Les Parisiens ont beaucoup souffert du siège de la capitale par les Prussiens qui, de septembre 1870 à la signature de l'armistice en janvier 1871, a fait parmi eux de nombreuses victimes et qui les a affamés. On mange des chats et des chiens.
Un éléphant du jardin d'acclimatation est abattu pour fournir de la viande. Le peuple de Paris sort de cette épreuve avec le sentiment d'avoir été trahi par des chefs militaires qui n'ont pas su ou pas osé forcer le blocus ennemi. L'occupation est vécue comme un affront : « Cette nouvelle a été pour la population parisienne un coup de foudre (...). La capitale de la France savait n'avoir pas mérité ce dernier outrage » (L'Illustration).
A cette cause affective, s'ajoutent des difficultés économiques (le moratoire imposé durant le siège sur les loyers et les effets de commerce est abrogé, menaçant de faillite de nombreux locataires et petites entreprises ; la solde de la Garde nationale est supprimée) et des considérations politiques : les élections du 8 février ont dressé les Parisiens contre une assemblée rurale conservatrice, et renforcé chez certains la volonté de défendre les libertés communales.
Après la capitulation de Metz, des manifestations réclament non seulement le rejet de l'armistice mais aussi l'instauration de la Commune, par allusion à l'insurrection du 10 août 1792 pendant laquelle Paris avait repris le titre de commune, symbole de son affranchissement vis-à-vis du pouvoir.
Une boucherie spéciale au marché Saint-Germain pendant le siège de Paris
L'étincelle
A la mi-février, une assemblée de gardes nationaux défie l'autorité de l'Assemblée en manifestant sa volonté de créer une Fédération de la Garde nationale et menaçant de s'opposer par les armes aux Allemands. Décidant de quitter son siège provisoire de Bordeaux, l'Assemblée choisit de s'installer non à Paris, qu'elle redoute, mais à Versailles, aiguisant plus encore la rancœur et la suspicion des Parisiens.
Alors que le 15 mars, la grande majorité des bataillons de la Garde nationale ont ratifié l'organisation que s'est donnée la Fédération, le gouvernement de Thiers décide, le 18 mars, de faire enlever les canons que les gardes nationaux avaient entreposés à Belleville et à Montmartre et qui avaient été payés par une souscription organisée pendant la guerre.
La foule fraternise avec les soldats. Les généraux Lecomte et Thomas, de l'armée régulière, sont exécutés. La rupture est consommée entre les Fédérés ou Communards et les Versaillais.
De nombreuses personnalités tentent alors une médiation : Jules Ferry, maire de Paris, Clemenceau, maire du XVIIIe, Schoelcher, député de Paris...
L'organisation et l'œuvre de la Commune
Le Comité central de la Garde nationale s'érige en gouvernement et s'installe à l'Hôtel de Ville. Il fait procéder à l'élection d'un Conseil général de la Commune le 26 mars : l'assemblée comprend 25 ouvriers, de nombreux révolutionnaires et aussi quelques modérés (Ferry, Méline...) qui démissionnent rapidement. Une nouvelle élection le 16 avril permet leur remplacement. De nombreux courants sont représentés au sein du Conseil : des blanquistes, des jacobins, des anarchistes, des membres de l'Internationale plus décentralisateurs...
Des commissions tiennent lieu de ministères, dans tous les domaines (enseignement, justice, travail...).
Après l'échec d'une tentative de « sortie », un comité de salut public est créé à l'initiative de Delescluze. Il supervise les différentes institutions cependant que s'exacerbe la rivalité entre le Conseil général et le Comité central de la Garde nationale, qui n'a jamais cessé d'exister.
Un ensemble considérable de mesures révolutionnaires
Le Conseil général de la Commune n'eut guère le temps de réaliser des réformes sociales ou politiques importantes, mais il décida un ensemble considérable de mesures révolutionnaires qui furent plutôt un témoignage pour l'avenir qu'elles n'eurent le temps d'entrer en application : adoption du drapeau rouge, séparation de l'Eglise et de l'Etat, instruction gratuite, laïque et obligatoire, programme de décentralisation centré sur l'autonomie des communes, élection des agents publics, réorganisation des institutions muséales. Le programme social répond à la devise suivante : « la terre au paysan, l'outil à l'ouvrier, le travail pour tous ». Les loyers dus pendant le siège sont définitivement remis, les retenues sur salaire supprimées, les ateliers abandonnés peuvent être réquisitionnés, le travail de nuit pour les ouvriers boulangers est interdit. L'éducation des femmes est particulièrement prise en compte.
Les distinctions sociales entre femmes mariées et concubines, enfants naturels ou légitimes tombent. L'égalité des salaires entre hommes et femmes est proclamée. Les distinctions sociales entre femmes mariées et concubines, enfants naturels ou légitimes tombent. L'égalité des salaires entre hommes et femmes est proclamée.
De nombreux journaux révolutionnaires sont créés, tels le Cri du peuple de Vallès ou le Père Duchêne. Virulente, anticléricale, cette presse encourage la destruction de la maison de Thiers et la démolition de la colonne Vendôme, qualifiée par Le Moniteur de « sinistre et déshonorant forfait ». La guillotine est brûlée. La Commune a aussi de nombreux poètes, comme Jean-Baptiste Clément ou Verlaine, qui dirige le bureau de presse à la mairie.
Enfin, les femmes tiennent une place importante, que ce soit dans l'organisation de réunions politiques (Paule Minck, Louise Michel...), dans le secours aux blessés, ou sur les barricades.
La répression de la commune
Les Versaillais regroupent vite leurs forces, aidés en cela par Bismarck qui libère des prisonniers de guerre. Les Communards surestiment leurs effectifs réels et organisent mal leur défense. Le 3 avril, une attaque des Fédérés sur le Mont Valérien et sur la redoute de Châtillon échoue, la guerre prend aussitôt un aspect sans merci après l'exécution sommaire des insurgés capturés.
Le 21 mai les Versaillais réussissent à entrer dans Paris par la Porte du Point du Jour qui leur est ouverte. Du 21 au 28 Mai, durant la semaine sanglante , les Fédérés répondent aux fusillades des Versaillais par l'appel à la guerre révolutionnaire, la construction de foyers de résistance (Delescluze mène la défense communarde), et l'exécution d'otages, comme Mgr Darboy, archevêque de Paris. La répression est sanglante et n'épargne ni les femmes ni les enfants. Divers monuments sont incendiés (Hôtel de Ville, Tuileries, Palais de justice, Cour des Comptes...) par l'artillerie versaillaise ou par la volonté des insurgés. Le dernier combat a lieu le 28 mai au Père Lachaise et les prisonniers sont exécutés au même endroit, au « Mur des Fédérés
On dénombre environ 30.000 morts chez les insurgés et autant d'arrestations. Thiers parle « d'expiation » ; la presse encourage la répression : « On les traitera comme des brigands qu'ils sont, comme d'épouvantables monstres », lit-on dans le Moniteur universel. Beaucoup de condamnés sont déportés en Algérie ou en Nouvelle-Calédonie. C'est notamment le cas de Louise Michel, à laquelle Victor Hugo rend hommage dans son poème Viro Major.
Des procès, souvent expéditifs, auront lieu pendant de nombreuses années. Paris est maintenu sous surveillance jusqu'en 1876. Pendant longtemps, Victor Hugo et d'autres (Brisson, Naquet) plaident en vain pour l'amnistie des Communards. Une amnistie partielle est votée en 1879. Elle est totale en 1880.
Retrouvez les travaux parlementaires relatifs à l'amnistie des communards ici.
Les mythes de la Commune
Le mouvement communard a suscité bien des passions contradictoires. Il génère chez ses opposants une peur et une haine violente.
Elle a passé sur Paris, comme une trombe dévastatrice, cette insurrection du 18 mars, faite par les plus vils et les plus forcenés des scélérats, par ce ramas de bandits étrangers que l'Europe vomit sur nous, par cette population corrompue et féroce qui se dépose au fond d'une civilisation comme de la boue au fond d'un lac, et que les secousses politiques lancent à la surface. [...] Tout cela, en un jour néfaste est remonté à la surface : la fange est devenue souveraine, le crime a été maître. » (Le Moniteur, 27 mai 1871).
De même y dénonce-t-on une dissolution des moeurs. Les femmes et leur tentative d'émancipation politique sont particulièrement visées : elles sont vite assimilées aux fameuses « pétroleuses », terme passé à la postérité.
«[Parmi les incendiaires], les femmes se montrent particulièrement acharnées ; ces furies se glissent dans les quartiers riches, profitent de l'obscurité, ou du désert que la guerre civile a fait autour d'elles, et lancent par les soupiraux des fioles de pétrole, des allumettes chimiques, des chiffons enflammés » (Le Moniteur, 27 mai 1871).
Les Communards sont assimilés à des monstres sanguinaires (des sauvages, des cannibales, lit-on dans différents journaux) et Paris se métamorphose en Babylone, ville de toutes les perditions. La construction du Sacré-Coeur est pensée comme une rédemption. La xénophobie n'est pas étrangère à cette haine, des étrangers étant accusés de venir grossir les rangs des insurgés. Une grande méfiance s'instaure vis-à-vis des classes populaires. Néanmoins la Commune marque aussi le début d'une réflexion sur l'injustice sociale, y compris au sein des partisans de l'Ordre moral, comme Albert de Mun.
Pour ses partisans, la Commune est au contraire un moment fort de l'histoire des peuples. Marx reconnaît son importance dans la Guerre civile en France (1871) :
« Le Paris ouvrier, avec sa Commune sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d'une société nouvelle. Ses martyrs seront enclos dans le grand coeur de la classe ouvrière ».
Un véritable culte s'organise autour du « Mur des Fédérés », qui devient un lieu de pèlerinage. La Commune prend place parmi les mythes révolutionnaires.