Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.
Enseignants spécialisés Rased
M. Yannick Bodin . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) La suppression annoncée de 13 500 postes dans les écoles est inadmissible. Vous mettez un terme à la mission de 3 000 enseignants spécialisés appartenant aux réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté (Rased) : ils ont pourtant été formés pour aider les élèves qui connaissent des troubles sérieux d'apprentissage du langage écrit ou oral, des retards d'acquisition importants, un défaut durable d'adaptation... Ils interviennent dans plusieurs établissements auprès des élèves qui ont besoin d'une prise en charge particulière.
Ces postes ne sauraient être sédentarisés ; c'est pourtant ce que vous faites. Ils n'existeront sans doute même plus en 2012, après votre réforme de l'enseignement primaire. Les deux heures de soutien hebdomadaire, en remplacement du samedi matin, ne s'adressent pas aux mêmes élèves : elles concernent ceux qui ont besoin d'une remise à niveau temporaire. Ce soutien, dispensé tôt le matin, à l'heure du repas ou après six heures de classe ne remplacera pas l'aide d'enseignants qui sont aussi psychologues et éducateurs auprès d'enfants en grande difficulté.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est hélas vrai.
M. Yannick Bodin. - Vous abandonnez ces élèves. (Protestations à droite)
M. Jean-Claude Carle. - Vous ne vous en êtes jamais occupés !
M. Yannick Bodin. - Et vous n'utilisez plus les compétences que ces enseignants ont acquises.
M. le président. - Votre question.
M. Yannick Bodin. - Vous espérez sans doute que les parents se tourneront vers les collectivités locales, afin que l'État puisse une fois encore se décharger de ses responsabilités.
M. Charles Revet. - Qu'a fait M. Jospin ?
M. Yannick Bodin. - Les familles concernées sont très inquiètes pour l'avenir de leurs enfants. Que comptez-vous faire pour éviter un nouveau recul du service public de l'éducation nationale ? (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Il est inexact de dire que nous supprimons des postes de professeurs spécialisés des Rased. Sur 11 500 enseignants, 3 000 seront affectés dans des endroits où les difficultés scolaires sont les plus massives. Nous ne supprimons pas leurs postes, nous les plaçons là où l'école de la République en a le plus besoin ! Je ne laisserai pas les socialistes répéter des propos qui ne prennent leur sens que dans la course à l'échalote du Congrès de Reims... (Applaudissements sur les bancs UMP ; protestations sur les bancs socialistes)
M. Jacques Mahéas. - Nul !
M. Didier Boulaud. - La prochaine fois, nous le tiendrons à Périgueux !
M. Xavier Darcos, ministre. - Nous nous préoccupons des élèves : les deux heures de soutien comme les stages en CM1 et CM2 pour préparer l'entrée en sixième visent bien à lutter contre l'échec scolaire.
Mme Patricia Schillinger. - Vous confondez ! Venez dans ma commune !
M. Xavier Darcos, ministre. - Vous voulez faire croire à l'opinion publique que déplacer 3 000 enseignants, c'est renoncer à lutter contre les injustices sociales. Les Français ne sont pas dupes de ce mensonge. Du reste, toutes les décisions concernant l'éducation nationale prises par le gouvernement Fillon ont reçu l'approbation de 65 à 85 % de nos concitoyens. (Applaudissements à droite)
M. Guy Fischer . - Ma question s'adresse également à M. Darcos.
M. Didier Boulaud. - Harcèlement !
M. Guy Fischer. - Votre politique de l'éducation nationale vise à réduire l'offre éducative et désengager l'État de ses responsabilités notamment à l'égard des plus défavorisés.
Votre budget pour 2009 supprime 13 500 postes, dont 3 000 en Rased : les enseignants de ces réseaux spécialisés manifestaient hier à Lyon; la suppression de postes motive l'appel à la grève pour le 20 novembre, que nous soutenons !
Le Sénat a publié un rapport sur les missions de l'école maternelle, dont les recommandations cadrent bien avec les propos désobligeants que vous avez eus envers les enseignants de ces écoles. Au lieu de préconiser l'extension de l'accueil des enfants à 2 ans et de réaffirmer l'obligation de l'accueil à 3 ans, vous proposez la création de jardins d'éveil (vives exclamations à gauche), nouvel avatar des anciens jardins d'enfants !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Scandaleux !
M. Guy Fischer. - Non seulement nous ne savons rien du contenu pédagogique de ces jardins d'éveil, mais leur coût risque fort d'incomber, une fois encore, aux collectivités locales ! (Mêmes mouvements) Je m'inquiète d'autant plus que Mmes Morano et Amara sont récemment venues faire la promotion de ces jardins d'éveil à Vénissieux dans les quartiers populaires des Minguettes.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. - N'importe quoi ! Lisez les journaux !
M. Guy Fischer. - En fait, le Gouvernement veut en finir avec cette spécificité française de l'accueil des enfants à l'école dès 2 ans.
M. le président. - Votre question.
M. Guy Fischer. - Cela marquerait un nouveau désengagement de l'État, tout en creusant les inégalités territoriales et sociales !
Voix à droite. - La question !
M. Guy Fischer. - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, quelle suite comptez-vous donner au rapport du Sénat sur l'école maternelle ? Renoncerez-vous à supprimer les postes en Rased ? (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale . - J'ai déjà répondu sur les Rased : nous mettons à disposition 3 000 professeurs spécialisés pour les établissements où les besoins sont les plus importants, il n'y a pas de suppression de postes.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que je suis un fervent défenseur de l'école maternelle. (Exclamations à gauche) Dans l'audition devant la commission du Sénat, à laquelle vous faites référence et qui est souvent utilisée contre moi, j'ai rappelé l'obligation d'accueil de tous les enfants de 3 ans ; j'ai également rappelé que l'école maternelle est une véritable école (mêmes mouvements) où les enseignants peuvent s'occuper aussi bien des petites sections que des grandes. Cependant, à une question sur l'accueil des enfants de 15 mois (vives exclamations à gauche), j'ai dit que ce ne serait pas respecter les enseignants que de leur demander d'accueillir des enfants qui relèvent de la puériculture : voilà la vérité ! (Applaudissements à droite ; vives exclamations à gauche)
Vous savez parfaitement que l'accueil à l'école dès 2 ans fait encore débat. La Défenseure des enfants est contre...
M. Didier Boulaud. - Qu'en sait-elle ?
M. Xavier Darcos, ministre. - ...l'Unaf est contre, bien des associations de parents également ! La question se pose : à partir de quel âge faut-il accueillir les enfants à l'école ? Ensuite, les disparités sont évidentes pour l'accueil à 2 ans : il existe sur certains territoires, dans certaines écoles, en fait là où c'est possible.
Le rapport du Sénat souligne qu'il faut examiner toutes les solutions pour accueillir les enfants de 1 à 3 ans, avant donc l'obligation d'accueil ; c'est ce que font bien de nos voisins européens, et c'est ce que nous devons faire aussi ! L'école, ça commence à 3 ans ! (Exclamations à gauche ; vifs applaudissements à droite et sur quelques bancs du centre)
M. Philippe Marini . - Ma question concerne l'énergie éolienne.
M. Didier Boulaud. - Le Gouvernement est spécialiste ! (Rires à gauche)
M. Philippe Marini. - Dans notre pays, cette énergie est considérablement aidée...
M. Guy Fischer. - Un véritable racket !
M. Philippe Marini. - ...au point que la commission de régulation de l'énergie, en juin 2001 puis en juin 2006, a estimé que le tarif réglementé représentait « un soutien disproportionné » à la filière éolienne, au regard du bénéfice attendu. De fait, en ces temps de crise financière, la perspective d'un rendement à deux chiffres pour des investissements sur quinze ans est tout à fait exceptionnelle. La commission de régulation de l'énergie a dit le caractère aléatoire de la sécurité d'approvisionnement de l'éolien, ainsi que sa contribution marginale à la réduction du gaz à effet de serre.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est faux !
M. Philippe Marini. - D'autres difficultés s'ajoutent, comme la nuisance à certains paysages, en particulier aux abords de monuments historiques. Je sais la pression que certains grands groupes font peser sur des élus ruraux vulnérables, ou sur des propriétaires de foncier agricole !
M. le président. - Votre question.
M. Philippe Marini. - C'est pourquoi j'ai pris l'initiative d'une proposition de loi, cosignée par soixante-dix de mes collègues, et non des moindres puisque M. Raffarin (on apprécie à droite) et le président de notre commission des affaires économiques y figurent.
M. Didier Boulaud. - Cela ne fait pas une majorité...
M. Philippe Marini. - L'arrêté fixant le tarif de rachat réglementé de l'électricité d'origine éolienne a été annulé par le Conseil d'État.
M. le président. - Votre question.
M. Philippe Marini. - Si la commission de régulation de l'énergie suggérait d'abaisser les tarifs, le Gouvernement en tiendrait-il compte ? (Applaudissements à droite)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - Conformément à nos engagements européens, nous projetons de porter à 20 millions de tonnes d'équivalent pétrole la production d'énergie renouvelable d'ici à 2020. L'éolien n'y suffisant pas, nous comptons aussi sur la biomasse.
L'éolien économise l'émission de gaz à effet de serre, en se substituant à d'autres énergies, en particulier au thermique. Cette année, nous avons ainsi économisé 1,65 million de tonne de CO2 ; l'objectif est d'atteindre 16 millions de tonnes en 2020. (« Très bien ! » à gauche)
Le tarif de rachat, à 8 centimes d'euro le kilowatt/heure, est proche du coût de l'électricité.
L'énergie éolienne est parmi les énergies renouvelables les plus compétitives. Le coût additionnel supporté par le consommateur au titre des charges de service public est modeste : sur 1,6 milliard annuel, seuls 92 millions lui sont imputables, ce qui signifie que pour un ménage consommant 2 500 kilowatt/heure, le surcoût n'est que de 60 centimes par an.
Il est vrai que l'arrêté a été annulé par le Conseil d'État, mais pour des raisons de forme et non de fond. Nous confirmerons le tarif. Pour autant, vous soulevez des questions légitimes sur la préservation de nos paysages.
M. le président. - Il ne vous reste que quelques secondes.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Le Gouvernement souhaite développer une production à haute qualité environnementale, laquelle n'a pas atteint, jusqu'ici, le niveau souhaitable. Il faudra de grands parcs...
M. Jean-Pierre Sueur. - « Dans le grand parc solitaire et glacé... ».
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - ...et c'est pourquoi nous ferons des propositions dans les projets de loi de programmation du Grenelle et de transition environnementale. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Responsabilité des banques dans le financement de l'économie
M. Raymond Vall . - Le Sénat s'est majoritairement prononcé, il y a peu, en faveur des mesures proposées par le Gouvernement pour faire face à la crise financière qui frappe notre pays depuis plusieurs semaines. Cependant, alors que le Président de la République s'est personnellement engagé à ce que le secteur bancaire joue à nouveau son rôle en faveur de l'investissement et de l'innovation, j'attire votre attention sur les difficultés rencontrées par les PME, tout particulièrement au moment de leur création, confrontées à l'inertie et à une frilosité excessive, en particulier dans l'investissement immobilier pourtant indispensable à la création d'emplois. Les collectivités sont de ce fait poussées à outrepasser leur rôle en se substituant aux banques pour le portage financier d'investissements immobiliers. J'ajoute que les banques refusent par la suite d'accompagner les entreprises qui se développent, créent de l'emploi et ont besoin de développer leur outil de production. C'est pourtant leur devoir que de s'impliquer davantage dans l'économie réelle, celle de nos artisans et de nos PME, sans se perdre dans les illusions de l'économie virtuelle. Dans ma région Midi-Pyrénées, le secteur aéronautique est particulièrement touché par la crise. Sous la pression permanente de tentations de délocalisations, et du fait du manque de coopération d'établissements financiers, certaines PME sous-traitantes sont dans l'obligation de présenter à la région des demandes de requalification d'avances de trésorerie en subventions afin d'éviter les licenciements ou le dépôt de bilan.
La crise financière est plus que jamais l'occasion de fixer des règles tendant à redéfinir la place des établissements de crédits dans notre économie.
M. le président. - Votre question.
M. Raymond Vall. - Si je me félicite que le Gouvernement ait su prendre les décisions qui s'imposent pour que les banques n'échappent pas à leurs responsabilités et ne se contentent plus de spéculer sur des fonds sans règle ni éthique, je doute que l'on mette fin aux vieilles habitudes spéculative en l'absence de mesures coercitives à l'encontre de ceux qui assument aujourd'hui une large responsabilité dans l'avènement de la crise financière et qui ont renoncé à accompagner le risque d'entreprendre.
M. le président. - Votre question.
M. Raymond Vall. - Quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il mettre en place pour rendre aux banques le sens des responsabilités et restaurer leurs liens avec les entreprises et les collectivités ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation . - Face à une crise sans précédent, vous avez rappelé que le Gouvernement a su prendre ses responsabilités. Inutile de rappeler la participation exceptionnelle prise dans Dexia, grand financeur des collectivités locales, pour lui éviter la faillite : le sujet est assez cher à votre assemblée. Quant à la garantie apportée par l'État pour relancer le secteur financier et permettre aux établissements bancaires de se financer sur le marché interbancaire, elle n'est pas exempte de surveillance. Le Premier ministre a ainsi chargé les préfets, dans chaque département, de mettre en place un comité départemental réunissant les représentants du secteur bancaire et ceux des entreprises pour assurer la traçabilité des aides. Le Président de la République a réuni les préfets et les trésoriers payeurs généraux pour les exhorter à s'assurer que les fonds mobilisés arrivent bien à leurs destinataires, en particulier les PME, pour financer leurs besoins de trésorerie et leurs investissements.
Alors que le Gouvernement a su assumer ses responsabilités, il attend en retour des banques qu'elles assument les leurs et sera vigilant, le Président de la République l'a rappelé, département par département, entreprise par entreprise, pour que les garanties aillent bien à ceux qui en ont besoin. (Applaudissements sur les bancs UMP. Mme Anne-Marie Payet et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent aussi)
Inquiétudes dans la filière laitière
M. Jean Boyer . - L'agriculture reste une richesse nationale de premier plan. Chacune de ses filières a ses atouts, dont bénéficient nos régions, mais aussi ses problèmes. Nos producteurs laitiers sont inquiets : alors que leurs perspectives s'obscurcissent, la hausse des aliments aggrave leurs charges d'exploitation. Le lait est le salaire du paysan, mais sa production est exigeante. C'est un vrai travail de professionnel que de le produire en quantité suffisante pour garantir sa rentabilité, tout en répondant aux exigences de qualité. (M. Jean-Pierre Raffarin approuve)
Le lait est souvent le produit de régions où la topographie, le climat et la structure des exploitations ne portent pas à une production intensive, je pense en particulier aux zones de montagne. Élu d'un département où l'habitat moyen agricole est le plus élevé de France, j'ai écouté, reçu et compris le message d'inquiétudes de nos éleveurs et de toute la filière laitière nationale.
M. le président. - Votre question.
M. Jean Boyer. - L'écart est trop grand entre le prix à la production, 0,34 centimes, et le prix à la consommation, 70 centimes. Cela n'est pas normal. D'autant que la prime de compensation à la collecte dans les zones de montagne a disparu sans retour.
M. le président. - Votre question ?
M. Jean Boyer. - Les 50 millions dont nous avons eu l'annonce hier sont bienvenus, mais ils ne règleront pas l'intégralité du problème.
M. René-Pierre Signé. - C'est insuffisant.
M. Jean Boyer. - Nous connaissons les difficultés financières que traverse le pays.
Nous connaissons les difficultés financières de notre pays, car on peut être responsable et désespéré. Mais l'ancien éleveur que je suis affirme qu'il faut écouter et comprendre le message que nous adressent ces hommes de la terre. L'espérance est l'oxygène de la vie. Donnons-leur les moyens d'y croire ! (Applaudissements à droite et sur les bancs socialistes)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement . - Je supplée modestement M. Barnier, retenu à Bruxelles où il défend l'agriculture française.
M. René-Pierre Signé. - Il n'a jamais vu une vache !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Il est exact que le marché du lait est fortement perturbé, surtout en ce quatrième trimestre 2008. Les producteurs manifestent leur inquiétude, les discussions avec les transformateurs sont difficiles. Vous savez qu'elles ont échoué le 4 novembre, mais M. Barnier a obtenu leur reprise la semaine prochaine.
Les producteurs veulent obtenir des cours rémunérateurs, ce qui suppose le respect de tous les quotas individuels et départementaux. Faut-il nommer un médiateur entre producteurs et transformateurs ? Le ministre de l'agriculture le fera éventuellement, si cela apporte quelque chose, mais il préfère rétablir le dialogue direct.
Enfin, j'observe que le retournement du marché laitier est un phénomène européen. Ce matin même, M. Barnier a donc demandé à la Commission européenne d'anticiper le stockage du beurre, ce qu'elle a accepté pour assainir la situation, désengager le marché et le maintien des prix.
Le gouvernement de M. Fillon, en particulier M. Barnier, soutient les producteurs laitiers. (Applaudissements à droite)
Que font les banques ?
M. Jean-Louis Carrère . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Lorsque le virus des subprimes a frappé le bilan des banques françaises, il y a quelques semaines, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que 360 milliards d'euros -l'équivalent du budget de l'État- seraient consacrés au sauvetage des banques. Pour justifier cette mesure, vous avez invoqué l'urgence d'agir et la situation dramatique de notre économie. Depuis, les banques ont été les heureuses bénéficiaires de 10,5 milliards sous forme de prêts.
M. Philippe Marini. - L'enjeu, c'est l'économie tout entière !
M. Jean-Louis Carrère. - En échange, elles devaient accorder plus de prêts aux ménages, aux entreprises et aux collectivités territoriales.
Or, de nombreuses petites entreprises n'obtiennent rien. M. René Ricol, le médiateur du crédit que vous avez nommé, a déjà reçu plus de 1 000 dossiers en panne. Selon la Banque de France, 80 % des banques ont durci leurs conditions envers les ménages et les entreprises, sans parler des collectivités locales.
Vous deviez vous douter que les banques ne joueraient pas le jeu et préféreraient gonfler les profits à court terme plutôt que de contribuer à la croissance. Ne dites pas que vous n'avez pas vu venir le coup ! Ne me dites pas que vous avez cru une seule seconde que vos incantations suffiraient à imposer le respect des engagements pris ! Ne me dites pas que les directions régionales de la Banque de France leur imposeront de changer d'orientations : ces gens se connaissent de longue date.
Pour avoir présidé le conseil d'orientation d'une grande banque française, je connais bien la mécanique. (Exclamations à droite)
M. Michel Houel. - Le fautif est trouvé !
M. Jean-Louis Carrère. - J'y avais été élu, pas nommé. Et j'ai pu voir que la participation sans droit de vote n'était pas une solution. Ce sont les organes exécutifs qui prennent seuls les décisions. Pourquoi n'avez-vous pas suivi le conseil de François Hollande (exclamations ironiques à droite) pour contrôler l'usage fait de l'argent des Français et pourquoi n'êtes-vous pas entré au capital de ces banques ? Qu'allez-vous entreprendre pour que l'argent remis à une caste de banquiers frileux serve enfin l'intérêt général ? Il y a urgence ! (Applaudissements et « bravo » sur les bancs socialistes)
M. François Fillon, Premier ministre . - (Applaudissements à droite) Entrer au capital des banques françaises ? Monsieur Carrère, avez-vous réfléchi à ce que représenterait une simple prise de minorité de blocage dans les banques ? Avez-vous réfléchi (à droite : « Non, bien sûr !») que les 370 milliards de garanties et de prêts n'y suffiraient pas ? Vous dites que d'autres l'ont fait. C'est faux ! Seules les banques en faillite ont connu ce sort, dont trois au Royaume-Uni où les banques sont nombreuses. Nous sommes effectivement entrés au capital de Dexia, mais j'espère que la situation de nos banques et de l'économie nous dispensera de le faire demain avec d'autres banques. (Applaudissements à droite)
Certes, nous voulons tous que l'aide apportée serve aux entreprises, aux PME, aux grands groupes, aux collectivités territoriales et aux ménages. Nous le saurons bientôt, car chaque banque publiera fin novembre, comme nous l'avons imposé, l'encours des crédits accordés par secteur. Nous saurons alors si les banques -qui ne méritent pas d'être jetées en pâture à l'opinion, comme si elles n'employaient aucune personne responsable et dévouée au bien commun- sont au rendez-vous de l'intérêt général. Si elles n'y sont pas, nous retirerons les moyens mis en place et envisagerons d'autres mesures.
Mme Catherine Tasca. - Lesquelles ?
M. David Assouline. - Chiche !
M. François Fillon, Premier ministre. - Monsieur Carrère, non seulement vous et vos amis n'avez pas approuvé le plan de soutien, alors qu'un élan national s'est dessiné dans les autres pays européens...
M. Michel Houel. - Quel irresponsable !
M. François Fillon, Premier ministre. - ...mais vous jetez aujourd'hui de façon malhonnête le discrédit sur les banques, au lieu de vous rappeler que les comportements des socialistes n'ont pas toujours été en accord avec leurs discours actuels. Ainsi, début 2002, juste avant l'élection présidentielle, un ministre des finances issu de votre groupe, un homme que vous avez sans doute soutenu, a décidé que les bonus des opérateurs bancaires échapperaient aux cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu ! (Très vifs applaudissements à droite)
Intempéries
M. Michel Thiollière . - Une douzaine de départements ont été touchés début novembre par des pluies torrentielles. C'est un véritable traumatisme pour les populations, les communes, leur économie et leurs infrastructures. Quels moyens le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre afin qu'au-delà de l'urgence -je rends ici hommage au dévouement des services de l'État et des Sdis-, les craintes de nos concitoyens soient apaisées et les moyens économiques et matériels des collectivités touchées restaurés ? Je salue l'action du Gouvernement qui, par l'intermédiaire de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a pris rapidement sur place la mesure de la situation. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales . - Plus de 200 communes ont en effet été touchées début novembre par des précipitations d'une rare violence. Je pense avec émotion aux victimes et aux familles des quatre jeunes gens qui ont trouvé la mort dans l'accident de leur avion dans la Drôme, ainsi qu'aux 1 500 personnes qui ont dû être évacuées. Dès l'alerte de Météo France, j'avais positionné des moyens supplémentaires qui ont permis d'appuyer rapidement les moyens des collectivités : 200 pompiers, des hélicoptères, des moyens lourds de pompage.
Il faut maintenant penser à l'avenir. J'ai décidé d'accélérer les procédures et donné des instructions aux préfets afin que les dossiers de reconnaissance de catastrophe naturelle soient instruits au plus vite. La commission interministérielle se réunira le 18 novembre, puis le 20 décembre ; je n'exclus pas, en fonction du rythme de dépôt des dossiers, qu'elle se réunisse également entre ces deux dates. La première de ces réunions traitera des 43 premiers dossiers, venant pour l'essentiel du Rhône. Le fonds de solidarité sera activé. (Applaudissements au centre et à droite)
Retraite d'office
M. Bernard Cazeau . - Le 31 octobre, l'Assemblée nationale a repoussé de 65 à 70 ans, par amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'âge de la mise à retraite d'office -avec l'aval du Gouvernement en la personne de M. Xavier Bertrand. Il s'agit, selon les auteurs de cette proposition, de ne pas discriminer ceux qui, parvenus à 65 ans, veulent continuer à travailler.
Louable intention (« N'est-ce pas ? » à droite) que ce retour de la fameuse formule « travailler plus pour gagner plus », qui cache mal, cependant, la réalité et, notamment, la volonté du Gouvernement de pallier la baisse continue du taux de remplacement par une hausse brutale de la durée de cotisation. (Marques d'approbation à gauche) On me dira qu'il s'agit d'une faculté et non d'une obligation ; mais bien des salariés, pour avoir une retraite décente, devront travailler plus longtemps. En cela, le report à 70 ans est une provocation inutile. Qui peut croire que ce sont les salariés qui décident de leur date de départ à la retraite ? Le Gouvernement ne tient pas ses objectifs, la branche vieillesse sera en déficit de 5 milliards en 2009 ; il pourrait avoir la décence de ne pas verser dans la surenchère gratuite.
La vraie question n'est pas l'allongement de la durée de cotisation mais le maintien dans l'emploi jusqu'à 60 ans. (Marques d'approbation à gauche) Aujourd'hui, c'est à 58 ans et demi que l'on est mis à la retraite, pas à 70 ! (Même mouvement)
En faisant mine d'offrir la possibilité de cotiser plus longtemps, on se moque des Français qui sont près des deux tiers, selon un sondage CSA-Le Parisien, à estimer que le report de 65 à 70 ans de l'âge de la mise à la retraite d'office est « une mauvaise chose ». Je vous le demande solennellement : allez-vous revenir sur l'amendement Jacquat ? (Applaudissements à gauche)
Plusieurs voix sur les bancs du groupe UMP. - Non !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité . - Ce sujet mérite d'être traité avec sérénité, en évitant les raccourcis et les contradictions que je viens d'entendre. (Protestations à gauche) Il faut tout dire, monsieur Cazeau : c'est ce gouvernement qui a décidé de prolonger le niveau minimum de retraite pour les salariés qui ont fait toute leur carrière au Smic ! (Marques d'approbation à droite) Cette mesure a été votée par la majorité, nous verrons si vous la voterez ! (Applaudissements à droite) C'est ce gouvernement qui a décidé d'augmenter le minimum vieillesse de 25 % en cinq ans ! Cette mesure a été votée par la majorité, nous verrons si vous la voterez ! (Applaudissements à droite)
L'âge légal de départ à la retraite demeure fixé à 60 ans. Aucune disposition financière n'est modifiée. Si vous avez préféré les faux-semblants, c'est sans doute que vous n'êtes pas très à l'aise sur ce sujet ! (On proteste à gauche) Il y a ceux qui ont fait des rapports et ceux qui ont eu le courage d'agir avec la réforme Fillon de 2003 ! Le groupe communiste réclamait depuis longtemps qu'on s'occupât des carrières longues : c'est ce gouvernement qui a agi ! (Applaudissements à droite) C'est lui, encore, qui a tenu à ce que les discussions sur la pénibilité aillent à leur terme, et c'est vrai qu'on est parfois cassé, dans certains métiers, avant 60 ans !
Pourquoi mettre systématiquement les salariés à la porte à 65 ans ? Est-on fichu à cet âge ? Non ! (Exclamations à gauche)
M. David Assouline. - Démagogie !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Voici ce que j'ai pu lire dans une lettre : « J'ai rencontré le PDG de mon entreprise fin août pour lui dire que je souhaitais prolonger mon activité. A ma grande surprise, j'ai reçu le 1er octobre un courrier de la direction des ressources humaines m'annonçant ma mise à la retraite d'office. J'aurai en effet 65 ans en décembre, mais je suis encore tonique et réactif, je ne fais pas mon âge. ».
A ce salarié, monsieur Carrère, vous répondez « Tant pis ! ». Nous, nous lui répondons : « Nous allons faire bouger les choses » ! (Vifs applaudissements à droite ; vives protestations à gauche)
M. Didier Boulaud. - C'est un fainéant. Quand on a travaillé durement, on s'arrête à 60 ans. On est brisé.
Garde des jeunes enfants
M. Dominique de Legge . - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte des mesures, notamment sur les assistantes maternelles, qui visent à augmenter l'offre de garde d'enfants. De son côté, notre commission des affaires sociales propose, dans le même esprit, de revisiter les normes d'encadrement dans les établissements collectifs. Vous proposez par ailleurs de majorer de 10 % le complément « mode de garde » pour les familles qui recourent à un mode de garde à horaires atypiques, c'est-à-dire décalés.
Tout cela répond aux aspirations d'une part des familles, qui veulent concilier vie professionnelle et vie familiale, et d'autre part des collectivités locales, préoccupées de la maîtrise des coûts. Envisagez-vous, madame la ministre chargée de la famille, des dispositions particulières pour les familles en difficulté, notamment dans les quartiers sensibles ?
Par ailleurs, quelles dispositions entendez-vous prendre pour associer les collectivités territoriales aux discussions autour de la convention d'objectif et de gestion, en préparation. Les collectivités territoriales sont de plus en plus sollicitées pour financer les modes de garde, tandis que certaines caisses d'allocations familiales préfèrent signer des contrats-enfance avec les intercommunalités plutôt qu'avec les communes, alors que ces dernières ont souvent gardé, et souhaitent garder, la compétence « petite enfance ». Il y va de la libre administration des collectivités territoriales. (Applaudissements à droite)
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille . - Monsieur de Legge, vous qui êtes spécialiste des questions familiales -vous avez été délégué interministériel à la famille-, vous savez que le Gouvernement s'est engagé à dégager de 200 à 400 000 offres de garde supplémentaires, pour répondre aux demandes tant des familles que des élus. Parallèlement, le projet de loi de financement propose trois mesures concrètes. D'abord, permettre, comme cela a été expérimenté en Mayenne, le regroupement d'assistantes maternelles, qui constituent le mode de garde le plus souple qui soit. Ensuite, autoriser chacune de ces assistantes à accueillir quatre enfants, au lieu d'un maximum de trois actuellement. Je vous rappelle qu'elles peuvent accueillir jusqu'à six enfants au Canada, et cinq en Europe du Nord. Cet assouplissement, je l'ai étudié avec leur syndicat.
Enfin, le projet de loi de financement prévoit d'augmenter de 10 % le complément « mode de garde » pour les 14 % de familles dont les parents travaillent très tôt ou très tard. Tout cela concorde avec les constats du rapport Papon-Martin. L'âge de la scolarisation à l'école maternelle demeurant fixé à 3 ans, la réflexion doit porter sur l'accueil des 2-3 ans et se faire en concertation avec les élus. (A gauche : « Qui paie ? ») Pour les conventions d'objectifs et de gestion, nous consulterons bien entendu l'Association des maires de France et l'Association des départements de France. (Applaudissements à droite)
Centres d'examen du permis de conduire
M. Philippe Adnot . - Ma question s'adressait à M. Borloo mais je suis sûr que Mme la Secrétaire d'État à l'écologie saura parfaitement me répondre.
Du fait de la révision générale des politiques publiques, chaque ministre se doit de maîtriser la dépense et de réaliser des économies. Mais la logique comptable ne doit pas ignorer les conséquences d'une économie mal choisie. A titre d'exemple, la suppression des centres d'examen du permis de conduire dans les villes moyennes, au profit d'un regroupement dans le chef-lieu de département, supprime une heure de route par jour par inspecteur, certes, mais contre une demi-journée pour 25 candidats, mais aussi pour ceux qui les accompagnent, puisque ces candidats, par définition, n'ont pas le permis de conduire. L'impact budgétaire n'est pas neutre non plus puisque l'État va devoir construire au chef-lieu de département un centre d'examen parfaitement inutile et coûteux en crédits d'investissement, puis en dépenses de fonctionnement. Combien faudra-t-il d'économies d'une heure pour rentabiliser ces coûts ?
Le ministre de l'écologie ne peut non plus se désintéresser du bilan écologique, du bilan carbone d'une telle mesure : une personne économisera une heure de route, mais 25 personnes feront le trajet, le plus souvent en voiture, pour gagner le centre des examens.
Enfin, la baisse du coût du permis de conduire, prônée par ailleurs, est un objectif contradictoire avec les surcoûts dont je viens de parler.
M. Jean-Louis Carrère. - Cinq minutes !
M. le président. - Posez votre question.
M. Philippe Adnot. - Outre l'examen de conduite, les candidats devront se rendre au centre en vue de passer l'examen du code. Ne pourrait-on pas imaginer que l'inspecteur se déplace auprès d'une masse critique de candidats avec un ordinateur portable, un CD ou une clé USB pour procéder à l'examen ?
M. Jean-Louis Carrère. - Cinq minutes !
M. Philippe Adnot. - En matière d'économie et de respect de l'environnement, je suis sûr que le ministre de l'écologie peut faire mieux.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - Oui, nous pouvons faire mieux.
Je vous présente d'abord les excuses du ministre, retenu à Pau pour finaliser la liaison grande vitesse Sud Europe-Atlantique.
Le Président de la République a en effet demandé que l'on réforme l'examen du permis de conduire, et un audit a été réalisé à ce sujet en liaison avec l'Intérieur. Le problème, c'est que nous avons 477 centres pour l'examen du code et 671 pour l'examen de conduite.
La situation est atypique par rapport à ce que connaissent nos voisins. Certains de nos centres ne sont que de petits locaux sans confort ni sécurité. Ils sont loin de répondre aux cahiers des charges européens.
La disparité est très grande : certains centres de code ne font que deux séances par mois, les inspecteurs doivent parfois se déplacer pour seulement trois épreuves par jour alors que la norme est de douze. Vous évoquez les problèmes que cela pose aux candidats mais n'oubliez pas pour autant ceux des inspecteurs, confrontés à des mécanismes compliqués de récupération.
Bref, il va falloir une réforme. Celle-ci vous sera proposée prochainement. (Applaudissements sur les bancs UMP)
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.