Mercredi 12 février 2025
- Présidence de M. Cyril Pellevat, vice-président -
La réunion est ouverte à 13 h 50.
Directive sur les dimensions et poids maximaux des véhicules autorisés en trafic national et international - Examen de la proposition de résolution européenne
M. Cyril Pellevat, président. - Je vous prie de bien vouloir excuser le président Rapin, qui a eu un empêchement.
Nous examinons aujourd'hui une proposition de résolution européenne présentée par nos collègues Pascale Gruny et Jacques Fernique, sur le sujet sensible des camions à tonnage élevé et des « mégacamions ». Ces poids lourds peuvent mesurer 25 mètres de long et peser 60 tonnes, avec deux remorques attachées, alors qu'aujourd'hui, la réglementation française plafonne le poids des camions à 44 tonnes, si l'ensemble considéré comporte plus de quatre essieux.
Le cadre en vigueur est celui de la directive du 25 juillet 1996 fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international. La Commission européenne a proposé, en juillet 2023, de la réviser afin de réduire l'empreinte carbone du transport de marchandises. Cet objectif est certes louable, mais l'impact des mesures proposées est loin d'être négligeable et constitue un véritable sujet de préoccupation pour nos collectivités, en particulier dans les zones frontalières. En effet, l'entretien des routes et la sécurité routière sont des enjeux majeurs pour elles. Le sujet mérite donc une analyse circonstanciée, prenant en compte l'ensemble des enjeux liés au transport de marchandises.
Le 12 mars 2024, le Parlement européen a adopté sa position en faveur de la révision de cette directive, par 330 voix pour, 207 voix contre et 74 abstentions. En revanche, les discussions au Conseil sont âpres et n'ont pas permis à ce stade d'aboutir à une orientation générale, pour des motifs que vont nous présenter les rapporteurs Pascale Gruny et Jacques Fernique.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - En effet, cette proposition de directive suscite de nombreux débats et inquiétudes. Ces préoccupations, qui concernent principalement l'impact des mesures proposées par la Commission européenne sur les infrastructures routières, sont partagées par la France, mais aussi par un certain nombre d'autres États membres, au premier rang desquels l'Allemagne et l'Autriche, ce qui explique pourquoi le Conseil n'a pas encore adopté d'orientation générale sur ce texte.
En l'absence de compromis au sein du Conseil des transports réuni en juin dernier, les négociations sur cette proposition de directive sont, pour l'instant, au point mort. La présidence hongroise n'a pas poursuivi les travaux au deuxième semestre 2024 et, bien que le texte soit inscrit au programme de la présidence polonaise, il ne semble pas faire partie de ses priorités. Le Parlement européen a adopté sa position, d'une courte majorité, le 12 mars dernier.
Le 11 juillet 2023, la Commission européenne a ainsi publié une proposition de directive visant à réviser la directive de 1996. Ce texte a été présenté dans le cadre du paquet de verdissement du fret, dont l'objet est de réduire l'empreinte carbone du transport de marchandises en optimisant l'utilisation des infrastructures ferroviaires, en incitant à l'acquisition de poids lourds à émissions nulles et en favorisant le transport intermodal.
Or la route domine très largement le transport de marchandises dans l'Union européenne, avec 77,8 % des tonnes-kilomètres transportées en 2022. Ce chiffre masque cependant d'importantes disparités entre pays européens. Ainsi, la France est l'un des pays où sa part relative est la plus élevée, occupant le haut du tableau avec l'Espagne, le Danemark, le Portugal et l'Italie. La prédominance du transport routier n'a cessé de s'accroître au cours des dernières décennies, principalement au détriment du fret ferroviaire, même si ce dernier s'est maintenu en volume. De fait, le rail représente aujourd'hui environ 17 % du transport de marchandises en Europe, et entre 9 % et 10 % en France. Quant au transport fluvial, sa place est marginale, avec une part modale d'environ 5 %, pour seulement 2 % en France.
Cette prédominance pose d'importants défis environnementaux, alors même que l'Union européenne s'est fixé des objectifs très ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, ainsi que de transfert vers des modes plus respectueux de l'environnement. Or malgré les efforts des acteurs de la filière, et contrairement à d'autres secteurs, les émissions de CO2 des transports ont continué à croître depuis 1990. Ils sont même devenus le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, après l'industrie de l'énergie. La route en est le principal contributeur, à plus de 94 %. Pour leur part, les poids lourds produisent plus de 6 % des émissions totales de l'Union, et 7,6 % en France, contre 0,4 % pour le rail, neuf fois moins polluant que la route.
En outre, même si le nombre d'immatriculations de poids lourds électriques devrait nettement progresser dans l'Union européenne au cours des prochaines décennies, leur part dans la flotte restera encore très limitée.
Par conséquent, le report modal est un levier essentiel pour la transition écologique. L'Union européenne a défini des objectifs particulièrement élevés de développement de la part du ferroviaire et du fluvial dans le transport de marchandises. Ainsi, d'ici à 2030, 30 % du fret routier en Europe devrait être transféré vers des modes de transport plus durables, et 50 % à l'horizon 2050, tout en renforçant le transport combiné.
La France, pour sa part, prévoit de doubler la part modale du fret ferroviaire. Selon certains interlocuteurs auditionnés, cet objectif semble extrêmement ambitieux, voire hors d'atteinte, compte tenu de l'état actuel du réseau ferré et des investissements nécessaires à sa modernisation. Il faut toutefois souligner que le transport combiné, qui associe la route et le rail, connaît actuellement une dynamique de croissance, non seulement dans l'Union européenne, mais aussi en France.
La Commission européenne estime que la directive actuelle a eu un impact limité sur la décarbonation du secteur des transports et a fragmenté le marché intérieur en raison des différentes règles nationales qui s'appliquent. Elle propose donc d'harmoniser les règles de circulation transfrontière des poids lourds, tout en incitant à l'utilisation de véhicules utilitaires lourds à émissions nulles.
Le texte présenté vise ainsi à augmenter le bonus de poids pour ces derniers à 4 tonnes forfaitaires au lieu de 2 tonnes actuellement, afin de compenser le poids des batteries électriques, ainsi que la longueur autorisée pour tenir compte des nouvelles technologies liées à l'utilisation de carburants de synthèse et de l'hydrogène. Cette mesure doit favoriser l'adoption de technologies plus respectueuses de l'environnement.
Il tend ensuite à obliger, jusqu'en 2035, les États membres ayant autorisé la circulation de poids lourds de 44 tonnes au niveau national à les accepter également pour les opérations transfrontières. Les autorités françaises sont particulièrement opposées à cette mesure.
Il a également pour objet de simplifier le cadre juridique relatif aux systèmes modulaires européens (SME), couramment appelés mégacamions, poids lourds de très grande capacité qui peuvent mesurer plus de 25 mètres et dépasser 60 tonnes. Leur circulation est actuellement autorisée dans neuf pays européens, notamment dans le nord de l'Europe. La révision de la directive prévoit qu'un État membre autorisant les SME sur son territoire ne peut refuser l'entrée de ceux qui proviennent de pays limitrophes. Ces véhicules devront donc être acceptés dans les mêmes conditions qu'au niveau national, alors qu'actuellement, des accords bilatéraux sont nécessaires pour le franchissement des frontières. Il convient de souligner que le droit d'autoriser ou non la circulation des SME sur son territoire, qui relève des prérogatives de chaque État membre, n'est pas remis en cause.
Enfin, la Commission européenne souhaite uniformiser et simplifier les procédures administratives pour les transports exceptionnels, avec l'instauration d'un guichet unique et la suppression des exigences linguistiques pour les conducteurs de ces convois.
En harmonisant les limites de poids et de dimensions pour les poids lourds autorisés à circuler en trafic national et international, la directive de 1996 visait à protéger les infrastructures et à améliorer la sécurité routière. L'objectif était d'empêcher les États membres de refuser l'entrée ou le transit sur leur territoire de véhicules conformes aux limites européennes, fixées à 40 tonnes et à 18,75 mètres.
La directive permet cependant aux États membres d'autoriser des véhicules plus lourds à circuler pour le trafic national, au-delà des limites fixées pour le trafic international, ce qu'ont fait treize d'entre eux. Depuis 2013, c'est le cas de la France, pour la circulation sur son réseau national des véhicules allant jusqu'à 44 tonnes et équipés de plus de quatre essieux.
La proposition de révision de cette directive va plus loin, puisqu'elle vise principalement à uniformiser les règles de franchissement des frontières pour les poids lourds dépassant les normes européennes pour le trafic international. Il s'agit de permettre à ces véhicules de réaliser des opérations transfrontières, dès lors que les États membres concernés autorisent leur circulation sur leur territoire respectif dans les mêmes conditions. Cette réciprocité concernerait, d'une part, les poids lourds de 44 tonnes et, d'autre part, les SME.
M. Jacques Fernique, rapporteur. - Les auditions que nous avons menées concernant la révision de cette directive ont mis en lumière plusieurs problématiques et préoccupations majeures, d'autant que nous partageons l'ambition affichée par la Commission européenne de promouvoir la décarbonation du fret et le report modal vers des moyens de transport moins émetteurs de gaz à effet de serre. Ces préoccupations concernent tant l'impact environnemental et le risque de report modal que l'adaptation des infrastructures et la sécurité routière.
Les autorités françaises sont principalement préoccupées par l'évolution concernant la circulation des poids lourds de 44 tonnes en provenance des pays voisins. En effet, les nouvelles règles envisagées pour le trafic international des SME n'auraient pas, pour l'instant, d'effet juridique pour notre pays, étant donné que la France n'autorise pas leur circulation sur son réseau routier national.
La proposition de résolution européenne que nous vous soumettons tend donc à émettre des réserves quant à l'adoption de mesures susceptibles d'affaiblir la maîtrise par les États membres des règles de circulation des véhicules dépassant les normes européennes sur leurs territoires respectifs. Il nous semble en effet, comme l'ont révélé plusieurs auditions, que le texte n'envoie pas les bons signaux en termes de décarbonation du transport de marchandises et de développement du fret non routier.
Bien que la proposition de directive vise à réduire l'empreinte carbone du fret, son impact environnemental réel suscite des interrogations. En effet, les économies de carburant réalisées grâce à l'utilisation de camions de plus grand gabarit, potentiellement moins nombreux, ne sont pas directement proportionnelles à l'augmentation de leur taille, en raison de leur puissance de motorisation accrue. Ainsi, selon différentes études, les gains d'énergie peuvent varier entre 6 % et 28 % par tonne-kilomètre. Nous tenons à rappeler que le véritable gain environnemental à attendre d'une massification réside dans le transport des marchandises par voies fluviale ou ferroviaire, en raison de leur faible intensité carbone.
En outre, en gagnant en compétitivité, le transport routier pourrait renforcer son attractivité au détriment du fret ferroviaire ou fluvial, alors que certains pays, comme la France, ont prévu un important programme d'investissement pour ces modes alternatifs.
Les effets collatéraux, à moyen terme, de la massification du transport routier, en particulier un report modal inversé, ont été soulignés par plusieurs études. Par exemple, une étude allemande, réalisée pour le compte de la Communauté européenne du rail, évalue ce risque à environ 10 % à 30 % du volume, voire jusqu'à 80 % sur certains marchés sensibles, comme celui des conteneurs. Cela se traduirait par une augmentation du nombre de trajets, entraînant un accroissement des émissions de CO2. L'impact sur le fret ferroviaire et le transport combiné pourrait ainsi être significatif en cas de généralisation de la circulation des mégacamions à l'échelle européenne.
Par ailleurs, l'autorisation de franchissement des frontières pour les véhicules thermiques de 44 tonnes se traduirait par la perte de l'avantage actuellement accordé au transport intermodal. Une telle mesure pourrait déstabiliser les marchés et renforcer encore le risque de report modal inversé.
Nous ne pensons pas que l'augmentation de la capacité de charge des poids lourds diminuerait leur nombre sur les routes européennes. Nous sommes, en revanche, préoccupés par les potentiels flux incontrôlés de poids lourds à l'échelle nationale. Ainsi, selon une évaluation réalisée par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), la circulation de véhicules de 44 tonnes en provenance de pays limitrophes provoquerait un doublement du trafic routier dans notre pays. Nous estimons que les dynamiques en faveur du transport combiné ne doivent pas être entravées par des mesures contre-productives, compte tenu des ambitions européennes et françaises en matière de verdissement du fret.
Par ailleurs, il convient également d'assurer la préservation de l'attractivité des ports français, dans un contexte de forte concurrence avec les ports du nord de l'Europe.
Les mesures proposées par la Commission européenne soulèvent en outre des préoccupations concernant des répercussions accrues sur les infrastructures routières et les ouvrages d'art, notamment les ponts et les tunnels. En effet, l'augmentation du trafic routier de poids lourds est un facteur majeur de leur dégradation, en raison d'une pression accrue sur la chaussée. Ainsi, selon le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), les coûts supplémentaires d'entretien qui résulteraient de la circulation des véhicules de 44 tonnes en trafic international sont de l'ordre de 55 millions d'euros par an. Cette mesure aurait, par conséquent, des incidences financières importantes pour l'État et les collectivités territoriales.
En effet, la dégradation des chaussées résulte quasi exclusivement de l'impact du trafic de véhicules lourds, en raison de sa densité, mais aussi du poids exercé par chaque essieu, quand les voitures particulières ont un impact négligeable sur l'usure de la chaussée. Pour reprendre la formule rapportée par les représentants du Cerema lors de leur audition, un poids lourd équivaut à un million de véhicules légers. L'effet du trafic routier sur les ouvrages est en revanche plus difficile à évaluer globalement, car il est spécifique à chacun d'entre eux. Néanmoins, le passage répété de poids lourds les fragilise et les dégrade.
Les enjeux de sécurité routière ne doivent pas non plus être sous-estimés. Certes, aucune étude n'a démontré d'effet direct de la circulation de camions plus lourds et plus volumineux sur l'accidentalité. Toutefois, les accidents impliquant des poids lourds sont généralement plus graves et sont à l'origine de près d'un tiers de la mortalité sur l'autoroute.
En termes de sécurité routière, la suppression des exigences linguistiques pour les conducteurs de convois de transports exceptionnels est un point d'attention des autorités françaises, que nous faisons nôtre. Il est essentiel qu'ils soient en mesure, en cas d'urgence, de donner l'alerte, par exemple lors d'une immobilisation sur un passage à niveau, afin d'utiliser le téléphone à proximité pour demander l'arrêt du train. Nous estimons que cette compétence doit être maintenue, de même que les prérogatives des États membres quant au traitement des procédures administratives concernant les transports exceptionnels sur leur territoire. Elles doivent pouvoir être adaptées à l'organisation de l'exploitation des routes propre à chaque pays.
En conséquence, nous émettons des réserves sur l'opportunité de réviser la directive actuelle dans la mesure où les évolutions proposées par la Commission européenne tendent à limiter les prérogatives des États membres dans la définition des conditions de circulation des poids lourds dépassant les normes européennes en trafic international sur leur territoire. En outre, elle tient insuffisamment compte des spécificités propres à chaque pays en termes d'infrastructures routières et de la nécessité de ne pas dégrader la compétitivité du fret ferroviaire et fluvial. Nous rappelons que la priorité doit être donnée au report vers ces modes de transport plus durables.
En conclusion, la proposition de directive sur les poids et dimensions des camions, telle qu'elle est actuellement formulée, présente des risques importants de dégradation des infrastructures routières et pour la compétitivité du fret non routier, sans apporter de garanties solides quant à la réduction de l'empreinte carbone du transport routier.
Nos observations sont rassemblées dans la proposition de résolution européenne que nous vous soumettons.
Mme Christine Lavarde. - Je m'associe aux propos des rapporteurs. J'ai l'impression de revenir quinze ans en arrière, m'étant occupée de projets, notamment européens, de ferroutage et d'intermodalité tout au début de ma carrière... Depuis, rien n'a changé sur le développement de l'intermodalité du réseau européen de transports ! Augmenter la taille des camions n'est qu'un pis-aller et une mauvaise solution.
La France est une zone de circulation entre la péninsule ibérique et l'Europe du Nord. Sans intermodalité, nous accueillerons mécaniquement plus de camions si les flux augmentent. Il est dommage de ne pas consacrer l'énergie européenne à créer des autoroutes de la mer ou ferroviaires. Ces dernières sont très limitées : par exemple, celle qui relie le Luxembourg à l'Espagne s'arrête à Perpignan, en raison du format différent des rails français et espagnols. Le tronçon entre la France et l'Italie est, quant à lui, largement insuffisant.
Mme Karine Daniel. - Pour abonder en ce sens, les expérimentations sur les autoroutes de la mer n'ont, malheureusement, pas trouvé leur modèle économique, comme la ligne reliant Saint-Nazaire à la péninsule ibérique, rapidement abandonnée. Il serait souhaitable d'analyser les causes de ce renoncement.
La qualité et la maintenance du réseau routier importent, notamment sur le réseau secondaire, au regard des nouvelles dimensions des engins agricoles pesant sur les routes et les ouvrages d'art. Au-delà des réticences sur l'augmentation de la taille, il faut être proactif sur les alternatives.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Avec Nicole Bonnefoy, au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, nous évoquons toujours l'obligation d'emprunter l'autoroute plutôt que les routes nationales. Comment, en attendant le transport multimodal, obliger les poids lourds les plus massifs à le faire ?
M. Jacques Fernique, rapporteur. - Les stratégies européenne et française sont complémentaires quant au développement du report modal vers le ferroviaire et le fluvial. Or cette proposition de révision de la directive va dans le sens contraire. Certes, il est nécessaire d'adapter le dispositif de transport massifié à l'échelle européenne, comme pour le soufre liquide. Cependant, les mégacamions ne sont certainement pas la réponse ! Le fret ferroviaire est indispensable, et le transport combiné rail-route, qui fonctionne, offre des perspectives intéressantes.
Quant à l'autorisation des camions de 44 tonnes sur le territoire national, n'oublions pas qu'elle devait être la contrepartie de l'écotaxe poids lourds instaurée à la suite du Grenelle de l'environnement, et abandonnée en 2013. En outre, leur trafic pourrait doubler, la proposition de directive permettant leur déferlement en France. Enfin, la limite de poids n'est pas toujours respectée et les contrôles parfois difficiles. L'axe France-Espagne, le couloir rhodanien ou encore la dorsale alsacienne en souffriraient.
Malgré le signal favorable du Parlement européen quant à cette révision, il n'y a pas d'accord entre les États. Cette période de négociation ne doit pas aboutir à un recul et à une libéralisation, qui se ferait au détriment du transport combiné, du ferroviaire et du fluvial.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Nous restons un pays de transit, traversé par de nombreux camions, contrairement aux États du nord. Nos routes et infrastructures ne sont pas adaptées à un accroissement important du trafic, et les collectivités n'auraient pas les moyens d'en assurer l'entretien. Quant aux autoroutes, elles doivent aussi être entretenues.
Quant au transport intermodal, la maintenance du réseau ferré n'est pas au niveau. Ainsi, dans le sud de l'Aisne, j'ai réussi à rétablir une ligne de fret transportant majoritairement les rails de trains à grande vitesse, qui étaient jusqu'alors apportés par la route... Nous marchons sur la tête, d'autant qu'historiquement nous avons plutôt fermé des gares, ce qui pose problème.
Les organisations de transports routiers, que nous avons auditionnées, ont longtemps freiné le mouvement mais c'est moins le cas aujourd'hui. Néanmoins, il faut prendre garde aux mouvements sociaux dans le secteur ferroviaire : derrière chaque chargement de marchandises, une entreprise attend la livraison de son fret.
Par ailleurs, chaque tentative de nouvelle taxation, prérogative nationale, a été retirée.
Enfin, nous n'avons pas entendu parler d'autoroutes de la mer en audition. Rappelons que, en France, nous avons un problème de compétitivité des ports, alors qu'Anvers domine, selon les personnes que nous avons auditionnées. Nous devons faire des progrès en la matière.
M. Jacques Fernique, rapporteur. - Pour répondre à M. de Nicolaÿ, empêcher la circulation sur les voiries inadaptées est un sujet en soi, qui ne relève pas de cette directive. En Alsace, l'interdiction de certains itinéraires, comme la traversée des Vosges, mais aussi l'axe nord-sud, avec la route nationale 83, montre le besoin d'un contrôle de la réglementation. Une ouverture inconsidérée aux camions de 44 tonnes décuplerait les difficultés.
Mme Christine Lavarde. - En écho aux propos de Karine Daniel, la proposition de résolution européenne pourrait mentionner la compétitivité économique des solutions. En effet, ce sont les ruptures de charge qui freinent l'intermodalité. Ainsi, en France, « l'aide à la pince » vise à les limiter, par exemple pour transférer un conteneur sur une péniche. Si les coûts induits sont mentionnés, une fiscalité comportementale devrait contrebalancer la plus grande compétitivité du camion, qui permet un transport de point à point.
En outre, les coûts de péage freinent le fret ferroviaire. Sans subvention des États, il n'y a pas d'intermodalité.
M. Jacques Fernique, rapporteur. - Je vous rejoins pleinement. Les externalités négatives des transports routiers doivent être prises en compte, comme le sont ses atouts de souplesse et de rapidité.
Les péages ferroviaires sont plus bas pour le fret que pour le transport de voyageurs. Un report vers le rail et des moyens de transport durables est nécessaire et pourrait se traduire dans la fiscalité.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Attention toutefois : nous ne pouvons taxer les seuls transports internationaux sans taxer nos transports nationaux. Or nous avons perdu de très nombreux pavillons français en vingt ans. N'alourdissons pas excessivement leurs charges. En outre, cela ne fait pas partie du champ de la directive.
M. Jacques Fernique, rapporteur. - C'est le sujet de la directive Eurovignette révisée, sur laquelle nous n'avons pas travaillé spécifiquement. Je propose donc que nous en restions là.
La commission adopte la proposition de résolution européenne, disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 14 h 25.