Mardi 25 juin 2024

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Organisation de l'offre de soins et anticipation des risques sanitaires durant la période des jeux Olympiques et Paralympiques - Audition du docteur Jean-Marc Philippe, conseiller médical et scientifique du centre de crises sanitaires de la direction générale de la santé, de Mme Julie Pougheon, cheffe de service, et du docteur Aurélie Avondo Ray, conseillère crises sanitaires et JOP 2024 de la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins, de Mme Sophie Martinon, directrice générale adjointe de l'agence régionale de santé Île-de-France et du professeur Catherine Paugam-Burtz, directrice générale adjointe de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui pour une audition collective sur l'organisation de l'offre de soins et sur l'anticipation des risques sanitaires durant la période des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP).

Le Sénat, même en l'absence de séance publique, conserve ses missions de contrôle. À ce titre, puisque nous nous approchons d'un événement mondial, il a semblé important à la commission des affaires sociales de faire un point sur notre préparation en matière de santé, du fait des incidences organisationnelles.

Les jeux mettront sous tension de nombreux services publics. Aussi l'offre de soins devra-t-elle se montrer à la hauteur, alors même que, depuis plusieurs années, le système de santé francilien rencontre des difficultés au cours de la période estivale. Il faudra faire face aussi bien aux besoins de la communauté olympique et paralympique dans son ensemble qu'à ceux des visiteurs et des habitants de l'Île-de-France, qu'il s'agisse de soins programmés ou non programmés.

Nous accueillons ainsi, pour la direction générale de la santé (DGS), le docteur Jean-Marc Philippe, conseiller médical et scientifique du centre de crises sanitaires ; pour la direction générale de l'offre de soins (DGOS), Mme Julie Pougheon, cheffe de service, et le docteur Aurélie Avondo Ray, conseillère crises sanitaires et JOP 2024 de la directrice générale ; pour l'agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, Mme Sophie Martinon, directrice générale adjointe ; pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le professeur Catherine Paugam-Burtz, directrice générale adjointe.

Mesdames, monsieur, je vous remercie de vous être rendus disponibles en cette période, chargée pour vous.

M. Jean-Marc Philippe, conseiller médical et scientifique du centre de crises sanitaires de la direction générale de la santé. - Je suis accompagné de Mme Cécile Henry, cheffe de l'unité Doctrine et planification. Ma collègue est l'une des chevilles ouvrières de la préparation aux crises.

Les jeux Olympiques, comme toute grande manifestation, ont leur part de risque en raison de la présence d'une population qui vient du monde entier. À ce titre, l'action de la DGS s'inscrit dans le champ des réponses aux situations sanitaires exceptionnelles (SSE), c'est-à-dire des situations qui excèdent l'organisation quotidienne des soins et pour lesquelles il existe un besoin particulier.

Socle de la préparation, le dispositif Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles (Orsan) permet la mobilisation de toutes les composantes du secteur lors d'une crise. L'ARS assure ainsi la coordination des acteurs relevant, premièrement, des établissements de santé, le public comme le privé étant soumis aux mêmes obligations, deuxièmement, de la médecine de ville, importante pour la détection et pour la prise en charge de pathologies qui ne nécessitent pas une hospitalisation, et, troisièmement, du secteur du médico-social, même s'il est moins concerné.

Le dispositif a été créé en 2014. Il a évolué sur le plan législatif et réglementaire avec la publication du décret du 3 janvier 2024 relatif à la préparation et à la réponse du système de santé pour faire face aux SSE. Celui-ci renforce le cadre des réactions aux crises, organise la montée en puissance du système de santé et définit des parcours de soins cohérents en fonction des différentes typologies de victimes, qu'il s'agisse de blessés somatiques, de patients atteints de maladies infectieuses ou exposés à des agents particuliers. Le décret est mis en oeuvre par le directeur général de l'ARS en cas de SSE.

Un renfort national a été prévu au sein du centre de crise. En effet, des moyens peuvent être mobilisés en appui aux agences régionales de santé concernées par l'événement. En outre, la structuration que nous avons développée dans la perspective prochaine des jeux Olympiques se décline dans chaque région : Île-de-France au premier chef, Provence-Alpes-Côte d'Azur, où se tiendront des épreuves... Tout événement sera accompagné de manifestations, de fan zones et de rassemblements. Aussi les risques devront-ils être pris en compte sur place.

Notre organisation se fonde sur un triptyque.

D'abord, la planification opérationnelle vise à structurer nos actions face à tel ou tel événement et à éviter ainsi de perdre du temps grâce à la mise en place de toutes les réponses nécessaires.

De plus, un cadre de formation des différents acteurs du système a été développé, puis renforcé. On ne peut pas, sans le former, demander à un professionnel de santé de s'occuper d'un patient atteint par une intoxication à laquelle il n'a jamais affaire ! Nous avons ainsi ouvert une plateforme en ligne sur le site de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) pour former massivement nos professionnels.

Enfin, il faut des moyens immédiatement disponibles. Au quotidien, nous n'utilisons presque jamais certains produits de santé : antidotes, antitoxines, produits relatifs aux blessures hémorragiques par arme de guerre... Une organisation est donc nécessaire : prépositionnement dans les établissements de santé, gestion par ces derniers et financement au niveau national par la DGS, en lien avec la DGOS.

Une telle préparation s'est faite en lien avec les organisateurs de Paris 2024, dans une logique interministérielle, l'ensemble des ministères étant concerné. Tout doit être parfaitement huilé pour que la réponse soit la plus efficace possible.

Nous avons ensuite distingué trois axes de travail.

Premièrement, il faut identifier et maîtriser les risques sanitaires. Ces derniers sont très nombreux, de la canicule aux épidémies en passant par les risques intentionnels, comme un attentat. Une cartographie a été établie largement en amont, permettant de mettre en place des actions préventives. Des messages de santé publique sont ainsi susceptibles d'être émis sur la vaccination des touristes, par exemple pour contrôler l'épidémie actuelle de coqueluche.

Deuxièmement, il faut préparer le système de santé aux SSE - nous avons parlé du dispositif Orsan - et consolider nos moyens. Nous les avons considérablement renforcés, avec des moyens des plus innovants, à l'instar des shelter. Ces unités déployables permettent, en situation exceptionnelle, de disposer d'un espace d'accueil des patients. Nos collègues toulousains ont mis en place ce concept remarquable, qui a été utilisé pendant la crise covid et que nous avons nationalisé. De même, nos confrères du service d'aide médicale urgente (Samu) 92 ont inventé un bus pour transporter huit patients en réanimation. Nous avons acquis ce véhicule, qui entrera en service.

Troisièmement, il faut se préparer à la conduite opérationnelle. Comment mettre en oeuvre l'organisation, la gouvernance et l'articulation des centres opérationnels pour assurer la fluidité de l'information et pour pouvoir détecter à tout moment un événement d'origine sanitaire ? Cécile Henry pourra vous parler du dispositif de surveillance qui nous permet d'effectuer des repérages rapides, de prendre toute mesure adéquate et de procéder ainsi à des contrôles - émergence d'une épidémie, canicule...

Mme Julie Pougheon, cheffe de service à la direction générale de l'offre de soins. - En complément de l'anticipation d'une situation sanitaire exceptionnelle, le ministère, depuis plus de deux ans, prépare le système de santé à l'afflux potentiel de patients qui serait lié à cet événement. L'été est une période habituelle de tensions, notamment sur les services d'urgence : les congés pris par le personnel peuvent conduire à des difficultés d'absorption.

Nous demandons concrètement aux établissements de construire les plannings avec une anticipation maximale pour disposer de visibilité sur le personnel et, ainsi, faire face aux besoins, notamment en Île-de-France, où se concentrera la majorité des tensions.

De plus, une polyclinique dédiée apportera une réponse spécifique et absorbera les éventuels besoins de soins des athlètes et de la famille olympique au sens large. De fait, il faut se doter d'outils qui sortent de l'ordinaire. Malgré les tensions, plus marquées ces dernières années, nous avons travaillé à la mise en place de solutions exceptionnelles, maintenant entrées dans le droit commun, qui permettent aux établissements d'avoir désormais les moyens de gérer la période estivale.

Avant tout, notre rôle est de rappeler aux ARS et aux établissements l'ensemble des dispositifs qui sont les nôtres. Du point de vue des ressources humaines (RH), nous mettons en avant ceux qui relèvent du droit commun et qui visent à valoriser, sur de telles périodes, l'engagement des agents : temps de travail additionnel, heures supplémentaires... Ainsi, les nuits ont été revalorisées, de sorte que la pression sur le personnel soit détendue, et des mécanismes exceptionnels ont été mis en place, dont certains étaient contenus dans la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Je pense à la possibilité d'abonder plus largement les comptes épargne-temps (CET).

Même si l'Île-de-France est particulièrement concernée, l'ensemble des régions le sont aussi. En effet, des systèmes de « soutiens interrégionaux » ont pour objectif que l'offre de soins en région parisienne soit assurée au bénéfice à la fois des Franciliens, des touristes habituels et de l'afflux de population qui sera lié à l'événement.

Mme Aurélie Avondo Ray, conseillère crises sanitaires et JOP 2024 de la directrice générale de la direction générale de l'offre de soins. - D'un point de vue méthodologique, nous avions trois axes de travail, en collaboration avec l'ensemble des régions : la continuité du système de santé au sens large, la médicalisation des sites et la prise en compte d'une éventuelle situation sanitaire exceptionnelle.

Même si 90 % des épreuves auront lieu en Île-de-France, les groupes de travail ont associé les six autres ARS concernées par l'accueil d'au moins une épreuve : Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val de Loire - qui a la spécificité d'accueillir également les jeux Paralympiques - et Pays de la Loire. Je n'oublie pas Tahiti. De fait, nous restons fortement en lien avec les autorités de la Polynésie française pour suivre la préparation. Les ARS qui n'accueillent pas d'épreuves pourront fournir un soutien. Notre travail s'est donc fondé sur une vision d'ensemble, nationale.

Le risque cyber a surtout été pris en compte par les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité, mais nous avons été associés aux travaux, notamment en ce qui concerne le suivi et la sécurisation des établissements de santé. Nous restons particulièrement attentifs, eu égard au rehaussement du plan Vigipirate depuis le mois de mai dernier, ce que nous avons rappelé à l'ensemble des établissements.

En matière d'offre de soins, une mobilisation est attendue des hôpitaux, tant publics que privés, et des acteurs libéraux au sens large, comme les pharmaciens, avec qui nous travaillons.

Mme Sophie Martinon, directrice générale adjointe de l'agence régionale de santé Île-de-France. - Nous entrons dans une phase finale de mobilisation, à près de J-30 du début des jeux Olympiques et à la suite d'un travail intense et de longue haleine avec de nombreux partenaires, au premier rang desquels l'AP-HP et les établissements de santé.

Les jeux Olympiques et Paralympiques représentent à la fois un événement extraordinaire et une charge de travail importante pour les professionnels.

Si la première de nos préoccupations est l'anticipation, la deuxième est d'avoir le dispositif le plus adapté possible, c'est-à-dire d'éviter la surmobilisation et le surdimensionnement, par précaution, du dispositif. Les jeux Olympiques durent une vingtaine de jours, les jeux Paralympiques une quinzaine ; or il faut aussi pouvoir soigner les Franciliens avant et après ! Nous ne pouvons pas nous permettre que des professionnels se trouvent dans l'impossibilité de prendre des congés pendant l'été.

Notre troisième préoccupation est la communication. Ma principale inquiétude porte non pas sur le système de santé, mais sur nos capacités de circulation en Île-de-France pendant l'été. Nous avons sensibilisé les professionnels, les établissements et l'ensemble des acteurs, de sorte qu'ils anticipent les difficultés.

Je focaliserai à présent mon intervention sur trois points.

D'abord, le contexte estival, ordinairement sujet à tensions, a été pris en compte en matière de continuité des soins et des activités. Nous avons estimé qu'il y avait besoin d'un renforcement ciblé. En intégrant les retours d'expérience des jeux Olympiques de Londres, nous avons identifié un certain nombre de sujets prioritaires, comme les services d'accueil et l'aval des urgences ou les soins non programmés.

Nous avons choisi de renforcer douze établissements de santé ainsi que l'AP-HP, qui est, avec la polyclinique du village olympique, l'établissement de référence pour les athlètes, pour la famille olympique et pour l'ensemble des accrédités. Comprenant trois établissements privés, et un à but non lucratif, ces douze établissements ont été choisis en fonction non pas de leur statut, mais de leur proximité avec les épreuves. Aussi, nous avons obtenu des financements pour augmenter, dans les services identifiés, le nombre de lits disponibles à hauteur de 750, par exemple en petite traumatologie.

Au-delà des services hospitaliers, notre réflexion a porté sur la médecine de ville. L'Île-de-France a la chance de compter huit services d'accès aux soins pleinement opérationnels ; chaque département en a un. Ces services permettent d'orienter les demandes de soins non programmés vers des professionnels.

Nous avons également fait le choix de renforcer nos capacités de régulation au travers des centres 15 et, pour les soins non programmés pour lesquels il n'est pas nécessaire de recourir aux services d'urgence, des maisons médicales de garde. Sept centres de premier recours ont été concernés - six à Paris et un en Seine-Saint-Denis - pour accueillir les demandes.

Le préhospitalier est mobilisé à 120 % sur l'ensemble de l'Île-de-France, grâce à des renforts extrarégionaux. En effet, des équipes de service d'aide médicale urgente ont accepté de venir épauler leurs collègues du Samu zonal et de l'ensemble de la région.

Un hélicoptère médicalisé a été ajouté afin de pouvoir en disposer de deux pendant cette période sensible. Nous demeurons particulièrement attentifs à la cérémonie d'ouverture et aux épreuves sur route, auxquelles s'appliqueront des règles particulières.

Ensuite, le risque cyber est pris extrêmement au sérieux. Depuis deux ans, nous avons intensifié notre action. De fait, deux établissements de la région Île-de-France ont été victimes d'une cyberattaque : le centre hospitalier sud-francilien et le centre hospitalier de Versailles. Nous avons pu mesurer la désorganisation qui découle de telles attaques. Ces deux attaques nous ayant permis de sensibiliser l'ensemble des acteurs, le niveau de maturité des intéressés est bien meilleur qu'il y a deux ans. Néanmoins, je ne me risquerai pas à vous assurer que nous ne serons pas victimes de cyberattaques... La mise à niveau a été progressive, mais l'effort a été substantiel.

Les jeux Olympiques nous ont permis de réaliser cet effort. Nous en conserverons l'héritage, au travers de l'établissement qui assure l'appui numérique en Île-de-France, le service de santé numérique (Sesan), et des exercices menés dans chaque établissement.

Enfin, en matière de communication, nous avons, depuis deux ans, intensifié le dialogue avec l'ensemble des acteurs. Nous avons travaillé de manière à la fois territoriale, notamment à l'échelle des départements, et transversale, en organisant des réunions régionales d'information sur les jeux Olympiques et Paralympiques. En effet, puisque nous avons souvent été interrogés sur la mobilisation de la médecine de ville ou de l'hôpital, il est important de donner une vision globale, pour que chacun ait confiance dans les maillons du système.

Dans la dernière ligne droite, nous travaillons filière par filière, notamment à la prise en charge des pathologies chroniques. Nous avons sensibilisé tous les établissements franciliens qui réalisent des dialyses et ceux qui prennent en charge les personnes en soins d'oncologie pour s'assurer qu'ils fournissent la bonne information à leurs patients et à leurs usagers.

Il est essentiel que chacun soit en mesure d'anticiper, y compris les patients. Le site anticiperlesjeux.gouv.fr permet de connaître, en fonction de l'adresse où l'on veut se rendre, les règles qui s'appliquent : est-il possible de s'y rendre en voiture ? Un QR code est-il nécessaire ?

Notre campagne de communication nationale a été déclinée en Île-de-France pour répondre aux questions et pour donner des indications très précises : où se soigner cet été ? Comment ? Nous avons également identifié un certain nombre d'outils de traduction pour la prise en charge des touristes internationaux, notamment un site développé par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes qui permet de traduire gratuitement les phrases les plus courantes dans des situations de prise en charge sanitaire.

Mme Catherine Paugam-Burtz, directrice générale adjointe de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. - L'AP-HP, au titre du CHU de l'Île-de-France, a décliné ce qui vient d'être présenté, avec une particularité : nous avons, en outre, la charge de dispositifs propres aux JOP.

Je pense à la polyclinique au sein du village olympique. Elle assure des soins programmés ou non programmés à la famille olympique, laquelle comprend les athlètes et les forces de travail volontaires sur place. Quelque 700 consultations par jour sont attendues, grâce aux 120 professionnels sur site. L'offre comprend la médecine générale, la médecine du sport, les petits tracas d'urgence et de traumatologie, ou encore le dentaire. Il sera possible de réaliser un certain nombre d'examens, notamment scanographiques. En nous fondant sur les jeux précédents, nous nous attendons à 100 imageries par résonance magnétique (IRM) chaque jour, puisqu'il s'agit de plus en plus de l'examen clé des sportifs.

L'offre est en place. Les documents qui mettent en oeuvre ce que prévoit la loi sont signés, comme notre règlement intérieur ou l'arrêté du 21 juin 2024. Tout est au vert ! Nous finissons de ranger les cartons. Nous nous préparons au « lockdown », qui aura lieu le 4 juillet, avant de déverrouiller après le week-end du 15.

Trois hôpitaux référents seront responsables de certaines prises en charge, en lien avec les équipes médicales de Paris 2024 et la polyclinique. Les membres des médias iront à Avicenne, les athlètes à Bichat. La famille olympique, c'est-à-dire les officiels, les partenaires et les sponsors, sera reçue à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). En nous fondant sur les expériences précédentes, nous estimons que les flux seront extrêmement faibles. Les patients se compteront sur les doigts d'une main à la journée, voire sur plusieurs jours ! Néanmoins, le travail interne des trois sites a permis d'établir les modalités de prise en charge et le parcours patient, jusqu'à une facturation parfaitement définie. L'offre de soins est divisée en deux parties : maintien pour tous de l'offre estivale et prise en compte d'une possible surcharge liée à l'augmentation de la population à l'échelle de la région francilienne.

Un calibrage a été effectué sur le supplément d'offre et sur les secteurs concernés. Parmi ces derniers, nous avons ciblé ceux qui sont en lien avec l'aval des services d'accueil d'urgence (SAU) et avec la prise en charge de l'orthopédie ou des problèmes médicaux urgents. Ce travail s'est traduit en environ 360 ouvertures de lits, réparties en médecine, en chirurgie et en soins critiques, sans que l'effort se résume à ce nombre. Nous avons identifié des blocs d'urgences supplémentaires, en nous adaptant aux flux nouveaux, sur le fondement d'échanges fournis avec nos amis du King's Health Partners de Londres, l'équivalent de notre CHU. Ainsi, en matière de capacité relative à l'offre de base, nous reprenons du poil de la bête.

Pour nous assurer d'être au rendez-vous, les plannings sont finalisés depuis avril dernier, non seulement dans les services, mais aussi dans le périmètre global. Nous sommes donc confiants en ce qui concerne les ressources humaines. Actuellement, nous travaillons essentiellement à la mise en place de plans de contingence, où nous entrons dans les détails : site par site, il s'agit d'anticiper ce qui se passera tel jour à telle heure pour la logistique, notamment des patients et des professionnels. Nous finalisons cet affinage.

La communication revêt également des enjeux majeurs. Elle se décline à la fois aux niveaux régional et local, à destination des professionnels et des patients, au sein des différentes filières. Nous avons par exemple informé précisément les femmes enceintes des modalités d'accès aux maternités. Ce travail de précision est en cours de finalisation.

Concernant les dispositifs de sécurité, santé et environnement, l'AP-HP est chargée à la fois de plusieurs missions de référence, relatives aux risques chimiques et radiologiques, prises en charge par les établissements de référence régionaux et nationaux, ainsi que de la gestion des risques qui revient aux établissements de santé de référence (ESR).

Je conclus sur le risque cyber. Nous avons réalisé, cette année, notre quatrième exercice annuel de grande échelle. En comptant ceux qui ont été réalisés sur chacun de nos groupes hospitaliers, ce sont sept exercices qui ont mobilisé l'ensemble des acteurs, depuis les chaînes de commandement jusqu'aux services, afin de préparer les plans d'action. Nous avons également mené des actions de sensibilisation. La dernière attaque qui a ciblé les hôpitaux de Londres a agi comme une piqûre de rappel quant à l'actualité de ce risque.

Je ne détaille pas le dispositif concernant l'offre préhospitalière, dans lequel nous sommes très impliqués dans la mesure où il relève de la maille zonale, à savoir du Samu 75.

Mme Florence Lassarade. - Vous avez détaillé l'offre de soins à destination des athlètes.

Les autorisations et les adaptations réglementaires requises ont-elles bien été délivrées par l'ARS ? Le calibrage des besoins a-t-il été affiné - je pense notamment à l'importance des bilans dentaires et ophtalmologiques pour les athlètes, les jeux étant souvent l'occasion de recevoir ces soins pour certains athlètes. Quelle est la part de salariés et de volontaires parmi les soignants ?

Différents hôpitaux doivent prendre en charge les soins excédant les capacités de la polyclinique : l'hôpital Bichat pour les athlètes, l'hôpital Avicenne pour les médias et l'HEGP pour la famille olympique et paralympique. Ces établissements sont-ils prêts ? Selon les estimations, combien de patients supplémentaires devraient être pris en charge ? Des parcours spécifiques sont-ils prévus ?

A-t-on une idée du nombre de médecins des délégations olympiques et paralympiques qui accompagneront les sportifs ? Les dérogations à l'exercice de la médecine et réglementations spécifiques sont-elles bien suffisantes ?

Mme Corinne Imbert. - Les hôpitaux français ont anticipé les besoins de santé de la région liés à l'afflux majeur de touristes, en réorganisant les plannings. Cependant, l'augmentation des moyens visant à valoriser les personnels permettra-t-elle d'avoir davantage de médecins à disposition ? Il s'agit là d'un enjeu majeur, quand on sait que les professionnels de santé profitent généralement de cette période, durant laquelle il y a moins de soins programmés, pour prendre des vacances.

Concernant la médecine de ville, huit services d'accès aux soins ont été renforcés, notamment des maisons médicales de garde. Les unions régionales des professionnels de santé (URPS) de la région ont-elles été sollicitées ? La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) a-t-elle prévu une organisation particulière avec les médecins libéraux et les centres de santé ou structures d'exercice coordonné ?

J'ai lu dans la presse professionnelle hier que sept centres de santé franciliens étaient menacés de fermeture avant la fin du mois de juin en raison de graves difficultés financières. Ces fermetures seront-elles repoussées à la rentrée ? Sans cela, des milliers de patients risquent de se tourner vers les urgences hospitalières...

Il est prévu de dimensionner le dispositif pour qu'il soit le plus adapté possible aux jeux Olympiques. Est-ce à dire que vous le réduirez au moment des jeux Paralympiques ?

Par ailleurs, comment la DGS a-t-elle anticipé les risques sanitaires, notamment épidémiques ?

Dans un contexte de sécurité extrêmement tendu, l'organisation des hôpitaux et des services d'urgences franciliens - les plans blancs - a-t-elle été révisée et préparée aux risques de prise en charge simultanée d'un événement occasionnant de nombreuses victimes ?

Enfin, dans le contexte de tension sur les approvisionnements, la distribution de certains médicaments sera-t-elle prioritairement orientée vers la région Île-de-France ?

M. Jean-Marc Philippe. - Nous avons cartographié les risques sanitaires.

Nous avons, par exemple, évalué le risque d'épidémies liées aux arbovirus, étant donné que la France a été envahie par le moustique Aedes albopictus, qui transmet des maladies telles que le chikungunya ou le virus Zika, auxquelles nos territoires ultramarins sont particulièrement exposés. Nous nous sommes aussi intéressés à d'autres vecteurs, tels que le moustique Culex, qui transmet le virus du Nil occidental. Dans le sud de la France, la tique Hyalomma transmet la fièvre hémorragique de Crimée-Congo. Ces émergences sont surveillées en permanence. Le virus de la grippe fait également l'objet de notre vigilance. Ce virus aviaire circule abondamment, notamment aux États-Unis, avec un clade particulier qui lui permet de contaminer des mammifères et l'homme.

D'autres risques sanitaires sont pris en compte, comme la canicule, puis évalués en fonction de leur criticité.

Mme Cécile Henry, cheffe de l'unité Doctrine et planification de la direction générale de la santé. - Nous avons identifié une dizaine de risques infectieux prioritaires, hiérarchisés en fonction de leur probabilité d'occurrence et de leur gravité. Nous avons ensuite recensé l'ensemble des dispositifs de veille et de surveillance existants, afin de détecter les signaux faibles pour agir rapidement.

Ce renforcement des dispositifs de veille est notamment assuré par Santé publique France. Il concerne la surveillance biologique des pathogènes, qui est réalisée en grande partie par nos réseaux de laboratoires, avec des techniques innovantes, comme le repérage d'agents pathogènes dans les eaux usées. Nous avons également renforcé la surveillance des maladies spécifiques, en particulier celles que nous avons cartographiées.

Les informations sont collectées par les médecins et remontées via le dispositif de maladie à déclaration obligatoire (MDO), qui permet, à partir du repérage de cas avérés, d'anticiper le développement de clusters. Des réseaux de surveillance de professionnels ont aussi été renforcés dans la perspective des jeux. Par ailleurs, nous sommes vigilants quant à l'évolution de la demande de soins, que nous étudions au regard de l'offre disponible.

Par ailleurs, en matière de planification sanitaire, nous avons identifié, pour chaque risque, les mesures de gestion adaptées. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur le dispositif Orsan, qui définit les parcours de prise en charge des patients pour chaque type de risques. Le plan Orsan EPI-Clim, spécifique au risque infectieux, est à la main des ARS.

Nous avons également consolidé nos moyens de réponse. Sur les risques infectieux, nous avons sécurisé les filières d'approvisionnement en vaccins et en traitements. Avec l'ensemble des acteurs territoriaux, nous avons rediffusé des messages de bonnes pratiques notamment en matière de prise en charge et de vaccination. Nous avons aussi largement communiqué auprès de nos professionnels de santé sur les épidémies en cours. Enfin, nous assurons le lien avec l'organisateur, afin que ces messages soient relayés aux délégations étrangères.

Mme Julie Pougheon. - Plusieurs dispositifs encadrent l'intervention des professionnels de santé.

Premièrement, les délégations et le Comité international olympique (CIO) peuvent accueillir des professionnels de santé, mais ceux-ci n'interviendront qu'au profit de leurs sportifs respectifs, comme l'a prévu la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Deuxièmement, Paris 2024 a fait appel à des professionnels de santé salariés et, pour partie, volontaires, dans le cadre du programme des volontaires de Paris 2024, qui exerceront essentiellement sur les sites pour parer aux besoins de soins immédiats.

Troisièmement, nous vous avons décrit la réponse du système de santé français aux besoins de soins, à la fois de la population habituelle et liés à l'afflux potentiel de patients supplémentaires.

Les textes que vous évoquez ont été pris en application de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques, qui permet aux délégations de se rendre sur le territoire français avec leurs professionnels de santé, ainsi que d'apporter des traitements ou d'en prescrire. La vérification des diplômes des professionnels étrangers qui travailleront notamment au sein de la polyclinique sera opérée en lien avec l'ARS, les ordres et l'hôpital où ces professionnels exerceront.

Pour ce qui concerne l'augmentation du nombre de professionnels, il est vrai que davantage de lits seront ouverts cet été, afin de renforcer l'offre de soins francilienne pendant la période. Il y aura donc plus de professionnels présents. Des moyens ont été délégués à l'ARS Île-de-France pour financer l'AP-HP et les autres sites mobilisés.

Pour garantir la prise en charge des soins des athlètes et de la famille olympique, Paris 2024 a souscrit deux contrats d'assurance. Le premier se destine aux personnes qui ne sont pas assurées en France, tandis que le second jouera le rôle de surcomplémentaire pour les assurés sociaux. Nous finalisons le circuit de facturation, de façon que les hôpitaux qui délivreront les soins soient payés et que l'assureur puisse intervenir en tant que tiers payant direct.

Enfin, vous évoquez la situation des centres de santé de la Croix-Rouge. Celle-ci a décidé de les fermer, car leur modèle ne lui permet pas de continuer à les exploiter dans des conditions économiques satisfaisantes. De potentiels repreneurs se sont manifestés. Reste à voir si cela permettra une continuité d'activité et de prise en charge des patients. Sans cela, il faudra orienter ceux-ci vers de nouveaux offreurs de soins pour éviter toute rupture dans les parcours de soins.

Mme Sophie Martinon. - Nous suivons avec attention la situation des centres de santé parisiens. Un administrateur judiciaire conduit la procédure jusqu'à son terme. Nous espérons qu'un repreneur leur permette de poursuivre leur activité. Par ailleurs, nous sommes vigilants quant la continuité des soins. Il importe notamment de garantir aux patients l'accès à leur dossier médical.

Vous avez évoqué l'augmentation des moyens pour valoriser les personnels. Elle permettra, en effet, une augmentation du volume horaire disponible. Néanmoins, elle ne sera pas réellement synonyme d'un plus grand nombre de professionnels sur place. Il s'agira surtout de médecins exerçant en Île-de-France qui ont accepté de décaler un peu leurs congés ou de faire des heures supplémentaires.

Nous avons travaillé avec la médecine de ville. Nous avons échangé avec les URPS, dans une approche sectorielle. En revanche, pour renforcer l'offre de soins en ville, nous avons travaillé territoire par territoire, notamment avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les centres de santé.

Le nombre de spectateurs et le nombre d'épreuves des jeux Paralympiques seront moindres que ceux des jeux Olympiques. En outre, les jeux Paralympiques se dérouleront à la rentrée, et non en période de tension estivale. Nous avons donc demandé aux établissements d'être à 100 % de leur planning habituel. En revanche, en ville, nous avons identifié un centre de santé qui permettra d'offrir des consultations destinées aux personnes en situation de handicap, dans le but d'éviter une prise en charge directement aux urgences, car la billetterie populaire permettra à des personnes handicapées de profiter de cet événement.

Madame la sénatrice, toutes les autorisations nécessaires ont été prises et signées. La dernière concernait la polyclinique.

Nous avons travaillé sur le plan blanc, qui est la déclinaison du dispositif Orsan, avec une vigilance particulière sur les risques simultanés. Plus que l'événement majeur, nous redoutons la survenue d'événements de moyenne ampleur à plusieurs endroits différents. Nous avons donc remis à niveau la planification et la formation des équipes, en menant un grand nombre d'exercices ces six derniers mois.

Enfin, il n'a pas été prévu de privilégier l'Île-de-France dans l'approvisionnement en médicaments. Nous continuons à suivre attentivement les difficultés d'accès, notamment pour certaines pathologies.

M. Bernard Jomier. - Lorsque nous avions débattu de la future loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques, en avril 2023, il avait été annoncé qu'une mission de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) était en cours afin de s'assurer de la capacité du système de santé francilien à s'organiser face à un probable surcroît d'activités - 15 millions de personnes sont tout de même attendues à l'occasion des jeux en Île-de-France... La rapporteure du projet de loi, Florence Lassarade, avait rappelé que le rapport de l'Igas était attendu, et que l'ARS Île-de-France et la DGOS y travaillaient.

Le rapport a été publié en début d'année. J'en ai demandé communication à l'Igas au mois de mars, mais cette communication m'a été refusée. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir convoqué notre commission dans le cadre de sa mission de contrôle, mais c'est un rôle difficile à remplir sans possibilité de prendre connaissance de ce rapport - qui ne me paraît pas avoir été classé secret défense ! Cela étant, c'est un refus de communication à ce jour : peut-être pourrons-nous le consulter au mois d'octobre...

M. Philippe Mouiller, président. - En tant que président de la commission des affaires sociales, j'ai également demandé communication de ce rapport à l'Igas, à la suite de ce refus. Pour l'heure, je n'ai pas reçu de réponse.

M. Bernard Jomier. - Nous sommes très heureux de vous accueillir, mais plusieurs de mes collègues n'ont pas obtenu de réponse précise à leurs questions, alors que ce rapport aurait apporté des éclaircissements bienvenus. Cette situation est inacceptable.

Nous n'avons à notre disposition que six pages de présentation du dispositif, qui font apparaître deux chiffres différents concernant les lits d'hospitalisation : 750 lits dans un périmètre, 1 300 dans un autre. Or nous n'avons aucune idée du nombre de lits nécessaires. Pourrons-nous ouvrir suffisamment de lits, au vu des besoins estimés ?

Corinne Imbert vous a interrogés sur la faiblesse du dispositif de ville. J'ai interrogé les responsables de la principale maison médicale de garde de Paris : ils m'ont indiqué que l'ARS a refusé de leur apporter des financements supplémentaires. Ainsi, c'est sur la seule base du volontariat que cette maison médicale doublera ses lignes de garde.

Il faut enfin souligner un tropisme commun à tous vos exposés. L'AP-HP écrase un peu l'offre de soins sur le territoire. Or les 15 millions de personnes qui assisteront aux jeux, pour la majorité, auront besoin non pas de soins hospitaliers, mais de soins courants - à une période où les médecins de ville seront en vacances.

Pourquoi donc ce refus de financement supplémentaire vers la ville ?

Mme Frédérique Puissat. - Le 15 mars 2023, j'avais interrogé le ministre de la santé et de la prévention, dans le cadre des questions au Gouvernement, sur les enjeux liés à la santé pendant les jeux Olympiques. Mais, à l'époque, nous avions un ministre qui exerçait pleinement ses fonctions... Si la loi relative aux jeux a été votée, et que les décrets ont déjà été pris, le contexte politique incertain représente-t-il un risque de difficultés majeures dans le domaine de la santé ? Que pouvons-nous faire pour y répondre ?

Par ailleurs, des négociations assez intenses ont été menées dans plusieurs secteurs publics avec les représentants syndicaux pour s'assurer de la présence du personnel à l'occasion des jeux Olympiques. Cela a-t-il aussi été le cas dans le domaine de la santé ? Avez-vous des chiffres à ce sujet ?

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Ma question concernera les conséquences des restrictions de circulation pendant les jeux. On peut s'attendre à ce que le non-recours aux soins augmente durant cette période. Comment estimez-vous ce risque ? Avez-vous anticipé ce problème, en lien avec les patients et les professionnels de santé, pour éviter les ruptures de soins ? Je pense notamment à la prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques ou de cancer, qui ont besoin de se rendre régulièrement à l'hôpital pour être traitées ou qui doivent être suivies régulièrement à domicile. De même, quelles seront les conséquences des jeux sur les déplacements des infirmières, des assistants à domicile et des auxiliaires de vie ? Les personnes âgées risquent de se trouver dans une situation d'isolement accru, et je ne parle pas du risque de canicule... Certes, des plateformes comme anticiperlesjeux.gouv.fr ou santegraphie.fr ont été créées, mais leur accès peut être difficile pour les personnes âgées et celles qui souffrent de la fracture numérique. Avez-vous envisagé de permettre à des acteurs de proximité - mairies, centres communaux d'action sociale, etc. - de délivrer les Pass Jeux ?

Mme Sophie Martinon. - Le nombre de 750 lits correspond à l'effort supplémentaire réalisé dans les douze établissements de première ligne pour les jeux Olympiques et Paralympiques - essentiellement durant la période des jeux Olympiques. Le nombre de 1 300 lits a été établi à l'issue d'une enquête déclarative auprès de tous les établissements de santé de l'Île-de-France entre l'été 2023 et l'été 2024 : il correspond à l'amélioration constatée en termes de RH et de disponibilité des professionnels de santé, donc de capacité à rouvrir des lits.

Le premier nombre traduit l'effort ciblé réalisé pendant les jeux, tandis que le second est une photographie instantanée de l'état de notre système de santé francilien : il montre que la tendance est à l'amélioration structurelle depuis 2022, année difficile après la crise covid. Je précise toutefois que les 1 300 lits ne représentent que 3 % environ des lits installés en Île-de-France. On peut donc dire que, tous secteurs confondus - médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et soins de suite et de réadaptation (SSR), psychiatrie, etc. -, on dispose de 1 300 lits ouverts de plus en moyenne chaque semaine en 2024 qu'en 2023. Ce nombre intègre les 750 lits évoqués précédemment.

Comment sommes-nous parvenus à réaliser cet effort sur la période olympique ? Le nombre de lits sera-t-il suffisant ? On considère, de manière paramétrique, que le nombre de lits ouverts, tous secteurs confondus, s'élève, durant un été classique, à 80 % du nombre de lits ouverts au mois de mars de l'année. Cela a été le cas en 2023, par exemple. On a estimé qu'il convenait d'ouvrir la totalité des lits pendant les JO. Nous avons ainsi demandé aux douze établissements de porter leurs capacités à 100 % durant cette période, ce qui correspond aux 750 lits déjà évoqués, dont la moitié relève de l'AP-HP.

En ce qui concerne la maison médicale de garde, nous essayons de travailler de manière rapprochée avec les équipes ; si deux lignes de garde sont prévues, c'est qu'elles seront financées.

M. Bernard Jomier. - Il n'y a pas de financement !

Mme Sophie Martinon. - Nous vérifierons ce point.

Mme Julie Pougheon. - La rémunération de la maison médicale de garde dépend du volume des actes, comme c'est le cas en médecine libérale.

M. Bernard Jomier. - Elle ne dépend donc pas de l'engagement de l'ARS.

M. Jean-Marc Philippe. - La continuité de l'État s'exerce, dans les situations exceptionnelles, par l'action des différents centres de commandement. Un centre de commandement national stratégique détermine en interministériel les réponses de l'État face à toute situation : tout est analysé en permanence, et des décisions sont prises. Dans le domaine de la santé, le centre de crises sanitaires est compétent pour activer les différents leviers de la chaîne de santé, en lien avec les ARS, afin de mobiliser, le cas échéant, les ressources sanitaires des autres régions pour fournir une aide à celle qui en a besoin. Il est possible, grâce au décret que j'évoquais dans mon propos liminaire, de mettre à disposition d'urgence des professionnels de santé : projection d'équipes chirurgicales, d'équipes médicales, telles que des services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) ou des cellules d'urgence médico-psychologiques. Si un événement majeur devait se produire en même temps que les jeux - je pense à des intempéries, par exemple -, il serait possible d'y faire face grâce à l'activation de dispositifs parallèles, par le biais de la cellule interministérielle de crise.

Mme Julie Pougheon. - On a demandé aux professionnels de santé non pas de renoncer à des congés, mais de les prendre différemment pour éviter d'être absents pendant les jeux. Ils n'ont pas perdu leur droit à congé. Il leur a simplement été prescrit de ne pas prendre trois semaines consécutives de congés durant l'été, afin de garantir une présence plus importante pendant cette période de tension. Cette mobilisation exceptionnelle sera valorisée.

Nous serons vigilants pour que les patients puissent accéder à leurs lieux de soins et pour que les professionnels de santé puissent effectuer leurs visites à domicile durant cette période où la mobilité sera difficile en Île-de-France. Nous avons travaillé étroitement avec le ministère de l'intérieur, en lien avec les ARS, pour définir les professions prioritaires pour les déplacements, celles qui doivent pouvoir se déplacer quoi qu'il arrive.

Les associations de patients sont inquiètes sur la capacité à maintenir les soins. Il faut toutefois savoir que l'été est une période où les soins programmés sont traditionnellement un peu moins nombreux en raison du ralentissement de l'activité hospitalière et des vacances des personnels. Néanmoins, nous sommes très vigilants. Les établissements ont été sensibilisés à la problématique. Nous les avons incités à anticiper et à informer leurs patients sur les modalités d'accès aux locaux pendant cette période. Les professionnels de santé seront aussi touchés, car ils se déplaceront moins vite. L'infirmière prendra plus de temps pour faire sa tournée ; elle devra donc anticiper et organiser différemment ses déplacements. Tous ces professionnels auront des laissez-passer pour leur permettre d'aller chez leurs patients.

Mme Sophie Martinon. - Nous n'avons pas d'estimation quant au risque de non-recours aux soins. Nous avons néanmoins veillé à maintenir l'accès aux soins pour les plus précaires. Les permanences d'accès aux soins dans les établissements de santé resteront ouvertes, quitte à réorganiser l'activité. Nous avons mobilisé les équipes mobiles santé précarité et les équipes mobiles psychiatrie précarité, pour faire en sorte que notre action d'« aller-vers » ne s'interrompe pas pendant l'été.

Nous avons travaillé avec la préfecture de police de Paris pour nous assurer que les professionnels de santé, notamment ceux qui interviennent à domicile - en cas d'hospitalisation ou de prestations de soins à domicile -, soient bien identifiés par la préfecture et puissent obtenir un QR code s'ils interviennent en zone rouge. Je tiens d'ailleurs à saluer la qualité de nos échanges avec la préfecture de police.

De même, nous avons travaillé avec la préfecture de région sur la logistique urbaine, les livraisons et les fournisseurs. La préfecture de police et la préfecture de région ont accepté d'organiser un séminaire, sous la forme d'un webinaire, consacré aux professionnels de santé. Celui-ci a eu lieu la semaine dernière. D'autres sont prévus. Il s'agit de répondre aux questions très concrètes des professionnels sur les possibilités de circulation, de stationnement, de livraison, etc.

Le risque de canicule est bien identifié. L'enjeu est de pouvoir accompagner les personnes situées en zone rouge, de les informer et de leur fournir un QR code si nécessaire. Certaines mairies ont pris des initiatives en ce sens. J'ai participé à un webinaire avec France Assos Santé sur ce sujet. L'objectif est que les professionnels de santé et les aidants, en Ehpad ou ailleurs, anticipent, afin de garantir la délivrance des soins.

M. Khalifé Khalifé. - Ma question concernera l'autorité administrative sous laquelle seront placés les médecins. Avec qui l'État signera-t-il le contrat qui a été évoqué : est-ce avec l'AP-HP ? Sous quelle autorité seront placés les médecins qui viendront d'ailleurs pour aider ?

L'expérience de l'épidémie de covid a-t-elle influencé le dispositif sanitaire prévu pour les JOP de Paris, ou bien les mesures mises en oeuvre sont-elles similaires à celles de précédents JOP ?

Vous avez évoqué les maladies infectieuses : avez-vous prévu des masques pour les spectateurs ?

Mme Annie Le Houerou. - Vous avez indiqué que certaines activités - travail de nuit, heures supplémentaires, etc. - seraient valorisées, par le biais notamment des comptes épargne-temps, mais, selon les professionnels de santé, ces derniers sont déjà « au taquet ». Cette valorisation pourrait donc s'avérer inopérante.

Qui sont les « bénévoles volontaires » ? Je ne connaissais pas cette terminologie.

Vous avez aussi évoqué des soutiens interrégionaux. Je suis élue du département des Côtes-d'Armor : nos urgences étant déjà fermées la nuit, je vois mal quel renfort on pourrait apporter ! Vous n'avez pas parlé de solidarité européenne. Qu'en est-il ?

Mme Frédérique Puissat vous a interrogés sur la réaction en cas de « surcrise », mais je reste insatisfaite de votre réponse : quelle serait votre marge de manoeuvre pour réagir en cas d'attentat ou d'événement exceptionnel ?

Enfin, avez-vous prévu des actions d'éducation en matière de santé, d'alimentation ou de promotion du sport ? Je pense aussi à la prostitution ou aux violences sexuelles. Les grands rassemblements sont sujets à ces phénomènes. Des annonces de prostitution figurent déjà sur internet. Comment abordez-vous cette question ?

Mme Laurence Muller-Bronn. - Quel est le budget estimé et affecté pour les soins lors des JO, compte tenu des coûts en termes de personnel et de l'absence d'accord avec le CIO sur la prise en charge ?

Comment avez-vous abordé les questions d'intoxication alimentaire ? Des personnes devront être isolées ou confinées. On sait qu'il y aura beaucoup de vendeurs ambulants, lesquels sont difficilement contrôlables.

Sommes-nous proches de ce qui s'est fait lors des JO de Londres en termes de budget et de prise en charge des soins ? Certes, ce n'était pas le même contexte politique...

Mme Aurélie Avondo Ray. - Les groupes de travail que nous avons institués pour examiner les possibilités d'appui interrégional sont parvenus à la conclusion que les tensions de nos structures d'urgence rendaient difficile une mobilisation interrégionale, notamment à destination de l'Île-de-France. Nous avons donc mis en place plusieurs types de leviers.

Certains sont nationaux : heures supplémentaires, temps de travail additionnel, valorisation de la permanence des soins en établissement de santé la nuit, mais également élévation du plafond des CET de dix jours pour l'ensemble des professionnels de santé.

D'autres sont spécifiques à l'Île-de-France. Je pense notamment à la création d'une indemnité pour compenser le fait de renoncer au principe des trois semaines de congés consécutives, l'idée étant non pas d'empêcher de prendre des congés, mais d'inciter à les fractionner hors de la période des jeux Olympiques.

Pour ce qui concerne la solidarité interrégionale, afin de pouvoir monter le renfort préhospitalier de 100 % à 120 % en Île-de-France, dix équipes Smur des autres régions viendront renforcer les structures franciliennes, sur la base du volontariat, après accord des chefferies de service, des directions d'établissement et de l'ARS.

Le programme de volontaires bénévoles, qui est propre au CIO, concerne 45 000 personnes, dont 3 000 professionnels de santé, parmi lesquels 400 médecins urgentistes. Il n'est pas du tout spécifique à l'édition parisienne. C'est un peu la magie des JO !

M. Jean-Marc Philippe. - Des dispositifs de mobilisation des professionnels de santé en situation exceptionnelle, c'est-à-dire en cas d'événement grave, existent.

Le plan de gestion des tensions hospitalières et des SSE permet de mobiliser des professionnels de toutes les structures à l'échelon national en renfort d'un territoire potentiellement concerné. Il a pu être activé à Paris le soir des attentats du 13 novembre 2015 ou à Nice. En général, dans de telles circonstances, nous n'avons pas de difficulté à trouver des professionnels hospitaliers ou de ville, car il y a spontanément des volontaires.

En outre, des mécanismes d'entraide européens peuvent être mobilisés. Il peut s'agir d'équipes, d'hôpitaux de campagne européens, mais également de matériel. La France stocke sur son territoire du matériel et des produits de santé pour le compte de l'Europe.

Mme Julie Pougheon. - L'ARS a demandé à l'AP-HP d'organiser une mobilisation exceptionnelle sur certains sites ou dans d'autres établissements franciliens. Les établissements sont considérés comme des établissements recours, et leurs personnels sont mobilisés dans leur cadre de travail habituel. La médecine de ville prend le relais, là aussi dans son cadre habituel de fonctionnement.

Avec le dispositif Paris 2024, les bénévoles volontaires sont assurés, en cas de risque, par l'organisation Paris 2024 : s'ils avaient besoin de soins, la prise en charge relèverait des assureurs.

Une partie du coût du dispositif est assumée par Paris 2024, notamment via les contrats d'assurance. Nous avons débloqué 20 millions d'euros au titre des renforts RH sur la période des JO pour soutenir les établissements qui auront un surcroît de dépenses de personnel - je pense aux heures supplémentaires, au temps de travail additionnel, aux primes - et pour financer les renforts préhospitaliers, donc les équipes Smur en provenance d'autres régions.

Mme Aurélie Avondo Ray. - Ces 20 millions d'euros sont pour l'ensemble des dispositifs évoqués par l'ARS Île-de-France, en plus de la mobilisation RH.

Mme Sophie Martinon. - Pour ce qui est de la prévention des violences sexistes et sexuelles, nous avons fait le choix de renforcer nos actions, par exemple autour des fan zones ou en direction d'associations intervenant auprès de publics comme les travailleurs et travailleuses du sexe, avec des financements complémentaires correspondant à des actions ciblées.

En ce qui concerne le développement de l'activité physique, nous avons engagé un travail de long terme plus en amont auprès des structures médico-sociales, afin de pouvoir, à terme, assurer trente minutes d'activité quotidienne, notamment aux personnes en situation de handicap ou aux personnes âgées. Des conventions permettent ainsi de mettre en relation des clubs paralympiques avec des établissements concernés. L'idée est d'avoir des passerelles entre le monde du sport et celui de la prise en charge de ces publics.

Mme Julie Pougheon. - Le programme Héritage, qui associe les ministères chargés de la santé et des sports, vise à capitaliser sur le mouvement enclenché par les JO pour remettre le sport dans le paysage quotidien des Français et des patients. Il continuera après les jeux Olympiques. Plusieurs actions sont labellisées.

Mme Cécile Henry. - Nous suivons évidemment de près l'évolution de la situation pour ce qui concerne l'épidémie de covid et, plus généralement, de toutes les infections respiratoires aiguës. Nous nous tenons prêts à mettre en place toutes les mesures de gestion adaptées.

Concernant le risque relatif aux toxi-infections alimentaires collectives (Tiac), c'est à la direction générale de l'alimentation d'assurer les plans de contrôle et les investigations autour des aliments. Pour notre part, nous sommes chargés de la surveillance et du suivi des cas, et nous avons identifié ce risque, dont la probabilité d'occurrence est importante.

Quant au dispositif relatif aux maladies à déclaration obligatoire, la remontée systématique sera assurée par les professionnels de ville, les professionnels hospitaliers et ceux qui travailleront pour Paris 2024. Tous les cas qui seront repérés remonteront à l'ARS, de manière que celle-ci puisse mener les investigations nécessaires, notamment toutes les procédures de contact tracing, et orienter les patients vers les filières de prise en charge adaptées.

Mme Julie Pougheon. - Nous avons pris les JO de Londres comme référence, en comparant les besoins qui avaient été estimés aux besoins constatés dans les faits. Cela nous a servi à calibrer notre propre schéma de préparation.

Une partie du budget relève de Paris 2024, qui négocie les contrats sans nous associer, et c'est bien normal. Pour notre part, nous avons mobilisé les 20 millions d'euros supplémentaires que j'ai mentionnés tout à l'heure.

M. Philippe Mouiller, président. -Je vous remercie pour les différents éléments que vous avez pu apporter à notre commission.

La réunion est close à 16 h 10.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.