Mercredi 29 novembre 2023

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Cohésion des territoires » - Programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » - Examen du rapport pour avis

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis. - Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », de la mission « Cohésion des territoires » porte les crédits budgétaires de la politique publique de lutte contre le sans-abrisme.

Ce programme finance, pour plus de 90 % de ses crédits, des places d'hébergement sous différents statuts, notamment en centre d'hébergement d'urgence (CHU) ou en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) - ainsi que des dispositifs de logement adapté.

Cette année a été marquée par la présentation par le Gouvernement du deuxième plan « Logement d'abord » pour la période 2023-2027, qui s'inscrit dans la continuité directe du premier plan quinquennal des années 2018-2022.

Le Gouvernement dresse un bilan flatteur de ce premier plan : 440 000 personnes auraient accédé à un logement pérenne dans ce cadre. Cette estimation agrège les personnes en hébergement ou sans-abri ayant accédé à un logement social, les personnes ayant obtenu une place en pension de famille et les personnes ayant obtenu un logement dans le parc privé par le biais de l'intermédiation locative.

Les objectifs du nouveau plan concernent principalement la production et la mobilisation de logements adaptés dans le cadre des dispositifs existants : l'intermédiation locative, les pensions de famille et les résidences sociales.

Le développement de l'intermédiation locative, qui mobilise le parc privé à des fins sociales avec l'intervention d'un tiers agréé par l'État entre le bailleur et le locataire, est considéré comme l'une des grandes réussites du premier plan : l'objectif de 40 000 nouvelles places a été atteint et le parc compte aujourd'hui 75 000 places dans 30 000 logements. Pour la période 2023-2027, le deuxième plan « Logement d'abord » prévoit la création de 30 000 places supplémentaires. Pour l'exercice 2024, 211 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) à ce titre.

Selon les acteurs de l'hébergement et de l'insertion que j'ai auditionnés, l'intermédiation locative est un dispositif efficace, mais qui ne peut suffire à répondre aux enjeux, car il s'agit, par définition, d'une solution temporaire. Une des conditions de sa réussite est le renforcement de l'accompagnement social des ménages pour accéder à un logement pérenne.

Malgré tout leur intérêt, les dispositifs de logement adapté ne peuvent pallier la production insuffisante de logements sociaux. Selon la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), le nombre de personnes en attente d'un logement social atteindrait en effet un niveau inédit.

La politique du « Logement d'abord » est soutenue par la mise en place, au 1er janvier 2021, du Service public de la rue au logement, qui traduit la volonté de transformer la gouvernance de la politique de lutte contre le sans-abrisme, tant dans son organisation que dans ses pratiques et outils.

Les opérateurs départementaux de cette politique sont les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) a posé le principe d'un SIAO unique par département, gérant à la fois le numéro d'urgence sociale « 115 », l'hébergement d'urgence et l'insertion.

L'instruction du Gouvernement du 31 mars 2022 érige les SIAO en « clés de voûte » du Service public de la rue au logement. Leur pilotage doit désormais refléter la responsabilité partagée des parties prenantes en matière de lutte contre l'exclusion : l'État, les collectivités territoriales, les associations et les bailleurs sociaux. En outre, leurs missions sont étendues au-delà de la régulation de la demande et du pourvoi des places d'hébergement afin qu'ils assurent le suivi de la progression des parcours des personnes sans domicile vers le logement.

Le deuxième plan « Logement d'abord » prévoit de renforcer la veille sociale en recrutant, sur la période 2023-2027, 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires au sein des SIAO, dans les accueils de jour et les équipes mobiles. L'atteinte de cet objectif représente toutefois une gageure, car le secteur « Accueil, hébergement et insertion » souffre de problèmes d'attractivité, d'autant plus que les professionnels des SIAO n'ont pas été éligibles à la revalorisation salariale de février 2022.

Pour 2024, 19 millions d'euros sont prévus dans le PLF afin de financer ces renforts, sur un total de 212,5 millions d'euros consacrés à la veille sociale.

Bien qu'il ait pris beaucoup de retard, le processus de contractualisation avec les CHRS, rendu obligatoire par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), est relancé. Un projet de réforme de la tarification de ces établissements, engagé en 2021, pourrait permettre de renforcer cette démarche de contractualisation en intégrant de nouveaux indicateurs de résultats aux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM). Toutefois, la conclusion d'un CPOM ne doit pas mettre en difficultés financières les structures ni les inciter à sélectionner les publics accueillis.

L'autre point saillant de ce budget 2024 est le maintien du parc d'hébergement généraliste à son plus haut niveau. Le PLF prévoit la stabilisation du parc d'hébergement à hauteur de 203 000 places en moyenne annuelle en hébergement d'urgence et CHRS. Ce total inclut 1 000 nouvelles places dédiées aux femmes victimes de violences intrafamiliales.

Ce parc, inférieur à 150 000 places en 2017, avait fortement augmenté en 2020 pour faire face à la crise sanitaire. À partir de 2021, le Gouvernement a décidé de mettre fin à la gestion saisonnière, ou « au thermomètre », de l'hébergement et de maintenir la même capacité de soutien aux personnes sans abri tout au long de l'année, tout en conservant des mesures exceptionnelles pendant les périodes de grand froid ou de chaleur.

Parmi les dispositifs d'hébergement, l'hôtel s'est imposé comme une solution d'urgence devant la forte pression qui s'exerce sur les structures d'hébergement. Ainsi, le recours aux nuitées hôtelières a fortement augmenté durant la crise sanitaire, culminant à 75 000 places début 2021. Il a ensuite reflué tout en restant à un niveau élevé, atteignant 67 000 places au 31 décembre 2022.

Onze départements concentrent plus de 80 % des nuitées hôtelières, la région d'Île-de-France représentant plus des trois quarts des places mobilisées.

Sans renoncer à cette variable d'ajustement, le Gouvernement cherche, d'une part, à favoriser la transformation des places à l'hôtel en solutions d'hébergement plus qualitatives et, d'autre part, à améliorer les conditions de l'accueil et de l'accompagnement des personnes hébergées à l'hôtel.

Malgré les moyens déployés, les acteurs associatifs constatent une pression croissante sur l'hébergement d'urgence. Selon l'Unicef et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), on dénombrait 8 351 demandes non pourvues au « 115 » le soir du 2 octobre 2023, soit 2 500 personnes de plus qu'au mois de juin. En outre, une étude menée par Interlogement93 en 2022 évalue à 70 % le taux de non-recours au « 115 ».

Le nombre de familles avec enfants à la rue constitue une nouveauté alarmante. Selon l'Unicef, on comptait en octobre dernier 2 822 enfants dont les parents avaient vu leur demande refusée par le « 115 » faute de solution de mise à l'abri disponible. Le baromètre « enfants à la rue » publié en août avait comptabilisé 1 990 enfants dans cette situation.

Cette embolie apparaît liée au manque de solutions de logement abordable en aval des dispositifs d'hébergement et d'insertion. Son aggravation est un symptôme de l'intensification de la crise du logement.

Dans ce contexte, les crédits du programme 177 ouverts en loi de finances initiale (LFI) ont doublé en dix ans, passant de 1,3 milliard d'euros en 2014 à 2,8 milliards en 2023.

La progression la plus spectaculaire est celle des dépenses consacrées à l'hébergement d'urgence. Entre 2012 et 2022, les crédits exécutés en matière d'hébergement, hors CHRS, ont quintuplé, passant de 262 millions d'euros à 1,4 milliard d'euros.

La loi de finances de fin de gestion (LFFG) pour 2023 a ouvert 218,7 millions supplémentaires en crédits de paiement (CP) au titre du programme 177, portant le total des crédits ouverts pour 2023 à 3,1 milliards d'euros. La délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal) prévoit d'exécuter la totalité de ces crédits.

Cette rectification a notamment remédié au fait qu'aucun crédit n'avait été ouvert en LFI pour financer les dispositifs d'accueil et d'accompagnement vers le logement des Ukrainiens déplacés depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Dans le cadre du soutien apporté par l'État aux personnes bénéficiant de la protection temporaire, le programme 177 a pris en charge la mobilisation de l'intermédiation locative en faveur de 21 000 bénéficiaires ainsi qu'un dispositif exceptionnel de complément de loyer pour près de 3 000 ménages ne disposant pas de ressources suffisantes. En outre, il a financé l'accompagnement de 11 000 personnes accueillies en hébergement citoyen. Pour 2023, la LFFG a donc ouvert 55,7 millions d'euros de crédits à ce titre.

Pour 2024, le PLF prévoit l'ouverture de 2,9 millions d'euros en CP. Le projet annuel de performance indique par ailleurs des prévisions de dépenses de 2,850 milliards d'euros pour 2025 et 2,825 millions d'euros pour 2026. Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le 7 novembre 2023, le ministre délégué chargé du logement Patrice Vergriete a indiqué que cette trajectoire baissière reposait sur l'hypothèse d'une meilleure intégration des personnes sans domicile dans le logement. Cette trajectoire paraît toutefois peu vraisemblable en l'absence d'une inflexion de la politique du logement, et dans un contexte d'augmentation des coûts des structures d'hébergement et de crises internationales entraînant des flux migratoires.

Ainsi, alors que le pilotage budgétaire du programme tendait à s'améliorer, les crédits demandés pour 2024 apparaissent inférieurs de plus de 200 millions d'euros, donc de 6,5 %, à la prévision d'exécution de 2023.

Comme ce fut le cas pour le projet initial de 2023, aucun crédit n'est demandé au titre du programme 177 pour le financement des dispositifs d'accueil des Ukrainiens en France. Or, compte tenu de la poursuite du conflit et du nombre élevé d'Ukrainiens encore présents sur le territoire, environ 60 millions d'euros devraient être dépensés en 2024 pour leur prise en charge, au titre du seul volet « accès au logement ».

L'incertitude et l'absence de visibilité quant au financement de ces dispositifs sont source de difficultés de paiement et de risques pour les acteurs chargés de leur mise en oeuvre, qui sont principalement des associations.

Je vous proposerai donc un amendement visant abonder de 60 millions d'euros les crédits du programme, afin d'assurer la continuité du financement de ces dispositifs en 2024.

De même, les crédits inscrits dans le PLF ne semblent pas intégrer l'inflation anticipée pour 2024 ni même celle de 2023. Il est donc vraisemblable qu'une correction importante interviendra à nouveau en fin de gestion.

J'estime que ces omissions sont contre-productives : la volonté du Gouvernement de ne pas afficher de dépenses en hausse ne doit pas prendre le pas sur la rationalisation de la programmation budgétaire de cette politique.

Au regard des moyens financiers importants prévus par l'État dans ce PLF, et compte tenu du besoin de visibilité des acteurs de terrain, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vais vous présenter.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis. - Mon amendement prévoit d'abonder 60 millions d'euros au programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », pour répondre aux besoins d'hébergement des réfugiés ukrainiens présents en France. Cette augmentation est gagée sur une diminution du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », déjà bien pourvu en crédits cette année.

Les associations ont poussé un grand cri d'alerte face aux importantes difficultés de trésorerie qu'elles rencontrent. Tout repose sur elles. Compte tenu du nombre de personnes déjà à la rue, la situation deviendra ingérable le jour où leur filet de sécurité lâchera.

L'amendement n° II-638 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » et compte d'affectation spéciale « Pensions » - Examen du rapport pour avis

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis. - Il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », que notre commission examine conjointement depuis 2018.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre versées par l'État aux régimes spéciaux de retraite structurellement déséquilibrés. Cette année, son périmètre est étendu aux régimes de l'Opéra de Paris et de la Comédie-Française, qui relevaient jusqu'alors de la mission « Culture ».

En 2024, les crédits de la mission progresseraient de 1,5 % par rapport à 2023, après avoir atteint un point bas en 2022. Cette augmentation s'explique en grande partie par l'indexation des pensions sur l'inflation de l'année précédente, dans un contexte de forte dynamique inflationniste. Les pensions devraient ainsi être revalorisées à hauteur de 5,3 % en 2024.

Sur les 6,23 milliards d'euros de crédits que recouvre la mission, 3,46 milliards seraient consacrés à l'équilibrage du régime du personnel de la SNCF, soit près de 56 %.

Dans la mesure où ce régime est fermé aux nouveaux entrants depuis le 1er janvier 2020, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et l'Agirc-Arrco, auprès desquelles sont affiliés les nouveaux agents de la SNCF, lui versent chaque année une compensation correspondant au montant des cotisations perçues au titre de l'emploi de ces agents. En effet, le régime de la SNCF conserve la responsabilité du paiement des pensions de son stock d'affiliés tandis que le produit de ses cotisations s'atrophie.

La Cnav et l'Agirc-Arrco, quant à elles, perçoivent un surcroît de cotisations à ce titre, sans avoir à supporter les charges de pension correspondantes avant plusieurs années, voire plusieurs décennies. En 2024, elles verseraient donc une compensation de 114 millions d'euros au régime de la SNCF, contre 81 millions en 2023.

Le relèvement progressif du taux de cotisation salariale applicable aux agents de la SNCF se poursuit. De 7,85 % en 2014, il s'élève aujourd'hui à 10,14 % et atteindra 10,95 % en 2026, contre 11,31 % dans le secteur privé. Au total, la subvention de l'État représenterait, en 2024, 62 % des charges de pension du régime, contre 65 % en 2023.

Le régime de la RATP, quant à lui, représente plus de 14 % des crédits de la mission. Fermé aux nouveaux entrants depuis le 1er septembre 2023 dans le cadre de la réforme des retraites, ses charges de pension seraient financées à hauteur de 64 % par la subvention d'équilibre, un niveau stable par rapport à l'an dernier.

Dans un souci d'équité, le législateur a prévu que le relèvement de deux ans de l'âge d'ouverture des droits et l'augmentation de la durée de cotisation requise s'appliquent également à eux. Le calendrier de montée en charge de la réforme est néanmoins légèrement décalé dans ces régimes, où la réforme de 2010 n'est pas encore pleinement arrivée à son terme. L'âge d'ouverture des droits atteindra donc 54 ans pour les agents de conduite de la SNCF et les agents d'exploitation de la RATP nés à partir de 1980, et 59 ans pour les agents sédentaires de la SNCF et les agents de maintenance de la RATP nés à partir de 1975. Les agents sédentaires de la RATP, quant à eux, se verront appliquer l'âge de 64 ans à compter de la génération de 1970, contre la génération de 1968 pour le droit commun.

Les services de la direction du budget n'ont pas été en mesure de me communiquer une évaluation précise de l'incidence financière de la réforme sur ces deux régimes. En tout état de cause, elle permettra d'accroître la part du financement des régimes concernés supportée par leurs bénéficiaires, au bénéfice du contribuable.

Pour terminer sur cette mission, il me faut vous indiquer que son périmètre devrait considérablement s'amenuiser dès l'année prochaine.

En effet, plutôt qu'un mécanisme conventionnel comparable à celui qui lie la Cnav, l'Agirc-Arrco et le régime de la SNCF, le Gouvernement a choisi, pour compenser les conséquences financières de la fermeture des régimes spéciaux, de les adosser au régime général, de même que l'ensemble des régimes spéciaux déjà fermés, dans le cadre de l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. En d'autres termes, ces régimes devraient désormais utiliser en priorité leurs réserves et bénéficieraient, une fois celles-ci épuisées, d'un versement d'équilibre de la Cnav, en lieu et place de l'État. En contrepartie, la Cnav percevrait, d'une part, un versement de compensation de l'Agirc-Arrco et, d'autre part, des ressources de l'État correspondant aux crédits actuels de la mission, par le biais, soit d'une clé de TVA, soit d'une subvention, sans que le Gouvernement puisse nous garantir qu'il ne se désengagera pas au cours des années à venir. J'en veux pour preuve la suppression à l'Assemblée nationale des dispositions introduites par le Sénat sur mon initiative et visant à prévoir la compensation intégrale de la charge supportée dans ce cadre par le régime général.

Quoi qu'il en soit, si la modalité de compensation retenue s'avérait être une clé de TVA, la mission ne recouvrerait plus que les subventions versées aux régimes encore ouverts, à savoir ceux des marins, de l'Opéra de Paris et de la Comédie-Française, soit seulement 13 % des crédits actuels. Je souhaite donc que le Gouvernement privilégie le recours à une subvention à la Cnav, qui pourrait être retracée dans le cadre de la mission, sans perte de visibilité pour le contribuable.

J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », qui retrace les recettes et les dépenses des régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État.

Avec 65,1 milliards d'euros de recettes, le CAS devrait supporter 67,6 milliards d'euros de dépenses, un montant en forte hausse, à hauteur de 5 %. En effet, la dynamique inflationniste induit des niveaux élevés de revalorisation des pensions et a conduit le Gouvernement à augmenter la valeur du point d'indice de 3,5 % en 2022 et de 1,5 % en 2023, non sans effets sur les pensions, calculées sur la base du traitement indiciaire brut des six derniers mois d'activité.

Or, le principe d'un compte d'affectation spéciale est de financer certaines dépenses exclusivement par des recettes en lien direct avec elles. Par conséquent, son solde cumulé ne peut pas devenir négatif. En d'autres termes, l'État doit assurer, en tant que de besoin, le paiement des pensions de ses fonctionnaires par un relèvement du taux de sa contribution employeur.

Chaque année, le solde du CAS est donc inscrit en comptabilité pour former un solde cumulé. Celui-ci est passé de 900 millions d'euros en 2012 à 9,5 milliards d'euros en 2021 grâce aux excédents du CAS, qui résultaient à la fois de la montée en charge de la réforme des retraites de 2010, d'une inflation particulièrement faible et du relèvement progressif du taux de la contribution employeur de l'État. Ce dernier s'élève désormais à 74,28 % pour les fonctionnaires civils et à 126,07 % pour les militaires, contre 16,46 % dans le secteur privé. Je précise que ces excédents n'étaient pas mis en réserve, mais uniquement ajoutés sur le plan comptable au solde cumulé du CAS, avant d'abonder le budget général.

Or, depuis 2022, subissant les effets de sa transition démographique et du rebond de l'inflation, le régime de la fonction publique est devenu déficitaire. Son déficit devrait d'ailleurs se creuser extrêmement rapidement, passant de 600 millions d'euros en 2022 à 2,5 milliards en 2024. Le solde cumulé du CAS, qui ne s'élève plus, à ce jour, qu'à un peu plus de 8 milliards d'euros, ne devrait pas suffire à absorber ces déficits au-delà de 2025. Dès 2026, un relèvement du taux de la contribution employeur de l'État, déjà très élevé, sera donc nécessaire.

J'estime, pour ma part, qu'il est absolument indispensable d'amorcer au plus vite l'augmentation progressive de ce taux, sans quoi un relèvement soudain en 2026 serait extrêmement douloureux pour les ministères. Je regrette, à ce titre, que le service des retraites de l'État ne semble pas disposer - ou vouloir communiquer - d'une évaluation précise de l'ampleur du relèvement requis ni d'un calendrier de mise en oeuvre.

Il est particulièrement étonnant, dans ce contexte, que le Gouvernement ait prévu, dans le cadre du PLFSS, le transfert de près de 200 millions d'euros de recettes correspondant aux « gains » tirés de la réforme des retraites par le régime de la fonction publique vers le régime général. La réforme aurait dû permettre, en effet, de limiter le niveau du relèvement nécessaire du taux de la contribution employeur de l'État, dans la mesure où elle générerait une économie de l'ordre de 300 millions d'euros en 2025 et jusqu'à 1,2 milliard à l'horizon de 2035.

Au total, je vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du CAS, dans la mesure où il est inenvisageable de faire obstacle au paiement des pensions des fonctionnaires et des assurés des régimes spéciaux, mais en émettant des réserves relatives, d'une part, à l'absence de garantie de la compensation intégrale par l'État de la charge représentée par l'adossement des régimes spéciaux fermés pour le régime général ; et, d'autre part, au déficit de transparence sur l'augmentation à venir de la contribution employeur de l'État.

Mme Monique Lubin. - Je partage la totalité des conclusions de ce rapport, notamment l'inquiétude au sujet de l'article 9 du PLFSS, qui ne garantit pas la pérennisation d'un transfert de l'État pour compenser l'adossement des régimes fermés au régime général.

Concernant le CAS « Pensions », si l'État continue de diminuer significativement le nombre de ses fonctionnaires, tout comme les collectivités locales, qui n'ont pas le choix aujourd'hui, le produit des cotisations de retraite se contractera lui aussi. L'État doit donc prendre ses responsabilités et compenser cette diminution en augmentant significativement sa contribution employeur. C'est la seule solution. En tant qu'État employeur, il se doit d'assurer le paiement des retraites de ses anciens agents. Ne pas répondre à ce devoir serait une faute grave de sa part.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Tout d'abord, rappelons que l'examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se fait dans un contexte particulier, après la réforme des retraites imposée aux Français avec le recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, contre les organisations syndicales et contre l'avis d'une très grande majorité de Français.

Au final, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 a acté la fin de cinq régimes spéciaux, dont le régime de retraite de la RATP, qui est fermé aux nouveaux embauchés depuis septembre 2023. Pour ce faire, le Gouvernement a argué que ces régimes coûtaient cher aux Français.

Cette mesure a pour conséquence d'augmenter leur déséquilibre : la caisse de retraite doit continuer à verser les pensions des retraités actuels et de ceux à venir alors qu'elle perçoit moins de cotisations.

Le surcoût trouve sa traduction à l'article 9 du PLFSS 2024, qui organise la bascule de ces régimes vers le régime général à compter de 2025, ainsi que la mise en place d'une convention prévoyant une participation de l'Agirc-Arrco.

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis. - Madame Lubin, le nouveau schéma de financement des régimes spéciaux fermés entrera en vigueur en 2025. Nous aurons d'ici là l'occasion d'y apporter les ajustements nécessaires. Nous n'avons pas réussi à avoir cette année des réponses claires à nos questions au sujet de la compensation du surcoût pour la Cnav. Le Gouvernement hésite encore entre une subvention et une clé de TVA ; nous ne sommes pas favorables à cette seconde option, qui serait de nature à limiter la visibilité du contribuable sur ces financements.

Concernant la situation du régime de la fonction publique, le gel des recrutements entraîne naturellement celui des recettes, mais ce mouvement conduira, de fait, à moins de dépenses de pensions à l'avenir. L'essentiel est d'adapter l'organisation des services publics de telle sorte qu'ils soient à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Il ne s'agit pas de recruter dans le seul but de payer les pensions de retraite des fonctionnaires.

Madame Apourceau-Poly, ne relançons pas le débat sur les retraites... Les régimes spéciaux sont structurellement déséquilibrés. La fin de ces régimes spéciaux aggrave en effet ce déséquilibre, mais cet effet sera compensé par l'adossement à la Cnav et la contribution de l'Agirc-Arrco. Ces régimes ont vocation à s'éteindre autour de 2120.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Santé » - Examen du rapport pour avis

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis - Rapporteure pour la première fois cette année de la mission « Santé », cet examen me conduit à formuler une appréciation d'ensemble qui s'inscrit dans la droite ligne des observations de la commission au cours de ces dernières années : un constat de manque de lisibilité des actions financées et une absence de vision stratégique pour la santé publique.

En 2024, le montant des crédits consacrés à cette mission s'élèvera à 2 343,28 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 30,3 % par rapport aux crédits votés loi de finances initiale (LFI) de 2023, mais une relative stabilité si l'on raisonne sur le périmètre antérieur à 2023.

En effet, le dernier exercice budgétaire a modifié le visage de la mission « Santé » par la création d'un troisième programme permettant d'enregistrer la compensation de coûts divers à la sécurité sociale via le budget de l'État. Désormais, la mission « Santé » se compose donc de trois programmes déséquilibrés : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » qui dispose d'un budget de 220 millions d'euros ; le programme 183 « Protection maladie », qui représente 1,216 milliard d'euros, soit plus de 50 % du coût total de la mission, et qui comporte le financement de l'aide médicale de l'État (AME) ; enfin, le programme 379 « Compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) », dont le budget s'élève à 906,7 millions d'euros et qui permet de réceptionner des crédits européens devant être reversés à la sécurité sociale.

C'est la réduction importante du montant des crédits versés au titre de ce dernier programme - environ 1 milliard d'euros entre 2023 et 2024 - qui explique la baisse du budget global de la mission « Santé ».

Derrière des intitulés de programmes presque alléchants, je dois donc vous faire part de ma relative déception quant au contenu de cette mission : peu ou pas de propositions ambitieuses, un empilement de programmes et d'actions sans colonne vertébrale, qui fait malheureusement écho au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). L'éparpillement des crédits ne comble pas le sous-investissement dans le champ de la prévention ; au mieux, il répartit la pénurie. C'est ce constat qui me conduira à vous proposer un amendement de crédits et qui me semble, par ailleurs, devoir appeler une réflexion sur l'identité et les objectifs de cette mission.

Le premier programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » se décompose en sept actions d'ampleur inégale. Plus de la moitié des crédits de ce programme est consacrée au financement de trois opérateurs de la politique de santé en France : l'Institut national du cancer (INCa), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), et l'agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna. Dans la continuité des années précédentes, un budget de plus de 100 millions d'euros leur est dédié. Si l'Anses et l'agence de Wallis-et-Futuna bénéficient d'une augmentation du montant de leur subvention, celle de l'INCa subit en revanche une coupe non négligeable.

En effet, celle-ci est amputée de 6 millions d'euros soit une baisse de 15 % des crédits. De nouvelles missions ont pourtant été attribuées à l'INCa par la loi du 8 mars 2019, en particulier celle de mettre en oeuvre la stratégie décennale 2021-2030 de lutte contre le cancer. Lors des auditions, l'INCa nous a alertés sur l'impact de cette coupe budgétaire en 2024, qui la conduira à prioriser ses actions annuelles et à réduire l'envergure de certaines d'entre elles. La direction générale de la santé a justifié cette réduction de dotation par l'augmentation notable de la trésorerie de l'institut, qui n'a pas consommé la totalité des crédits alloués en 2023. Des financements supplémentaires ont en effet été versés à l'INCa après que l'Assemblée nationale a voté, fin 2021, une enveloppe de 20 millions d'euros dédiée à la recherche sur les cancers pédiatriques.

Si l'on peut évidemment se réjouir que des moyens importants soient consacrés à la recherche, il faut garder à l'esprit qu'une stratégie de recherche médicale s'inscrit dans un temps long : les projets d'envergure ne peuvent pas se concrétiser dans des horizons de court terme. En l'espèce, les crédits non consommés ont été mis en réserve par l'INCa et ne peuvent servir au financement de ses autres actions. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement de crédits tendant à un abondement de 6 millions d'euros de la dotation de l'INCa.

Au-delà de ces trois opérateurs, le programme 204 finance encore les dépenses juridiques et contentieuses qui engagent l'État au titre des décisions prises par les administrations centrales et déconcentrées, qui grèvent à hauteur de 41,58 millions d'euros son budget global. Dans cette somme, plus de 24 millions d'euros sont consacrés à l'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) des victimes de la Dépakine.

Au final, le reste de crédits, à peine plus de 30 % de l'enveloppe, soit moins de 70 millions d'euros, vise à soutenir des actions de santé publique, notamment dans le champ de la prévention. Force est pourtant de constater que l'ambition affichée excède la faiblesse du budget qui lui est dédié. L'énumération de la liste des actions et des sommes allouées témoigne d'une incapacité à prioriser et à structurer une politique volontariste. Je n'en citerai que quelques exemples : 1 million d'euros pour la santé des populations, un intitulé regroupant des actions en direction des publics précaires et relatives à la santé de la mère et de l'enfant ; 4,1 millions d'euros pour le fonctionnement des comités de protection des personnes ; ou encore 4,26 millions d'euros pour la prévention des addictions liées au tabac, à l'alcool et aux drogues illicites.

J'en viens au deuxième programme « Protection maladie », d'un montant total de 1,216 milliard d'euros, presque exclusivement consacré aux dépenses de l'AME. Seuls 8 millions d'euros sont attribués au financement du fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante.

Les dépenses de l'AME connaissent une hausse continue et ininterrompue depuis la création du dispositif en 2000. Sur la période de 2012 à 2022, le nombre de bénéficiaires a augmenté de près de 63 %, pour s'établir à plus de 410 000 personnes. Environ les deux tiers des dépenses de l'AME se concentrent sur dix caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), dont 21 % à Paris, 10 % à Bobigny et 8 % à Cayenne. Les deux tiers des dépenses de l'AME relèvent également d'une prise en charge hospitalière. Pourtant, il faut rappeler qu'environ la moitié des personnes éligibles à l'AME n'y ont pas recours. Les raisons sont multiples.

Cela nous conduit quoi qu'il en soit à deux constats : d'une part, l'effectivité des droits des personnes n'est pas suffisamment garantie ; et, d'autre part, le coût des dépenses de l'AME pourrait être largement supérieur à celui que nous connaissons aujourd'hui si tous les éligibles y recouraient.

Les dépenses de l'AME sont d'abord conditionnées par les politiques d'immigration, qui déterminent le nombre de bénéficiaires potentiels. Or ce débat sur les politiques migratoires se déroule actuellement au Parlement ; il ne nous revient pas de le mener au sein de la commission des affaires sociales.

Pour autant, il est nécessaire de s'interroger sur la place que la solidarité nationale entend réserver à cette prestation non contributive, aux dépens d'autres choix. Il est légitime de questionner le panier de soins que la collectivité prend en charge, à titre gratuit et sans avance de frais, pour les personnes en situation irrégulière. En responsabilité, nous ne pouvons esquiver ces questions complexes et délicates. Ces choix politiques doivent s'inscrire dans un dialogue franc et apaisé, qui permette d'appréhender les multiples enjeux de l'AME : exigence humanitaire, protection de la santé publique pour tous, efficience de la dépense publique.

Toutes ces questions doivent être posées, sans frilosité ni pudeur. Celle de la fraude fait l'objet d'un traitement renforcé depuis quelques années. Les contrôles sont réalisés au moment de l'attribution des droits, notamment par la vérification de la condition de séjour irrégulier de trois mois, et ciblent des prestations présentant des montants particulièrement élevés. Leurs effets peuvent paraître limités, puisqu'ils ne permettent d'envisager que 20 millions d'euros de moindres dépenses en 2024. Ils n'en demeurent pas moins indispensables parce que tout abus peut faire peser un soupçon d'illégitimité sur les ayants droit.

L'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF) ont également souligné sans ambiguïté l'existence d'une forme de tourisme médical dans leur rapport sur l'AME datant d'octobre 2019. Ces inspections décrivent diverses atypies dans la consommation de soins des bénéficiaires de l'AME, qui renforcent l'hypothèse d'une migration pour soins pour certaines pathologies telles que l'insuffisance rénale, les cancers et les maladies du sang.

Il ne faut pas non plus sous-estimer les effets de transfert d'un dispositif à un autre. Ainsi, des mesures entrées en vigueur en 2020 restreignant l'accès à la protection universelle maladie (PUMa) pourraient avoir pour effet d'augmenter corrélativement les dépenses de l'AME et de soins urgents. Ces mesures sont, d'une part, la réduction de la durée de maintien des droits de douze à six mois pour les personnes dont le titre de séjour a expiré, et, d'autre part, l'instauration d'un délai incompressible de trois mois pour que les demandeurs d'asile puissent être affiliés à la sécurité sociale.

Enfin, en tant que médecin, je suis particulièrement sensible aux difficultés que rencontrent régulièrement mes confrères pour obtenir le remboursement de leurs honoraires par l'assurance maladie. La solidarité doit s'accompagner des moyens nécessaires pour que les acteurs de terrain, qui sont en première ligne, en priorité les médecins, puissent soigner sans distinction sans être lésés individuellement dans leur pratique.

À l'occasion de l'examen de la présente mission, nos collègues de la commission des finances ont tiré les conséquences de l'adoption de l'aide médicale d'urgence (AMU) par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Ils ont donc proposé un amendement tendant à réduire de 410 millions d'euros le montant des crédits alloués au programme 183, dont je vous proposerai de prendre acte.

Au-delà de l'AME, le programme 183 intègre une subvention de l'État versée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). La dégradation du résultat de ce fonds d'ici à fin 2023, qui présentera un déficit de plus de 86 millions d'euros, s'explique par des dépenses qui n'avaient pas été anticipées. Pour autant, l'État ne prévoit pas d'augmenter le montant de sa subvention, maintenue à 8 millions d'euros. Pour mémoire, les ressources publiques du Fiva sont constituées à plus de 95 % d'une dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui passera de 220 millions d'euros à 353 millions d'euros en 2024.

Pour finir, le troisième programme, créé en 2023, constitue un simple canal budgétaire n'ayant d'autre vocation que de faire transiter des fonds européens vers la sécurité sociale via le budget de l'État. Sa durée de vie est programmée puisqu'il devrait disparaître en 2026, avec la fin des délégations de crédits prévues au titre du « Ségur investissement ». Ces crédits ont, semble-t-il, permis effectivement d'accélérer l'investissement en santé dans les établissements du secteur sanitaire et médico-social et l'on peut s'en réjouir.

Il concentre, pour 2024, 906,9 millions d'euros de crédits, contre 1,930 milliard d'euros en 2023, soit une diminution de 53 % du montant des fonds versés. On peut regretter que l'ampleur de ces variations annuelles ne contribue guère à la lisibilité de l'évolution générale du budget de la mission « Santé », d'autant que les crédits de l'action relative au don de vaccins à des pays tiers font manifestement l'objet de prévisions très fragiles, ce qui oblige à relativiser la présentation financière du programme.

Aucun crédit n'était ainsi affiché pour le don de vaccins en 2023 ; il en est de même pour l'année 2024. Toutefois, 190 millions d'euros ont finalement été intégrés dans la loi de finances de fin de gestion pour 2023, à titre de régularisation. Pour 2024, malgré l'absence de crédits dédiés, la direction de la sécurité sociale nous a déjà indiqué que des dons de vaccins pourraient être réalisés, pour un montant estimé entre 39 et 78 millions d'euros.

Au terme de cette présentation, je partage à nouveau mon sentiment général d'une mission au format hétérogène, sans grande cohérence et sans vision politique. Il s'agit d'un outil budgétaire qui manque de corps et d'ambition.

Je vous proposerai d'émettre un avis favorable à cette mission, sous réserve de l'adoption d'un amendement tendant à transférer les crédits, à hauteur de 6 millions d'euros, de l'action n° 02 « Aide médicale de l'État » du programme 183, à l'action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » du programme 204.

M. Bernard Jomier. - Merci à Florence Lassarade pour son rapport. Étant donné le nombre important de transferts vers l'assurance maladie ces dernières années, il n'est pas surprenant de constater que les crédits de cette mission se réduisent encore au-delà des problèmes conjoncturels qui ont été rappelés.

Le programme 204 comprend les crédits de l'Anses, une agence essentielle en matière de santé environnementale, chargée notamment d'évaluer les produits phytopharmaceutiques pour leur autorisation de mise sur le marché. Or, l'Anses est rémunérée pour cette mission en deçà de ses coûts d'exercice ; c'est pourquoi je déposerai un amendement visant à modifier à la hausse la contribution qu'elle perçoit dans le cadre de ces missions d'expertise et d'évaluation.

Je veux rappeler quelques éléments sur l'aide médicale de l'État. J'ai suivi les débats récents dans l'hémicycle à propos de ce dispositif et visant notamment à transformer cette aide en une aide médicale d'urgence, une mesure que la majorité sénatoriale avait déjà adoptée l'an dernier. Or, quand une mesure suscite autant de protestations au sein de la société, auprès des soignants et bien au-delà des clivages politiques, c'est que l'on touche à des valeurs essentielles.

Vous faites référence au rapport de l'Igas et de l'IGF de 2019 sur le tourisme médical, qui a déjà conduit à une modification du panier de soins de l'AME. Attendons le prochain rapport confié à Patrick Stefanini et Claude Evin, et voyons s'il faut modifier une nouvelle fois le panier de soins - il n'y a pas de tabou de notre côté à ce sujet -, car les phénomènes de fraude ou de détournement de l'AME sont extrêmement minoritaires : entre 2 % et 3 %. Certes, il faut lutter contre les fraudes, mais l'AME soigne 97 % des personnes en grande précarité porteuses de pathologies lourdes. Un bénéficiaire de l'AME consomme en moyenne moins de soins qu'un autre assuré social - 2 800 euros par an, contre 3 600 euros - et a besoin, en revanche, de soins pour le traitement de la tuberculose ou encore du VIH.

Le tourisme médical concerne plutôt l'Assistance publique- Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui met en place des filières de dialyse et d'autres soins coûteux à destination de personnes fortunées. Je ne porte pas de jugement de valeur, et si ces réseaux sont mis en lumière, nous serons les premiers à dire qu'il faut mettre fin à ces réseaux mafieux, mais cela n'a rien à voir avec l'AME.

Au nom de quoi proposez-vous de réduire les crédits de l'AME ? Certes, le Sénat a voté la transformation de l'AME en AMU, mais ce dispositif n'a pas encore été adopté. Vous nous proposez donc de voter un montant insincère, pour un dispositif qui n'a pas encore été modifié à ce jour. Qui plus est, le député Les Républicains Philippe Juvin a proposé d'opter pour un montant de crédits supérieur à celui prévu au PLF, qu'il estime lui-même, pour en avoir discuté avec lui, inférieur à la réalité des besoins, quand le Gouvernement prévoit un maintien des crédits de l'AME, avec une diminution 0,33 %, qui relève surtout de l'affichage politique.

Je vous appelle donc à renoncer à cette insincérité budgétaire.

La discussion sur le panier de soins reste ouverte. Je rappelle tout de même qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Toutes les études européennes le prouvent, notamment en Allemagne ou en Suède, où la prise en charge tardive de l'hypertension artérielle et des soins prénataux a entraîné des coûts supérieurs pour les finances sociales de ces pays. À l'inverse, l'Espagne, qui avait restreint les soins en 2012, a fait marche arrière face à la hausse de mortalité de sa population.

Mme Céline Brulin. - La politique de prévention pâtit d' « une absence de vision stratégique », selon vos mots. Nous partageons ce constat, en parfait décalage avec les propos du ministre, qui a annoncé un grand virage en matière de prévention, mais dont on ne voit pas les prémices, ni en termes d'organisation ni en termes financiers.

Nous vous rejoignons concernant les difficultés que peut rencontrer l'INCa, au regard de la réduction des crédits que vous avez évoquée.

Je ne vous surprendrai pas en disant que nous ne sommes pas d'accord avec vous sur l'AME. Je constate que vous prenez acte de l'amendement de la commission des finances. Pour notre part, nous ne le soutiendrons pas. Les chiffres que vous avez présentés sur la fraude ne changent pas particulièrement la donne et prouvent que celle-ci est bien moindre que ce que certains veulent laisser croire.

Vous avez précisé à juste titre le taux très important de non-recours à l'AME, qui avoisine les 50 %. Ceux qui pensent réaliser des économies oublient qu'elles peuvent se traduire au final par des surcoûts considérables pour notre système de santé. Qui plus est, plus de 4 500 médecins s'opposent à la suppression de l'AME, un élément que nous devons prendre en compte.

Ayons également un peu de cohérence entre les missions. Nadia Sollogoub a présenté un amendement visant à augmenter des crédits en faveur de l'accueil des réfugiés ukrainiens présents sur notre territoire, que nous avons adopté. Pourquoi ne pas faire preuve du même pragmatisme sur cette mission ?

Enfin, attendons effectivement les conclusions du rapport Stefanini-Evin. Vous souhaitez un débat franc et apaisé, madame la rapporteure. Attendons là encore de voir ce qui ressortira du débat portant sur le projet de loi Immigration qui va se dérouler à l'Assemblée nationale. Devancer ainsi des décisions qui ne sont pas encore tranchées ne me paraît pas aller dans le sens d'un débat franc et apaisé que vous appelez de vos voeux.

En tant qu'élus de nombreux départements touchés par le drame de l'amiante, nous serons très vigilants sur la subvention accordée au Fiva. L'article 39 du PLFSS a suscité beaucoup de remous chez les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles - il convient là aussi d'apaiser les choses.

M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable à l'augmentation des crédits de l'INCa à hauteur de 6 millions d'euros prévus dans le cadre du programme 204.

En ce qui concerne l'AME, j'ai voté pour l'aide médicale d'urgence qui nous a été proposée lors de l'examen du projet de loi Immigration. Dans mon esprit, je pensais d'abord à écarter du dispositif les patients venant, pour certains, de pays du G20 et qui n'habitent pas en France depuis trois mois et ne souffrent pas d'une pathologie d'une extrême gravité. Les admissions sont censées se faire sur la base du « titre de séjour pour soins dont le défaut pourrait avoir une conséquence d'une exceptionnelle gravité », mais ce dispositif semble largement contourné.

En revanche, dans le cadre des politiques migratoires, le recours à l'AME n'est finalement pas massif. Il serait peut-être pertinent de revoir le panier de soins. En effet, quid du diabète, des problèmes cardiaques, de certaines maladies infectieuses ou même psychiatriques ? Aussi, je reviens sur mon vote initial sur l'AME.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - S'il est vrai que le champ de cette mission est de plus en plus restreint, réjouissons-nous de pouvoir discuter de chacun des organismes qu'elle soutient.

Mme la rapporteure a qualifié en introduction ces programmes de « déséquilibrés ». Je note en effet un manque d'ambition concernant le premier programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », un défaut d'analyse pour l'AME dans le deuxième programme, ainsi qu'un manque de financement en faveur du Fiva dans le cadre du troisième programme.

Je voterai contre les crédits de cette mission, car je suis persuadée que l'on ne saurait revenir sur l'AME, sinon pour la corriger là où des incohérences ou des excès seraient identifiés, comme l'a indiqué M. Jomier.

M. Philippe Mouiller, président. - Il est normal que nous ayons un débat sur l'AME, mais nous devons donner ce matin un avis sur la mission « Santé », sans préjuger des débats qui se dérouleront à l'Assemblée nationale.

Mme Frédérique Puissat. - Merci à notre rapporteure d'avoir pris la précaution de préciser qu'un débat est en cours à l'Assemblée nationale sur le projet de loi Immigration et qu'il ne faut pas confondre l'avis que nous devons émettre sur cette mission avec ce projet de loi, qui ne manquera pas de nous revenir.

Sur la mission « Travail et emploi » que je vais vous présenter dans quelques instants, un amendement a également été déposé par la commission des finances. Même si je n'étais pas tout à fait d'accord avec son contenu, j'ai néanmoins reconnu et respecté la logique budgétaire. Je me permets donc de vous dire qu'il convient ici de bien dissocier l'avis budgétaire du projet de loi visé.

Aussi suivrai-je l'avis de la rapporteure.

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - L'amendement n°  II-639 a pour objet d'assurer le maintien du montant de la subvention allouée annuellement à l'INCa.

En effet, la mission « Santé » prévoit une dotation en baisse de 6 millions d'euros par rapport à 2023 en raison de l'augmentation de la trésorerie de l'INCa. Cette augmentation de trésorerie n'en est pourtant pas une puisqu'il s'agit d'une mise en réserve de crédits dédiés à de projets de recherche qui n'ont pu être mis en place dès 2023.

Un budget de 20 millions d'euros au titre de la recherche contre les cancers pédiatriques a été voté par nos collègues députés ; or la recherche ne se fait pas en trois mois. Ces crédits étant fléchés, la baisse du montant des crédits alloués à l'INCa supposera de réaliser des arbitrages dans les actions menées par l'Institut, ce qui pourrait engendrer des retards dans la mise en oeuvre de la stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030.

C'est pourquoi nous proposons de verser 6 millions d'euros supplémentaires au programme 204 et plus précisément à l'action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades ». Ce versement est compensé par la réduction de 6 millions d'euros du montant des crédits alloués à l'action n° 02 « Aide médicale de l'État » du programme 183 « Protection maladie ».

L'amendement est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Travail et emploi » - Examen du rapport pour avis

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - En progression de 8 % par rapport à l'an dernier, les crédits demandés pour la mission « Travail et emploi » s'élèvent à 22,6 milliards d'euros pour 2024. Cette hausse est largement due aux besoins de financement de l'apprentissage.

Rappelons qu'en 2019, la mission affichait une exécution à hauteur de 14,2 milliards d'euros. En cinq ans, les crédits du budget de l'État alloués aux politiques de l'emploi et de la formation professionnelle ont ainsi progressé de 59 %. Si l'on souhaite maîtriser la dépense publique, cette tendance ne peut laisser indifférent.

Deux éléments de contexte sont à prendre en compte cette année.

D'une part, la dynamique de l'apprentissage se poursuit et son financement n'est pas encore stabilisé. Plus de 875 000 contrats devraient être conclus en 2023 et France compétences n'est toujours pas en capacité de les financer intégralement. D'autre part, le déploiement des politiques de l'emploi va connaître d'importantes évolutions à la suite de l'adoption du projet de loi pour le plein emploi. En 2024, l'État, les collectivités et l'ensemble des opérateurs de l'insertion dans l'emploi se regrouperont dans un réseau nommé « réseau pour l'emploi ». En son sein, Pôle emploi verra ses missions consolidées et se transformera en France Travail. En 2025, tous les demandeurs d'emploi seront accompagnés par un contrat d'engagement unifié, qui devra définir une durée d'activité hebdomadaire d'au moins 15 heures.

D'ici là, les expérimentations en cours dans plusieurs départements pour renforcer l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) se poursuivront. Une enveloppe de 170 millions d'euros est prévue pour accompagner les collectivités dans leur mise en oeuvre.

Dès lors, trois objectifs me semblent devoir être fixés pour examiner cette mission budgétaire. D'abord, il s'agira de maîtriser la dépense publique. Ensuite, il faudra assurer un financement pérenne de l'apprentissage et de la formation professionnelle, avec des moyens à la hauteur des besoins, associés à des mesures de régulation des dépenses. Enfin, nous évaluerons la pertinence des moyens alloués au service public de l'emploi et à la formation des demandeurs d'emploi, au regard notamment des réformes attendues et des résultats obtenus.

La situation de l'emploi demeure favorable, avec un taux de chômage qui oscille entre 7,2 % et 7,4 % depuis la fin de l'année 2022. Ce niveau permettra de réduire les dépenses d'indemnisation des chômeurs qui bénéficient d'allocations de solidarité. Les crédits prévus à ce titre diminueront ainsi de 6,6 %, pour s'établir à 1,73 milliard d'euros.

Dans ce contexte, la subvention pour charge de service public versée à Pôle emploi sera maintenue à son niveau de 2023, pour un montant de 1,25 milliard d'euros.

Les ressources de Pôle emploi en 2024 proviendront également de la contribution de l'Unédic, qui devrait rester à 11 % des contributions d'assurance chômage de l'année n-2. Son montant s'élèverait ainsi à 4,82 milliards d'euros en 2024, en augmentation de 486 millions d'euros par rapport à 2023.

Pour 2024, le plafond d'emploi de Pôle emploi sera rehaussé de 300 postes supplémentaires, afin d'accompagner la transformation de l'opérateur en France Travail, à compter du 1er janvier 2024.

Parmi les effectifs de Pôle emploi, 1 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sont maintenus en 2024 pour répondre aux difficultés de recrutement des entreprises, comme les 900 ETPT destinés à la mise en oeuvre du contrat d'engagement jeune (CEJ). Sur les 1 500 ETPT supplémentaires accordés à Pôle emploi à l'automne 2020 pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, 700 sont toujours maintenus, pour accompagner les demandeurs d'emploi de très longue durée. Au total, les effectifs de Pôle emploi progressent donc de 10,3 % entre 2019 et 2024.

Cette augmentation des effectifs, conjuguée à l'amélioration de la situation de l'emploi, permet à l'opérateur de réduire le nombre de demandeurs d'emploi suivis par conseiller, favorisant ainsi l'insertion professionnelle des chômeurs.

Pour autant, il me semble que la maîtrise des finances publiques doit s'appliquer à l'ensemble des administrations publiques. Or je note que les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 1,6 % entre 2019 et 2021, quand ceux de Pôle emploi ont progressé de 9,1 % sur la même période.

En outre, je rappelle que la loi pour le plein emploi prévoit que l'accompagnement renforcé de l'ensemble des demandeurs d'emploi n'interviendra qu'à compter de 2025 et sera mutualisé entre l'ensemble des acteurs de l'emploi.

Dès lors, je considère que le maintien des effectifs de Pôle emploi à un niveau aussi élevé devra être évalué en 2024, dans le cadre de sa transformation en France Travail et de la création du réseau pour l'emploi.

Les moyens alloués aux dispositifs d'insertion dans l'emploi seront globalement reconduits l'an prochain.

Le CEJ, déployé par les missions locales et Pôle emploi depuis mars 2022, permet de proposer aux jeunes de 16 à 25 ans, qui sont éloignés de l'emploi, un parcours d'accompagnement intensif d'au moins 15 heures hebdomadaires.

Depuis la mise en oeuvre du dispositif et jusqu'à début septembre 2023, 469 000 CEJ ont été conclus. Si la montée en charge du dispositif est conforme aux objectifs fixés, il est encore trop tôt pour mesurer son effet sur l'insertion professionnelle, comme l'a indiqué l'inspection générale des affaires sociales (Igas) dans une évaluation rendue en mars 2023.

Comme l'an dernier, un objectif de 300 000 CEJ est fixé pour 2024, avec une enveloppe de 1,1 milliard d'euros.

S'agissant des contrats aidés, la tendance observée l'an dernier d'une diminution des objectifs se poursuit et me semble conforme à la conjoncture actuelle. Il est ainsi prévu que 66 700 parcours emploi compétences (PEC) et 15 000 contrats initiative emploi (CIE) jeunes soient conclus en 2024, pour un montant de 209,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Le soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique devrait s'élever à 1,5 milliard d'euros pour 2024 contre 1,32 milliard d'euros en 2023, ce qui représente une hausse de 184 millions d'euros. Après une augmentation de 57 % des crédits octroyés au secteur sur la période 2018-2023, cette nouvelle hausse devrait permettre de soutenir les structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) face à l'inflation.

Deux articles rattachés à la mission concernent l'insertion par l'activité économique (IAE) et me semblent pouvoir recueillir l'approbation de notre commission. L'article 68 prolonge de trois ans l'expérimentation de l'IAE par le travail indépendant, au moyen du recours à des entreprises d'insertion par le travail indépendant. L'article 69 prolonge de deux ans l'expérimentation du contrat passerelle, qui permet à un salarié en IAE d'être mis à disposition d'une entreprise utilisatrice.

En outre, afin de financer les aides au poste des entreprises adaptées, les crédits demandés s'élèveraient à 465,4 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 0,6 % par rapport à 2023.

Les moyens consacrés au développement de l'emploi et des compétences connaissent une hausse de 13 %, ce qui s'explique principalement par les besoins de financement de l'apprentissage.

D'abord, le financement des exonérations ciblées de cotisations sociales en faveur des entreprises connaîtra une hausse par rapport à 2023. Celle-ci s'explique notamment par l'extension du champ de la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires pour les entreprises de 20 à 250 salariés, introduite par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Ainsi, 970 millions d'euros seront alloués au dispositif, soit une hausse de 22 %.

Pour 2024, les exonérations en faveur des services d'aide à domicile représenteront une dépense de 1,9 milliard d'euros et la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs une dépense de 383,4 millions d'euros. En outre, une dotation de 1,7 milliard d'euros est prévue pour compenser les exonérations de cotisations sociales sur les contrats d'apprentissage dans le secteur public.

J'en viens au financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle. La dynamique de l'apprentissage se poursuit avec une hausse de 159 % du nombre de contrats conclus entre 2018 et 2022. Pour 2023, ce nombre devrait atteindre 875 000.

En conséquence, les dépenses d'apprentissage supportées par France compétences, selon un financement au coût contrat, dépassent le montant des contributions des employeurs. En 2022, le produit de ces contributions s'est élevé à 10,5 milliards d'euros, alors que les dépenses de France compétences ont atteint 15,6 milliards d'euros.

Pour 2023, les recettes issues des contributions employeurs devraient atteindre 10,9 milliards d'euros alors que les dépenses d'alternance pourraient s'élever à 9,7 milliards d'euros, quand celles qui sont liées au compte personnel de formation (CPF) pourraient atteindre 2,4 milliards d'euros.

Pour faire face à ces besoins de trésorerie, France compétences doit régulièrement recourir à des emprunts de court terme. Depuis 2021, l'institution a aussi bénéficié de crédits budgétaires pour soutenir ses besoins de financement : 2,85 milliards d'euros en 2021, 4 milliards d'euros en 2022 et 1,83 milliard d'euros en 2023. Toutefois, ces subventions ne sont pas suffisantes pour combler les déficits.

Dans ce contexte, France compétences a engagé des mesures de régulation des dépenses d'apprentissage par une révision des coûts contrats, qu'il faut saluer. Une première baisse de 2,7 % des niveaux de prise en charge (NPEC) a été engagée à l'été 2022, pour une économie estimée à 300 millions d'euros en année pleine. Puis, une seconde baisse de 5 % de ces niveaux est intervenue en septembre 2023, permettant une économie estimée à 500 millions d'euros en année pleine.

Concernant les dépenses du CPF, la loi de finances pour 2023 a prévu un mécanisme de participation du titulaire au financement de la formation. Faute de décret d'application, ce dispositif n'est toujours pas entré en vigueur, ce qui me semble regrettable. Le Gouvernement envisage sa mise en application en 2024, après concertation avec les partenaires sociaux.

Malgré ces mesures de régulation, France compétences ne parviendra pas à assurer le financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle sans le soutien de l'État en 2024. Le projet de loi de finances (PLF) prévoit donc d'allouer 2,5 milliards d'euros à l'établissement. Avec cette enveloppe, France compétences estime que l'exercice 2024 pourrait afficher un déficit de moins de 1 milliard d'euros.

Compte tenu de la place qu'a pris l'alternance dans la formation initiale, les crédits budgétaires alloués à France compétences doivent être sanctuarisés, pour assurer un financement stabilisé et pérenne de l'apprentissage, en complément des mesures de régulation des dépenses.

Ainsi, il ne me semble pas souhaitable que cet établissement contribue autant au financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC), destiné à la formation des demandeurs d'emploi. Comme en 2023, France compétences devra ainsi consacrer 800 millions d'euros à la formation des demandeurs d'emploi en 2024.

Il convient de rappeler que France compétences a contribué au financement du PIC à hauteur de 7,2 milliards d'euros sur la période 2019-2023. En parallèle, les déficits cumulés de l'établissement s'élevaient à 7,7 milliards d'euros à la fin 2022 et un déficit de 2,5 milliards d'euros est attendu en 2023.

Je considère que la contribution de France compétences au financement de la formation des demandeurs d'emploi devrait être réduite de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 100 millions d'euros en CP en 2024. Nous ne pouvons pas modifier cette dotation par amendement, puisqu'elle est octroyée par un fonds de concours, mais nous pouvons relayer notre demande auprès du Gouvernement.

Concernant les aides à l'embauche d'apprentis, je rappelle que l'aide unique aux employeurs d'apprentis, créée en 2018, ne s'adressait qu'aux entreprises de moins de 250 salariés, ne concernait que des formations de niveau inférieur ou égal au bac et ne devait être versée que pendant les trois premières années du contrat. Elle a été complétée par une aide exceptionnelle à compter du 1er juillet 2020, qui soutenait tous les employeurs lors de la première année du contrat pour des diplômes de niveau inférieur ou égal à bac+5.

Depuis le 1er janvier 2023, une aide financière de 6 000 euros maximum au titre de la première année du contrat a succédé à l'aide exceptionnelle et à l'aide unique. Elle est versée aux employeurs d'alternants préparant un diplôme jusqu'au niveau du master. Pour 2024, 3,5 milliards d'euros en CP sont demandés pour cette aide.

Si ces aides permettent de soutenir la dynamique de l'apprentissage, il me semble nécessaire de réévaluer leur ciblage et leur niveau à moyen terme.

Nos collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont proposé un amendement visant à réserver l'aide aux embauches d'apprentis jusqu'à bac+5 dans les entreprises de moins de 250 salariés et jusqu'à bac+2 dans celle de 250 salariés et plus. Je comprends cette initiative, qui permettrait d'économiser 600 millions d'euros en 2024. Pour autant, je considère qu'elle est prématurée.

En effet, en parallèle de mesures de stabilisation du financement de France compétences, une concertation doit d'abord être engagée avec les partenaires sociaux, pour évaluer l'opportunité d'ajuster les aides aux employeurs d'apprentis, afin d'en maîtriser le coût pour les finances publiques sans fragiliser le développement de l'apprentissage.

J'en viens au financement du PIC, qui a été initié en 2018 afin de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et des demandeurs d'emploi par le rehaussement des qualifications. Doté de 13,6 milliards d'euros sur la période 2018-2022, le plan avait pour objectif d'accompagner 2 millions de personnes vers l'emploi et d'améliorer le système de formation professionnelle.

Alors que le PIC devait s'achever en 2022, le Gouvernement a décidé de le prolonger jusqu'en 2023. Après l'ouverture en 2022 de 2,5 milliards d'euros en AE, le plan a été doté en 2023 de 2,4 milliards d'euros en AE.

Les travaux d'évaluation du plan, conduits par le comité scientifique du PIC et par la Cour des comptes, ont pointé les difficultés à mesurer les effets réels du plan sur les entrées en formation et sur l'insertion, ainsi que la complexité de son pilotage.

L'an dernier, nous avons considéré que la pertinence de cet outil pour déployer des actions d'insertion et de formation professionnelle était discutable et nous avons proposé de réduire ses crédits.

Les actions menées depuis 2019 dans le cadre du PIC devraient être poursuivies dans le cadre d'un nouveau cycle de financement de l'État en faveur de la formation des demandeurs d'emploi pour les années 2024 à 2027. Toutefois, les objectifs et les contours de ce nouveau cycle ne sont pas parfaitement précisés à ce stade.

L'enveloppe demandée en 2024 pour la formation des demandeurs d'emploi s'élève à 1,16 milliard d'euros en AE et à 1,54 milliard d'euros en CP.

Au total, compte tenu des éléments d'évaluation disponibles sur le PIC et considérant que ce plan a connu une sous-exécution moyenne de 361 millions d'euros par an entre 2019 et 2022, je vous propose un amendement visant à réduire les moyens alloués à la formation des demandeurs d'emploi, à hauteur de 300 millions d'euros en AE et de 150 millions d'euros en CP. Je précise que le rapporteur général de la commission des finances a déposé le même amendement.

En outre, il me semble qu'il appartiendra aux acteurs du nouveau réseau pour l'emploi, qui se constituera en 2024 sur le fondement de la loi pour le plein emploi, de préciser les modalités d'accompagnement et de formation des demandeurs d'emploi à compter de 2025.

Je terminerai en évoquant les moyens alloués à la santé au travail, au dialogue social et au fonctionnement du ministère du travail.

Les politiques de santé et de sécurité au travail, de qualité du droit et de dialogue social bénéficieront d'une enveloppe de 110,46 millions d'euros pour 2024, ce qui représente une quasi-stabilité par rapport à 2023. Elle permettra de financer l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) ou encore le fonds pour l'amélioration des conditions de travail. Les moyens consacrés au dialogue social progresseront de 52 % afin d'achever le cycle de mesure des représentativités syndicales et patronales.

Enfin, les crédits demandés pour les politiques de soutien et les dépenses de personnel des services de l'État mettant en oeuvre la politique de l'emploi progresseront de 2,6 %, pour assumer la charge de la masse salariale et de divers coûts de support.

Pour conclure, je propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de l'amendement proposé. Je vous invite également à émettre un avis favorable à l'adoption des articles 68 et 69.

Mme Corinne Féret. - Notre analyse de cette mission budgétaire est radicalement différente de la vôtre. Vous avez commencé en indiquant que les crédits progressaient de 8 %, mais nos approches de cette évolution diffèrent. Nous soulignons la diminution des dépenses au titre des politiques de l'emploi et des contrats aidés qui, une année encore, diminuent fortement, au détriment de celles et ceux qui pouvaient en bénéficier. Votre vision de l'accompagnement vers l'emploi n'est pas partagée par notre groupe.

Notre ligne n'a pas bougé depuis les débats que nous avons eus lors de l'examen de la loi que vous dites « pour le plein emploi » et qui organise la réforme de France Travail. Aujourd'hui, nous voyons comment les choses s'organisent d'un point de vue budgétaire. Des moyens sont donnés à la création de l'opérateur, d'autres, que vous considérez comme disproportionnés, sont attribués à Pôle emploi. Dans votre rapport, vous rapprochez même l'évolution du nombre d'emplois dans la fonction publique et l'évolution que connaît Pôle emploi, deux éléments qui ne me semblent pas du tout comparables. Avec cette réforme, il faudra accompagner tous ceux qui seront en recherche d'emploi. Les agents fournissent des efforts très importants pour répondre à cet objectif de prise en charge et cet accompagnement renforcé mérite des moyens. Ainsi, les moyens alloués ne nous semblent pas disproportionnés, mais insuffisants pour prendre en charge les nouveaux inscrits.

Il est proposé une ponction prévisionnelle de 300 millions d'euros sur les excédents de l'Unédic, en application d'une mesure du PLFSS 2024. Le Gouvernement pourrait assumer ses réformes et débloquer les moyens nécessaires.

Je rappelle enfin que cette mission n'a pas été discutée à l'Assemblée nationale, alors qu'elle concerne nombre de nos concitoyens. Nous serons force de proposition pour tenter de faire évoluer les moyens prévus.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je partage l'analyse de Corinne Féret : mettre en parallèle les effectifs de la fonction publique avec ceux de Pôle emploi semble particulier.

Lors de la discussion du projet de loi pour le plein emploi, vous auriez dû accepter les amendements qui prévoyaient un ratio entre personnes accompagnant et personnes accompagnées, sachant que le nombre de ces dernières va exploser. Aujourd'hui, l'accompagnement est très dégradé en France par rapport à des pays qui ont conduit des réformes qui ressemblent à celle que vous souhaitez mettre en oeuvre, en renforçant l'accompagnement. Votre approche explique peut-être pourquoi vous avez refusé de reprendre le terme « réciproque » pour caractériser le contrat d'engagement. Il fallait pourtant que la proposition faite aux personnes accompagnées de suivre 15 heures d'activité hebdomadaires aille de pair avec une augmentation des effectifs.

Par ailleurs, la disparition de la ligne budgétaire du fonds départemental d'insertion (FDI) m'inquiète. Nous proposerons un amendement pour la rétablir.

Enfin, je voudrais vous alerter sur le fait que l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée est fragilisée. Louis Gallois demandait un crédit de 89 millions d'euros, sur lesquels 69 millions d'euros ont été alloués, ce qui laisse 20 millions d'euros à combler. Un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale qui rajoute 11 millions d'euros et nous en déposerons un visant à augmenter l'enveloppe de 9 millions d'euros.

Non seulement les conditions de l'expérimentation ont été modifiées puisque la participation de l'État au financement de la contribution au développement de l'emploi (CDE) baisse, mais en plus le Gouvernement sous-budgète la ligne. Le mécanisme a longtemps été sous-exécuté, ce qui était normal. En effet, chaque année, des territoires étaient habilités et des embauches avaient lieu, ce qui représentait un décalage en année pleine. Je rappelle que 40 départements sont engagés dans le dispositif, qui fonctionne bien sur le territoire.

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je concentrerai mon propos sur le financement de l'alternance. Chacun connaît le déficit chronique et cumulé de France compétences. Il est temps de nous préoccuper de cette situation qui se traduit, année après année, par des souscriptions d'emprunt et qui a donné lieu, pendant deux années consécutives, à des révisions du NPEC, qui sont compliquées pour les centres de formation d'apprentis (CFA), puisqu'ils n'ont pas de visibilité financière. Dans ce contexte, je salue la proposition visant à trouver une solution au déficit structurel.

S'agissant du PIC, nous savions qu'il avait une durée limitée. Par ailleurs, il n'est pas question de ponctionner l'Unédic. Je rappelle que la formation des demandeurs d'emploi relève de la solidarité nationale. L'apprentissage est financé grâce aux contributions versées par les entreprises. Ces dernières ont-elles vocation à financer les dépenses de formation professionnelle des demandeurs d'emploi ? Elles devraient financer l'alternance. En rééquilibrant ces sommes, nous pourrions obtenir un financement pérenne de l'alternance et de l'apprentissage, sans préjudice pour le financement de l'inclusion.

En ce qui concerne le financement de l'apprentissage dans le secteur public, une inquiétude s'exprime au sein du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Il faudra clarifier cette question, dans un souci d'égalité de traitement entre les employeurs publics et privés.

Mme Pascale Gruny. - J'aurai d'abord une question concrète sur les emprunts importants réalisés par France compétences : quel est le montant des intérêts versés ?

Avec France compétences, les choses fonctionnent moins bien. Les entreprises bénéficient d'un nombre diminué de formations accompagnées et reçoivent moins de financements. Certes, il y a les formations initiales et l'apprentissage, mais les entreprises ont aussi des besoins en matière de maintien dans l'emploi et d'accompagnement pour les qualifications des salariés. Les branches professionnelles se plaignent du manque de moyens. Auparavant, la gestion était assurée par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Les moyens financiers restants au dernier trimestre pouvaient être utilisés dans le plan de formation pour combler les manques. Ce recours n'est plus possible puisque tout est géré par France compétences.

Je ne suis pas d'accord avec Marie-Do Aeschlimann sur la solidarité, puisque les employeurs ont toujours financé une partie des formations des demandeurs d'emploi. En revanche, s'agissant de l'apprentissage, il faut nous demander si l'entreprise doit financer complètement les formations initiales. Il faut aussi un accompagnement. Dans les entreprises, des apprentis sont formés, mais ils ne restent pas forcément ensuite et peuvent se tourner vers des petites et moyennes entreprises (PME), qui n'ont pas forcément les moyens de les accompagner. Il s'agit d'une forme de solidarité. Il ne faut pas diminuer les moyens en la matière. Les coups de frein mis à l'apprentissage pourraient se traduire par une diminution du nombre d'apprentis et il faut manier ces mesures avec parcimonie.

En ce qui concerne la loi pour le plein emploi, si nous ne déployons pas les moyens nécessaires, les choses ne fonctionneront pas mieux. Cependant, les effectifs de Pôle emploi ont augmenté de façon importante ; cette hausse a-t-elle été efficace ? La question démographique joue aussi un rôle en matière de diminution du chômage. L'expérimentation menée sur certains territoires permet des accompagnements supplémentaires, qui sont plutôt rattachés aux conseils départementaux.

M. Olivier Henno. - Je commencerai par souligner les mérites du paritarisme pour la gestion des questions liées au travail et à l'emploi.

L'un de nos problèmes reste l'insertion professionnelle et notamment la question des emplois non pourvus.

La proposition de sanctuariser le nombre d'apprentis me semble essentielle. Nous avons connu des moments où nous comptions environ 400 000 ; or nous dépassons aujourd'hui les 800 000. Il fut aussi un temps où nous pensions que le développement de l'apprentissage devrait surtout concerner les formations de BEP ou de CAP. Je tiens à souligner au passage que les lycées professionnels ont fait évoluer qualitativement leurs formations en termes d'insertion professionnelle. Aujourd'hui, l'apprentissage concerne principalement l'enseignement supérieur. Cette évolution n'est pas nécessairement négative et nous constatons une accélération en matière d'acquisition des compétences et d'insertion dans la vie professionnelle. Au-delà des questions budgétaires, l'idée de sanctuariser le nombre de contrats d'apprentissage à ce haut niveau relève de la question de la politique de l'emploi, mais aussi de l'intérêt national et de la dynamique économique de notre pays.

Mme Anne-Sophie Romagny. - Je voudrais attirer votre attention sur la loi pour le plein emploi, qui prévoit la mutualisation de l'ensemble des acteurs de l'emploi en 2025. Je me concentrerai sur les missions locales.

Je suis présidente de la mission locale rurale du Nord marnais, qui agit essentiellement sur les freins périphériques à l'insertion des jeunes, liés surtout à la mobilité. Aujourd'hui, les missions locales jouent un rôle particulier dans l'emploi et l'insertion des jeunes. Les missions locales, particulièrement celles situées en zones rurales, sont financées par les collectivités locales à plus de 20 %. Je crains que la reprise de cette compétence par l'État n'entraîne un désengagement des collectivités locales, qui coûtera plus cher à l'État puisque les collectivités n'auront plus intérêt à s'investir dans la proximité.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je commencerai par noter que la mission est examinée dans un contexte particulier, puisqu'elle n'a pas été discutée à l'Assemblée nationale.

Nous regrettons que les crédits du programme « Accès et retour à l'emploi » diminuent de 225 millions d'euros. Je rappelle qu'ils s'adressent essentiellement aux personnes qui sont éloignées de l'emploi.

Nous regrettons aussi que le budget d'indemnisation des demandeurs d'emploi baisse de 2,5 milliards d'euros. Il s'agit d'une réduction des droits à l'assurance chômage. À cet égard, nous critiquons la ponction scandaleuse prévue sur la caisse de l'Unédic.

Enfin, nous regrettons la baisse des contrats aidés, qui passent de 111 500 à 82 000. Nous savons pourtant combien ces contrats sont nécessaires même s'ils ne constituent pas la panacée, puisque nous revendiquons un emploi pérenne, payé au Smic.

M. Daniel Chasseing. - Je suis d'accord pour que l'Unédic contribue puisque sa mission comprend l'accompagnement à l'emploi.

Le budget alloué à Pôle emploi a augmenté depuis 2019. De plus, les crédits de la mission sont passés de 14 à 22 milliards d'euros. L'enveloppe dédiée à l'indemnisation des chômeurs est passée de 9,2 milliards à 7,2 milliards d'euros, mais le nombre de demandeurs d'emploi par conseiller diminue. Il faut que ce nombre reste limité et, si l'on souhaite accompagner les personnes qui sont au RSA, il faudra davantage de personnes qui se consacrent à cette tâche.

Par ailleurs, je me réjouis du doublement du nombre d'apprentis. Il est important que les jeunes et les demandeurs d'emploi soient formés. À cet égard, je salue la sanctuarisation de l'apprentissage. Cependant, comment résoudre les difficultés rencontrées par France compétences ?

Mme Marion Canalès. - Le nombre d'apprentis a été très stable entre les quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Il a connu un boom lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron parce que, depuis 2019, l'apprentissage s'est développé dans l'enseignement supérieur. Les difficultés professionnelles sont plus marquées pour les détenteurs d'un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat. Il faut aussi porter une attention particulière à l'apprentissage de ceux qui ne sont pas en études supérieures.

Mme Laurence Muller-Bronn. - Une difficulté apparaît pour les CFA et les apprentissages des métiers manuels, pour lesquels les niveaux d'investissement sont plus élevés que pour les apprentis en études supérieures. La baisse des coûts contrats risque de réduire la capacité à former les apprentis dans les métiers manuels et il faudrait pouvoir différencier ces métiers qui demandent de forts investissements.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne les PEC et les CIE jeunes, je rappelle que les objectifs fixés ces dernières années ont été sous-exécutés.

S'agissant des effectifs de Pôle emploi, j'avais proposé l'an dernier de diminuer les crédits alloués à cet opérateur de 50 millions d'euros, ce que je n'ai pas fait cette année. Cependant, une forte augmentation a eu lieu et une évaluation est nécessaire.

Je ne prévois pas de ponctionner l'Unédic et je rappelle que le Sénat s'est opposé aux dispositions du PLFSS pour 2024 qui permettent cette ponction. Je souhaite ajuster les moyens alloués au PIC. Dans le cadre de l'accord conclu entre les partenaires sociaux sur l'assurance chômage, le Gouvernement attendait le rehaussement à 13 % de la contribution de l'Unédic, mais les partenaires sociaux ont choisi de la maintenir à 11 %. Des discussions devront avoir lieu sur ce sujet, entre ces derniers et le Gouvernement.

Madame Poncet Monge, en ce qui concerne le dispositif Territoires zéro chômeur longue durée, l'amendement que vous proposez est déjà satisfait, puisqu'un amendement de la commission des finances vise à augmenter le budget de 9 millions d'euros. Il me semble que ce dispositif est transpartisan et qu'il est sans doute bien défendu, au Sénat comme à l'Assemblée nationale...

Mme Raymonde Poncet Monge. - Il n'est pas défendu par le ministre du travail.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Pour France compétences, ma stratégie consiste d'abord à reconnaître qu'il est difficile de savoir où nous allons parce que nous n'avons pas encore atteint le nombre de 1 million d'apprentis. Cependant, une fois que le nombre sera stabilisé, qu'une aide affectée à l'institution sera sanctuarisée dans le budget, que nous aurons admis que le PIC ne doit plus être autant financé par France compétences et que nous lui allouerons chaque année 2,5 milliards d'euros, nous réussirons à équilibrer ses comptes. Alors, il faudra rassembler les partenaires sociaux autour de la table pour réfléchir à la façon de diminuer l'aide aux entreprises.

S'agissant de l'apprentissage dans la fonction publique, Catherine Di Folco a prévu de déposer un amendement visant à sanctuariser les fonds alloués par l'État au CNFPT.

Les charges financières payées par France compétences se sont élevées à environ 5 millions d'euros en 2022.

Quant aux missions locales, leur financement ne devrait pas être fragilisé par la nouvelle gouvernance issue de la loi pour le plein emploi.

Enfin, en ce qui concerne les CFA et la baisse des coûts contrats, le directeur de France compétences nous l'a dit : la diminution des NPEC représente 800 millions d'euros d'économies et nous fragiliserions les branches en allant plus loin.

L'amendement n° II-640 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l'adoption de son amendement, de même qu'à l'adoption des articles 68 et 69 qui lui sont rattachés.

Proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France - Désignation de rapporteurs

La commission désigne M. Jean Sol et Mme Jocelyne Guidez rapporteurs sur la proposition de loi n° 147 (2023-2024) portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France.

Proposition de nomination de M. Thibaut Guilluy, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de Pôle emploi - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Philippe Mouiller rapporteur sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Thibaut Guilluy aux fonctions de directeur général de Pôle emploi, en application de l'article 13 de la Constitution.

Proposition de nomination de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Philippe Mouiller rapporteur sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, en application de l'article 13 de la Constitution.

Proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels - Désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de M. Philippe Mouiller, Mmes Corinne Imbert, Florence Lassarade, Nadia Sollogoub, M. Bernard Jomier, Mmes Émilienne Poumirol et Solanges Nadille comme membres titulaires, et de Mmes Chantal Deseyne, Viviane Malet, Jocelyne Guidez, Annie Le Houerou, Céline Brulin, Corinne Bourcier et Anne Souyris comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.

La réunion est close à 11 h 05.

Jeudi 30 novembre 2023

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (nouvelle lecture) - Examen du rapport

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, sans surprise, la commission mixte paritaire réunie le 21 novembre n'est pas parvenue à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 à l'issue de la première lecture par les deux assemblées.

Après un nouveau recours, à deux reprises, à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution par le Gouvernement, ce texte est désormais considéré comme adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et a été transmis au Sénat hier soir.

Notre rapporteure générale, Élisabeth Doineau, va nous présenter son rapport et ses propositions, en soulignant notamment ce qu'il est advenu des principaux amendements du Sénat.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous avons le sentiment de revivre le même scénario que l'année dernière. Toutefois, contrairement à l'année dernière, les apports du Sénat qui figurent dans ce texte, bien qu'insuffisants, ne sont pas négligeables.

D'un point de vue quantitatif, sur près de 300 amendements adoptés par le Sénat, un peu plus de la moitié ont « survécu » dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale. À titre de comparaison, seul un tiers des amendements du Sénat avait été retenu l'an passé.

Du fait du recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution à l'Assemblée nationale, le Sénat a donc été non seulement le lieu du débat parlementaire, mais aussi celui de l'élaboration parlementaire de la loi. Lors de l'examen en première lecture, l'Assemblée nationale a supprimé des articles obligatoires et n'a pas discuté en séance les deuxième et troisième parties, sur lesquelles le Gouvernement avait engagé sa responsabilité. Le Sénat, à l'inverse, a rétabli ces articles obligatoires, et a discuté la totalité du texte.

Au-delà des statistiques, il faut évidemment adopter une approche plus qualitative et voir lesquelles des principales propositions du Sénat ont survécu.

Tout d'abord, le Gouvernement a conservé trois apports du Sénat que l'on peut qualifier de « politiques ».

Premièrement, de manière a priori surprenante, il a accepté - avec une rédaction différente - la suppression des dispositions prévoyant une contribution des régimes complémentaires de retraite au titre de la « solidarité financière » du système de retraite. Plus précisément, le Gouvernement a repris, outre l'amendement de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale tendant à rétablir le texte initial, un sous-amendement du groupe Les Républicains ne mentionnant plus que la participation à l'équilibre des régimes spéciaux mis en extinction, en supprimant, donc, la référence à la « solidarité financière ».

Deuxièmement, le Gouvernement a accepté, dans le cas de l'assurance maladie, le maintien de la consultation des deux commissions des affaires sociales sur toute modification des montants de la participation forfaitaire ou de la franchise annuelle.

Troisièmement, le Gouvernement a accepté de transformer en expérimentation la fusion optionnelle des sections « soins » et « dépendance » des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des unités de soins de longue durée (USLD).

Le Gouvernement a également accepté des améliorations « techniques » significatives ; j'en mentionnerai deux.

D'abord, grâce aux améliorations techniques de notre collègue Frédérique Puissat, il a été possible de maintenir le droit d'option - que le texte initial prévoyait de supprimer - accordé aux branches professionnelles pour le recouvrement par les Urssaf de leurs contributions conventionnelles de formation professionnelle et de dialogue social.

Le Gouvernement a en outre accepté, dans le cas de la disposition définissant les salaires maximaux permettant de bénéficier des « bandeau famille » et « bandeau maladie » en multiples du Smic de 2023 - et non plus du Smic de l'année en cours -, l'inscription dans la loi d'un plancher égal à deux Smic de l'année en cours.

Certains des principaux apports du Sénat n'ont toutefois été conservés que partiellement.

Par exemple, dans le cas du soutien de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements, le Gouvernement n'a pas conservé la suppression de la neutralisation de l'augmentation des plafonds de compensation aux départements de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) découlant du transfert de contribution sociale généralisée (CSG) de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) à la CNSA.

Le Gouvernement a juste maintenu la disposition, qu'il avait lui-même insérée au Sénat, prévoyant en 2024 un soutien supplémentaire de 150 millions d'euros de la CNSA aux départements pour le financement de l'APA. Il s'agit d'un choix bien distinct de notre proposition, alors que les départements ont fait état d'augmentations de dépenses substantielles au niveau des établissements médico-sociaux, qu'il s'agisse du handicap ou des personnes âgées. Le problème de l'inflation sera peut-être partiellement réglé par les 100 millions d'euros attribués en 2023 par le fonds d'urgence pour les établissements en difficulté financière, mais cette enveloppe, comme nous l'avons tous souligné, sera très insuffisante.

Je précise que les auteurs d'amendements trouveront dans le rapport écrit un tableau qui retrace le sort de chacun d'entre eux.

Toutefois, des points de désaccord subsistent sur des aspects essentiels. Ces points de désaccord étant, pour la plupart, proches de ceux de l'année dernière, et vraisemblablement appelés à se renouveler d'année en année, je les énoncerai rapidement.

Ils portent tout d'abord sur le caractère à la fois peu réaliste et, paradoxalement, optimiste, de la trajectoire financière quadriennale. Par ailleurs, nous n'avons pas été entendus sur le montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2023, au sujet duquel nous avions indiqué qu'il sous-estimait le niveau de l'inflation pour les établissements sanitaires ; ni sur le montant de l'Ondam pour 2024, que nous avions refusé de voter.

Parmi les autres désaccords, je mentionnerai le refus par le Gouvernement des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement en cas de dépassement de l'Ondam, ainsi que son refus que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu'ils subventionnent.

En outre, la suppression du transfert, institué par le Sénat, de 2 milliards d'euros de recettes de la branche maladie vers la branche famille, en conséquence du transfert de charge équivalent inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2023, traduit un manque d'ambition en matière de politique familiale.

Par ailleurs, le texte rétablit la possibilité, pour le Gouvernement, de réduire par arrêté, dès 2023 et sans plafonnement, la compensation à l'Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d'assurance chômage.

Enfin, la proposition du Sénat d'instaurer une phase d'expérimentation permettant d'affiner en 2025-2027 la réforme du financement médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) des hôpitaux n'a pas été retenue.

Dès lors, poursuivre la navette parlementaire ne servirait à rien, d'autant que le Gouvernement va très probablement utiliser de nouveau la procédure de l'article 49 alinéa 3 en lecture définitive, et qu'il a déjà clairement indiqué quelles propositions du Sénat il souhaitait retenir.

De ce fait, je vous proposerai d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable sur ce PLFSS pour 2024 afin de marquer nos désaccords de fond et de méthode sur ce texte.

EXAMEN DE LA MOTION DE LA RAPPORTEURE GÉNÉRALE

Question préalable

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Plusieurs arguments justifient la présentation de cette motion. S'il en suffisait d'un, je choisirais celui de la trajectoire financière, malgré une légère amélioration entre le texte que nous avions voté et celui adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale. Il s'agit de transmettre à nos enfants non une dette liée à des investissements - ce qui pourrait être acceptable, car ils en profiteraient -, mais une dette liée à des dépenses de fonctionnement, ce qui n'est pas acceptable.

De plus, le refus du transfert de 2 milliards d'euros de la branche maladie vers la branche famille dénote un manque d'ambition en termes de politique familiale. De la même manière, nous n'avons pas été entendus sur l'Unédic. Pour toutes ces raisons, je vous soumets cette motion.

Mme Véronique Guillotin. - Notre groupe vote toujours contre les motions tendant à opposer la question préalable. Pour autant, j'entends votre démarche compte tenu des désaccords existants.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'en viens à la lecture de la motion :

« Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur certains articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects essentiels ;

Considérant que la trajectoire financière quadriennale du texte considéré comme adopté en nouvelle lecture prévoit le passage du déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale de 8,7 milliards d'euros en 2023 à 17,2 milliards d'euros en 2027 ;

Considérant que ce texte reprend les montants des Ondam pour 2023 et 2024 que le Sénat a respectivement modifié et rejeté en première lecture, en estimant qu'ils étaient sous-évalués ;

Considérant, de surcroît, qu'aucune des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement en cas de dépassement de l'Ondam n'a été intégrée dans ce texte ;

Considérant qu'il est indispensable que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu'ils subventionnent ;

Considérant que ce texte rétablit la possibilité, pour le Gouvernement, de réduire par arrêté, dès 2023 et sans plafonnement, la compensation à l'Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d'assurance chômage, ce qui est contraire au principe de gestion paritaire de l'Unédic et remet en cause son désendettement ;

Considérant que le texte ne retient pas la proposition du Sénat d'ajuster la réforme du financement de l'activité de médecine, chirurgie et obstétrique des établissements de santé à l'issue d'une expérimentation en 2025-2027 ;

Considérant que ce texte supprime le transfert, institué par le Sénat, de 2 milliards d'euros de recettes de la branche maladie vers la branche famille, l'article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ayant réalisé un transfert de charges de 2 milliards d'euros de la branche maladie vers la branche famille, correspondant à 60 % de la charge des indemnités journalières (IJ) pour congé de maternité et à l'intégralité des IJ relatives à l'adoption et à l'accueil de l'enfant, sans transférer les ressources correspondantes ;

Considérant enfin que l'emploi systématique par le Gouvernement de la procédure définie à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution ne permettra pas l'intégration, en lecture définitive, de nouvelles propositions du Sénat ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. »

La motion°  1 est adoptée.

La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Permettez-moi de saluer la qualité de nos échanges avec Thomas Cazenave. Pour autant, j'estime que nous devrions rechercher une autre méthode dans la mesure où les mêmes sujets, à caractère souvent catégoriel, reviennent à l'occasion de l'examen du PLFSS. Peut-être faudrait-il, monsieur le président, constituer un groupe de travail consacré à certains de ces sujets, ou lancer une réflexion sur la fiscalité comportementale dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).

Un travail sur la prise en charge assurée par les organismes complémentaires pourrait également être utile.

M. Bernard Jomier. - Je souhaite remercier Mme Doineau pour ses propos, le PLFSS devenant en effet une sorte de marronnier sur un certain nombre de sujets. En revanche, le débat autour de la place du secteur mutualiste n'est pas mené, après avoir été évoqué quand le projet de « grande sécurité sociale » a émergé. Nous pourrions nous interroger, par exemple, sur le rôle des organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam) dans notre pays, mais le PLFSS ne nous permet pas de mener ce débat à son terme, car il s'agit d'un texte financier.

Par ailleurs, nous convenons tous du fait que si nous consacrons désormais plus de 250 milliards d'euros à la santé, l'allocation de moyens est réalisée dans des conditions insatisfaisantes. Lorsque j'avais fait cette remarque à Gabriel Attal l'an passé, il en était convenu, mais rien n'a changé. Nous ne pouvons pas continuer de la sorte et devons déterminer une méthode pour construire le budget de santé du pays.

Divers thèmes, dont la territorialisation de la dépense et de l'Ondam, ont été portés sans lendemain, révélant un déficit de réflexion et de décision politique désespérant pour tous les acteurs du secteur. Année après année, ce même sillon, sans perspective, continue à être tracé.

M. Philippe Mouiller, président. - Je précise que la Mecss et le bureau de la commission détermineront dans les prochaines semaines le programme de travail pour 2024 ; Les Ocam pourraient être l'un des thèmes retenus.

M. Khalifé Khalifé. - Nous avons traité des dossiers graves et importants trop rapidement : il serait temps d'arrêter d'essayer de stabiliser le bateau ivre que sont les dépenses d'assurance maladie et d'entamer un travail de fond sur une maîtrise « médicalisée » de celles-ci.

La réunion est close à 10 h 55