Jeudi 7 novembre 2024

- Présidence de Mme Dominique Vérien, présidente -

Audition de Mme Salima Saa, secrétaire d'État auprès du ministre des Solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes

Mme Dominique Vérien, présidente. - Nous entendons, pour la première fois au sein de notre délégation, Mme Salima Saa, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Madame la ministre, vous allez nous présenter les priorités de votre feuille de route ministérielle et nous vous interrogerons sur son financement, sur les modalités de sa mise en oeuvre, mais aussi sur les suites que vous comptez donner aux recommandations formulées par notre délégation dans ses travaux les plus récents - sur les femmes sans abri, les familles monoparentales, la santé des femmes au travail ou encore la lutte contre les violences pornographiques.

Chaque fois que nous avons auditionné vos nombreuses prédécesseuses, nous avons insisté sur deux points cruciaux : le pilotage de la politique publique de l'égalité et de lutte contre les violences faites aux femmes - car l'absence de coordination interministérielle dans le suivi de l'application des mesures est préjudiciable -, et le budget qui lui est dédié.

La question budgétaire est centrale. Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élèvent, pour 2025, à 85,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Tout comme l'an dernier, l'augmentation des crédits - de 7,7 millions d'euros - est presque entièrement absorbée par la mise en oeuvre de l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, issue d'une proposition de loi de notre ancienne collègue Valérie Létard, aujourd'hui ministre du logement. Quel bilan quantitatif et qualitatif dressez-vous de la mise en oeuvre de cette aide ?

Les associations féministes nous alertent de longue date sur l'insuffisance du financement de la politique de lutte contre les violences et en faveur de l'égalité. Le 27 octobre dernier, plusieurs organisations de lutte contre les violences faites aux femmes - dont la Fondation des femmes, le Planning familial et la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF) - ont fait part, dans une tribune parue dans Le Monde, de leurs difficultés financières et du manque de moyens dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes. Quel est le montant des financements pluriannuels consacrés à cette politique ? Le 25 novembre 2023, Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé que les financements pluriannuels étaient désormais possibles, répondant ainsi à une demande forte des associations.

La mise en oeuvre du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 sera-t-elle poursuivie par l'actuel Gouvernement ? Je plaide depuis longtemps pour la création d'un fonds dédié à la lutte contre les violences intrafamiliales, piloté par une agence nationale sur le modèle de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), pour plus de souplesse dans l'attribution ou le retrait des financements.

Le 25 novembre 2024, vous présenterez votre plan de bataille contre les violences faites aux femmes, bâti avec l'appui d'une cellule d'urgence gouvernementale censée trouver des « mesures simples et concrètes » pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Pouvez-vous nous en dire plus sur le fonctionnement de cette cellule et sur les mesures prioritaires ?

Vous êtes très attachée à l'application des dispositions de la loi du 4 juillet 2001 sur les séances obligatoires d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, tout comme votre collègue Anne Genetet, ministre de l'éducation nationale, qui a annoncé devant nos collègues de la commission de la culture qu'un nouveau programme sera présenté en décembre, pour une application à la rentrée 2025. Nous sommes nombreux à nous en réjouir. Comment imposerez-vous cet enseignement dans toutes les écoles, alors que les dispositions de la loi de 2001 auraient dû s'appliquer depuis déjà plus de vingt ans ?

Notre délégation s'apprête à travailler sur la définition pénale du viol et l'introduction de la notion de consentement dans le code pénal, avec une table ronde le 21 novembre prochain, ainsi que sur la prévention de la récidive du viol et des infractions sexuelles dans le cadre d'une mission conjointe de contrôle avec la commission des lois. Nous sommes donc très intéressés de vous entendre sur ces deux sujets.

Mme Salima Saa, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. - Je suis très heureuse d'échanger avec vous, un peu plus d'un mois après ma nomination. Je sais le rôle actif et déterminant que jouent le Sénat et votre délégation dans notre combat collectif pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Vous pourrez compter sur mon écoute, ma disponibilité, mon sens du dialogue, mon respect du Sénat et ma volonté d'avancer avec vous, dans la concertation. Je sais que je peux compter sur votre expertise et votre connaissance du terrain. La politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes ne se limitera pas à Paris et ne se fera pas uniquement depuis Paris. Elle sera pragmatique, construite à partir du terrain et adaptée à tous les territoires, en vous écoutant et en vous consultant. C'est ma méthode : écouter, consulter, agir.

Ma première priorité est la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. C'est aussi une priorité pour l'ensemble du Gouvernement, comme l'a rappelé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Ce ne sont pas que des mots, puisque j'ai obtenu, avec le soutien du ministre Paul Christophe, une augmentation de 10 % du budget alloué au programme 137, dans un contexte de réduction drastique des dépenses, afin d'accompagner la mise en oeuvre de l'aide universelle d'urgence et de soutenir le travail des associations, dans tous nos territoires. Je compte sur votre appui lors des discussions budgétaires pour consolider cette augmentation.

Depuis 2017, les politiques de lutte contre les violences faites aux femmes ont connu une forte accélération, les lignes ont commencé à bouger. Vous avez été nombreux à avoir pris une part active aux évolutions législatives de ces dernières années, et je vous remercie pour cet engagement. Sur le terrain, les choses évoluent : il y a plus de protection, plus de bracelets antirapprochement, plus de logements d'urgence, plus de maisons des femmes - 75 à ce jour, avec un objectif d'une par département. L'aide universelle d'urgence, dont le financement est assuré en 2025, a fait ses preuves : entre décembre 2023 et juillet 2024, 26 525 aides ont été versées, dont 206 prêts, pour un montant moyen de 869 euros.

Je crois beaucoup au « pack nouveau départ ». Je me suis rendue dans le Val-d'Oise, département pilote qui l'expérimente depuis un peu plus d'un an, et je me rendrai dans les quatre autres départements pilotes, à commencer par La Réunion et la Côte-d'Or. Ancienne préfète, je sais ce que l'on peut attendre d'un tel dispositif de coordination, quand tous les acteurs sont mobilisés et quand le parcours est véritablement construit autour de la personne. Mais il faut de la détermination et se retrousser les manches ! Je suivrai personnellement la mise en place de ce pack, avec l'objectif de le généraliser.

Il reste néanmoins beaucoup à faire : d'une part, nous devons aller plus loin encore dans la lutte contre les violences conjugales ; d'autre part, les violences faites aux femmes ne se réduisent pas aux seules violences conjugales. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles hors du cadre conjugal et familial demeure encore trop souvent un angle mort de notre politique publique. Sept ans après #MeToo, ne relâchons pas nos efforts, car les chiffres publiés hier sont à la hausse... Cette année, selon les associations, plus de 100 femmes ont été victimes d'un féminicide : ce sont 100 drames de trop. En 2023, près de 1,5 million de femmes ont déclaré avoir subi des violences sexuelles hors du cadre familial. Seulement 2 % ont porté plainte...

Alors que l'actualité récente a encore été marquée par des drames intolérables, les Françaises et les Français sont en colère face à la récidive des criminels sexuels. Nous commençons à prendre la mesure de la réalité de la soumission chimique. Je sais à quel point vous êtes mobilisés sur ce sujet, que le procès des viols de Mazan a remis sur le devant de la scène et qui résonne d'une manière si particulière au Sénat. Je veux saluer, à cet égard, le courage de la députée Sandrine Josso, dont j'attends les propositions dans le cadre de sa mission avec la sénatrice Véronique Guillotin. Elle s'est engagée avec Caroline Darian, la fille de Gisèle Pelicot, au sein de l'association M'endors pas, pour faire bouger les lignes. Caroline Darian me l'a dit : il y a urgence à agir et il est temps d'accélérer. C'est pourquoi j'ai installé, le 21 octobre, une cellule d'urgence qui réunit des experts pluridisciplinaires - associations, forces de l'ordre, personnel de santé et de la justice. L'objectif est clair et la méthode très pragmatique : identifier les priorités d'action, recenser les propositions, arbitrer, expérimenter, évaluer.

Tout ne passe pas forcément par la loi ; tout n'est pas forcément coûteux ; tout n'est pas forcément long à mettre en place. Beaucoup peut être fait pour protéger, éduquer et agir. Des premières mesures seront annoncées le 25 novembre, à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Certains de mes collègues ministres se sont engagés à faire plus et mieux : le ministre de l'intérieur va renforcer la formation des policiers et des gendarmes aux violences intrafamiliales ; le ministre de la justice va travailler sur la question de la prévention de la récidive des criminels sexuels. Avec le garde des Sceaux, nous sommes également prêts à travailler sur une évolution de notre droit, s'agissant notamment de la question, sensible, du consentement. Nous allons aussi, avec la ministre de l'éducation nationale, mettre fin à vingt années d'impuissance publique en matière d'éducation à la sexualité, et notamment comprendre pourquoi la loi de 2001 n'est toujours pas appliquée. Je serai particulièrement attentive à la mise en oeuvre rapide et effective des programmes qui doivent être publiés d'ici à la fin de l'année. Car, sans une éducation à la sexualité réellement dispensée, nous ne ferons pas évoluer les pratiques et les comportements en matière de consentement.

Certaines associations demandent une loi-cadre contre les violences sexuelles. Nous en débattrons ensemble, dans le seul souci de l'efficacité. Comment faire appliquer les lois existantes à l'image de celle de 2001 ? Faut-il de nouvelles dispositions législatives ? Faut-il une grande loi ? Le procès Mazan a eu un retentissement bien au-delà de nos frontières : les réponses à apporter doivent être à la hauteur de cette prise de conscience.

La lutte contre les violences est ma priorité, mais je refuse que l'on enferme les femmes dans une approche victimaire. Nous savons à quel point les inégalités et les stéréotypes qui persistent dans tous les domaines créent un terrain propice aux violences. C'est pourquoi je m'investirai totalement sur les autres axes du plan interministériel.

En premier lieu, pour renforcer et atteindre l'égalité économique et professionnelle. Nous devons nous préoccuper davantage encore de l'employabilité des femmes et de leur autonomie financière.

Je pense à celles qui sont parent isolé d'un enfant mineur, ainsi qu'à celles qui sont dans des situations de grande pauvreté ou à la rue. Je vous sais mobilisés pour mieux les accompagner, comme en témoignent vos propositions sur la question des familles monoparentales. J'ai également hâte de prendre connaissance de façon plus approfondie des constats et recommandations que vous avez formulés dans votre rapport sur les femmes sans abri. Chaque soir, près de 3 000 femmes et 3 000 enfants passent la nuit dans la rue ; c'est intolérable. Le Gouvernement - l'ensemble des ministres du pôle Solidarités sous la tutelle de Paul Christophe, la ministre de la santé et la ministre du logement - est au travail.

Nous devons veiller à l'égalité de rémunération et à la juste représentation des femmes dans les organes de direction. Nous avons encore récemment renforcé notre arsenal législatif - l'un des plus avancés au monde -, mais il reste encore beaucoup de progrès à faire. Nous allons travailler avec la ministre du travail et de l'emploi, et aussi avec vous, à la transposition de la directive européenne du 10 mai 2023 visant à renforcer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail. Cela va nous conduire à renforcer l'index de l'égalité professionnelle, immense progrès qu'il convient d'évaluer six ans après sa création.

Au-delà de l'égalité salariale, nous devons installer dans le pays une véritable culture de l'égalité. Il s'agit de lutter plus efficacement contre toutes les formes de discrimination liées au sexe, de combattre tous les stéréotypes et toutes les représentations sexistes qui persistent et résistent dans notre société.

Je tiens à saluer le caractère pionnier et inédit de vos travaux sur l'industrie pornographique. Cette industrie est la source de violences systémiques et bien réelles contre les femmes, et caricature celles-ci à partir des pires stéréotypes sexistes et racistes. Elle les humilie et les déshumanise en construisant une érotisation de la violence et des rapports de domination érigés en normes. Les conséquences sont nombreuses et inquiétantes chez les consommateurs, en particulier chez les mineurs. Vos travaux, ainsi que ceux du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), s'inscrivent dans les pas de celles qui ont eu le courage de témoigner. Vous avez participé à ce que notre société sorte enfin de l'aveuglement et du déni.

Des premières mesures ont été prises, notamment dans le cadre de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique. Nous devrons nous mobiliser pour mettre fin à l'impunité dans l'industrie pornographique, faire appliquer enfin la loi sur l'interdiction d'accès des mineurs, protéger et sensibiliser la jeunesse, notamment dans le cadre de l'éducation à la vie sexuelle et affective.

Le sujet des femmes dans les sciences me tient à coeur. Après des études scientifiques, j'ai travaillé dans des entreprises d'ingénieurs, et j'ai vu combien les femmes y étaient rares. Pour celles-ci, les plafonds de verre sont nombreux, et l'autocensure manifeste. Seuls 24 % des ingénieurs en France sont des femmes, et ce taux ne monte qu'à 28 % dans les écoles. Nous devons redoubler d'efforts, même si des initiatives formidables existent partout en France, comme j'ai pu le voir encore la semaine dernière dans l'Orne.

Si les évaluations montrent que, en fin de troisième, le niveau en mathématiques des filles et des garçons est quasi équivalent, les stéréotypes ont encore la vie dure, puisque 61 % des garçons sont encouragés par leurs parents à s'orienter vers les métiers du numérique, contre seulement 33 % des filles, alors qu'il s'agit de métiers d'avenir, à forte valeur ajoutée et mieux payés. Par exemple, le domaine de l'intelligence artificielle n'est pas assez investi par les femmes.

Il est urgent de changer nos représentations, il en va de l'avenir professionnel des femmes mais aussi de celui de notre pays. Madame la présidente, vous avez évoqué un rapport sur lequel votre délégation compte travailler, et je m'appuierai sur vos recommandations.

Des sciences à la santé, il n'y a qu'un pas. Je serai attentive à trois sujets trop longtemps passés sous les radars de nos politiques publiques : celui de la ménopause, sujet sur lequel la députée Stéphanie Rist a été missionnée par le Premier ministre la semaine dernière ; celui de la santé mentale des femmes, qui doit constituer un volet à part entière de la grande cause nationale annoncée par le Premier ministre pour 2025 ; et enfin, celui plus englobant de la santé des femmes au travail, sujet sur lequel je vous sais très actifs et sur lequel le Gouvernement se mobilise.

Quelques jours après ma nomination, j'ai effectué mon premier déplacement international au G7 sur l'égalité des sexes, à Matera en Italie, afin de défendre les positions ambitieuses de notre diplomatie féministe, en lien avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères. La voix de la France porte ; et elle doit porter d'autant plus fort aujourd'hui alors que, en Europe et dans le monde, de nombreuses forces sont à l'oeuvre pour revenir sur les droits conquis par les femmes. Dans certains pays, ces forces ont déjà amorcé un retour en arrière, et cela a des conséquences très concrètes pour des millions de femmes.

C'est pourquoi nous irons plus loin grâce à la nouvelle stratégie internationale de la France pour l'égalité, en cours de finalisation sous la supervision du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; celle-ci devrait être dévoilée à la fin du mois.

Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs, nous sommes les héritières et les héritiers de millions de combattantes et de combattants pour l'égalité. Leurs victoires sont nos droits et il nous revient de les défendre, de les faire grandir, afin que l'égalité soit, non plus une idée, mais une réalité. Je sais que nous avons toutes et tous le même objectif, la même passion et la même force de conviction. Je sais que je peux compter sur vous ; sachez que vous pouvez également compter sur moi !

Mme Dominique Vérien, présidente. - Madame la secrétaire d'État, j'ai entendu beaucoup de choses positives, et sachez que nous serons à vos côtés pour vous aider à mettre en oeuvre vos propositions.

J'ai bien compris que votre politique s'adapterait à tous les territoires. Cela se justifie car 50 % des féminicides ont lieu dans les territoires ruraux, alors que seulement 30 % de notre population y vit.

Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » sont en augmentation de 10 %. Il s'agit d'une bonne nouvelle, notamment pour financer l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Sur ce sujet, une caisse d'allocations familiales (CAF) m'a précisé que cette aide n'était pas liée à une séparation. Or le dispositif serait dévoyé s'il devait bénéficier aux couples... Sans doute doit-on corriger cela.

Le « pack nouveau départ » est très attendu. Nous avons rencontré des personnes engagées sur ce sujet en outre-mer, notamment en Guadeloupe.

Concernant la récidive des criminels sexuels, nous avons lancé une mission conjointe de contrôle avec la commission des lois, et nous ne manquerons pas de vous tenir informée de nos résultats.

Je suis d'accord avec vous sur le fait que tout ne passe pas par la loi et n'est pas forcément coûteux. Il s'agit d'emporter l'adhésion des uns et des autres, et je suis heureuse d'entendre que le ministre de l'intérieur souhaite continuer à former ses policiers et ses gendarmes. En gendarmerie, l'action est souvent déjà menée car les militaires sont plus faciles à convaincre que les policiers pour réaliser des formations ; si le ministre de l'intérieur souhaite apporter sa pierre à l'édifice, ce serait une bonne chose.

La loi-cadre intégrale me semble davantage un signal qu'une nécessité. Je ne crois pas à la loi du grand soir, sauf à titre symbolique. À mon sens, dès qu'une société est prête à accueillir une avancée, il faut saisir l'opportunité. La loi du 21 avril 2021visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste - la loi Billon - en est l'exemple : des dispositions que nous n'avons pas réussi à faire passer en 2017, dans le cadre de la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, ont pu être adoptées en 2021, parce qu'il y avait eu entretemps la publication du livre de Camille Kouchner, La Familia grande.

Le sujet des femmes dans les sciences est un combat que nous partageons depuis de nombreuses années avec Laure Darcos. Nous entamerons des travaux sur cette thématique au début de l'année prochaine.

Le lien avec la santé est évident. Hier, se tenait au Sénat un colloque sur l'endométriose. Cette maladie est connue depuis 1860... Je reste convaincue que si une maladie ennuyait la vie des hommes au moins une semaine par mois depuis 1860, on aurait déjà trouvé une solution pour régler le problème !

Cela dit, les choses progressent. En effet, je suis de formation ingénieur en travaux publics et c'est moi - une femme - que les étudiants de l'ESTP, grande école d'ingénieurs de la construction, ont sollicitée pour l'ouverture de leur forum à la fin du mois !

Mme Annick Billon. - Madame la ministre, je vous félicite pour l'augmentation de 10 % des crédits du programme 137. Vous avez su être combative dans un contexte particulier, avec un budget global à la baisse et des recherches d'économies dans tous les secteurs.

Sur le sujet de la ménopause, je me réjouis de la nomination d'une députée en mission. Je regrette toutefois l'absence d'une mission conjointe Sénat-Assemblée nationale ; j'aurais été intéressée d'y participer.

Après ces remarques liminaires, je souhaite évoquer la question de l'application de la loi. Le Gouvernement a fixé dans ses objectifs l'aide à la sortie de la prostitution. Le déploiement des parcours de sortie de la prostitution (PSP), avec un soutien financier anecdotique, va donc se poursuivre. Pour rappel, il est question de 343 euros par bénéficiaire. Toutes les associations dénoncent un montant insuffisant. Quel est votre point de vue sur le sujet ? Et quand aurons-nous enfin des condamnations d'acheteurs d'actes sexuels ?

Notre présidente a fait référence à la loi du 21 avril 2021. Je reçois des courriers de procureurs qui me font part de la première condamnation dans leur département sur la base de cette loi. Il serait intéressant de savoir combien d'agresseurs ont été condamnés depuis l'adoption de cette loi. Un retour est toujours utile afin de mesurer l'application de la loi, ainsi que ses écueils.

En septembre 2023, l'une de vos prédécesseuses s'était montrée favorable à la publication d'un décret relatif à la prise en charge des femmes atteintes d'endométriose. En 2024, Mme Catherine Vautrin annonçait notamment la prise en charge par la Sécurité sociale, à compter de janvier 2025, d'un test salivaire permettant de détecter l'endométriose. Où en sommes-nous du processus ?

Ma dernière interrogation porte sur la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Lorsque nous avions auditionné Judith Godrèche, il en était beaucoup question. Quid des 82 propositions alors sur la table ? On entend moins parler de la Ciivise aujourd'hui. Nous étions, il y a quelques jours, avec Laurence Rossignol, Marie Mercier et notre présidente, en déplacement dans l'Yonne dans le cadre de nos travaux sur la prévention de la récidive du viol et des infractions sexuelles. Nous nous sommes notamment rendues à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ainsi que dans un centre de détention. Il est effroyable de savoir que plus de 80 % des mineurs auteurs de violences sexuelles ont été eux-mêmes des victimes qui n'ont pas été reconnues comme telles.

Mme Laure Darcos. - Sur la question des femmes dans les sciences, j'avais saisi M. Pap Ndiaye, qui était à l'époque ministre de l'éducation nationale. En effet, la représentation des femmes dans ces milieux n'est pas le seul problème ; il y a également le sujet des mathématiques au lycée qui, avec la réforme, ne sont toujours pas inscrites dans le tronc commun en classe terminale.

Je souhaite évoquer le sujet de la décharge en responsabilité solidaire. Nous avons adopté, en mai 2024, une proposition de loi importante sur la justice patrimoniale au sein de la famille. Cependant, cela fait trois projets de loi de finances (PLF) successifs que nous déposons, en vain, des amendements sur le sujet de la décharge en responsabilité solidaire, notamment quand l'ex-conjoint se met en insolvabilité et que l'ex-épouse se trouve dans l'obligation de payer les dettes fiscales en application du principe de solidarité fiscale.

La proposition de loi que j'évoquais nous avait permis d'avancer sur ce sujet ; M. Cazenave, ministre en charge des comptes publics à l'époque, avait pris l'engagement que l'administration fiscale serait beaucoup plus clémente. Selon l'association principale, il n'en est rien. Dans de nombreux cas, les femmes ne sont pas remboursées des avances effectuées auprès de l'administration fiscale ; c'est absolument scandaleux.

Dans le cadre du PLF pour 2025, nous allons remettre le sujet sur la table. On nous indique que cela peut difficilement passer par la loi. En tout cas, les engagements ne sont jamais pris au niveau de Bercy. Il s'agit d'aller plus loin et, au moment de la reconnaissance de la séparation, peut-être faut-il obliger à la fermeture des comptes joints. Des centaines de femmes se trouvent aujourd'hui en attente, car pour elles il s'agit d'une double peine, avec la violence économique qui s'ajoute aux autres.

Mme Dominique Vérien, présidente. - La solidarité fiscale prévoit que, même dans le cadre d'un mariage avec séparation des biens, si le mari a fraudé ou a des dettes fiscales, on demande à l'ex-épouse de rembourser les dettes. Celle-ci a beau n'y être pour rien et n'avoir jamais vu la couleur de cet argent, on va quand même s'en prendre à son héritage. Il s'agit d'une solidarité forcée, contre laquelle nous luttons.

Mme Laurence Rossignol. - Je me reconnais tout à fait dans les propos de mes collègues qui se sont exprimées avant moi. Dans cette délégation, nous sommes consensuels. On devrait nous donner le pouvoir, on saurait gouverner la France et réaliser l'union nationale !

Je me réjouis de l'augmentation de 10 % des crédits obtenue pour le programme 137. Pour autant, je tempère notre enthousiasme car je ne suis pas sûre que cette augmentation compense les restrictions budgétaires qui toucheront les collectivités et auront des effets sur les femmes. Les collectivités locales, en effet, sont impliquées dans la lutte contre les violences, dans l'hébergement d'urgence ainsi que le soutien aux associations.

Mme Dominique Vérien, présidente. - À noter que certains départements vont certainement arrêter le soutien aux associations dans la mesure où le soutien à la lutte contre les violences intrafamiliales ne fait pas partie de leurs missions.

Mme Laurence Rossignol. - Madame la secrétaire d'État, en dépit de votre détermination, je crains que la balance ne soit pas équilibrée en matière de politique de droits des femmes.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), un amendement de la députée Sandrine Josso visant à expérimenter le remboursement des tests de détection de soumission chimique a été adopté. Le Gouvernement présentera un texte, qui sera amélioré des amendements qu'il aura décidé de retenir du travail à l'Assemblée nationale. J'espère, et je vous fais confiance pour y veiller, que cet amendement sera retenu, d'autant qu'il ne coûte pas grand-chose.

Dans le prolongement de notre mission sur les femmes à la rue, je suis inquiète lorsque j'entends le ministre de l'intérieur dire qu'il souhaite passer du « cas par cas » au « compte-gouttes » en matière de régularisation. Tous les élus envoient des dossiers aux préfets pour des demandes de régularisation. Arrêtons d'être schizophrènes en approuvant les propos du ministre de l'intérieur, tout en harcelant dans le même temps les préfets pour des régularisations.

Dans les conclusions de notre rapport, nous avons constaté une embolisation des dispositifs due à un trop grand nombre de femmes qui restent sur le territoire français tout en étant maintenues dans une situation de non-droit. Si ces femmes bénéficiaient d'un titre de séjour régulier, elles pourraient sortir des centres d'hébergement et accéder à un logement social. Madame la ministre, je vous charge d'expliquer au ministre de l'intérieur que, derrière les grandes déclarations politiques, il y a des réalités humaines. Nous partageons toutes ici le constat qu'un effort est nécessaire dans les préfectures pour régulariser les femmes sans titre de séjour.

Sur le sujet de l'égalité professionnelle, le problème n'est pas seulement l'égalité salariale poste par poste, mais la concentration des femmes dans des branches et des métiers mal rémunérés. Il sera impossible de parvenir à une égalité salariale globale si l'on ne prend pas en compte la nécessaire augmentation des rémunérations dans les branches où les femmes sont les plus nombreuses. Je pense, en particulier, aux métiers du soin et du nettoyage.

Quelles sont vos intentions concernant la poursuite des plans mis en place par vos trois prédécesseuses sur la lutte contre le système prostitutionnel ? Annick Billon a évoqué le faible montant de l'aide financière à l'insertion sociale (Afis). Le travail engagé nous convenait dans la mesure où notre délégation est majoritairement abolitionniste.

Il y a consensus entre le Sénat et le Gouvernement sur la nécessité d'engager une politique de lutte contre le narcotrafic. Or on ne peut pas lutter contre celui-ci si l'on ne lutte pas également contre l'exploitation sexuelle des femmes. Comme tous les spécialistes le savent, les narcotrafiquants ont une double activité ; dans la même journée, ils sont à la fois proxénètes et trafiquants de drogue. Peut-être faut-il convaincre le ministre de l'intérieur qui, comme ses prédécesseurs, ne fait pas pleinement appliquer la loi de 2016 ?

Il existe une sensibilité unanime concernant l'exploitation sexuelle des mineurs, dont les chiffres explosent aujourd'hui, notamment en raison de l'état dans lequel se trouve le dispositif de protection de l'enfance.

Enfin, je préconise toujours des plans triennaux en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, car ceux-ci permettent d'assurer une continuité. Dans la succession de plans, d'annonces et de dispositifs jamais évalués, on peut facilement se perdre. Les plans triennaux permettent à la fois une évaluation de l'acquis et une projection de nouvelles mesures. Dans un climat politique instable, on a besoin de continuité et celle-ci doit s'incarner dans des plans qui se transmettent d'un ministre à l'autre.

Mme Colombe Brossel. - Avec ma collègue Béatrice Gosselin, nous avons rédigé un rapport avec dix propositions sur le sujet des familles monoparentales. Il s'agit d'abord de reconnaître ces familles ; en les reconnaissant, on peut mieux orienter nos politiques. Aujourd'hui, ces politiques ne parviennent pas à lutter contre le cumul d'inégalités et de difficultés auquel les familles monoparentales font face. Nous avons eu l'occasion de présenter ce rapport à Agnès Canayer, ministre déléguée en charge de la famille et de la petite enfance.

Un sujet dépend beaucoup des relations interministérielles, c'est celui de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant (C3E), c'est-à-dire de la pension alimentaire. Je compte sur vous, Madame la ministre, pour mettre de l'huile dans les rouages.

Le montant moyen des pensions alimentaires est scandaleusement bas : environ 190 euros par mois, soit un montant équivalent à celui de l'allocation de soutien familial (ASF). Or le fait d'élever et d'éduquer un enfant est évalué entre 350 et 750 euros par mois. Nous avons donc un sujet sur le montant des pensions alimentaires. Nous avons également un sujet sur la coexistence de deux barèmes de calcul des pensions alimentaires : celui de la CAF et celui du ministère de la justice. Les relations entre les deux entités sont donc essentielles. Par ailleurs, il y a une forme de violence symbolique à ce que jamais ne soit affichés, dans le calcul d'une pension alimentaire, les revenus des femmes. Seuls sont demandés les revenus du parent non-gardien.

Il faut également travailler sur le recouvrement et l'intermédiation des pensions alimentaires afin de ne plus se satisfaire de ce que plus de 25 % des pensions dues ne sont pas versées ou pas en intégralité. Cela nécessite sans doute de mieux doter les CAF.

Mme Marie Mercier. - Je souhaite revenir sur la protection des enfants contre l'accès aux films pornographiques. Le 17 octobre dernier, un arrêt de la cour d'appel de Paris a ordonné le blocage des sites pornographiques extra-européens qui ne contrôleraient pas l'âge des utilisateurs. En ce qui concerne les sites européens, nous attendons l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Le référentiel en matière de vérification d'âge mis en place par la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (Sren) sera immédiatement frappé par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Les sites pornographiques se frottent les mains, car ils pourront continuer de faire du commerce.

J'insiste sur le mot « commerce ». Une possibilité existe : le traitement des films pornographiques est considéré comme un commerce par l'arrêt Google Ireland de la CJUE du 9 novembre 2023. Or la France a la possibilité de notifier à chacun des États membres de l'Union européenne d'où proviennent ces films - je pense notamment à la République tchèque - qu'une loi, chez nous, impose le contrôle de l'âge. Pour cela, il convient d'avoir une réelle volonté gouvernementale ; je compte sur vous pour effectuer ce travail. Un film pornographique ne doit pas être considéré comme un commerce. Il s'agit d'une question de santé publique, et la France doit pousser en ce sens.

Mme Olivia Richard. - Étant sénatrice des Français établis hors de France, mon prisme sera international. On ne connaît pas précisément le nombre de Français qui vivent à l'étranger mais on l'estime à trois millions. Cela fait probablement 1,5 million de femmes françaises qui vivent à l'étranger, avec des profils très divers. On estime que la moitié d'entre elles sont binationales, qu'une partie ne parlent pas français et qu'un certain nombre ont suivi leur conjoint. La députée Amélia Lakrafi vous a alerté à l'Assemblée nationale sur la question de la vulnérabilité de ces femmes, je n'y reviendrai donc pas.

J'aimerais parler de diplomatie féministe alors que Donald Trump vient d'être réélu président des États-Unis. C'est un vaste défi de faire entendre une voix française sur la scène internationale, et j'attire votre attention sur la nécessité d'installer également des consulaires féministes. Les consulats sont chargés de l'administration et de la gestion des communautés françaises. Dans ce portefeuille d'action, il y a la lutte contre les violences intrafamiliales, qui existent aussi à l'étranger. À l'étranger, s'ajoute un isolement accru, avec des difficultés pour détecter les violences et venir en aide à ces femmes, d'autant plus quand il y a des enfants. Le rapatriement en France est souvent difficile à organiser lorsqu'interviennent des problèmes liés aux droits de garde et de déplacement illicite d'enfant.

Il y a quelques mois, j'avais demandé au précédent garde des Sceaux si l'on ne pouvait pas étendre à l'étranger la possibilité de porter plainte en ligne, notamment pour des problèmes de violences intrafamiliales. Pour l'instant, le sujet est circonscrit aux attaques contre les biens. Je ne manquerai pas d'insister à nouveau sur ce point qui permettrait de rompre l'isolement de ces femmes.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères organise aujourd'hui une réunion technique avec de nombreux acteurs qui s'engagent dans la lutte contre les violences faites aux femmes à l'étranger. Parmi les acteurs conviés, je citerai notamment Chloé Vialard, avocate à Singapour, qui a développé un partenariat entre l'ambassade de France, le barreau de Paris et les autorités singapouriennes, permettant d'assurer une permanence pour répondre aux questions des femmes en difficulté. Son dispositif ne coûte pas d'argent, il est adapté aux réalités locales, et Chloé Vialard a l'occasion de le présenter aujourd'hui afin que l'on puisse le développer ailleurs dans le monde.

Un autre dispositif, Save you, sera également mis à l'honneur. Pendant de la fondation The Sorority, il apporte également une écoute et des conseils personnalisés aux femmes isolées et victimes de violences à l'étranger.

Naturellement, les législations ne sont pas les mêmes partout dans le monde et il faut respecter la souveraineté de chaque État. Néanmoins, l'État français a un rôle à jouer. La diplomatie française avait annoncé avoir aidé 120 femmes victimes de violences l'année dernière, alors que l'on estime le nombre de Françaises à l'étranger à environ un million et demi et qu'elles sont certainement bien plus nombreuses à être dans des situations difficiles.

Une question d'actualité au Gouvernement a été posée hier sur le financement des associations qui viennent en aide aux personnes à la rue, et notamment aux femmes. On nous a alertés sur le fait qu'il manquait 170 millions d'euros au sein du programme budgétaire 177. Dans le même temps, on a annoncé le maintien des 203 000 places d'hébergement d'urgence. Cela n'est pas tenable. D'autant que le nombre de personnes à la rue est largement sous-estimé. Le taux de demandes d'hébergement non pourvues après un appel au 115 s'élève à 64 %et l'on estime à 60 % le taux de personnes concernées qui n'appellent plus le 115, ce qui permet d'estimer que nous avons en France environ 3 000 femmes et autant d'enfants à la rue.

Parmi les préconisations de notre rapport, il y a la nécessité de conduire des enquêtes genrées afin de mieux appréhender le phénomène. Le credo de la délégation aux droits des femmes, souvent rappelé par notre présidente, est le suivant : « Les compter pour qu'elles comptent ». Nous espérons que vous défendrez cette approche.

Mme Salima Saa, secrétaire d'État. - Avant de répondre à vos questions, je tiens à vous remercier pour vos suggestions et pistes de travail. Il est très appréciable, en tant que secrétaire d'État, de savoir que l'on peut s'appuyer sur vous pour faire avancer des sujets.

Ma mission relève, pour une large part, du travail interministériel. La tâche est difficile, je vais y mettre de l'énergie et j'aurai besoin de votre soutien. Je vous propose que, pour certains sujets, nous organisions ensemble des rendez-vous avec les ministres concernés. Mes prédécesseuses ont effectué un travail important. Dans la mesure où l'on ignore la durée de vie du ministre, il s'agit de mettre la pression dès le premier rendez-vous afin de faire avancer les sujets.

Madame Rossignol, le sujet de la régularisation des femmes présentes sur le territoire français depuis longtemps a été évoqué par la ministre du logement avec le ministre de l'intérieur. L'objectif est de libérer des places dans les centres d'hébergement, sachant que ces femmes aujourd'hui en situation irrégulière vont rester sur le territoire et que, par ailleurs, nous avons dans notre pays des métiers en tension.

Pour avoir été préfète, j'ai reçu un certain nombre de sollicitations pour régulariser des situations alors que les mêmes personnes, en public, tenaient un autre discours. Je n'hésitais pas alors à leur rappeler ; un peu de cohérence politique et d'intelligence humaine ne font pas de mal pour améliorer la situation des personnes, notamment celle des femmes et des enfants en danger.

Le budget n'est jamais assez important mais, dans les temps actuels, nous n'avons pas à nous plaindre. Je me réjouis de la volonté exprimée à la fois par le Premier ministre et le ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, pour augmenter les crédits consacrés aux droits des femmes et à l'égalité femmes-hommes. Par ailleurs, les sujets étant interministériels, mon objectif est aussi d'aller chercher des enveloppes budgétaires dans les autres ministères.

Concernant la prostitution, je compte poursuivre le plan lancé par mes prédécesseuses. Je sais que nous pouvons en faire davantage. J'ai partagé ma préoccupation avec les représentants des délégations dans chaque département. Je n'ignore pas que cela se passe de manière inégale en fonction des départements et des préfectures. J'ai indiqué que je ferai passer un message aux préfets de manière à ce que le programme d'accompagnement de sortie de la prostitution soit suivi dans tous les départements.

Concernant les plans triennaux, j'y suis favorable et je vais me pencher sur le sujet. Il existe déjà des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO), mais cela donnerait une visibilité supplémentaire aux associations. On sait qu'il faut plusieurs années pour aboutir à des résultats !

Je souhaite également travailler sur une plus large délégation des crédits dans les territoires. De nombreux appels à projets sont aujourd'hui nationaux, et je suis favorable à l'idée de débloquer une partie de l'enveloppe sur les projets territoriaux. Les associations les plus importantes ne peuvent pas bénéficier de tous les budgets.

Concernant la soumission chimique, l'amendement de la députée Sandrine Josso est passé. Dans la mesure où elle a obtenu l'accord du Gouvernement, cet amendement devrait se concrétiser.

Sur le sujet des familles monoparentales, la CAF et le ministère de la justice doivent, en effet, travailler ensemble.

J'ai déjà évoqué le sujet du consentement avec le garde des Sceaux, et je dois le revoir prochainement car nous avons beaucoup de travaux en commun avec le ministère de la justice.

Madame Darcos, vous m'avez déjà alerté sur ce sujet de la décharge de la responsabilité solidaire. Je vous propose que nous allions en délégation à Bercy. Il n'y a aucune raison que les femmes soient responsables des dettes de leur ex-mari. Le sujet a déjà été évoqué à Bercy avec les précédents ministres. Il faut y aller maintenant, de manière à ce que les promesses faites soient tenues.

Sur le sujet de la pornographie, je vais me pencher sur l'arrêt Google Ireland. La loi ne doit pas être détournée. Quand il s'agit de gagner de l'argent, les entreprises trouvent toujours des biais ; mais de cette manière, c'est à mon sens intolérable.

Je suis sensible à la question des femmes à l'étranger. Cela ne fait pas longtemps que l'on accompagne nos concitoyennes à l'étranger. Je suis favorable à l'idée d'installer des consulaires féministes. J'ai rendez-vous prochainement avec Save you. Je travaille également avec la députée Lakrafi afin de mettre en place des conventions et d'alerter les entreprises, de manière à ce qu'elles n'oublient pas la prise en compte du conjoint accompagnant.

Quand ces femmes se trouvent isolées et qu'elles ne peuvent pas revenir avec leurs enfants sous le bras, la situation s'avère compliquée. Les ambassades sont sensibilisées, mais cela vaut la peine d'en faire davantage, par exemple en ouvrant des permanences, en accompagnant ces femmes pour le volet administratif, sans parler du soutien psychologique. On a commencé à travailler avec le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et une personne de mon cabinet est mobilisée sur le sujet.

Madame Billon, je reviendrai vers vous pour vous donner les chiffres, notamment concernant le nombre d'agresseurs condamnés sur la base de la loi de 2021. Je compte soutenir les propositions de la Ciivise, de même que l'idée des tests pour l'endométriose.

Je partage également votre avis sur l'éventualité d'une loi intégrale ; l'idée d'une grande loi n'a pas ma faveur. J'ai reçu les associations pour évoquer le sujet, j'attends maintenant leurs propositions. Je sais que certaines seront intéressantes et je n'hésiterai à m'en inspirer dans mes annonces, le 25 novembre prochain.

Vous pouvez compter sur mon engagement. Je vous propose un mode de fonctionnement et une méthode de travail pour faire avancer les différents sujets le plus rapidement possible.

Mme Dominique Vérien, présidente. - Madame la ministre, nous serons là pour vous soutenir, et nous vous accompagnerons dans cette démarche constructive.

Je tiens à préciser que notre mission d'information sur la prévention de la récidive du viol et des infractions sexuelles est devenue une mission conjointe de contrôle entre la délégation aux droits des femmes et la commission des lois. Elle sera co-présidée par Muriel Jourda et moi-même, et sera ouverte à tous les membres de la délégation et de la commission des lois. Nous avons déjà effectué un déplacement dans l'Yonne le 28 octobre. Comme cela a été évoqué précédemment, nous avons rencontré la PJJ, très engagée sur le sujet, car si l'on ne se préoccupe pas des victimes mineures, elles peuvent devenir des agresseurs majeurs.

Je souhaite maintenant vous remettre le dernier rapport de la délégation, intitulé Femmes sans abri, la face cachée de la rue. Il formule vingt-deux recommandations visant à mieux repérer et connaître les trajectoires de vie de ces femmes ; assurer une offre d'hébergement à la hauteur des besoins, tant sur le plan quantitatif que qualitatif ; faciliter l'accès des femmes au logement ; mieux les accompagner dans l'accès à leurs droits ; soutenir et valoriser les travailleurs sociaux.