) ;

- M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG) (n°90, 2008-2009) et le projet de loi autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Véga et Soyouz au Centre spatial guyanais (n°89, 2008-2009) ;

- Mme Catherine Tasca un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement (n°464, 2007-2008) ; le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement (n°465, 2007-2008) ; le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant (n°68, 2008-2009) et le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne (n°69, 2008-2009) ;

- M. Jean-Louis Carrère un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou (n° 35, 2008-2009) ;

- M. René Beaumont un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe (n°36, 2008-2009) ;

- MM. Christian Cointat et Bernard Frimat un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale à la suite d'une mission d'information effectuée en Polynésie française du 21 avril au 2 mai 2008 ;

- MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur la vidéosurveillance ;

- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Tadjikistan, d'autre part (n° 37, 2008-2009).