Agents sportifs
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, présentée par M. Jean-François Humbert et plusieurs de ses collègues, visant à encadrer la profession d'agent sportif et modifiant le code du sport.
Discussion générale
M. Jean-François Humbert, auteur de la proposition de loi. - Notre excellent rapporteur, Pierre Martin, m'a entraîné hier au Stade de France où nous avons eu le plaisir d'assister à la victoire de notre équipe nationale. Aujourd'hui, j'ai l'honneur de vous présenter une proposition de loi tendant à encadrer la profession d'agent sportif, afin de protéger l'éthique sportive.
La loi du 6 juillet 2000 relative aux activités physiques et sportives a été appliquée de manière satisfaisante pour ce qui est de l'accès à la profession, mais certains agents sportifs exercent leur activité dans des conditions irrégulières. La multiplication des affaires les impliquant montre qu'il faut faire évoluer la loi.
L'exercice de cette profession est organisé par les articles L.226 et suivants du code du sport. Les fédérations concernées ont bien contrôlé l'accès à l'activité, mais la surveillance de son exercice s'est révélée insuffisante, pour ne pas dire plus.
La proposition de loi que je vous présente a pour but de mieux organiser l'accès à la profession d'agent sportif, son exercice et son contrôle. En ce qui concerne l'accès à cette profession, la législation actuelle prévoit que la licence d'agent sportif peut être délivrée à une personne physique ou à une personne morale. Mais la délivrance aux personnes morales a entraîné une confusion entre les personnes véritablement autorisées à exercer la profession d'agent sportif, celles qui ont passé l'examen, et celles qui n'y sont pas autorisées, comme les actionnaires, associés et salariés de la société. Afin de mieux identifier la personne qui est autorisée à exercer, il est proposé de supprimer la délivrance de la licence aux personnes morales. En contrepartie, les agents sportifs sont autorisés à constituer une société pour exercer leur activité. Celle-ci sera soumise aux mêmes conditions de moralité, d'incapacités et d'incompatibilités que les agents sportifs. La liste des incompatibilités est complétée afin d'éviter les conflits d'intérêts entre les agents sportifs et les autres acteurs du sport, et d'empêcher les rétro-commissions favorisées par les collusions d'intérêts. Pour que ce dispositif soit efficace, il est nécessaire d'établir une séparation juridique étanche entre les agents sportifs et d'autres acteurs du sport, notamment les dirigeants d'entreprises et d'associations qui emploient des sportifs ou organisent des manifestations sportives. Dans le cas des entreprises, l'incompatibilité concernera aussi les associés et les actionnaires ; dans le cas des associations, elle s'étendra aux fédérations et aux autres organes qu'elles auront constitués.
Autre source de dérives : le statut des agents sportifs communautaires. Les agents sportifs ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen non établis sur le territoire national peuvent actuellement exercer sans filet : ils n'ont pas besoin de licence ; ils ne sont pas tenus de respecter les limites de rémunération prévues par le Code du sport ; ils ne sont pas obligés de transmettre les contrats et mandats à la fédération compétent ; aucune sanction disciplinaire ne peut être prise à leur encontre. Ils peuvent donc se livrer à des abus quasiment en toute impunité, ce qui est inadmissible. Pour mettre fin à cette situation, la proposition de loi prévoit d'encadrer l'activité des agents communautaires en s'inspirant du dispositif applicable aux éducateurs sportifs communautaires. Il restera bien sûr possible pour un agent communautaire d'exercer sa profession en France, mais uniquement s'il est qualifié pour le faire dans son pays d'origine. Les modalités d'exercice prévues par le texte adopté par la commission des affaires culturelles me conviennent parfaitement : elles respectent l'esprit de la proposition de loi, qui est d'encadrer les activités des agents communautaires. Ceux-ci seront tenus à l'obligation de déclaration prévue par le code du sport. Ainsi, dès leur première intervention sur le territoire français, il sera possible de vérifier s'il existe une différence substantielle entre le niveau de qualification requis dans leur pays d'origine et celui qui est exigé en France. En cas de différence substantielle, la fédération pourra exiger qu'ils passent l'examen d'agent sportif, ou une partie de celui-ci.
Le dispositif actuel ne prévoit pas explicitement le cas des agents extracommunautaires non titulaires d'une licence d'agent sportif. Dans le silence de la loi, il faut en déduire que pour exercer la profession d'agent sportif en France, les agents extracommunautaires doivent obtenir la licence française. Ce système est tellement contraignant qu'il n'est pas respecté. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit que les agents extracommunautaires non titulaires devront conclure une convention de présentation avec un agent titulaire qui sera chargé de placer le sportif. Cette convention a pour but de mettre en présence un sportif ou un club avec un agent sportif titulaire. Transmise par l'agent sportif à la fédération, elle servira de fondement juridique à la rémunération de l'agent extracommunautaire.
Le deuxième objectif de la proposition de loi est de réglementer l'exercice de la profession d'agent sportif. La définition actuelle de cette profession ne comprend pas l'activité d'agent d'entraîneur. Dans le cadre du dispositif existant, l'agent sportif ne peut que « mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ». Autrement dit, il ne peut jouer qu'un rôle d'intermédiaire. Cela n'empêche pas qu'en pratique, les agents sportifs soient aussi agents d'entraîneurs, mais cette activité est parfaitement illégale puisqu'elle est interdite par le code du travail. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour autoriser sous conditions le placement d'entraîneurs par les agents sportifs.
Selon la législation actuelle, un agent sportif est censé n'être rémunéré que par la personne qui le mandate. Cette obligation n'est valable que sur le papier : très souvent, ce sont les clubs qui rémunèrent directement des agents mandatés par les sportifs. Cette hypocrisie contribue à l'opacité qui règne dans les opérations de placement des sportifs. C'est pourquoi la proposition prévoit de préciser les relations contractuelles concernées par l'activité d'agent. Le contrat de courtage encadre juridiquement l'activité de l'agent chargé de mettre en relation les parties intéressées à la conclusion d'un contrat sportif. Ce contrat passé entre l'agent et le sportif, le club ou l'organisateur devra être écrit et transmis à la fédération ; il devra également préciser les conditions de rémunération de l'agent sportif et l'identité de la personne qui le rémunèrera. La grande évolution est que l'agent sportif pourra être payé par l'une ou l'autre des parties, quelle que soit celle qui lui aura demandé de les mettre en contact. La rémunération de l'agent restera limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais deux types de contrats seront visés : d'une part, les contrats relatifs à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ; d'autre part, les conventions prévoyant ces contrats de travail. En outre, l'agent sportif ne pourra percevoir aucune rémunération avant d'avoir transmis son contrat à la fédération. Je note au passage que ce texte est conforme au règlement de la Fifa, qui permet à un club de rémunérer l'agent, même s'il a été mandaté par le joueur : il suffit que le joueur ait donné son accord écrit. C'est toute la chaîne du contrôle qui pourra ainsi être rétablie grâce à la légalisation de la rémunération de l'agent par le club.
Autre difficulté : lorsqu'un mineur signe un contrat sportif, la législation en vigueur interdit à son représentant d'être rémunéré, qu'il s'agisse d'une personne physique, d'une société ou d'une association sportive. Mais il est facile pour les représentants de bafouer cette interdiction en faisant signer au mineur d'autres types de contrats. C'est pourquoi notre texte interdit toute rémunération sur la base des contrats signés avec un mineur.
Enfin, cette proposition renforce le contrôle de la profession d'agent sportif. Premier élément : l'activité de l'agent est souvent contrôlée à l'occasion du renouvellement triennal de sa licence. Cette procédure de renouvellement est une source de conflits intarissable, puisque les fédérations l'utilisent souvent comme mode de sanction. Afin de limiter les risques de contentieux inutiles, le projet propose de délivrer la licence pour une durée indéterminée et de passer à un contrôle annuel de l'activité des agents. Ce contrôle sera complété par la transmission obligatoire des documents les plus importants aux fédérations compétentes (contrats de courtage, contrats de travail, pièces comptables, contrats de travail des joueurs avec mention des agents).
Deuxième élément : les sanctions disciplinaires actuellement prévues se limitent à condamner les agents qui n'auraient pas communiqué les contrats de travail des joueurs ou les mandats. Rien n'est prévu pour punir les agents qui enfreignent les autres règles légales, notamment le plafond de rémunération. Le projet prévoit donc d'étendre les possibilités de sanctions disciplinaires des fédérations à ces agissements. De même, il limite les risques d'abus de la part des agents en rendant leur rémunération conditionnelle : un agent ne pourra être payé que s'il transmet à la fédération compétente le contrat qui est à l'origine de son activité.
Troisième élément : l'actuel code du sport n'autorise pas le Comité national olympique et sportif Français (CNOSF) à jouer un rôle de conciliation dans les conflits opposant les agents sportifs aux fédérations. Il vise les licenciés mais pas les agents sportifs, qui ont une licence de nature différente. Le projet met fin à cette anomalie en étendant les missions de conciliation du CNOSF aux conflits opposant les agents sportifs aux fédérations.
Quatrième élément : l'activité d'agent sportif est souvent exercée de façon illégale. Il est donc nécessaire de prévoir un renforcement des sanctions. C'est pourquoi le texte prévoit de punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende celui qui exercera illégalement la profession d'agent sportif. Dans certains cas extrêmes, l'amende pourra dépasser 30 000 euros et atteindre le double de la somme indûment perçue par l'agent sportif.
En conclusion, il est certain que les agents sportifs malhonnêtes ne disparaîtront pas du jour au lendemain par la grâce d'une simple loi. Cependant, la plupart des abus ont été rendus possibles par l'insuffisance des textes encadrant l'exercice de cette profession : soit il n'y avait pas de loi, soit elle était mal mise en oeuvre. La proposition qui vous est soumise a pour objectif principal de combler les vides juridiques les plus flagrants et de mieux organiser les contrôles. Moi et ceux de mes collègues qui ont soutenu le dépôt de cette proposition de loi, nous avons voulu faire oeuvre utile en permettant l'exercice le plus sain possible de toutes les activités liées à la pratique sportive. (Applaudissements à droite)
M. Pierre Martin, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Dans le monde du sport, on doit malheureusement admettre qu'évoluent des gens peu exemplaires. Sans vouloir stigmatiser une partie de la population, on en trouve un certain nombre parmi les agents de joueurs : c'est même aujourd'hui l'une des plaies du sport professionnel. Je ne remets pas en doute leur utilité. A l'époque où les joueurs professionnels étaient comparés à des esclaves parce que leurs dirigeants avaient tout pouvoir sur eux, l'arrivée des agents, négociateurs des contrats et des transferts, a rééquilibré le rapport de force. Aujourd'hui, les intermédiaires jouent un rôle utile comme interlocuteurs des clubs et comme traits d'union entre les joueurs et les dirigeants. Mais l'envolée du coût des transferts depuis l'arrêt Bosman, la mondialisation du football, et plus généralement l'avènement du « sport business », ont entraîné l'arrivée d'agents plus ou moins scrupuleux qui veulent se partager la part du gâteau. La loi du 6 juillet 2000 a tenté de résoudre ce problème en confiant le contrôle de l'activité des agents sportifs aux fédérations, et en renforçant les incompatibilités. Sans être un échec patent, cette loi n'est pas arrivée à ses fins.
Cette loi n'est pas arrivée à ses fins.
La chronique judiciaire a été très fournie ces dernières années. Je ne citerai qu'un exemple, malheureusement illustré ces dernières années par certains des plus grands clubs de football français : la surévaluation, qui consiste pour les négociateurs à échanger une somme d'argent supérieure à la valeur du joueur vendu ou acheté et à partager la différence, soit pour leur compte -c'est ce qu'on appelle les rétro-commissions- soit pour alimenter une caisse noire qui servira aux futurs transferts. Toutes les manoeuvres frauduleuses ont un point commun : l'agent est au centre de la fraude parce qu'il est le maillon le plus faible de la chaîne, celui qu'on ne voit pas, celui qui peut aller facilement dans un paradis fiscal, celui qui est au coeur des transactions.
Quels sont les défauts de notre législation ? On a attribué des licences à des personnes morales -et en leur nom, des agents plus ou moins occultes ont prétendu négocier des contrats, sans avoir les compétences minimales requises ; on a mal encadré l'exercice de la profession par les agents étrangers -ils étaient censés détenir une licence française pour exercer, ce qui a été jugé par eux trop contraignant : ils sont tous intervenus sans contrôle ; on n'a pas été assez loin dans les incompatibilités -des agents de joueurs sont devenus dirigeants et ont mené ensuite des opérations contraires à l'éthique sportive ; le contrôle s'est avéré inadapté car l'interdiction de rémunération des agents par les clubs, édictée pour protéger les intérêts des joueurs, a été systématiquement contournée -les joueurs refusent de payer leurs agents. Cette pratique est extrêmement pernicieuse car, pour la dissimuler, clubs et joueurs font disparaître le nom de l'agent des contrats. Aucun contrôle n'est plus, dès lors, possible. Les fédérations ne peuvent contrôler ni les agents exerçant illégalement, ni ceux qui détournent de l'argent, ni les sommes qui leur sont versées. Très peu de sanctions ont été prises alors que ces pratiques illégales se sont généralisées.
Tous les acteurs du monde sportif sont aujourd'hui d'accord sur la nécessité d'une réforme et même sur ses modalités. La proposition de loi de M. Humbert arrive donc à point nommé. Encadrant et contrôlant l'accès à la profession d'agent et son exercice, elle interdit la délivrance de licences aux personnes morales, renforce les incompatibilités afin d'éviter les trop nombreuses collusions entre agents et dirigeants de clubs ; elle améliore la protection des mineurs en interdisant à tout intermédiaire d'être rémunéré sur un contrat passé avec un jeune -l'activité de certains intermédiaires s'apparente à la traite d'êtres humains lorsqu'ils amènent des enfants africains et les abandonnent en cas d'échec. L'activité des agents étrangers est encadrée : les non communautaires devront passer par un agent français pour négocier un contrat avec un club français.
Le texte autorise enfin, c'est une révolution, la rémunération des agents par les clubs. Cette mesure longtemps contestée fait aujourd'hui l'unanimité. Elle part d'une idée simple : il faut légaliser pour mieux encadrer. Les clubs ne verront plus d'obstacle à mentionner le nom de l'agent qu'elles rémunèrent, et les agents qui respectent la loi auront tout intérêt à transmettre leur mandat à la fédération. Toutes les étapes du transfert pourront être contrôlées. Rappelons-nous que c'est l'acheteur qui paye l'agent immobilier, même quand c'est le vendeur qui a fait appel à lui, et que c'est le producteur qui paye l'agent artistique et non le comédien. Cette disposition est un retour au droit commun. La proposition de loi prévoit enfin un renforcement très opportun des contrôles et des sanctions.
La commission des affaires culturelles a apporté quelques modifications au texte initial, notamment pour le rendre compatible avec le droit communautaire, plus précisément aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de service. Les agents européens qui ont une expérience d'agent crédible et qui respectent le droit français pourront s'installer en France en obtenant une équivalence. Un examen allégé sera imposé à ceux qui se prévalent d'un diplôme dont la valeur est inférieure à celle correspondant à la délivrance de la licence. Tous seront strictement soumis aux mêmes règles que les agents français. Pour ceux qui veulent exercer leur activité d'agent de manière ponctuelle en France, les conditions seront moins strictes, mais ils devront respecter les règles relatives aux incapacités et incompatibilités. Tous ces agents devront déclarer leur activité aux fédérations qui la contrôleront.
En outre, le texte modifié impose clairement aux fédérations de faire respecter les dispositions du code du sport, encadre l'action des collaborateurs d'agents, précise les personnes potentiellement concernées par les sanctions prises par les fédérations et interdit aux avocats d'exercer l'activité d'agent sportif.
La commission vous propose d'adopter la présente proposition de loi. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative. - La coproduction est à la mode. Le Sénat démontre aujourd'hui qu'elle n'est pas un gadget. J'ai souhaité dès mon entrée en fonction traiter la question des agents sportifs ; je me félicite que la Haute assemblée ait réussi neuf mois plus tard à faire aboutir un texte, après un important travail d'analyse, des rencontres nombreuses avec tous les acteurs concernés et les travaux des inspections générales et des deux assemblées. Sa proposition est désormais mature et conforme au droit communautaire, même s'il faut encore l'affiner sur ce point ; ce sera fait d'ici la fin de la discussion au Parlement.
Ce texte, conforme à la volonté des fédérations, des clubs, des agents et des joueurs, atteint les objectifs qu'il s'était fixés, moralisation, transparence financière, protection des sportifs, notamment des plus jeunes. Il permet de crédibiliser une profession indispensable au sport professionnel, élargit la liste des incompatibilités, autorise les clubs à rémunérer les agents, renforce les contrôles, traite le cas des agents étrangers.
Je rends hommage à la commission des affaires culturelles et à son président, et je salue le regard aiguisé que MM. Humbert et Martin portent sur le monde du sport. La qualité du texte leur doit beaucoup. (Applaudissements à droite)
M. Jean Boyer. - Alors que Roland-Garros bat son plein, que l'Euro 2008 de football va débuter, nous sommes saisis d'un texte qui encadre davantage la profession d'agent sportif. Le mode sportif se professionnalise de plus en plus, devient tous les jours davantage un objet de commerce qui brasse des sommes considérables. Il était nécessaire de définir des règles qui permettent d'améliorer la pratique du sport mais aussi l'encadrement.
Les agents sportifs sont des acteurs du monde sportif qui concourent à la promotion du sport et à son attractivité ; ils participent à la richesse de la vie associative, en lien avec les fédérations et les clubs, en assurant aux joueurs une représentation juridique. Mais ils cèdent parfois à la tentation lorsque les enjeux financiers sont très importants, au point qu'il n'est aujourd'hui plus possible de laisser la profession sans un minimum d'encadrement. Avec certains scandales, on est loin de ce que disait Aimé Jacquet, lorsqu'il rappelait que le sport est aussi une somme de valeurs. Donner, recevoir, partager : ces mots sont de toutes les époques. Le sport est dépassement de soi, c'est une école de la vie.
C'est pourquoi nous nous réjouissons de l'initiative de M. Humbert, qui tend à mieux encadrer et contrôler l'accès et l'exercice d'une profession qui manque pour le moins de transparence.
Une plus grande transparence doit régir les relations entre les sportifs et ceux qui les accompagnent. Les enjeux financiers sont tels, que l'accès à la profession d'agent sportif doit être encadré et contrôlé, au service des sportifs eux-mêmes : ce texte va dans ce sens, c'est une bonne chose.
Je m'interroge, cependant, sur l'avenir des relations entre les sportifs et les agents : dès lors que les agents seront rémunérés par les clubs, quelle sera leur indépendance ? L'intérêt financier ne risque-t-il pas de prendre le pas sur l'intérêt des sportifs ? Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous nous rassurerez.
Ce texte clarifie les conditions d'accès à la profession d'agent, les relations avec les sportifs et les clubs, il améliore les contrôles, l'arbitrage en cas de conflit entre un agent et un club, il interdit toute rémunération lorsque le sportif est mineur, renforce la transparence, délimite clairement les fonctions d'agent sportif : il était temps ! Ces mesures, cependant, ne pourront se passer de l'implication effective du milieu sportif, pour la transparence et la moralisation. Trop d'affaires, en particulier dans le football, portant sur des sommes très importantes, ont défrayé la chronique et nous nous réjouissons de ce texte.
La moralisation passe également par une meilleure prise en compte des jeunes sportifs venus des pays en voie de développement. Lorsque leur carrière professionnelle n'est pas couronnée de succès, trop d'entre eux sont abandonnés sans scrupule et sont livrés à eux-mêmes, dépourvus des moyens de rentrer dans leur pays et désespérés. Or, perdre l'espérance, c'est perdre la vie !
Pierre de Coubertin a eu ce mot : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre ». Nous aussi, nous agissons pour vaincre l'opacité d'un système où le sport doit garder ses lettres de noblesse ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Serge Lagauche. - L'argent et le dopage sont à la source de dérives qui ont pris une grande ampleur ces dernières années, avec la mondialisation et la médiatisation du sport. En supprimant, au nom de la libre circulation, les quotas de nationalité dans le sport, la CJCE, avec l'arrêt Bosman de 1995, a ouvert la voie à la déréglementation des transferts et à l'intervention d'intermédiaires étrangers qui échappent à tout contrôle. Alors que le sport doit représenter des valeurs morales et d'épanouissement personnel, d'esprit d'équipe et de performance, le développement du sport spectacle et sa médiatisation croissante ont drainé des enjeux financiers considérables. Les sommes échangées entre les grands clubs lors des rachats ou transferts de joueurs ont donné lieu à des pratiques frauduleuses au sein desquelles le rôle joué par les agents sportifs, véritables hommes de l'ombre des circuits sportifs professionnels, est très souvent pointé du doigt.
Depuis la loi du 6 juillet 2000, l'encadrement de l'activité d'agent sportif, calqué sur celle ayant cours pour la profession d'agent artistique, passe par la délivrance d'une licence, d'une durée de trois ans, par l'une des vingt-sept fédérations sportives délégataires d'une mission de service public. L'encadrement de cette profession a cependant montré ses limites : procès des comptes de l'Olympique de Marseille, instruction en cours sur le Racing Club de Strasbourg, les exemples ne manquent pas ! Le paiement de l'agent par les clubs est souvent à l'origine des fraudes, alors que le code du sport indique très clairement que le paiement revient au mandant. Le versement de rétro-commissions par les agents aux dirigeants des clubs par le biais de la surfacturation préalable des transferts s'est trouvé facilité par ce système de double mandatement.
En avril 2005, un rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports sur l'exercice de la profession d'agent sportif s'inquiétait déjà du manque de contrôles, les contrats étant trop peu soumis aux fédérations. Ce rapport s'inquiétait encore du double mandatement, et de l'exercice de l'activité d'agent par de très nombreux non licenciés : pour 180 titulaires d'une licence d'agent sportif délivrée par la Fédération Française de Football, on estime entre 400 et 500 le nombre de faux agents ! L'inspection soulignait également que le contrôle n'était pas exercé sur les salariés d'une société ayant obtenu la licence, possibilité ouverte par la loi de 2000. Elle constatait encore les cumuls de l'activité d'agents avec celles de membres de l'encadrement de clubs, ou la détention parallèle à cette activité de parts de capital dans des clubs ou encore l'accession à des postes de responsabilités dans les clubs après avoir exercé l'activité d'agent.
Fin 2006, le groupe socialiste de l'Assemblée nationale demandait, la création d'une commission d'enquête, ce qui lui a été refusé mais qui a été à l'origine de la mission d'information parlementaire pilotée par M. Juillot, dont le rapport de février 2007 formule vingt propositions pour encadrer et moraliser l'activité d'agent sportif.
La proposition de loi que nous examinons, certainement écrite en collaboration avec le ministère, s'inspire du rapport de M. Juillot, en améliorant l'encadrement de l'accès et le contrôle de l'activité d'agent sportif, ainsi que la protection des jeunes sportifs mineurs.
On regrette cependant le très faible montant de l'amende, de 3 750 euros, assortie à l'interdiction de toucher une rémunération lors de la signature d'un contrat par un mineur.
La licence ne pourra plus être délivrée qu'à une personne physique et non à une personne morale, mais nous regrettons que le texte ne précise pas que les préposés d'agents sportifs sont cantonnés à l'exécution de tâches administratives nécessaires au fonctionnement de la société constituée et que tous les salariés de la société exerçant des fonctions d'intermédiaire devront être titulaires d'une licence d'agent sportif.
Le régime des incapacités et incompatibilités est renforcé, le renouvellement triennal de la licence est supprimé au bénéfice d'un contrôle annuel de l'activité de l'agent sportif par la fédération dont il dépend, la gradation des sanctions disciplinaires est complétée et les sanctions pénales sont aggravées.
Tout ceci va dans le bon sens pour corriger les dérives dans la pratique de l'exercice de la profession d'agent sportif.
Nous vous proposerons cependant d'améliorer le texte en encadrant plus fermement l'activité de « préposés » d'agents sportifs en les soumettant à l'obligation de licence lorsqu'ils n'effectuent pas que des tâches administratives.
Pour limiter les risques de conflit d'intérêts, nous vous proposerons d'interdire formellement tout cumul des fonctions de dirigeant, associé ou actionnaire d'une société d'agent sportif avec celles de sportif ou d'entraîneur.
Nous souhaitons par ailleurs encadrer davantage l'activité des agents sportifs qui ne sont ressortissants ni de l'Union européenne ni de l'espace économique européen, en les soumettant à l'obtention d'une licence d'agent sportif dans des conditions équivalentes à celles qui prévalent pour les agents ressortissants de ces deux entités.
Enfin, nous sommes plus que sceptiques sur la légalisation proposée du double mandatement. Certes, la prohibition n'a pas permis d'éviter les pratiques occultes et frauduleuses de versement de rétro-commissions par les clubs aux agents et aux joueurs. Mais, plutôt que de mettre en place les moyens d'un contrôle accru des contrats passés entre un agent et un sportif -je pense notamment au renforcement des prérogatives de la Direction nationale des contrôles de gestion, chargée de surveiller les comptes des clubs de football professionnel en France-, vous légalisez simplement cette pratique en espérant qu'elle suscitera de la part des cocontractants une déclaration accrue -et donc un contrôle renforcé de la part des fédérations- des contrats passés entre le sportif, son agent et son club. Nous pensons au contraire que la prohibition du double mandatement aurait dû demeurer la règle. Seul le renforcement des contrôles des contrats passés entre les agents et les sportifs ou les agents et les clubs combiné au renforcement des investigations de police judiciaire pour traquer les fraudes peut débusquer et limiter les manoeuvres fiscales et les détournements d'argent. C'est aux fédérations qu'a été confié le contrôle du principe selon lequel un agent ne peut être à la fois l'agent du joueur et l'agent du club entre lesquels le contrat est passé. Ce principe doit demeurer mais les moyens de contrôle doivent être étendus.
Au lieu de cela, la proposition de loi permet la rémunération des agents de joueurs par les clubs. Le supposé effet bénéfique attendu est le dépôt des contrats d'agents auprès des fédérations, qui permettrait à celles-ci, selon le rapporteur, de contrôler la régularité des rémunérations mentionnées dans les contrats. En d'autres termes, vous faites reposer l'efficacité des contrôles fédéraux sur la bonne volonté des cocontractants, qui seraient incités à déclarer au niveau fédéral les contrats passés. C'est d'autant plus contestable que le texte proposé étend aux ligues professionnelles le pouvoir de contrôle sur les contrats conclus par l'intermédiaire d'un agent sportif. Les parties au contrat pouvant être les clubs dont les ligues représentent les intérêts, il y a fort à craindre que celles-ci deviennent à la fois juges et parties.
Les dérives du sport professionnel sont nombreuses mais elles ont toutes un lien entre elles : l'absence de contrôle financier et le sentiment d'impunité qui y règne. Nous ne contestons pas l'insuffisance des contrôles fédéraux, nous pensons simplement que les fédérations doivent être épaulées par des contrôles externes complémentaires. Nous souhaitons légiférer pour lutter contre les dérives et non changer la loi pour les officialiser. Plusieurs pistes alternatives ont été proposées par les experts du sport professionnel pour accentuer les contrôles. La certification des agents sportifs par un organisme indépendant en est une, la mise en place d'une Direction nationale des contrôles de gestion rattachée au ministère des sports ou à la Cour des comptes en est une autre. Il semblerait enfin intéressant de créer un service de police spécialisé dans la lutte contre les dérives du sport, service qui pourrait voir ses compétences élargies au dopage, à la corruption et aux paris truqués.
La lutte contre la fraude, comme la lutte contre le dopage, est l'affaire de tous les acteurs concernés. Il serait cependant illusoire de croire à une solution miracle d'autorégulation menant à l'éradication définitive des abus et des détournements. Seule une volonté constante d'information par les clubs auprès des jeunes et de tous les publics permettra de réduire les abus. Les sanctions, elles, devront être appliquées avec rigueur, en particulier par le monde sportif. Les enquêteurs de la police judiciaire et la justice devront quant à eux continuer à exercer leur rôle d'investigation et de sanction afin de soutenir les efforts des fédérations.
Cette proposition de loi, comportant quelques améliorations, est une première étape sur la voie d'une meilleure régulation du sport professionnel. Malheureusement, elle ne permettra pas de remédier à l'ensemble des vices entachant l'activité d'agent sportif. La corruption et les transferts occultes de sommes considérables lors des achats et transferts de joueurs ternissent l'image du sport professionnel. Malgré les quelques avancées moralisant les relations du triptyque joueurs-agents-clubs, nous sommes opposés à la légalisation du double mandatement, pratique qui a largement contribué au système de rétro-commissions qui gangrène le football professionnel. Nous respectons les bonnes intentions de nos collègues mais, leur laissant la responsabilité de prolonger une situation qu'ils réprouvent, nous voterons contre leur texte.
M. Jean-François Voguet. - Notre législation sur les agents sportifs doit être revue. Le constat du rapporteur est accablant. L'essentiel des textes actuels sont issus de la loi de juillet 2000 présentée par Marie-George Buffet, alors ministre des sports. Dès cette époque apparaissait la nécessité de réglementer une activité encore à la frontière de la légalité. Depuis, malgré différentes affaires et de nombreuses propositions venant de divers horizons, rien n'est venu endiguer les dérives, les textes n'ont pas été modifiés, ni réellement appliqués, le laisser-faire s'est installé. Et aujourd'hui, ce n'est toujours pas sur un projet gouvernemental que nous sommes appelés à nous prononcer mais sur une proposition de loi déposée, étudiée et inscrite à l'ordre du jour en moins de deux semaines, et qui ne répond pas à l'ensemble des problèmes. Espérons qu'il ne s'agit pas là d'une loi de circonstance.
Selon le rapporteur, la fraude fiscale est toujours suspectée lors des mouvements de fond liés aux transferts de joueurs, tout comme le blanchiment d'argent. Sans parler de la tentation permanente de réduire les cotisations sociales. Mais nous considérons que rien, dans ce qui nous est aujourd'hui proposé, n'endiguera réellement ces phénomènes. On laissera encore blanchir et circuler des sommes considérables d'argent sale et la fraude fiscale devenir une pratique courante.
Actuellement, l'article L.222-10 interdit le double mandatement. Pourtant, les clubs rémunèrent les agents mandatés par les joueurs. Le rapporteur note que ces pratiques existent parce qu'elles répondraient à un intérêt partagé. Mais partagé par qui ? Des sommes importantes sont ainsi échangées sans contrôle, toujours au détriment du fisc et des cotisations sociales. Alors oui, des intérêts sont sauvegardés, mais pas ceux du sport, ni ceux de la Nation.
Cependant, pour réduire ces flux financiers illégaux, on ne nous propose pas de renforcer les moyens de contrôle et d'enquête, ni les sanctions, mais de légaliser ce qui était interdit. Et tout le monde sportif serait d'accord, nous dit-on. Pourtant, ni le rapport de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports ni le rapport d'information du député Juillot ne faisaient cette proposition, ni même d'ailleurs le Livre blanc de la Ligue de football.
D'autre part, de très intéressantes propositions de ces différents rapports ne sont pas reprises dans le texte d'aujourd'hui. Je pense en particulier à la proposition de la Ligue d'une centralisation bancaire des flux financiers liés aux transferts. Ou celles de l'Inspection jeunesse et sport, pour renforcer les compétences de la Direction nationale du contrôle de gestion ou pour renforcer les sanctions financières, voire même instaurer des sanctions sportives contre les clubs qui ne respecteraient pas les règles. Nous regrettons que ces pistes n'aient pas été explorées.
Ainsi, malgré des avancées sur les incompatibilités et de nouvelles règles encadrant la profession d'agent sportif, je crains que ce texte ne réponde pas à la nécessité d'endiguer durablement des pratiques illégales. Ces modifications trop partielles, manquant d'ambition, ne pourront mettre fin aux dérives du sport spectacle. La volonté politique semble manquer.
D'autre part, par delà ces mesures que nous soutenons, ce texte différencie deux types de contrats pouvant être négociés par un agent. Il permet, par ailleurs, le paiement par les clubs des agents intervenant au nom des sportifs et ouvre cette profession à la négociation de contrats pour les entraîneurs. On veut ouvrir le marché et réduire les cotisations sociales des cocontractants. Nous ne pouvons l'accepter. Après la loi de 2004, une nouvelle fois le sport professionnel tente encore de réduire ses contributions sociales au détriment de la solidarité nationale !
Nous nous interrogeons aussi sur les moyens dont disposeront les fédérations pour mener à bien leurs missions. Ceux que leur accorde le ministère diminuent depuis plusieurs années et nous nous inquiétons des nouvelles coupes budgétaires annoncées pour 2009. Nous craignons qu'une nouvelle fois le Gouvernement se défausse en ne donnant pas aux fédérations les moyens d'assumer les missions qu'il leur transmet. C'est grave car, sans moyens, les fédérations ne pourront pas mettre en place le suivi et le contrôle des contrats, et encore moins l'expertise nécessaire aux contrôles annuels de l'activité des agents.
Malgré ses quelques avancées, que nous saluons, nous ne pourrons pas voter ce texte.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
Les articles L.222-5 à L.222-12 du code du sport sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. L. 222-5. - Les dispositions de l'article L.7124-9 du code du travail s'appliquent aux rémunérations de toute nature perçues pour l'exercice d'une activité sportive par des enfants de seize ans et moins soumis à l'obligation scolaire.
« La conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice d'une activité sportive par un mineur, soit dont la cause est l'exercice d'une activité sportive par un mineur, ne donne lieu à aucune rémunération ou indemnité ni à l'octroi de quelque avantage que ce soit au bénéfice d'une personne mettant en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un de ces contrats ou d'une personne agissant pour le compte du mineur.
« Toute convention contraire aux dispositions du présent article est nulle.
« Art. L. 222-5-1. - Les infractions aux règles de rémunération mentionnées au premier alinéa de l'article L.222-5 sont punies d'une amende de 3 750 euros.
« La récidive est punie d'un emprisonnement de quatre mois et d'une amende de 7 500 euros.
« Art. L. 222-6 - L'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive, ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif.
La licence est délivrée, suspendue et retirée, selon la discipline concernée, par la fédération délégataire compétente. Celle-ci contrôle annuellement l'activité des agents sportifs.
« Art. L. 222-6-1. - L'agent sportif peut, pour l'exercice de sa profession, constituer une société ou être préposé d'une société.
« Les agents sportifs ou la société qu'ils ont constituée doivent souscrire pour l'exercice de leur activité, des garanties d'assurance couvrant leur responsabilité civile et celle de leurs préposés.
« Art. L. 222-7. - Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d'agent sportif :
« 1° S'il exerce, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d'entraînement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive ou un organe qu'elle a constitué ou s'il a été amené à exercer l'une de ces fonctions dans l'année écoulée ;
« 2° S'il est, ou a été durant l'année écoulée, actionnaire ou associé d'une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;
« 3° S'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire au moins équivalente à une suspension par la fédération délégataire compétente à raison de manquement au respect des règles d'éthique, de moralité et de déontologie sportives ;
« 4° s'il est préposé d'une association ou d'une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;
« 5° s'il est préposé d'une fédération sportive ou d'un organe qu'elle a constitué ;
« 6° s'il exerce la profession d'avocat.
« Art L. 222-7-1. - Nul ne peut exercer, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d'entraînement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive ou un organe qu'elle a constitué s'il a exercé la profession d'agent sportif durant l'année écoulée.
« Nul ne peut être actionnaire ou associé d'une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives s'il a exercé la profession d'agent sportif durant l'année écoulée.
« Art. L. 222-7-2. - Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d'agent sportif s'il a fait l'objet d'une condamnation pénale figurant au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour crime ou pour l'un des délits prévus :
« 1° Aux chapitres Ier, II, III, IV, V et VI du titre II du livre II du code pénal ;
« 2° Aux chapitres Ier, II, III et IV du titre Ier du livre III du même code ;
« 3° Aux chapitres Ier, III et IV du titre II du livre III du même code ;
« 4° Aux chapitres III et IV du titre III du livre IV du même code ;
« 5° Aux chapitres Ier, II, III, IV et V du titre IV du livre IV du même code ;
« 6° Aux articles L.232-25 à L.232-29 et L.222-5-1 du présent code ;
« 7° A l'article 1750 du code général des impôts.
« Conformément au 3° de l'article 776 du code de procédure pénale, le bulletin n° 2 du casier judiciaire peut être délivré à la fédération délégataire compétente.
« Art. L. 222-8. - Sont soumis aux incompatibilités et incapacités prévues aux articles L.222-7 à L.222-7-2 les préposés d'un agent sportif ou de la société qu'il a constituée pour l'exercice de son activité.
« Il est interdit d'être préposé de plus d'un agent sportif ou de plus d'une société au sein de laquelle est exercée l'activité d'agent sportif.
« Art. L. 222-8-1. - Lorsque l'agent sportif constitue une personne morale pour l'exercice de sa profession, ses dirigeants, associés ou actionnaires sont soumis aux incompatibilités et incapacités prévues aux articles L.222-7 à L.222-7-2.
« Lorsque l'agent sportif constitue une personne morale pour l'exercice de sa profession, ses associés ou actionnaires ne peuvent en aucun cas être :
« 1° Une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;
« 2° Une fédération sportive ou un organe qu'elle a constitué.
« Art. L. 222-8-2. - Lorsque l'agent sportif constitue une personne morale pour l'exercice de sa profession, ses dirigeants, associés ou actionnaires ne peuvent être des sportifs ou des entraîneurs pour lesquels l'agent peut exercer l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L.222-6.
« Art. L. 222-9. - L'activité d'agent sportif peut être exercée sur le territoire national, dans les conditions prévues aux articles L.222-5 à L.222-13, par les ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen :
« 1° Lorsqu'ils sont qualifiés pour l'exercer dans l'un des États mentionnés au premier alinéa dans lequel la profession ou la formation d'agent sportif est réglementée ;
« 2° Ou lorsqu'ils ont exercé à plein temps pendant deux ans au cours des dix années précédentes la profession d'agent sportif dans l'un des États mentionnés au premier alinéa dans lequel ni la profession ni la formation d'agent sportif ne sont réglementées, et qu'ils sont titulaires d'une ou plusieurs attestations de compétences ou d'un ou plusieurs titres de formation délivrés par l'autorité compétente de l'État.
« Lorsqu'il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application de l'article L.222-6, un décret en Conseil d'État fixe les conditions auxquelles les ressortissants d'un État membre de la communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen de l'activité d'agent sportif sont soumis lorsqu'ils souhaitent s'établir sur le territoire national.
« Cette activité peut également être exercée de façon temporaire et occasionnelle par tout ressortissant légalement établi dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen dans le respect des dispositions des articles L.222-7 à L.222-8-2. Toutefois, lorsque ni l'activité concernée ni la formation permettant de l'exercer ne sont réglementées dans l'État membre d'établissement, le prestataire doit l'avoir exercée pendant au moins deux années au cours des dix années qui précèdent la prestation.
« Les ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen doivent, préalablement à l'exercice de l'activité d'agent sportif sur le territoire national y compris temporaire et occasionnelle en faire la déclaration à la fédération délégataire compétente selon des modalités définies par décret en Conseil d'État.
« Art. L. 222-9-1. - Le ressortissant d'un État qui n'est pas membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui n'est pas titulaire d'une licence d'agent sportif au sens de l'article L.222-6, doit passer une convention avec un agent sportif ayant pour objet la présentation d'une partie intéressée à la conclusion d'un contrat mentionné à l'article L.222-6.
« La convention de présentation mentionnée au premier alinéa doit être transmise à la fédération délégataire compétente.
« Art. L. 222-10. - Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d'une des parties aux contrats mentionnés à l'article L.222-6.
« Le contrat en exécution duquel l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 précise :
« 1° Le montant de la rémunération de l'agent sportif, qui ne peut excéder 10 % du montant du contrat conclu par les parties qu'il a mises en rapport ;
« 2° La partie à l'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 qui rémunère l'agent sportif.
« Le montant de la rémunération de l'agent sportif tel que mentionné au 1° du présent article peut, par accord entre celui-ci et les parties aux contrats mentionnés à l'article L.222-6, être pour tout ou partie acquitté par le cocontractant du sportif. Cette rémunération n'est alors pas qualifiée d'avantage en argent accordé au sportif en sus des salaires, indemnités ou émoluments. L'agent sportif donne quittance du paiement au cocontractant du sportif.
« Lorsque, pour la conclusion d'un même contrat mentionné à l'article L.222-6, plusieurs agents sportifs interviennent, le montant total de leurs rémunérations ne peut excéder 10 % du montant du ou des contrats mentionnés à l'article L.222-6.
« Toute convention contraire aux dispositions du présent article est réputée nulle et non écrite.
« Art. L. 222-10-1. - Au titre de la délégation de pouvoir qui leur est concédée, les fédérations délégataires et le cas échéant les ligues professionnelles qu'elles ont constituées veillent à ce que les contrats mentionnés aux articles L.222-6 et L.222-10 préservent les intérêts des sportifs, de la discipline concernée, et soient conformes aux dispositions des articles L.222-6 à L.222-10. A cette fin, elles édictent les règles relatives :
« 1° A la communication des contrats mentionnés à l'article L.222-6 et des contrats en exécution desquels l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 ;
« 2° A l'interdiction pour leurs licenciés ainsi qu'à leurs associations et sociétés affiliées de recourir aux services d'une personne exerçant l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L.222-6 qui ne détient pas de licence d'agent sportif au sens de ce même article ;
« 3° Au versement de la rémunération de l'agent sportif qui ne peut intervenir qu'après transmission du contrat visé à l'article L.222-10 à la fédération délégataire compétente.
« Art. L. 222-10-2. - Les fédérations délégataires compétentes édictent des sanctions à l'encontre des agents, des licenciés et des associations et sociétés affiliées, en cas de :
« 1° Non communication :
« a) Des contrats mentionnés à l'article L.222-6 ;
« b) Des contrats en exécution desquels l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L.222-6 ;
« 2° Non-respect des dispositions des articles L.222-5 et L.222-6 à L.222-10-1 ;
« 3° Non communication des documents nécessaires au contrôle de l'activité de l'agent.
« Art. L. 222-11. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait d'exercer l'activité définie à l'article L.222-6 :
« 1° Sans avoir obtenu la licence d'agent sportif ou en méconnaissance d'une décision de suspension ou de retrait de cette licence ;
« 2° Ou en violation des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.222-5 et des articles L.222-7 à L.222-10.
« Le montant de l'amende peut être porté au-delà de 30 000 euros jusqu'au double du montant de la somme indûment perçue.
« Art. L. 222-12. - Les peines prévues à l'article L.222-11 peuvent être accompagnées d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer l'activité d'agent sportif.
« Art. L. 222-13. - Les modalités d'application des articles L.222-6, L.222-6-1 et L.222-9 à L.222-10-2 sont définies par décret en Conseil d'État. »
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L.222-5 du code du sport, après les mots :
au bénéfice d'une personne
insérer les mots :
physique ou morale
M. Jean-François Voguet. - En déposant cet amendement, mon seul souhait était de ne pas permettre au nouveau texte d'être en recul sur les dispositions actuelles. Je suis donc satisfait de la décision de notre commission de le soutenir. Aussi vais-je profiter de cette occasion pour vous dire, monsieur le ministre, qu'il serait temps que la loi évolue plus fortement sur cette question des mineurs sportifs professionnels. Est-il normal qu'aucun article du code du travail ne fasse référence à leur cas ? On y parle de mineurs comédiens, mannequins, artistes de cirque, mais jamais de sportifs. Il serait donc temps de nous pencher sérieusement sur les conditions de travail de ces jeunes sportifs afin de préserver leur santé, mais aussi sur leur droit à la formation et à des conditions d'entraînement respectueuses de leur jeunesse et de leur corps. Il nous faut aussi envisager la question de leur réinsertion, quand ils ne font pas la carrière espérée. Peut-on accepter que des contrats puissent se conclure sur de jeunes enfants en vue de leur accession éventuelle sur les plus hautes marches ? Je pense en particulier à la prise en main de très jeunes joueurs de tennis, dans le cadre de prétendues écoles de sport.
Enfin ne serait-il pas temps que la France se distingue en soutenant et en mettant en oeuvre la proposition de Michel Platini, qui souhaite l'interdiction du transfert des mineurs ?
M. Pierre Martin, rapporteur. - Tout à fait d'accord avec vous sur la question des mineurs. Merci d'avoir, après notre discussion en commission, adapté votre amendement auquel nous sommes maintenant favorables.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. - Avis favorable.
M. François Fortassin. - Je me félicite de cette proposition de loi. Mais le mieux peut parfois être l'ennemi du bien. Si les agents ne peuvent s'occuper des mineurs, ces athlètes précoces trouveront tout de même preneurs.
Il y a un risque de dérives, que les fédérations ne pourront pas toujours sanctionner suffisamment, faute de moyens. Monsieur le ministre, les sanctions devront être exemplaires. Les mauvaises habitudes ont déjà été prises !
L'amendement n°9 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°10, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-6 du code du sport par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fédérations délégataires publient la liste des agents sportifs autorisés à exercer dans leur discipline, ainsi que les sanctions qu'elles peuvent prendre à leur encontre.
M. Jean-François Voguet. - Il est défendu.
M. Pierre Martin, rapporteur. - Domaine règlementaire. L'article R 222-12 prévoit que les décisions d'acceptation et de refus de délivrance d'une licence sont publiées dans les bulletins des fédérations. Un nouveau décret prévoira explicitement la publication de la liste de l'ensemble des agents. Enfin, les sanctions sont détaillées dans la partie réglementaire du code. Avis défavorable.
L'amendement n°10, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-6-1 du code du sport, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les préposés de la société d'un agent sportif, lorsqu'ils exercent l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 222-6, sont soumis à l'obligation de détention de licence prévue à cet article.
M. Serge Lagauche. - Le code du sport ne définit pas la fonction de « préposé » d'un agent sportif. Or leurs tâches ne sont pas purement administratives ; ils peuvent également exercer une fonction d'intermédiaire. Le rapport d'information de l'Assemblée nationale, qui préconisait la création d'un statut de collaborateur d'agent sportif, interdisant tout rôle de conseil, n'a pas été suivi. Nous proposons donc de soumettre les préposés à la même obligation de licence que les agents quand ils effectuent des tâches autres que purement administratives.
M. Pierre Martin, rapporteur. - Les préposés doivent détenir la licence pour pouvoir exercer cette activité. L'amendement est satisfait : retrait, sinon rejet.
L'amendement n°1, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Je vous informe que Gaël Monfils vient de battre David Ferrer en quatre sets ! (Applaudissements)
Amendement n°3, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-8-2 du code du sport, après les mots :
associés ou actionnaires
insérer les mots :
ou ses préposés
M. Serge Lagauche. - Il s'agit de lever une ambiguïté et de mieux cibler les incompatibilités en interdisant tout cumul de la fonction d'agent avec celles d'entraîneur ou de sportif.
M. Pierre Martin, rapporteur. - L'article L 222-8 prévoit que toutes les incompatibilités sont applicables aux préposés. L'amendement est satisfait ; retrait, sinon rejet. Et je félicite l'agent de Gaël Monfils ! (Sourires)
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°3 est retiré.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-8-2 du code du sport, supprimer les mots :
pour lesquels l'agent peut exercer l'activité mentionnée au premier alinéa de l'article L. 222-6
M. Serge Lagauche. - Il est défendu.
M. Pierre Martin, rapporteur. - Le texte interdit déjà à un sportif professionnel ou à un entraîneur de posséder des parts dans la société d'un agent exerçant dans la même discipline. Aller au-delà serait inutile, et contraire au principe de libre entreprise. Avis défavorable.
L'amendement n°2, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-9 du code du sport.
M. Serge Lagauche. - Les différents groupes de travail dénoncent tous le cas des agents étrangers qui exercent sans garantie sur le territoire français. La proposition de loi prévoit un régime dérogatoire, sans aucune contrainte de titre homologué par la France, pour les agents ressortissants de l'UE ou de I'EEE exerçant une mission « temporaire ou occasionnelle », sans définir ce caractère temporaire ou occasionnel. Vu les sommes en jeu, une opération de transfert ne peut être réalisée sous l'égide d'un agent ne satisfaisant pas aux critères d'obtention de la licence française.
M. Pierre Martin, rapporteur. - L'activité d'agent exercée par un ressortissant de l'UE ou de l'EEE, même si elle n'est que temporaire ou occasionnelle, est soumise à conditions : toutes les incompatibilités s'appliquent, et l'activité doit être déclarée à la fédération. Aller plus loin serait contraire au principe de liberté de prestation de service, fixé par le droit européen. Avis défavorable.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
L'amendement n°4 est retiré.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 222-9-1 du code du sport :
« Art. L. 222-9-1. - Un agent sportif ressortissant d'un État qui n'est pas membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit être titulaire d'une licence d'agent sportif au sens de l'article L. 222-6.
M. Serge Lagauche. - Mêmes arguments : il faut prévoir les mêmes exigences pour les agents non ressortissants de l'Union européenne, qui doivent présenter les mêmes garanties que les agents français. Nous ne saurions nous satisfaire d'une simple convention passée avec un homologue français : les agents non ressortissants d'un État membre de l'UE et de l'EEE doivent être soumis à la même obligation de licence.
M. Pierre Martin, rapporteur. - Vous proposez de revenir au système en vigueur, qui est trop contraignant, inapplicable et d'ailleurs inappliqué. Le dispositif prévu par la proposition de loi est plus équilibré, et permet de contrôler l'activité de ces agents. Avis défavorable.
L'amendement n°5, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.
Supprimer les quatrième (2°) et cinquième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-10 du code du sport.
M. Jean-François Voguet. - Cet article légalise des pratiques jusqu'ici interdites. La rémunération d'un agent par le club du sportif crée un risque de conflit d'intérêts entre le sportif et son agent. Il y a là un problème éthique. On risque de n'avoir plus à terme que des agents recruteurs payés par les clubs.
Selon le rapporteur, les fraudes actuelles visent à blanchir de l'argent sale et à réduire les sommes versées au fisc et aux organismes sociaux.
En proposant que la rémunération des agents soit prise en charge par les clubs, vous accordez aux fraudeurs une partie de ce qu'ils recherchent en diminuant les prélèvements fiscaux et sociaux. Cela va à l'inverse de l'effet recherché. En période de restrictions budgétaires, est-il normal de distribuer de nouveaux cadeaux fiscaux à ceux qui n'en ont pas besoin et de réduire les ressources des organismes sociaux ?
M. Pierre Martin, rapporteur. - La possibilité pour les clubs de rémunérer les agents est au centre de nos préoccupations. Le contrôle sera plus efficace si l'on s'adapte à une situation de fait : la doctrine fiscale considère déjà que la rémunération de l'agent correspond à une prestation, soumise à la TVA. Si elle était prise en charge par le joueur, des charges sociales en seraient déduites.
Avis défavorable.
M. Bernard Laporte, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Serge Lagauche. - Je me suis moi aussi beaucoup interrogé sur l'opportunité de légaliser une pratique courante mais illégale, celle du double mandatement des agents. Un club pourra désormais verser à un agent une commission, trop élevée, ce qui permettra au second de verser une rétro-commission au premier... On comprend que dans un marché générant, pour le seul football, quelque 300 millions d'euros annuels, la légalisation de cette combinaison soit accueillie à bras ouverts !
On peut penser que la légalisation d'une pratique opaque la rendra transparente. On peut aussi estimer que la suppression du caractère renouvelable du mandat apportera une certaine sécurité aux agents vis-à-vis des clubs. Je ne suis, hélas, pas naïf au point de le croire. J'ai en mémoire les affaires de ces dernières années, affectant notamment l'OM et le Racing de Strasbourg, qui ont laissé poindre, lors d'opérations de transfert de joueurs, des pratiques de blanchiment d'argent, d'évasion fiscale, de traite d'enfants africains, de corruption...
Certes, ces contrats devraient dorénavant être transmis aux fédérations, mais le double pouvoir de contrôle de celles-ci et des ligues n'est pas de nature à nous rassurer. Surtout, il est à craindre que les contrats et mandats transmis ne mentionnent pas dans leur intégralité les transactions et les manipulations effectuées lors de celles-ci.
En 2007, devant la mission de l'Assemblée nationale, Bertrand Cauly, président du Collectif 2006 des agents sportifs, recommandait que seul le joueur paie l'agent. Il considérait en outre que l'agent de club, payé par le club, ne sert à rien.
Je ne souhaite pas que le législateur cautionne des pratiques douteuses et je voterai l'amendement du groupe CRC.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le -10-1premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-10-1 du code du sport, supprimer les mots :
et le cas échéant les ligues professionnelles qu'elles ont constituées
M. Serge Lagauche. - S'il améliore un peu le régime juridique des agents et l'arsenal de sanctions accompagnant cette activité, ce texte conforte les intérêts des ligues professionnelles. Il est inopportun de leur donner un pouvoir de contrôle sur le contenu des contrats conclus par le biais des agents sportifs, d'autant plus que ce texte légalise le double mandatement qui favorise le versement de rétro-commissions aux clubs. Les ligues représentant les intérêts des clubs, ces derniers vont ainsi devenir juges et parties.
Afin de mieux préserver les intérêts des sportifs, nous souhaitons donc que seules les fédérations restent investies d'un pouvoir de contrôle sur ces contrats.
M. le président. - Amendement identique n°8, présenté par M. Voguet et les membres du groupe CRC.
M. Jean-François Voguet. - En juillet 2000, le législateur a confié aux fédérations sportives, en vertu de leur délégation de service public, la mission d'attribuer des licences aux agents sportifs et de contrôler leur activité. Ce texte conforte cette compétence, et nous nous en félicitons. Mais pourquoi prévoir que les fédérations soient mises au même niveau que les ligues pour s'assurer que les contrats préservent les intérêts des sportifs et de la discipline concernée ? La formulation « le cas échéant » est trop vague et ouvre la porte aux contentieux.
D'autre part, l'article premier prévoit que les fédérations édictent des règles s'appliquant à leurs licenciés, aux associations et aux sociétés affiliées. Comment une ligue professionnelle pourrait-elle, à la place d'une fédération, régir l'activité des amateurs ? Enfin, on lui demande d'être juge et partie en contrôlant sa propre activité. Cet amendement lèverait toute ambiguïté.
M. Pierre Martin, rapporteur. - Selon l'importance des disciplines, il y a soit seulement des fédérations, soit des fédérations et des ligues, ces dernières gérant le professionnalisme et jouant un rôle essentiel pour l'homologation des contrats. La ligue de football, qui exerce un contrôle à travers la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG), peut informer la fédération, qui statuera en connaissance de cause. Les sanctions sportives pour les clubs sont également transmises par la ligue.
Il est donc nécessaire d'impliquer les ligues dans le contrôle des agents, mais les sanctions liées à l'activité de ces derniers restent de la seule compétence de la fédération. Vous pouvez donc être rassuré. A défaut, je serais défavorable à ces deux amendements.
L'amendement n°6, identique à l'amendement n°8, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 222-10-2 du code du sport par les mots :
, dans un délai de deux mois :
M. Serge Lagauche. - Dans son rapport d'avril 2005, la mission de l'Inspection générale de la jeunesse et des sports dénonçait le très faible taux de contrats soumis aux fédérations. Il était même nul pour la fédération française de volley-ball du fait de l'acquittement d'une redevance annuelle par les agents. La loi de 2000 imposait déjà la communication aux fédérations des contrats et mandats passés sous l'égide des agents sportifs, mais la pratique du double mandatement dissuadait les agents de déposer des contrats et mandats qui mentionnaient leur rémunération par le club.
Ce texte renforce un peu le pouvoir de sanction des fédérations. C'était nécessaire car, comme le rappelle un quotidien ce matin, « en cinq ans, les principales fédérations sportives se sont contentées de délivrer neuf blâmes à des agents, dont sept en rugby et zéro en foot ». Il serait opportun de prévoir un délai de communication des contrats, même si l'autorisation du double mandatement devrait améliorer la situation. Nous proposons un délai de deux mois pour la communication du contrat à l'autorité chargée du contrôle. Cela correspond à la pratique du droit des contrats, notamment dans le cadre des délégations de service public.
M. Pierre Martin, rapporteur. - Cette disposition relève du pouvoir réglementaire : l'article R222-21 du code des sports prévoit un délai de communication d'un mois après la signature des contrats et mandats. Votre amendement est satisfait et je vous propose, en bonne harmonie, pour terminer cet examen, de le retirer.
L'amendement n°7 est retiré.
L'article premier, modifié, est adopté.
Les articles 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, demain, jeudi 5 juin à 9 h 30.
La séance est levée à 19 h 55.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 5 juin 2008
Séance publique
À 9 HEURES 30,
Discussion du projet de loi (n° 283, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.
Rapport (n° 350, 2007-2008) de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
À 15 heures
Discussion de la proposition de loi (n° 323, 2007-2008), modifiée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile.
Rapport (n° 358, 2007-2008) de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Examen des conclusions (n° 364, 2007-2008) de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail.
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DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- M. René Garrec un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, complétant l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (n° 260, 2007-2008).
- M. Jean-Patrick Courtois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 344, 2007-2008).
- M. Jean-Claude Frécon, Mmes Nicole Bricq, Catherine Tasca et M. Yannick Bodin une proposition de loi relative à l'organisation des transports scolaires en Île-de-France.
- MM. Roland Courteau et Marcel Rainaud une proposition de loi définissant les conditions de paiement, lors des transactions commerciales, sur le vin.
- M. le Premier ministre un projet de loi autorisant la ratification de la convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes.