Personnels enseignants de médecine générale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux personnels enseignants de médecine générale.
Discussion générale
M. Francis Giraud, auteur de la proposition de loi. - La proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter s'inscrit dans la continuité de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 et, plus précisément, de son article 60 portant réforme du troisième cycle des études médicales, qui a érigé la médecine générale au rang de spécialité médicale.
Afin de la revaloriser et d'améliorer la formation, la médecine générale est depuis lors considérée comme une spécialité à part entière et une discipline universitaire, à laquelle on accède via l'internat, ce qui a mis fin au régime du résidanat. Cette disposition trouve sans doute son origine dans le rapport des professeurs Jean-François Mattei et Jean-Claude Etienne, alors députés, qui recommandaient, dès 1997, la création d'une filière de médecine générale à l'internat. Il s'agissait de donner à l'ensemble des médecins la meilleure formation possible, de mettre fin à la marginalisation des médecins généralistes, trop souvent sélectionnés par l'échec, et de les hisser au rang de leurs collègues spécialistes. Le système antérieur entraînait, de fait, une dévalorisation de la médecine générale. Dans l'esprit de l'opinion publique, il entretenait l'amalgame entre compétence, voire qualité professionnelle, et exercice d'une spécialité, d'où une sorte de discrimination pernicieuse au sein du corps médical. Celle-ci, toutefois, demeure de nos jours : les actes techniques, voire les machines, sont mieux rémunérés que la réflexion et l'examen clinique. Enfin, il convient de rendre à la médecine générale toute son attractivité dans une démographie médicale préoccupante, notamment chez les omnipraticiens dont la population pourrait décliner de près de 15 % dans les vingt prochaines années.
Désormais, tous les étudiants en troisième cycle d'études médicales doivent se présenter à l'internat, devenu un examen national classant dont il y aurait, d'ailleurs, beaucoup à dire. Les premières épreuves d'internat organisées selon les nouvelles modalités ont eu lieu en 2004. La médecine générale est dorénavant soumise au même régime que les autres spécialités et la durée de la formation a été portée de deux ans et demi à trois ans. L'enjeu de cette réforme est d'importance, car la médecine générale est la discipline qui accueille le plus grand nombre d'étudiants. Pour la seule année 2007, 2 600 d'entre eux ont été diplômés au terme d'une formation de trois ans comprenant des cours théoriques, des enseignements dirigés et des stages en médecine ambulatoire. Il convient de former et d'offrir le meilleur encadrement possible à ces milliers d'étudiants, futurs médecins. Aussi, ériger la médecine générale au rang de spécialité n'est qu'une première étape dans la perspective de la création d'une véritable filière de formation universitaire.
Se fondant sur les dispositions de la loi de modernisation sociale, le Gouvernement a décidé, en 2004, d'organiser une formation spécifique d'interne en médecine générale au sein des universités. Cette formation est sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées délivré au nom de l'État. Mais qui dit formation dit formateurs. Or les dispositions législatives et réglementaires actuelles ne permettent pas aux universités de recruter des enseignants titulaires pour assurer ces missions. En effet, les enseignants de médecine générale ne relèvent pas du statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires défini par le décret du 24 février 1984, dans la mesure où ils n'exercent pas leur activité de soins à l'hôpital.
Cette situation ne garantit pas un recrutement de qualité et risque de compromettre la validité des diplômes délivrés, puisque ceux-ci doivent être avalisés par des enseignants titulaires.
Il convenait donc d'agir. Dès votre prise de fonction, madame la ministre, vous avez décidé la création de vingt emplois pour le recrutement de chefs de clinique et huit emplois de maîtres de conférence, montrant ainsi votre intérêt pour la constitution d'une véritable filière universitaire de médecine générale. Ces créations de postes demeurent néanmoins subordonnées à l'institution d'un nouveau corps, celui de personnel enseignant de médecine générale.
C'est l'objet de cette proposition de loi. Les personnels concernés exerceraient leur activité d'enseignement et de recherche au sein de l'hôpital universitaire, mais pratiqueraient leur activité de soins à l'extérieur, au sein de cabinets médicaux. Le texte de la proposition de loi fixe les principes et renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de définir le statut ainsi que les conditions de recrutement et d'exercice de ces personnels. Il prévoit aussi qu'un décret déterminera les conditions dans lesquelles les enseignants de médecine générale actuellement en exercice pourront être recrutés ou demander à être intégrés dans le nouveau corps.
Ce texte très attendu par la communauté médicale répond à un enjeu majeur, en ce qu'il permettra une harmonisation des études médicales, mettra un terme à la suprématie trop souvent constatée de la technique sur la clinique, encouragera la recherche médicale et in fine améliorera la qualité des soins. La médecine générale, pivot de notre système de santé, est centrée sur le malade avant de l'être sur une affection ou un organe ; elle est fondée sur une relation durable entre le patient et son médecin et les professionnels qui la pratiquent sont des spécialistes de premier recours qui coordonnent leur activité avec les autres professionnels de santé. Ils participent grandement à une démarche de santé publique.
Grâce à la loi « libertés et responsabilités des universités », les UFR de santé vont concourir davantage aux orientations stratégiques universitaires. Avec cette proposition de loi, la médecine générale trouvera la place qu'elle mérite au sein de l'université. (M. Vasselle approuve) Après quarante ans de vie professionnelle à l'hôpital et à l'université, je veux exprimer ma joie et ma fierté d'avoir participé à un processus que je crois bénéfique pour notre pays. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission des affaires culturelles. - Je me réjouis que la commission des affaires culturelles, en charge de l'enseignement, ait été saisie d'un texte qui marque une étape essentielle de la réforme des études en médecine générale.
M. Alain Vasselle. - Celle des affaires sociales est frustrée !
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - L'article 60 de la loi de modernisation sociale a réformé le troisième cycle des études médicales -M. Legendre avait alors rapporté pour avis au nom de notre commission. Les études de médecine générale sont, depuis, sanctionnées par un diplôme spécialisé, au même titre que les autres spécialités de l'internat. Cette reconnaissance imposait la création d'une filière universitaire complète et spécifique, que l'arrêté du 25 octobre 2006 a esquissée en créant une sous-section de la médecine interne au sein du CNU.
Mais aucun généraliste enseignant ne peut aujourd'hui être titularisé. La médecine générale est considérée comme peu attractive et est souvent choisie par défaut, au dernier rang des choix des étudiants avec la médecine du travail. Cette situation pose un problème crucial à notre système de santé, comme l'a souligné Pierre-Jean Lancry, directeur de la Santé à la Caisse centrale de mutualité sociale dans son rapport de février dernier. En 2006, 1 637 postes seulement sur les 2 350 proposés ont été pourvus dans cette spécialité. Si la moitié des étudiants l'ont choisie, c'est seulement après avoir échoué à une autre. Au total, ce sont 8 000 étudiants qu'il faudra former dans les trois ans à venir.
Après avoir verrouillé le numerus clausus, au motif que la diminution de l'offre ferait régresser la demande, il nous faut aujourd?hui former dans l'urgence de jeunes médecins généralistes pour remplacer les baby boomers qui vont partir à la retraite, tout en prenant en compte les aspirations des nouvelles générations et la demande de soins des populations.
C'est dire que la proposition de loi arrive à point nommé. Je salue l'initiative de M. Francis Giraud, qui permettra la création d'un nouveau corps de personnels enseignants en médecine générale. Selon les recommandations des inspections générales, leur statut s'appuierait sur le triptyque enseignement-recherche-soins et tiendrait compte des spécificités de la médecine générale : l'activité de soins se déroulera en médecine ambulatoire. Par essence, le médecin généraliste prend en charge le patient de façon continue dans le cadre de sa vie ordinaire, à la différence de l'hôpital qui intervient dans la phase aiguë de l'infection. Il soigne dans les premières phases de la maladie et a un rôle majeur de prévention. Les personnels enseignants concernés pourront donc exercer leur activité de soins en ambulatoire, qu'ils soient libéraux ou salariés.
La commission n'a apporté à la proposition de loi que des modifications rédactionnelles ; elle a préféré se référer aux « personnels enseignants non titulaires » plutôt qu'aux « personnels temporaires », conformément au statut de la fonction publique ; elle a retenu la notion « d'activité de soins en médecine générale » plutôt que celle de « soins primaires » ; elle a complété l'article L 952-3 du code de l'éducation pour viser le nouveau corps. Un décret en Conseil d'État précisera les modalités d'application du texte. L'un des points délicats sera l'encadrement quantitatif de l'activité de soins, qui pourrait aller, selon les personnes que j'ai auditionnées, d'un jour par semaine à la moitié de celle-ci. La formation devra en tout cas être suffisante et effective.
La rémunération devra compenser la réduction d'activité professionnelle qu'entraînera l'exercice des fonctions d'enseignement et de recherche. La solution la plus simple et la plus équitable pourrait passer par une convention avec l'Union régionale des caisses d'assurance maladie, afin que les médecins concernés perçoivent la rémunération afférente sous forme de traitements. Il s'agirait, dans un premier temps, d'expérimenter un nouveau mode de rémunération.
J'attire en outre votre attention, madame la ministre, sur la nécessité de ne pas imposer aux futurs enseignants-chercheurs en médecine générale des conditions plus strictes d'accès au nouveau statut que celles demandées pour les autres spécialités. Je souhaite aussi qu'en coordination avec la ministre chargée de la santé vous rassuriez les médecins concernés sur les modalités de leur éventuelle intégration dans les nouveaux corps. Le décret devra prévoir une période transitoire suffisamment longue, par exemple de quatre ans, pour permettre, le cas échéant, cette intégration et assurer la montée en charge du dispositif, tout en tenant compte de la pyramide des âges.
Au total, je forme le voeu que ces dispositions améliorent l'enseignement et qu'elles apportent un nouveau souffle à la recherche clinique en médecine ambulatoire.
À cet égard, nous souhaitons qu'une période transitoire suffisamment longue laisse au dispositif le temps de monter en charge.
J'espère que ces dispositions donneront un nouveau souffle à la recherche clinique en médecine ambulatoire. Le pacte et la loi de programme pour la recherche de 2006 doivent y contribuer. Je souhaite également que cette réforme renforce l'attractivité de ce mode essentiel d'exercice de la médecine.
La formation devrait être évoquée en janvier à l'occasion des états généraux de la santé. À propos des futurs médecins généralistes, nous souhaitons que les autres recommandations des inspections générales soient prises en compte, notamment en ce qui concerne la situation des maîtres de stage.
Telles sont les commentaires dont je souhaitais assortir la présentation du texte adopté par la commission. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - (Applaudissements à droite et au centre) Je reviens avec plaisir devant vous moins d'une semaine après avoir présenté le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce plaisir est d'autant plus grand que je défends une initiative du Sénat inscrite par votre assemblée à son ordre du jour.
M. Jacques Valade, président de la commission. - Très bien.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Je tiens donc à saluer M. Francis Giraud et ses collègues qui ont déposé cette proposition de loi, laquelle vient à point nommé consacrer la reconnaissance des études de médecine générale, auxquelles vous me savez très attachée.
En effet, cette initiative parachève un cycle de réformes entamé depuis longtemps, dont il n'est pas inutile de rappeler les étapes. À l'initiative du professeur Robert Debré, la France a créé en 1958 les centres hospitaliers universitaires, les CHU avec un corps de fonctionnaires qui leur était attaché : celui des enseignants hospitaliers. Associant enseignement, recherche et soins, cette réforme a fait progresser la recherche médicale et permis de former des praticiens de grande qualité.
Toutefois, la médecine générale était restée à l'écart de cette organisation : les futurs médecins généralistes n'ont eu longtemps qu'un accès limité à la recherche, avec de brefs stages dans des services trop rarement formateurs. En 1982, une première réforme a mis en place une formation pratique hospitalière, une formation théorique de troisième cycle et une spécialisation en médecine générale avec le résidanat. Néanmoins, votre commission a noté à juste titre que « les insuffisances de notre système de formation médicale devenaient de plus en plus criantes : sélection par l'échec à l'entrée des études, enseignement inadapté, non prise en compte des technologies nouvelles, dévalorisation de la médecine générale, incompatibilité avec les normes européennes ».
C'est ainsi qu'apparut la nécessité d'une véritable filière de médecine générale au concours de l'internat, avec une formation spécifique de qualité. Le rapport élaboré en 1996 par MM. Jean-François Mattei et Jean-Claude Étienne marque la première étape de cette prise de conscience. Au terme d'un long processus, leurs recommandations en faveur d'une filière de médecine générale à l'internat sont à l'origine du texte examiné aujourd'hui. Ainsi, un arrêté a réorganisé en 2000 le deuxième cycle des études médicales, avant que la loi de modernisation sociale ne réforme en 2002 le troisième cycle de ces études.
Désormais, tous les étudiants en médecine doivent se présenter à l'internat et choisir une discipline en fonction du classement. Ainsi, la médecine générale est une discipline universitaire, sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées, au même titre que les autres spécialités de l'internat. On pourrait croire la réforme achevée, mais elle est restée au milieu du gué, car il faut donner corps à des dispositions restées à l'état de coquilles vides faute de moyens. Colloques et rapports issus d'horizons très divers se sont accordés pour transformer le troisième cycle des études de médecine générale en formation « à et par la recherche », comme tous les troisièmes cycles.
Vous savez que l'enjeu est de taille : la demande croissante de soins, qui traduit l'allongement de l'espérance de vie et les progrès des thérapies, impose de renforcer l'attractivité de la médecine générale, qui attire déjà la moitié des étudiants en médecine, soit plus de deux mille par an. Pour toute cette jeunesse, animée d'une vocation sincère, il doit s'agir d'un choix voulu et assumé, fondé sur les compétences et les appétences de chacun.
Cela exige que les étudiants trouvent dans ces filières une formation de même qualité que ceux poursuivant dans d'autres voies. C'est pourquoi j'ai créé dès mon arrivée au ministère vingt postes de chefs de clinique de médecine générale, puis huit emplois de maître de conférences associés, enfin vingt autres emplois de médecine générale, soit les quarante-huit postes souhaités par la communauté médicale pour assurer une formation de qualité à nos futurs généralistes.
Toutefois, la traduction concrète de ces créations reste subordonnée à la mise en place d'un nouveau statut pour les enseignants en médecine générale, puisqu'ils exercent leur activité de soins en ville et non à l'hôpital. Tel est l'objet de la proposition de loi examinée aujourd'hui, qui répond à l'urgente nécessité d'offrir aux six mille étudiants poursuivant une formation de médecine générale l'encadrement de qualité conforme à nos ambitions.
Le statut proposé reprend ce qui fait la force de celui des enseignants hospitaliers -une triple mission d'enseignement, de recherche et de soins- avec les adaptations liées à l'exercice professionnel hors de l'hôpital. En résumé, la médecine générale profitera d'une organisation qui a fait ses preuves afin que les étudiants enrichissent leur formation des dernières avancées de la recherche, elle-même nourrie du contact quotidien avec les malades. Nos concitoyens pourront donc bénéficier au plus vite des derniers progrès de la connaissance grâce au continuum établi entre l'enseignement, la recherche et la valorisation de celle-ci, conformément à l'esprit du pacte pour la recherche -avec notamment, les centres thématiques de recherche et de soin (CTRS)- et de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
L'intégration accrue des formations médicales dans les universités, votée cet été, doit permettre aux unités de formation et de recherche (UFR) médicales de se fondre dans la stratégie globale de l'établissement pour mieux tirer profit des avancées scientifiques réalisées dans d'autres disciplines. Décloisonner les savoirs pour enrichir la connaissance : la proposition de loi de M. Francis Giraud apporte une pierre à cet édifice dont la construction nous rassemble.
Pour l'essentiel, il vous est proposé d'énoncer des principes en laissant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les modalités d'application. Dès que la proposition de loi a été inscrite dans le calendrier de vos travaux, mes services ont élaboré un avant-projet de décret, qui a été communiqué à votre rapporteur. Ne préjugeant en rien du vote du Parlement, cette méthode peut améliorer le travail législatif, puisque la représentation nationale travaille en toute connaissance de cause. En outre, la loi votée pourra s'appliquer dans les meilleurs délais.
Cette méthode sera reprise pour le projet de loi relatif aux opérations spatiales, prochainement soumis à votre assemblée.
M. Jacques Valade, président de la commission. - Très bien.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - En réponse à l'interrogation de votre rapporteur, je précise que la réduction des activités professionnelles induite par les fonctions d'enseignement et de recherche de médecine générale sera rémunérée par le biais d'un conventionnement entre les UFR de médecine et la Caisse nationale d'assurance-maladie, afin de transformer en traitement le manque à gagner en honoraires.
Enfin, je rappelle que cette proposition de loi s'insère dans la politique plus globale que je mène pour la formation de nos futurs médecins.
Au coeur de cette action se trouvent bien sûr les étudiants et l'université. Ainsi, les disciplines médicales bénéficieront des dispositions que vous avez votées cet été pour donner des ambitions nouvelles à l'enseignement supérieur.
Je tiens également à préserver l'égalité républicaine. C'est pourquoi, ayant appris l'inquiétude suscitée par l'introduction d'une épreuve de lecture critique d'articles à l'examen classant national, et compte tenu de l'hétérogénéité des enseignements selon les universités, j'ai proposé avec succès de reporter ce dispositif à l'année 2008-2009. C'est pourquoi également j'ai réuni au ministère, le 1er octobre, les doyens des facultés de médecine et les présidents de leurs universités pour tirer les leçons des dysfonctionnements survenus lors du concours de première année de médecine à Lille. Extrêmement sélectives et exigeantes, les études médicales déterminent la vie de milliers d'étudiants animés par une vocation profonde et sincère. Elles doivent donc être irréprochables.
À chaque fois, mon action est fondée sur le dialogue et la concertation. Encore récemment j'ai demandé au professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, de formuler d'ici le mois de janvier des propositions en vue d'élargir les débouchés de la première année de médecine et de créer des passerelles pour éviter aux candidats recalés de se trouver dans l'impasse qui est la leur aujourd'hui.
La médecine et les sciences de la vie constituant mes priorités, je suis très favorable à cette initiative sénatoriale qui prolonge mon action politique au ministère. Je salue encore l'initiative de M. Francis Giraud et le travail de votre commission présidée par M. Jacques Valade, qui a enrichi le texte des précisions nécessaires. (Applaudissements à droite et au centre)
M. François Autain. - Cette proposition de loi qui était attendue depuis longtemps vient opportunément remédier à la carence des pouvoirs publics en la matière.
M. François Autain. - Qui peut comprendre pourquoi ni le gouvernement précédent ni celui-ci n'ont prévu, pour une filière créée il y a cinq ans, le cadre réglementaire sans lequel la nomination des chefs de clinique en médecine générale n'est pas possible ? Je me réjouis donc que le Sénat soit venu, madame la ministre, à votre rescousse et j'espère que le texte sera rapidement inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avec votre soutien actif.
La proposition de loi est simple, voire lapidaire, car, je le regrette, elle renvoie les modalités d'application à un décret en Conseil d'État. Vous venez de nous éclairer un peu à cet égard mais il me serait agréable de savoir combien de postes seront créés et à quelle cadence et quelles seront les conditions de recrutement et d'intégration des enseignants associés actuels. Comment seront-ils rémunérés et pourront-ils se consacrer à la recherche ? Il serait utile que vous présentiez ce projet de décret, puis que vous fassiez davantage diligence que le gouvernement précédent.
Nous avons débattu de la démographie médicale à propos du projet de loi de financement de la sécurité sociale et je regrette que la commission des affaires sociales n'ait pas été associée plus étroitement à l'élaboration du texte, même si plusieurs de ses signataires, dont le premier, le professeur Francis Giraud, en sont membres. Personne, en effet, ne conteste le risque de pénurie médicale, même si l'on peut discuter des chiffres prospectifs du rapporteur. Pour que la baisse des effectifs se chiffre à 13 % d'ici 2025, il faudrait que la totalité des étudiants inscrits se destinent à devenir omnipraticiens. Je crains que la réalité ne soit différente car seulement 30 % d'une cohorte exercera la médecine générale, les 70 % restants souhaitant valider un diplôme d'études spécialisées, de la gériatrie aux urgences, ou comptant enrichir leur curriculum par un cycle relativement court afin de travailler dans la presse médicale ou encore à l'assurance-maladie. Il faut vraiment considérer qu'au bout des dix ans, seulement 20 à 40 % des inscrits exerceront la médecine générale, soit entre quatre cents et huit cents étudiants sur deux mille.
Ce constat est révélateur d'un malaise, voire d'un mal qui ronge la médecine générale. Comment faire en sorte que cette filière, cessant d'être choisie par défaut, attire enfin des étudiants ayant pour vocation d'exercer effectivement ? Aussi bien 3 072 postes n'ont-ils pas été pourvus en quatre ans. En n'ouvrant pas aux médecins généralistes les carrières d'enseignants concomitamment à l'ouverture de la filière, les pouvoirs publics ont pris une lourde responsabilité dans la dévalorisation de celle-ci : les médecins généralistes ne sont pas représentés dans les jurys de thèse !
La profession est méconnue. L'externat en cours de deuxième cycle n'a été inscrit au budget qu'en 2007, soit avec dix ans de retard et seulement à hauteur de 25 % des besoins. Les quelques expériences menées ont été financées par les universités elles-mêmes ou grâce à des reliquats de fonds. Rares sont donc les étudiants à l'avoir suivi chez un médecin généraliste, alors que la médecine générale s'appréhende hors de l'hôpital -une spécificité que la proposition prend en considération.
On dénombre actuellement cent vingts enseignants associés pour six mille étudiants en médecine générale alors que les autres filières comptent cinq mille deux cents professeurs pour le même nombre d'étudiants et que, dans certaines spécialités, il y a autant d'enseignants que d'étudiants. Ce saisissant contraste rend compte de la situation peu enviable de la médecine générale. J'espère donc que ce texte sera rapidement suivi d'effet. Comptez, madame la ministre, sur notre soutien. Nous observerons votre action et les moyens que vous consacrerez à donner à la médecine générale ses lettres de noblesse. (Applaudissements à gauche)
M. François Fortassin. - Je veux profiter de ce débat pour évoquer un problème qui m'est cher et qui nous concerne tous. Premièrement, nous constatons une pénurie médicale dans un certain nombre de zones rurales ou urbaines ; deuxièmement, nous sommes tous des malades en puissance...
M. Henri de Raincourt. - Et ça nous inquiète !
M. François Fortassin. - ... et quand l'on nous assure que nous serons bien soignés dans dix ans, nous aimerions raccourcir les délais... (Marques unanimes d'approbation)
La pénurie risque de se prolonger en raison de la durée des études médicales. Comment en sortir ? En recrutant des étudiants en médecine étrangers...
M. André Dulait. - Il faudra toujours dix ans !
M. François Fortassin. - Cependant, le pillage de pays en développement n'est pas très glorieux et l'on rencontre des difficultés à s'assurer de la validité des diplômes, sans quoi, sur treize mille cinq cents médecins étrangers, il n'y en aurait pas six mille dont le sérieux des diplômes n'aurait jamais pu être vérifié.
Je suggère d'autres pistes. La France a la réputation d'avoir des ingénieurs de très grande qualité, même si la moitié n'est pas passée par une école d'ingénieurs et a validé les acquis de l'expérience professionnelle. Les meilleurs professionnels paramédicaux, notamment les infirmiers, ayant une expérience de dix à douze ans, ne pourraient-ils devenir médecins à condition de suivre une formation de trois ans et de s'engager à exercer pendant six à huit ans dans une zone déficitaire ? Cette proposition, qui mettrait fin à la pénurie, devrait trouver un accueil favorable puisque le candidat Sarkozy avait jugé important que les infirmiers puissent devenir médecins généralistes.
Il nous faut affirmer les uns et les autres que la médecine doit être libérale dans sa pratique mais encadrée par les pouvoirs publics dans son organisation.
M. Gérard Delfau. - Très bien !
M. François Fortassin. - Il est choquant que, dans un canton de quinze mille habitants, les douze médecins refusent de prendre leur tour de garde et que le préfet ait à les réquisitionner -et uniquement durant les épidémies de grippe-, ou que des praticiens refusent de soigner les malades bénéficiaires de la CMU !
J'attends des sanctions contre ces refus de soins ! En attendant, je souscris très volontiers à cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre Bordier. - Ce texte répond à une demande pressante des professionnels de santé et des étudiants en médecine générale, pivot de notre système de santé.
Plusieurs étapes ont été nécessaires pour que la médecine générale occupe une place institutionnelle dans les facultés de médecine. La réforme des études médicales de 1982 a lancé une spécialisation de médecine générale avec un stage de sensibilisation de vingt demi-journées à la pratique au cabinet qui entraîna un premier recrutement de maîtres de stage. En 1997, le stage hospitalier passait à cinq semestres et la médecine générale prit véritablement pied à l'université. Les recrutements de médecins généralistes comme enseignants associés se développèrent. Enfin, en 2002, la médecine générale devint une spécialité, sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées, lui-même mis en place en 2004.
L'aboutissement de cette évolution est très logiquement la création d'une filière universitaire de médecine générale, avec des corps de personnels enseignants en médecine générale. Cette question des personnels enseignants a fait l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche, présenté en février dernier. Les deux inspections ont relevé que les différents statuts existants, de type « hospitalo-universitaire », sont inadaptés aux spécificités de la médecine générale. En effet, la médecine générale n'est pas une spécialité hospitalière, elle ne s'exerce pas dans les hôpitaux et ne porte pas sur les mêmes soins. Aussi le rapport a-t-il préconisé un statut spécifique de type « universitaire » pour les enseignants.
Cette proposition de loi s'en inspire et relie étroitement l'enseignement, la recherche et les soins, car la légitimité à intervenir au plan pédagogique s'appuie sur la pratique professionnelle. Un décret devrait fixer la durée nécessaire d'activité de soins, ainsi que le statut des personnels enseignants, les conditions de leur recrutement et d'évolution de leurs fonctions. Nous vous faisons toute confiance, madame le ministre, pour faire diligence dans la publication de ce décret.
Il faudra accompagner la filière universitaire de médecine générale par des moyens budgétaires importants, d'autant que, dans les départements universitaires de médecine générale, les effectifs sont encore faibles. Il faut améliorer la formation des étudiants, en harmonisant l'enseignement de la médecine générale dans les UFR et en développant la recherche, ce qui nécessite des postes d'enseignants-chercheurs.
Le médecin généraliste prend en charge des affections que ne voient pas, ou rarement, les autres intervenants du système de santé. Il faut développer une recherche portant sur les problèmes de santé rencontrés par les médecins « de première ligne » et sur les actions de prévention qui peuvent être menées lors de ce premier contact. La recherche en médecine générale est indispensable pour améliorer et garantir la qualité des soins prodigués par les médecins généralistes et ce texte va renforcer l'attractivité de la filière, qui pâtit encore d'une désaffection inquiétante chez les étudiants.
Un rapport de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, en 2006, a rappelé qu'en 2004 et 2005, un tiers puis 40 % des postes ouverts à l'examen national classant n'ont pas été pourvus. L'Observatoire avance trois explications : la méconnaissance du métier, sa pénibilité liée aux conditions de travail et aux horaires, et son manque de perspectives. Pendant la plus grande partie de leurs études, les étudiants en médecine ne sont pas suffisamment incités à rejoindre la médecine générale. Il a fallu attendre un arrêté du 23 novembre 2006 pour que les étudiants de deuxième cycle se voient proposer des stages dans les cabinets médicaux ! Jusque là, les étudiants du bloc commun des six premières années ne pouvaient s'identifier qu'au seul modèle qui leur était présenté, le médecin spécialiste hospitalier.
Je me réjouis du stage de deuxième cycle, car il est temps de sortir du « tout CHU ». Madame la ministre, envisagez-vous d'autres mesures incitatives ? Notre collègue M. Juilhard, dans un récent rapport d'information, a proposé d'encourager les stages en médecine générale en zone sous-médicalisée. Qu'en pensez-vous ?
Le groupe UMP votera ce texte, qui contribue au renouveau de la médecine générale, maillon essentiel de notre système de santé ! (Applaudissements à droite)
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Je réponds brièvement aux orateurs. Les effectifs : 48 postes sont créés, dont 20 de chef de clinique.
M. François Autain. - C'est peu !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - La montée en charge sera progressive ! Les conditions de recrutement sont celles habituelles : révision des effectifs annuels et création de postes par arrêté conjoint des ministres de la santé, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai pris une circulaire pour valider les diplômes d'enseignement supérieur en cours. Quant au décret, j'espère pouvoir le faire publier dès que la proposition de loi aura été adoptée à l'Assemblée nationale, j'espère avant les élections municipales de mars.
Les honoraires des enseignants seront fixés par convention entre le CHU et la Cnam. Les modalités d'intégration des enseignants seront fixées par décret et dépendront tant du statut des nouveaux entrants que de leur nombre. Nous veillerons à maintenir un équilibre.
L'accès des professions paramédicales à la filière LMD est effectivement une priorité du Président de la République. Une inspection est en cours, la commission pédagogique des études médicales y travaille également. Il faut prévoir des passerelles, y compris avec les licences générales.
Cette proposition de loi, cependant, est peut-être la meilleure incitation pour la médecine générale : grâce à elle, les médecins généralistes seront accueillis comme des spécialistes à part entière ! (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article 1er est adopté, ainsi que l'article 2.
L'ensemble de la proposition de loi est adoptée.
M. le président. - C'est l'unanimité ! (Applaudissements)