Mardi 30 avril 2024

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 9 h 15.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate - Examen du rapport et du texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons ce matin le rapport de Dominique Vérien sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, allongeant la durée de l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il y a un an, j'ai remis au Gouvernement, avec notre collègue députée Émilie Chandler, un rapport dédié à l'amélioration du traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Dans ce rapport, nous formulions 59 recommandations, qui constituaient ce que nous avons appelé un « Plan rouge vif ».

Je me réjouis de constater que ces travaux approfondis ont été pris en considération et soutenus par le Gouvernement, qui a inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui. Celle-ci, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 5 mars dernier, reprend partiellement l'une des recommandations du rapport, à savoir la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate - j'y suis donc plus que favorable.

Je m'attacherai à vous présenter les principales mesures du texte et les quelques amendements que je soumettrai à votre approbation, mais aussi, et dans un premier temps, à vous exposer les raisons pour lesquelles une sixième réforme du régime des ordonnances de protection, depuis sa création en 2010, me semble nécessaire.

Les violences intrafamiliales sont un fléau qui nécessite une mobilisation sans faille, aussi bien des forces de l'ordre et des services sociaux que du monde judiciaire. C'est pourquoi, en 2010, les législateurs que nous sommes ont instauré, en s'inspirant de ce qui existe en Espagne depuis 2003, un dispositif de protection judiciaire d'urgence des victimes présumées de violences intrafamiliales, les ordonnances de protection, permettant au juge aux affaires familiales (JAF) de prononcer dans un délai de six jours des mesures protectrices, à mi-chemin du droit civil et du droit pénal, lorsqu'il estime qu'une personne est dans une situation de danger en raison de violences commises ou pouvant vraisemblablement être commises par son ou sa partenaire.

Ces mesures peuvent, sans que la liste soit exhaustive, prendre la forme d'une interdiction de contact ou de se rendre dans certains lieux, d'une interdiction de détention d'armes, du port d'un bracelet anti-rapprochement, de l'attribution d'un téléphone grave danger, de l'imposition d'une résidence séparée des membres du couple, de l'attribution à la victime des violences du logement conjugal ou encore de la redéfinition des modalités d'exercice de l'autorité parentale. Elles sont valables pour une durée maximale de six mois, qui peut, sous certaines conditions plutôt restrictives, être prolongée par le juge.

Le non-respect de ces mesures constitue un délit pouvant être puni d'une peine de 15 000 euros d'amende et de deux ans d'emprisonnement.

L'objectif du dispositif était ainsi de garantir la sécurité de la victime et de l'aider à rendre effective la séparation, dans l'attente d'un éventuel jugement pénal si les violences étaient avérées.

Néanmoins, malgré cinq réformes successives du dispositif, dont la dernière a été votée avec le soutien du Sénat en 2022, il semble encore perfectible : si 321 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou verbales par leur partenaire ou ex-partenaire en 2022, moins de 6 000 ordonnances de protection ont été demandées cette même année.

Malgré les immenses progrès réalisés depuis 2010, nous pouvons donc encore oeuvrer pour mieux assurer l'intégrité physique des victimes présumées de violences intrafamiliales et les inciter à se tourner vers la justice.

Tel est l'objectif, auquel je vous suggère de souscrire, que porte cette proposition de loi. Pour ce faire, elle contient deux mesures principales ayant pour effet d'étendre temporellement la protection des victimes : en amont de la décision judiciaire d'octroi de l'ordonnance de protection, avec la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, et en aval, avec l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois.

Concernant le doublement de la durée des mesures prononcées dans le cadre d'une ordonnance de protection, je précise qu'il s'agirait d'une durée maximale, la faculté du juge de fixer une durée inférieure n'étant aucunement restreinte par la proposition de loi. Cette mesure, qui s'appliquera à toutes les ordonnances de protection, qu'importe le statut marital de la victime, devrait surtout permettre aux personnes qui ne sont pas mariées et qui n'ont pas d'enfants de bénéficier d'un temps plus long pour organiser leur séparation. En effet, une prolongation de l'ordonnance de protection, passé le délai maximal autorisé par la loi, ne peut être accordée qu'en cas de demande relative à l'exercice de l'autorité parentale ou d'une demande en divorce ou en séparation de corps.

J'en viens désormais à la mesure la plus novatrice du texte, à savoir la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. Cette mesure me tient particulièrement à coeur, à titre accessoire parce qu'elle est inspirée de la recommandation n° 33 du rapport intitulé Plan rouge vif - Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont je suis l'auteure, mais surtout parce qu'elle répond à la difficulté bien identifiée que constitue la protection des victimes dans le court temps qui sépare la saisine du JAF et sa décision sur l'ordonnance de protection, laps de temps pendant lequel le danger peut être prégnant. Cette préconisation nous est aussi inspirée par l'Espagne.

Telle que proposée dans le texte qui nous est transmis, cette ordonnance provisoire de protection immédiate serait délivrée par le JAF, sur saisine du procureur de la République, mais avec l'accord de la victime présumée, en parallèle d'une demande de délivrance d'une ordonnance de protection « classique ».

Le juge disposerait d'un délai de vingt-quatre heures pour se prononcer, au vu des seuls éléments joints à la requête, c'est-à-dire sans avoir entendu la partie défenderesse. L'ordonnance provisoire pourrait être délivrée si le juge estime « qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». La rédaction proposée prévoit une gradation par rapport aux ordonnances de protection « classiques », puisque le danger doit être « grave et immédiat ».

Le juge pourrait alors ordonner quatre des onze mesures qui peuvent être édictées dans le cadre d'une ordonnance de protection : interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge, ainsi que d'entrer en relation avec elles ; interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par lui ; interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ; ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie les armes dont elle est détentrice.

Ces mesures seraient valables jusqu'à la décision du JAF sur la demande d'ordonnance de protection, soit pendant une durée d'environ six jours.

Conformément à l'article 2 de la proposition de loi, la violation de ces mesures constituerait un délit puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Ces mesures ont été saluées et soutenues par l'ensemble des personnes que j'ai auditionnées. Elles permettront de répondre rapidement aux situations avérées d'extrême danger et de permettre aux victimes de bénéficier d'un temps de protection plus en adéquation avec des ruptures souvent difficiles.

Tout en approuvant l'esprit général du texte, je vous proposerai cependant d'adopter quelques amendements que j'ai déposés afin, d'une part, de rendre plus accessibles les ordonnances provisoires de protection immédiate et les ordonnances de protection et, d'autre part, de donner davantage de moyens d'action au juge et au procureur de la République pour accompagner et sécuriser les victimes.

Sur le premier point, je considère qu'il est préférable d'ouvrir la saisine du JAF pour les ordonnances provisoires de protection immédiate à la personne en danger, au regard de la faible part de saisines, soit seulement 2 %, qui émanent actuellement des procureurs de la République en ce qui concerne les ordonnances de protection. Lors de leur audition, ceux-ci m'ont explicitement dit qu'il était peu probable qu'ils puissent examiner dans l'urgence toutes les demandes d'ordonnance de protection, et ainsi repérer les situations justifiant une ordonnance provisoire de protection immédiate. Le risque est donc grand que le dispositif proposé par l'Assemblée nationale ne soit mort-né.

Afin d'éviter les demandes abusives et de décourager toute tentative d'instrumentalisation, je vous propose néanmoins que cette saisine du juge par la personne en danger s'accompagne d'un avis conforme du procureur de la République, rendu dans un délai de vingt-quatre heures.

Il me semble en outre nécessaire de redéfinir les critères d'appréciation de la notion de « danger », qui conditionnent la délivrance d'une ordonnance de protection. À mes yeux, mais aussi selon la plupart des personnes que j'ai entendues, la vraisemblance des violences alléguées constitue un élément d'appréciation suffisant pour justifier une protection, par ailleurs octroyée dans le cadre d'une procédure contradictoire et avec possibilité de recours. Nous en discuterons lors de l'examen d'un amendement que je proposerai de réserver pour la séance publique.

Sur le second point, je vous propose d'étendre les mesures que peut prononcer le juge lors d'une ordonnance provisoire de protection immédiate, en lui permettant de suspendre provisoirement le droit de visite et d'hébergement du parent violent et d'autoriser la partie demanderesse à dissimuler son adresse à la partie défenderesse.

De même, il me paraît judicieux d'étendre aux bénéficiaires d'une ordonnance provisoire de protection immédiate la possibilité d'attribution par le procureur de la République d'un téléphone grave danger, un outil efficace qu'il convient de développer davantage.

Enfin, le dispositif pénal me semblerait plus cohérent si nous alignions sur trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende la peine pouvant être encourue en cas de violation d'une mesure prononcée dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate et celle qui est encourue pour violation d'une ordonnance de protection. Cet alignement par le haut a pour conséquence positive de permettre au procureur de la République d'imposer aux personnes ne respectant pas une mesure prononcée dans le cadre d'une ordonnance de protection le port d'un bracelet anti-rapprochement.

Je suis convaincue que cette sixième réforme des ordonnances de protection, même si elle ne sera possiblement pas la dernière, marquera un pas important dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Soyons donc satisfaits du travail de longue haleine effectué par le législateur et tous les acteurs qui oeuvrent dans ce domaine, et restons mobilisés.

M. Pierre-Alain Roiron. - L'article 1er, adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, constitue le coeur du texte.

Nous sommes favorables à l'allongement de la durée de l'ordonnance de protection, cela ne vous étonnera pas. Depuis plusieurs années, nombre de mes collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER) avaient déposé des amendements en ce sens : je pense aux amendements de Michelle Meunier et Laurence Rossignol à la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet. En décembre 2022, la députée Cécile Untermaier avait déposé une proposition de loi visant à renforcer l'ordonnance de protection, en faisant passer sa durée de six à douze mois. Laurence Harribey avait également repris ce dispositif par amendement lors de l'examen de la loi du 18 mars 2024 de la députée Isabelle Santiago visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales. Ces amendements n'avaient malheureusement pas été retenus.

Nous sommes aussi favorables à la création de l'ordonnance provisoire de protection immédiate - les chiffres l'indiquent, la mesure est urgente -, comme nous sommes favorables à votre amendement, madame la rapporteure, qui assouplit le dispositif en ouvrant la saisine du JAF à la personne demanderesse, avec avis conforme du parquet. Le dispositif actuel reste trop restreint, au détriment de son efficacité.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives aux conditions de délivrance et à la durée de l'ordonnance de protection, ainsi qu'à la sanction de la violation des mesures édictées dans ce cadre, et les dispositions relatives à la création d'une ordonnance provisoire de protection immédiate.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'amendement rédactionnel  COM-2 est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement  COM-3 rectifié a pour objet d'autoriser la saisine du JAF par la personne en danger, et non plus seulement par le procureur de la République. Les procureurs de la République n'auront vraisemblablement pas la possibilité d'examiner en détail et dans l'urgence toutes les demandes d'ordonnance de protection, et ainsi d'identifier les situations dans lesquelles une ordonnance provisoire de protection immédiate serait justifiée. Nous proposons que la personne en danger puisse solliciter directement une ordonnance provisoire de protection immédiate ; le procureur examinera ces demandes en priorité et statuera. Les procureurs eux-mêmes ont proposé cette solution.

L'amendement COM-3 rectifié est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement  COM-1 rectifié, qui est proposé par Mélanie Vogel, vise à ne pas imposer à la partie requérante de fournir une traduction lorsque des éléments en langue étrangère sont joints à une demande d'ordonnance provisoire de protection immédiate. Les documents devront alors être traduits dans un délai de six jours, à l'occasion de l'examen de la demande d'ordonnance de protection. En arrivant de l'étranger, les personnes en danger ne disposent souvent que de certificats médicaux en langue étrangère ; or il n'est pas possible d'attendre la traduction.

Je rappelle que cette ordonnance provisoire de protection immédiate est accessoire à l'ordonnance de protection : le contradictoire aura bien lieu dans les six jours. J'émets donc un avis favorable.

M. François-Noël Buffet, président. - Il s'agit bien de répondre à l'urgence de la demande. Ensuite, la traduction des éléments interviendra dans les six jours.

L'amendement COM-1 rectifié est adopté.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-4 rectifié a pour objet de permettre au juge de suspendre aussi le droit de visite et d'hébergement pendant la durée de l'ordonnance provisoire de protection immédiate.

L'interdiction de contact est déjà prévue, mais l'interdiction de visite et d'hébergement ne s'apprécie que dans le cadre de l'exercice de l'autorité parentale, qui n'est pas concernée par l'ordonnance provisoire de protection immédiate. Par exemple, en cas de dépôt d'une requête un vendredi soir, avant un week-end incluant un droit de visite, il faut pouvoir suspendre ce droit immédiatement, en attendant que le juge se prononce, lors de l'examen de l'ordonnance de protection, sur les modalités générales d'exercice de l'autorité parentale.

L'amendement COM-4 permet également au juge d'autoriser la partie demanderesse à dissimuler son adresse à la partie demanderesse.

L'amendement COM-4 rectifié est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 1er

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous en venons à l'amendement  COM-5. Beaucoup d'associations, mais également le Conseil national des barreaux demandent que les critères d'attribution d'une ordonnance de protection, définis à l'article 515-11 du code civil, soient modifiés afin que le danger auquel est sujette la victime soit considéré comme constitutif de la vraisemblance des faits de violence allégués, au motif que certains juges estiment que dès lors que les membres du couple ne vivent plus sous le même toit, le danger n'existe plus, même si les violences existaient auparavant. Or les violences intrafamiliales s'insèrent dans un système d'ensemble, elles ne cessent pas après une séparation. Je parle bien là de l'ordonnance de protection « classique ». J'étais plutôt favorable à cette demande, c'est pourquoi j'ai déposé cet amendement.

Toutefois, la Chancellerie a appelé mon attention sur un risque d'anticonstitutionnalité si l'on retire la notion de « danger » de l'article 515-11 - je précise cependant que le danger resterait mentionné à l'article 511-9, qui définit l'ordonnance de protection. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été déposée en 2021 au motif que l'ordonnance de protection constituerait une atteinte aux droits individuels en retirant à la partie défenderesse l'autorité parentale ou en interdisant de fréquenter certains lieux. La Cour de cassation a considéré que cette QPC n'était pas recevable, en s'appuyant sur le fait que les droits mentionnés étaient retirés non parce que la personne était coupable, mais parce qu'elle était dangereuse, et donc que l'ordonnance de protection n'était pas attentatoire à la présomption d'innocence. La notion de danger est donc importante, du moins au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.

À ce stade, il me paraît donc plus prudent de retirer cet amendement ; nous pourrons en débattre avant le passage du texte en séance, le 14 mai prochain, et nous verrons sous quelle forme le présenter. L'inquiétude est réelle, il s'agit d'un point de dysfonctionnement de l'ordonnance de protection ; il faut y répondre, tout en se prémunissant des conséquences d'une potentielle QPC.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le sujet est très délicat. Il me semble étrange que l'on puisse considérer qu'il puisse y avoir des violences sans qu'il y ait automatiquement un danger... Voilà une curiosité. Essayons d'atteindre l'objectif que nous partageons tous sans faire d'erreur juridique, au risque d'être contre-productifs. La Chancellerie est-elle de bon conseil ? La Cour de cassation a certes son avis, mais c'est bien le législateur qui décide des normes.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La Chancellerie ne m'a alertée qu'hier ! Ayons ce débat au cours des deux prochaines semaines.

Si nous adoptions cet amendement, la proposition de loi pourrait être transmise au Conseil constitutionnel ; le cas échéant, seul l'article de la proposition de loi serait censuré, et non l'ensemble du dispositif de l'ordonnance de protection immédiate. Nous obtiendrions alors une réponse immédiate.

L'amendement COM-5 est retiré.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement  COM-6 concerne le code électoral. Tout électeur est inscrit sur la liste électorale de la commune : certains peuvent retrouver l'adresse de leur conjointe en consultant ces listes. Le procureur doit pouvoir demander à la commune de masquer, pour le seul auteur des violences, l'adresse de la personne en danger, lorsque le juge l'a autorisé à dissimuler son adresse à la partie défenderesse.

M. Francis Szpiner. - Les listes électorales doivent rester accessibles à tous ! Imaginez le cas de faux électeurs... voilà qui interroge au regard du droit électoral et de la nécessaire vérification des listes. Je suis très réservé.

Mme Olivia Richard. - Concernant les élections françaises organisées à l'étranger, des dispositifs spécifiques existent, afin d'assurer la sécurité de nos compatriotes, notamment ceux qui ont la double nationalité, mais dont le pays de résidence refuse cette même double nationalité. Le code électoral prévoit la non-communicabilité de la liste électorale lorsque la situation locale le justifie ; c'est le cas par exemple, au Liban et en Israël.

M. François-Noël Buffet, président. - Il faudra retravailler le sujet et en examiner toutes les conséquences pratiques.

L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.

Article 2

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement  COM-7 vise à aligner les peines encourues en cas de violation d'une ordonnance de protection et d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. Cela permettra notamment d'imposer le port d'un bracelet anti-rapprochement à tous ceux qui ne respecteraient pas l'une de ces ordonnances.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 2

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à rendre possible l'octroi d'un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances provisoires de protection immédiate. Déjà prévue pour l'ordonnance de protection classique, cette mesure est d'autant plus pertinente dans le cas présent.

L'amendement COM-8 est adopté et devient article additionnel.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement  COM-9 tend à actualiser, en conséquence de l'adoption des amendements précédents, l'intitulé de la proposition de loi, qui deviendrait : « Proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate. »

L'amendement COM-9 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme VÉRIEN, rapporteure

2

Rédactionnel

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

3 rect.

Ouverture de la saisine du juge aux affaires familiale par la personne en danger

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

1 rect.

Possibilité de joindre à la requête des éléments en langue étrangère 

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

4 rect.

Possibilité de suspendre le droit de visite et d'hébergement pendant la durée de l'ordonnance provisoire de protection immédiate et de dissimuler l'adresse de la partie demanderesse

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 1er

Mme VÉRIEN, rapporteure

5

Redéfinition des critères d'appréciation du danger pour la délivrance de l'ordonnance de protection

Retiré

Mme VÉRIEN, rapporteure

6 rect.

Non communication, au sein des listes électorales, de l'adresse d'un ou d'une bénéficiaire d'une ordonnance de protection 

Adopté

Article 2

Mme VÉRIEN, rapporteure

7

Alignement des peines encourues en cas de violation d'une ordonnance de protection et d'une ordonnance provisoire de protection immédiate

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 2

Mme VÉRIEN, rapporteure

8

Possibilité d'octroyer un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances provisoires de protection immédiate

Adopté

Article 3

Intitulé de la proposition de loi

Mme VÉRIEN, rapporteure

9

Actualisation de l'intitulé.

Adopté

Bilan annuel d'application des lois - Communication

M. François-Noël Buffet, président. - Comme chaque année à cette période, notre commission se penche sur les principales caractéristiques de l'application des lois que nous avons été amenés à examiner au fond au cours de l'année parlementaire 2022-2023. Cet exercice s'achèvera le mardi 28 mai par un débat en séance.

Au cours de l'année parlementaire 2022-2023, la commission des lois a été conduite à examiner au fond 10 des 44 lois promulguées, ce qui représente 23 % du total, hors traités et conventions internationales. À cela s'ajoutent 3 lois dont l'examen au fond de certains articles avait été délégué à notre commission.

Outre ces 10 lois promulguées, l'activité législative de notre commission est demeurée soutenue, avec l'examen de 20 autres projets et propositions de loi, dont 7 ont été promulgués après la date du 30 septembre 2023 ; ils ne sont donc pas pris en compte dans le présent état des lieux. Au total, au cours de cette session parlementaire, nous aurons donc examiné 30 textes, soit trois par mois si l'on fait abstraction des périodes de suspension.

Nous pouvons, par ailleurs, nous réjouir du fait que 8 des 10 textes promulgués soient d'origine parlementaire, dont 5 émanant du Sénat, à savoir la proposition de loi visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce, présentée par Nathalie Goulet ; la proposition de loi visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression, présentée par Nathalie Delattre et plusieurs collègues ; la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales, que j'ai présentée ; la proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, présentée par Françoise Gatel et plusieurs collègues ; et la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, présentée par Dominique Vérien, Annick Billon et Martine Filleul et plusieurs de leurs collègues.

L'accroissement de la proportion de lois d'origine parlementaire en 2022-2023 entraîne automatiquement une réduction de la part des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée, qui représentent malgré tout 60 % de l'ensemble. Les 6 textes examinés dans le cadre de cette procédure ont été adoptés en 127 jours en moyenne, contre 220 jours lors de la session précédente. Nous nous rapprochons ainsi de la moyenne de 119 jours atteinte durant la session 2020-2021, qui avait été marquée par la multiplication des textes relatifs à l'état d'urgence sanitaire. Aussi, ce recours à la procédure accélérée, censé, d'après la Constitution, demeurer une exception, persiste à nous contraindre à des délais d'examen excessivement resserrés, qui ne sont pas réellement justifiés par l'urgence des circonstances. Cette observation est récurrente, cette année de référence le confirme encore.

Après vous avoir présenté les particularités de ces dix lois, j'en viens à présent à leur degré d'application au regard des mesures réglementaires qu'elles prévoient.

Le bilan de cette mise en application apparaît d'emblée plus favorable cette année qu'il ne l'était l'an dernier. Ainsi, 70 % des lois examinées sont entièrement applicables, contre 50 % l'année précédente. Par ailleurs, le pourcentage de mesures d'application restant à prendre a diminué de 34 % à 28 %. Autrement dit, sur les vingt-neuf mesures réglementaires prévues par les lois promulguées, huit n'ont pas encore été prises à la date du 31 mars 2024. Pour autant, cette amélioration était prévisible. En effet, la charge pesant sur le Gouvernement était nettement réduite cette année, puisque les lois examinées ne prévoyaient que vingt-neuf mesures d'application, contre 211 en 2021-2022 et 97 en 2020-2021. On soulignera, en particulier, qu'aucune mesure réglementaire n'a été prise sur les quatre mesures prévues par la loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, dite loi « anti-squat », ainsi que sur les deux mesures attendues pour la loi du 21 juin 2023 visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire.

En ce qui concerne le recours aux ordonnances, nous constatons, pour la troisième année consécutive, une nette diminution. La commission des lois n'a examiné que cinq habilitations à légiférer par voie d'ordonnances dans les articles de deux lois qui lui avaient été confiées par délégation au fond. Cela témoigne de notre effort pour substituer aux habilitations demandées par le Gouvernement des modifications directes des dispositions législatives.

Pour finir, nous ne pouvons que déplorer le fait qu'aucun rapport au Parlement n'ait été remis, sur les dix rapports demandés par les lois promulguées. Ce n'est pas une surprise, malheureusement. Cette carence flagrante de la part du Gouvernement souligne son peu d'empressement à fournir les rapports que la loi prévoit.

La commission des lois continuera par conséquent, dans les textes qu'elle examine, à ne solliciter du Gouvernement que la présentation de rapports au Parlement présentant un réel intérêt, et à privilégier ses propres travaux d'information et de contrôle pour approfondir certains sujets. Je tiens à souligner, à cet égard, le fait que notre commission a entrepris de nombreux travaux de contrôle sur la session 2022-2023, lesquels ont abouti à la publication de huit rapports d'information. À ce titre, l'examen global et statistique que je vous livre aujourd'hui de l'application des lois est voué à être approfondi, pour les textes les plus importants, grâce à des missions d'information dédiées.

Cette démarche est illustrée par les récents rapports d'information présentés le mois dernier par Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien, s'agissant de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ; ainsi que par Agnès Canayer et Marie-Pierre de La Gontrie sur l'application de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

La réunion est close à 9 h 55.