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Table des matières
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
Organismes extraparlementaires (Nominations)
Lutte contre les discriminations (Urgence)
Lutte contre les discriminations (Urgence - Suite)
SÉANCE
du mercredi 9 avril 2008
71e séance de la session ordinaire 2007-2008
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
La séance est ouverte à 15 h 5.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. André-Claude Lacoste, président du collège de l'Autorité de sûreté nucléaire, le rapport sur l'état de la sûreté nucléaire et la radioprotection en France en 2007.
Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a fait l'objet d'une présentation hier aux membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et sera transmis à la commission des affaires économiques qui auditionne M. Lacoste cet après-midi.
Organismes extraparlementaires (Candidatures)
M. le président. - Le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d'organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Francis Grignon pour siéger au sein du Conseil national de la sécurité routière ; la commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de Mme Catherine Dumas pour siéger au sein de la Commission du dividende numérique.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
Journée de solidarité
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la journée de solidarité.
Discussion générale
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - Le rapport d'évaluation d'Éric Besson, commandé par le Premier ministre, tire le bilan de la journée de solidarité instaurée en 2004 suite à la terrible canicule de l'été 2003. Cette proposition de loi, que le Gouvernement soutient pleinement, en est la traduction opérationnelle.
La journée de solidarité rapporte aujourd'hui 2,3 milliards à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cette aide contribue au financement des prestations de compensation pour le grand âge et pour le handicap -449 millions pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et 612 pour la prestation de compensation du handicap (PCH) en 2007. Depuis sa création, elle a également permis de créer l'équivalent de 14 000 places d'accueil à domicile ou en établissement pour les personnes âgées dépendantes et 7 700 places pour les personnes handicapées ; elle contribue aussi à l'important effort de médicalisation des maisons de retraite -73 000 places médicalisées en 200- car médicaliser, c'est aussi éviter la maltraitance.
La Cour des comptes a établi que chaque euro reçu a été alloué aux actions en faveur de l'autonomie. Les budgets existants n'ont pas été réduits, au contraire : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 augmente les crédits consacrés aux personnes âgées et handicapées de 8,1 %.
Sans remettre en cause le principe de cette journée, nous pouvons toutefois en assouplir la mise en oeuvre, qui s'est révélée difficile. L'an dernier, 70 % des entreprises étaient ouvertes le lundi de Pentecôte, mais seuls 42 % des salariés travaillaient ce jour-là. La plupart des services publics étaient fermés, qu'il s'agisse de la Poste ou de l'Éducation nationale : 4,5 millions d'enfants ne pouvaient être accueillis pendant que leurs parents travaillaient. Enfin, les transporteurs routiers travaillant le lundi de Pentecôte ne pouvaient faire circuler leurs camions de plus de 7,5 tonnes.
Comment mettre en oeuvre un principe juste et solidaire sans désorganiser la vie des entreprises et des salariés ? En réaffirmant le caractère férié du lundi de Pentecôte tout en donnant une plus grande liberté aux salariés et aux entreprises, comme le fait ce texte.
Le Gouvernement est très attaché à la liberté de choix, notamment en matière de temps de travail. Avec cette « journée à la carte », les partenaires sociaux se réuniront dans chaque entreprise pour fixer ensemble la date de la journée de solidarité. À défaut d'accord collectif, la journée de solidarité sera soit une journée de RTT, soit un jour férié choisi par les partenaires sociaux, soit sept heures réparties sur plusieurs jours. Plus nous offrirons de souplesse aux entreprises, plus les partenaires sociaux trouveront les modalités pratiques pour faire respecter le principe de solidarité.
Ce projet de loi s'inscrit dans notre politique de solidarité afin de faire face au défi croissant du grand âge. Aujourd'hui, 1,3 million de Français sont âgés de plus de 85 ans ; en 2015 ils seront 2 millions ! Nous prenons les devants, notamment avec le plan Alzheimer qui représente 1,6 milliard d'euros. Pour anticiper ces évolutions démographiques et sanitaires, le Gouvernement a entamé une réflexion sur le « cinquième risque ». Nous voulons apporter des réponses à ceux qui ont besoin d'une aide à domicile ou d'une place en établissement, aux familles qui attendent, trop longtemps, une prise en charge.
La politique de solidarité ambitieuse du Gouvernement passe par des réformes rapides et concrètes. La proposition de M. Leonetti va dans ce sens : améliorer la prise en charge des personnes âgées et handicapées, en respectant à la fois la liberté de choix des partenaires sociaux et un principe de solidarité indispensable à la cohésion de notre société. (Applaudissements à droite et au centre)
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Les événements tragiques de la canicule de 2003 ont conduit à supprimer un jour férié, le lundi de Pentecôte, afin de dégager des ressources supplémentaires destinées aux personnes âgées et handicapées.
La loi du 30 juin 2004 a institué la journée de solidarité, en majorant de sept heures la durée annuelle de travail.
Le symbole était important, mais la dimension fraternelle et solidaire a très rapidement disparu. Contrairement à l'Allemagne, où la suppression d'un jour férié, en 1994, n'avait pas posé de problème, la journée de solidarité a fait l'objet dans notre pays de nombreuses critiques très injustes et surtout témoigné d'une mauvaise volonté dans le monde du travail.
Nous répétons à l'envi que notre système de protection sociale est fondé sur le principe de solidarité, mais est-ce encore le cas quand tant de nos concitoyens renâclent à travailler sept heures de plus par an pour aider les plus fragiles de nos concitoyens ? L'an passé, la majorité des salariés n'a pas travaillé le lundi de Pentecôte...
Ce texte veut améliorer ce bilan peu flatteur, en assouplissant la loi du 30 juin 2004.
La journée de solidarité consistait à renoncer à l'un des onze jours reconnus fériés, par solidarité envers les personnes âgées et handicapées, tout en majorant légalement la durée du temps de travail, pour la première fois depuis plus de vingt ans.
Hélas, cette initiative s'est trouvée confrontée à la grande diversité des jours chômés accordés aux salariés français, ainsi qu'à de la mauvaise volonté : grèves dans les services publics, recours contentieux des syndicats, contournement de l'esprit de la loi par des entreprises, qui ont offert cette journée à leurs salariés sans contrepartie. Certaines entreprises ont tant fractionné cette journée de solidarité, que toute signification en a disparu. A ce jeu, la SNCF mérite une mention spéciale, vous en trouverez le détail dans le rapport.
Le bilan est en demi-teinte. La journée de solidarité a créé un mode de financement pérenne du système de protection sociale, qui rapporte chaque année 2,1 milliards, dont 1,85 milliard versés par les employeurs privés et publics, et 350 millions prélevés sur les revenus du capital ; le pouvoir d'achat des salariés a été préservé ; mais l'insertion de la journée de solidarité dans le droit social s'est avérée très difficile ; cette mesure n'est pas tout à fait neutre économiquement ; enfin, de trop grandes disparités de situations individuelles entre les assurés sociaux sapent la légitimité de la mesure. Dans le secteur privé, 70 % des entreprises sont ouvertes et 48 % des salariés travaillent le lundi de Pentecôte. La plupart des services publics, en revanche, sont fermés. 86 % des salariés se conforment à la loi, d'une façon ou d'une autre, durant l'année civile, mais selon des modalités très diverses.
Ce texte propose d'assouplir le dispositif, en donnant « carte blanche » aux entreprises pour aménager au mieux, durant l'année civile, ces sept heures de travail supplémentaires. Cette idée trouve son origine dans le rapport du secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques publié en décembre dernier. Trois hypothèses y étaient mises à l'étude : une application uniforme fixée au lundi de Pentecôte ; l'abandon de toute référence au lundi de Pentecôte et le renvoi à des négociations avec les partenaires sociaux ; des efforts particuliers pour améliorer l'accueil et la garde des enfants le lundi de Pentecôte, ainsi que pour régler le cas particulier du secteur des transports.
Cette proposition de loi, en accord avec le Gouvernement, retient la deuxième hypothèse. Nos collègues députés l'ont très justement étendue au secteur public, où la journée de solidarité est moins bien respectée.
Notre commission en accepte l'économie générale.
Trois questions majeures demeurent cependant. D'abord sur le rapport des Français au travail : nous travaillons en moyenne 15 % de moins que nos partenaires de l'OCDE, les sept heures annuelles supplémentaires représentent une augmentation très modeste : le simple maintien de notre protection sociale généreuse, dépend de la production de richesse, donc du travail. Le recours au dialogue social, ensuite, sachant que la quasi-totalité des syndicats est hostile au principe même de la journée de solidarité, certains la qualifiant même de « corvée ». Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, que seulement dix-neuf accords de branche aient été signés avec les organisations syndicales depuis 2004. En pratique, les chefs d'entreprise seront donc conduits le plus souvent, comme aujourd'hui, à fixer eux-mêmes les modalités de cette journée de solidarité, bien après le prochain lundi de Pentecôte. Enfin, si la durée de travail n'augmente pas de sept heures, la journée de solidarité ne crée-t-elle pas un prélèvement obligatoire, loin de la neutralité économique pourtant affichée ? La liberté accordée aux entreprises pour organiser cette journée ne doit pas faire perdre le ressort solidaire : un trop grand fractionnement de ces sept heures de travail sur l'ensemble de l'année, ferait perdre la conscience du geste fraternel qui avait inspiré la loi.
En définitive, mes chers collègues, notre commission vous demande d'adopter cette proposition de loi dans une version très proche de celle votée par nos collègues députés. Il restera à aborder au fond le problème de la dépendance, avec le projet de loi en préparation concernant le cinquième risque. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Yves Détraigne. - Le bon sens l'emporte, enfin ! Il aura donc fallu quatre ans de mise en oeuvre chaotique (M. Domeizel le confirme) et trois rapports publics, pour que le Gouvernement reconnaisse ce que les Français ont tout de suite constaté : l'application de la journée de solidarité a été un modèle de désordre public !
Je passerai sur l'obligation faite aux transporteurs routiers de travailler le lundi de Pentecôte sans avoir le droit de faire circuler les poids lourds, ou sur la SNCF, qui a fait sourire la France entière en décidant que ses salariés travailleraient une minute onze secondes de plus chaque jour : un enterrement de première classe !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - On ne croit pas à la solidarité !
M. Yves Détraigne. - Qui plus est, la société nationale offrait à son personnel un bonus de rémunération, en violation de la loi, ceci pour un service inchangé de jour férié, alors que la majorité des usagers était censée aller au travail...
L'État lui-même n'a pas été exemplaire : par circulaire du 8 décembre 2004, le ministre de l'éducation nationale fixait la journée de solidarité au lundi de Pentecôte, tout en autorisant les recteurs à décider d'un autre jour pour tenir compte des réalités locales...
La loi a été détournée de son objet et j'ai, à plusieurs reprises, signalé au Gouvernement que sa mise en oeuvre a créé des situations abracadabrantes et de profondes inégalités entre les différentes catégories de travailleurs.
Il eût été plus judicieux de maintenir la contribution sans imposer une journée de travail fictif, ou de réduire d'un jour les congés annuels. Je me réjouis donc de cette proposition de loi ; le groupe de l'Union centriste la votera.
La journée de solidarité est fondée sur une ambiguïté. On a expliqué qu'en travaillant une journée de plus, on augmentait la richesse produite, donc la capacité à financer la solidarité nationale. Si les entreprises, en produisant plus, augmentent leur chiffre d'affaires, bien des activités ne créent pas de richesses nouvelles. Ouvrir une journée de plus ses services, pour une collectivité territoriale, c'est supporter des charges de fonctionnement supplémentaires, sans recettes supplémentaires. Pour les enfants qui n'avaient pas école, alors que leurs parents travaillaient, les mairies ont dû organiser un accueil ! J'en suis d'accord, tous les Français -et non seulement ceux qui travaillent dans le secteur marchand- doivent participer à cette journée de solidarité. Mais l'État reproche aux collectivités locales de ne pas assez participer à la réduction des déficits publics et il leur inflige des charges nouvelles sans contrepartie !
Que rapporte effectivement cette journée en recettes supplémentaires ? Quels coûts supplémentaires engendre-t-elle ? Les estimations qui figurent dans le rapport sont théoriques ! Quand notre pays est en panne de croissance, quand les déficits publics sont si élevés et quand l'État est à la recherche de 7 milliards d'euros d'économies, est-ce en augmentant les charges et les contraintes économiques que vous dégagerez des moyens supplémentaires pour la solidarité nationale ? Comment se plaindre du poids des prélèvements et répondre à chaque nouveau problème par de nouvelles taxes ? Libérons plutôt la croissance, pour retrouver le cercle vertueux de la création de richesses supplémentaires et des recettes induites !
Les incohérences dans la mise en oeuvre de la loi de 2004 doivent nous faire réfléchir à ce choix de société. Le texte ne tranche pas. Mais le bon sens l'emporte. Nous voterons donc la proposition de loi, avec l'espoir que les employeurs l'utilisent intelligemment et ne recréent pas de « vraies fausses journées » de solidarité. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs UMP)
M. Claude Domeizel. - Enfin... Après deux ans de pagaille, vous vous décidez, dans l'urgence, avant la Pentecôte 2008, à revenir sur la loi du 30 juin 2004. Cette dernière, souvenez-vous, fut votée dans la précipitation, sous le coup de l'émotion des 15 000 morts de la canicule. Je ne vais pas bouder mon plaisir à vous rafraîchir la mémoire...
Lors du débat de 2004, je soulignais que vous aviez réussi à faire l'unanimité... contre vous : les organisations syndicales, les partis d'opposition et une grande partie de vos sympathisants, le conseil d'administration de la CNAVTS, l'UDF, les professionnels du tourisme, les évêques de France, l'opinion publique... Vous avez également ignoré l'avis du Conseil économique et social. Mais l'obstination conduit toujours à faire des bêtises que l'on est obligé de corriger ensuite. Le Conseil d'État avait réaffirmé le caractère férié du lundi de Pentecôte ; mais peu vous importait et la loi a imposé cette journée de solidarité à 70 % des entreprises, celles qui ne dépendaient pas des accords d'entreprises ou de branches.
Ce fut bien sûr la cacophonie : salariés obligés de travailler, mais services publics fermés, notamment les crèches et les écoles... La corrida de Nîmes eut lieu, malgré tout. Je vous disais en 2005 : « Quand une idée est mauvaise, il faut savoir le reconnaître. » Il vous aura fallu quatre ans pour admettre ce que des millions de personnes avaient compris tout de suite.
M. Nicolas About, président de la commission. - Elles avaient surtout compris comment contourner le système.
M. Claude Domeizel. - Désormais, la journée de solidarité devient un temps de travail supplémentaire de sept heures. Après tant de confusion, vous rendez au lundi de Pentecôte son caractère férié. Mais vous ne revenez pas sur le principe d'une journée de travail gratuit -l'atteinte aux fondements du droit du travail demeure. Vous ressuscitez la corvée, travail gratuit dû par le paysan à son seigneur.
M. André Lardeux, rapporteur. - Ce n'est pas exactement cela...
M. Claude Domeizel. - Vous attaquez par ce biais les 35 heures, vous modifiez la durée légale du travail en relevant le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Mais il y a plus grave : en jouant sur la culpabilisation, vous infligez aux seuls salariés un impôt déguisé.
M. André Lardeux, rapporteur. - Ils sont les seuls à travailler 35 heures.
M. Claude Domeizel. - Pourquoi cette solidarité ciblée ? Quid des revenus des capitaux, des stocks-options ? (M. Godefroy renchérit) Le nombre de personnes de plus de 85 ans va doubler d'ici 2015. Il est grand temps de proposer un texte à la hauteur des enjeux.
Tout le monde n'est pas tenu à la même solidarité. Quelle iniquité ! Les salariés sont déjà confrontés à la baisse notoire de leur pouvoir d'achat. Jusque dans vos rangs, madame la ministre, des députés affirment que « les réformes sont indispensables, mais doivent être justes » ! Eux-mêmes reconnaissent que le paquet fiscal de 15 milliards est injuste, que la défiscalisation des heures supplémentaires n'a rien réglé, pas plus que la déductibilité des intérêts d'emprunt. Ils réclament une meilleure répartition de l'effort fiscal, un plafonnement des niches fiscales. Ils déplorent l'effet du paquet fiscal sur les résultats des élections municipales et notent que dix millions d'électeurs ne sont pas allés voter par exaspération et lassitude. Vous avez réussi, par une politique arrogante et antisociale, à semer le trouble au sein de vos troupes !
« Les caisses sont vides » lâche avec désinvolture le Président de la République. Il n'y a qu'à supprimer le cadeau fiscal de la loi Tepa ! (M. Paul Blanc proteste) Nous sommes dubitatifs sur les 166 mesures annoncées : les plus modestes n'en feront-ils pas les frais ? J'ai en mémoire les franchises médicales...
Vous tentez, avec cette proposition, de rattraper une erreur grossière. Mais aucun débat en vue sur la dépendance, aucun bilan de l'APA, dont le nombre de bénéficiaires ne cesse de croître. L'État n'augmente pas son enveloppe, les départements assument donc non pas la moitié mais les trois quarts de la dépense totale. Les fonctions publiques, notamment locale et hospitalière, sont soumises à une contribution de 0,3 % de la masse salariale. Tout cela se traduit par un transfert de charges, donc une augmentation masquée de la fiscalité locale. Les salariés sont taxés deux fois !
Les sénateurs socialistes ne voteront pas cette proposition qui se borne à rectifier la forme d'une disposition injuste sans traiter au fond les problèmes, le manque de personnel soignant, le gel des crédits de santé, les tarifs des soins et les prix de journée... Prétendre financer la dépendance par un jour de travail non payé est une aussi grande tromperie que laisser croire que le plan Alzheimer pourra être financé par les franchises médicales.
Je vous citerai pour conclure un passage du débat sur la loi en 2004 : « Faire reposer l'essentiel de l'effort une nouvelle fois sur le travail est contestable, dans le contexte actuel de concurrence économique internationale exacerbée que nous connaissons. Exonérer les professions libérales, les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les retraités de tout effort, est-ce juste ? Je ne le crois pas. C'est d'autant plus regrettable que notre nouveau Gouvernement avait annoncé son intention de mettre la justice sociale au coeur de ses politiques. Comment les Français pourront-ils adhérer à l'effort nouveau que vous leur demandez, s'ils ont le sentiment que cet effort n'est pas équitablement partagé ? ». C'est ce que nous pensions alors avec bien d'autres sénateurs, -n'est-ce pas, madame Létard ?- et ce que nous pensons toujours !
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons adhérer à la journée de solidarité, même avec les aménagements que vous proposez. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas About, président de la commission. - La solidarité est une exigence difficile !
M. Louis Souvet. - Monsieur Domeizel, je ne résiste pas au plaisir de vous répondre. Nous connaissons votre sensibilité aux problèmes sociaux. Vous avez dit en commençant votre intervention : « Je ne vais pas bouder mon plaisir » mais si nous n'avions pas fait ce que vous avez appelé une « erreur grossière », vous auriez été privé de ce plaisir ! Et je ne vous rappellerai pas d'autres erreurs, autrement graves et à l'impact économique bien plus important, que vous avez commises et que nous avons mis longtemps à réparer !
M. Claude Domeizel. - Je vous vois venir !
M. Nicolas About, président de la commission. - Les 35 heures !
M. Louis Souvet. - La canicule de l'été 2003 a révélé les insuffisances de notre prise en charge de la dépendance. Elle a été un électrochoc pour la conscience collective en révélant l'isolement dans lequel se trouvent certains de nos aînés. Nous avons comptabilisé environ 15 000 morts. 15 000 morts ! Dans un pays riche et bien organisé ! L'équivalent de la population d'une ville moyenne a ainsi disparu en quelques semaines à cause d'un phénomène météorologique !
L'espérance de vie s'accroît grâce aux progrès sociaux et médicaux et la population vieillit, ce qui multiplie les situations de dépendance et crée une charge supplémentaire pour les familles et la société. Actuellement, 20 % des adultes ont, dans leur entourage proche, un parent qui ne peut vivre seul.
Notre pays est en retard dans la prise en charge des personnes âgées à domicile comme en établissement. La loi du 30 juin 2004, en posant le principe de la journée de solidarité, a apporté un début de solution en renforçant les moyens d'aider les personnes dépendantes, en raison de leur âge ou de leur handicap.
La journée de solidarité, qui n'est pas une nouvelle imposition, exige des salariés une présence supplémentaire de sept heures par an et évite une augmentation de la pression fiscale qui risquait d'être mal ressentie.
Il est rassurant que la solidarité, au fondement de notre société, s'exprime à un moment où les liens familiaux se distendent et où l'indifférence se banalise. Les études d'opinion effectuées après la canicule ont montré que, majoritairement, les Français acceptent de travailler une journée supplémentaire en faveur de leurs aînés et des personnes handicapées. L'idée n'était d'ailleurs pas inédite, puisqu'elle avait été expérimentée en Allemagne avec la suppression de la journée dénommée Buss und Bettag.
Pour gérer les fonds, la loi de 2004 a créé la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Cet établissement public, doté d'un organe de surveillance associant élus, parlementaires, partenaires sociaux et milieu associatif, garantit la transparence et évite que se renouvelle l'expérience de la vignette automobile, largement détournée de sa vocation originelle. Comme l'a confirmé la Cour des comptes, le produit de la journée de solidarité a bien été affecté à des actions en faveur des personnes dépendantes. Il n'y a pas non plus eu « d'effet de substitution » car l'État et la sécurité sociale n'ont pas diminué leur contribution.
La journée de solidarité a rapporté plus de deux milliards d'euros et permis la médicalisation de 110 000 places en maisons de retraite ainsi que la création de 14 000 places médicalisées à domicile ou en établissement pour les personnes âgées dépendantes ; 7 000 places ont été créées pour les personnes handicapées, et le financement de l'APA a été complété de plus de 400 millions d'euros en 2007.
La journée de solidarité devait de surcroît créer un esprit de fraternité conforme à la trilogie républicaine qui a résisté à l'épreuve du temps, « Liberté - Égalité-Fraternité ».
Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait maintenu le principe de la journée de solidarité. Mais nous devons aussi prendre en compte les difficultés que soulève son application. Nous avions choisi une certaine souplesse en privilégiant les accords de branche ou d'entreprise mais, sur le terrain, la dynamique de négociation ne s'est pas enclenchée. A défaut de choix, la loi avait fixé la journée travaillée au lundi de Pentecôte. Les situations les plus diverses ont été observées. Ce manque de lisibilité a contribué à l'insatisfaction de l'opinion alors même que l'idée d'une journée de solidarité avait été bien perçue.
En 2007, 70 % des entreprises étaient ouvertes, mais elles comptaient moins de la moitié de leurs salariés, à cause du problème de la garde des enfants, les établissements scolaires et les garderies publiques étant fermés. D'autre part, les jours fériés font partie de nos traditions et génèrent une activité économique non négligeable. La journée de solidarité a entraîné une diminution de 60 % de la fréquentation du Mont-Saint-Michel et posé des problèmes à la Feria de Nîmes. Enfin, elle pose un problème spécifique au transport routier car, pour des raisons de sécurité, les poids lourds de plus de 7,5 tonnes ne peuvent circuler le lundi de Pentecôte.
Ces difficultés ne sont pas insurmontables mais nécessitent une modification législative. La souplesse, qu'apporte la présente proposition de loi, est une solution de bon sens.
Le texte retient l'une des solutions du rapport Besson et aboutit à une grande liberté dans le choix des modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité. L'esprit de la loi du 30 juin 2004 privilégiant le dialogue social et la responsabilisation des acteurs est respecté. L'aménagement des horaires de travail permet plusieurs choix : le travail d'une journée de RTT, celui d'un jour férié ou toute autre modalité permettant l'apport de sept heures au pot commun -en excluant cependant le morcellement à raison de quelques minutes de travail supplémentaire par jour ! Parallèlement, le caractère férié du lundi de Pentecôte est rétabli à la satisfaction des familles et des organisateurs de festivités.
Cette proposition de loi permet le retour à une situation saine dès cette année. Elle évitera aussi des désordres qui auraient encore été amplifiés par les hasards du calendrier, puisque le lundi de Pentecôte succédera au « pont » de la commémoration du 8 mai 1945.
Alors que la création d'un « cinquième risque » de protection sociale est envisagée, la journée de solidarité est un puissant symbole. Notre groupe salue la détermination du Gouvernement car nous voulons tous offrir à nos parents, nos proches, nos aînés plus de soins, plus d'attention et des conditions d'existence plus dignes. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Annie David. - La présente proposition de loi n'est qu'une adaptation technique destinée à répondre à la demande du patronat, notamment de l'industrie du tourisme. Elle donne toute liberté aux partenaires sociaux, particulièrement au Medef, pour ajuster les modalités de cette journée de travail supplémentaire.
A ce titre, le texte lui-même n'appelle guère de commentaires de notre part. Mais le rapport de notre collègue André Lardeux présente la création de la CNSA et son pendant, la journée de travail non rémunérée, comme un succès et une oeuvre de solidarité nationale largement approuvée par nos concitoyens, alors qu'elles sont un coup d'épée dans l'eau. En justifiant la taxation des seuls salariés, son rapport omet aussi de rappeler que cette invention provient de ceux-là mêmes qui ont instauré les franchises médicales pour faire payer aux malades le prix de leur maladie, qui veulent porter atteinte à la prise en charge à 100 % des affections de longue durée, qui ont préféré taxer les préretraites plutôt que les stock-options et qui ont voté 15 milliards de cadeaux fiscaux aux nantis ! Comment s'étonner que les caisses soient vides, et qu'il faille de nouveau chercher des économies de plusieurs milliards dans les poches des mêmes, avec la « modernisation des politiques publiques » ? Tout se tient, mais votre logique n'est pas la nôtre !
Cette proposition de loi nous ramène à des questions fondamentales qu'éludent le Gouvernement et ceux qui l'ont précédé. La spectaculaire croissance de l'espérance de vie appelle des mesures à la hauteur d'enjeux de société fondamentaux : la place que nous voulons accorder, tout au long de sa vie, à chacun de nous, ainsi que les moyens pour répondre à la sous-estimation des besoins des personnes âgées.
Déjà, la loi du 21 juillet 2001 créant l'APA avait suscité dans mon groupe des objections toujours fondées aujourd'hui.
Bien que constituant un progrès par rapport à la très inégalitaire Prestation Spécifique Dépendance (PSD), l'APA maintenait une forte inégalité de traitement entre domicile et établissement. Le financement avait été très rapidement insuffisant, le Gouvernement n'avait pas pris d'engagements quant au nombre d'établissements à créer ou à l'augmentation significative de personnels formés et la condition d'âge de 60 ans était maintenue. Nous étions déjà convaincus, alors, qu'il fallait créer un cinquième risque afin que la dépendance relève de la solidarité nationale.
En mai 2004, lors de l'examen du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et handicapées, nous avons dénoncé une régression sociale sans précédent et une décentralisation à hauts risques nuisant à l'égalité des droits sur l'ensemble du territoire et selon le degré de dépendance. Le groupe CRC et moi-même nous étions prononcés contre un texte « poudre aux yeux ». Cette orientation s'est malheureusement confirmée. La création d'une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) constituait déjà l'amorce d'une protection séparée pour les personnes âgées et handicapées contraire aux principes de l'assurance maladie. Les associations comme les organismes de sécurité sociale -l'Acoss, la Cnam et la Cnaf- ont d'ailleurs dénoncé cette rupture du pacte de solidarité.
Cette volonté de « mettre à part » les personnes âgées et handicapées remet en cause la solidarité entre les bien-portants et les malades, entre les cotisants et les autres. Voilà qui nous rappelle les franchises médicales ! Le vieillissement et la dépendance ne devraient donc plus être pris en charge par la solidarité nationale. Il existe en outre un risque de privatisation de la prise en charge de la dépendance, le Gouvernement souhaitant privilégier la prévoyance individuelle et assurantielle. Les grandes compagnies d'assurance sont conscientes du marché qui leur est ouvert. De même, la loi relative à l'égalité des droits et des chances, à la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a créé une prestation de compensation dont le financement est des plus flous puisqu'il émarge lui aussi à la CNSA. Sans oublier la loi de responsabilités locales qui a transféré aux départements les trois grandes allocations de solidarité, RMI, APA et PCH, sans assurance d'une dotation couvrant intégralement les charges transférées.
Plus que jamais, le problème de la répartition du financement de ces prestations entre l'État, via la CNSA, et les départements demeure. La participation de l'État a diminué et des disparités importantes entre les départements sont apparues. Il s'agit pourtant de prestations sociales universelles dont les conditions d'attribution sont fixées nationalement par l'État. Les conseils généraux sont contraints d'alourdir la fiscalité qui pèse sur les ménages, via la taxe d'habitation : on prend toujours dans les poches des mêmes. Les gouvernements ont sans cesse éludé le débat de fond sur la définition d'un droit à compensation universel et de son financement, fondé sur l'expression d'une solidarité semblable à celle qui présida en 1945 à la création de la sécurité sociale.
Nous avions proposé de créer un cinquième risque sécurité sociale, celui de la dépendance, de l'incapacité ou de la perte d'autonomie, sans discrimination. Il faut répondre aux besoins de nos concitoyens les plus fragilisés de façon cohérente, universelle et solidaire, sans barrière d'âge. Quelle solidarité voulons-nous pour la France du XXIe siècle ? Nous voulons encore nous fier à la prise en charge collective, vous entendez nous faire croire que ces questions doivent désormais relever de l'initiative privée, de la couverture individuelle d'un risque, comme pour l'assurance automobile. Cela ne correspond pas à notre idée de la solidarité, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que, lors de la création de la journée de solidarité, en 2004, nous avons choisi, comme l'Allemagne, de travailler un jour de plus, mais contrairement à notre voisin, nous n'avons pas supprimé un jour férié. Le lundi de Pentecôte demeure légalement férié. Aujourd'hui, nous souhaitons assouplir ce dispositif original, pour que chaque entreprise puisse se l'approprier, et lui donner plus de lisibilité.
Vous avez évoqué la place des partenaires sociaux : peu d'accords de branches ont été conclus -dix-sept, qui concernent deux millions de salariés- mais les accords d'entreprises ont été nombreux. Nous souhaitons renforcer le rôle des partenaires sociaux dans la mise en oeuvre de la journée de solidarité.
La crainte que vous avez exprimée quant au dévoiement du principe de solidarité est légitime. Toutefois, avec la transformation de la journée de solidarité en sept heures de travail supplémentaires, le dispositif sera moins visible, mais plus solidaire et effectif.
Monsieur Detraigne, je partage votre analyse sur le nécessaire assouplissement du dispositif. Vous avez également évoqué le cas de la fonction publique. Selon les experts, le dispositif aboutira à dix millions d'heures de travail supplémentaires pour l'État, l'équivalent de 6 000 emplois, et de 3 600 pour la fonction publique hospitalière. Il n'y aura donc pas de charges nouvelles, mais une augmentation, grâce à la solidarité, des services publics rendus à nos concitoyens.
Monsieur Domeizel, vous avez souligné que la mise en oeuvre de l'APA a été un succès grâce à l'action des départements. La journée de solidarité, qui repose sur les efforts de tous, est confortée par ce texte qui donne plus de place aux partenaires sociaux pour sa mise en oeuvre.
La journée de solidarité n'assure qu'une partie du financement de la dépendance, à laquelle il faut ajouter les 13 milliards que lui consacre l'Ondam médico-social et le prélèvement de 0,3 % sur les revenus du patrimoine et des placements au titre de la Contribution Solidarité Autonomie (CSA).
Conformément à un engagement du Président de la République, Xavier Bertrand et moi-même avons ouvert il y a deux semaines le chantier du cinquième risque. Nous avons reçu les partenaires sociaux et, hier matin, l'Assemblée des départements de France (ADF). Nous verrons dans quelques mois, lorsque le projet de loi vous sera présenté, quelles sont, sur ces bancs, ceux qui souhaitent réellement améliorer la situation des personnes les plus en difficultés. (M. Nicolas About, président de la commission, approuve) Nous étudierons alors la meilleure façon de le mettre en oeuvre et en définirons le contenu : faut-il augmenter les places ? De quel type celles-ci doivent-elles être ? Faut-il prendre en compte le reste à charge pour les personnes placées en établissement ? (M. Nicolas About, président de la commission, le confirme) La réflexion sur ce qui est un véritable enjeu de société, amorcée avec les partenaires sociaux, doit être prolongée avec le Parlement.
Monsieur Souvet, vous avez vous aussi rappelé le bien-fondé de la journée de solidarité. Nous ne devons pas oublier les 15 000 personnes, soit une ville moyenne, pour lesquels la vie s'est arrêtée. Nous n'avons pas seulement mobilisé des moyens supplémentaires, nous avons engagé une politique de prévention, pris des mesures assurant de bonnes pratiques professionnelles et pu ainsi avancer rapidement dans le bon sens.
Vous avez indiqué que la nécessaire souplesse introduite par ce texte s'appliquera dès cette année ; les entreprises devront donc s'adapter avant le 12 mai, ce qui laisse peu de temps. L'Assemblée nationale a donc introduit une disposition transitoire permettant aux entreprises de définir les modalités de mise en oeuvre de la journée de solidarité après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. Nous avons demandé au directeur général du travail de diffuser dans les jours prochains une instruction à destination des entreprises.
Madame David, vous avez raison de dire que ce texte n'est qu'une adaptation technique du dispositif pour lui donner plus de souplesse. Vous ne contestez d'ailleurs pas cette nécessité. Les questions que vous posez sont présentes dans le chantier du cinquième risque ; je souhaite connaître les propositions que votre groupe fera sur ce sujet, sans esprit partisan. Je vous donne rendez-vous dans quelques mois sur ces bancs pour enrichir ensemble la réflexion. (Applaudissements à droite et au centre)
Discussion des articles
Article premier
I. - Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :
1° Dans le 2° de l'article L. 3133-7, la référence : « article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées » est remplacée par la référence : « article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles » ;
2° L'article L. 3133-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3133-8. - Les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont fixées par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par accord de branche.
« L'accord peut prévoir :
« 1° Soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
« 2° Soit le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu aux articles L. 3122-6 et L. 3122-19 ;
« 3° Soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.
« À défaut d'accord collectif, les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.
« Toutefois, dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, l'accord ou, à défaut, la décision de l'employeur ne peut déterminer ni le premier et le second jours de Noël ni, indépendamment de la présence d'un temple protestant ou d'une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint comme la date de la journée de solidarité. » ;
3° L'article L. 3133-9 est abrogé.
II. - 1. À compter de la publication de la présente loi et à titre exceptionnel pour l'année 2008, à défaut d'accord collectif, l'employeur peut définir unilatéralement les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.
2. Le cinquième alinéa de l'article L. 212-16 du code du travail est supprimé.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission.
Compléter le cinquième alinéa (3°) du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 3133-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, par les mots :
, sans possibilité de fractionner cette durée sur plus de deux jours
M. André Lardeux, rapporteur. - Mme la ministre souhaite que la journée de solidarité soit effective et concrète. La commission s'est moins inquiétée de son effectivité que de son aspect concret.
Il y a un risque de saupoudrage, le cas extrême étant celui de certaines entreprises publiques. Certains le contestent, mais la circulaire que j'ai citée dans mon rapport peut laisser sceptique : elle est non seulement difficile à comprendre, mais peu transparente, et je doute que les agents de la SNCF soient tenus par une minute et douze secondes....
La commission propose d'encadrer le dispositif afin qu'il soit réparti sur deux journées par an au plus, au choix des partenaires sociaux et des entreprises concernées. Je suis par ailleurs sceptique sur le dialogue social, le rapport de M. Besson confirmant qu'on a peu signé d'accords.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Limiter ainsi le fractionnement de la journée de solidarité irait à l'encontre du besoin de souplesse mis en évidence par le rapport de M. Besson. Cette inutile rigidité gênerait le bon déroulement des journées de solidarité nationale et mettrait en danger les accords en vigueur.
Dans l'esprit du texte, il appartient aux partenaires sociaux d'organiser le déroulement. Je propose donc le retrait de l'amendement, afin de conserver une souplesse maximum. Même la SNCF n'applique pas un régime uniforme à tous ses salariés. Laissons les entreprises libres de s'adapter à la réalité du terrain !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission. - Vous avez l'art de présenter les choses...
Il est vrai que le régime appliqué à la SNCF est très hétérogène. Cette journée se réduit parfois à une minute trente secondes ou une minute quarante secondes par jour. (Marques d'indignation à droite) Juste le temps de se laver les mains ! Est-ce l'image de la solidarité, qui plus est dans une entreprise qui coûte si cher à la collectivité ?
Ne pouvant retirer l'amendement adopté par la commission, je m'en remets à la sagesse de la Haute assemblée. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Claude Domeizel. - Vous mettez en cause les accords passés.
Ainsi, les deux cents communes de mon département devraient reprendre toute la procédure, y compris la consultation des comités techniques paritaires !
En outre, ce dispositif pourrait faire dépasser la durée quotidienne maximale du travail (dix heures), voire la durée hebdomadaire maximale (quarante-huit heures).
M. Nicolas About, président de la commission. - Il y a les RTT !
M. Claude Domeizel. - Je ne vous ai pas interrompu !
M. Nicolas About, président de la commission. - On travaille trop en France !
M. Claude Domeizel. - Ne voulant pas ajouter le ridicule au ridicule, nous voterons contre.
M. Yves Détraigne. - A la tribune, j'ai souhaité que les employeurs ne créent pas de vraies-fausses journées de solidarité, comme celles qui existent depuis trois ans.
Cet amendement va dans le bon sens. (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Procaccia. - L'amendement empêcherait de morceler cette journée en minutes quotidiennes. Monsieur Domeizel, la solidarité n'est pas une corvée pour nous.
M. Claude Domeizel. - Nous n'avons aucune leçon à recevoir en ce domaine !
Mme Catherine Procaccia. - La solidarité envers les personnes âgées dépendantes est quelque chose d'important.
Sur un autre plan, la rédaction du texte m'inquiète, car elle autorise à compenser la journée de solidarité par la suppression d'un RTT. Or, certaines conventions collectives fixent à sept heures la durée d'un jour de travail, alors que les RTT auraient une amplitude plus grande. La différence peut ne pas excéder quelques minutes, mais leur éventuelle rémunération susciterait des casse-têtes pour les directions des ressources humaines. Je souhaite qu'une circulaire précise ce point.
M. Nicolas About, président de la commission. - On verra cela en CMP.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Entreprises et partenaires sociaux doivent négocier librement.
Madame Procaccia, un document « questions-réponses » est en ligne depuis 2004, avec une actualisation régulière. Dans les prochains jours, nous ajouterons votre question et la réponse, qui intéresseront tous les DRH.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Lorsque nous examinons la modernisation du droit du travail, vous ne voulez pas mettre en cause les accords existants. Aujourd'hui, vous n'hésitez pas à le faire !
Cet amendement contre-productif aggraverait le désordre que vous voulez supprimer.
M. Dominique Leclerc. - Lorsque j'entends dire que des accords seraient compromis, je me demande si quelqu'un connaît la réalité. La France qui travaille ne se réduit pas à la SNCF. Heureusement ! Elle est avant tout constituée de petites entreprises comptant quelques salariés.
Avec dix salariés, j'ai mis en oeuvre la journée de solidarité la première année. Ce ne fut pas possible ensuite, car les salariés ont des conjoints, ce qui rend inapplicable un régime avec date libre. Pour la plupart des PME, le dispositif se réduit à une contribution supplémentaire.
La journée de solidarité avec libre fixation de la date est un échec.
M. Claude Domeizel. - Votez contre l'échec !
M. Dominique Leclerc. - Non : je suis réaliste.
M. André Lardeux, rapporteur. - Il est décidément difficile dans ce pays d'encourager les gens à travailler. Réservons cela aux Chinois et à quelques autres peuples de la planète !
M. Claude Domeizel. - Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. André Lardeux, rapporteur. - C'est ce qui sous-tend vos paroles.
Quant au dialogue social, je constate, avec M. Besson, qu'il n'a guère existé en ce domaine.
On nous promet de revaloriser le rôle du Parlement, partant le dialogue entre les deux assemblées. Et aujourd'hui, je constate qu'on veut nous museler. Tirez-en les conséquences : il sera inutile de voter certaines réformes !
M. le président. - Le Gouvernement demande que l'amendement soit mis aux voix par scrutin public.
M. Nicolas About, président de la commission. - L'urgence n'a pourtant pas été déclarée sur ce texte, dont nous sommes saisis pour la première fois. Nous avons l'audace de formuler une proposition, que la navette pourra modifier. Je ne vois vraiment pas ce qui oblige à obtenir un vote conforme.
M. Claude Domeizel. - La Pentecôte, c'est demain, ou presque !
M. Nicolas About, président de la commission. - Sans doute, mais je m'associe pleinement aux propos du rapporteur.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 40 |
Contre | 280 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Personne ne vote l'article premier ?
M. Nicolas About, président de la commission. - On peut effectivement se demander pourquoi on le voterait, dès lors que cette journée n'est même pas effectuée...
M. Paul Blanc. - Moi, je vais le voter, mais je ne le considère que comme un premier pas. Lors des débats sur la loi du 11 février 2005, le Sénat a insisté pour que la solidarité nationale finance la compensation du handicap ; je ne voudrais pas qu'on l'oublie. La journée de solidarité a été instaurée à cause de la canicule de l'été 2003, bien avant que la loi du 11 février soit votée. Nous avons tous vocation à être un jour dépendants. Dès lors que vous achetez une voiture, vous avez vocation à avoir un accident, la loi vous impose donc de vous assurer. C'est pareil avec la dépendance : nous avons tous vocation à le devenir, il faut donc une assurance.
M. Nicolas About, président de la commission. - Sauf pour les plus pauvres !
M. Paul Blanc. - Il en va tout autrement pour le handicap qui relève de la solidarité nationale.
L'article premier est adopté.
Article 2
I. - L'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est ainsi rédigé :
« Art. 6. - Pour les fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, la journée de solidarité mentionnée à l'article L. 3133-7 du code du travail est fixée dans les conditions suivantes :
« - dans la fonction publique territoriale, par une délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale compétente, après avis du comité technique paritaire concerné ;
« - dans la fonction publique hospitalière ainsi que pour les praticiens mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, par une décision des directeurs des établissements, après avis des instances concernées ;
« - dans la fonction publique de l'État, par un arrêté du ministre compétent pris après avis du comité technique paritaire ministériel concerné.
« Dans le respect des procédures énoncées aux alinéas précédents, la journée de solidarité peut être accomplie selon les modalités suivantes :
« 1° Le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
« 2° Le travail d'un jour de réduction du temps de travail tel que prévu par les règles en vigueur ;
« 3° Toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées, à l'exclusion des jours de congé annuel. »
II. - Les dispositifs d'application de l'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 précitée en vigueur à la date de publication de la présente loi et qui sont conformes au I du présent article, demeurent en vigueur.
Toutefois, dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, la journée de solidarité ne peut être accomplie ni les premier et second jours de Noël ni, indépendamment de la présence d'un temple protestant ou d'une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint.
M. le Président. - Je suppose que, par cohérence, l'amendement n° 2 à l'article 2 n'a plus d'objet. (Assentiment)
L'article 2 est adopté.
Intervention sur l'ensemble
Mme Annie David. - Ce texte ne nous convient pas, il ne répond pas à l'attente de nos concitoyens puisque les salariés sont seuls à devoir financer la solidarité. En 2003, M. Raffarin a légiféré dans l'urgence en réponse à la surmortalité due à la canicule. Ce faisant, il a engagé une privatisation inacceptable de la sécurité sociale. Le discours de M. Paul Blanc m'inquiète : la création de la CNSA est fondée sur l'idée que la dépendance et la solidarité ne devaient plus dépendre de l'assurance maladie mais d?une assurance ad hoc. Ce n'est pas notre conception de la solidarité, et la CNSA ne répond pas aux besoins existants, faute que soient mobilisés les financements suffisants. Les établissements spécialisés sont ceux qui manquent le plus cruellement de moyens, et c'est aussi eux qui ont connu la majeure partie des décès de l'été 2003.
La création de la CNSA ne répond pas aux difficultés financières des handicapés et des personnes dépendantes. Ils étaient 30 000 à manifester le 29 mars dans les rues de Paris. Mes collègues Guy Fischer et Michelle Demessine étaient avec eux. Qu'exigeaient-ils ? Le Smic ! Car la réalité est brutale pour votre gouvernement : l'APA ne suffit pas pour survivre. Voilà le texte de lancement de la campagne du collectif « Ni pauvres, ni soumis » : « Aujourd'hui, des centaines de milliers de personnes handicapées ou atteintes de maladies invalidantes qui ne peuvent pas ou plus travailler, sont condamnées à demeurer toute leur vie sous le seuil de pauvreté. Le mouvement réclame un revenu d'existence égal au Smic brut ».
Et que répond votre gouvernement ? Encore moins de solidarité nationale, à laquelle il préfère la solidarité familiale, comme en témoigne la récente tentative de récupérer l'APA sur succession. Vous renvoyez le problème à la structure familiale, à l'individu, quand les familles attendent une solidarité nationale, un geste collectif. Vous projetez de demander à chaque Français de se constituer une épargne dépendance, tout comme vous voudriez qu'ils se constituent seuls une cagnotte « risque chômage », ou cotisent individuellement pour leur retraite. Notre commission a entendu, dans le cadre de la mission dépendance, les associations demander en choeur un financement solidaire. Or, la seule réponse de votre majorité a été d'instaurer des franchises médicales.
L'allongement de la durée de la vie est un bienfait mais encore faut-il que notre pays prenne la mesure de cette évolution. Et je doute que l'aménagement de cette journée de solidarité constitue la réponse adaptée, pas plus que le projet de loi que vous nous préparez sur le financement assurantiel. Madame la ministre, vous avez dit que des négociations sont en cours. Notre groupe y prendra toute sa part, ainsi que, comme d'habitude, à la discussion parlementaire.
J'ai entendu dans cet hémicycle des propos, sur le monde du travail, qui m'ont heurtée. Parler de « la difficulté de mettre la France au travail », c'est insulter tous ceux qui se lèvent tôt chaque jour pour aller gagner leur vie ; c'est aussi insulter tous ceux qui ont perdu leur emploi et qui « galèrent » entre Assedic et Anpe dans un système qui leur est incompréhensible et qui les méprise. Dans nos interventions, nous, nous n'insultons jamais le Medef ni le patronat.
Mme Catherine Procaccia. - Ah bon ?
Mme Annie David. - Les travailleurs sont respectables et doivent être respectés ! (Applaudissements à gauche)
La proposition de loi est adoptée.
Organismes extraparlementaires (Nominations)
M. le président. - La commission des affaires économiques et la commission des affaires culturelles ont proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Francis Grignon membre du Conseil national de la sécurité routière ;
- Mme Catherine Dumas membre de la Commission du dividende numérique.
Lutte contre les discriminations (Urgence)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Rappel au Règlement
Mme Annie David. - Mon rappel au règlement concernant la tenue de nos débats et se fonde sur l'article 36 alinéa 3 de notre règlement.
Madame la ministre, lors de l'examen du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, vous avez affirmé disposer d'un document de la Commission européenne approuvant, dans l'ensemble, le projet de transposition que vous nous présentez aujourd'hui. Vous avez précisément dit : « la Commission européenne a émis un avis favorable à un avant-projet que nous lui avons envoyé ».Je suis surprise pour au moins deux raisons.
D'abord, lorsque l'on compare les textes des différentes directives avec le projet de loi, on se rend bien compte qu'ils ne sont pas similaires et la transposition, dans sa rédaction actuelle, ne suit pas toutes les recommandations de la Commission, notamment concernant l'assistance des victimes et leur représentation par les associations. Cette nouvelle transposition, incomplète à plus d'un égard, pourrait donc déboucher, selon de nombreuses associations, sur une nouvelle injonction européenne.
Ensuite, si vous disposez d'un document de cette nature, dont le contenu semble éclairer la délibération parlementaire, je regrette que vous ne nous l'ayez pas présenté, préférant, « communiquer cet avis par écrit » après les débats donc. Je demande une suspension de séance pour que nous puissions, avant le début des travaux, avoir connaissance de ce document.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - Comme je l'ai dit aux députés, le travail avec la Commission ne s'arrête pas avec les documents officiels, que nous tentons toujours d'améliorer. Nous attendons que nous soit communiqué le « classement sans suite » de cette mesure, et c'est encore en cours.
Mme Annie David. - Vous aviez dit que vous l'aviez ! La Commission, avez-vous affirmé, avait émis un avis favorable. Nous avons besoin de cet avis.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - C'est un avis oral qui nous a été donné. Ensuite, le Gouvernement continue de travailler et le « classement sans suite », vous l'aurez dès l'adoption de la loi.
Discussion générale
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - J'ai l'honneur et le grand plaisir de vous présenter ce projet de loi qui poursuit la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire relatif à l'égalité de traitement et à la lutte contre les discriminations.
Il s'agit d'une part, de compléter la transposition de trois directives communautaires relatives à l'égalité de traitement, dont la Commission estime qu'elle a été insuffisante. Il s'agit d'autre part, de transposer la directive du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.
Dans la perspective de la Présidence française de l'Union européenne, le Gouvernement a engagé des efforts très importants pour réduire le nombre de directives en retard de transposition dans le droit français. Ces efforts commencent à porter leurs fruits puisque, au 10 novembre 2007, seulement 1,1 % des directives communautaires serait en retard de transposition. Nous satisfaisons donc, pour la troisième année consécutive, à l'objectif fixé par le Conseil européen de Stockholm d'un taux de directives en retard de transposition inférieur à 1,5 % du total. Après avoir longtemps été parmi les lanternes rouges de l'Europe, notre pays se situait ainsi, au second semestre de 2007, au dixième rang, sur vingt-sept, des États les plus rapides à transposer. Bien sûr nos efforts doivent se poursuivre.
Ce projet de loi vise avant tout à mettre un terme à trois procédures d'action en manquement, lancées par la Commission à l'encontre de la France, pour transposition insuffisante. Il anticipe également sur notre futur travail de transposition puisqu'il introduit en droit français une large part des dispositions de la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relatives à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail, qui procède à la refonte de directives antérieures et qui doit être transposée avant le 15 août 2008.
Ce projet de loi introduit trois séries de nouvelles dispositions dans le droit français. En premier lieu, il précise, à la demande de la Commission, certaines définitions : celle de la discrimination directe et indirecte, mais aussi celle des faits constitutifs de harcèlement, au sens civil et non pénal du terme. Il assimile par ailleurs à une discrimination le fait d'enjoindre à quelqu'un de pratiquer une discrimination, ce qui permettra de donner à ces deux comportements les mêmes conséquences juridiques. Tenu par le délai de mise en conformité imposé par la Commission, le Gouvernement a opéré une transposition littérale de ces définitions.
En deuxième lieu, ce texte affirme de manière explicite que certaines discriminations sont interdites, en reprenant précisément, là encore, les termes des directives communautaires : interdiction des discriminations fondées sur la race ou l'origine ethnique en matière de biens et services, de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux et d'éducation ; interdiction des discriminations fondées sur le sexe, l'appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle ou les convictions en matière de travail et d'emploi ; interdiction des discriminations pratiquées en raison de la maternité ou de la grossesse, sauf à ce qu'il s'agisse d'en assurer la protection ; interdiction des discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services. Tout en posant ces principes, le projet de loi précise, dans le strict respect des directives transposées, les dérogations autorisées au principe d'égalité de traitement. Il en va ainsi, notamment, des différences faites pour répondre à une exigence professionnelle essentielle, pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.
Enfin, en troisième lieu, le projet de loi renforce les garanties accordées aux victimes de discriminations. En particulier, il instaure une protection contre les rétorsions qui peuvent frapper les personnes qui témoignent d'une discrimination. Il aménage, en outre, les règles de charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice pour faire reconnaître une discrimination. Car rien n'est plus difficile à prouver devant un juge que l'existence d'une discrimination.
L'ensemble des dispositions introduites sera d'application générale et immédiate. Il s'imposera tout autant aux personnes privées qu'aux collectivités publiques. Dans le domaine professionnel, il vaudra donc de la même manière pour les personnes employées en vertu d'un contrat de droit privé, et pour les fonctionnaires, y compris les magistrats, les militaires et les fonctionnaires des assemblées parlementaires.
Ce texte se donne pour seul objet de transposer certaines dispositions communautaires. Je sais, pour en avoir discuté avec la commission des affaires sociales et la délégation aux droits des femmes, que cette transposition peut apparaître insatisfaisante dans sa rédaction.
En aucun cas, il ne s'agit de revenir sur des acquis.
Les délais imposés ne nous permettaient pas de faire de ce texte un instrument d'approfondissement ou de réorientation de notre politique de lutte contre les discriminations, mais nous vous présenterons bientôt une loi sur le statut du beau-parent, ainsi qu'une loi sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, dans le prolongement de la conférence du 26 novembre dernier. Il faudra également ratifier la convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, et nous veillerons bien sûr à la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005.
Un nouveau plan a été adopté pour la période 2008-2010 en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. A ma demande, le groupe de travail chargé de l'articulation entre droit civil et pénal élargira son périmètre à la question du harcèlement sexuel.
Notre engagement en faveur de l'égalité des chances sera au coeur de la présidence française de l'Union européenne. Nous serons tout aussi mobilisés que nous l'étions en 2007, année européenne de l'égalité des chances ; nous organiserons, fin septembre, un sommet européen sur le sujet. Par ailleurs, nous soutiendrons la Commission dans la mise en oeuvre des mesures qu'elle devrait proposer au cours du second semestre 2008.
Le rapport de Mme Dini et celui de Mme Hummel, au nom de la Délégation aux droits des femmes, se rejoignent sur la difficulté qu'il y a à concilier la logique du droit communautaire avec celle du droit français, d'où le dépôt de plusieurs amendements visant à rectifier les définitions transposées littéralement du droit communautaire. Le Gouvernement ne peut entrer dans un tel débat, même si je comprends vos réticences. Les directives s'imposent désormais à notre droit interne : nous devons être vigilants lors de l'adoption des textes communautaires et influer davantage sur leur élaboration.
S'agissant de l'obligation d'une transcription mot à mot, la Commission européenne a relevé que la « formulation adoptée dans la directive est importante afin de déterminer les situations de discrimination à travers la méthode comparative, dans le passé, le présent ou le futur ». La définition communautaire de la discrimination directe constitue une garantie importante : si cette temporalité n'était pas reprise, la Commission n'hésiterait guère à saisir la Cour de justice... Le Luxembourg, l'Espagne ou l'Italie ont déjà intégré le conditionnel dans leur définition de la discrimination directe.
Certaines associations nous reprochent de ne pas aller au-delà de nos obligations communautaires. Je condamne toute forme de discrimination, mais, de fait, l'article 2 vise les discriminations fondées sur la religion, l'âge, le handicap et l'orientation sexuelle uniquement lorsqu'elles s'exercent dans le champ du travail et de l'emploi. Sachant que la Commission européenne envisage de refondre l'ensemble des directives, le Gouvernement n'a pas jugé souhaitable d'aller au-delà sans consulter au préalable nos partenaires. S'il devait y avoir de réels blocages au niveau européen, il serait alors temps pour nous d'aller plus loin -après une étude d'impact approfondie nous assurant qu'il n'y aurait pas d'effets pervers ou inattendus. Par ailleurs, les exceptions possibles à la non-discrimination doivent être soigneusement expertisées, ce qui n'a pu être le cas pour ce texte.
Cet exercice volontairement circonscrit ne préjuge pas d'autres avancées si, à l'issue de la présidence française, nous n'avons pu porter suffisamment ce dossier au niveau communautaire.
Faut-il prendre en compte la paternité au même titre que la maternité ? L'objectif des directives est de traiter les mères plus favorablement que les pères. La transposition ne peut aller contre cette volonté, sous peine de nous exposer à de nouvelles procédures d'infraction.
La transposition mot à mot des directives, notamment pour la définition de la discrimination ou du harcèlement, doit mettre fin aux procédures en cours. Je mesure bien combien cet exercice peut vous paraître contraint, mais le Gouvernement ne souhaite pas exposer notre pays au risque de nouvelles mises en demeure... J'espère qu'au terme de nos échanges, vous pourrez mieux appréhender la logique qui a prévalu à la construction de ce texte. (Applaudissements à droite)
Mme Muguette Dini, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Ce projet de loi transpose partiellement ou intégralement cinq directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations ; les trois premières ont déjà fait l'objet d'une transposition, mais la Commission européenne l'a jugé incomplète et a engagé trois actions en manquement contre l'État français.
S'il est légitime que le Gouvernement souhaite soigner l'image européenne de la France trois mois avant de prendre la présidence de l'Union et se mettre à l'abri de procédures judiciaires, nous ne devons pas pour autant fermer les yeux sur le contenu du texte. Or, certains points soulèvent des interrogations, que m'ont confirmées des professeurs de droit ou des membres de la Cour de cassation.
Les deux premières directives ont été adressées à la France voilà huit ans, et auraient dû être entièrement transposées voilà cinq ans. Pourquoi ces directives n'ont-elles pas été transposées correctement et dans les délais ? Contiennent-elles des points incompatibles avec notre droit ?
Ce projet de loi reprend les définitions communautaires des notions de discrimination et de harcèlement ; il interdit les discriminations fondées sur le sexe en matière d'accès aux biens et services ; il généralise l'aménagement de la charge de la preuve à tous les contentieux qui concernent les discriminations ; il prévoit, enfin, que les interdictions en matière de discrimination s'appliquent à toutes les personnes publiques ou privées, y compris celles exerçant une activité professionnelle indépendante. L'Assemblée nationale a, par ailleurs, prévu que les cinq premiers articles du projet de loi et les articles correspondants du code du travail seraient affichés sur les lieux de travail.
C'est donc un progrès, mais en apparence seulement. Le texte fait un amalgame entre l'inégalité de traitement et la discrimination. Selon les directives, « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou à une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait ». Le texte laisse ainsi penser qu'une inégalité de traitement est toujours due à une discrimination.
Or, le droit français distingue clairement les deux, la Cour de cassation rappelant régulièrement qu'« une différence de traitement entre plusieurs salariés d'une même entreprise ne constitue pas une discrimination ». Deux secrétaires, une femme et un homme, travaillent dans la même entreprise. Ils font le même travail et ont le même niveau de compétence, mais la femme est moins bien payée. Deux voies juridiques s'offrent alors à elle pour obtenir l'égalité de traitement. Soit elle choisit d'insister sur le fait qu'elle est une femme, et en tant que telle, victime d'une discrimination : c'est la voie du droit communautaire.
Soit elle se réfère au principe d'égalité de traitement, en vertu duquel les salariés placés dans une situation identique doivent être payés de façon identique. Le résultat sera le même, certes, mais l'état d'esprit sera très différent et ses effets sur les rapports sociaux ne seront pas les mêmes. D'un côté, on insiste sur ses caractéristiques propres, de sexe, d'origine ethnique, d'orientation sexuelle, pour se placer en victime et réclamer l'égalité ; de l'autre, le droit encourage à invoquer un principe commun à tous, l'égalité de traitement, confortant une posture positive et constructive.
Avec la lutte contre les discriminations, veut-on inciter au repli sur soi, à la mise en exergue des identités particulières, à l'appartenance à une communauté, ou veut-on insister sur les valeurs et les principes communs ? Encouragera-t-on le communautarisme, comme dans les pays anglo-saxons, ou bien veut-on rester fidèle à notre conception latine du « vivre ensemble » ? Je crains que ce texte ne nous entraîne sur le chemin du communautarisme et je regrette que nos principes n'aient pas été mieux défendus à Bruxelles. Ceci étant, nous pouvons encore limiter les défauts de ces directives.
Ce projet de loi fait courir le risque de l'insécurité juridique, tant par le flou de certaines définitions, que par leur juxtaposition avec celles de notre droit actuel.
La définition de la discrimination directe par exemple, prévoit que « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou à une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait ».
L'emploi du conditionnel est inquiétant, car il est source de condamnations fondées sur des hypothèses invérifiables : comment prouver qu'il y a discrimination sans éléments objectifs de comparaison ?
Même chose avec la définition de la discrimination indirecte qui évoque « une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner [...] un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes... ». On pourrait être sanctionné pour avoir instauré une disposition, un critère ou une pratique qui ne créerait pas de discrimination, mais qui serait, d'après le juge, « susceptible » de le faire : on frôle le procès d'intention...
Le texte reprend la définition communautaire du harcèlement sexuel, sans supprimer celle en vigueur dans notre droit. La coexistence de deux définitions pose un problème d'égalité devant la loi : des individus placés dans des situations semblables pourront être jugés différemment selon la définition invoquée par l'avocat et retenue par les magistrats.
La définition communautaire du harcèlement sexuel est extrêmement large : « tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». C'est si large, que le juge devra préciser ce qu'il en est, donc dire la loi.
Ce texte, en l'état, n'est donc guère satisfaisant.
Nous n'aurions pas le choix, parce que la Commission européenne ne voudrait pas transiger. Je souhaite évidemment, comme tous les parlementaires, que la France aborde la présidence de l'Union dans les meilleures conditions. Cependant, l'avis de la Commission européenne n'est pas celui de la Cour de Justice, à qui il revient de trancher les différends. Or, en l'espèce, la position de la Commission européenne ne me paraît pas très respectueuse du traité européen. L'article 249 de ce traité dispose que « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».
Le résultat à atteindre ici, c'est le recul des discriminations, et la directive élargit effectivement le champ d'interdiction des discriminations. Cependant, la forme et les moyens sont laissés aux États membres : il est de notre devoir d'y réfléchir et de notre responsabilité d'en débattre, pour qu'ils soient les plus appropriés à notre histoire et à notre droit.
Or, la tonalité communautariste du projet de loi et le pouvoir considérable qu'il confie au juge sont très éloignés de notre tradition historique et juridique : il n'est pas du tout certain que cela renforce la lutte contre les discriminations.
Que pourra donc nous reprocher la Commission européenne si, comme nous y invite le traité européen et en toute bonne foi, nous modifions la forme et les moyens proposés par la directive, pour en renforcer l'effectivité, c'est-à-dire pour mieux lutter contre les discriminations ? Quand bien même la Commission maintiendrait son recours en manquement, l'image de la France pendant la présidence de l'Union serait indemne puisque la Cour de Justice ne rendrait pas sa décision avant 2010, pour autant que ce jugement nous soit défavorable, ce que je ne crois pas.
Cette exigence, qui nous pousse à adapter le mieux possible le droit communautaire aux valeurs de notre pays et à ne pas céder aux objections de la Commission européenne quand celles-ci ne nous paraissent pas fondées, sera utile au Gouvernement lorsqu'il négociera les prochaines directives sur les discriminations ou sur d'autres sujets.
Nos amendements vont peut-être compliquer temporairement les relations du Gouvernement avec la Commission européenne, mais je suis convaincue qu'ils ne feront aucun tort à la présidence française de l'Union, et qu'ils donneront au Gouvernement plus de force pour défendre, en Europe, les valeurs universalistes de notre pays dans la lutte contre les discriminations !
C'est pourquoi, la commission des affaires sociales vous propose d'adopter ce texte, sous réserve des amendements qu'elle a approuvés à l'unanimité ! (Applaudissements à droite et sur divers autres bancs)
Mme Christiane Hummel, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. - Je me réjouis que la commission des affaires sociales demande son avis à la délégation : sur les cinq directives, trois concernent directement l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.
La délégation a formulé six recommandations.
Elle a d'abord constaté que la transposition est urgente et que la Commission européenne est particulièrement exigeante, ce qui pousse le Gouvernement à transposer au plus près les directives, quitte à laisser coexister plusieurs définitions qui ne sont pas identiques. C'est peut-être pratique, mais c'est aussi une source d'insécurité juridique et la délégation recommande au Gouvernement de parvenir au plus vite à un droit homogène.
Seconde recommandation, le Gouvernement doit s'attacher à appliquer le droit actuel autant qu'à perfectionner la norme : la France ne doit pas être le champion des réformes symboliques ! La nouvelle définition de la discrimination directe peut être un levier pour les « tests de discrimination », dont le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) nous a dit qu'ils étaient trop strictement encadrés. La définition de la discrimination indirecte, de son côté, aidera le juge à dépasser l'apparence de l'égalité de traitement, pour vérifier son effectivité. Ces définitions marquent un progrès, mais il faudra en encadrer l'application.
Il faudra veiller à ce que certaines formulations, tel le conditionnel « ne le serait », n'alimentent pas dérives et procès d'intention.
Notre quatrième recommandation concerne les dérogations, autorisées pour les professions de comédien, de mannequin ou de modèle. La rédaction est trop rigide. Plutôt que sur une liste de professions, il faut s'appuyer sur la combinaison des deux critères inscrits dans le texte, l'objectif légitime et l'exigence proportionnée. L'amendement n°5 rectifié de la commission traduit fidèlement notre préconisation.
Enfin, deux dispositions suscitent des réserves, voire des objections. Le principe de l'égalité entre les sexes pour l'accès aux biens et services, d'abord : il ne faudrait pas en déduire une interdiction absolue de dispenser des enseignements à des élèves regroupés selon le sexe car ce serait mettre en péril les établissements privés non mixtes et aussi les équipes masculines ou féminines dans les compétitions sportives. Mais notre délégation est très attachée à l'objectif de mixité et demande au Gouvernement de veiller à la bonne utilisation de cette dérogation -des motifs culturels ou religieux ne sauraient être invoqués et compromettre la participation des jeunes filles aux activités sportives scolaires. Nous nous élevons aussi contre des enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués. (Mme Annie David approuve)
Enfin, nous nous interrogeons sur la dispense accordée aux médias et à la publicité. L'objectif plus ou moins avoué, parce que guère avouable, n'est-il pas d'autoriser des représentations discriminatoires de la femme ? Nous exprimons nos plus expresses réserves ; cette disposition est contraire à nos positions et à l'axe de réflexion assigné par le Gouvernement à la commission Reiser. Nous proposerons la suppression de cette exception. Sous réserve de la prise en compte de nos recommandations, la délégation est favorable à l'adoption du projet de loi qui, malgré ses défauts, devrait faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes, à laquelle nous savons Mme la ministre attachée. (Applaudissements à droite)
Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. - Les discriminations fondées sur le genre sont fréquentes, même si les femmes n'en ont pas toujours conscience et si elles osent rarement s'en plaindre.
Selon le président de la Halde, les femmes, sans prononcer le terme de discrimination, expriment dans les sondages le sentiment d'être moins bien traitées que les hommes. Elles sont très peu nombreuses à saisir la Haute autorité mais les inégalités existent bel et bien. A la conférence sur l'égalité professionnelle et salariale organisée par le Gouvernement, l'écart de salaire a été estimé à environ 25 %. En dépit de l'arsenal législatif, les différences de traitement subsistent. Je félicite donc le Gouvernement de passer à la sanction, à partir de 2009.
Le projet de loi a pour seul objet de transposer des directives européennes et la marge de manoeuvre du législateur est faible. Les définitions européennes ici reprises, discrimination directe et discrimination indirecte, sont intéressantes car la discrimination prend parfois des formes insidieuses. Mais les définitions européennes se superposent aux définitions du droit français et l'ensemble est au bout du compte un peu lourd, voire confus... Il faut parvenir à une meilleure cohérence entre les dispositions existantes, et surtout ne pas se contenter de faire une loi mais veiller à son application concrète.
Je veux évoquer quelques éléments du texte qui me préoccupent. L'autorisation de regrouper les élèves par sexe ne doit pas remettre en cause la mixité ; et nous voulons éviter la reproduction de stéréotypes sexués. Quant à l'exception accordée aux médias et à la publicité, elle laisse à penser qu'une représentation sexiste et discriminatoire de la femme serait admissible ! Tout au contraire, nous luttons contre les atteintes récurrentes à la dignité humaine en cette matière. Certaines publicités sont choquantes. Cette exception nous paraît donc incompréhensible et je défendrai un amendement de suppression.
Enfin, sujet connexe, la réorganisation administrative des délégations régionales et départementales aux droits des femmes nous inquiète. Ces structures sont-elles menacées ? Seront-elles absorbées par l'administration de la jeunesse et des sports ? N'oublions pas les spécificités de leur action ! Je souhaite que Mme la ministre nous donne des précisions à ce sujet. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Notre législation pénale et de la réparation doit faciliter le travail de la justice. Or, nous avons délibéré des heures infinies pour parvenir aux définitions actuelles de notre droit -je songe au harcèlement. Je ne comprends pas : il me semblait que la France possédait une législation très élaborée !
S'il nous faut désormais reprendre mot pour mot le texte de la Commission européenne, il ne s'agit plus de directives. Autant faire des règlements et les appliquer directement, ce serait plus simple ! Nous avons aussi, dans ces matières sensibles, un vrai problème de cohérence des termes avec le droit européen.
Mais j'en viens au présent texte. Le 21 novembre dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi prévoyant la réforme d'ensemble des règles de prescription en matière civile. Pléthoriques, complexes et inadaptées, elles sont source d'insécurité juridique, de contentieux et de malaise en raison de l'impression d'arbitraire qu'elles suscitent. La technicité du sujet ne doit pas masquer son importance. La réforme adoptée possède trois axes : la réduction du nombre et de la durée des délais de la prescription extinctive, le délai de droit commun passant de trente à cinq ans ; la simplification de leur décompte ; l'autorisation encadrée de leur aménagement contractuel. Elle a été soigneusement préparée. Une mission d'information conduite par MM. Yung, Portelli et moi-même a réalisé plus de trente auditions qui débouchèrent sur des recommandations que j'ai pris l'initiative de traduire en une proposition de loi. Son contenu a été enrichi par son rapporteur, M. Béteille, par M. Dreysfus-Schmidt et par d'autres de nos collègues, ainsi que par le Gouvernement.
Conséquemment, cette réforme a recueilli un large consensus puisqu'elle a été votée par tous les groupes à l'exception du groupe CRC, qui s'est abstenu. Pourtant, le travail du Sénat a été violemment mis en cause dans la presse. Se faisant l'écho d'un collectif comprenant notamment des syndicats de salariés, de magistrats et d'avocats, des journalistes et des personnalités ont accusé notre assemblée de « s'en prendre discrètement à tous les discriminés », singulièrement aux victimes de discriminations au travail. Selon eux, avec la réduction de trente à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive « les victimes n'auraient plus que cinq ans pour porter plainte et, si le préjudice est reconnu, les indemnités ne porteraient plus que sur les cinq dernières années ». Et je vous ai épargné les phrases les plus assassines à l'égard de votre commission et de son rapporteur !
Plusieurs députés ont relayé ces inquiétudes lors de l'examen par l'Assemblée nationale du présent projet de loi. Nous sommes tombés des nues, car l'intention des nombreux sénateurs qui ont voté la proposition de loi n'était évidemment pas de réduire les droits des victimes de discrimination. De plus, nous n'avions pas travaillé en catimini ! Comment expliquer une telle explosion de protestations, alors que des mois de débats n'avaient entraîné aucune réaction ?
Les incidences de la proposition de loi sur les délais pour agir et le droit à réparation des victimes ne sont d'ailleurs pas celles qu'a décrites la presse. Si la durée du délai de droit commun de la prescription extinctive se trouve réduite de trente à cinq ans, ce délai ne commence à courir qu'à compter du jour où « le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Or, en la matière, le point de départ de la prescription importe plus que sa durée. Un salarié victime d'une discrimination pourrait ainsi invoquer des faits vieux de plusieurs dizaines d'années dès lors qu'il en aurait eu connaissance tardivement. En outre, l'action devant le conseil de prud'hommes n'est pas une action en paiement de salaires mais une action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination. Il s'agit donc d'une question d'évaluation du montant des dommages et intérêts, indépendante de celle de la recevabilité de la demande et, en la matière, le principe est la réparation intégrale du préjudice, quels que soient les délais pour agir.
L'incompréhension à l'égard de ce texte était donc totale. Par souci d'apaisement, nous nous sommes entretenus, Laurent Béteille, Richard Yung et moi-même, avec des représentants du collectif. Ces échanges ont permis de dissiper tout malentendu sur les intentions du Sénat. Ils nous ont aussi amenés à proposer une rédaction garantissant les droits des victimes de discrimination au travail. Tel est l'objet des deux amendements identiques n°s8 et 22 que nous avons déposés.
Si la proposition de loi sur les prescriptions avait été votée rapidement à l'Assemblée nationale, nous aurions pu attendre : ce n'est pas le cas. Nous attachons la plus grande importance à ces amendements étant donné le climat instauré. Nous devons rassurer le plus rapidement possible, sans attendre que l'Assemblée nationale se saisisse de ce texte. Le Sénat a été injustement mis en cause, nous souhaitons qu'il lui soit donné acte de sa bonne foi. Nous souhaitons non moins ardemment que la réforme d'ensemble du droit de la prescription civile puisse être définitivement adoptée avant la fin de l'été. Elle s'avère nécessaire, consensuelle et urgente si le Gouvernement souhaite toujours, comme l'avait souligné Mme le garde des sceaux, qu'elle constitue la première étape de la réforme du droit des obligations. Plusieurs propositions de lois déposées par des députés, dont l'utilité n'est pas toujours aussi évidente que celle de la réforme des règles de prescription en matière civile, ont été ou sont sur le point d'être adoptées définitivement. Nous aimerions que la réciproque fût vraie et que les initiatives du Sénat aboutissent elles aussi rapidement. Nous allons voter ces jours-ci plusieurs propositions de lois émanant de l'Assemblée, tel le texte -fondamental !- sur les mini-motos... La réforme d'ensemble des prescriptions ou celle de la législation funéraire que propose le Sénat méritent autant de considération ! (Applaudissements à droite)
Mme Jacqueline Alquier. - L'objet du projet de loi est de mettre en conformité le droit français avec le droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Il transpose la directive mettant en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l'accès et la fourniture de biens et services et complète la transposition de trois directives relatives à l'égalité de traitement. Une nouvelle fois, c'est dans l'urgence et sans véritable concertation avec les associations que nous travaillons. Tel est en effet le mode de fonctionnement de ce gouvernement qui fait passer tous les textes importants en urgence et empile les lois qui ne s'appliquent finalement pas faute des moyens ou des décrets nécessaires.
Nous travaillons sous la pression de l'Europe. Il aura fallu trois procédures d'action en manquement lancées par la Commission européenne pour arriver à l'examen de ce projet de loi. C'est dire l'empressement du Gouvernement et sa volonté à agir dans ce domaine ! Pourtant, il reste bien du chemin à parcourir pour que l'égalité de traitement entre dans les moeurs et n'ait plus besoin de faire l'objet de lois, règlements et conventions.
Quelques chiffres : la Halde a enregistré 6 222 réclamations en 2007 contre 4 058 l'année précédente, soit une progression de plus de 50 %. L'emploi est le premier domaine concerné, devant le fonctionnement des services publics, les biens et services privés, le logement et l'éducation. L'origine est le critère de discrimination le plus souvent évoqué, suivi par la santé et le handicap. L'âge est l'un des premiers critères retenus en matière d'embauche. Comment faire quand le Gouvernement nous oblige à travailler plus, plus longtemps, pour gagner plus, mais aussi pour avoir droit à nos retraites, alors que les entreprises veulent des salariés jeunes ?
Une enquête du Bureau International du Travail sur « les discriminations à partir de l'origine dans les embauches en France » montre que seulement 10 % des employeurs ont respecté tout au long du processus de recrutement une égalité de traitement entre les candidats. Plus de 85 % de la discrimination intervient avant que le postulant ait obtenu un entretien ! La Halde dénonce le défaut d'accords anti-discrimination dans les entreprises. Dans 76 % des cas, l'action de l'employeur se limite à informer les salariés, et 8 % seulement des employeurs associent les syndicats à une politique d'égalité des chances. Ces résultats sont particulièrement décevants alors que l'accord interprofessionnel sur la diversité de 2006 avait fait l'unanimité.
Les testings sur le logement ont révélé une forte discrimination des agences immobilières, alors que 38 % des victimes ne parlent pas des discriminations subies. On s'étonnera de la persistance de tels comportements dans nos sociétés !
Certes, les situations en Europe sont très différentes d'un État à l'autre. Mais la France ne fait pas vraiment figure d'exemple ! Pourquoi cette résistance, alors que les dispositions auxquelles on nous demande de nous adapter depuis 2005 améliorent la protection de nos concitoyens ? On sent la même mauvaise volonté que celle mise par le Gouvernement à publier le décret relatif au CV anonyme alors que la disposition législative a été votée en 2006, la même qu'il met à donner les moyens d'application à la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et à faire appliquer celle du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations ou celle du 23 mars 2006 concernant l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Car les textes ont été nombreux depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui affirme que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » !
L'Union Européenne s'est engagée depuis 2000 dans des actions en faveur de l'égalité de traitement qui se traduisent dans les directives. La France doit réagir pour être un pays moteur dans la lutte contre les discriminations, et non l'État qui traîne les pieds et qu'il faut rappeler à l'ordre. L'occasion était belle de faire le point sur notre politique en matière de discriminations, de comprendre pourquoi la situation reste préoccupante alors que nous nous sommes dotés d'outils, de réfléchir au problème de société qu'est la discrimination -bref, d'avoir un véritable débat, et non une transposition a minima, dans l'urgence et en catimini, qui n'est pas sans poser problème dans la forme et sur le fond.
Si, à première vue, le texte semble se conformer aux exigences européennes, il présente cependant des insuffisances et remet même en cause une partie de notre droit du travail. Il a été mal écrit et, à l'Assemblée nationale, la rapporteure a dû l'améliorer par de nombreux amendements ; il est imprécis et pas toujours conforme aux directives : à transcrire a minima, autant transcrire au plus près !
Ce projet de loi ajoute de la complexité et de la confusion au droit existant. Faute d'un travail d'harmonisation, des critères différents -entre le code pénal et le code du travail, par exemple- persisteront. Ainsi Louis Schweitzer, président de la Halde, lors de son audition devant la délégation aux droits des femmes, a cité l'apparence physique, qui constitue un motif de discrimination prohibé par le droit français mais non par les directives européennes. Il a déploré que les règles applicables varient en fonction du motif de la discrimination, estimant qu'un effort d'harmonisation aurait été le bienvenu.
Ce texte ne précise pas certaines notions juridiques dans les codes auxquels il renvoie et oublie d'intégrer dans le code pénal plusieurs avancées de la directive. Des définitions continueront à coexister dans notre droit. Ce projet de loi semble n'avoir été écrit que pour rattraper un retard dérangeant à la veille de la prochaine présidence française de l'Union européenne et non pour définir un droit lisible et accessible.
En outre, ce texte se situe en deçà des exigences européennes en oubliant d'ouvrir la possibilité pour les associations de lutte contre les discriminations d'agir auprès des tribunaux si la victime est un agent de la fonction publique. C'est pourtant une exigence expresse de la directive, et nous espérons que la position de la commission des affaires sociales sera reprise par le Gouvernement. Si les associations peuvent agir au pénal ou devant les prud'hommes, elles ne peuvent toujours pas le faire devant la justice administrative.
Enfin, le texte va au-delà des exigences européennes et introduit des régressions inadmissibles. La mise en oeuvre des directives ne peut pourtant en aucun cas constituer un motif d'abaissement du niveau de protection contre la discrimination déjà accordé par les États membres. Le projet de loi transpose certaines limitations au principe d'égalité de traitement alors que notre droit du travail les limite strictement. L'article 2 permet la ségrégation sexuelle à l'école ; pourtant, jamais la Commission européenne n'a demandé à la France, qui pratique la mixité depuis longtemps, de transposer une disposition qui risque d'être exploitée par les communautaristes, les intégristes et les réactionnaires les plus misogynes !
Les deux définitions de la discrimination données par les directives n'ont pas été synthétisées. Le champ d'application des discriminations liées à l'origine et à la race concerne tous les domaines de la vie courante, alors que pour les autres, il est restreint aux domaines de l'emploi et du travail. Précipitation ou volonté de mettre en concurrence les victimes en hiérarchisant les discriminations ? Dans l'article 3, l'ajout de la notion « de bonne foi » au texte protégeant d'actes de représailles les personnes ayant témoigné en justice en réduit la portée et risque d'induire des contentieux. Le texte autorise également les différences dans le contenu des médias et de la publicité ; ces derniers relaient pourtant souvent des stéréotypes relatifs à l'image de la femme.
Au-delà des groupes politiques, ce projet de loi laisse la plupart d'entre nous insatisfaits. La rapporteure pour la commission des affaires sociales, Muguette Dini, a évoqué les difficultés de fond qu'il soulève : amalgame entre inégalité de traitement et discrimination, et insécurité juridique. Les recommandations faites par la Délégation aux droits des femmes confirment la nécessité d'améliorer la cohérence des régimes juridiques ainsi que l'application des lois, et d'abroger les dispositions régressives dans un domaine où bien du retard s'accumule. Nous présenterons une série d'amendements visant à pallier les insuffisances de ce texte, à lui donner plus de cohérence, à en retirer ce qui ne va pas dans le bon sens. Notre vote tiendra compte du sort qui leur sera réservé. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Henneron. - L'Union européenne est le fer de lance de la lutte contre les discriminations. Dès le traité de Rome, le principe général d'égalité ou de non-discrimination a été posé comme pierre angulaire de l'ordre juridique européen, et depuis de multiples textes ont fixé un niveau minimum de protection contre un grand nombre de discriminations.
Nous devons poursuivre cette lutte tout en assurant le respect des règles communautaires. La Commission européenne a souligné notre retard dans la transposition de plusieurs directives et nous a reproché le caractère incomplet de certaines dispositions transposées. Je tiens cependant à souligner les efforts accomplis ces dernières années et à saluer la détermination du Gouvernement actuel à rattraper notre retard.
Notre société repose sur des valeurs de tolérance et de respect des origines, de l'identité et des choix de vie de chacun, qui trouvent leur source dans le principe d'égalité consacré par notre devise nationale et par les textes fondateurs de notre droit. Plusieurs lois emblématiques ont été adoptées récemment. Les lois du 9 mai 2001 et du 23 mars 2006 traitent de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. La loi du 16 novembre 2001 contre les discriminations a introduit la possibilité d'ester en justice pour les organisations syndicales et les associations, progrès indéniable dans la lutte contre les discriminations à l'emploi. La loi du 30 décembre 2004 a créé la Halde, qui donne des recommandations à l'État et nous informe chaque année de l'état des discriminations en France. La loi du 11 février 2005 concernant les personnes handicapées les protège contre les discriminations dans le travail. Enfin, la loi du 31 mars 2006 traite de l'égalité des chances.
Pourtant, la bataille pour l'égalité est toujours à poursuivre dans la patrie des droits de l'homme. En 2006, la Halde a dressé une liste des discriminations classées selon leur fréquence, qui commence par les discriminations liées à l'origine, puis à la santé ou au handicap, à l'âge, au sexe, à l'activité syndicale, à la situation de famille, à l'orientation sexuelle, aux opinions politiques et à la religion, pour finir par l'apparence physique. C'est l'emploi qui cristallise le plus de pratiques discriminatoires, devant les biens et les services privés, l'éducation ou le logement. Quel triste tableau !
Les publics les plus fragiles cumulent les risques de discrimination sur le marché de l'emploi, dans l'accès au logement ou aux loisirs et dans l'ensemble de leur vie quotidienne. Ces inégalités compromettent notre cohésion sociale et sont à l'origine d'un sentiment d'exclusion qui s'exprime dangereusement dans les communautarismes. Les jeunes Français issus de l'immigration sont les premiers concernés : 11 % d'entre eux, titulaires d'un diplôme de second cycle, sont au chômage contre 5 % pour la moyenne nationale. Selon le Bureau international du travail, 70 % des employeurs français favoriseraient un candidat portant un nom français par rapport à un candidat portant un nom à consonance étrangère. Le lieu de résidence lui-même devient un élément discriminant. Des enquêtes avec envoi de CV factices ont témoigné des discriminations à l'embauche dont les personnes en situation de handicap ou issues de l'immigration sont les premières victimes.
Étant membre de la délégation au droit des femmes, je vous citerai quelques chiffres concernant l'égalité professionnelle. Les salaires des hommes dépassent de 26 % en moyenne ceux des femmes ; près de 31 % des femmes actives occupent un emploi à temps partiel. Le taux de chômage féminin est plus élevé que celui des hommes. Le « plafond de verre » freine l'ascension des femmes dans la hiérarchie : le chemin est encore long pour parvenir à l'égalité... En tant qu'élus, nous avons tous eu connaissance d'inégalités subies par les femmes en matière d'emploi et de déroulement de carrière. La Halde a également constaté que le harcèlement moral devient de plus en plus fréquent sur le lieu de travail et s'appuie sur le durcissement des possibilités d'embauche et la peur du chômage. Il revient aux pouvoirs publics de désigner et de sanctionner les comportements et les infractions discriminatoires.
La nécessité de transposer certaines directives communautaires constitue un aiguillon pour poursuivre la lutte contre les discriminations en France. Ce texte donne des définitions précises des discriminations directes et indirectes ainsi que du harcèlement.
Il étend le champ des discriminations interdites, en fixant leur liste, et protège les victimes contre les mesures de rétorsion.
Le groupe UMP soutient ce texte dont l'adoption s'impose à la veille de la présidence française.
Tout en comprenant des contraintes inhérentes à la transposition, notre commission s'inquiète des dérives que pourrait induire ce texte très protecteur. Qu'en pense le Gouvernement ?
La répression des actes de discrimination est indispensable, mais il serait naïf de croire qu'elle suffise à les éradiquer : pour changer les mentalités, il faut une action de longue haleine, notamment à l'école. (Applaudissements à droite)
Mme Annie David. - Ce projet de loi aurait pu fournir l'occasion d'un grand moment pour notre pays, que nous aurions pu doter d'outils juridiques performants au service des milliers de nos concitoyennes et concitoyens victimes de discriminations diverses mais toujours douloureuses. Chaque jour, des dizaines d'entre eux ou d'entre elles se voient refuser un poste en raison de leurs origines, des dizaines peinent à se loger faute d'avoir le bon nom de famille ou se voient refuser l'accès à des lieux de festivité en raison de leur couleur de peau. Des centaines de nos concitoyens ne peuvent progresser dans l'entreprise à cause de leur engagement syndical. Tant d'autres s'entendent dire que l'expérience acquise au cours des quinze dernières années est incompatible avec le poste proposé ! Et combien ne peuvent obtenir un prêt en raison de leur état de santé, combien ne sont pas embauchées car elles sont des femmes, ou à des salaires inférieurs, après des questions relatives aux projets de maternité ?
Ce débat aurait pu fournir l'occasion d'un bilan des textes existants. En matière d'emploi, les inégalités persistent, qui devraient inciter le Gouvernement à mieux appliquer les dispositions en vigueur. C'est d'ailleurs l'une des recommandations de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes.
La liste des discriminations est longue, d'autant plus que l'État y participe. Je pense notamment à la non équivalence de certains diplômes de médecine, dénoncée par la Halde, mais que votre Gouvernement a refusé de lever lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Je pense aussi au droit de vote des résidents extracommunautaires régulièrement installés en France, toujours exclus du processus démocratique. Ils participent à la vie de la société civile, mais perdent leur droit lorsqu'il s'agit de choisir un exécutif local. Pourtant, un candidat à l'élection présidentielle s'est déclaré favorable à leur vote. Bien qu'il ait affirmé : « je dis ce que je fais et je fais ce que je dis », il a oublié cette promesse une fois élu !
Ce que je viens de décrire ne provient pas de mon imagination, mais d'une enquête réalisée en France sous l'égide du Bureau international du travail et de la Direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques (Dares) entre fin 2005 et mi-2006. Remise en mars 2007, elle nous apprend que : « près de quatre fois sur cinq, un candidat à l'embauche d'origine hexagonale ancienne sera préféré à un candidat d'origine maghrébine ou noir ». On peut regretter que les recommandations de la Halde et du Bureau international du travail, consécutives à cette étude, n'aient pas toutes été suivies par le Gouvernement.
En 2006, la Halde a reçu 4 000 réclamations, un nombre impressionnant mais qui sous-estime la réalité. Comment pourrait-il en être autrement, quand l'existence de cette autorité est largement méconnue, quand ses missions et ses moyens ne lui permettent pas de satisfaire les attentes ? Selon son rapport pour 2006, 35 % des réclamations étaient liés à l'origine, 16 % à l'état de santé, 6 % à l'âge, 5 % au sexe et 3 % à l'activité syndicale des intéressés. Le champ des discriminations est donc vaste. Il est également évolutif, avec l'émergence de nouvelles formes ou l'accroissement, par exemple, du harcèlement au travail. Cette évolution a été notée par M. Schweitzer, président de la Halde, qui a souligné « l'importance des réclamations portant » sur ce harcèlement, qu'il provienne de l'employeur ou des collègues. Votre texte reste muet quant aux recommandations de la Halde sur ce sujet !
Puisque les discriminations évoluent, notre législation doit en faire autant. Tel n'est manifestement pas le cas. Les sanctions de la Commission européenne sont là pour nous le rappeler, avec deux mises en demeure, un avis motivé, puis un ultimatum. Dans son rapport, Mme Dini a noté : « le texte vise donc avant tout, de l'aveu même du Gouvernement, à mettre la France à l'abri de ces procédures judiciaires ». L'objectif n'est pas contestable, mais il ne saurait être légitimement le seul. Votre transposition minimaliste manque d'ambition, car ce texte n'est que la conséquence de l'ultimatum européen. En commission, Mme Létard a dit que la transposition devait éviter de nouvelles sanctions contre la France, alors qu'elle prend la présidence de l'Union européenne. Bref, il faut sauvegarder les apparences. Peu importent les huit ans de retard, ce qui compte, c'est d'être prêt le jour J, lorsque tous les regards seront braqués sur notre pays ! Peu importe alors que ni les associations, ni les organisations syndicales n'aient été consultées, alors que leurs représentants auraient pu apporter aux rédacteurs du texte un peu du vécu des milliers de nos concitoyennes et concitoyens pour qui la discrimination est une souffrance quotidienne. Peu importe si cette transposition se superpose aux textes existants, alors que la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes déplore que ce dispositif ajoute à la complexité juridique, dans un domaine où il est pourtant indispensable qu'il soit compris par les justiciables.
La délégation invite le Gouvernement à mieux harmoniser les critères de discrimination utilisés en droit français, qu'ils soient ou non issus des règles européennes. Je partage l'opinion de Mme Hummel : la solution retenue par le Gouvernement est sans doute la plus rapide et la plus prudente, mais il reste à rendre la lutte contre les discriminations plus accessible et plus compréhensible par les victimes.
Que la cause en soit l'urgence ou le manque de concertation, le Gouvernement se contente d'une transposition a minima, bien qu'elle ne soit pas systématiquement rigoureuse. Ainsi, la définition européenne du harcèlement sexuel n'est pas intégralement reprise, ce que je regrette.
Les gouvernements disposent d'une certaine latitude, puisque l'article 6 précise : « Les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement que celles prévues dans la présente directive ». De plus, vous disposiez de quelques mois : vous auriez donc pu enrichir votre texte, par exemple pour conforter la Halde, étoffer ses missions, accroître ses ressources ou établir des représentations régionales. A ce propos, je déplore la censure de la commission des finances sur mon amendement tendant à créer des délégations régionales de la Halde : je ne pourrai pas le défendre tout à l'heure. On ne trouve rien non plus sur l'égalité professionnelle, malgré l'accablant rapport récemment publié par le Conseil économique et social, où il apparaît que les femmes demeurent moins bien payées que les hommes, qu'elles occupent des postes plus flexibles et plus précaires.
Je regrette que vous ayez utilisé le mot « race », qui laisse supposer l'existence de races, cette idée au nom de laquelle tant de crimes ont déjà été commis.
En l'état, ce texte ne résoudra pas les difficultés que rencontrent nos concitoyens. Il sera d'autant moins efficace que votre majorité a réduit de trente à cinq ans les délais de la prescription civile. J'ai entendu les propos de M. Hyest à ce sujet, mais le délai de cinq ans est trop bref. « Ce que je donne d'une main, je le reprends de l'autre », a fortiori lorsque l'article premier hiérarchise de fait les discriminations.
Pour que ce projet de loi soit créateur de droits, le groupe CRC a déposé un certain nombre d'amendements. Notre position finale sera déterminée par le sort que vous leur réserverez. (Applaudissements à gauche)
Mme Bariza Khiari. - Au-delà de nos divergences, je tiens tout d'abord à remercier Mme Dini pour la qualité de son rapport, qui a l'immense mérite de donner à réfléchir. Notre collègue a posé les questions essentielles et elle est allée au fond des choses.
Depuis quelques années, les études portant sur la lutte contre les discriminations se succèdent à un rythme soutenu. Cette problématique, autrefois évacuée, s'est imposée à tous les acteurs de notre société. Face à ce foisonnement d'initiatives, il y a quelque chose de surprenant et de paradoxal à constater la timidité voire l'ambiguïté des avancées législatives. J'en veux pour preuve l'adoption, par voie parlementaire du CV anonyme, introduit dans la loi pour l'égalité des chances par un amendement About.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Où est le décret ?
Mme Bariza Khiari. - Cette mesure, que j'ai défendue dans cet hémicycle, n'a toujours pas de réalité faute de décret d'application !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - C'est bien regrettable.
Mme Bariza Khiari. - Voilà donc un domaine où le Gouvernement fait preuve de timidité, pour ne pas dire d'absence de volontarisme, alors même que le CV anonyme est un outil d'égalité républicaine qui trouverait toute sa place dans notre tradition méritocratique.
L'ambiguïté du Gouvernement est manifeste quand, à l'occasion de la loi sur l'immigration, et au motif de lutter contre les discriminations, il proposé la création de statistiques ethnoraciales. Cette initiative, heureusement écartée par le Conseil constitutionnel, est la caricature d'une certaine pensée en matière de lutte contre les discriminations : faire porter la responsabilité des inégalités sur des considérations ethniques et créer ainsi les conditions de l'ethnicisation de la question sociale ; préparer les instruments nécessaires à une politique de quotas et créer ainsi les conditions d'une concurrence entre les différentes communautés.
Mais cette mauvaise volonté doit s'accommoder des obligations européennes. La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations est issue d'une obligation européenne et non pas d'une volonté politique nationale. C'est à coup d'éperons européens, et non de mobilisation nationale, que nous sommes obligés de débattre de cette question, afin de ne pas risquer de procédure judiciaire pendant la présidence française de l'Union. C'est dans ces circonstances que le Parlement hérite d'un projet de loi transposé à la hâte et qu'il lui revient de débattre en urgence. Or, étant donné les difficultés de forme et de fond posées par ce texte, une navette parlementaire complète aurait été nécessaire.
Depuis la loi de 2001 relative à la lutte contre les discriminations, et la création de la Halde, notre droit s'était appliqué à uniformiser les dispositifs mettant au même niveau les peines encourues et les procédures à suivre, quel que soit le motif de la discrimination.
La transposition pose un problème de lisibilité et aussi de principe : la hiérarchisation et la différenciation des discriminations vont à l'encontre de la tradition de notre droit qui fait de l'égalité un principe commun d'unité. C'est d'ailleurs fortement soutiré par Mme le rapporteur qui évoque de possibles dérives communautaires. C'est ainsi qu'en première lecture l'Assemblée nationale a adopté une disposition autorisant l'organisation d'enseignement non mixte. Cette disposition, contraire à nos pratiques et nos valeurs, ne figure dans aucune des directives à transposer !
Autre exemple, la possibilité pour les sociétés d'assurance de mettre en place des tarifs différenciés selon les sexes et en fonction des prestations. Cette disposition a été transposée dans notre droit interne en décembre 2007, sans susciter plus de débat. Or cette exception ne devait pas figurer dans la directive et que ce n'est qu'après un intense lobbying des assureurs qu'elle y a été intégrée. Dès lors, et bien que l'article L111-7 du code des assurances encadre ces possibilités de dérogations, il faut s'interroger sur le bien-fondé de cette exception. Sachant que les jeunes conductrices ont moins d'accidents de voiture que les jeunes conducteurs, on pourrait justifier qu'elles puissent bénéficier d'un tarif inférieur. Cette inégalité de traitement serait plus juste qu'un tarif commun. Un raisonnement similaire peut être tenu concernant l'assurance-vie.
Cet exemple touche directement à la distinction délicate entre l'inégalité de traitement et la discrimination. On peut arguer que le tarif différencié, établi à partir de données actuarielles, de tables de risques, et à partir de données extérieures au conducteur, constitue une discrimination dans la mesure où il méconnaît le comportement individuel de la personne. Il faudra un jour s'interroger sur la prise en considération de données statistiques, présentées comme prédictives, dans la loi. D'aucuns soutiennent que le tarif différencié est non seulement juste mais optimal dans la mesure où il est légitimé par les calculs de risque. Selon ce raisonnement, l'inégalité de traitement n'est plus une discrimination, alors que l'égalité de traitement en serait une.
Il est vrai également que l'introduction dans notre droit de la notion de discrimination ne va pas sans produire des tensions fortes avec notre conception de l'égalité républicaine.
Dans votre rapport, madame Dini, vous soulevez à juste titre les problèmes posés par l'absence de codification des définitions portant sur les discriminations directes, et indirectes. Je conteste pour ma part la logique de différenciation entre les discriminations. En instituant des régimes de protection différenciés, le projet de loi, qui se contente de « copier-coller » les directives, établit une hiérarchie entre les discriminations.
Notre code pénal retient quinze motifs de discrimination. En matière civile, ne seront retenus que sept critères de discriminations. Cette dissymétrie sera source de confusion. Je note aussi l'absence du critère portant sur l'état de santé, qui représente aujourd'hui un motif important des saisines de la Halde.
Je partage certaines de vos réserves, madame le rapporteur, sans toutefois vous suivre concernant l'aménagement de la charge de la preuve, que vous présentez comme la généralisation d'une présomption de culpabilité. Les études attestant de l'ampleur des pratiques discriminatoires sont légion ; les dernières en date étant celle du Bureau international du travail de mai 2007 et celle de l'Insee, de février 2008. Nous sommes dans une société où les pratiques discriminatoires sont massives et, en dépit de nos efforts, elles sont encore considérées comme naturelles. Il suffit de compter, sur les doigts d'une main, les plaintes au pénal qui aboutissent en matière de discrimination, en dépit d'un arsenal juridique conséquent. La généralisation de l'aménagement de la charge de la preuve, quel que soit le motif de la discrimination, constitue une avancée importante, indispensable pour que les employeurs et les bailleurs réfléchissent et abandonnent leurs mauvaises pratiques.
C'est également dans cet esprit que je défendrai un amendement portant sur l'intégration d'un nouveau chapitre dans le bilan social des entreprises portant sur la lutte contre les discriminations.
J'avais souhaité déposer un amendement au code des marchés publics, afin que l'engagement d'une entreprise en faveur de la lutte contre les discriminations, devienne, tout comme son engagement en matière de développement durable, l'un des critères d'attribution d'un marché. Or, le code des marchés publics n'est plus modifiable par voie parlementaire. Ses dispositions autrefois législatives sont devenues réglementaires.
Nous avons déposé un amendement visant à la suppression du mot « race » qui est apparu dans notre droit sous Vichy. Utiliser ce terme, même pour prohiber les discriminations, concourt à légitimer son existence alors même que la biologie et la génétique ont conclu à l'inexistence de toute race dans l'espèce humaine.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Très bien !
Mme Bariza Khiari. - Certes, la suppression du mot « race » ne fera pas disparaître le racisme, mais notre droit cessera d'entretenir la force du préjugé.
Enfin, je défendrai un amendement qui s'inscrit dans une réflexion plus générale sur les emplois dits fermés. Aujourd'hui, 600 000 emplois du secteur privé et libéral sont, en droit, inaccessibles aux étrangers extracommunautaires. Ces réglementations restrictives datent des années 30, années de fortes tensions xénophobes. Les médecins, les vétérinaires, les avocats, les pharmaciens, suivis des autres ordres, étaient fort bien représentés au Parlement et ont obtenu le vote de ces mesures protectionnistes. Il s'est même trouvé un parlementaire, dont je ne souhaite pas retenir le nom, qui déposa un amendement visant à interdire l'accès à ces emplois aux français naturalisés de la quatrième génération !
Les fondements de ces restrictions législatives et réglementaires sont historiquement datés, économiquement obsolètes, et moralement condamnables. Elles constituent des obstacles administratifs humiliants et inutiles : un étranger ayant obtenu son diplôme d'architecte en France doit s'engager dans une démarche dérogatoire pour obtenir son inscription à l'ordre ! Il suffirait de supprimer la condition de nationalité, tout en préservant la condition de diplôme français, pour donner une nouvelle orientation à notre lutte contre les discriminations.
Le Parlement devra un jour se pencher sur l'ensemble des emplois fermés. Il n'est pas normal qu'une sage-femme, qu'un géomètre, parce qu'étrangers, ne puissent pas exercer leur métier dans notre pays, alors qu'ils disposent d'un diplôme français. Les discriminations légales entraînant les discriminations illégales, leur périmètre doit être restreint aux emplois ayant une portée de sécurité nationale.
Je déplore comme vous, madame le rapporteur, que nous n'ayons pu faire valoir en amont nos valeurs lors des négociations communautaires. De ce fait, la vision anglo-saxonne libérale communautariste l'emporte sur une conception républicaine de l'égalité et des rapports sociaux. (Applaudissements à gauche)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - On le regrette d'autant plus que c'est dû à un gouvernement socialiste !
Mme Bariza Khiari. - Nous sommes tous un peu coupables...
M. Roger Madec. - Si les objectifs poursuivis par ce texte ne peuvent que recueillir le consensus de tous les groupes politiques, il est inachevé et doit être amélioré.
Tout d'abord, il est particulièrement choquant qu'il rétablisse une hiérarchie entre les discriminations, alors que, depuis 2001, le législateur s'est attaché à uniformiser les dispositifs tant pour les procédures judiciaires que pour les peines encourues.
Ainsi l'article 2 crée des protections supplémentaires pour les victimes de discrimination liée à la race, notamment en matière de protection sociale, de santé et d'éducation, domaines actuellement non explicitement couverts par les lois anti-discrimination sans les étendre aux autres victimes de discriminations, notamment celles liées au handicap ou à l'orientation sexuelle. Je m'interroge sur la constitutionnalité d'une telle disposition qui permettrait une différence de traitement entre les victimes.
En matière de discrimination liée à l'orientation sexuelle, les associations spécialisées nous indiquent que de nombreuses personnes homosexuelles ainsi que la plupart des personnes séropositives déclarent être ou avoir été victimes d'un événement discriminatoire. Selon une étude de la Halde, « l'homophobie dans l'entreprise », réalisée auprès de 1 413 salariés se déclarant gay ou lesbiennes et rendue publique au début du mois de mars, 85 % des personnes qui ont répondu disent avoir déjà une fois ressenti une homophobie implicite sous différentes formes, 40 % ont déjà été directement victimes d'insultes, de dégradation, de violences physiques...
Ce projet de loi est inachevé puisqu'il réduit la portée de la directive. Celle-ci impose de permettre aux associations d'ester en justice. En l'état actuel du droit, les associations peuvent agir devant les juridictions pénales et prudhommales sans pouvoir le faire devant le tribunal administratif. Les agents de la fonction publique victimes de discrimination ne peuvent donc recevoir l'assistance juridique d'une association en cas de confit devant la justice administrative. Le groupe socialiste proposera des amendements pour y remédier.
Enfin, je regrette que le projet de loi ne codifie que partiellement les dispositions nouvelles. Aujourd'hui, les mesures relatives à la lutte contre les discriminations sont disséminées dans différents textes de loi ou codes. Cette organisation de la loi rend peu lisible notre droit aux victimes de discriminations.
Le groupe socialiste proposera des amendements pour améliorer ce projet de loi. Face à un texte qui donne l'impression d'être inachevé, nous serons attentifs à l'examen des amendements. (Applaudissements à gauche)
La discussion générale est close.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. - Madame Dini, sur la comparaison hypothétique et l'emploi du conditionnel, la Cour de justice des communautés européennes a déjà tranché et, dans plus de 95 % des cas, la Commission gagne devant cette Cour. De fortes amendes sont en jeu, qui engageraient les finances publiques ...
Madame Alquier, nous avons soumis ce projet de loi à la Halde et aux partenaires sociaux -Commission nationale de la négociation collective, Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes- et plusieurs associations. Nous avons donc procédé à toute la concertation possible compte tenu des délais et de l'urgence.
Il est vrai, mesdames Dini et Hummel, que la discrimination et l'inégalité de traitement ne sont pas la même chose. Le projet de loi fait bien la différence et utilise les deux expressions à des fins différentes. Nous n'abandonnons rien de notre tradition juridique et du principe d'égalité qui la sous-tend. La directive et le projet de loi complètent le cadre juridique existant mais ne s'y substituent pas.
Ce qui a trait à la comparaison hypothétique est imposé par la directive et nous n'avons pas le choix. C'est sans conséquence sur la façon dont la Halde pourra pratiquer le testing, qui est précisée dans la loi du 30 décembre 2004, modifiée en 2006 et à laquelle nous ne touchons pas. Dans le droit français, nous procédons déjà par comparaison hypothétique pour les reconstitutions de carrière ou les indemnisations en matière de responsabilité hospitalière.
Madame Khiari, le mot « race » figure à l'article premier de notre Constitution, ainsi que dans la loi du 30 décembre 2004. Enfin, les directives indiquent clairement que l'usage de ce mot ne signifie en aucun cas l'adhésion aux théories racistes.
Le projet de loi ne remet pas en cause le principe de mixité dans l'éducation nationale, il préserve seulement la liberté d'organisation de tous les établissements d'enseignement. C'est la conséquence du principe de liberté d'enseignement, à valeur constitutionnelle. Notre pays a toujours réussi à concilier la mixité à l'école publique avec le principe de liberté d'enseignement. La disposition proposée permet de continuer à assurer cette conciliation et de préserver les libertés acquises, sans constituer un recul.
Mesdames Hummel et Gautier, le contenu des médias et de la publicité est explicitement laissé hors champ de la directive 2004-113.Cette dérogation rend d'autant plus nécessaire un travail sur l'image de la femme dans les médias. La commission Reiser fera à ce sujet des propositions concrètes, élaborées en partenariat avec les professionnels des médias, propositions qui pourront avoir une issue législative.
Madame Dini, s'agissant du harcèlement sexuel, l'article L 122-46 du code du travail n'a pas été modifié car il a des conséquences pénales. Nous avons voulu maintenir une définition pénale autonome car les conséquences d'un procès pénal ne sont pas celles d'un procès civil. Un groupe de travail s'occupe d'améliorer la définition pénale. Les associations nous ont fortement encouragés à former un groupe de travail sur les violences faites aux femmes.
Madame Alquier et monsieur Madec, la question des associations relève du décret. La règle nouvelle s'appliquera aux fonctionnaires. Nous conservons le critère de cinq ans que l'on retrouve à de multiples endroits dans notre droit. C'est une garantie pour les victimes, celle d'être assistées par des acteurs expérimentés.
Je comprends, monsieur Hyest, que vous souhaitiez lever un malentendu sur la portée de la proposition de loi dont vous êtes l'un des coauteurs. Il semble préférable d'en débattre lors du passage de votre texte devant les députés. Pour garantir la lisibilité de la future réforme sur la prescription, il serait bon de ne pas en éparpiller le contenu.
Madame Henneron, je voudrais rappeler le rôle de la Halde en matière de prévention, par exemple lorsqu'elle diffuse les bonnes pratiques qu'elle a constatées. Le Gouvernement met cet été à la disposition des employeurs un nouveau rapport de situation comparée et il proposera le principe d'une sanction financière pour les entreprises qui n'auront rien fait d'ici le 31 décembre 2009.
Madame David, l'étude de la Dares et du BIT présente en effet des chiffres alarmants quant aux discriminations liées à l'origine. En la matière, ce projet de loi couvre tous les domaines : accès aux biens et services, emploi, éducation, santé, protection sociale.
Mesdames Alquier et Khiari, les partenaires sociaux ont prévu, dans l'accord interprofessionnel sur la diversité du 19 octobre 2006, un bilan des expérimentations en matière de CV anonymes. Le Gouvernement souhaite tirer les enseignements de ce bilan pour prendre les textes d'application de la loi instaurant ce type de CV car nous ne pouvons nous passer, en ce domaine, de l'expertise des partenaires sociaux.
Madame Gautier, la modification de l'organisation administrative de l'État a pour objet d'améliorer la qualité de nos administrations, qui devront toutes s'adapter aux exigences de la modernisation. Elle nous incite à imaginer des solutions nouvelles, à réduire la mosaïque des petites structures pour en faciliter le fonctionnement avec une gestion mutualisée de leurs moyens. A ce jour, rien n'est arrêté définitivement sur le positionnement du Service des droits des femmes et de l'égalité, et de son réseau déconcentré. Il est impératif d'en conserver la spécificité et de préserver la lisibilité de son action à ces deux niveaux, quelles que soient les configurations adoptées.
Au niveau central, l'intégration de ce service dans une grande direction est envisagée. Mais cette hypothèse n'est pas incompatible avec le maintien, voire même le renforcement d'une politique transversale et interministérielle de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Au niveau régional, la circulaire du Premier ministre du 19 mars a prévu huit structures administratives. Des aménagements sont néanmoins possibles avec cette configuration et nous avons deux pistes de réflexion : le rattachement auprès du Préfet, dans l'équipe du Secrétariat général pour les affaires régionales ; l'intégration dans la direction régionale de la cohésion sociale en maintenant une entité chargée des droits des femmes et de l'égalité qui soit visible et qui aurait en charge la poursuite de l'approche intégrée de l'égalité dans toutes les politique publiques.
Dans les départements, rien n'est arrêté, mais les mêmes préoccupations m'animent et je m'attacherai à ce que la politique de l'égalité continue d'être portée par tous les ministères, au niveau central et sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 19 heures.
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
Conférence des Présidents
M. le président. - Je vais donner lecture des conclusions de la Conférence des Présidents.
JEUDI 10 AVRIL 2008
A 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire :
1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés;
A 15 heures :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;
3°) Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
MARDI 15 AVRIL 2008
A 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales.
Ordre du jour prioritaire :
A 16 heures et le soir :
2°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines ;
3°) Projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense.
MERCREDI 16 AVRIL 2008
Ordre du jour prioritaire :
A 15 heures et le soir :
- Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
JEUDI 17 AVRIL 2008
Ordre du jour prioritaire :
A 15 heures et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 18 AVRIL 2008
Ordre du jour prioritaire :
A 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Je vous rappelle que le Sénat suspendra ses travaux en séance publique du samedi 19 avril 2008 au dimanche 27 avril 2008.
MARDI 29 AVRIL 2008
À 10 heures :
1°) Questions orales.
Ordre du jour prioritaire :
A 16 heures et le soir :
2°) Projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
MERCREDI 30 AVRIL 2008
Ordre du jour prioritaire :
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
MARDI 6 MAI 2008
A 10 heures :
1°) Questions orales.
Ordre du jour prioritaire :
A 16 heures et le soir :
2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant modernisation du marché du travail ;
MERCREDI 7 MAI 2008
Ordre du jour prioritaire :
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi portant modernisation du marché du travail.
MARDI 13 MAI 2008
Ordre du jour réservé :
A 16 heures :
1°) Proposition de loi pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse, présentée par M. Poniatowski.
Le soir :
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion.
L'ordre du jour est ainsi réglé.
Lutte contre les discriminations (Urgence - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Nous en étions parvenus à la discussion des articles.
Discussion des articles
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il présente chaque année au Parlement un rapport relatif à l'évolution de la diversité parmi les personnels employés par les sociétés, et au développement de programmes présentant les thèmes de la diversité et de la multiplicité des cultures. »
Mme Bariza Khiari. - Les médias et la publicité n'étant pas considérés par la directive du 13 décembre 2004 comme des biens et services à disposition du public, le principe de non-discrimination ne s'applique pas à leur contenu. Pourtant, les images, notamment télévisuelles, ne sont-elles pas des biens d'une nature particulière ? Faciles d'accès, tant dans l'espace public que privé, elles jouent un rôle éminent dans la constitution de nos représentations sociales et notre appréhension de l'altérité. Il n'est donc pas indifférent de veiller à ce qu'elles ne véhiculent pas de stéréotypes négatifs.
Une étude menée en 2006 par le Bureau de vérification de la publicité, en partenariat avec France Télévision, avait conclu à une très faible représentation des « profils » extra-européens dans la presse et l'affichage public et, dans une moindre mesure, à la télévision. Surtout, l'étude mettait l'accent sur l'ethnicisation fortement stéréotypée des rôles dans la publicité, la publicité par Banania en offrant la caricature.
Même sans être objectivement désobligeantes, ces représentations peuvent, souligne l'étude, « contribuer à réduire l'imaginaire des possibles pour ces groupes de populations », imaginaire d'autant plus rétréci que la seule valorisation de la diversité ethnique dans la publicité se réduit à la mise en avant de personnalités du sport ou de la musique.
Dans les films et les séries télévisées, l'image des femmes est déformée : quand elles sont performantes dans leur vie professionnelle, c'est forcément au détriment de leur vie familiale. Dans le même esprit, le délinquant est arabe ou noir, l'ingénieur blanc, mâle et hétérosexuel.
Fin février, madame la ministre, vous avez mis en place une commission de réflexion sur l'image de la femme dans les médias, en relevant que les « politiques d'égalité entre les femmes et les hommes ne peuvent se concevoir sans une réflexion approfondie sur l'image de la femme ». Cette réflexion vaut aussi pour la représentation de la diversité et c'est pourquoi je me réjouis de la création, au sein du CSA, de l'Observatoire de la diversité audiovisuelle, présidé par Rachid Arhab, et qui a pour mission d'envisager la diversité sous différents angles : l'origine, l'âge, le sexe et le handicap.
Je suis donc persuadée que majorité et opposition seront favorables à cet amendement qui vise à ce que le CSA remette, tous les ans, un rapport sur la représentation de la diversité dans les médias.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Sans remettre en cause votre réflexion sur le fond, je ne suis pas sûre que cet amendement ait sa place dans ce projet de transposition. J'ajoute que sa mise en oeuvre serait difficile, car comment évaluer la diversité dans les personnels de l'audiovisuel, quand le Conseil constitutionnel interdit les statistiques ethniques, sauf à en arriver à un simple décompte, explicite ou non, des minorités dans les entreprises et les administrations concernées. Retrait ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. - Cet amendement ne me semble en effet pas à sa place dans un projet de transposition de directive européenne. J'ajoute qu'il n'entre pas dans les missions du CSA de contrôler la gestion des personnels des entreprises et administrations concernées, contrôle que rendrait au reste difficile l'interdiction faite par le Conseil constitutionnel d'établir des statistiques ethniques.
Pour ce qui est du bilan annuel sur le contenu des programmes, que vous appelez de vos voeux, je vous rappelle que la loi relative à l'égalité des chances prévoit que le CSA rend un rapport annuel, remis au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement. Je vous rappelle également que le CSA a récemment créé l'Observatoire de la diversité, présidé par Rachid Arhab, chargé de suivre les politiques d'amélioration de la diversité tant au point de vue de l'âge que du sexe, de l'origine ou du handicap. Votre amendement me semble donc, sur ce point, satisfait. Défavorable.
Mme Bariza Khiari. - On peut rendre compte de la diversité d'un point de vue non pas seulement quantitatif, mais qualitatif. Il serait souhaitable que le rapport de l'Observatoire soit transmis au Parlement. À l'inverse de ce que vous m'objectez, j'estime qu'il y a parfaitement lieu d'aborder la question dans ce texte, et je maintiens mon amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Je m'en étonne d'autant plus que vous vous étiez, madame Khiari, opposée, lors de débats sur un autre texte, à un de mes amendements qui visait à évaluer la diversité, arguant qu'il était difficile de mener une telle évaluation sans tomber dans des travers dangereux. D'autant plus peut-être quand l'évaluation est « qualitative » ?...
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le Président. - Amendement n°12, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les services publics ainsi que dans les entreprises publiques et privées de cinquante salariés ou plus, le bilan social établi chaque année intègre un chapitre sur les actions menées en faveur de la lutte contre les discriminations sous toutes les formes.
Mme Bariza Khiari. - Compte tenu de la gravité des discriminations, il est bon de rappeler la teneur de l'article 10 de l'accord national interprofessionnel pour la diversité. On mesurera ainsi le hiatus entre le discours officiel et la pratique des entreprises. Au surplus, nombre d'entreprises de plus de cinquante salariés n'ont pas de comité d'entreprise, au mépris de la loi. Il est donc plus sûr d'accélérer la mise en oeuvre de l'accord.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ce n'est peut-être pas le support le plus adapté. Avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement partage l'objectif de Mme Khiari et veut favoriser le dialogue social mais, précisément, il faut laisser jouer l'accord interprofessionnel du 19 octobre 2006, étendu le 22 février 2008 et qui prévoit un bilan d'ici deux ans. Le Gouvernement sera très attentif afin d'apporter éventuellement des améliorations. Avis défavorable à cet amendement prématuré.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
Article premier
Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés à l'alinéa précédent, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
ou une race
Mme Jacqueline Alquier. - L'Essai sur l'inégalité des races humaines de Gobineau, de 1853, a été au fondement des pages les plus noires de notre histoire. Dans les années 1950, l'Unesco a recommandé de parler plutôt d'ethnie, considérant que le terme de race était confus. Aux débuts de la génétique, les scientifiques pensaient trouver les gènes des Noirs, des Jaunes ou des Blancs, mais on ne les a jamais découverts, et Tahar Ben Jelloun souligne que le mot race ne doit pas être utilisé pour les êtres humains, car il n'a pas de base scientifique et n'a servi qu'à exagérer des différences physiques sur lesquelles on n'a pas le droit de classer et de hiérarchiser l'humanité.
Certains argueront de l'article 2 de la Constitution ou de la qualification de circonstance aggravante du caractère « raciste » de certaines infractions. D'autres feront observer, à l'inverse, qu'en 1983 la loi sur les droits et obligations des fonctionnaires a retenu le terme d'ethnie, ce qui est cohérent avec la réalité et n'a empêché aucun magistrat de poursuivre les discriminations. Le législateur doit parfois être à l'avant-garde et faire preuve de détermination.
M. le président. - Amendement identique n°31, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Mme Annie David. - Je voudrais ajouter quelques arguments à ceux que vient de présenter Mme Alquier. Il y a moins d'un mois, nous célébrions la journée internationale de lutte contre le racisme mais, alors que l'année 2007 avait été dédiée à le combattre et malgré la volonté affichée par tous, il reste une dure réalité.
Notre amendement ne suffira pas à éradiquer toutes les formes de racisme mais il peut contribuer à faire évoluer les mots et les discours. En commission, beaucoup ont approuvé notre volonté de lutter contre les discriminations en supprimant le mot « race » de la loi.
Les avancées scientifiques doivent servir de point d'appui au législateur. La notion de race n'a aujourd'hui plus la moindre légitimité scientifique : il n'ya pas de races dans la famille humaine. Nous devons tourner définitivement une page : le mot était apparu dans notre législation en 1939 et avait été consacré juridiquement par les lois de juin et d'octobre 1940. Depuis cinquante ans, notre législation n'a eu de cesse de recourir à cette notion pour proscrire les discriminations ; pis, le mot est immédiatement suivi de ceux de religion, de nation et d'ethnie, comme si la race était une notion aussi objective. La suppression de ce mot ne permettra pas à un juge peu scrupuleux de ne pas sanctionner les propos et les actes racistes : les autres dispositions suffisent et il n'y a pas d'inquiétude à avoir à ce sujet.
Certes, nous allons au-delà de la transposition stricto sensu de la directive mais nous faisons avancer ainsi notre combat. La Commission européenne elle-même prend la précaution de n'autoriser la référence qu'à la race et non aux races, mais cette avancée ne suffit pas, car comment interdire les discriminations par rapport à une race unique ? C'est pourquoi nous sommes fidèles à la logique de la Commission en proscrivant un terme insoutenable. Cette petite révolution est de nature à empêcher le renouvellement de crimes que nous avons connus.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Nous avons été nous aussi choqués par l'emploi du mot race dans la directive mais Mme Létard a répondu par avance à votre argument en insistant sur le considérant 6 : l'emploi du mot n'empêche pas la condamnation de la chose, même si la rédaction peut apparaître paradoxale. Je m'en remettrai à la sagesse en demandant l'avis du Gouvernement.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Je comprends que l'emploi du mot puisse susciter des réserves, mais il s'agit bien d'interdire toute discrimination, comme l'ont fait le Préambule de la Constitution de 1946 et l'article premier de celle de 1958. Le Gouvernement a volontairement repris les termes de l'article L-122-45 du Code du travail, et la directive est conforme à l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement inopportun.
Mme Annie David. - Je propose en effet une petite révolution... La Constitution et le code du travail sont des textes anciens. La législation doit évoluer avec son temps ! Les données scientifiques sont claires : il y a une seule race, la race humaine. Le prochain Congrès pourrait être l'occasion de faire disparaître de la Constitution un terme qui doit être banni de notre langage. L'adoption de cet amendement aurait honoré notre assemblée ; je regrette l'avis défavorable du Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Une proposition de loi communiste tendant à supprimer le mot « race » de tous nos textes a été déposée à l'Assemblée nationale il y a plusieurs années, mais on nous dit toujours qu'il est urgent d'attendre... Pourtant, nous modifions et codifions les textes sans arrêt ! On peut toujours s'abriter derrière les textes existants, mais l'initiative que nous proposerons nous honorerait, et aurait un effet d'entraînement sur les législations d'autres pays.
Mme Bariza Khiari. - L'utilisation du terme « race », même pour condamner les discriminations, concourt à en légitimer l'existence alors que tous les travaux scientifiques montrent qu'il n'y a pas de race dans l'espèce humaine. Ôter ce mot ne fera pas disparaître le racisme mais peut lutter contre la force des préjugés. Soyons innovants et créatifs !
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques n°s13 et 31, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
ses convictions
par les mots :
ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses
Mme Jacqueline Alquier. - Amendement de précision. Le terme « convictions » est très large : nous proposons de décliner les formes qu'elles peuvent revêtir et qui peuvent donner lieu à discriminations. Le fondement juridique sera plus précis en cas de contentieux.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il ne s'agit pas seulement d'une précision : vous ajoutez deux nouveaux critères de discrimination, les activités syndicales ou mutualistes, qui ne figurent pas dans la directive. On ne peut les intégrer dans le droit communautaire que par la négociation d'une nouvelle directive. Au demeurant, ces deux motifs de discrimination sont déjà visés dans le code du travail. Avis défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Cet amendement s'éloigne du texte de la directive. Le terme de « convictions » peut recouvrir d'autres éléments : restreindre ainsi la portée de la définition ferait courir un risque juridique. En outre, l'article L.122-45 du code du travail interdit déjà les discriminations fondées sur les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes ou les convictions religieuses. Avis défavorable.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :
sexe
par le mot :
genre
Mme Annie David. - Cet amendement n'est pas purement formel. La discrimination en fonction du sexe ne renvoie pas systématiquement à la sexualité, mais peut traduire une approche sociétale. La discrimination à l'égard des femmes est ainsi souvent fondée sur une vision négative, pour ainsi dire moyenâgeuse : on leur reproche d'être incompétentes, d'abandonner le foyer conjugal et les tâches qui leur incombent traditionnellement, de voler le travail des hommes et d'être responsables de la hausse du chômage...
Le langage législatif doit correspondre à la volonté réelle du législateur.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Le terme « genre » est surtout utilisé dans les pays anglo-saxons et en Europe du Nord. Le droit communautaire comme le droit national lui préfèrent celui de « sexe » : avis défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°36 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
, ne l'a été ou ne le serait
par les mots :
ou ne l'a été
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cet amendement limite l'insécurité juridique qui résulte de la définition communautaire de la discrimination directe. La dimension fictive de la comparaison, avec un verbe au conditionnel, pourrait en effet conduire à des condamnations fondées sur de simples suppositions. Comment se défendre contre des accusations qui ne sont que des hypothèses ou des fictions ? Une telle définition ouvre une porte légale aux procès d'intention, que nous refusons. La commission a adopté à l'unanimité cet amendement qui supprime le conditionnel.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable. Le texte du Gouvernement reprend au mot près la définition de la directive, comme l'a explicitement demandé la Commission européenne dans ses avis motivés. C'est un impératif : si le projet de loi devait proposer une autre définition, la Commission saisirait la Cour de Justice et la France serait condamnée en manquement.
La méthode comparative existe déjà en droit français, qu'il s'agisse de la reconstitution des carrières ou de l'indemnisation de la perte de chance dans le cadre de la responsabilité hospitalière.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La Commission européenne serait-elle capable de discrimination ? En Espagne, la loi du 30 décembre 2003 a transposé la directive sans reprendre le conditionnel, sans que la Commission n'engage d'action en manquement contre cet État... J'en conclus que nous pouvons supprimer « serait » sans courir le risque d'une action en manquement -sans quoi nous serions victime de discrimination !
M. Nicolas About, président de la commission. - Et il faudrait condamner l'Europe !
Mme Bariza Khiari. - Nous voterons cet amendement de bon sens : une définition juridique est positive ou négative, mais pas conditionnelle.
L'amendement n°1 est adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Dini au nom de la commission.
Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
susceptible d'entraîner
par le mot :
entraînant
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La recherche de la discrimination indirecte confinerait au procès d'intention, puisqu'on pourrait être condamné non pour un acte discriminatoire mais pour un acte que le juge estimerait « susceptible d'entraîner » une discrimination. La commission, unanime, a préféré le participe présent, dans le respect du droit communautaire.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Je rappelle que la France est poursuivie dans trois procédures pour discrimination...
M. Nicolas About, président de la commission. - Nous avons cinq ans de retard, sans que le Parlement n'ait été saisi : ce n'est pas notre fait !
Mme Bariza Khiari. - Nous ne voterons pas cet amendement. La notion de discrimination indirecte est utile puisque, dans ce cas, le désavantage avance masqué.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La loi espagnole n'a pas repris l'expression, la Commission européenne ne l'a pas poursuivie pour autant !
L'amendement n°2 est adopté.
M. le président. - Amendement n°32, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. - Rédiger comme suit le début de l'avant-dernier alinéa (1°) de cet article :
1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa subi par une personne...
II. - Rédiger comme suit le dernier alinéa (2°) de cet article :
2° Tout agissement lié à un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, subi par une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
III. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
3° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.
Mme Annie David. - Mme Dini signale dans son rapport les lacunes de ce texte, estimant qu'elles sont de nature à compromettre l'efficacité même de la lutte contre les discriminations. Pour autant, si le Gouvernement transcrit les normes européennes, il ne le fait pas complètement en matière de harcèlement. La directive européenne distingue le harcèlement sexiste et le harcèlement sexuel. Dans le premier cas, le genre est le motif du harcèlement : par exemple les propos machistes, les propos inappropriés relatifs au genre, à l'aspect physique ou vestimentaire ; de tels agissements ne peuvent pas être condamnés sur le fondement du code du travail. La directive européenne sanctionne également, s'agissant du harcèlement sexuel, tous les comportements non désirés par celui ou celle qui les subit, alors que notre droit est plus restrictif, ce qui fait échouer bien des plaintes et laisse impunis des comportements pourtant répréhensibles.
Ce texte ne transpose donc que partiellement la définition européenne du harcèlement sexuel et sexiste ; nous la préférons dans son intégralité. Nous savons pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement, puisque, comme l'a dit Mme la Ministre, une transposition incomplète ferait condamner la France !
M. Nicolas About, président de la commission. - Ce n'est pas vrai !
M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Dans l'avant-dernier alinéa (1°) de cet article, avant les mots :
tout agissement
insérer les mots :
les actes de harcèlement définis comme
Mme Annie David. - Le Parlement n'a pas à s'interdire toute intervention sur le texte transcrit : l'article 6 de la directive du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, dispose que les États membres peuvent adopter ou maintenir des règles plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement. Le Gouvernement l'a compris, puisqu'il inclut le domaine pénal, alors que la directive n'y oblige guère...
Ici, le harcèlement est suggéré par son contexte ; nous préférons la formulation de la directive, qui évoque clairement l'acte de harcèlement.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La définition communautaire du harcèlement sexuel est confuse et elle pose un problème de sécurité juridique, sans pour autant renforcer l'efficacité de la lutte contre ce phénomène : avis défavorable à l'amendement n°32, ainsi qu'à l'amendement n°35.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse à l'amendement n°32. Avis défavorable à l'amendement n°35 : c'est à dessein que nous n'évoquons pas l'acte de harcèlement en matière civile, pour éviter toute confusion avec la définition pénale du harcèlement.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette définition est confuse, on l'entend à la lecture même. (Mme le rapporteur lit l'amendement) La Commission européenne ne nous demande pas une transposition mot à mot, ne rendons pas notre droit confus !
L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°35.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La distinction entre la différence de traitement et la discrimination est essentielle, elle a été rappelée constamment par la Cour de cassation depuis son arrêt EDF contre Chaize et autres du 7 octobre 1999. L'inégalité de traitement n'est pas nécessairement due au sexe, à la couleur de peau ou à l'orientation sexuelle de la personne. La distinction des deux notions encourage les salariés, pour faire cesser l'inégalité, à se réclamer du principe d'égalité qui est commun à tous et n'enferme pas les individus dans leurs différences.
M. le président. - Sous-amendement n°52 à l'amendement n° 3 de Mme Dini, au nom de la commission, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :
illicite au sens de l'article L. 122-45 du code du travail
Mme Annie David. - La jurisprudence à laquelle fait référence Mme Dini affirme bien que toute situation inégalitaire n'est pas le résultat d'une discrimination mais il convient de la citer en entier, sans quoi l'amendement de la commission ne ferait qu'ajouter à la confusion.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ajouter « illicite » reviendrait à considérer que certaines discriminations sont licites. Je ne vois pas l'intérêt d'ajouter ce terme qui ne change rien au fond.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Il est vrai que les différences de traitement ne sont pas, par principe, illégales et ne constituent donc pas, par principe, des discriminations. Cependant, l'amendement va contre l'esprit des directives transposées. Il laisse penser que les différences de traitement entre salariés sont présumées légales, ce qui s'oppose à l'aménagement de la charge de la preuve prévue à l'article 4 du projet de loi. Il va également à l'encontre les dispositions du deuxième alinéa de l'article 2 qui précise les conditions dans lesquelles une différence de traitement entre salariés est autorisée. L'amendement, en ne reprenant pas ces conditions issues des directives, introduit de la confusion dans cet article relatif aux définitions. Avis défavorable, et au sous-amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Sans le sous-amendement, j'ai le même avis que madame la ministre sur l'amendement qui énonce une lapalissade. Ou alors on signifie qu'une différence de traitement entre salariés n'est pas une discrimination : ce serait mal à propos ici !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Madame Borvo, la jurisprudence constante de la Cour de cassation établit qu'« une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas une discrimination au sens de l'article L. 122-45 du code du travail ». Quoi qu'il en soit, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. Nicolas About, président de la commission. - Le sous-amendement n'est acceptable qu'à condition d'ôter le terme « illicite ». Sinon, il faudrait comprendre que la discrimination peut être licite au sens d'un autre article.
Mme Annie David. - Nous rectifions le sous-amendement en ce sens.
M. le président. - C'est le sous-amendement n°52 rectifié à l'amendement n°3 de Mme Dini
Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :
au sens de l'article L. 122-45 du code du travail
Le sous-amendement n°52 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est dommage. Si, demain, une entreprise accorde une place de parking à un salarié qui travaille à vingt kilomètres sans l'accorder à un autre qui loge en face de l'usine, il y aura discrimination puisqu'il y aura une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise. Avec ce vote, nous venons de refuser que, dans certaines conditions, une différence de traitement ne soit pas considérée comme une discrimination.
M. Jean-Jacques Hyest. - Le caractère déclaratif de cet amendement, qui était intéressant, n'enlève rien à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui ne changera pas.
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est la directive qui l'emporte !
L'article premier, modifié, est adopté.
Article 2
Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité :
1° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services ;
2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle.
Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;
3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité.
Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs ;
4° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.
Ce principe ne fait pas obstacle :
- à ce que soient faites des différences selon le sexe lorsque la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ;
- au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances ;
- à l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.
Le contenu des médias et de la publicité n'est pas considéré comme un accès aux biens et services ni comme une fourniture de biens et services à la disposition du public au sens du 4° du présent article.
M. le président. - Amendement n°37, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. - Rédiger comme suit le 1° de cet article :
1° Toute discrimination directe ou indirecte opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture des biens et services, d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle ;
II. - Supprimer le 2° de cet article.
Mme Annie David. - Nous regrettons que la rédaction proposée s'éloigne considérablement de l'esprit de la directive. En lieu et place d'une interdiction générale de discrimination fondée sur une définition large et complète des actes et pratiques discriminatoires, vous avez préféré une rédaction en quatre sections, chacune d'elle répondant à un grief formulé par la commission. Pourquoi ce choix qui porte en lui des différences de droit d'accès au regard des différences des personnes ? Une personne appartenant à une ethnie bien définie aurait accès à la santé ou à l'éducation, et pas une personne handicapée ou à l'orientation sexuelle particulière ?
L'article 2 est la quintessence des défauts d'un projet de loi au caractère hautement administratif qui hiérarchise les discriminations ! Cette rédaction en quatre sections risque même d'accroître les difficultés des personnes victimes de discrimination. Elle traduit votre désir d'en finir rapidement avec ce projet de loi, avant que la France prenne la présidence de l'Union Européenne, comme Mme Létard l'a reconnu en commission.
On doit se féliciter de la bonne prise en compte des discriminations d'ordre ethniques ou nationales en matière d'accès à la protection sociale, à la santé, aux avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services, et fourniture de biens et services, mais on ne peut que regretter la moindre prise en compte des autres formes de discriminations : le handicap et l'orientation sexuelle, ainsi que les discriminations commises à raison de l'âge ou de la religion, qui ne sont pas mentionnées au premier alinéa du présent article. C'est méconnaitre la réalité. Nombre de couples homosexuels, par exemple, se voient refuser la location d'un appartement, ce dont des associations se sont émues. Je sais que l'Inter-LGBT a demandé à Mme Létard de mettre fin à une hiérarchisation qui fait reculer des années en arrière le combat pour les droits. Votre rédaction est maladroite : il aurait été plus simple de poser en un article l'ensemble des motifs discriminants visés dans les directives européennes ainsi que ceux contenus dans l'article L. 225-1 du code pénal.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le 1° et le troisième alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :
ou une race
Mme Jacqueline Alquier. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le 1° de cet article, remplacer les mots :
ou une race
par les mots :
sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, le handicap, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses,
Mme Jacqueline Alquier. - Cet alinéa n'opère qu'une transposition a minima de la directive, alors que le législateur français a constamment aligné le traitement de toutes les discriminations, sans hiérarchie entre elles.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. - Dans le 1° de cet article, après le mot:
race
insérer les mots :
le handicap ou l'état de santé
II. - Dans le premier alinéa 2° de cet article, après le mot :
handicap,
insérer les mots :
l'état de santé,
Mme Annie David. - Certes, les discriminations liées à la santé ou au handicap ne figurent pas dans la directive, mais nous pouvons compléter le dispositif dans un sens plus favorable.
Sans reprendre le débat suscité cet après-midi par la journée de solidarité, j'estime urgent de rendre leur dignité aux personnes invalides. N'ajoutons pas la souffrance à la misère !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - L'Europe n'en finit pas de légiférer sur les discriminations. Une nouvelle directive ne saurait tarder. Vos observations, intéressantes, pourront être transmises aux négociateurs, mais il vaut mieux attendre le prochain texte pour ajouter ce que vous proposez.
Avis défavorable aujourd'hui.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°37, car aucune directive ne porte sur les discriminations hors de l'emploi.
Si la Commission européenne prend une initiative en ce sens pendant la présidence française, notre pays la soutiendra.
Jusqu'à la prochaine transposition, les discriminations de toute nature demeurent interdites par l'article premier de la Constitution.
De même, le Gouvernement repousse les amendements n°s15, 16 et 38.
Mme Annie David. - J'ai noté que le Gouvernement s'engageait à utiliser la présidence française pour combattre la discrimination conformément à ce que nous suggérons. Je prends donc date pour la fin de cette présidence.
L'amendement n°37 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s16, 15 et 38.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le second alinéa du 2° de cet article, après le mot :
précédent
insérer les mots :
dans les conditions prévues par les articles L. 122-45-3, L. 122-45-4 et L. 123-1 du code du travail
Mme Jacqueline Alquier. - Conformément à l'article 8 de la directive, cet amendement vise à maintenir des dispositions plus favorables à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Les articles L. 122-45-3, L. 122-45-4 et L. 123-1 du code concernent respectivement les différences de traitement légitimes fondées sur l'âge, la santé ou le handicap et le sexe.
Toute nouvelle ouverture à d'autres différences de traitement abaisserait la protection contre la discrimination.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette rédaction restreindrait à l'excès les dérogations, dont je rappelle qu'elles doivent être fondées sur des exigences professionnelles ou d'autres motifs légitimes et qu'elles doivent rester proportionnées. Avis défavorable.
L'amendement n°17, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :
ou de la maternité
par les mots :
, de la maternité ou de la paternité
Mme Jacqueline Alquier. - Toute discrimination fondée sur la grossesse ou la maternité est interdite. Cette distorsion de protection en faveur des femmes est parfaitement justifiée. Toutefois, un congé de paternité existe grâce à M. Jospin et à Mme Royal. Il est donc justifié d'insérer dans ce texte une protection spécifique.
Cet ajout ne peut soulever d'objections juridiques, puisque un État membre peut aller au-delà de la directive.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Comme ils font parfois l'objet de pressions sur le lieu de travail, il n'est pas ridicule de protéger les hommes qui veulent prendre un congé de paternité, bien que la directive ne comporte aucune disposition en ce sens. A l'unanimité, la commission est favorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le congé de paternité ne peut être placé sur un rang analogue à celui des congés de maternité, sauf à revenir sur l'asymétrie de la directive en faveur des mères. Méconnaître ce point exposerait notre pays à de nouvelles poursuites.
En outre, les discriminations envers les pères prenant le congé de paternité sont interdites par l'article 122-45 du code du travail. L'amendement est donc satisfait.
M. Nicolas About, président de la commission. - De nombreuses dispositions inscrites dans le texte figurent déjà dans le code ! Elles n'ajoutent rien.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Dini au nom de la commission.
Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il restera interdit de regrouper des élèves en fonction de leur sexe.
M. le président. - Amendement identique n°19, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Bariza Khiari. - Cette exception au principe de non-discrimination ne figure dans aucune directive. Nul texte européen ne nous oblige à autoriser l'organisation d'enseignements non mixtes. D'où provient cette exception sortie de nulle part ? Faut-il la mettre sur le compte de la précipitation, des nostalgiques de l'uniforme ou des détracteurs de mai 1968 ?
En 2004, notre délégation aux droits des femmes avait consacré ses travaux à la mixité, qui n'est pas définitivement acquise. Ses détracteurs avancent trois arguments. Les uns y voient un frein à la performance des uns et des autres, les autres soulignent la montée des violences, notamment sexuelles, dans les écoles, enfin les milieux intégristes la condamnent au nom de la religion. Certes, la mixité à l'école n'a jamais été pensée : elle s'est imposée en fonction de contingences économiques plus que d'un projet de société. Néanmoins, on ne peut plus distinguer laïcité, égalité et mixité. Les réponses aux deux premiers arguments se trouvent non dans la ségrégation, mais dans la formation des enseignants, dans les méthodes pédagogiques et les manuels scolaires, dans la volonté d'accompagner les filles vers les filières- notamment scientifiques- dont elles tendent à s'exclure.
L'apprentissage du vivre ensemble commence à l'école. Aucune considération ne saurait justifier une remise en cause.
M. le Président. - Amendement identique n°39, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.
Mme Annie David. - Je suis profondément choquée par l'insertion de la mesure prévue à l'alinéa 11, qui autorise la généralisation du principe de discrimination en fonction du sexe dans le milieu scolaire.
Cette disposition appelle deux réflexions, l'une juridique, et l'autre politique. Comme le rapport réalisé par la Délégation aux droits des femmes le souligne à juste titre, le code de l'éducation dispose en son article L.121-1 que les établissements qui accueillent des élèves contribuent « à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes ». Cette disposition est contredite par ce onzième alinéa : alors que le rôle de l'éducation est de favoriser la mixité, une autre disposition législative autorise, sans la moindre limitation, la séparation des élèves en fonction de leurs sexes ? Vous ouvrez une boîte de Pandore, en comptant que ces deux dispositions vont se contenir, se limiter, comme si toutes deux avaient la même valeur.
Ce qui nous ramène au plan politique, je ne dirai pas polémique car j'espère qu'ici, nous partageons la même idée d'une société démocratique moderne, fondée sur l'égalité des droits et des devoirs. La mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes sont des combats permanents. La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes met en garde contre l'organisation d'enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués contre lesquels il convient au contraire de lutter. Pour réussir le vivre-ensemble, il faut intervenir dès l'école, pour casser certains stéréotypes tenaces.
C'est précisément ce que cet alinéa remet en cause : il sape un des fondements de notre école publique sans rien ajouter de positif à la loi française.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est très attaché à la mixité. Une convention interministérielle signée par M. Darcos vise à la favoriser en incitant les jeunes filles à diversifier leurs choix et à s'orienter davantage vers les filières scientifiques et techniques. Le 4 avril, une circulaire a été adressée aux recteurs pour leur demander d'insister sur la lutte contre toutes les discriminations et contre les violences, notamment homophobes. Le ministère de l'éducation nationale a engagé une réflexion pour une charte de la paix scolaire.
Cela ne doit pas empêcher qu'un enseignement puisse être dispensé en séparant les garçons des filles. Cela se fait à l'école de la Légion d'honneur, dans l'enseignement privé. Il y va de la liberté de l'enseignement.
Les amendements sont donc satisfaits par l'action du Gouvernement et peuvent être retirés.
M. Nicolas About, président de la commission. - Nous gagnons beaucoup à entendre le Gouvernement. Nous sommes aussi assez d'accord avec la conclusion de Mme David : il ne faut pas toucher aux fondements de notre école publique. La loi française doit être sauvegardée, l'enseignement doit être le même pour tous.
Il semble toutefois qu'il faille ajouter des précisions pour éviter que les autres mesures semblent s'appliquer à l'enseignement avec la même rigueur. Preuve est ainsi apportée qu'on peut s'écarter de la lettre des directives pour les améliorer. Quand on peut faire mieux, il ne faut pas hésiter ! Il faut sauvegarder l'équilibre fragile de notre système d'enseignement.
Je souhaite donc que le Sénat repousse ces amendements.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
Mme Annie David. - Je suis très déçue par ce revirement. Nous avons voté ce matin ces amendements à l'unanimité, après une discussion très intéressante ; je ne comprends pas que vous donniez maintenant une telle consigne.
J'ai rappelé ce que dit le code de l'éducation.
M. Nicolas About, président de la commission. - Justement : l'école est hors-champ. La loi française doit être préservée.
Mme Annie David. - Mais c'est un retour en arrière ! Rien n'est admis de tel dans les écoles publiques et, dans les écoles privées où l'enseignement se fait en fonction du sexe des élèves...
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est interdit !
Mme Annie David. - ... les parents doivent donner leur accord écrit. Pour ce qui concerne l'école publique, contentons-nous de ce que dit le code de l'éducation.
La disposition que vous voulez introduire ne figure pas dans la directive, on ne sait pas d'où elle vient. Ou plutôt, on ne le sait que trop !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Puisque l'éducation est hors du champ de la directive, pourquoi décider, avec cette disposition, de l'y mettre ? C'est très grave, car c'est donner un point d'appui à tous ceux qui veulent revenir sur la mixité scolaire et qui font pression pour que les cours d'éducation physique soient séparés, et les cours de biologie, et les hôpitaux.
Votre argumentation est spécieuse. Rien n'impose de mettre une telle disposition dans ce texte, surtout ne l'y mettez pas !
Mme Bariza Khiari. - Moi aussi, je m'étonne de ce revirement. D'où cela sort-il ? Les vraies raisons ne sont pas avancées. On voit bien le choix politique du Gouvernement qui veut aller dans le sens d'une prise en compte des particularismes religieux dans le service public. On cherche à confessionnaliser la société française, dans la ligne des discours de Latran et de Riyad. Laïcité, égalité et mixité ne peuvent être disjointes.
Si le Gouvernement persiste dans cette politique, il aura du fil à retordre !
M. Nicolas About, président de la commission. - Il est vrai qu'on est hors-champ. Le Gouvernement n'a pas fait un bon geste en introduisant cette disposition. (« Ah bon ! » à gauche) Mais, en la retirant, on travaillerait en creux à l'ébranlement de l'équilibre sur lequel est fondée notre école. Adopter ces amendements serait revenir sur l'existant.
Autant je n'approuve pas ce texte, autant je ne souhaite pas l'adoption d'amendements qui porteraient atteinte à l'équilibre fragile de notre école.
L'amendement n°19, identique à l'amendement n°39, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mmes Hummel, Gisèle Gautier, Kammermann, Lamure, Payet, Debré, Bout, M. Gournac, Mmes Procaccia, Desmarescaux et Sittler.
Supprimer le dernier alinéa de cet article.
Mme Christiane Hummel. - Le sens et la portée de cette disposition ne nous paraissent pas clairs, et le président de la Halde nous a avoué au cours de son audition qu'il partageait notre perplexité. Cette disposition ne fait apparemment que démarquer l'article 3 de la directive 2004/113 qui, définissant son champ d'application, indique qu'elle ne s'applique « ni au contenu des médias et de la publicité, ni à l'éducation ».Fallait-il reprendre cette formule dans la loi française et, surtout, fallait-il la reprendre mot à mot ? Sa transposition ne nous est imposée par aucune mise en demeure de la Commission européenne. Utilisons cette marge de manoeuvre. Le Gouvernement n'a pas réservé le même traitement, dans son exercice de transposition, à l'éducation et au contenu des médias et de la publicité, qui sont pourtant englobés par la directive dans une même formule. Il ne s'est pas contenté de répéter littéralement dans le projet de loi que « l'éducation n'est pas considérée comme un bien ou service » mais s'est efforcé de trouver à cette exception une traduction mieux circonscrite, en précisant que l'interdiction de la discrimination en ce domaine ne faisait pas obstacle « à l'organisation d'enseignements par regroupements », formulation, plus précise, moins choquante, même si elle appelle des réserves. Pourquoi n'avoir pas fait bénéficier l'exception relative aux médias et à la publicité, d'un même effort d'adaptation à notre droit ? La formulation retenue est si vague qu'elle en est dangereuse. Vise-t-elle à dispenser purement et simplement les médias et la publicité de toute obligation en matière de lutte contre les discriminations sexuelles ? Pourrait-elle avoir pour effet d'autoriser des représentations discriminatoires de la femme dans les médias ou la publicité ? Nous souhaitons des éclaircissements. Nous ne pouvons qu'être hostiles à une disposition qui prend le contre-pied des conclusions de nos récents travaux sur l'image de la femme dans les médias, travaux dans le prolongement desquels s'inscrit la réflexion confiée par le Gouvernement à la commission présidée par Mme Michèle Reiser. Alors qu'aucune urgence ne s'attache à la transposition de cette disposition, il conviendrait d'attendre les conclusions de cette commission pour mieux cibler les dispositions dérogatoires adaptées à ces services d'un genre particulier, que sont la publicité et les médias. Car si la liberté d'expression peut justifier, jusqu'à un certain point, un traitement dérogatoire, cela ne doit pas nous conduire à oublier d'autres principes de valeur constitutionnelle, comme le respect de la dignité de la personne humaine ou de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes.
M. le président. - Amendement identique n°20, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Jacqueline Alquier. - Comme les trois précédents, ces amendements identiques semblent avoir fait l'unanimité. Il faut supprimer ce dernier alinéa, imprécis et dangereux, qui permettrait de donner impunément une image peu flatteuse des femmes. Une telle disposition n'a rien à faire dans notre droit et le fait que des groupes financiers et commerciaux font pression en sa faveur devrait accroître notre vigilance pour la défense de l'intérêt général.
M. le président. - Amendement identique n°40, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Mme Annie David. - L'adoption de l'alinéa précédent m'a mise dans une profonde colère. Des objectifs inavoués se cachent derrière ces revirements...
Mais cet alinéa ne vaut pas mieux, qui exonère les médias et la publicité de l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe ! L'industrie des médias pourrait alors continuer à discriminer à loisir les femmes trop grosses, trop vieilles, trop maigres, continuer à les humilier, à les mettre dans des situations dégradantes, offensantes, de porter atteinte à leur dignité... pour de l'argent. Autrement dit, les médias et la publicité seraient une zone de non droit en matière de lutte contre les discriminations !
Là encore, je suis en colère ! Madame la ministre, vous balayez d'un revers de main le rapport rendu l'an dernier par Mme Gauthier au nom de la délégation sur ce thème. L'une de ses sept recommandations est « d'accroître les moyens d'actions des associations de défense des droits des femmes en matière de lutte contre la publicité sexiste ». Ce rapport a mis en évidence des situations inacceptables contre lesquelles nous ne pourrons pas lutter si vous accepter ce texte en l'état !
Qui n'a jamais croisé de publicité où une femme, à moitié nue, est réduite au rôle soit d'esclave sexuelle, soit de femme soumise. Qui n'a jamais vu de publicité, dans le métro, aux arrêts de bus où une femme est réduite à un corps -magnifique de préférence- plutôt qu'à une tête. Et encore, elle n'a pas à se plaindre si elle n'est pas réduite à une seule partie de son anatomie : ses jambes, ses fesses, sa poitrine, bref, à une femme objet. Réduire les femmes à un rôle utilitaire, qu'il soit sexuel ou « ménager », satisfait le machisme ambiant de notre société. L'association « La Meute » a dénoncé l'argument esthétique utilisé pour justifier le recours à des femmes objets : « Si une publicité sexiste semble belle, elle n'en est que plus efficace, mais la beauté n'est pas son but (...). Il s'agit de vendre un objet, de faire connaître un nom ».
Le Bureau de vérification de la publicité a enregistré une baisse notable de publicité litigieuse, mais avec des campagnes toujours plus provocantes autour du « porno chic », je dirais plutôt du porno choc ! Alors qu'il faudrait renforcer les pouvoirs du BVP -une autre des recommandations du rapport de la délégation- en faisant en sorte notamment que son contrôle soit a priori et non a posteriori, en rendant ses avis obligatoires et incontournables et en les rendant publics, vous introduisez une disposition rétrograde, qui limite considérablement l'intérêt de cette transposition.
Or, les premiers à être marqués par la télévision et les affiches sont les plus jeunes. Là encore, le rapport préconisait de « prévoir dans les programmes scolaires une sensibilisation aux stéréotypes véhiculés par les médias sur les rôles respectifs des femmes et des hommes ». Les jeunes, parce qu'ils sont l'avenir de notre pays, doivent échapper à la répétition des stéréotypes sexués. De telles évolutions ont eu lieu au Canada et en Suède où, sous la pression des consommateurs, les publicitaires ont dû réviser leurs méthodes.
Avec cet alinéa, vous balayez tous les travaux réalisés sur ce sujet, faisant fi aussi du travail parlementaire accompli sur un secteur qui est un des plus discriminatoires ... en concurrence, peut-être, avec le domaine politique...
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette dérogation est inquiétante car elle autoriserait la publicité sexiste. Avis favorable aux amendements de nos deux collègues.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Retrait ou rejet. Le principe de non discrimination entre hommes et femmes doit s'articuler avec le principe de liberté d'expression. La commission Reiser fera des propositions visant à améliorer l'image de la femme dans les médias. Il est des instruments plus souples et plus efficaces que la loi, la charte par exemple. Mais si cette commission se prononce pour la voie législative, le Gouvernement préparera un projet de loi.
Mme Christiane Hummel. - Nous maintenons notre amendement. La liberté d'expression ne doit pas heurter la dignité de la personne humaine.
Mme Gisèle Gautier. - Je le maintiens d'autant plus que le Gouvernement n'a reçu aucune mise en demeure de la Commission sur ce point. Alors, pourquoi une disposition si détestable ?
Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous suivons l'avis du rapporteur. Cette exclusion, dans un tel texte, est choquante.
Les amendements identiques n°s9 rectifié bis, 20 et 40 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par M. Hérisson.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la nature de l'habitat constitué à titre principal d'une résidence mobile terrestre est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.
Ce principe ne fait pas obstacle au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances.
M. Pierre Hérisson. - Ce n'est pas la première fois que je dépose cet amendement, dans un texte approprié... Entretemps, la Halde, dans sa délibération du 17 décembre 2007, a spécifié que les gens du voyage sont présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, lié à la nature de leur habitat, constitué à titre principal d'une résidence mobile terrestre, laquelle n'est pourtant toujours pas reconnue comme une habitation. Le constat qu'elle dresse confirme que les gens du voyage sont victimes de discriminations, dans tous les domaines de la vie quotidienne, qui résultent tant des textes en vigueur que des comportements individuels.
Il en ressort que les difficultés qu'ils rencontrent dans l'accès aux biens et aux services relèvent non d'une problématique tarifaire, mais d'un refus de garantie, qui ne procède pas uniquement, de la part des mutuelles et sociétés d'assurance, d'une aversion au risque que pourraient présenter des assurés ayant un mode de vie particulier ni d'une enquête de sinistralité connue permettant de quantifier le risque et de rattacher les personnes itinérantes à un tarif spécifique.
Il s'agit, par cet amendement, de permettre d'appliquer le droit commun et de donner du sens et de la crédibilité à une mission d'insertion des gens du voyage dans notre République, en mettant fin à une discrimination avérée à leur encontre et en leur permettant de remplir leurs obligations citoyennes.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Interdire aux sociétés d'assurance de refuser d'assurer les gens du voyage serait contraire au principe constitutionnel de liberté contractuelle. J'ajoute que ces sociétés pourraient toujours invoquer des circonstances particulières.
Nous savons, monsieur Hérisson, votre souci. Il est légitime, mais serait mieux relayé par d'autres voies, comme le renforcement des moyens des bureaux de tarification. Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Pierre Hérisson. - Voilà la troisième fois que je présente cet amendement, dans un texte approprié, et que je reçois la même réponse. La Commission nationale consultative des gens du voyage s'est déclarée unanimement en faveur de cette proposition. Les gens du voyage sont au nombre de 400 000, et 30 % d'entre eux ne sont pas couverts pour leur habitation. Il est urgent de remédier à cette situation. Or, personne ne propose de solution. Les compagnies d'assurance auditionnées par la Commission consultative bottent en touche et semblent attendre qu'on leur impose une obligation. Un jour surviendra un véritable sinistre, dans un tunnel ou ailleurs, avec des gens sans assurance. La problématique est la même pour l'accès au crédit. Il ne faut pas s'étonner, après cela, du taux de délinquance dans cette population. Je ne veux pas jouer les abbé Pierre mais j'insiste : il y a urgence !
L'amendement n°30 n'est pas adopté.
Mme Bariza Khiari. - Cet article 2 porte une atteinte durable à la mixité à l'école, alors même que l'éducation n'entre pas dans le champ de la directive. Permettre d'organiser l'enseignement en fonction de préjugés liés au sexe, c'est balayer d'un revers de main le combat de plusieurs générations en faveur de la mixité. La future présidence de l'Union ne saurait servir de prétexte à de tels reculs, qui bafouent les valeurs de la République au nom d'une philosophie communautariste. Le groupe socialiste votera contre cet article, avec d'autant plus de conviction que, malgré les explications de M. About, le revirement de la commission nous semble éminemment troublant.
Mme Annie David. - Nous souscrivons entièrement à ces propos. Vous instituez une discrimination incroyable au sein de l'école. Permettre d'organiser les enseignements en fonction du sexe des élèves, c'est porter une atteinte directe à l'école républicaine, fondée sur l'égalité des droits et l'égal accès pour tous. Nous ne pouvons voter cet article. Je regrette, monsieur About, votre position. Au point que je ne puis dire si nous pourrons voter ce texte au terme de nos débats.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 3
Aucune personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait.
Aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l'article 2.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
de bonne foi
Mme Jacqueline Alquier. - Prévoir qu'une personne ayant témoigné « de bonne foi » ne pourra être inquiétée de ce fait peut conduire à réduire la portée de la protection du témoin. Mais en droit français, tout témoignage est présumé de bonne foi, jusqu'à preuve du contraire. Ici, on laisse entendre qu'il ne l'est peut-être pas. Sachant les libertés que sait prendre le monde patronal avec la charge de la preuve, l'initiative paraît bien imprudente. Par ce soupçon porté a priori, et qui peut devenir incrimination, on risque de dissuader les témoins, pourtant essentiels dans le combat contre les discriminations dans l'entreprise.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Supprimer l'expression « de bonne foi » reviendrait à protéger une personne qui a délibérément menti pour faire accuser une autre de discrimination. Défavorable.
L'amendement n°21, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°8, présenté par MM. Hyest et Béteille.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 1134-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, il est inséré un article L. 1134-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1134-5. - L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
« Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.
« Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée. »
II. - Après l'article 7 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :
« Art. 7 bis. - L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
« Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.
« Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée. »
M. Laurent Béteille. - Cet amendement a déjà été largement défendu par le président Hyest, qui nous a rappelé que nous avions adopté, le 21 novembre dernier, une proposition de loi bien nécessaire puisqu'elle mettait de l'ordre dans le régime des prescriptions en matière civile. Certains d'entre nous ont cependant été alertés, un peu vigoureusement parfois, par un collectif, sur le problème que posait ce texte pour les recours en matière de discriminations. Bien qu'à notre sens, cette proposition de loi ne mette pas en cause la jurisprudence de la Cour de cassation, il nous a paru utile, dans un but de clarification et pour couper court à toute polémique, d'ajouter cette précision quant au point de départ du délai de prescription, soit cinq ans à compter de la révélation de la discrimination, c'est-à-dire, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, du moment où la victime prend conscience de l'acte. Nous précisons en outre que les dommages et intérêts doivent réparer l'intégralité du préjudice.
L'amendement n°22 rectifié n'est pas soutenu.
M. le président. - Sous-amendement n°53 à l'amendement n°8 de M. Hyest, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. Dans le troisième alinéa de cet amendement, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trente
II. Procéder à la même substitution dans le septième alinéa de cet amendement.
Mme Annie David. - Je réaffirme solennellement notre opposition à toute mesure amoindrissant les droits et la protection des salariés. Ceux-ci craignent des représailles et hésitent à engager une procédure. La majorité sénatoriale a décidé en novembre dernier d'aggraver la situation car un délai de prescription de cinq ans rend de grands services aux employeurs : voilà une loi d'extinction des procédures à venir. L'amendement de MM. Hyest et Béteille ne répond pas pleinement aux interrogations des syndicats parce que ces affaires sont complexes et le rapport de domination de l'employeur sur le salarié brouille les pistes, d'où notre sous-amendement. Ne craignez-vous pas que la prescription de cinq ans ne se transforme en un simple délai à agir ?
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il a été répondu par avance au sous-amendement n°53 que l'amendement n°8 lève tout malentendu. Le Sénat ayant été accusé de porter atteinte aux droits des victimes de discriminations, il était légitime qu'il y soit répondu ici. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Cet amendement lève un malentendu sur la proposition de loi...
M. Jean-Jacques Hyest. - Sur l'interprétation qui en a été faite !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Je comprends bien votre objectif mais ce texte n'est pas le support le plus approprié. Il serait inopportun de préempter l'examen de la proposition par l'Assemblée nationale. De surcroît, l'amendement est limité aux seules relations de travail alors que la réparation du dommage est un principe universel. La précision laisserait entendre qu'il y aurait deux régimes de prescription selon le champ considéré alors qu'inclue dans le Code civil, elle vaudrait erga omnes. Je demande le retrait de l'amendement et suis défavorable au sous-amendement.
M. Laurent Béteille. - Je m'insurge contre les propos de Mme David qui a l'air d'insinuer que la mission d'information aurait pu imaginer de toucher à l'indemnisation des discriminations : nous nous sommes gardés d'y porter atteinte en quoi que ce soit et il ne faut pas nous accuser de ce genre de turpitudes.
Je comprends bien la position du Gouvernement mais il me semble préférable que la précision figure dans ce texte. Le code civil gardera sa lisibilité en fixant le principe général d'une prescription de cinq ans, les précisions étant apportées pour des domaines particuliers par les textes qui en traitent. Notre amendement peut être amélioré mais il vaut mieux l'adopter maintenant et laisser le principe général perdurer dans le code civil. Avec beaucoup de regret, je maintiens l'amendement.
Mme Bariza Khiari. - L'amendement de MM. Hyest et Béteille apporte une précision intéressante et, après avoir entendu les explications de M. Yung, je leur donne acte de leur bonne foi. Néanmoins, le délai de prescription commence à courir quand le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître des faits. Le point de départ est donc affaire d'appréciation et l'employeur risque de le contester, ce qui devient dangereux avec une prescription quinquennale. Nous préférons donc la prescription trentenaire. J'approuve le sous-amendement, une solution de compromis consistant à retirer le paragraphe I en fonction de l'évolution du débat à l'Assemblée nationale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je m'étais abstenue sur la proposition de loi en raison des délais de prescription et de la non prise en compte de l'amiante, j'aurais dû voter contre. On a en tout cas toutes raisons de soutenir notre sous-amendement au louable amendement de M. Hyest. La jurisprudence organisait en effet une exception à la prescription quinquennale sur les salaires : gardons cette exception car il peut y avoir des contestations sur le moment où les faits sont connus, ce qui rendrait l'amendement inutile. Or les salariés, qui ont conquis la prescription trentenaire devant les prud'hommes puis devant la Cour de cassation, m'ont fait remarquer que très souvent, c'est en fin de carrière ou de mandat syndical qu'ils se sentent en capacité de faire valoir leurs droits, ce qui donne à réfléchir sur les rapports dans l'entreprise... Comment traiter de la discrimination ce soir sans corriger cette erreur ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Je suis désolé de le dire, il ne s'agissait pas d'une erreur. Nous avions conscience de ce que nous faisions. Cette réduction des délais de prescription était volontaire et conforme à la tendance générale du droit européen. J'observe qu'il y a d'autres indemnisations après condamnation pénale.
Nous avons tenu compte exactement de la jurisprudence de la Cour de Cassation. Les cinq ans courent désormais à partir de la fin de la discrimination. De même, le délai concerne l'assignation : il est possible d'alimenter le dossier plus tard.
Plus on avance dans le temps, plus il est difficile de prouver les faits. L'avant-projet de réforme du code civil préconise trois ans ; nous avons préféré cinq ans, ce qui correspond au délai de prescription en matière salariale.
Si l'Assemblée nationale avait bien voulu examiner la proposition de loi votée à la quasi-unanimité par le Sénat, avec l'avis favorable du Gouvernement, le 21 novembre 2007, nous n'aurions pas eu besoin de déposer cet amendement ! Compte tenu du mauvais sort fait à ses travaux, le Sénat doit rétablir lui-même sa volonté.
Le sous-amendement n°53 n'est pas adopté.
L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code du travail est supprimé.
II. - En conséquence, le second alinéa de l'article L. 1142-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est supprimé.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Selon la Halde, le principe d'une liste exhaustive des emplois pour lesquels les discriminations fondées sur le sexe sont autorisées est inopérant car impossible à mettre en pratique. Nous proposons donc, comme le recommande la Délégation, de supprimer cette liste, d'autant que l'Assemblée nationale a prévu que les discriminations fondées sur le sexe sont interdites, sauf si elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif est légitime et l'exigence proportionnée.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le dernier alinéa de l'article L 123-1 limite le champ de la dérogation à certaines professions limitativement énumérées dans un décret. Sa suppression risquerait d'être analysée comme une régression, car il appartiendrait aux employeurs de décider quel emploi peut faire l'objet d'un recrutement exclusif d'hommes ou de femmes. Si une lacune apparaissait, le décret pourrait être révisé à la demande des partenaires sociaux. Avis défavorable.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cet amendement raisonnable aurait pourtant facilité les choses. Nous verrons à l'usage...
L'amendement n°5 est retiré.
L'article 5 est adopté.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 11 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques ressortissantes des États non membres de l'Union européenne sont inscrites à leur demande sur un tableau régional, sous les mêmes conditions de diplôme, certificat, titre d'architecte ou de qualification, de jouissance des droits civils et de moralité que les citoyens français, si elles sont titulaires du diplôme d'État français d'architecture et titulaires de l'habilitation d'architecte diplômé d'État à l'exercice de la maîtrise d'oeuvre en son nom propre délivré par l'État. »
Mme Bariza Khiari. - L'existence d'emplois « fermés » aux étrangers extracommunautaires, aux fondements historiquement datés, économiquement obsolètes et moralement condamnables donne une légitimité sociale à la discrimination illégale. Cet amendement autorise les étrangers extracommunautaires qui ont obtenu leur diplôme d'architecte en France à s'inscrire à l'Ordre des architectes. Aujourd'hui, ils doivent suivre une procédure dérogatoire complexe qui, sur une centaine de dossiers par an, n'a jamais conduit à un refus. Rien ne s'oppose donc à ce que la condition de nationalité du diplôme prévale sur la condition de citoyenneté. Cette inversion serait conforme aux valeurs méritocratiques et de justice sociale de la République. Voilà l'occasion de faire des économies...
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable. Les discriminations en raison de la nationalité sont expressément exclues du champ d'application de la directive. La question des professions réglementées ne peut être abordée à travers un cas particulier mais doit faire l'objet d'un traitement global.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
Article 6
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l'article L. 122-45, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;
2° Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne font pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;
3° Le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 est ainsi rédigé :
« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;
3° bis Après l'article L. 122-45-5, il est inséré un article L. 122-45-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-45-6. - Le texte des articles L. 122-45 à L. 122-45-5 et du présent article est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.
« Il en est de même pour les textes pris pour l'application desdits articles.
« Il en est de même pour le texte des articles 1er à 5 de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. » ;
3° ter Le premier alinéa de l'article L. 123-1 est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si ces mesures répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, nul ne peut : » ;
4° L'article L. 411-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-5. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 122-45. »
M. le président. - Amendement n°54, présenté par Mme Dini au nom de la commission.
Dans le second alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :
, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi,
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Nous allégeons la rédaction.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le second alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :
notamment par le souci de
par les mots :
visant à
Mme Jacqueline Alquier. - Cet alinéa énumère les « buts légitimes » qui justifient une différence de traitement fondée sur l'âge. Si ces objectifs vont bien dans le sens de l'intérêt des travailleurs, la mention « notamment » qui précède l'énumération permet d'en introduire d'autres. On peut ainsi imaginer des dispositions visant à obliger les travailleurs âgés à poursuivre leur activité professionnelle en contrat précaire, ou des mesures comme le Smic jeunes de M. Balladur ou le CPE !
La liste des buts légitimes doit donc être limitative afin que des objectifs nouveaux, contraires à l'intérêt des travailleurs, ne puissent y être introduits.
M. le président. - Amendement n°42, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Dans le second alinéa du 3° de cet article, après les mots :
notamment par
insérer les mots :
des objectifs de politique de l'emploi,
Mme Annie David. - Le Gouvernement supprime la référence aux objectifs des politiques de l'emploi, nous la rétablissons.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Retrait, sinon rejet de l'amendement n°24. Sagesse à l'amendement n°42.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le texte est plus précis que la directive : avis défavorable à l'amendement n°54. Même avis à l'amendement n°42, ainsi qu'à l'amendement n°24.
M. Nicolas About, président de la commission. - Je déposerai un jour un amendement interdisant l'emploi de l'adverbe « notamment » dans la loi. On établit une règle pour des motifs légitimes, puis on en cite quelques-uns au passage, juste après cet adverbe, en laissant le reste du travail aux juges, c'est parfaitement inepte.
L'amendement n°54 est adopté.
L'amendement n°24 devient sans objet, de même que l'amendement n°42.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les différences de traitement à raison de l'âge prises sur le fondement de la santé ou de la sécurité des travailleurs doivent être exercées sous le contrôle des services de la médecine du travail. »
Mme Annie David. - Cet article excuse par avance les discriminations des seniors à l'embauche : l'employeur pourra juger qu'il est dans l'intérêt même du candidat d'être écarté de l'emploi, en raison de l'âge. Le patronat ne nous a pas habitué à un tel souci pour la santé des travailleurs, lui qui n'a pas hésité à les faire travailler si longtemps au contact des pires polluants ou encore de l'amiante ! Qui jugera que la santé du candidat s'oppose à ce qu'il obtienne l'emploi ? L'employeur. Selon quels critères ? L'âge apparent ? Dans la loi de financement pour 2008, vous avez autorisé l'employeur à vérifier le bien-fondé de la maladie des salariés et à faire connaître son avis à la sécurité sociale, qui peut suspendre les indemnités journalières.
Le texte évoque un but « nécessaire et approprié », qui en décidera ? Quelle indépendance par rapport à l'entreprise ? Dans son avis de novembre 2007, la Halde a souhaité que la différence de traitement fondée sur l'âge soit placée sous la stricte réserve de proportionnalité et de nécessité. La sécurité des travailleurs est placée sous le contrôle de la médecine du travail : il est donc normal que ce soit celle-ci qui vérifie le caractère proportionnel et nécessaire de cette différence de traitement.
Le Gouvernement ne manque pas de beaux discours pour l'emploi des seniors, mais il supprime dans le même temps la contribution Delalande et il instaure une discrimination des intéressés à l'embauche. Nous proposons un contrôle par la médecine du travail.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Votre intention est légitime, mais ce contrôle risque d'accroître les contraintes à l'embauche des seniors : qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Le rôle de la médecine du travail est exclusivement préventif, elle oeuvre pour éviter toute altération de la santé du fait du travail.
Mme Annie David. - Certes, mais on accepte alors que l'employeur juge souverainement des capacités des candidats, en fonction de leur âge ! Vos discours contre les discriminations passent bien à la télévision ou à la tribune, mais pour les actes, il n'y a plus personne !
L'amendement n°41 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° bis de cet article pour l'article L. 122-45-6 du code du travail :
« Art. L. 122-45-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »
Mme Muguette Dini, rapporteur. - L'Assemblée nationale a prévu l'obligation d'afficher les cinq premiers articles de ce texte et les articles du code du travail s'y référant dans les lieux de travail, ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. Il nous paraît plus constructif d'y afficher plutôt la section « discriminations » du code pénal.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse.
Mme Jacqueline Alquier. - Nous voterons contre cet amendement.
Le code du travail dispose que nul ne peut être écarté ou sanctionné pour un motif discriminatoire. Ces motifs, comme dans le code pénal, sont énumérés, mais omettent, par exemple, les caractéristiques génétiques. Il faudrait pourtant en faire mention, on s'en apercevra mieux quand un prochain contentieux révèlera une mesure discriminatoire fondée sur celles-ci.
Le code dispose également qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève. C'est évident, mais l'information des salariés, trop souvent victimes de pressions -quand leur action n'est pas entravée par des caisses noires patronales- doit être précise sur ce point : les organisations syndicales représentatives au niveau national ou dans l'entreprise peuvent exercer toutes actions en justice en faveur d'une personne qui s'estime discriminée.
Il ne suffit pas que les droits existent, ni qu'ils soient affichés, encore faut-il que ceux qui sont protégés par la loi puissent faire vivre ces droits, soient matériellement à même de les faire reconnaître. II faut aussi que le salarié qui a le courage d'engager une action en justice pour faire reconnaître et sanctionner une discrimination sache qu'il ne peut être licencié pour cela et que la réintégration est de droit.
Le code du travail est plus explicite que le code pénal, c'est pourquoi nous préférons qu'il soit affiché.
L'amendement n°6 est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 7
Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :
1° Dans l'article L. 1132-1 et à la fin du premier alinéa de l'article L. 1134-1, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;
2° Les articles L. 1133-1, L. 1133-2 et L. 1133-3 deviennent respectivement les articles L. 1133-2, L. 1133-3 et L. 1133-4 ;
3° L'article L. 1133-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 1133-1. - L'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;
4° Le premier alinéa de l'article L. 1133-2, tel qu'il résulte du 2°, est ainsi rédigé :
« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;
4° bis Le premier alinéa de l'article L. 1142-2 est ainsi rédigé :
« Lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, les interdictions prévues à l'article L. 1142-1 ne sont pas applicables. » ;
4° ter L'article L. 1142-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-6. - Le texte des articles L. 1132-1 à L. 1144-3 est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.
« Il en est de même pour les textes pris pour l'application desdits articles.
« Il en est de même pour le texte des articles 1er à 5 de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. » ;
5° L'article L. 2141-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-1. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 1132-1. » ;
6° Dans le dernier alinéa de l'article L. 5213-6, la référence : « L. 1133-2 » est remplacée par la référence : « L. 1133-3 ».
M. le président. - Amendement n°55, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Dans le second alinéa du 4° de cet article, supprimer les mots :
, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi,
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il est défendu.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le second alinéa du 4° de cet article, remplacer les mots :
notamment par le souci de
par les mots :
visant à
Mme Jacqueline Alquier. - Il est défendu.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable.
L'amendement n°55 est adopté.
L'amendement n°25 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Rédiger comme suit le texte proposé par le 4° ter de cet article pour l'article L. 1142-6 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 :
« Art. L. 1142-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Amendement de coordination.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°7 est adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le mot : « distinction » est remplacé par le mot : « discrimination » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « indirecte » sont insérés les mots : « telle que définie à l'article premier de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations » ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations pour la lutte contre les discriminations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins, ou qui ont obtenu à leur demande une habilitation de la Haute autorité de lutte contre les discriminations pour cet objet, peuvent exercer en justice toutes actions dans les conditions prévues par le présent article, en faveur d'un candidat à un emploi dans la fonction publique ou d'un fonctionnaire, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment. »
Mme Jacqueline Alquier. - Les deux premiers paragraphes de cet amendement sont d'ordre rédactionnel et de coordination. Le troisième paragraphe répond aux préconisations suivantes de l'article 9 de la directive 2000/78/CE. Les agents de la fonction publique victimes de discrimination ne peuvent recevoir l'assistance juridique d'une association en cas de conflit devant la justice administrative, ce qui contrevient à la directive ; l'amendement répare cette omission.
M. le président. - Amendement n°43, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de la présente loi, dans les conditions prévues par celle-ci, en faveur d'un candidat à un emploi dans la fonction publique ou d'un fonctionnaire, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment. »
Mme Annie David. - Les associations que nous avons rencontrées ont attiré notre attention sur l'absence de transposition, en droit interne, d'une mesure importante : la capacité à représenter devant les juridictions, leurs membres qui s'estiment victimes d'une discrimination.
Vous ne respectez pas l'article 9 de la directive 2000/78/CE ; notre amendement garantit aux fonctionnaires et aux agents publics non titulaires la même protection qu'aux salariés de droit privé, c'est-à-dire la représentation et l'assistance par les associations. Cette mesure de cohérence avec le droit existant dans le code du travail et dans la directive européenne n'est que de pure égalité et rien ne justifierait un refus de votre part.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Votre souci est légitime et correspond aux dispositions des directives communautaires. Cependant, l'amendement n°26 introduit également des modifications rédactionnelles qui changent le sens de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983. C'est pourquoi nous donnons à cet amendement un avis défavorable. Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat pour l'amendement n°43.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Avis défavorable aux deux amendements.
L'amendement n°26 n'est pas adopté.
Mme Annie David. - Nous voulons tous, ici, transposer la directive. Or Mme Morano donne un avis défavorable à l'amendement n°43, sans aucune explication ! Elle aurait pu nous dire, comme à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement s'engageait à prendre rapidement un décret. J'aurais alors retiré cet amendement. Il faut permettre aux fonctionnaires de se défendre !
L'amendement n°43 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article sept, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le harcèlement contraire aux principes énoncés au deuxième alinéa, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraires aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »
II. - Après le troisième alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le harcèlement contraire aux principes énoncés au premier alinéa, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraires aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »
III. - L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le harcèlement contraire aux principes énoncés aux deux premiers alinéas, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraires aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »
Mme Jacqueline Alquier. - L'assimilation du harcèlement et de l'injonction à une discrimination ne peut être réglée que par une codification exhaustive. Or, si la loi du 13 juillet 1983 fait effectivement mention du harcèlement et de l'injonction, l'assimilation à une discrimination n'est pas explicitée. Cet amendement préserve un équilibre entre l'introduction dans le code pénal par le projet de loi de dispositions limitant le principe de non discrimination, et l'introduction dans ces trois autres textes de dispositions explicitant le harcèlement et l'injonction de discriminer.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Les dispositions du projet de loi sont déjà immédiatement applicables et de portée générale. Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Cet amendement élargit l'incrimination de harcèlement telle que définie par le code pénal et le code du travail. Or les directives à transposer ne régissent que la matière civile. S'agissant de la loi du 13 juillet 1983, rappelons que les dispositions du projet de loi ont un caractère général et s'appliqueront donc à l'ensemble des matières visées et pour les motifs de discrimination énumérés, qu'il s'agisse de personnes publiques ou privées. Codifier les dispositions du projet de loi ne créera aucun droit supplémentaire au profit des fonctionnaires. En outre, une telle démarche laisserait penser que les matières pour lesquelles aucun renvoi explicite à la loi n'a été fait échappent aux nouvelles dispositions. Le Gouvernement souhaite au contraire l'application homogène de l'ensemble du dispositif anti-discrimination. Il a fait le choix d'une transposition au moyen d'une disposition transversale, plutôt que la modification de l'ensemble des textes potentiellement impactés.
S'agissant de la loi du 13 juillet 1983, la consultation des syndicats de fonctionnaires et d'agents publics apparaît nécessaire avant toute modification touchant des dispositions aussi sensibles que celles concernant les discriminations. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa de l'article premier de la loi n° du et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, et le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 de la même loi, sont considérés comme des discriminations. »
Amendement n°45 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa de l'article premier de la loi n° du et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, et le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 de la même loi, sont considérés comme des discriminations. »
Mme Annie David. - Ces amendements témoignent de notre attitude constructive, qui n'est pas toujours payée de retour !
Je regrette que le projet de loi se cantonne à une transposition sans saveur et sans ambition, surtout par rapport aux textes existants en la matière ! Cette critique, le Gouvernement devra l'assumer devant celles et ceux qui combattent les discriminations. Pour notre part, nous déposons des amendements qui tendent à rendre ce texte, si imparfait soit-il, utile aux syndicats, aux associations et aux personnes qui s'estiment victimes d'actes discriminatoires. Ces deux amendements visent à une unification du droit afin d'offrir aux victimes une seule référence juridique. Leur adoption simplifierait considérablement les démarches juridiques. Sinon, le juge pénal pourrait fonder sa décision au choix sur l'article L225-1 du code pénal, sur ce projet de loi, voire sur les directives elles-mêmes. Il en irait de même pour les tribunaux prud'homaux. Nous aboutirions à des situations grotesques ou, pour des faits identiques, coexisteraient trois sources législatives de référence. Cette critique se trouve d'ailleurs également dans le rapport de Mme Dini, dans celui de la Délégation aux droits des femmes et dans la délibération de la Halde sur l'avant-projet que vous lui avez soumis.
Une disposition qui fait l'unanimité contre elle mérite qu'on lui apporte correction ! C'est ce que proposent nos amendements.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Le projet de loi est directement applicable. Par ailleurs, il faudrait améliorer la rédaction avant de songer à codifier.
Avis défavorable aux amendements n°s27, 44 rectifié et 45 rectifié.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°27 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s44 rectifié et 45 rectifié.
Les amendements n°s34 rectifié et 33 rectifié deviennent sans objet.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le huitième alinéa de l'article L. 132-27 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises visées au premier alinéa, l'employeur est tenu d'engager chaque année une négociation sur les objectifs en matière de lutte contre les discriminations telles que définies à l'article L. 122-45 du présent code. Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle. A défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, la négociation s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative dans le délai fixé à l'article L. 132-28. La demande de négociation est transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations syndicales représentatives. Lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans. »
II. - Après le sixième alinéa de l'article L. 132-12 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les organisations visées au premier alinéa se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les objectifs en matière de lutte conter les discriminations telles que définies à l'article L. 122-45 du présent code. Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle. »
Mme Jacqueline Alquier. - L'article 13 de la directive impose aux États membres de favoriser le dialogue des partenaires sociaux afin de promouvoir l'égalité de traitement. Il peut s'agir de conventions collectives, de codes de bonne conduite, de recherches de bonnes pratiques, voire de surveillance des pratiques sur le lieu de travail, ce qui peut d'ailleurs soulever des objections juridiques. La directive incite à conclure des accords de non-discrimination.
L'accord national interprofessionnel de 2006 va en ce sens, mais la Halde et l'Organisation internationale du travail (OIT) constatent que les résultats sont très insuffisants. Nous proposons donc de reprendre une recommandation de la Halde : en l'absence d'une négociation annuelle conduite à l'initiative de l'employeur, la demande formulée par une organisation représentative suffit pour engager la discussion.
La prise de conscience par le dialogue social limiterait les contentieux et le mal-être au travail.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ce domaine relève de la négociation collective. Un accord national interprofessionnel serait bien plus approprié. Avis défavorable.
L'amendement n°28, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°48 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 132-27-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Au regard du bilan effectué en application des alinéas précédents, une contribution assise sur les salaires sera appliquée aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'engagement des négociations prévues au présent article.
« Les modalités en seront fixées par décret. »
Mme Annie David. - Nous abordons l'égalité salariale entre hommes et femmes, une question qui me tient particulièrement à coeur puisqu'elle porte sur le respect de la personne. « A travail égal, salaire égal » : chacun connaît la chanson, surtout pour sa non réalisation.
Bien qu'elles stimulent particulièrement l'économie mondiale, les femmes en profitent le moins. Le rapport du Conseil économique et social confirme qu'en France, 33 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 7,7 % des hommes. En Europe, l'écart salarial atteint 15 %, contre 12 % en France dans la catégorie des non-cadres. Bien que la fonction publique soit moins concernée, un écart persiste. S'ajoute une évolution des carrières très inférieures à celles de leurs collègues masculins.
L'obligation d'une réunion annuelle n'a guère de portée pratique : après avoir constaté les faits, les partenaires se séparent pour un an...
Nous proposons que des sanctions soient appliquées à ceux qui n'engagent pas de négociations. Ce cas est très fréquent, précisément faute de sanctions.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Des négociations se déroulent entre le Gouvernement et les partenaires sociaux quant à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Il ne faut pas donner l'impression d'anticiper.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le 28 novembre, lors de la conférence sur l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, M. Xavier Bertrand a annoncé que des sanctions financières s'appliqueraient en absence de plan de résorption des écarts salariaux. Un projet de loi en son sens entrera en vigueur le 1er janvier 2010, un an avant l'échéance fixée à l'article L. 132-27 du code du travail.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Mme Annie David. - Dans ces conditions, je retire l'amendement, mais je le déposerai à nouveau si le texte annoncé par M. Xavier Bertrand ne nous était pas soumis.
L'amendement n°48 est retiré.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 432-4-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A défaut d'accord collectif de branche ou d'entreprise organisant un dialogue et des échanges sur la diversité, l'égalité des chances et de traitement, le chef d'entreprise présente au comité d'entreprise, une fois par an, à l'occasion de l'une des réunions consacrées à son information sur la situation de l'emploi, les éléments permettant de faire le point sur cette matière. »
Mme Jacqueline Alquier. - Nous proposons d'inscrire dans la loi une disposition de l'accord national interprofessionnel du 12 octobre 2006 relatif à la diversité des entreprises.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Pourquoi pas... Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Il est défavorable.
L'accord national interprofessionnel du 12 octobre 2006 vient d'être étendu par arrêté du 22 février. Ainsi, les comités d'entreprise siègent une fois par an comme « comités élargis de la diversité ». Laissons les partenaires sociaux expérimenter le dialogue sur ce sujet. Une commission paritaire de suivi doit établir un bilan après deux ans. Le Gouvernement accordera une importance particulière à ce travail.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
Article 9
I. - Après l'article L. 112-1 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 112-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-1-1. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.
« L'alinéa précédent ne fait pas obstacle à l'attribution aux femmes de prestations liées à la grossesse et à la maternité. »
II. - Après l'article L. 931-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 931-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 931-3-2. - Aucune différence en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.
« L'alinéa précédent ne fait pas obstacle à l'attribution aux femmes de prestations liées à la grossesse et à la maternité. »
M. le président. - Amendement n°51, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe UC-UDF.
Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 112-1-1 du code de la mutualité :
« Art. L. 112-1-1. - I. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.
« Les frais liés à la grossesse et à la maternité n'entraînent pas un traitement moins favorable des femmes en matière de cotisations et de prestations.
« Par dérogation au premier alinéa, le ministre chargé de la mutualité peut autoriser par arrêté des différences de cotisations et de prestations fondées sur la prise en compte du sexe et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation du risque d'assurance.
« Les mutuelles et les unions exerçant une activité d'assurance ne sont pas soumises aux dispositions de l'alinéa précédent pour les opérations individuelles et collectives à adhésion facultative relative au remboursement ou à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
« II. - Un arrêté du ministre chargé de la mutualité fixe les conditions dans lesquelles les données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées par les organismes professionnels mentionnés à l'article L. 223-10-1 et les conditions dans lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement mises à jour sont publiées dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté mentionné au troisième alinéa du I.
« Par dérogation, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s'agissant des risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de la mutualité ou de tables établies ou non par sexe par la mutuelle ou l'union et certifiées par un actuaire indépendant de celle-ci, agréé à cet effet par l'une des associations d'actuaires reconnues par l'Autorité de contrôle instituée à l'article L. 510-1.
« III. - Le présent article s'applique aux contrats d'assurance autres que ceux conclus dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.
« IV. - Le présent article est applicable aux adhésions individuelles et aux adhésions à des contrats d'assurance de groupe souscrites à compter de sa date d'entrée en vigueur. Par dérogation, il s'applique aux stocks de contrats de rentes viagères, y compris celles revêtant un caractère temporaire, en cours à sa date d'entrée en vigueur. »
M. Yves Détraigne. - Aujourd'hui, seules les assurances bénéficient de dérogations au principe de non discrimination tarifaire entre hommes et femmes, s'agissant de certaines catégories de contrats, notamment d'assurance-vie. À l'inverse, le code de la mutualité ne comporte pas ces dispositions.
Nous proposons donc d'étendre aux mutuelles la dérogation inscrite dans le code des assurances, tout en excluant la santé.
Je rappelle que la directive 2004 du 13 décembre 2004 autorise des « différences proportionnelles en matière de prime et de prestations pour les assurés, lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évolution des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises ».
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette disposition éliminerait une distorsion de concurrence dont bénéficient les assurances au détriment des mutuelles. La commission est favorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée.
Mme Bariza Khiari. - A l'article 2, nous nous sommes interrogés sur la question de la non discrimination devant les contrats d'assurance. La disposition en question a été adoptée sans débat dans le cadre d'une loi de transposition, l'an dernier. La Halde l'a jugée discriminatoire. Il existe une interprétation selon laquelle le code des assurances s'applique à toutes les assurances, donc aux mutuelles aussi. Je m'étonne que la discrimination entre sexes ne fasse pas l'objet de davantage de débats au Parlement. La Halde précise que le principe général de l'égalité figure dans les principes de la mutualité ; elle refuse donc la discrimination en fonction du sexe.
L'amendement n°51 est adopté.
L'article 9 est adopté, ainsi que l'article 10.
Articles additionnels
M. le Président. - Amendement n°46, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Après le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait d'entraver l'action de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité :
« 1° Soit en s'opposant à l'exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application du premier alinéa de l'article 19,
« 2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents habilités en application des articles 5 et 6 les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements en les faisant disparaître. »
Mme Annie David. - Le Gouvernement dit vouloir faire de la lutte contre la discrimination l'une de ses priorités. Nous pourrions nous en féliciter. Mais je prends cette déclaration avec prudence puisque les débats que nous avons menés jusqu'à maintenant tendent à me faire croire l'inverse. Où est passé votre ardent désir d'en finir avec les discriminations ? Où est passé votre acharnement à vouloir offrir aux victimes des outils efficaces et pertinents ? Vous avez dit prévoir d'autres textes de lois pour venir compléter celui-ci. N'est-ce pas reconnaître à demi-mot son insuffisance ?
Cet amendement crée un délit d'entrave à l'action de la Halde, comme il en existe un pour la Cnil. Il s'agit de sanctionner d'une amende celles et ceux qui s'opposent à l'exercice des missions de la Halde, ou qui refusent de lui communiquer les éléments nécessaires à la bonne réalisation de ses missions.
Le collège de la Haute autorité a d'ailleurs souligné l'absolue nécessité pour la crédibilité de l'institution et l'efficacité de son action d'instituer une infraction d'entrave à l'activité de la Haute Autorité.
Je regrette à nouveau la censure exercée par la commission des finances sur certains de nos amendements : elle nous a ainsi empêchés de présenter l'amendement tendant à créer des délégations régionales.
M. le président. - Ce sont les rigueurs de l'article 40...
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cet amendement est intéressant mais il n'a pas sa place dans un texte de transposition. Sagesse.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable.
L'amendement n°46 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis par le Gouvernement sur le Bureau du Sénat avant le 1er décembre 2008 portant sur le droit de vote des résidents extra communautaires aux élections locales.
Mme Annie David. - Cet amendement pose une question essentielle pour notre démocratie : le droit pour les résidents extracommunautaires de s'exprimer lors des scrutins locaux. L'instaurer permettrait de réparer une discrimination. Dès 1992, nous soulignions la grande injustice qui consistait à accorder le droit de vote et d'éligibilité à un ressortissant de l'Union européenne récemment établi sur notre sol, et à le refuser à un salarié africain résidant en France depuis trente ans. Cette discrimination est d'autant plus difficile à admettre que les résidents étrangers établis ont des devoirs, mais leurs droits s'arrêtent à la porte des bureaux de vote. Nicolas Sarkozy s'est déclaré favorable à leur droit de vote. Un sondage atteste que 63 % des Français le sont aussi. Ne reste-t-il plus qu'une seule catégorie de personnes à s'y opposer, les parlementaires UMP ?
Notre amendement n'est pas issu des directives à transposer, c'est vrai ; pour autant, vous pouvez faire mieux que la directive, vous le savez bien ! Là, pour le coup, ce serait vraiment mieux !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - C'est vraiment complètement étranger à ce texte ! Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°49 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l'homophobie et de manière générale, sur toutes les formes de discrimination, est dispensé dès l'école primaire par l'éducation nationale.
II. - En second cycle, cet enseignement devient un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique.
Mme Annie David. - Cet amendement est en radicale opposition avec l'alinéa 11 de l'article 2, qui prévoyait la possibilité d'organiser des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe. Il traduit notre volonté de ne pas laisser à la Haute autorité, aux médias, ou aux publicitaires le monopole de l'information et de la sensibilisation au combat permanent pour la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes.
L'éducation nationale doit être un acteur primordial de la lutte contre les discriminations, car c'est dès le plus jeune âge que les enfants doivent être sensibilisés au respect entre les personnes. C'est pourquoi il conviendrait de dispenser un enseignement à l'école primaire d'abord, sur ces questions de xénophobie, d'antisémitisme, d'homophobie et, de manière générale, sur toutes les discriminations, puis au second cycle, d'en faire un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique.
Cette proposition est, je vous le concède, à contre-courant de la proposition de M. Sarkozy de faire parrainer un enfant déporté par un élève de primaire. En effet, pour moi, il ne s'agit pas de segmenter une part de l'histoire de France et du monde. Tout au contraire, il s'agit d'inscrire toutes les formes de racisme dans un contexte social et de faire répondre collectivement les élèves, à hauteur de leur niveau de connaissance, à cet enjeu de société. Les enseignants doivent aussi pouvoir répondre, grâce à cet enseignement, à toutes les interrogations sur ces sujets. Ils seront ainsi, par la suite, aptes à les appréhender, mais aussi à mesurer les conséquences de ces phénomènes de rejet, ce qui leur permettra de mieux les combattre.
La Délégation au droit des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes, dans son rapport sur les médias, préconisait également de prévoir au sein des programmes de l'éducation nationale, une sensibilisation sur ces thèmes ; je vais un peu plus loin, c'est vrai, comme il est vrai que cela ne fait pas partie des directives à transposer... Il n'empêche que j'attache beaucoup d'importance à cet amendement, que j'ai d'ailleurs déposé sous différentes formes et à l'occasion de différents textes. On m'a toujours répondu que c'était très bien mais que cela n'entrait pas dans le cadre du projet de loi en discussion. Je crains fort que vous ne me fassiez encore la même réponse ce soir.
M. Jean Bizet. - Abrégez donc !
Mme Annie David. - Quelle élégance ! Quel respect pour notre travail, venant d'un groupe qui se prétend respectueux de la valeur travail ! Bravo ! Je prône l'apprentissage du respect aux enfants ; visiblement, un tel enseignement vous a fait défaut !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ma réponse ne vous surprendra pas : la question devra être débattue lors d'un autre projet de loi, portant par exemple sur le contenu des programmes scolaires. Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même position.
L'amendement n°50 n'est pas adopté.
L'article11 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Bariza Khiari. - L'épisode sur la place de la mixité à l'école est très choquant.
Je m'interroge : d'où vient cette dérogation si elle n'est pas d'origine européenne ? Contrairement à ce qu'a prétendu le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, la dérogation concernant la séparation filles-garçons n'apparaît pas dans la directive 2004-113. Alors pourquoi le Gouvernement a-t-il ajouté cette possibilité ? Les arguments de la commission et de la ministre ne nous ont pas convaincus. Le silence de la Délégation aux droits des femmes nous perturbe. Cette disposition marque une régression ; elle résulte manifestement d'un choix politique du Gouvernement qui veut prendre en compte les particularismes religieux dans le service public, dans la droite ligne du projet de reconfessionnalisation de la société tracé par le Président de la République.
Les avancées de ce texte sont ambivalentes : d'un côté il généralise l'aménagement de la charge de la preuve, de l'autre il instaure des protections différenciées selon les discriminations.
Le groupe socialiste déplore la forme de ce projet de loi : les définitions ne sont pas codifiées, nos textes perdent en lisibilité et donc, en accessibilité ; et sur le fond, ce texte aboutit à dédoubler des définitions, et porte en germe des dérives communautaristes De plus, il porte atteinte au principe de l'égalité de traitement en érigeant des catégories de personnes détentrices de droits spécifiques.
Enfin, les conditions de travail sur ce texte -comme sur tant d'autres !- ne nous ont pas permis de mesurer toutes les conséquences de la généralisation de la notion de discrimination dans notre droit. Nous n'avons pas encore clairement distingué la discrimination de l'inégalité de traitement, ce que le rapport de Mme Dini a souligné avec pertinence.
Nous avons présenté des amendements qui auraient permis des progrès dans la lutte pour l'égalité. Ils n'ont pas recueilli votre assentiment.
Du fait de quelques avancées, notamment la généralisation de l'aménagement de la charge de la preuve, nous éviterons de voter contre ce texte ; nous nous abstiendrons et nous le regrettons.
Je remercie Mme Dini pour sa courtoisie tout au long des débats.
Mme Annie David. - Ce projet de loi ne sera pas, je le crains, à la hauteur des attentes et des enjeux. Nous aurions aimé voter une loi ambitieuse, claire et utile à ceux qui sont susceptibles de l'invoquer devant nos juridictions. A ce sujet, je suis d'accord avec Mme Gauthier lorsqu'elle évoque la nécessaire remise à plat de nos législations, afin d'offrir une plus grande stabilité juridique à nos concitoyens, avec une définition unique, dans nos différents codes : code du travail, code civil et code pénal. Notre groupe a déposé des amendements en ce sens, visant à codifier ces dispositions. Vous les avez malheureusement écartés, nous condamnant à en débattre ultérieurement. Vous ignorez ainsi une des leçons de cette morale que vous voulez remettre en vigueur dans notre enseignement et d'après laquelle il ne faut jamais remettre au lendemain ce qu'on peut faire le jour même.
Monsieur Hyest a dit, ne pas comprendre pourquoi la Commission avait condamnée la France. Si la France a été condamnée, c'est que les objectifs visés par la directive n'ont pas été atteints. ll manquait par exemple l'assimilation du harcèlement à de la discrimination, et l'assimilation de l'injonction de discriminer à une discrimination. Et je crains fort que la transposition actuelle ne soit toujours pas suffisante : vous avez refusé les amendements intégrant dans notre droit interne les deux définitions de harcèlement préférant en faire une définition unique. Dans la définition du harcèlement, le recours au verbe « subir » en lieu et place de « survenir » n'est pas satisfaisant. Si le verbe « subir » est adéquat pour la discrimination sexuelle, il ne permet pas de traduire le harcèlement sexiste, qui est plus le fait d'une ambiance que d'une personne. Le verbe « survenir » aurait été préférable. Le recours à deux définitions par les directives dont l'une utilise le verbe « subir » et l'autre le verbe « survenir » était donc plus adéquat que la fusion que vous avez opérée.
Je regrette aussi que vous ayez persisté à recourir au mot « race » qu'aucun argument politique ni scientifique ne justifie. Et quand bien même, notre droit doit dire des vérités que la science ne dit pas.
Enfin, je regrette encore que ce projet de loi poursuive dans la triste et dangereuse hiérarchisation qui n'aura pour effet que d'amoindrir le niveau de protection de nos concitoyens, en différenciant leurs droits. Et je ne parle même pas des discriminations que vous avez préféré balayer d'un geste de la main. Cette hiérarchisation créera davantage d'instabilité et d'iniquité dans les décisions, quand justement l'objectif des directives était d'offrir un outil utile. Notre devoir de parlementaire est de légiférer en pensant d'abord à ceux à qui la loi pourrait servir. Il ne s'agit donc pas de faire une loi pour éviter à la France d'être condamnée dans un recours contre elle devant la CJCE, mais pour que cette loi protège les faibles contre les forts et l'intérêt collectif contre les intérêts privés.
Et ce qui paraissait au début comme de la précipitation dans la rédaction, témoigne en fait d'une volonté politique réelle. La Halde à été saisie pour avis en novembre 2007, et vous avez ignoré certaines de ses recommandations, qui restent toujours lettre morte. Mon groupe a déposé des amendements visant à renforcer cette Haute autorité ; vous ne les avez pas retenus. Il ne s'agit donc pas de précipitation, mais d'une réelle volonté politique. Vous voulez vider les directives de certaines dispositions. Non que vous ne vouliez pas lutter contre les discriminations, mais votre conception des discriminations n'est visiblement pas la nôtre. Je pense au refus de prendre en compte l'état de santé et les handicaps, pour ne pas remettre en cause certaines pratiques, particulièrement dans l'accès aux services bancaires et assurantiels. Je pense encore avec colère à votre conception de l'école qui ne doit pas, selon vous, former à la mixité et apprendre à vivre ensemble. Je crois également que les employeurs se réjouiront de cette transposition a minima, qui ajoute des définitions à des définitions, sans cohésion et sans instruments coercitifs supplémentaires : je pense par exemple au renforcement des missions de la Halde, à la création d'un délit d'entrave. Je regrette d'ailleurs que l'un de nos amendements visant à instaurer une délégation de la Halde dans chaque région ait été rejeté sur le fondement de l'article 40. Il s'agissait pourtant là d'une proposition de bon sens, visant à satisfaire les promesses du gouvernement précédent qui s'était, par la voix de Mme Nelly Olin, engagé à créer 26 délégations régionales. Nous les attendons toujours.
Mon groupe m'a mandatée pour un vote d'abstention mais, personnellement, je serais presque tentée de voter contre ce texte.
M. Nicolas About, président de la commission. - Je remercie les présidents de séance, la ministre qui présentait son premier texte au Sénat, ainsi que Mme Dini dont c'était aussi le premier rapport : nous aurons plaisir à renouveler l'expérience. Merci aux collègues qui sont restés jusqu'au bout...
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 10 avril 2008 à 10 h 30.
La séance est levée à 1 h 25.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 10 avril 2008
Séance publique
A DIX HEURES TRENTE
Discussion de la proposition de loi (n° 197, 2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés.
Rapport (n° 256, 2007-2008) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
A 15 HEURES
Questions d'actualité au Gouvernement.
Délai limite d'inscription des auteurs de questions
Jeudi 10 avril 2008, à 11 heures
Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
_____________________________
DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense (n° 324, 2006-2007).
- M. François Zocchetto un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines (n° 171, 2007-2008).
- M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la sécurité sociale (n° 143, 2007-2008).
- M. Adrien Gouteyron un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la gestion des carrières des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes.
- MM. Dominique Leclerc, André Lardeux et Mme Catherine Procaccia une proposition de loi visant à sécuriser les opérations d'adossement de régimes de retraite spéciaux au régime général.
- M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux organismes génétiquement modifiés.
- M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.