Organismes génétiquement modifiés (Urgence - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.
Rappel au Règlement
M. Gérard Le Cam. - Je regrette que le débat sur ce texte soit tronçonné.
Mais surtout, je souhaite savoir si l'urgence est ou non déclarée, car les informations sur ce point paraissent contradictoires.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - À ma connaissance, il n'y a pas d'urgence.
M. Jean Bizet, rapporteur. - En fait, l'urgence ne peut être levée, mais le Gouvernement s'est engagé à ne pas l'appliquer.
M. le président. - M. le président du Sénat avait reçu le 19 décembre un courrier de M. le Premier ministre précisant qu'en application de l'article 45, alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement avait déclaré l'urgence sur ce projet de loi.
Nous sommes heureux d'apprendre que ce n'est plus d'actualité.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Mea culpa, le Gouvernement a changé d'avis. Je confirme que la procédure d'urgence ne sera pas appliquée.
M. le président. - Le Sénat est donc pleinement rassuré. Nous pouvons reprendre la discussion.
Discussion des articles (Suite)
Article 3 (Suite)
M. le président. - Amendement n°227 rectifié bis, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF.
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces distances, fixées par nature de culture, par le ministre chargé de l'agriculture définissent les périmètres au sein desquels ne sont pas pratiquées les cultures d'organismes génétiquement modifiés.
« Elles doivent permettre que la dissémination entre les cultures soit inférieure au seuil défini par la règlementation communautaire.
« Ces distances peuvent être révisées tous les deux ans sur la base de travaux scientifiques.
M. Daniel Soulage. - J'ai accepté la rectification proposée tout à l'heure par le Gouvernement. Ainsi, la disposition devient compatible avec le droit communautaire, sans rien changer sur le fond.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La commission est donc favorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Le Gouvernement aussi. Un amendement qui portera sur l'ensemble des précisions techniques vous proposera par la suite que la fixation des distances soit opérée conjointement par le ministre de l'agriculture et celui de l'environnement.
M. le président. - Je mets aux voix l'amendement n°227 rectifié bis.
Mme Marie-Christine Blandin. - On aurait pu rêver mieux, mais il y a quand même une avancée.
La révision biennale est fondée, puisque les conditions climatiques et les vents changent.
Toutefois, la rédaction du premier alinéa n'est pas limpide, car elle pourrait suggérer que le périmètre de protection autour d'une culture d'OGM s'applique au champ de l'agriculteur biologique voisin ! Je souhaite dire clairement que le périmètre de sauvegarde empiète exclusivement sur le terrain des agriculteurs cultivant des organismes génétiquement modifiés.
M. Jean-Marc Pastor. - Nous voterons l'amendement, bien que la seule distance ne soit pas un critère suffisant : il faut aussi prendre en compte le vent dominant.
Nous sommes rassurés par la perspective d'une décision conjointe des ministres de l'agriculture et de l'environnement. Nous proposerons que cette procédure soit élargie à l'ensemble des organismes et plants génétiquement modifiés.
L'amendement n° 227 rectifié bis est adopté.
M. Daniel Soulage. - Ce dispositif devrait permettre de rétablir la confiance.
M. le président. - Amendement n°78, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural :
« Ces conditions techniques sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement, après consultation de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés et conformément aux dispositions communautaires en vigueur.
M. Gérard Le Cam. - Les cultures d'OGM ayant reçu l'autorisation de mise sur le marché doivent respecter certaines conditions techniques afin d'éviter une dissémination accidentelle. La rédaction de l'article dispose que ces conditions sont fixées par l'autorité administrative, alors que le texte précédant mentionnait explicitement un arrêté du ministre de l'agriculture, après avis du ministre de l'environnement.
Nous estimons nécessaire de consulter la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. L'amendement du rapporteur va dans le bon sens, mais il se borne à requérir l'avis du comité scientifique.
M. le président. - Amendement n°112, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, remplacer les mots :
l'autorité administrative, selon des modalités définies par décret
par les mots :
arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement après consultation de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, des représentants des professions susceptibles de subir des préjudices liées à la contamination génétique, notamment l'apiculture, l'agriculture biologique et plus largement l'agriculture porteuse de signes de qualité, et conformément aux dispositions communautaires en vigueur
M. Jacques Muller. - C'est la même idée.
J'ai déjà souligné que la détermination des périmètres était extrêmement complexe. Il faut donc recueillir l'avis de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés. Je rappelle que les professions agricoles y sont représentées.
M. le président. - Amendement n°195 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après les mots :
fixées par
rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural :
arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement après consultation du Haut conseil des biotechnologies.
M. Jean-Marc Pastor. - Comme il a déjà été dit, un arrêté conjoint des deux ministres concernés doit intervenir, après consultation du Haut conseil des biotechnologies.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Dans le second alinéa du texte prévu par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, remplacer les mots :
l'autorité administrative, selon des modalités définies par décret
par les mots :
arrêté du ministre chargé de l'agriculture, pris après avis du comité scientifique du Haut conseil institué à l'article L. 531-3 du code de l'environnement
M. Jean Bizet, rapporteur. - Ainsi, les prescriptions techniques seraient déterminées par le ministre de l'agriculture -comme il avait été prévu en 2006- mais après consultation du Haut conseil.
M. le président. - Sous-amendement n°225 à l'amendement n° 19 de M. Bizet, au nom de la commission, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après les mots :
de l'agriculture
rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n° 19 :
et du ministre chargé de l'environnement pris après avis du comité scientifique du Haut conseil institué à l'article L. 531-3 du code de l'environnement et consultation des collectivités territoriales concernées.
M. Jean-Marc Pastor. - Nous voulons améliorer encore l'excellent amendement présenté par M. Bizet.
M. le président. - Sous-amendement n°240 à l'amendement n°19 de M. Bizet au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.
Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 19 par les mots :
et du ministre chargé de l'environnement
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Il nous importe de participer à la décision.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°78, contraire à celui de la commission et qui sera en partie satisfait par le sous-amendement n°240. L'amendement n°112 serait redondant. Avis défavorable à l'amendement n°195 rectifié ainsi qu'au sous-amendement n°225 auquel la commission préfère le sous-amendement n°240 du Gouvernement.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Les amendements n°s112 et 195 rectifié seraient difficiles à appliquer. S'agissant des amendements n°s78, 19 et 195 rectifié ainsi que du sous-amendement n°225, nous souhaitons être associés à la décision mais la commission donnant la préférence au sous-amendement n°24, je ne peux que m'en remettre à la sagesse sur le sous-amendement n°225.
L'amendement n°78 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s112 et 195 rectifié.
Le sous-amendement n°225 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°240 est adopté, ainsi que l'amendement n°19, sous-amendé.
M. le président. - Amendement n°113, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, le Comité de biovigilance évalue les conditions techniques en matière de séparation de la filière de produits agricoles d'organismes génétiquement modifiés des autres filières, et propose le cas échéant des mesures correctives en vue de limiter les risques de présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits.
M. Jacques Muller. - M. Borloo observait dans la nuit de mardi à mercredi que ce qui avait été décidé il y a des lustres devait être revu maintenant. Qu'en sera-t-il de ce que nous votons aujourd'hui ? La contamination génétique est irréversible et cumulative, ce qui obligera à adapter le cadre règlementaire.
M. le président. - Amendement n°196, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, le comité de biovigilance évalue les conditions techniques en matière de séparation totale de la filière des organismes génétiquement modifiés, et propose le cas échéant des mesures correctives pour limiter les risques de présences accidentelles d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits.
M. Roland Courteau. - Nous voulons garantir la protection du droit à produire et consommer sans OGM.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements n°s113 et 196, redondants avec l'article 251-1 du code rural. Je vous redis notre attachement au comité de biovigilance.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Nous partageons votre objectif mais les amendements sont superfétatoires.
M. Jean-Marc Pastor. - Ces amendements rejoignent celui de M. Soulage parce qu'ils servent la transparence en précisant les règles de fonctionnement du comité de biovigilance. Pourquoi ? Parce que le problème avec les OGM est que les Français considèrent que les scientifiques vivent dans une bulle : nous voulons donc qu'ils en sortent.
Les amendements n°s113 et 196 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°55 rectifié, présenté par M. Amoudry et les membres du groupe UC-UDF et M. Laffitte.
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-8 du code rural, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - A l'intérieur du périmètre des productions bénéficiant d'un signe de qualité appellation d'origine contrôlée (AOC) ou d'une indication géographique protégée (IGP) et ayant interdit dans leur cahier des charges l'utilisation d'intrants génétiquement modifiés, l'autorité administrative compétente doit avant mise en place sur sa zone de production de cultures « OGM » consulter l'Organisme de défense et de gestion du signe de qualité. A condition que ce dernier produise un argumentaire scientifiquement établi les justifiant et dans le but exclusif d'éviter tout risque de contamination de l'alimentation apportée aux troupeaux des producteurs de lait bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée, l'autorité administrative compétente peut mettre en oeuvre, type de culture « OGM » par type de culture « OGM », les mesures supplémentaires de protection proposées par l'Organisme de défense et de gestion, pouvant aller jusqu'à l'interdit.
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, et notamment la liste des organisations professionnelles et interprofessionnelles habilitées à proposer des mesures de protection et leur périmètre.
M. Daniel Soulage. - Le cahier des charges des AOC et des IGP est très strict. Une écrasante majorité de consommateurs considèrent que ces signes de qualité ne sont pas compatibles avec les OGM. L'Inao peut agréer les dispositions restrictives des cahiers des charges mais celles-ci sont coûteuses : la traçabilité a un prix. Nous apportons une protection supplémentaire pour que les efforts de ces filières ne soient pas anéantis. L'amendement ne s'appliquera qu'aux AOC ou IGP ayant interdit les OGM.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous avons longuement débattu de cette question en 2006 et vous savez notre attachement aux signes de qualité -je pense au travail de M. César. Cependant, vous proposez un dispositif complexe alors que les cahiers des charges des AOC peuvent interdire les OGM puisqu'il s'agit d'engagements privés. De surcroît, l'Inao a la faculté de proposer des interdictions ou des restrictions particulières. Votre préoccupation légitime est déjà doublement satisfaite. Pourquoi ne pas le répéter ? Ce n'est pas la pratique législative.
M. Jean-Marc Pastor. - Par pédagogie !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous perdrions en lisibilité en empilant ainsi des dispositifs différents qui risqueraient de s'affaiblir mutuellement. Retrait ?
L'amendement n°55 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°197, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Supprimer les deux derniers alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural.
M. Roland Courteau. - Amendement de cohérence avec l'amendement n°198 à l'article 4.
M. le président. - Amendement n°114, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural :
« L'autorité administrative prononce des sanctions. Celles-ci comprennent la destruction totale ou partielle des cultures.
M. Jacques Muller. - Cet amendement précise les sanctions prononcées par l'autorité administrative à l'encontre de ceux qui ne respectent pas ses prescriptions. Dans le cas de cultures illégales, la destruction totale ou partielle sera automatique, ce ne sera pas une option.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-9 du code rural :
« En cas de non-respect de ces prescriptions, l'autorité administrative peut ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La rédaction proposée par le Gouvernement laisse entrevoir un champ indéfini de sanctions, ce qui est contraire à la Constitution. Nous proposons donc d'en revenir au dispositif de 2006.
Avis défavorable à l'amendement n°197, contraire à la solution préconisée par la commission - même avis pour l'amendement n°198 à l'article 4 dont il est le préalable- ainsi qu'à l'amendement n°114, lequel pose les mêmes difficultés juridiques que la rédaction actuelle du texte.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Nous préférons aux amendements nos197 et 114, trop flous, l'amendement n°20 de la commission.
L'amendement n°197 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°114.
L'amendement n°20 est adopté.
L'article 3, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°223, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - A l'intérieur du périmètre des productions bénéficiant d'un signe de qualité appellation d'origine contrôlée (AOC), ou d'une indication géographique protégée (IGP), et ayant interdit dans leur cahier des charges l'utilisation d'intrants génétiquement modifiés, l'autorité administrative compétente doit avant mise en place sur sa zone de production, de cultures d'organismes génétiquement modifiés consulter l'Organisme de Défense et de Gestion (ODG) du signe de qualité. A condition que ce dernier produise un argumentaire scientifiquement établi les justifiant et dans le but exclusif d'éviter tout risque de contamination de l'alimentation apportée aux troupeaux des producteurs de lait d'appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée, l'autorité administrative compétente peut mettre en oeuvre type de culture d'organismes génétiquement modifiés par type de culture d'organismes génétiquement modifiés les mesures supplémentaires de protection proposées par l'Organisme de Défense et de Gestion, pouvant aller jusqu'à l'interdit.
II. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de la présente disposition, et notamment la liste des organisations professionnelles et interprofessionnelles habilitées à proposer des mesures de protection et leur périmètre.
M. Paul Raoult. - AOC et IGP obéissent à un cahier des charges très strict qui répond aux attentes des consommateurs. En effet, pour ces derniers, ces labels sont incompatibles avec OGM. L'Inao peut agréer ces dispositions restrictives, mais garantir des intrants au taux OGM inférieur au taux admis de 0,9 % est coûteux. Avec cet amendement, nous apportons une protection supplémentaire pour que les efforts fournis par ces filières ne soient pas anéantis et éviter que des producteurs soient injustement exclus de l'AOC ou de l'IGP par des contaminations extérieures. Précisons que le nombre des AOC ou IGP ayant interdit des cultures OGM et des intrants OGM étant faible, le présent amendement aura une portée réduite.
M. Jean Bizet, rapporteur. - L'amendement est identique au n°55 rectifié. Donc, même avis : retrait.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Défendre les AOC et les IGP est un objectif louable. D'ailleurs, le ministre d'État et moi-même avons tiré les enseignements des débats de grande qualité qui avaient eu lieu au Sénat sur ce sujet en 2006.
Les AOC peuvent déjà exclure les OGM et certaines ne s'en privent pas. Faut-il aller plus loin ? Le système que vous proposez est trop complexe. Il aurait pour effet de déplacer le débat sur les OGM au sein des organismes de défense et de gestion, lesquels ont déjà fort à faire. Défavorable.
M. Jean-Marc Pastor. - Cet amendement pose une question de fond : qui des OGM ou des productions traditionnelles a la primeur ? Que se passera-t-il lorsqu'un producteur voudra cultiver des OGM sur un territoire classé AOC ou IGP ? Est-ce que cette situation ne sera pas source de nombreux contentieux ? Notre rôle, en tant que parlementaires, est de nous en prémunir. Sinon, notre territoire pourrait bien être le théâtre d'une petite guerre civile. Madame le ministre, j'aurais compris que vous nous demandiez de revoir la rédaction de l'amendement, mais avouez qu'il nous faudra répondre à la question suivante : quelle culture aura priorité sur l'autre ? Par ailleurs, les Français sont très attachés aux produits du terroir. La grande distribution le sait bien puisqu'elle organise régulièrement des semaines de promotion durant lesquelles elle invite des IGP ou des AOC. Si nous ne prenons pas de mesures, comment pourrons-nous garantir la crédibilité de ces produits ? Madame la ministre, réfléchissez-y à deux fois avant de laisser s'embraser la guerre civile sur notre territoire !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Encore une fois, défendre les labels est un objectif légitime. Les AOC et IGP font la richesse et la fierté de nos territoires.
Nous nous efforçons de respecter scrupuleusement les conclusions du Grenelle de l'environnement, comme l'a souhaité le Président de la République. D'où l'activation de la clause de sauvegarde pour la culture du maïs MON 810 et ce projet de loi. Ce que nous voulons, c'est sortir de la guerre civile pour aller vers plus de paix. Or je crains que votre amendement n'aboutisse qu'à déplacer le front au sein des organismes de défense et de gestion. En proie à de vives tensions, ils ne pourraient pas assumer leur responsabilité. Ce ne serait vraiment pas leur faire un cadeau que de leur confier cette charge.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je tiens à rassurer M. Pastor, visiblement ému par cet amendement n°223. N'oublions pas que le but de ce texte est d'assurer la coexistence et le respect de chaque mode de culture. Il n'est pas question d'instituer la domination d'une culture sur l'autre, mais de défendre une agriculture plurielle. Les 20 % des agriculteurs français qui produisent sous label de qualité sont le fer de lance de notre économie. Nous ne voulons évidemment pas les mettre en difficulté.
Il s'agit aujourd'hui d'un saut technologique, que cette forme d'agriculture fera ou ne fera pas ; n'empêchons pas le développement dans le respect mutuel d'une autre forme d'agriculture.
L'amendement n°223 n'est pas adopté.
M. Jean-Marc Pastor. - On le fera savoir !
Article 4
Au titre VII du livre VI du code rural sont insérés les articles L. 671-14 et L. 671-15 ainsi rédigés :
« Art. L. 671-14. - Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende :
« 1° Le fait de ne pas respecter une ou plusieurs des conditions techniques prévues à l'article L. 663-8 ;
« 2° Le fait de ne pas avoir déféré à une des mesures de destruction ordonnée par l'autorité administrative en application de l'article L. 663-9.
« Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires d'affichage de la décision prononcée ou de diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.
« Les personnes morales encourent, outre l'amende prévue au premier alinéa de l'article 131-38 du code pénal, les peines prévues au 9° de l'article 131-39 du code pénal.
« Art. L. 671-15. - Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende le fait de faire obstacle à l'exercice des fonctions des agents mentionnés au I de l'article L. 251-18 agissant en application de l'article L. 663-9. »
M. Gérard Le Cam. - La commission propose à cet article un amendement qui laisse penser que les faucheurs n'encourent actuellement aucune sanction pénale ; or l'article 322-1 du code pénal prévoit des peines de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, peines aggravées si le délit est commis en réunion. Cet amendement n'est que d'affichage politique.
J'attends en outre des éclaircissements sur les sanctions encourues par les exploitants qui plantent des OGM en violation du moratoire sur le MON 810 ; je ne suis pas certain qu'ils soient concernés par l'article 671-14 du code rural...
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. le président. - Amendement n°244, présenté par le Gouvernement.
Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural, remplacer les mots :
une ou plusieurs des conditions techniques
par les mots :
les conditions techniques relatives aux distances entre cultures
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cet amendement va de pair avec le sous-amendement déposé sur l'amendement 18 ; il importe de définir dans la loi le champ de l'infraction constitutive du délit.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La commission n'a pu examiner cet amendement ; à titre personnel, j'y suis favorable.
Mme Marie-Christine Blandin. - Cet amendement, sous couvert de recentrage sur les périmètres, est en réalité très libéral. Nous ne traitons pas seulement du maïs, mais de tous les OGM ; que l'on songe au colza, dont on sait la vitalité : une benne renversée sur le bas-côté et c'est l'invasion. Les dégâts, la contamination peuvent être aussi importants que ceux provoqués par le non-respect des périmètres.
M. Jean-Marc Pastor. - Comment l'amendement du Gouvernement s'appliquera-t-il aux OGM importés ? Je n'y vois pas clair.
L'amendement n°244 est adopté.
L'amendement 115 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Après le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Le fait de détruire ou de dégrader une parcelle de culture autorisée en application des articles L. 533-5 et L. 533-6 du code de l'environnement.
« Lorsque l'infraction visée au 3° porte sur une parcelle de culture autorisée en application de l'article L. 533-3 du code de l'environnement, la peine est portée à trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Il s'agit d'équilibrer notre dispositif pénal. Si le texte sanctionne lourdement les cultivateurs d'OGM qui ne respectent pas les prescriptions techniques, il n'offre pas de protection spécifique à ceux qui les respectent. Cet amendement est conforme aux conclusions du Grenelle de l'environnement, selon lesquelles le législateur doit sanctionner les destructions de cultures autorisées. S'il est vrai que le champ est devenu un espace social, il ne saurait être un espace de non-droit.
Le sous-amendement n°243 n'est pas soutenu.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - La destruction de biens d'autrui est sanctionnée de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ; le fauchage en réunion, de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. L'amendement propose pour ce dernier délit trois ans, soit presque deux fois moins, et 150 000 euros, soit deux fois plus. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Michel Charasse. - Il est fâcheux que l'amendement ne précise pas que les destructions ou dégradations visées doivent être volontaires ; et il n'évoque que les cultures autorisées. Cela veut-il dire qu'il est possible de détruire des cultures qui ne le seraient pas ? Qu'on peut se faire justice soi-même ? En République, c'est l'horreur absolue ! Nous ne sommes pas chez les Huns, il y a des tribunaux ! N'incitons pas quelques hurluberlus à se constituer en milice privée locale pour rendre la justice sur la terre d'autrui ! La sanction doit s'appliquer à toutes les destructions volontaires.
Mme Marie-Christine Blandin. - L'intergroupe OGM du Grenelle de l'environnement est parvenu à un certain nombre de propositions consensuelles. Sur quelques sujets, le consensus n'a pu être atteint ; la FNSEA a, c'est vrai, demandé que les faucheurs d'OGM soient sanctionnés plus sévèrement.
Que sont devenues les propositions de l'intergroupe ? Nous voulions garantir de pouvoir cultiver sans OGM, nous avons la garantie de pouvoir cultiver avec ; nous souhaitions une particulière vigilance pour l'apiculture, le texte est muet sur le sujet ; nous voulions que soit affirmé le droit de l'agriculteur préexistant, il devra se débrouiller seul. L'avis du Haut conseil sera rendu par son seul comité scientifique, alors qu'on sait le rôle, hélas méprisé, des usagers et des donneurs d'alerte dans les catastrophes sanitaires.
L'amendement répressif de la commission ressemble à une vengeance ; moins de prison, plus d'argent : il est vrai qu'il est plus amusant de détruire les gens à petit feu... On ne peut suivre cette proposition. (M. Desessard applaudit)
M. Dominique Braye. - Je crois me faire l'interprète de l'immense majorité de nos concitoyens : ceux que M. Charasse appelle des hurluberlus...
M. Michel Charasse. - J'ai décidé d'être aimable ...
M. Dominique Braye. - ...je les qualifie, moi, de délinquants, même si on les traite parfois avec plus de respect que ceux qui ne contreviennent pas à la loi.
Je suis responsable d'une collectivité qui compte des quartiers sensibles, où des jeunes ont été plusieurs fois condamnés pour avoir brûlé des voitures. Je serais bien en peine de leur expliquer comment des gens qui détruisent des champs entiers, avec des conséquences bien plus graves, sont toujours en liberté, honorés, quand ce n'est pas embrassés ! (Protestations à gauche)
M. Paul Raoult. - Hors sujet !
M. Dominique Braye. - Comment voulez-vous que l'on s'y retrouve ? Il est temps que le Gouvernement ait le courage, qui lui a beaucoup manqué ces derniers temps, de faire respecter le droit. Il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures !
M. Jean-Pierre Bel. - Belle façon de traiter Mme la ministre !
M. Jacques Muller. - Vous perdez vos nerfs pour en venir à de telles goujateries !
M. Dominique Braye. - Tout le monde connaît votre sens de la mesure, monsieur Muller !
M. Jacques Muller. - À l'article suivant, qui traite de l'indemnisation des victimes, vous calculez au pèse-lettre le montant de l'indemnité que sera en droit d'attendre un agriculteur traditionnel dont les cultures auront été polluées ! Pour un hectare de maïs biologique pollué, il se verra généreusement verser 30 euros ! Et vous proposez ici, par amendement, de prévoir une amende de 75 000 euros pour délit de fauchage ?
Mme Évelyne Didier. - C'est disproportionné !
M. Jacques Muller. - C'est irrationnel ! La loi protège déjà les biens des personnes. Et ce n'est pas à nous, monsieur Braye, de nous prononcer sur la manière dont les juges l'appliquent ! En revanche, c'est bien un vide juridique qui est à l'origine des désordres : ils n'auraient pas lieu d'être si nous avions transcrit la directive, comme nous aurions dû le faire depuis octobre 2002.
D'un côté, 30 euros ; de l'autre, 75 000 : c'est indécent !
Mme Évelyne Didier. - Mme Blandin a rappelé les préconisations du groupe OGM du Grenelle : la liste est longue des mesures que vous vous refusez à voter, quand seule celle-ci semble recueillir votre assentiment. On en ressent un grand malaise. J'ai participé, comme M. Braye, à ce Grenelle annoncé en grande pompe par le Président de la République et auxquels M. Borloo et Mme Kosciusko-Morizet, nommés à la tête d'un grand ministère, consacraient toutes leurs énergies. Il nous semblait alors être face à un grand projet, porté par l'ensemble du gouvernement. Puis vient ce projet de loi, et l'on perçoit les états d'âme de M. Le Grand, et des amendements sont retirés, et chaque fois que l'on évoque le Grenelle, l'impatience pointe dans les rangs de la majorité. Quelle conclusion en tirer sinon que la démarche ambitieuse engagée il y a quelques mois se révèle, pour elle, contre nature ? N'assistons-nous pas, en direct, à l'enterrement du Grenelle de l'environnement ? (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)
M. Laurent Béteille. - M. Muller confond sanction et indemnisation : les finalités en sont différentes. Je n'ai aucune sympathie pour ceux qui détruisent les biens d'autrui, qu'il s'agisse de véhicules ou de récoltes. Mais il existe des textes généraux : ne leur superposons pas, chaque fois que nous abordons un nouveau sujet, des dispositions spécifiques, au risque de nuire à l'intelligibilité de la loi pénale. De plus, l'amendement rompt la proportionnalité entre peine d'enfermement et amende. Je ne pourrai pas le voter.
M. Jean Desessard. - Cette mesure idéologique mérite d'être remise en contexte. Car sur la justice, le débat va aujourd'hui bon train. On condamnera donc les faucheurs à la prison ? Mais sachant combien un faucheur est déterminé, il ne manquera pas de récidiver. À l'heure où l'on prétend appliquer des peines plancher aux récidivistes, faudra-t-il donc enfermer les faucheurs ad vitam aeternam ? (Exclamations sur les bancs UMP) Et puisque les plus hautes autorités de ce pays n'hésitent pas à déclarer sans vergogne que l'on peut être délinquant de naissance (nouvelles exclamations), faudra-t-il donc cueillir les présumés faucheurs au berceau ?
M. Dominique Braye. - Vous vous trompez de débat !
M. Jean Desessard. - Combien de temps refuserez-vous le débat ? Vivons-nous donc dans le meilleur des mondes possibles ? Non, notre société, profondément injuste à bien des égards, porte à la confrontation. C'est au lobby des multinationales (exclamations sur les bancs UMP), qui pousse à la libéralisation de la culture des OGM, que les faucheurs s'affrontent aujourd'hui, comme les ouvriers combattent pour leurs droits en occupant leur entreprise. Il est des formes de résistance qui, si elles ne sont pas légales, n'en sont pas moins justes ! Comment répondez-vous à cette demande de justice ? Comme sait seulement le faire la droite : par la répression !
M. le président. - Je ne sais plus quel sénateur a appelé au calme...
M. Paul Blanc. - Amenez le défibrillateur !
M. Michel Charasse. - Voilà ce que ça donne de trop manger bio ! (Rires)
M. Jean-Marc Pastor. - Notre pays est un État de droit, il n'est pas inutile de le rappeler. Chacun y a des droits et des devoirs. Je suis de ceux qui désapprouvent ceux qui détruisent les biens d'autrui.
M. Dominique Braye. - Très bien !
M. Jean-Marc Pastor. - Mais il existe une justice dans notre République ! Je souscris pleinement aux propos de M. Béteille : avant d'introduire de nouvelles sanctions, commençons par appliquer ce que le législateur a voté ! Seuls les régimes extrémistes ne savent faire appel qu'à la répression. Je lui préfère, de loin, la pédagogie. Nous allons examiner des amendements qui prévoient de mieux informer sur les OGM pour éviter que les populations ne se braquent. Là est notre tâche collective. (M. Cazalet applaudit)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je m'efforce, dans ce débat, de retrouver mon calme et mes esprits. M. Desessard nous avait habitués à davantage d'humour et de courtoisie, mais peut-être, comme le suggère M. Charasse, son comportement résulte-t-il d'un excès de consommation de produits biologiques. (Sourires) J'ai apprécié, en revanche, les propos de M. Pastor. Nous sommes, en effet, dans un État de droit.
Ce texte recherche un équilibre. Il pénalise ceux qui cultivent des OGM en s'affranchissant des règles que nous avons établies. De même, ceux qui détruisent illégalement les cultures doivent être sanctionnés.
Depuis quelques années, les juges ont fait preuve d'un certain laxisme envers des fauchages pourtant illégaux, et l'on est passé progressivement d'une société d'inquiétude à une société de confusion, parfaitement inacceptable. M. Pastor insiste sur la pédagogie, mais quand on n'est pas entendu pendant des années, il faut bien songer à la sanction !
M. Dominique Braye. - Exactement !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je ne suis pas un juriste distingué comme M. Charasse, mais il me semble que la notion de « culture autorisée » justifie pleinement la définition d'un délit spécifique, c'est un peu la même chose que pour le délit de grande vitesse. Ce délit s'est banalisé au fil du temps et n'est plus sanctionné comme il le mériterait... Mme la ministre paraît trouver que nous sommes trop cléments en diminuant le quantum à trois ans de prison : nous pouvons parfaitement le remettre à cinq ans ! Quant à M. Muller, je ne le comprends pas...
M. Dominique Braye. - Vous n'êtes pas le seul !
M. Jean Desessard. - Je le comprends bien, moi ! (Sourires)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Pour l'indemnisation des agriculteurs bio, nous nous sommes calés sur le différentiel de prix. Mais attention, les choses bougent rapidement. Le maïs BT apparaît de qualité supérieure, en particulier par sa plus grande sécurité sanitaire. Si les producteurs bio n'entendent pas notre message, ils vont se sanctuariser et nous serons obligés de frapper là où ça fait mal, sur le plan des normes sanitaires ! Quoiqu'il en soit, nous voulons aujourd'hui une solution équilibrée.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - En fait d'équilibre, je perçois mal celui qui consiste à réduire de moitié l'emprisonnement et de multiplier par deux l'amende... J'adhère aux propos de M. Béteille, mais la loi pénale relève pleinement des parlementaires, d'où la position de sagesse du Gouvernement.
M. Michel Charasse. - Sans vouloir mettre en cause les efforts méritoires du rapporteur, si le Sénat devait adopter cet amendement, la CMP devrait y revenir, par cohérence avec les dispositions générales : la destruction d'une parcelle non autorisée ne saurait être punie davantage que celle d'une parcelle autorisée !
M. Dominique Braye. - C'est l'inverse !
M. Michel Charasse. - L'alourdissement des amendes n'est pas une solution, car les gens concernés ne les payent pas ; et comme, depuis longtemps, il n'y a plus d'État, on ne les poursuit pas. Il faut donc trouver une autre solution.
M. Gérard Le Cam. - Cet amendement est de pur affichage ; il ne dissuadera pas plus les faucheurs de faucher, que les lois antigrèves ne dissuadent les fonctionnaires de faire grève ! (Exclamations à droite) Je suis pour le respect des biens d'autrui mais, en l'espèce, on doit comparer les faucheurs de maïs à ceux qui viennent faucher dans la poche même de la petite paysannerie rurale : où sont réellement les plus grands délinquants ?
M. Paul Raoult. - Cette loi est de pure circonstance ! Pourquoi mettre en exergue le fauchage des PCM ? Si les règles de culture en plein champ avaient été définies il y a quelques années, nous n'en serions pas là. (Approbations à gauche et à droite)
Le juge en est venu à dire, en quelque sorte, que tout ce qui n'est pas autorisé, est interdit, ce qui n'a pas manqué d'aviver les passions. Mais aujourd'hui, rien ne sert d'agiter le chiffon rouge d'une répression plus sévère ! La destruction de plantation doit être punie de la même manière, qu'il s'agisse ou non d'OGM ! Gardez votre sang-froid !
M. le président. - Dix orateurs se sont exprimés ; je pense que le Sénat est en état de se prononcer. (« Très bien ! » à droite)
L'amendement n°21 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°198, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 671-14 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sanctions que l'autorité administrative peut prononcer comprennent la destruction totale ou partielle des cultures incriminées. Les frais entraînés par ces sanctions sont à la charge de l'exploitant.
M. Paul Raoult. - Amendement rédactionnel.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Cet amendement est inconstitutionnel : Avis défavorable.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Même avis. Des sanctions administratives sont déjà prévues par le code rural.
Mme Marie-Christine Blandin. - Fort du principe qu'on ne se fait pas justice soi-même, M. Charasse a critiqué la destruction des cultures « autorisées ». Mais le Conseil d'État a récusé l'autorisation que le Gouvernement a donnée, au motif que la commission du génie biomoléculaire, dans sa procédure d'avis, avait écarté des études importantes. Qui plus est, les entreprises sont censées assurer leur activité : aucun assureur n'acceptant d'assurer un champ d'OGM, la culture des OGM n'est pas assurée ; ceux qui cultivent les OGM ne respectent donc pas la loi. L'amendement n°198 vient à point, en proposant que l'autorité publique procède elle-même, avec ses fonctionnaires, à ce que les faucheurs sauvages d'aujourd'hui font déjà : détruire des cultures illégales.
M. Jean Desessard. - Les faucheurs devraient être payés !
M. Dominique Braye. - Les sanctions visent d'abord à dissuader les faucheurs.
Nous sommes tous fautifs de ne pas informer suffisamment nos concitoyens.
M. Jean-Marc Pastor. - Merci.
M. Dominique Braye. - Les Français sont 90 % à déclarer ne pas vouloir d'OGM dans leur assiette, mais ils sont 90 % à dire qu'ils n'y connaissent rien ! On ne peut leur demander de se prononcer sur un dossier aussi important sans leur avoir fourni un minimum d'informations.
J'ai conduit hier une réunion dans ma commune devant cent cinquante personnes, dont 90 % étaient a priori hostiles aux OGM. Je leur ai expliqué que les OGM font diminuer les mycotoxines et réduisent l'épandage de pesticides. A part quelques lombrics pas très vivaces relevés par M. Le Grand, la nocivité des OGM n'a jamais été démontrée scientifiquement. En revanche, on peut compter le nombre de morts dus aux pesticides !
Mme Marie-Christine Blandin. - Ah !
M. Jean Desessard. - Enfin !
M. Dominique Braye. - Les OGM sont aux pesticides ce que le nucléaire est au gaz à effet de serre ! Nous devons tous nous efforcer d'éclairer nos concitoyens.
Je veux répondre à Mme Didier, qui estime que l'on foule au pied le Grenelle de l'environnement, et à M. Muller, qui veut en être le « fantassin ». Comme pour les relations avec les partenaires sociaux, tout s'est déroulé de manière parfaitement démocratique.
M. Jean Desessard. - Vous verrez !
M. Dominique Braye. - On a donné une tribune et une audience à des gens qui ne représentent pas grand-chose, et ils ont cru que le Parlement se contenterait d'être une simple chambre d'enregistrement ! Ce n'est pas ça la démocratie. Il y a le temps de la démocratie participative, de l'information et de la consultation de la population, mais la décision revient aux instances délibératives prévues par nos institutions. À nous d'expliquer ensuite nos choix. Notre République fonctionne normalement. Je compte sur M. Le Cam pour rapporter mes propos à Mme Didier.
M. Jacques Muller. - Je ne prétends pas être le fantassin du Grenelle.
M. Dominique Braye. - C'est vous qui l'avez dit !
M. Jacques Muller. - J'ai dit que le soldat Grenelle était en danger et j'ai invité la Haute assemblée à le sauver, voilà tout. Je fais des propositions constructives pour que les engagements de Grenelle soient respectés.
La filière maïs Alsace est passée au non-OGM pour augmenter la rémunération de sa production. Le cas du sud-ouest ne peut être généralisé !
Cet article contraire au bon sens découle du marché passé avec l'AGPM, qui n'a accepté la transparence des parcelles qu'en échange de l'instauration du délit de fauchage. Encore une fois, le lobbying pourrit le débat ! Je me retrouve dans les propos de M. Béteille, et je note que M. Pasqua n'a pas participé au vote. La loi punit ceux qui dégradent des biens. C'est suffisant. À vouloir aller au-delà, on sombre dans l'idéologie.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Madame Blandin, s'il est vrai que les professionnels, que nous avons auditionnés, ne souhaitent pas s'engager dès à présent dans le processus assurantiel, c'est qu'ils n'ont pas encore eu le temps de faire fonctionner leur outil de modélisation.
Mme Marie-Christine Blandin. - Entretemps, les OGM ont poussé !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Les agriculteurs sauront se prendre en charge à travers leurs organismes stockeurs et la cotisation volontaire à l'hectare des seuls agriculteurs OGM qui permettra d'assurer l'ensemble.
Mme Marie-Christine Blandin. - Cinq ans d'impunité !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Je ne rentrerai pas dans ce débat. Il n'y a pas de vide assurantiel. Les agriculteurs conventionnels et bio ne seront pas abandonnés.
J'ai choisi mon camp, celui des non faucheurs. M. Muller a choisi le sien, je le laisse libre de son choix. (Applaudissements sur certains bancs à droite)
L'amendement n°198 n'est pas adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
Article 5
Dans le chapitre III du titre VI du livre VI du code rural sont insérés les articles L. 663-10 et L. 663-11 ainsi rédigés :
« Art. L. 663-10. - I. - Tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée dont la mise sur le marché est autorisée est responsable, de plein droit, du préjudice économique résultant de la présence accidentelle de l'organisme génétiquement modifié de cette variété dans la production d'un autre exploitant agricole, lorsque sont réunies les conditions suivantes :
« 1° Le produit de la récolte dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée est issu d'une parcelle située à distance de dissémination d'une parcelle sur laquelle est cultivée cette variété et a été obtenu au cours de la même campagne de production ;
« 2° Le produit de la récolte mentionné au 1° était destiné, lors de la mise en culture, soit à être vendu en tant que produit non soumis à l'obligation d'étiquetage mentionnée au 3°, soit à être utilisé pour l'élaboration d'un tel produit ;
« 3° L'étiquetage du produit de la récolte mentionné au 1° dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée est rendu obligatoire en application des dispositions communautaires relatives à l'étiquetage des produits contenant des organismes génétiquement modifiés.
« II. - Le préjudice économique mentionné au I est constitué par la dépréciation du produit résultant de la différence entre le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3° du I et celui d'un même produit non soumis à une telle obligation.
« III. - Tout exploitant agricole mettant en culture une variété génétiquement modifiée autorisée à la mise sur le marché doit souscrire une garantie financière couvrant sa responsabilité au titre du I.
« IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article.
« Art. L. 663-11. - Les dispositions de l'article L. 663-10 ne font pas obstacle à la mise en cause sur tout autre fondement de la responsabilité des exploitants mettant en culture une variété génétiquement modifiée, des distributeurs et des détenteurs de l'autorisation de mise sur le marché et du certificat d'obtention végétale. »
M. Jacques Muller. - M. Bizet considère que le seuil de 0,9 % est incontournable car déterminé au niveau européen. Sur le plan éthique, le droit de produire sans OGM doit être appréhendé comme un droit à ne pas être pollué. Ce seuil d'étiquetage n'a de sens ni pour l'agriculteur d'une filière sans OGM, ni pour le consommateur. Selon un sondage CSA du 4 février 2008, 71 % des Français estiment que « sans OGM » signifie « zéro OGM »...
Le rapporteur a raison sur l'obligation d'étiquetage, mais le seuil de contamination déclenchant une indemnisation ou entraînant la responsabilité n'est pas déterminé par la réglementation européenne : au contraire, la directive invite explicitement les États à légiférer sur ce point !
Il ne faut pas confondre le seuil d'étiquetage, qui détermine un seuil de contamination fortuite au-dessus duquel il faut informer le consommateur et qui est issu de tractations avec l'industrie agroalimentaire, et le seuil de détection, défini scientifiquement et fixé par les États, qui détermine l'appellation « sans OGM ». Ainsi, la loi allemande prévoit l'indemnisation en cas de contamination « notamment en dessus de 0,9 % », c'est-à-dire y compris en dessous. L'Italie a fait de même, et la Styrie a fixé ce seuil à 0,1 %. La Commission européenne, pourtant vigilante sur tous les freins à la concurrence, n'a pu contester ces dispositions sur le plan juridique. Le seuil de 0,9 % n'est donc pas incontournable !
En toute rigueur, le seuil de contamination ne peut être que le seuil de détection, le seuil dit de quantification, soit 0,1 %, déjà appliqué par les filières bio.
Nier cette réalité en fonction de considérations peu avouables, c'est ouvrir les vannes des cultures OGM dans l'environnement, au détriment de l'agriculture de qualité. Nos concitoyens sauront apprécier ce nouveau contournement des engagements du Grenelle !
M. Jean-Marc Pastor. - Notre amendement tendant à créer un fonds d'indemnisation géré par l'office national interprofessionnel des grandes cultures et financé par une taxe sur les cultures d'OGM a été jugé irrecevable par la commission des finances qui a invoqué l'article 40. Nous en sommes surpris puisque l'État n'intervient ni dans le financement ni dans la gestion... Les organismes professionnels sont d'accord pour gérer le fonds ! Nous présenterons une nouvelle rédaction dès que nous en aurons l'occasion. Notre rapport conjoint, monsieur Bizet, prévoyait un tel fonds : or le Sénat avait adopté ses conclusions à l'unanimité.
L'amendement n°22 est retiré.
M. Jean Bizet, rapporteur. - J'ai retiré l'amendement n°22 par cohérence, après le retrait du n°16. Monsieur Muller, vous refusez d'admettre que nous devons respecter le seuil communautaire : n'espérez pas emporter l'adhésion du vice-président de la délégation à l'Union européenne que je suis ! Nous sommes à six mois de la présidence française et je suis meurtri par les arguments que vous avancez : nous devons respecter nos engagements.
Monsieur Pastor, certes, il y a eu le rapport de 2003, puis le projet de loi de 2006, créant un fonds public : ce texte n'en reprend pas l'idée, mais c'est que tout exploitant peut souscrire une garantie financière -et si le secteur privé se prend lui-même en charge, tant mieux !
Je veux dire enfin à Mme Blandin que les agriculteurs bénéficient d'une double assurance : l'échange de grains auprès des organismes stockeurs et, à défaut, l'indemnisation par un fonds auquel ils cotisent. Le système existe déjà pour le tournesol ou le colza.
M. le président. - Amendement n°79, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit le I et le II du texte proposé par cet article pour l'article L.663-10 du code rural :
I. - Le détenteur de l'autorisation administrative d'utilisation ou de dissémination d'un organisme génétiquement modifié, le distributeur et l'utilisateur final, dont l'exploitant agricole, sont responsables de plein droit de tout préjudice lié à la dissémination dans l'environnement d'organismes génétiquement modifiés, et ce, sans préjudice des actions récursoires éventuelles entre eux. En ce qui concerne le préjudice économique, il devra notamment englober les coûts induits par la traçabilité des produits.
« II. - La preuve du lien de causalité entre le préjudice allégué et son fait générateur est à la charge des personnes citées au I.
M. Gérard Le Cam. - L'article 5 organise la responsabilité des exploitants et la gestion des dommages ; mais le régime proposé ne nous satisfait pas. Nous voulons introduire une responsabilité de plein droit du détenteur de l'autorisation administrative, du distributeur et de l'utilisateur final. Et tous les préjudices doivent être pris en compte, par exemple les coûts induits par la traçabilité : car les agriculteurs, pour garantir que leur production est sans OGM, procéderont à des analyses et des contrôles onéreux, dont la charge devrait être supportée par les filières OGM.
Enfin, parce que ce n'est pas aux victimes de payer, cet amendement renverse la charge de la preuve. Du reste, la victime n'est pas toujours celle que l'on croit. Ayons les dérives juridictionnelles américaines à l'esprit, puisque nous importons désormais les avocats américains pour défendre certains de nos paysans. Dans Le marché de la faim, Erwin Wagenhofer et Max Annas racontent comment les détectives de Monsanto affirmaient avoir découvert parmi les semences de Schmeiser, producteur canadien, des graines de colza présentant les propriétés de celles, transgéniques, de Monsanto. Un procès est intenté pour vol, mais il apparaît finalement que seules quelques plantes suspectes ont été trouvées dans un fossé délimitant les terrains ! Entre temps, le juge canadien avait condamné Schmeiser. Parfois, le droit se retournera contre les agriculteurs conventionnels. C'est pourquoi notre amendement n'est qu'un amendement de repli. (M. Desessard applaudit)
M. le président. - Amendement n°116, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Au début du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, ajouter les mots :
Tout détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 du code de l'environnement,
M. Jacques Muller. - Les cultures d'essai en plein champ présentent les mêmes risques que les cultures commerciales. La contamination mondiale de la filière de riz non OGM par le riz OGM LL601, pourtant cultivé en essai, en est la triste illustration.
M. le président. - Amendement n°199, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
Tout exploitant agricole
insérer les mots :
ainsi que tout détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 du code de l'environnement, y compris tout opérateur réalisant un essai d'organismes génétiquement modifiés en milieu ouvert,
M. Jean-Marc Pastor. - Il peut y avoir des accidents causé par des cultures expérimentales en plein champ. Pourquoi écarter dans ce cas toute responsabilité ?
M. le président. - Amendement n°200, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
est responsable
par les mots :
est solidairement responsable avec le distributeur auprès duquel il a acquis les semences
M. Jean-Marc Pastor. - C'est toute la chaîne qui doit partager la responsabilité.
M. le président. - Amendement n°117, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
de plein droit,
insérer les mots :
ainsi que le distributeur auprès duquel il a acquis les semences,
M. Jacques Muller. - L'engagement de la responsabilité du distributeur en cas de contamination de cultures voisines réduira les risques de culture « sauvage » des OGM -je songe aux achats de semences en Espagne. Nous favorisons donc les cultures sous contrat avec le distributeur.
M. le président. - Amendement n°118, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, après les mots :
autre exploitant agricole
insérer les mots :
y compris les apiculteurs,
M. Jacques Muller. - Il y a là un problème de fond. Les apiculteurs doivent figurer dans le texte de la loi, car ils sont les premières victimes potentielles de la contamination -les abeilles butinent jusqu'à dix kilomètres autour de la ruche. Et de nombreux miels sont produits sous AOC. Songeons aussi au rôle des abeilles dans l'écosystème ; la fonction d'externalité des apiculteurs, le service rendu à la collectivité doivent être reconnus. Les ruches disparaissent partout dans le monde, sous l'effet des pesticides, des ondes électromagnétiques des téléphones portables, des OGM -aux États-Unis où les cultures transgéniques sont très développées, les colonies d'abeilles sont taillées en pièces !
Les apiculteurs ont été enterrés mardi, alors que le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de notre assemblée. Je regrette que le vote intervenu à cette heure tardive leur ait été fatal.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Dans le deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
à distance de dissémination
par les mots :
à proximité
M. Jean Bizet, rapporteur. - La rédaction du texte de loi paraît trop vague.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
I. Au début du troisième alinéa (2°) du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, remplacer les mots :
Le produit de la récolte mentionné au 1°
par le mot :
Ce produit
II. Au début du quatrième alinéa (3°) du même I, remplacer les mots :
L'étiquetage du produit de la récolte mentionné au 1° dans laquelle la présence de l'organisme génétiquement modifié est constatée
par les mots :
Son étiquetage
M. Jean Bizet, rapporteur. - Simplification rédactionnelle.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
I. Dans le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural, supprimer le mot :
Économique
II. Dans le même II, remplacer les mots :
une telle
par le mot :
cette
M. Jean Bizet, rapporteur. - Encore la simplification rédactionnelle.
M. le président. - L'amendement n°204, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés est identique à l'amendement n°24.
M. Jean-Marc Pastor. - Amendement rédactionnel.
M. le président. - Amendement n°119, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Rédiger comme suit le II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural :
« II. - Le préjudice mentionné au I est constitué par la dépréciation du produit résultant de la différence entre, d'une part, le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3 du I ou perdant la possibilité d'être garanti « sans organismes génétiquement modifiés » et, d'autre part, celui d'un même produit non soumis à une telle obligation. Par « sans organisme génétiquement modifié », il faut entendre absence de toute présence d'ADN modifié dépassant le seuil de détection à l'analyse.
« Ce préjudice est également constitué par toute autre perte avérée, directe ou indirecte, immédiate ou différée, ou part tout autre atteinte à la santé ou à l'environnement.
M. Jacques Muller. - Le projet de loi se réfère au seuil de 0,9 %.
M. Bizet parle d'Europe. Alors, examinons la réglementation européenne : le seuil de 0,9 % correspond à l'obligation d'étiquetage en direction du consommateur ; il n'a pas de rapport avec la contamination des cultures. S'il y en avait un, la Commission européenne, toujours extrêmement vigilante au respect de la libre concurrence, n'aurait pas admis que plusieurs États membres fixent le seuil de contamination au niveau scientifique de 0,1 %.
M. le président. - Amendement n°201, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Après les mots :
différence entre
rédiger comme suit la fin du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural :
d'une part, le prix de vente du produit de la récolte soumis à l'obligation d'étiquetage visée au 3° du I ou perdant la possibilité d'être étiqueté « sans organismes génétiquement modifiés » et, d'autre part, celui d'un même produit non soumis à une telle obligation, ou étiqueté « sans organismes génétiquement modifiés ».
M. Roland Courteau. - La mention « sans OGM » correspond à la définition retenue par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la présence de toute trace d'OGM étant exclue du produit.
M. Jean Bizet. - La commission est défavorable à l'amendement n°79, qui rendrait l'utilisateur final responsable. Même le consommateur pourrait être mis en cause ! D'autre part, les coûts de contrôle ne sont pas assimilables à un préjudice. Enfin, le deuxième paragraphe est contradictoire avec la présentation de l'amendement, puisque la responsabilité de plein droit serait applicable.
L'amendement n°116 conduirait à étendre la responsabilité aux organismes de recherche. L'idée peut être séduisante, mais les essais ont lieu dans un cadre très strict, sur des parcelles de petite taille. Qui plus est, pour le maïs, les organes mâles sont castrés, les organes femelles sont encapsulés. Enfin, nous voulons tous amplifier la recherche dans ce domaine. Il ne faut donc pas accroître les charges pesant sur les établissements qui s'y consacrent. Je ne souhaite pas que les 45 millions supplémentaires attribués à cette activité ne servent pas son développement. Quel est l'avis du Gouvernement ?
L'amendement n°199 appelle les mêmes observations.
À titre personnel, je suis défavorable à la mise en cause des distributeurs de semences, proposée aux amendements n°s200 et 117, car ils ne peuvent contrôler la culture. C'est l'exploitant agricole qui choisit.
La commission repousse l'amendement n°118, qui est redondant.
Elle accepte l'amendement n°204, mais pas l'amendement n°119 car la collectivité nationale ne doit pas supporter le coût de cahiers des charges privés.
Enfin, avis défavorable à l'amendement n°201, contradictoire avec l'amendement n°5 de la commission.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - À propos de l'amendement n°79, j'observe que l'article L. 663-10 permet d'engager la responsabilité sans faute dès lors que les conditions du I sont réunies. Il est donc inutile de démontrer le lien de causalité. Nous ne souhaitons pas étendre le régime spécifique de responsabilité aux détenteurs d'autorisation d'essais, dont la solvabilité permet d'assumer la responsabilité de droit commun. D'autre part, la notion de consommateur final est trop large. Enfin, le coût de la traçabilité, nécessairement antérieure à toute contamination, n'a rien à voir avec d'éventuels dommages subis par l'exploitant. Le Gouvernement est donc défavorable à cette suggestion. Les amendements n°s116 et 199 sont analogues. Certes, la capacité de diffusion d'un gène n'est pas altérée par le fait d'apparaître dans une culture de recherche, mais les opérateurs d'essais sont clairement identifiés. Le régime de responsabilité civile classique suffit.
L'amendement n°200 est inconstitutionnel, puisqu'il mettrait en cause une personne qui n'est manifestement pas responsable du dommage considéré. Idem pour l'amendement n°117.
Il est vrai que nous avons débattu hier de l'apiculture. Le Gouvernement s'en était alors remis à la sagesse de la Haute assemblée. Si l'on veut que le dispositif s'applique aux apiculteurs, il faut l'écrire. Il est également vrai que la filière apicole connaît des difficultés, au demeurant sans rapport avec les OGM. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n°118.
Tout comme la commission, nous souhaitons assurer la clarté juridique du texte, mais ni la rédaction du projet de loi ni celle proposée par l'amendement n°23 n'est réellement satisfaisante. Préférant malgré tout son texte, le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
En revanche, il accepte les amendements identiques n°s24 et 204.
Cette loi tend à mettre en place un marché de l'assurance afin de couvrir les dommages. Toutefois, l'amendement n°119 anticipe sur la prochaine transposition de la directive « responsabilité environnementale », qui figurera dans la loi Grenelle de l'environnement, dont vous débattrez au printemps. D'ici là, le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Acceptant la rédaction de l'amendement n°25, il repousse par coordination l'amendement n°201.
Mme Marie-Christine Blandin. - Le coût induit par la traçabilité, dit le Gouvernement, est habituel. Cela n'a pas été le cas pour le fermier du Gers obligé de prouver qu'il ne gavait pas ses anatidés avec du maïs espagnol transgénique.
L'amendement n° 79 n'est pas adopté.
Mme Marie-Christine Blandin. - Le rapporteur nous explique que les gènes mâles du maïs sont coupés et les gènes femelles encapsulés. Sans doute, mais les betteraves n'ont pas cette particularité et nous ne légiférons pas que pour le maïs mais pour tous les OGM présents ou à venir.
M. Jacques Muller. - Les conditions des essais sont plus contraignantes : on les réalise dans un périmètre de 400 mètres et les prescriptions sont plus strictes mais, si on prévoit des assurances, c'est parce qu'il y a un risque.
L'amendement n°116 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°199.
L'amendement n°200 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°117.
M. Laurent Béteille. - Je n'aime pas les répétitions mais la formulation d'origine ne se suffit pas à elle-même et certaines interprétations posent problème. L'amendement n°118 est donc indispensable, notamment pour le Gâtinais et pour son miel. (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Christine Blandin. - Nous l'apprécions tous ! Je veux plaider pour les apiculteurs, pour leur travail et pour leur revenu. Les abeilles fécondent aussi les arbres fruitiers et aux États-Unis, à cause de leur raréfaction, il faut que des camions transportent des ruches pour favoriser la fécondation des vergers : il serait dommage que semblable mésaventure nous arrive.
M. Daniel Soulage. - M. Etienne et moi avons apprécié l'avis favorable du Gouvernement sur cet amendement que je voterai en rappelant l'émotion soulevée par le jugement rendu par le tribunal de Marmande et confirmé par la cour d'appel d'Agen qu'a évoqué M. Muller.
M. Jean Bizet, rapporteur. - J'ai bien entendu l'appel du Gouvernement et les inquiétudes de plusieurs de nos collègues et je vais y souscrire dans la perspective de la navette mais je préférerais écrire « dont les apiculteurs » plutôt que « y compris les apiculteurs ».
M. Jacques Muller. - J'ai toujours le souci d'être constructif : je rectifie l'amendement.
L'amendement n°118 rectifié est adopté.
L'amendement n°23 est adopté ainsi que les amendements identiques n°s24 et 204.
L'amendement n°119 n'est pas adopté.
L'amendement n°25 est adopté.
L'amendement n°201 n'est pas adopté.
Les amendements n°s120 et 202 deviennent sans objet.
M. le président. - Amendement n°121, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Avant le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural insérer trois paragraphes ainsi rédigés :
« ... - En cas de présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits ayant une autre origine que celle prévue au 1° du I, qu'il soit ou non possible de déterminer cette origine, les exploitants agricoles cultivant des variétés génétiquement modifiées sur le territoire français, les distributeurs leur fournissant les semences, les détenteurs de l'autorisation de mise sur le marché et du certificat d'obtention végétale et les importateurs d'organismes génétiquement modifiés sont solidairement responsables, de plein droit, des préjudices qui s'ensuivent.
« Ils sont aussi responsables de plein droit des surcoûts résultant de l'obligation de protection contre les risques de contamination supportée par les filières conventionnelles et « sans organisme génétiquement modifié », de tout préjudice non intentionnel à l'environnement ou à la santé et de leur réparation.
« ... - Ils doivent pour cela souscrire une garantie financière couvrant leur responsabilité au titre du paragraphe précédent. Il leur appartient de constituer par leurs propres moyens et en tant que de besoin un fonds leur permettant de réparer solidairement tous ces éventuels préjudices dans les mêmes conditions que prévu ci-dessus aux 2° et 3° du I et au II pour ce qui concerne les préjudices économiques et conformément à la loi pour ce qui concerne les atteintes à l'environnement ou à la santé. Il leur appartient ensuite d'amener eux-mêmes la preuve de la responsabilité directe d'un opérateur particulier s'ils veulent se retourner contre lui.
« ... - Le fait de ne pas souscrire une garantie financière et de ne pas contribuer à un fonds est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
M. Jacques Muller. - La majorité des contaminations trouve son origine dans des cultures éloignées et dans les filières de production et de distribution des semences, ce qui rend difficile l'identification de l'OGM responsable. Comment réparer le dommage sans avoir déterminé un lieu de causalité entre le dommage et son origine ?
M. le président. - Amendement n°203, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Remplacer le IV du texte proposé par cet article pour l'article L. 663-10 du code rural par trois paragraphes ainsi rédigés :
« IV. En cas de contamination ayant une autre origine qu'une parcelle à distance de dissémination ayant porté une culture génétiquement modifiée durant la même campagne de production que la récolte contaminée, qu'il soit ou non possible de déterminer cette origine, les exploitants agricoles cultivant des variétés génétiquement modifiées sur le territoire français, les distributeurs leur fournissant les semences, les détenteurs de l'autorisation de mise sur le marché et du certificat d'obtention végétale et les importateurs d'organismes génétiquement modifiés sont solidairement responsables, de plein droit, des préjudices qui s'en suivent.
« Ils sont aussi responsables de plein droit des surcoûts résultant de l'obligation de protection contre les risques de contamination supportée par les filières conventionnelles et « sans OGM », de tout préjudice non intentionnel à l'environnement ou à la santé et de leur réparation.
« V. Ils doivent pour cela souscrire une garantie financière couvrant leur responsabilité au titre du IV. Il leur appartient de constituer par leurs propres moyens et autant que de besoin un fond leur permettant de réparer solidairement tous ces éventuels préjudices dans les mêmes conditions que prévu aux 2° et 3° du I et du II pour ce qui concerne les préjudices économiques et conformément à la loi pour ce qui concerne les atteintes à l'environnement ou à la santé. Il leur appartient ensuite d'amener eux-mêmes la preuve de la responsabilité directe d'un opérateur particulier s'ils veulent se retourner contre lui.
« VI. Le fait de ne pas souscrire une garantie financière et de ne pas contribuer au fonds d'indemnisation est puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
M. Paul Raoult. - C'est pratiquement le même amendement si ce n'est que nous sommes moins sévères : 15 000 euros d'amende contre 75 000.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable. Comment cela fonctionnerait-il ? L'extension de la responsabilité soulève des problèmes ainsi que celle, à l'infini, du préjudice.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Distributeurs, détenteurs de certificat d'obtention végétale ou d'autorisation de mise sur le marché et importateurs ne sont pas exonérés de responsabilité. Le projet Grenelle et la transposition de la directive Responsabilité environnementale nous permettront d'y revenir au printemps dans de meilleures conditions.
L'amendement n°121 n'est pas adopté.
M. Paul Raoult. - Pour l'épandage des boues, celui qui les fabrique engage sa responsabilité au même titre que celui qui les épand : l'agriculteur n'est pas seul responsable de la contamination. Le même raisonnement vaut pour les semences. (MM. Muller et Pastor approuvent) Il est bon que le distributeur sache où elles seront semées.
M. Jean-Marc Pastor. - Quand un distributeur vend des semences, il y a toujours un protocole de culture adossé : pourquoi n'aurait-il pas une part de responsabilité ?
L'amendement n°203 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°122, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 663-11 du code rural, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Tout acte de vente ou de location de terrain doit obligatoirement être accompagné d'une information écrite relative à la culture ou non d'organismes génétiquement modifiés dans les vingt-cinq dernières années, et relative à l'événement transgénique cultivé. »
M. Jacques Muller. - Nous recherchons la transparence. L'introduction d'un OGM est un événement génétique.
Il peut provoquer des modifications substantielles des sols, et notamment de la microfaune. Il faut donc prévoir que, lors d'un échange, les cultures pratiquées sur les terres agricoles doivent faire l'objet d'une information obligatoire.
M. le président. - Amendement n°206, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
I - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 663-12. - Tout acte de vente ou de location de terrain doit obligatoirement être accompagné d'une information écrite relative à la culture ou non d'organismes génétiquement modifiés dans les 25 dernières années, et relative à l'évènement transgénique cultivé. »
II - En conséquence, dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
et L. 663-11
par les mots :
, L. 663-11 et L. 663-12
M. Paul Raoult. - C'est le même amendement : celui qui récupère une terre doit savoir quelles sont les méthodes de culture qui y ont été précédemment utilisées.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Défavorable : ces deux amendements ne sont pas justifiés. Par ailleurs, pourquoi prévoir une durée de vingt-cinq ans alors que trois années suffisent pour une reconversion à l'agriculture biologique ? Ce n'est pas logique à une époque où l'on s'efforce de réduire les contraintes administratives pour répondre à une demande lancinante des agriculteurs. Enfin, cet amendement semble ressortir d'une logique résolument hostile à la culture des OGM.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - En tant qu'élue, je mesure combien il existe un défaut général d'information lors des ventes de terrain. Toutefois, ajouter de nouvelles contraintes pèserait lourdement sur l'opération de cession, déjà alourdie par les diagnostics qui doivent être annexés à l'acte de vente. On m'a longtemps opposé cet argument lorsque je défendais des amendements analogues relatifs aux pollutions industrielles. Nous nous en sommes finalement sortis en facilitant l'accès à l'information avec la constitution d'un registre accessible à tous. Une solution analogue pourrait être trouvée pour les cultures d'OGM. Par conséquent, avis défavorable.
M. Jean-Marc Pastor. - Tout était parfait, sauf la fin !
M. Jacques Muller. - Madame le ministre, n'est-ce pas inverser la charge de la preuve que de demander aux producteurs conventionnels et biologiques de s'informer ? Ce sont les producteurs d'OGM qui créent un événement nouveau, à eux d'assumer leurs responsabilités.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Créons un registre sur internet. Puisqu'il y a accord sur la nécessité de la transparence, il suffit de conserver la mémoire des déclarations des années passées.
L'amendement n°122 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°206.
L'article 5, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°71, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ne constitue pas une contrefaçon la reproduction par un agriculteur de semences de ferme pour les besoins de son exploitation agricole, et ce, quelle que soit l'origine de ces semences. »
M. Gérard Le Cam. - Lors des débats sur le texte relatif à la lutte contre la contrefaçon, nous avions défendu un amendement afin d'exclure les semences de ferme du champ de la propriété intellectuelle et, partant, de protéger les agriculteurs d'éventuelles sanctions financières et pénales pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement. Le Gouvernement, représenté par M. Novelli, avait alors considéré que le projet de loi débattu n'était pas le bon véhicule législatif pour cette proposition dont il ne contestait pas, par ailleurs, le bien-fondé. Ce texte sur les OGM, parce qu'il touche à la brevetabilité du vivant, constitue le cadre idéal pour revenir sur cette question. Laquelle doit être réglée sans attendre l'adoption de la proposition de loi relative aux obtentions végétales, conforme à la convention internationale applicable. Il est d'autant plus urgent de sécuriser les semences de ferme que celles-ci permettent d'assurer notre indépendance alimentaire. 300 000 agriculteurs y recourent, ce qui génère 60 millions d'économies pour la ferme France. Elles représentaient 46 % du blé tendre de 2002 à 2005, proportion qui va jusqu'à 73 % dans la Beauce en 2002, sans parler d'autres plantes. En 2007, les distributeurs de blé n'ont pas assuré les livraisons de semences qu'ils avaient vendues, situation qui pourrait bientôt se reproduire pour les orges de printemps dans le nord de la France. En outre, la tendance est à la production de variétés hybrides verrouillées, notamment pour le maïs et le colza. Parce qu'il est dangereux d'assimiler la propriété du vivant à la propriété intellectuelle, parce que les semences de ferme ont montré leur importance, nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Avis défavorable : la France a souscrit des engagements internationaux auxquels elle ne peut se soustraire. Au reste, il est paradoxal de présenter les OGM comme des innovations dangereuses et de réclamer pour les agriculteurs le droit de les utiliser...
MM. Paul Raoult et Gérard Le Cam. - Allons ! Allons !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Le Sénat s'est déjà prononcé sur les semences de ferme en adoptant la proposition de loi relative aux obtentions végétales, sur laquelle l'Assemblée nationale ne s'est pas encore prononcée. Pour être clair, chaque agriculteur a le droit d'utiliser sur sa propre exploitation des semences de ferme qu'il peut avoir héritées de son grand-père -d'où le nom de « semences de grand-père ». Seul problème : ces semences perdent de leur pouvoir germinatif après trois ans. Face à cette situation, deux solutions s'offrent à l'agriculteur : faire un échange avec un voisin -ce qui devient un acte commercial- ou racheter des semences. Entre-temps, le semencier aura mis au point de nouvelles variétés, plus longues et plus performantes, ce qui justifie l'imposition d'une taxe pour alimenter la recherche. La Grande-Bretagne, qui compte parmi les pays ultralibéraux, a étouffé sa recherche en n'instituant pas de taxe. Pour autant, la durée d'un brevet est de vingt ans, dont dix ans de recherche en laboratoire, puis dix ans d'exploitation, avant que l'innovation ne tombe dans le domaine public. Monsieur Le Cam, vous avez donc satisfaction.
Enfin, vous avez fait allusion aux semences hybrides : leur faible capacité de reproduction est la contrepartie de leurs gains en productivité et en résistance. Espérons que j'aurai clarifié les débats sur cette question !
M. Georges Gruillot. - Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cet amendement est intéressant, mais ne porte pas sur les OGM. Nous reviendrons sur les semences de ferme à l'occasion de la proposition de loi relative aux obtentions végétales. Le Gouvernement s'était engagé en ce sens lors des débats sur le projet de loi relatif à la lutte contre la contrefaçon.
L'amendement n°71 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°123, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 411-29 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le preneur envisage d'implanter une culture à base de plantes génétiquement modifiées, il doit avoir obtenu l'autorisation du bailleur qu'il aura avisé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, deux mois avant la plantation. L'autorisation du bailleur est donnée par écrit. Le défaut d'autorisation interdit au preneur d'y procéder, sous peine de résiliation sans que le bailleur n'ait à rapporter la preuve de la dégradation du fonds. »
M. Jacques Muller. - Cet amendement est proche de l'amendement n°122 : les propriétaires des sols ont le droit de savoir si on a pratiqué la culture des OGM sur leurs biens.
Mon amendement répond aux inquiétudes légitimes des propriétaires ; on ne connaît pas aujourd'hui les conséquences des cultures d'OGM sur la qualité du sol et l'évolution de la microfaune.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Défavorable. La culture d'OGM ne peut être assimilée à une dégradation du fonds.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Cet amendement créerait un précédent dans le régime des baux ruraux. N'oublions pas qu'il s'agit de la culture d'une plante dont la mise sur le marché a été autorisée. J'ajoute que la publicité sera totale sur les parcelles cultivées en OGM, grâce au registre.
M. Paul Raoult. - Dans le bocage, le preneur doit demander l'autorisation du bailleur s'il veut supprimer une haie. La même autorisation devrait être demandée en l'espèce, dès lors que la culture d'OGM peut altérer la biodiversité ou la qualité des sols.
M. Jacques Muller. - Je n'ai pas dit que les OGM étaient dangereux, seulement qu'on ne savait pas ce qu'il en était. Les conséquences des recombinaisons génétiques sont aujourd'hui inconnues. Il est important que les propriétaires soient informés sans devoir accomplir de démarche particulière ; tout le monde n'a pas accès à Internet.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Je reconnais que l'exemple de la suppression des haies est pertinent. Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse, en souhaitant que la question soit approfondie d'ici la deuxième lecture.
L'amendement n°123 n'est pas adopté.
Article 6
I. - L'article L. 251-1 du code rural est ainsi modifié :
1° Le II est remplacé par les dispositions suivantes :
« II. - Le détenteur de l'autorisation visée à l'article L. 533-3 ou l'exploitant mettant en culture des organismes génétiquement modifiés ayant fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché doit déclarer auprès de l'autorité administrative les lieux où sont pratiquées ces cultures. Un décret précise les informations qui doivent être communiquées à cette autorité, notamment en ce qui concerne les parcelles cultivées, les dates d'ensemencement et la nature de l'organisme.
« L'autorité administrative établit un registre national indiquant la nature et la localisation à l'échelle parcellaire des cultures d'organismes génétiquement modifiés. Ce registre est rendu public. » ;
2° Le premier alinéa du V est remplacé par les dispositions suivantes :
« Dans l'intérêt de l'environnement et de la santé publique, l'autorité administrative peut, par arrêté, prendre toutes mesures destinées à collecter les données et informations relatives à la mise sur le marché, la délivrance et l'utilisation des produits mentionnés au I, afin d'en assurer le traitement et la diffusion. »
3° Au VI, les mots : « du comité de biovigilance » sont remplacés par les mots : « de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés ».
II. - À l'article L. 251-21 du code rural, les mots : « en application du V » sont remplacés par les mots : « en application du II et du V ».
Mme Marie-Christine Blandin. - Ce chapitre est joliment intitulé « Transparence ». Le degré de passage de la lumière peut être diversement qualifié, de l'opacité à la limpidité. Hier, M. Le Cam a obtenu une réponse translucide sur la clause de sauvegarde ; des informations récentes et autorisées remettent en cause notre optimisme naissant. Que la réponse du Gouvernement soit aujourd'hui limpide !
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. le président. - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Bizet au nom de la commission.
Remplacer le deuxième alinéa (1°) du I de cet article par six alinéas ainsi rédigés :
1° Le I et le II sont remplacés par les dispositions suivantes :
« I. - La surveillance biologique du territoire a pour objet de s'assurer de l'état sanitaire et phytosanitaire des végétaux et des effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l'environnement. Les résultats de cette surveillance font l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat.
« Il est créé un comité de surveillance biologique du territoire. Ce comité est consulté sur les protocoles et méthodologies d'observations nécessaires à la mise en oeuvre de la surveillance biologique du territoire et sur les résultats de cette surveillance.
« Il formule des recommandations sur les orientations à donner à la surveillance biologique du territoire et alerte l'autorité administrative lorsqu'il considère que certains effets non intentionnels nécessitent des mesures de gestion particulières.
« Il est consulté sur le rapport annuel mentionné au premier alinéa.
« Un décret précise la composition, les missions et attributions ainsi que les règles de fonctionnement de ce comité.
M. Jean Bizet, rapporteur. - Nous souhaitons le maintien du comité de biovigilance, tout en distinguant mieux ses missions de surveillance en aval de celles, en amont, d'évaluation des risques qui relèvent du Haut conseil des biotechnologies ; nous élargissons en outre ses compétences pour en faire un comité d'appui scientifique et technique à la mise en place de dispositifs performants de détection des effets adverses sur l'environnement de telle ou telle pratique, y compris la culture des OGM. Cet amendement est dans le droit fil des recommandations du Grenelle de l'environnement.
M. le président. - Amendement n°207, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le II de l'article L. 251-1 du code rural, après les mots :
doit déclarer
insérer les mots :
avant leur implantation
M. Jean-Marc Pastor. - Si on veut vraiment la transparence, il faut décliner l'information nationale au niveau de chaque mairie, qui est le service public aujourd'hui le plus proche des citoyens ; ce sera le sens de l'amendement n°209.
S'agissant de l'amendement n°207, l'information n'a de sens que si la déclaration est préalable à l'implantation des cultures. Les agriculteurs doivent déjà faire celle de leurs assolements aux DDA, déclaration que les aléas climatiques peuvent les amener à modifier. L'amendement ne présente aucune difficulté.
M. le président. - Amendement n°51 rectifié bis, présenté par M. Soulage et les membres du groupe UC-UDF.
Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le II de l'article L. 251-1 du code rural, insérer une phrase ainsi rédigée :
Il doit également informer, préalablement aux semis, les exploitants des parcelles entourant les cultures d'organismes génétiquement modifiés.
M. Daniel Soulage. - Cet amendement de bon sens limite les risques de contamination et préserve le nécessaire dialogue et la confiance entre agriculteurs voisins, gages d'une coexistence apaisée des cultures.
M. Jean Bizet, rapporteur. - L'amendement n°207 est trop bureaucratique : il entrainerait la constitution de deux registres ; je préfère l'amendement n°51 rectifié bis, qui le satisfait. Mais les débats en commission m'amènent à solliciter l'avis du Gouvernement. Les agriculteurs ne cessent de réclamer des simplifications administratives : pourquoi ne pas profiter de la déclaration PAC, qui doit être faite avant le 15 mai, dans laquelle sont mentionnées les cultures par parcelle ?
L'amendement 51 rectifié bis rend obligatoire une pratique de bon sens ; il est vrai qu'on se parle plus facilement au sud qu'au nord de la Loire. (Sourires et protestations amusées de M. Paul Raoult et de M. le ministre d'État)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Avis favorable à l'amendement n°26 rectifié.
L'idée de s'appuyer sur la déclaration PAC est intéressante, étant entendu que les modalités de la déclaration sont d'ordre règlementaire ; mais les cultures d'OGM n'ont pas toutes le même calendrier. L'avis du Haut conseil des biotechnologies sera utile. Il faut simplifier, certes, mais après avoir approfondi la question. Avis défavorable à l'amendement n°207 et favorable à l'amendement n°51 rectifié bis, parce que la demande d'information préalable est légitime.
L'amendement n°26 rectifié est adopté.
M. Jean-Marc Pastor. - Vous proposez que la déclaration se fasse avant le 15 mai. Mais certaines variétés de maïs se sèment dès les premiers jours de mai. Et qui nous dit que demain, les OGM ne concerneront pas les orges, les luzernes, les céréales ? Évitons donc d'inscrire dans la loi de telles précisions de date.
Si la déclinaison du registre national est possible par commune, il serait bon qu'elle existât : c'est au plus près du citoyen que l'on assurera la transparence de l'information.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - Les arguments de M. Pastor me séduisent. Les questions de date peuvent en effet être réglées par décret.
M. Jean Bizet, rapporteur. - La loi nous oblige à tenir un registre national. Ne compliquons pas les choses en obligeant les agriculteurs à alimenter un double registre, l'un d'intention, l'autre de déclaration.
M. Dominique Braye. - Ils croulent déjà sous les obligations !
M. Jean Bizet, rapporteur. - C'est pourquoi je proposais d'intégrer les déclarations à celles qui sont faites pour la PAC. Le 15 mai n'est qu'une date limite, mais les agriculteurs savent bien qu'il est préférable, pour éviter les mauvaises surprises, de la devancer.
M. Jean-Marc Pastor. - Il n'est pas question, dans notre amendement, de double registre. Nous demandons seulement, comme cela est logique, que la déclaration ait lieu avant l'implantation. Or, fixer une date au 15 mai serait méconnaître tous les semis plus précoces.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. - On doit pouvoir concilier les positions. Restons bien sur un seul registre, celui de la PAC, en précisant que les agriculteurs qui veulent cultiver des OGM doivent anticiper leur déclaration. Cette solution ne vous semble-t-elle pas acceptable ? (M. Pastor acquiesce)
M. Jean Bizet, rapporteur. - Le souci de ne pas charger davantage les agriculteurs nous guide.
M. Dominique Braye. - Ils en ont assez !
M. Jean Bizet, rapporteur. - Si M. Pastor ne retire pas son amendement, repoussons-le, et nous aviserons en deuxième lecture.
Mme Marie-Christine Blandin. - Notre soutien est décuplé par la proposition simplificatrice de Mme la ministre : un seul registre suffit, dès lors qu'il est alimenté par une déclaration précédant l'implantation des cultures.
M. Paul Raoult. - Il n'y a là aucune surcharge administrative : ceux qui bénéficient de la PAC doivent en tout état de cause faire une déclaration.
L'amendement n°207 n'est pas adopté.
M. Gérard Le Cam. - L'amendement n°51 rectifié bis de M. Soulage est plein de bon sens paysan. Mais je ne voudrais pas que demain, en cas de contentieux, la justice en tire argument pour dire à un plaignant dont les cultures ont été contaminées qu'il a semé à proximité de plants d'OGM en connaissance de cause.
L'amendement n°51 rectifié bis est adopté.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. - Permettez-moi d'apporter à Mme Blandin une réponse sur la clause de sauvegarde. Le texte, dans la rédaction que nous avons mis au point cet après-midi avec le ministre de l'agriculture, sera notifié à la Commission européenne dès demain et publié au Journal officiel à la date limite du 9 février. La clause de sauvegarde entrera donc en application, dès lors que nous avons procédé au débat préalable.
Mme Marie-Christine Blandin. - C'est limpide.
La séance, suspendue à 19 h 25, reprend à 21 h 30.
présidence de M. Philippe Richert,vice-président