Deux textes rendent hommage au courage des enfants impliqués dans les combats. Ils évoquent la même histoire, le sacrifice de l'un d'entre eux.
Le premier de ces textes, Sur une barricade, est un extrait de L'année terrible de Victor Hugo parue en 1871.
Le second est un extrait de l'Histoire de la Commune de 1871 de Prosper-Olivier Lissagaray.
Sur une barricade
Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d'un sang coupable et d'un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
- Es-tu de ceux-là, toi ? - L'enfant dit : Nous en sommes.
- C'est bon, dit l'officier, on va te fusiller.
Attends ton tour. - L'enfant voit des éclairs briller,
Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l'officier : Permettez-vous que j'aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
- Tu veux t'enfuir ? - Je vais revenir. - Ces voyous
Ont peur ! Où loges-tu ? - Là, près de la fontaine.
Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
- Va-t'en, drôle ! - L'enfant s'en va. - Piège grossier !
Et les soldats riaient avec leur officier,
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
Mais le rire cessa, car soudain l'enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s'adosser au mur et leur dit : Me voilà.
La mort stupide eut honte, et l'officier fit grâce.
Enfant, je ne sais point, dans l'ouragan qui passe
Et confond tout, le bien, le mal, héros, bandits,
Ce qui dans ce combat te poussait, mais je dis
Que ton âme ignorante est une âme sublime.
Bon et brave, tu fais, dans le fond de l'abîme,
Deux pas, l'un vers ta mère et l'autre vers la mort ;
L'enfant a la candeur et l'homme a le remord,
Et tu ne réponds point de ce qu'on te fit faire ;
Mais l'enfant est superbe et vaillant qui préfère
A la fuite, à la vie, à l'aube, aux jeux permis,
Au printemps, le mur sombre où sont morts ses amis...
Victor HUGO
Histoire de la Commune de 1871
« Dans cette bataille des rues, les enfants se montrèrent comme en rase campagne, aussi grands que les hommes. A une barricade du faubourg du Temple, le plus enragé tireur est un enfant. La barricade prise, tous ses défenseurs sont collés au mur. L'enfant demande trois minutes de répit : « Sa mère demeure en face ; qu'il puisse lui porter sa montre d'argent, afin qu'au moins elle ne perde pas tout. ». L'officier, involontairement ému, le laisse partir, croyant bien ne plus le revoir. Trois minutes après, un « Me voilà ! ». C'est l'enfant qui saute sur le trottoir, s'adosse au mur près des cadavres de ses camarades fusillés. Immortel Paris tant qu'il y naîtra de ces hommes. »
Prosper-Olivier LISSAGARAY