Mardi 6 juin 2023
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 14 h 20.
Rénovation du parc privé et des copropriétés - Audition
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous poursuivons nos travaux par une table ronde consacrée à la rénovation du parc privé et des copropriétés, organisée autour d'acteurs de l'immobilier.
L'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), association qui assure la défense des intérêts des propriétaires privés, est représentée par M. Alexis Lagarde, président de l'UNPI Pays de la Loire.
La Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) est représentée par M. Loïc Cantin, son président, ainsi que Mme Bénédicte Rouault, chef de cabinet, qui nous rejoindront plus tard.
L'association Plurience, qui regroupe des professionnels de l'immobilier, est représentée par M. Étienne Dequirez, son président, et par M. Pierre Hautus, son délégué général.
L'Union des syndicats de l'immobilier (Unis) est représentée par M. Olivier Safar, son président adjoint et président de l'Unis Grand Paris.
Nous recevons également M. Gilles Frémont, président de l'Association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANGC), qui représente les intérêts des gestionnaires, des comptables et des assistants de copropriétés.
Le réseau d'agences immobilières en franchise Guy Hoquet l'immobilier est représenté par Mme Delphine Herman, directrice des relations extérieures.
Nous accueillons aussi Mme Laurence Batlle, présidente de l'entreprise de gestion immobilière Foncia ADB.
Le groupe Nexity est représenté par Mme Karine Olivier, directrice du pôle services aux particuliers, et Mme Florence Rognard, responsable des affaires publiques.
Enfin, la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI) est représentée par M. Pierre Vital, président de la FPI Nouvelle-Aquitaine et de la commission FPI France « Réhabilitation-extension-rénovation », ainsi que par M. Frank Hovorka, directeur technique et innovation et par Mme Anne Peyricot, directrice relations institutionnelles.
Mesdames, Messieurs, en tant que représentants d'agences immobilières, de promoteurs ou d'administrateurs de biens, vous incarnez la diversité des métiers de l'immobilier. Alors que nous arrivons au terme de nos auditions sur la rénovation énergétique des bâtiments, il nous a paru nécessaire d'associer les acteurs de la filière de l'immobilier, qui participent à la rénovation énergétique des logements.
Pour votre secteur, les politiques publiques d'accélération de la rénovation énergétique sont d'abord génératrices de contraintes. Ainsi, j'aimerais vous entendre sur les conséquences pour le marché de l'immobilier du calendrier de mise en place de la loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, qui prévoit une interdiction progressive des passoires énergétiques.
J'aimerais également connaître votre vision quant à d'éventuelles nouvelles obligations qui pourraient peser sur votre secteur. Certains acteurs proposent par exemple une obligation de rénovation lorsque les biens sont vendus. Le marché de l'immobilier est-il en mesure de faire face à de nouvelles contraintes de ce type ?
Au-delà des enjeux relatifs au marché de l'immobilier, cette audition doit nous permettre d'identifier les freins spécifiques à la rénovation énergétique des logements en copropriétés. Nous avons auditionné des représentants de l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), qui ont évoqué un retard des logements collectifs dans la rénovation énergétique des bâtiments, malgré des dispositifs d'aides spécifiques tels que MaPrimeRénov' Copropriétés ou l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) copropriétés. Nous constatons aussi l'existence de ce phénomène sur nos territoires. Quels sont les freins spécifiques à ces rénovations ? Comment stimuler la rénovation énergétique des copropriétés alors que, pour atteindre les objectifs ambitieux fixés au niveau national, une accélération paraît indispensable ?
Enfin, hier soir, la Première ministre a conclu le Conseil national de la refondation (CNR) Logement en annonçant notamment le renforcement de MaPrimeRénov' pour atteindre 200 000 rénovations performantes en 2024, ainsi que le déploiement des guichets FranceRénov' et Mon Accompagnateur Rénov' d'ici à 2025. Ces propositions sont-elles suffisantes au regard de celles qui ont été formulées par le groupe de travail « Faire du logement l'avant-garde de la transition écologique » du CNR Logement ?
Il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet du Sénat et qu'un compte rendu sera publié.
Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende.
Je vous invite à prêter successivement serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Alexis Lagarde, Étienne Dequirez, Pierre Hautus, Olivier Safar, Gilles Frémont, Mmes Delphine Herman, Laurence Batlle, Karine Olivier, Florence Rognard, MM. Pierre Vital, Frank Hovorka et Mme Anne Peyricot prêtent serment.
M. Alexis Lagarde, président de l'UNPI Pays de la Loire. - Ce qui nous importe, c'est le diagnostic de performance énergétique (DPE). Un malade s'inquiète quand le thermomètre donne des températures différentes en fonction du médecin qui l'utilise. Pour nos adhérents, la confiance est rompue : ils ne savent plus quoi faire, parent au plus pressé, cherchent à éviter les interdictions et en viennent même à retirer certains biens du marché.
Si la priorité est bien de procéder à des rénovations globales, nous sommes « à côté de la plaque ». Les gens nous contactent pour faire le minimum, même si j'explique, pendant les assemblées générales et les réunions auxquelles j'assiste, qu'il faut viser au moins la classe C pour être tranquille un certain temps. Mais on ne fait que repousser l'échéance et nous devrons rénover de nouveau des logements déjà rénovés, parce qu'on ne procède pas à la totalité des rénovations nécessaires.
Je suis ingénieur et je travaille dans le secteur du bâtiment depuis quarante ans. Je couvrais un territoire important dans une société internationale et je connais bien les problèmes de pathologie. Dans le bâti ancien, datant d'avant 1948, quand les bâtiments sont maltraités et ne respirent pas, on observe une perte de qualité. C'est la catastrophe annoncée.
S'agissant du bâti plus récent, il est possible de travailler de manière plus efficace, tant que nous ne sommes pas dans les périmètres de sauvegarde.
Nous ne sommes pas du tout opposés à la rénovation, mais il faut procéder de manière intelligente et pragmatique.
La confiance constitue la question essentielle, mais je soulignerai aussi l'importance du législatif et de la fiscalité, pour laquelle l'instabilité doit cesser.
M. Étienne Dequirez, président de Plurience. - Plurience représente en particulier les syndics de copropriétés, qui constituent une profession réglementée. Par définition, nous sommes au coeur de la gestion des copropriétés, qu'il s'agisse de gestion administrative, sécuritaire, ou des questions de rénovation, y compris de rénovation énergétique. Je vous remercie de nous avoir invités car, dans les propos tenus au cours des derniers jours, notamment hier, le mot « syndic » n'a jamais été prononcé, ce qui est gênant puisqu'une rénovation énergétique du monde de la copropriété qui se ferait sans les syndics s'annoncerait longue et difficile.
Nous sommes des acteurs de la rénovation et nous souhaitons la développer. Aucune résistance ne se manifeste au sein de la profession. Cependant, notre vision est pragmatique et nous nous préoccupons de la question du « comment », qui nous semble dépendre de trois points essentiels.
D'abord, il s'agit d'assurer le financement de cette rénovation et notamment son financement bancaire, qui représente le sujet le plus important. Mes collègues y reviendront.
Ensuite, j'évoquerai une question un peu technique, celle de la dichotomie entre diagnostics individuels et collectifs. La rénovation est considérée comme efficace si elle est globale, mais la loi impose un diagnostic individuel opposable, ce qui crée de nombreuses difficultés.
Enfin, un grand nombre de subventions s'empilent ; j'en dénombre quatorze. Félicitons-nous de leur existence puisqu'elles peuvent représenter jusqu'à 30 ou 35 % du coût de la rénovation. Cependant, il faut imaginer des solutions pour qu'elles deviennent plus efficientes et pratiques.
M. Olivier Safar, président adjoint de l'Unis et président de l'Unis Grand Paris. - Je précise que je suis aussi un ancien membre du conseil d'administration de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et que j'ai été remplacé dans ces fonctions en début d'année par Loïc Cantin. Par ailleurs, je suis membre du CNR Logement pour la partie rénovation énergétique.
Vous l'avez compris, ce que nous avons entendu hier nous a fortement déçus, ces annonces ne correspondant pas à ce que nous avions préparé, écrit et réécrit. Nous avions même proposé d'ajouter un complément pour distinguer maisons individuelles et copropriétés, ce qui allait dans le bon sens.
Le calendrier est complètement inadapté et, en matière de copropriétés comme de gestion locative, nous sommes bloqués par les impératifs d'agendas qui ne sont pas les bons. Dans les copropriétés, alors que copropriétaires, syndics et entreprises sont volontaires, il faut en moyenne entre trois et cinq ans pour parvenir à réaliser des travaux. On commence par produire une analyse, que l'on présente lors d'une première assemblée générale, puis on vote le projet lors d'une deuxième assemblée générale, on obtient les subventions l'année suivante avec les financements - s'il y en a - et ensuite seulement on commence les travaux.
Le calendrier semble également inadapté en ce qui concerne le DPE individuel pour les propriétaires bailleurs, qui peuvent se retrouver confrontés à de graves complications. Dans certaines assemblées générales, une opposition émerge entre copropriétaires occupants et copropriétaires bailleurs. En effet, l'occupant n'a aucune obligation alors que le bailleur est contraint par le calendrier. Nous ne réussirons pas sans procéder à la rénovation complète des copropriétés ou des immeubles.
Je voudrais également évoquer la question du fléchage des aides. Quand nous avons demandé des aides auprès de l'Anah, pour MaPrimeRénov' Copropriétés et MaPrimeRénov' Sérénité, j'ai demandé à ce que l'on flèche les montants attribués vers les maisons individuelles ou vers les copropriétés. Cette disposition n'avait pas été reprise par le ministère de l'économie et des finances. On nous avait dit que nous commencerions avec 800 millions d'euros et qu'il faudrait nous débrouiller. L'année suivante, nous avons demandé bien plus puisque la somme avait été utilisée à 99 % pour les maisons individuelles. Ainsi, la première année, moins de 100 dossiers avaient été déposés pour MaPrimeRénov' Copropriétés alors que l'on compte 550 000 syndicats de copropriétés.
Par ailleurs, il faudrait un guichet unique pour toutes ces aides. Étienne Dequirez en a dénombré quatorze et j'en compte dix-neuf, en prenant en compte certaines aides complémentaires de communes, de groupements de communes ou de quartiers.
Je terminerai en évoquant la question du financement. J'ai demandé en janvier à ce que soit créée une banque de la rénovation énergétique mais cette demande n'a pas été entendue. Quand la Caisse des dépôts et consignations et la Banque des territoires ont repris contact, nous leur avons expliqué qu'il ne s'agissait pas que de copropriétés mais aussi de propriétaires bailleurs, de copropriétés tertiaires et de certains logements sociaux, qui rencontraient des difficultés pour trouver les financements nécessaires. Il faut créer une vraie banque de la rénovation énergétique, qui n'aurait pas besoin d'avoir des agences dans toute la France.
Surtout, si nous voulons réussir, nous avons besoin d'une loi de programmation de cinq ans, qui soit renouvelable pour cinq ans. Si vous ne parvenez pas à faire en sorte que copropriétaires, propriétaires et locataires comprennent qu'ils peuvent compter sur une certaine stabilité, nous n'arriverons à rien. Les choses changent tous les six mois, tous les ans ou tous les trois ans et c'est trop. À l'Anah, le système évolue encore pour intégrer un pilier performance et un pilier efficacité, ce qui sera annoncé le 12 juin prochain. Mais si les montants augmentent, ces changements sont trop nombreux et trop compliqués. Il faut remplir de multiples dossiers en ligne, sur chacun des portails, ce qui est décourageant.
M. Gilles Frémont, président de l'ANGC. - Je représente aujourd'hui les gestionnaires de terrain et syndics de copropriétés. En ce qui concerne la copropriété, nous avons observé quatre freins, qui pourraient devenir quatre leviers.
La fluctuation des lois constitue le premier frein. Depuis 2014, les textes se sont succédé : loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan, loi Climat et résilience, loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, auxquelles il faut ajouter une avalanche de décrets et d'arrêtés.
En termes d'outils, nous utilisons le projet de plan pluriannuel de travaux, le plan pluriannuel de travaux (PPT), le diagnostic technique global (DTG), l'audit énergétique, l'audit architectural, le DPE individuel, le DPE collectif, le DTG++ de l'Agence parisienne du climat, qui, au passage, gonfle les prix des prestataires, et le PPT des prestataires, qui rajoute certaines offres.
Ces lois changeantes créent d'abord de l'attentisme chez les copropriétaires, qu'il n'est pas rare d'entendre dire en assemblée générale qu'il est urgent d'attendre, afin d'anticiper les prochains changements. Par ailleurs, ces changements entraînent un décalage constant dans la formation des professionnels, des praticiens et des gestionnaires de copropriétés, qui ont à peine le temps de se former que la loi a déjà changé.
L'épargne en copropriété, qui est insuffisante, constitue un deuxième frein. L'Anah a révélé que le montant moyen du fonds de travaux, créé par la loi Alur, s'élève à 4 500 euros, ce qui représente un montant ridicule, alors que le fonds se voulait incitatif. Des solutions existent pour favoriser l'épargne des copropriétés.
Pour venir à bout du troisième frein, il faut simplifier le prêt collectif bancaire. Selon l'article 26-4 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, il existe trois types de prêts bancaires, dont le premier, qui doit être accepté à l'unanimité, n'est jamais voté. Pourtant, il faudrait mettre en place un véritable prêt collectif, qui soit accordé aux syndicats des copropriétaires. Ce n'est pas le cas du prêt Copro 100, qui est un faux prêt collectif, puisqu'il s'agit en fait d'un prêt multi-individuel, dont la mise en place a tout d'une usine à gaz et que je n'ose même pas proposer.
Le quatrième frein concerne la fiscalité et les aides publiques ; nous sommes confrontés à un manque de visibilité et d'incitation en la matière. Nous avons observé que l'ancien crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) parlait aux copropriétaires parce qu'il était concret et immédiat. Le dispositif MaPrimeRénov' semble plus lointain, abstrait et aléatoire. De plus, nous avons affaire à de multiples guichets et ignorons qui doit être notre interlocuteur. Par ailleurs, nous manquons de visibilité sur la durée pour ce dispositif, puisque nous ne savons pas s'il existera toujours dans quatre ou cinq ans, lorsque les travaux seront terminés. Enfin, la TVA augmente depuis vingt ans : à l'époque, elle s'élevait à 5,5 % sur l'ensemble des travaux mais elle est passée à 7 %, puis très rapidement à 10 %, ce qui renchérit le coût des travaux.
Mme Delphine Herman, directrice des relations extérieures du réseau Guy Hoquet l'immobilier. - Je voudrais d'abord confirmer ce qu'a dit l'un de mes confrères : la rénovation énergétique des logements fait consensus au sein des professionnels de l'immobilier. Nous cherchons tous des solutions pour avancer concrètement vers une réduction significative de l'impact environnemental des logements.
En tant qu'agents immobiliers, nous pouvons servir de baromètre aux pouvoirs publics et faire remonter du terrain des informations relatives aux besoins, aux aspirations et aux inquiétudes des Français, en matière de logement et de rénovation énergétique. Nous jouons un rôle de facilitateurs pour les Français et nous avons conscience de notre responsabilité.
Notre réseau a une particularité : la formation est gratuite et illimitée, ce qui représente un atout stratégique pour bien conseiller et informer le particulier. Ainsi, depuis le début de l'année, nous avons dispensé 2 300 heures de formation à l'ensemble de nos conseillers en gestion locative et transaction.
Nous travaillons également avec des organismes tels que les opérateurs de compétences des entreprises de proximité, sur les sujets de la formation et du financement des formations à la transition environnementale des logements. Nous travaillons avec l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) et l'Anah. De plus, nous avons mis en place des partenariats nationaux et locaux pour aider les particuliers à trouver des financements, à accéder aux aides et à identifier des entreprises reconnues garantes de l'environnement (RGE) pour réaliser leurs travaux.
Nous sommes prêts, mais nous avons besoin d'aide pour avoir les moyens d'inciter les Français à agir, qu'il s'agisse de logements individuels ou de copropriétés. À ce titre, nous souhaiterions vous alerter sur trois points.
En premier lieu, je veux évoquer le DPE. D'abord, sa fiabilité représente un véritable enjeu et il a été récemment démontré qu'il pouvait défavoriser les petites surfaces. De plus, deux méthodologies coexistent en fonction du type de propriétaire. Les propriétaires sont néanmoins soumis aux mêmes contraintes, notamment à l'interdiction d'augmenter les loyers ou à la prochaine interdiction de mise en location. Par ailleurs, la question de l'organisation de la filière des diagnostiqueurs se pose.
En deuxième lieu, nous avons besoin de renforts et de réponses quant aux solutions de financement, les financements actuels n'étant pas adaptés aux besoins des Français et au pilotage de la transition environnementale. Nous avons évoqué les aides mais nous sommes conscients que l'État ne peut pas tout, et nous saluons sa mobilisation. Notons néanmoins qu'il est souvent difficile pour les ménages éligibles aux aides de procéder aux avances nécessaires. Mais, au-delà des aides, il faut avancer en matière de financement privé avec les établissements bancaires, qui objectent aujourd'hui - à juste titre - qu'il leur est difficile d'évaluer le montant des travaux, notamment dans le cas d'une vente, mais aussi de contrôler la bonne allocation des fonds. Dans le cas des copropriétés, des freins ont déjà été mentionnés et j'évoquerai le fait que seules deux banques proposent l'éco-PTZ : Domofinance et la Caisse d'épargne Île-de-France.
Enfin, j'en viens aux entreprises RGE (reconnu garant de l'environnement). Le président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) rappelait récemment que sur les 560 000 entreprises artisanales du bâtiment, seules 63 000 sont labellisées RGE et que ce chiffre a tendance à reculer puisqu'elles étaient 65 000 en 2001. Or il s'agit de rénover, à très court terme, 5,2 millions de passoires énergétiques. Le nombre d'entreprises disponibles pour rénover tant de biens, en respectant un calendrier très ambitieux, pose question. Bruno Le Maire a annoncé viser la reconnaissance de 250 000 entreprises RGE en 2025, mais il n'a pas encore expliqué quels moyens il comptait mettre en oeuvre pour y parvenir.
Comme M. Frémont, je pense que ces freins peuvent devenir des leviers importants. Mais ces problèmes doivent être résolus pour que nous puissions jouer notre rôle de facilitateurs, pour accompagner les Français et tenir le calendrier.
Mme Laurence Batlle, présidente de Foncia ADB. - Foncia est un administrateur de biens, premier loueur en France avec 400 000 biens sous gestion et premier syndic de France avec 70 000 immeubles gérés. Depuis 2021, Foncia s'est engagé de manière extrêmement volontariste dans la rénovation énergétique des biens sous gestion.
À ce titre, 100 % de nos gestionnaires sont formés, et nous avons des référents travaux rénovation énergétique dans l'ensemble de la France. En 2022, nous avons signé un green deal avec le Plan bâtiment durable, dans lequel nous nous sommes engagés à rénover 300 immeubles dans leur totalité d'ici à 2025. Depuis, 210 copropriétés sont en cours de rénovation globale, soit plus de 15 000 logements. Enfin, nous accompagnons nos bailleurs individuels afin de leur permettre de s'engager dans des travaux pour améliorer leur étiquette énergétique, grâce à des études approfondies.
Nous commençons donc à bénéficier d'un bon observatoire de ce qui se passe sur le terrain et nous avons développé une conviction forte : c'est la copropriété qui doit constituer le coeur de la rénovation du bâti résidentiel et non pas le bailleur. Cette conviction donne lieu à trois propositions, dont deux n'ont pas encore été évoquées.
La première concerne le calendrier 2025-2028 pour les bailleurs. Sans le remettre en cause, il semblerait pertinent que l'interdiction de louer un bien qui n'a pas la bonne étiquette énergétique soit effective à la remise en location et non pas au cours du bail. En effet, réaliser des travaux d'isolation par l'intérieur quand le bien est occupé n'est pas possible.
Notre deuxième proposition porte sur l'articulation des dispositions pesant sur les bailleurs et les copropriétés. Les obligations imposées à un bailleur privé par la loi Climat et résilience devraient être suspendues lorsque la copropriété du logement concerné s'est engagée dans un plan pluriannuel de travaux. L'intérêt est double : sur le plan financier, les bailleurs n'auraient pas à payer deux fois et, sur le plan écologique, les travaux d'isolation ne seraient pas conduits à deux reprises.
La troisième proposition porte sur le financement d'une opération globale de rénovation d'une copropriété. Globalement, l'éco-PTZ est inefficace. Nous suggérons de créer un éco-PTZ destiné aux copropriétés : les emprunteurs seraient non pas les copropriétaires, mais le syndicat. L'emprunt serait attaché au lot et le suivrait au gré des mutations. Près de 1,6 million de logements en copropriété doivent être rénovés, pour un coût moyen de 20 000 euros par logement et 15 000 euros après le versement des subventions. Compte tenu de l'ampleur du défi de la rénovation, qui s'élève à environ 25 milliards d'euros pour les copropriétaires, le coût de cet éco-PTZ serait relativement modeste - de l'ordre de 8 milliards d'euros sur quinze ans. Cette mesure représenterait un véritable levier pour accélérer la rénovation énergétique des logements concernés.
Mme Karine Olivier, directrice du pôle service aux particuliers du groupe Nexity. - Nexity compte un million de clients, plus de 700 000 copropriétaires et 200 000 bailleurs : nous disposons d'une vue d'ensemble sur le secteur immobilier. Le groupe a signé un second green deal, qui fixe des objectifs ambitieux d'ici à 2025.
Hier, lors de la réunion du CNR Logement, j'ai entendu dire que le nombre de personnes embauchées en tant que Mon Accompagnateur Rénov' devait passer de 2 000 à 5 000 pour accélérer la rénovation énergétique. Mais c'est notre travail ! Nous accompagnons nos clients au quotidien.
La rénovation énergétique fonctionne bien : plus de 7 000 logements en copropriété ont été rénovés et 1 000 audits énergétiques ont été menés à la demande des propriétaires bailleurs. Cela dit, des points restent à améliorer.
Il ne faut jamais dissocier le monde de la copropriété de celui du parc locatif privé, qui compte 7,3 millions de logements ; 1,7 million d'entre eux sont classés F et G, dont 70 % sont situés au sein d'une copropriété. Or les dispositions législatives sont souvent différentes, selon qu'elles s'appliquent à l'un ou à l'autre, alors que les enjeux sont identiques : cela complique notre travail.
Je suis d'accord avec de nombreuses propositions déjà formulées, notamment l'éco-prêt en faveur des copropriétés. Je souhaiterais toutefois que ce dernier englobe non seulement les travaux, le reste à charge mais aussi les avances de subventions, qui sont livrées à la fin des travaux : il faut lutter contre cet effet temps, que nombre de copropriétaires ont du mal à admettre.
J'en viens au droit de la copropriété - un point essentiel. Hormis quelques cas dérogatoires, les votes lors d'une assemblée générale supposent une majorité absolue. Nous plaidons en faveur d'une extension de la majorité simple, c'est-à-dire la majorité des présents et des représentés.
Assister à une assemblée générale est un devoir citoyen. En outre, de nombreux dispositifs facilitant la participation de chacun ont été instaurés. Alors qu'ils n'ont même pas participé à l'assemblée générale, certains copropriétaires multiplient les recours contre nos projets. Les prêts bancaires sont alors bloqués et les subventions acquises menacées : le financement global du projet est alors en danger. Il faudrait interdire aux copropriétaires n'ayant pas pris part au vote de pouvoir introduire des recours.
En outre, il faut adapter le calendrier de la loi Climat et résilience et conditionner l'interdiction de louer à la remise en location. Le marché locatif est bloqué : c'est une véritable bombe sociale. Nous avons interrogé 9 000 propriétaires d'un bien classé G : un tiers d'entre eux accepte de mener des audits énergétiques ; un autre tiers se refuse à toute action et estime que le calendrier évoluera ; enfin un dernier tiers compte vendre son bien, faute de disposer des fonds suffisants pour entamer des travaux de rénovation. Nous ne constatons pas actuellement de raz-de-marée pour la vente des biens classés F et G : les propriétaires attendent. Toutefois, nous notons des décotes sur ces biens - de l'ordre de 6 à 10 % selon les territoires.
Dans les villes ayant instauré l'encadrement des loyers, l'étiquette énergétique n'est pas prise en compte dans les possibilités de dérogations. C'est la double peine : non seulement il faut faire des travaux, mais les loyers sont bloqués. Je trouve cela injuste.
Comme l'a rappelé Gilles Frémont, le système des aides est complexe : nul besoin de voter de nouvelles réglementations - je ne sais d'ailleurs pas comment font nos collaborateurs pour se retrouver dans la législation actuelle.
Les syndics de copropriété doivent être remis dans la boucle : nous sommes des experts et nous pouvons faire avancer les choses.
M. Pierre Vital, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Nouvelle-Aquitaine et de la commission FPI France « Réhabilitation-extension-rénovation ». - La FPI rassemble 700 adhérents, qui représentent environ 80 % du marché de la production de logements, tant dans la construction neuve que dans la réhabilitation. Nous sommes une fédération plurielle, qui rassemble de petits opérateurs et de grandes entreprises nationales. Je rappelle que le secteur privé représente 54 % de la production de logements sociaux. Quand le bâtiment ne va pas bien, le secteur du logement abordable est lui aussi mal en point.
Notre métier fait face à de nombreuses contraintes, telles que le zéro artificialisation nette (ZAN). La rénovation est une solution bien identifiée pour densifier les coeurs de nos villes. Nous avons fait le choix d'adopter une approche globale : nous privilégions les restaurations totales d'immeubles entiers. Toutefois, nous faisons face à de nombreuses contraintes. Le prix des matières premières, de même que celui des immeubles ou des travaux, est très cher ; nos opérations sont plus onéreuses que la construction d'un immeuble neuf. Chaque bâtiment a sa pathologie : nous faisons du sur-mesure.
En vue de massifier les opérations, il faut solvabiliser la clientèle, notamment les personnes accédant à la propriété ou les investisseurs.
Nous plaidons en faveur d'une pause normative : il ne faut pas constamment changer les règles fiscales ou les règles applicables à la construction de logements. Les dispositifs Malraux ou Denormandie doivent être maintenus, car ils permettent la production de logements de qualité. Le PTZ doit être pérennisé ; il ne faut pas le recentrer sur une frange réduite de la production.
Par ailleurs, il faut flécher les aides au profit d'une rénovation globale des immeubles, ce qui garantit la réussite de l'entreprise.
Encourageons la fluidité des biens : les immeubles sont chers et la fiscalité favorise la détention. Malheureusement, notre proposition d'inverser la fiscalité afin de fluidifier la circulation d'immeubles souvent délabrés n'a pas été retenue par le CNR.
J'en viens à l'extension d'immeubles. Compte tenu du coût d'une rénovation complète, nous préconisons le rehaussement d'un étage afin de valoriser les droits à construire non utilisés et, ce faisant, de récolter de l'argent pour la rénovation. Ces propositions élargissent un peu le débat relatif à la rénovation des immeubles. Cela dit, toute opération de ce type suppose d'associer les copropriétaires.
M. Frank Hovorka, directeur technique et innovation de la Fédération des promoteurs immobiliers. - Près de neuf opérations sur dix dans le secteur de la construction neuve sont menées sur des terrains déjà artificialisés. Celui-ci contribue aussi à la rénovation de la ville.
On oppose souvent rénovation et reconstruction. Or l'écart en matière d'empreinte carbone entre ces deux types d'opérations est extrêmement faible : environ 100 kilogrammes de CO2 par mètre carré et par an. J'insiste sur ce point, car la durée de vie résiduelle de l'ouvrage constitue l'un des non-dits des opérations de rénovation. À cet égard, nos collègues de l'Union sociale pour l'habitat (USH) ont créé le dispositif « Seconde vie » des bâtiments. Les promoteurs ont besoin d'une vision holistique : il n'est pas intéressant de rénover un bâtiment si sa durée de vie ne dépasse pas vingt ans. Comme le disait Pierre Vital, il importe d'adopter une approche complète : celle-ci aura des effets très positifs sur la durée de vie complémentaire d'un immeuble rénové. De même, démolir des bâtiments obsolètes favorise la construction d'immeubles neufs très performants : la réglementation française en la matière est la plus exigeante au monde - et de loin. Pour chaque projet, il faut retenir la solution la plus pertinente entre rénovation et reconstruction : cessons d'opposer ces deux notions.
Par ailleurs, le label bâtiment basse consommation (BBC) Effinergie permet de flécher les aides vers les opérations de rénovation globale éligibles à cette qualification.
J'ai présidé la Fédération européenne des associations d'ingénieurs climaticiens pendant dix ans afin d'établir des règles communes au niveau européen. En France, l'enjeu de la rénovation des logements est très important. Or nous travaillons avec les mêmes moteurs de calcul qu'il y a vingt ans. Il est inconcevable de constater que l'administration ne se donne pas les moyens de créer un moteur de calcul global. Certes, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a bien lancé le projet Cible, mais le cahier des charges ne sera écrit que dans cinq ans. La France a les moyens d'être plus ambitieuse ! Un tel outil, qui suppose un investissement se chiffrant non pas en milliards d'euros mais en millions d'euros, favoriserait la confiance de nos concitoyens dans le système. En outre, il pourrait être partagé avec d'autres pays européens. Lors des débats relatifs à la réglementation environnementale 2020 (RE2020), notre fédération avait proposé de créer un partenariat public-privé (PPP) afin de rassembler tous les acteurs pour créer cet outil. Nous gagnerions tous à travailler ensemble.
Depuis une quarantaine d'années, la consommation énergétique finale des logements se situe entre 450 et 500 térawattheures. Réduire la consommation et, in fine, l'émission de gaz à effet de serre (GES), suppose de disposer d'un outil de mesure fiable.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je salue M. Cantin et Mme Rouault, respectivement président de la Fnaim et chef de cabinet, qui viennent de nous rejoindre.
Je vous demande, monsieur Cantin et madame Rouault, de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure.».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Loïc Cantin et Mme Bénédicte Rouault prêtent serment.
M. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier. - La Fédération nationale de l'immobilier comprend de nombreux syndics de copropriété chargés des rénovations, mais aussi de nombreux administrateurs de biens et agents immobiliers.
Notre profession est engagée dans le processus de rénovation énergétique depuis le vote des lois issues du Grenelle de l'environnement, notamment par le biais de cycles de formation destinés à nos syndics. Nous avons ainsi créé un dispositif complet afin de respecter l'obligation de décarboner le parc immobilier. Le temps presse !
J'ai suivi le début de l'audition en venant au Sénat : nombre de mes collègues ont déjà livré leur analyse sur l'environnement juridique auquel nous sommes confrontés. Olivier Safar a insisté à juste titre sur la temporalité de la copropriété, avec les propositions de résolution, l'adoption par l'assemblée générale, la recherche de financements, l'obtention des primes, la sélection des entreprises, le vote des travaux et les recours éventuels. Il faut bien prendre en compte l'ensemble de ces étapes au vu des enjeux de décarbonation de notre parc immobilier.
L'interdiction de louer des logements classés G en 2025 et ceux classés F en 2028 est un mauvais signal : cette décision provoque une attrition du marché locatif. Depuis longtemps, la Fnaim propose de suspendre cette interdiction dès lors qu'un plan pluriannuel de travaux est adopté par la copropriété. Nous avons tout tenté auprès du ministre du logement, mais nous n'avons malheureusement pas été entendus.
De plus, les DPE collectifs - pour un immeuble entier - et les DPE des logements individuels s'opposent parfois entre eux. Il nous semble que le DPE collectif soit le seul en mesure d'éviter les conflits éventuels entre les propriétaires.
J'en viens à la question du financement des projets. La Fnaim a saisi le gouverneur de la Banque de France, qui a répondu favorablement à notre demande : le financement de la copropriété passe par des prêts collectifs. Or, aux termes de la réglementation bancaire, ceux-ci sont considérés comme la succession d'un endettement pour tous les copropriétaires qui y auront recours. À ce titre, le seuil du taux d'usure entre les prêts à la consommation et les prêts immobiliers est atteint si le cumul de l'ensemble des prêts souscrits par le syndicat des copropriétaires excède la somme de 75 000 euros. Dès lors, l'emprunt est assimilé à un prêt immobilier, qui est lui-même divisé en prêts individuels, peu incitatifs pour les banques.
Selon le Gouverneur de la Banque de France, une adaptation réglementaire permettrait de débloquer le taux d'usure : même en additionnant l'ensemble de ces prêts individuels sollicités dans le cadre d'une structure collective, ceux-ci pourraient être soumis au même taux d'usure que les prêts à la consommation. Cette disposition permettrait peut-être de débloquer la question du financement des projets, pour laquelle nous n'avons toujours pas de réponse, malgré plusieurs réclamations. Or le reste à charge des copropriétaires doit être financé.
Depuis le mois de novembre, le ministre du logement a annoncé vouloir abaisser la règle de majorité pour les décisions prises par les copropriétés. Nous avions participé à l'élaboration des ordonnances prises en application de la loi Élan. À l'époque, certains avaient proposé de soumettre les décisions relatives aux travaux de rénovation énergétique à l'article 24 de la loi fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis - qui prévoit une majorité simple de l'ensemble des copropriétaires -, en lieu et place de l'article 25 de cette loi - qui prévoit une majorité absolue.
J'étais moi-même un fervent défenseur du maintien du régime de l'article 25, notamment pour protéger les copropriétaires précaires. La loi Élan a institué une passerelle : si la résolution a obtenu au moins le tiers des voix, il est possible de recourir à la majorité de l'article 24.
Auparavant, il existait un dispositif permettant au syndic de convoquer une seconde assemblée générale, en ayant recours à la majorité de l'article 24, lorsqu'une décision avait été rejetée à la majorité de l'article 25. Or celui-ci a été supprimé. Il représentait pourtant un bon compromis et nous proposons de le réintroduire pour les travaux de rénovation énergétique. Je suis persuadé que de nombreuses associations appuieraient notre suggestion. Il faut toujours laisser un os pour que le chien s'amuse : la seconde assemblée générale est plus propice à une décision définitive. Les affaires relatives aux copropriétés supposent de la pédagogie et un certain sens de la communication.
Dans le questionnaire que vous nous avez transmis, vous nous interrogez sur l'impact d'une obligation de rénovation énergétique à la mutation sur le marché immobilier. C'est une question très intéressante. La Fnaim représente trois professions : les administrateurs de biens, les agents immobiliers et les syndics de copropriétés. Nous sommes tous confrontés à la décision d'engager ou non de tels travaux. Les administrateurs de biens doivent formuler des conseils pour que les propriétaires de biens frappés d'indécence puissent arbitrer en toute connaissance de cause et décider, le cas échéant, de le vendre. Les agents immobiliers doivent évaluer le classement énergétique du bien. Depuis le 1er avril 2023, les ventes d'immeubles en monopropriété, c'est-à-dire les maisons individuelles ou les immeubles en bloc, sont assorties d'un audit énergétique, qui fixe le montant des travaux à entreprendre pour atteindre la classe énergétique de niveau supérieur. Le rôle de l'agent immobilier est de faciliter cette transition.
Une directive de la Commission européenne vise à favoriser une transparence totale sur le classement énergétique des biens. La Fnaim formulera dans quelques jours une proposition originale, que j'ai plaisir à vous dévoiler dès aujourd'hui. Prenons un exemple : un agent immobilier vend une maison valant 300 000 euros. Le DPE et l'audit énergétique précisent que le montant des travaux s'élève à 50 000 euros. Dès lors, doit-il minorer ou majorer cette somme du prix de vente fixé à 300 000 euros ? Dans notre travail d'expertise, c'est bien la valeur verte qui s'imposera demain : nous n'y échapperons pas. Ainsi, le prix incluant le montant des travaux servira d'étalonnage.
Deux possibilités s'offrent à nous : la première consiste à ne rien faire, mais le législateur finira pas nous imposer une retenue sur les prix de façon arbitraire - nous ne le souhaitons pas. La deuxième consiste à accompagner les acquéreurs et à leur prodiguer des conseils. Les professionnels de l'immobilier sont tout à fait conscients du rôle d'accompagnement qu'ils jouent auprès de leurs clients.
Nous allons proposer prochainement un contrat nouveau, qui existe d'ailleurs déjà juridiquement. Je l'ai évoqué lors d'un entretien il y a quinze jours auprès de M. le directeur des affaires civiles et du sceau, lequel a accueilli favorablement cette disposition en me disant qu'il s'agissait d'une excellente idée pour accompagner la stratégie des pouvoirs publics.
Ce contrat est issu de la vente d'immeuble à rénover (VIR), que nous avons baptisée « vente en état futur de rénovation énergétique ». Il s'agit de la possibilité, pour un propriétaire, de choisir, au moment de la mutation, de vendre son bien avec ou sans travaux. Nous disposons d'un référent, et d'une valeur d'étalonnage qui nous permet d'y voir clair dans cet environnement en mutation et de connaître la valeur effective du bien concerné. Ce système présente un double avantage. Il permet en effet d'accompagner vendeurs et acquéreurs dans cette stratégie, sachant que le classement énergétique constitue la préoccupation actuelle de nombre d'entre eux. Alors que les acquéreurs se préoccupaient hier davantage du balcon ou de la vue sur la campagne, le classement énergétique devient l'un de leurs critères de choix principaux. Il faut donc trouver un dispositif susceptible de les rassurer et de les accompagner. La vente en état futur de rénovation a lieu avec les travaux inclus, avec une garantie d'exécution, cette exécution pouvant se faire avant ou postérieurement à la mutation, moyennant une consignation du prix ou une garantie bancaire.
Nous sommes bien conscients de l'ensemble des obligations qui seront les nôtres dans les années à venir. Tous les professionnels de l'immobilier sont des alliés de la rénovation énergétique. Cela a été dit, à aucun moment nous n'avons entendu les mots « syndic de copropriété » hier lors du CNR Logement, alors même que l'on a parlé de tous les intervenants : promoteurs, constructeurs, architectes, aménageurs. Or les syndics seront les grands artisans de la rénovation énergétique. Nous avons besoin de cette reconnaissance, car nous sommes la cheville ouvrière de ce dispositif. L'ensemble des syndicats et des professionnels sont résolument déterminés à accompagner les politiques publiques. Je crois néanmoins que nous avons besoin d'un peu plus de considération quand nous faisons des propositions, pour lesquelles nous ne recevons pas de réponse, voire qui se voient parfois opposer une forme de mépris. Nous sommes des acteurs du logement, et des agitateurs d'idées, pour la défense du bien public.
M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Merci à tous pour vos présentations. J'ai relevé une certaine cohérence dans vos propos et propositions. Il y a là matière à avancer.
Lorsqu'il est question de rénovation thermique, il est bon de distinguer les différents problèmes qui se présentent : pour les maisons individuelles, les copropriétés, et les logements sociaux.
La question se pose de savoir comment fiabiliser le DPE, et comment nous pouvons l'appliquer aux copropriétés. La difficulté d'établir un DPE par logement ayant été longuement soulignée, le DPE collectif opposable paraît une idée intéressante. Auriez-vous quelques éléments complémentaires à nous communiquer sur ce point ?
Il existe des organisations locales qui ont vocation à accompagner les collectivités dans la réalisation de leurs travaux de rénovation énergétique : c'est ainsi le cas du dispositif Mur Mur, mis en place par Grenoble Alpes Métropole. Avez-vous d'autres exemples du même type ? Cet échelon local vous semble-t-il intéressant, sachant qu'il permet de prendre en compte les spécificités des territoires ?
S'agissant enfin de la seconde vie des bâtiments, le plan Action coeur de ville et les autres démarches du même ordre se heurtent à des difficultés en matière d'isolation. Les interventions restent donc limitées, à moins d'engager une rénovation globale. Avez-vous des exemples de programmes susceptibles d'y remédier ?
M. Alexis Lagarde. - Le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) des Pays de la Loire, dont je suis membre, a publié un rapport sur l'évolution des bâtiments tertiaires, l'idée étant qu'ils aient des cycles de vie différents - habitation, bureau, commerce, etc. - et que les architectes travaillent en ce sens.
Ce travail est d'autant plus important que nous sommes en pleine crise du logement. Dans notre région, qui se porte relativement mieux que les autres sur ce plan, cela fait plus de six mois que j'alerte les représentants de l'État sur la nécessité d'engager un vrai plan Marshall. Il faut prendre des décisions rapidement, sans perdre de vue la nécessité, rappelée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), d'arrêter les monogestes, qui sont consommateurs d'argent public et qui repoussent les travaux à effectuer, entraînant des dégradations et des coûts supplémentaires.
Le DPE est l'arbre qui cache la forêt. L'audit énergétique constitue pour sa part un élément fondamental, car il fournit une vision sur plusieurs options.
Les petits logements sont un autre élément fondamental, car ils concernent les petits retraités. Vous ne pouvez pas savoir le nombre de gens qui investissent en fin de carrière pour pouvoir avoir un petit complément de retraite, et à qui l'on annonce que les investissements nécessaires pour les travaux à réaliser représenteront davantage que ce que leur bien leur rapportera jusqu'à la fin de leur vie. C'est tout de même dramatique !
Enfin, il existe en Italie des ensembliers qui prennent tout en main, y compris l'accompagnement bancaire, pour les travaux de rénovation énergétique. L'État italien a dépensé, de mémoire, 94 milliards d'euros pour rénover 3 % des logements. Cela vous donne l'ordre de grandeur de ce qui nous attend. Depuis le début, j'annonce au Ceser que le plan Marshall que j'ai évoqué coûtera 2000 milliards d'euros.
Mme Karine Olivier. - La surélévation, aussi bien dans le neuf que dans l'ancien, est l'outil magique pour répondre au problème de la rénovation globale des immeubles. Nos copropriétaires ne savent pas qu'ils ont un foncier aérien qui a une valeur. Or, lorsqu'elle est vendue, cette valeur génère du cash qui permet de financer la rénovation énergétique.
Alors que nous pensions que les copropriétaires des derniers étages seraient assez réticents à la réalisation de tels travaux, ou qu'il serait compliqué de le faire en milieu habité, la difficulté ne vient pas des copropriétaires qui en voient rapidement l'intérêt. Nous faisons voter des surélévations. En outre, nous sommes bien vus des collectivités, et ne sommes pas confrontés à des problèmes de stationnement complémentaires, car nous choisissons nos immeubles en fonction de la proximité des transports. La difficulté réside dans la capacité de trouver des acteurs sur le marché pour construire le plus vite possible, en milieu habité, en hauteur. Il s'agit en effet d'un métier nouveau, qui requiert un véritable savoir-faire.
Par ailleurs, nous parlons du problème de la rénovation énergétique dans les coeurs de ville, mais se posera également le problème majeur des passoires thermiques dans les stations de ski. La majorité des immeubles y sont en effet classés F et G. Nous avons là un boulevard pour la surélévation.
Cela est à intégrer dans le raisonnement. Cette méthode plaît, et n'est pas compliquée à mettre en oeuvre - même si elle s'inscrit dans un temps long, car elle nécessite un vote. Nous sommes en train de la tester, en ville dans le XVe arrondissement de Paris et en station à Villard-de-Lans. Nous pourrons vous présenter un rapport ultérieurement, mais les retours d'expérience sont déjà favorables.
Mme Laurence Batlle. - Je souscris totalement à ces propos. Il nous semblerait intéressant d'élargir les travaux réalisés lors du DPE et du projet de plan pluriannuel de travaux en y intégrant, d'une part, un scénario générant 35 % d'économies d'énergie et, d'autre part, au regard de ce que permet le plan local d'urbanisme (PLU), le scénario de la surélévation. Ce dernier permet en effet de financer la rénovation énergétique.
Je reviens par ailleurs sur le rôle de Mon Accompagnateur Rénov' ou de l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO). Pour une rénovation globale en copropriété, le syndic s'appuie systématiquement sur une AMO dont le rôle est de rechercher des subventions nationales et locales pour financer le projet. Cela existe donc déjà. Ce rôle fonctionne bien. En tant que praticien de la rénovation, il ne nous semble pas utile de le complexifier.
M. Olivier Safar. - Lorsque l'Anah a commencé les formations relatives à Mon Accompagnateur Rénov', nous nous sommes rendu compte que la plupart des accompagnateurs - anciens des agences locales de l'énergie et du climat (Alec) ou de l'Ademe - ne connaissaient pas du tout la copropriété. Nous nous sommes retrouvés - je suis désolé de le dire - face à une porte de prison. Il a fallu intervenir. Lors de la première formation organisée par l'Anah, sur les 250 personnes présentes, dix seulement avaient déjà traité des copropriétés. Les autres ne connaissaient pas ce secteur. Les formations ont commencé il y a un an, en mars 2022. Or, si les Accompagnateurs Rénov' montent en puissance, le compte n'y est pas.
Lorsque l'on compare avec ce qui a été fait dans le cadre de l'Agence parisienne du climat, l'on s'aperçoit que ces accompagnateurs Rénov' ont quatre à cinq ans de retard. Ils ne comprennent pas l'agenda de la copropriété : ils se demandent, par exemple, pourquoi les décisions prises en assemblée générale ne sont pas effectives tout de suite. Il y a des temps de copropriété à connaître. Or eux ont une vision propre au système de la maison individuelle, où tout va vite.
Il faut donc être vigilant sur ce point. Oui, ce dispositif est nécessaire, mais il faut former ces accompagnateurs - comme ont été formés tous nos gestionnaires de copropriété, qui comprennent ces différents points, puisqu'on leur a expliqué comment cela fonctionnait, et comment il fallait chercher les subventions. Tout ceci ne se fait pas en trois minutes. On a dit que l'on aurait 2 000 Accompagnateurs Rénov'. Cela est très bien, ils sont charmants, mais en formation nous n'y étions pas.
M. Étienne Dequirez. - Je me permets d'aller un peu dans le détail des diagnostics individuels et collectifs, à l'aune de cas pratiques. J'ai des immeubles classés F et G. Nous devons faire porter au vote le fait d'investir lourdement dans des travaux collectifs. Lors des assemblées générales, nous allons forcément promettre aux copropriétaires une amélioration énergétique de leurs appartements individuels.
Cependant, tout dépend de la situation des logements. Le propriétaire d'un appartement situé au deuxième étage d'un immeuble de six étages, placé plein sud, et qui n'est pas un T1, a beaucoup plus de chances de se voir attribuer une notation lui permettant de louer ce bien, à terme, ou de le vendre avec une décote faible voire une surcote. A contrario, pour le propriétaire d'un logement situé au rez-de-chaussée, plein nord, et présentant une petite typologie, cela est globalement perdu d'avance.
Nous le savons tous, mais il s'agit d'un problème très lourd. En effet, le copropriétaire dont le logement est situé plein nord contribuera au montant des travaux autant que celui dont le logement est situé plein sud.
Nous proposons donc d'intégrer les deux diagnostics. Le diagnostic collectif doit être valorisé, voire reconnu. La question de savoir s'il doit être opposable reste toutefois ouverte. Il doit en tout cas être intégré comme un indicateur permettant ou non la location. Il nous a souvent été dit que l'acquéreur d'un appartement devait connaître la consommation de ce dernier. Rien n'empêche d'utiliser également le diagnostic individuel, mais les diagnostics collectifs doivent, à mon sens, prendre le dessus. Nous n'y arriverons pas sans cela. Pire, nous risquons de mentir aux copropriétaires, en leur promettant une amélioration énergétique qui sera de toute façon décevante. Le propriétaire du logement situé plein nord ne changera pas la situation géographique de son logement : il le vendra de toute façon situé plein nord. Dans le prix, la décote se fera sur le diagnostic individuel. Cependant, il pourra avoir le droit de le louer, au vu des efforts collectifs réalisés.
Si nous n'abordons pas ce sujet maintenant, nous risquons de le traîner longtemps, au prix de conflits nombreux entre les acquéreurs et les vendeurs - d'autant que le diagnostic est opposable. Il faut traiter cette question dès à présent, en prenant en compte les deux diagnostics.
M. Loïc Cantin. - Nous allons faire face à d'importants travaux. Dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov', seules les entreprises disposant d'une qualification RGE peuvent prétendre accompagner les propriétaires et les copropriétaires. Or, sur 700 000 entreprises, seules 16 % disposent de cette qualification, et ce nombre est en diminution. En novembre 2022, Bruno Le Maire a précisé qu'il fallait le multiplier par quatre pour répondre à l'ambition de rénovation énergétique des bâtiments.
Cependant, à mon sens, cela est insuffisant. Dans les immeubles que nous gérons, nous sommes toujours à flux tendu sur des corps de métiers rares : zingueurs, couvreurs, chauffagistes, électriciens. Nous avons parfois même des difficultés pour assurer l'entretien curatif de nos immeubles, et je ne parle pas de l'entretien préventif. Or nous allons rajouter des couches de travaux complémentaires dans le cadre du plan de rénovation. J'aimerais que l'on ait une approche chiffrée de l'importance des travaux de rénovation énergétique, que l'on rapporterait au chiffre d'affaires du bâtiment. On s'apercevra rapidement que nous sommes en sous-effectif.
Il faut effectivement un plan Marshall, et il faut de la formation. Si nous voulons gagner le défi de la rénovation énergétique, il faut adapter les capacités des entreprises du bâtiment qualifiées pour réaliser ces travaux à la situation à laquelle nous allons être confrontés. Nous ne pouvons pas être dans un système où les entreprises sont de plus en plus rares. Il faut au contraire arriver à un équilibre. Il y a donc un plan Marshall à mettre en oeuvre, tant sur la formation que sur la création d'entreprises.
J'ai toujours entendu les politiques dire que la rénovation énergétique et l'écologie étaient des gisements d'emplois. Nous avons une opportunité historique de le démontrer. Une transformation est nécessaire, car nous avons besoin de ces entreprises.
M. Pierre Vital. - La rénovation complète représente un coût élevé. L'un des sujets sur lesquels nous pourrions travailler est lié aux territoires où l'on produit des logements réhabilités, qui sont soumis aux dispositions fiscales de la loi Malraux. La question se pose de savoir si les quartiers sur lesquels on produit des logements au titre de cette loi sont toujours adaptés, car ils ont été élaborés il y a fort longtemps, ou s'il ne serait pas nécessaire de les retravailler. Les zonages du programme Action coeur de ville n'ont pas porté leurs fruits pour l'instant : très peu de productions ont été effectuées à l'aune du dispositif Denormandie. Il faudrait peut-être davantage capitaliser sur la redéfinition des zonages de la loi Malraux.
M. Frank Hovorka. - Il faudrait également travailler sur la possibilité des extensions. Plusieurs pays européens, dont la Grèce, autorisent la surélévation ou l'extension de bâtiments classés au titre des monuments historiques, pour éviter qu'ils ne se délabrent. Nous avons donc un double travail à mener sur le dispositif Malraux : élargir son champ et son zonage, en y incluant d'autres typologies d'actifs que le seul usage du logement - commerce, activités tertiaires, etc., - et élargir la capacité de faire des extensions et des surélévations, dans les rénovations globales comme dans les rénovations en milieu occupé.
Je suis fort heureux d'apprendre qu'il existe des exemples de surélévations qui fonctionnent, mais nous avons pour notre part de très nombreux exemples de projets bloqués, car interdits par un PLU, ou faute de hauteurs libres.
Nous voulons revitaliser les villes moyennes et le périurbain. La FPI a remis à ce sujet en 2020, avec le Plan bâtiment durable et la Royal Institution of Chartered Surveyors (Rics), qui rassemble des évaluateurs immobiliers en France, un rapport à Emmanuelle Wargon, avec nos propositions. Il est important de retrouver une agilité dans la relance de la rénovation, tant en milieu occupé que dans des logements vides ou en cours de délabrement. Certaines de nos propositions peuvent à cet égard paraître surprenantes. Nous suggérons ainsi de procéder à un remembrement, comme cela s'est fait dans le milieu agricole dans les années 1960. Dans les petites villes, certains propriétaires possèdent plusieurs appartements dans plusieurs immeubles. La question du remembrement se pose pour pouvoir rénover des immeubles complets, et retrouver ainsi des respirations dans ces villes.
Nous pourrions aussi envisager de changer les affectations. Alors que les logements étaient auparavant uniquement situés dans les premiers niveaux, il faudrait les installer aux quatrième et cinquième niveaux pour tenir compte du fait que les gens recherchent de la lumière : cela implique de faire des extensions, de rendre les terrasses accessibles, surtout dans le sud de la France. Les enjeux sont nombreux, et si l'on essaie de légiférer sur tout, l'on n'y parvient pas.
Il faudrait que nous ayons une législation-cadre qui pousse à la réglementation, pour demander aux maires de justifier leur opposition le cas échéant - plutôt, comme c'est le cas aujourd'hui, que de leur imposer de voter en conseil municipal les modifications et dérogations des PLU. Nous accompagnons de nombreux conseils municipaux sur ce sujet. Si les dérogations existaient déjà de fait, nous pourrions plus simplement travailler sur une exploitation maximale des PLU et sur la rénovation globale des bâtiments. Nous avons les moyens d'agir, mais nous sommes souvent bloqués par des acteurs administratifs, parfois des non-sachants, à qui des articles de loi ou des décrets donnent la possibilité de le faire.
Enfin, pourquoi la France ne s'empare-t-elle pas de la possibilité accordée par la Commission européenne de proposer une TVA à taux réduit à 10 % sur les travaux de rénovation énergétique ?
M. Gilles Frémont. - Pour répondre à la dixième question de votre questionnaire : « Est-il souhaitable d'adapter le calendrier des interdictions de passoires énergétiques prévu par la loi Climat pour les copropriétés ? », nous pourrions prévoir des dérogations si le syndicat des copropriétaires donne des gages.
On craint un très fort contentieux opposant les copropriétaires bailleurs aux syndicats des copropriétaires. Si un copropriétaire bailleur parvient à démontrer qu'il a fait le maximum de travaux d'isolation chez lui et que, malgré tout, sa note reste dégradée, ce qui lui interdit de louer son bien, il se retournera contre le syndicat des copropriétaires pour le préjudice subi, c'est-à-dire la perte du loyer, et demandera à la copropriété de lui payer son loyer. Je crois d'ailleurs qu'une assignation de ce type a déjà été déposée.
Il me semble donc pertinent de prévoir une dérogation pour l'interdiction de louer si le bailleur démontre que la copropriété a voté un plan en assemblée générale, et qu'il s'est prononcé lui-même en faveur de ce dernier.
En réponse à la question de savoir s'il est souhaitable et possible d'accélérer la prise de décision en copropriété concernant la rénovation énergétique en augmentant la fréquence des assemblées générales, cela ne me semble pas nécessaire, car il est possible et facile de réunir des assemblées générales extraordinaires entre deux assemblées générales annuelles. Il ne me semble donc pas nécessaire de modifier une nouvelle fois la loi de 1965.
La question 16 était formulée ainsi : « Le calendrier mis en place par la loi Climat et résilience pour la rénovation des copropriétés - diagnostic technique global (DTG), PPT - vous paraît-il adapté ? » Nous avons beaucoup de calendriers : le calendrier des interdictions de louer, ou encore le calendrier des plans pluriannuels de travaux, qui varie en fonction de la taille de l'immeuble. On s'y perd, d'autant que le calendrier du DPE collectif est différent de celui des PPT. Il faut tenir compte aussi du calendrier des entreprises, de leurs disponibilités et de leurs carnets de commandes, ainsi que du calendrier de l'assemblée générale de la copropriété qui s'inscrit dans un temps long.
Est-il trop tard pour harmoniser tous ces calendriers ? Comme je le disais précédemment, nous en avons assez de la fluctuation des lois. Je pose donc la question ici, sans en avoir la réponse.
S'agissant des obstacles à l'emprunt collectif, il me semble nécessaire de simplifier l'article 26-4 de la loi du 10 juillet 1965 pour ne conserver plus qu'un seul prêt collectif, accordé au syndicat des copropriétaires, auquel tous les copropriétaires seront obligatoirement adhérents. Ils paieront alors le remboursement du prêt au titre de leurs charges.
Lorsque nous aurons un prêt collectif bancaire simple, de nouveaux acteurs bancaires arriveront peut-être sur le marché. Le prêt Copro 100, qui est un faux prêt collectif, un prêt multi-individuel, est une sorte d'ovni pour les banques qui ne savent pas qui est l'emprunteur final. Elles demandent donc de nombreux documents et dossiers, et cela se transforme en usine à gaz pour les gestionnaires.
L'idée est donc de mettre en place un vrai prêt collectif, que l'on ferait voter non plus à l'unanimité, mais selon les mêmes règles de majorité que celles qui valent pour le vote des travaux. Il est en effet impossible d'obtenir l'unanimité dans une copropriété.
Enfin, la surélévation est effectivement une bonne solution. J'ai rendez-vous en fin de semaine avec un architecte spécialisé dans ce domaine. Nous verrons quels immeubles pourront techniquement s'y prêter. Il est vrai que la loi Alur a facilité la surélévation en réduisant la règle de majorité de l'article 26 à l'article 25 pour les secteurs où l'on a un droit de préemption, en transformant le droit de veto des propriétaires du dernier étage en droit de préférence et en supprimant le coefficient d'occupation des sols (COS). Cela a permis de libérer du foncier. Il faut insister dans cette voie qui me semble tout à fait saine et réalisable.
M. Loïc Cantin. - La rénovation énergétique ne concerne pas seulement les parcs des copropriétés. Sur la base des diagnostics effectués, nous avons superposé les logements classés F et G et les logements vacants. Or nous avons relevé une parfaite concordance entre eux, dans une diagonale du vide allant de l'est au sud-ouest du pays. Pour rappel, le parc de logements vacants a grandi à hauteur de 1 million de logements en quinze ans. Or ces logements sont laissés de côté, alors qu'ils font partie du territoire national, de notre richesse.
Les annonces du CNR prévoient que le prêt à taux zéro sera seulement accessible pour la rénovation des appartements dans les zones tendues, en collectif. Les maisons individuelles ont été écartées de ce dispositif. C'est une grave erreur. Quand on veut faire de la rénovation énergétique, il faut se pencher sur le patrimoine auquel veulent avoir accès les primo-accédants. La rénovation énergétique participe du soutien au maintien de la valorisation de ce patrimoine, dans des territoires oubliés. Elle ne concerne pas uniquement les grandes agglomérations.
Je voudrais revenir par ailleurs sur une question posée récemment à Olivier Klein. Sur le site de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), il est écrit que l'indécence énergétique trouve à s'appliquer non pas au 1er janvier 2025, pour les appartements classés G, mais au renouvellement du bail. Je m'explique : si un propriétaire bailleur conclut un bail de trois ans, prenant effet au 1erjuillet 2023, il se retrouve dans tous les cas exposé au 1er janvier 2025 au risque d'avoir un logement indécent. Il est bien dit en effet qu'un logement classé G sera considéré comme indécent au 1er janvier 2025. Or sur le site de la DHUP, il est écrit qu'il sera considéré comme tel au 1er juillet 2026. Telle est la réponse du ministère, mais nous ne connaissons pas la position du juge judiciaire.
Cela fait courir un risque important à nombre de professionnels, qui amèneraient des propriétaires à conclure des baux de trois ans, sachant qu'ils seront exposés au 1er janvier 2025 au risque de dépôt d'un recours par leur locataire. Nous voulons une réponse précise à cette question, et nous ne l'avons pas. Il faut mesurer toutes les conséquences d'un tel dispositif. Nous devons accompagner les propriétaires, et nous nous trouvons dans une situation très embarrassante face aux questions qui nous sont posées. Nous ne voulons pas voir notre responsabilité professionnelle engagée sur un manquement à cette réponse.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour cette table ronde passionnante. Nous savons pouvoir compter sur votre mobilisation pour relever le défi de la rénovation énergétique.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête en recevant Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.
Madame la ministre, vous occupez cette fonction depuis le 20 mai 2022. Auparavant, vous avez été secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, d'octobre 2018 à juillet 2020, puis ministre déléguée chargée de l'industrie, de juillet 2020 jusqu'à mai 2022.
La rénovation des logements est au coeur de la politique de transition énergétique de la France. Je souhaite donc en préambule que vous nous exposiez la stratégie de la France en la matière. Quelle est la place de la rénovation énergétique des logements dans la transition énergétique d'ici à 2030, entre 2030 et 2050 et au-delà ? Comment contribue-t-elle à relever le défi du « mur énergétique qui attend la France en 2030 » selon l'expression que vous avez vous-même employée ?
Nous aimerions également vous entendre sur ce que vous considérez comme les principaux freins à la politique de rénovation énergétique des logements en France et les améliorations possibles.
Dans le cadre de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), le pays s'est donné l'objectif de disposer d'un parc entièrement rénové aux normes « bâtiment basse consommation » (BBC) en 2050, ce qui supposerait la rénovation performante d'au moins 500 000 logements par an. Pourtant, hier, la Première ministre n'a annoncé que 200 000 rénovations performantes à l'horizon 2024 à l'occasion de la conclusion du Conseil national de la refondation sur le logement.
En parallèle, l'atteinte de l'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 suppose, d'après le Secrétariat général à la planification écologique, un effort de réduction de 27 millions de tonnes de CO2 par la rénovation énergétique des logements, dont 17 millions de tonnes CO2 qui seraient évitées grâce au remplacement des chaudières.
À cet égard, lors du Conseil national de la transition écologique du 22 mai, présidé par la Première ministre, il a été évoqué l'interdiction des chaudières à gaz, dans la lignée de celle des chaudières au fioul. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette mesure ?
Est-ce que le remplacement des systèmes de chauffage pourrait se faire au détriment du renforcement de l'isolation des bâtiments, et donc de l'atteinte des objectifs de la SNBC ? De plus, est-ce que cela ne conduirait pas à donner à l'électricité une place trop importante et peut-être non soutenable dans le mix énergétique du pays ?
Dans le cadre d'une audition le 31 mai à l'Assemblée nationale, vous avez annoncé vouloir travailler sur la question du « reste à charge zéro » pour les ménages modestes. Le reste à charge est en effet l'un des principaux obstacles à la politique de rénovation énergétique pour ces ménages, mais dans le même temps, atteindre un « reste à charge zéro » comporte des effets pervers, notamment pour des raisons de fraude, comme l'ont montré les « offres à 1 euro ».
Plusieurs acteurs accompagnant les ménages très modestes nous ont également fait part de leurs réserves pour des raisons de dignité, ces personnes souhaitant être parties prenantes de la rénovation de leur logement. Comment diminuer le reste à charge des ménages, tout en maintenant un signal-prix suffisant et s'assurer de l'engagement des personnes directement concernées ?
À ce titre, les prêts à la rénovation énergétique, que ce soit l'éco-PTZ ou le « prêt avance rénovation » (PAR), sont des outils essentiels pour financer le reste à charge des ménages, mais ils n'ont pas encore atteint les ménages modestes - le prêt avance rénovation en particulier cible les ménages modestes, mais il est très peu distribué. Comment expliquez-vous ce faible déploiement ? Le Gouvernement a-t-il des propositions concrètes pour l'améliorer, le point ayant été évoqué hier soir par la Première ministre ?
Avant de vous laisser la parole pour répondre à ces premières questions, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site Internet du Sénat et qu'un compte rendu sera publié.
Je dois également vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende.
Je vous invite donc à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Pannier-Runacher prête serment.
Madame la ministre, vous avez la parole.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. - Madame la Présidente, monsieur le Rapporteur, mesdames et messieurs les Sénateurs, merci de m'auditionner dans le cadre de vos travaux consacrés à la rénovation énergétique. Ces travaux seront également pris en compte dans le cadre de ceux que nous menons concernant la loi de programmation Énergie-climat et des sept groupes de travail qui ont été lancés en début de mois.
Avant d'en venir aux différents axes d'action de la politique que je porte, un mot général sur le sujet. Parmi tous les leviers de la transition énergétique sur lesquels agit mon ministère, ce levier-là a une sensibilité particulière pour nos concitoyens, et en particulier les plus jeunes.
On peut évidemment penser aux différentes manifestations de collectifs citoyens ou associatifs, mais j'entends également une attente forte sur cette question en raison d'une prise de conscience collective du poids considérable du secteur du bâtiment dans nos émissions de gaz à effet de serre, sur lequel chacun peut agir à titre individuel, mais aussi d'un souci de justice sociale. Ces travaux ne sont pas seulement des contraintes. Ce sont aussi des opportunités pour les logements d'acquérir plus de confort grâce à une plus grande chaleur l'hiver et à une plus grande fraîcheur pendant l'été. C'est un sujet qui devrait monter dans les années qui viennent.
Cela représente évidemment plus de pouvoir d'achat de manière pérenne, car les factures d'énergie se stabilisent et baissent après rénovation. Or vous l'avez dit, tout le monde n'a pas les moyens de se payer ces travaux. Je ne centrerai pas mon propos sur le tertiaire et le public. Je veux simplement dire qu'il est très important de considérer les trajectoires carbone du bâtiment et avoir une politique très claire dans ce domaine.
Le secteur résidentiel représente plus de 30 % de notre consommation en énergie et 10 % de nos émissions de gaz à effet de serre. C'est la raison pour laquelle la rénovation thermique du parc de logements est une priorité de l'agenda climatique national présenté par la Première ministre le 22 mai dernier. Cet agenda s'inscrit plus globalement dans les objectifs très ambitieux fixés par le Président de la République de faire de la France le premier grand pays au monde à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles pour atteindre une neutralité carbone en 2050.
La rénovation énergétique est à cet égard un des grands leviers de notre stratégie énergétique, qui se décline en quatre piliers : efficacité énergétique, dont la rénovation est une composante essentielle, sobriété énergétique, déploiement des énergies renouvelables et relance historique de la filière nucléaire.
Permettez-moi de rappeler que l'année 2022 a vu nos émissions de gaz à effet de serre baisser de 2,7 %. Compte tenu de la crise énergétique dans laquelle nous nous trouvions, il n'était pas si aisé que cela d'atteindre ce pourcentage. Les bâtiments ont baissé leurs émissions de gaz à effet de serre sur toute l'année de 15 %. On voit donc bien qu'il ne faut pas séparer efficacité énergétique et sobriété énergétique. C'est une façon d'aborder l'effet rebond, qui revient souvent dans les problématiques sur les politiques d'efficacité de rénovation thermique.
Depuis le Grenelle de l'environnement lancé par Jean-Louis Borloo, la France s'est fixé des objectifs ambitieux de rénovation énergétique. Pour y parvenir, l'État a déployé de nombreux dispositifs pour inciter les Français à rénover leur logement. Le crédit d'impôt transition énergétique (CITE), supprimé en 2020, marque un changement de philosophie majeure, sous le précédent quinquennat, avec la création de MaPrimeRénov'. L'aide était en effet mal ciblée, puisqu'elle bénéficiait à peu de ménages et plutôt aux ménages les plus aisés. C'est la raison pour laquelle nous avons pris la décision de repenser et de réorienter le dispositif vers les ménages les plus modestes.
Par ailleurs, le dispositif permettait des gains énergétiques et climatiques modestes - je pense notamment au changement de fenêtres. Le quinquennat précédent a permis des avancées structurantes pour répondre à ces différents écueils.
MaPrimeRénov, qui a été lancée en 2020, a permis de massifier des écogestes chez les ménages, avec plus de 1,6 million de projets de travaux engagés et aidés depuis 2020. Elle est plus juste, puisqu'elle a réorienté les financements à plus de 80 % en faveur des ménages modestes - 40 % de la population contre 10 % seulement avec l'ancien crédit d'impôt.
En matière de suivi qualitatif des opérations, la refonte du diagnostic de performance énergétique nous dote d'un outil plus solide pour évaluer réellement la performance environnementale du parc. C'est un indicateur fondamental pour appliquer le calendrier ambitieux de la loi Climat et résilience et éradiquer les passoires thermiques dans le parc locatif.
Nous avons aussi renforcé l'accompagnement, grâce au lancement, en début d'année 2022, du service public de la rénovation de l'habitat, France Rénov'. Cette marque unique, qui rassemble le réseau de l'Ademe et de l'Anah doit nous permettre d'offrir, partout sur le territoire un point d'entrée délivrant une information et un conseil de qualité sur les travaux et les aides mobilisables.
MaPrimeRénov' a eu aussi des résultats sur l'efficacité énergétique des opérations, puisque le dispositif a permis en 2021 une augmentation des économies d'énergie annuelle de l'ordre de 40 % par rapport au crédit d'impôt en 2019. L'impact carbone du dispositif est par ailleurs très positif : 90 % des systèmes de chauffage renouvelable installés se substituent au fioul ou au gaz. Nous nous y retrouvons donc au regard de notre objectif de décarbonation des logements.
Il faut d'ailleurs noter que l'objectif de réduction de notre consommation d'énergie et celui de réduction des gaz à effet de serre ne sont pas totalement convergents. Il faut donc avoir ces aspects à l'esprit lorsque nous arrêtons des politiques publiques.
Évidemment, nous pouvons aller plus loin. Maintenant que nous avons posé les bases de la structuration d'un service public unifié de l'habitat, nous voulons renforcer l'efficacité de cette politique, accélérer la réduction de la consommation d'énergie et la sortie des passoires thermiques. Je rappelle qu'un texte va nous y inviter très directement. Il s'agit de la directive sur la performance énergétique des bâtiments. Ce texte est actuellement en discussion, mais sa vision est alignée sur la loi française. Nous plaidons en ce sens. Cela signifie que nous sommes en train de créer, au-delà de la France, deux véritables filières européennes pour accompagner cette mutation. Ce n'est pas indifférent pour les politiques que nous menons.
La marche est haute. Vous l'avez rappelé, les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment se sont élevées à 75 millions de tonnes en 2021. Il faudrait atteindre 30 millions de tonnes en 2030, soit une baisse de plus de 60 %. C'est cette trajectoire qui est discutée dans le cadre de la SNBC, cadre dans lequel nous menons les concertations avec des sénateurs, des députés, des élus locaux et les filières.
Avec mes collègues Christophe Béchu et Olivier Klein, nous avons identifié plusieurs axes de travail. Il s'agit tout d'abord de fiabiliser le parcours des usagers en portant une attention particulière aux délais de traitement des dossiers. Même si les retards concernent moins de 2 % des 700 000 dossiers traités par an, ce sont quand même des milliers de dossiers en trop, et c'est surtout un bruit de fond négatif qui peut retarder le passage à l'acte des ménages français.
Une attention particulière doit aussi être portée aux dysfonctionnements de la plateforme, tout en demeurant intraitable sur les fraudes et les tentatives de fraudes. Il faut néanmoins avoir conscience de ce point de tension. On ne peut en même temps vouloir des contrôles toujours plus rapides et pointer l'existence d'arnaques et de fraudes. Il y a donc un juste milieu à définir.
Je souhaite également que nous accélérions le remplacement des 11 millions de chaudières à gaz et des plus de 2,7 millions de chaudières à fioul. La concertation que nous avons lancée hier doit permettre, avec les acteurs de la filière, de documenter les solutions alternatives en considération des enjeux environnementaux, mais aussi les solutions économiques, sociales, géographiques, car on n'a pas les mêmes solutions sur un territoire rural, au nord ou au sud de la France.
L'alternative à une chaudière au fioul ou à une chaudière au gaz n'est pas nécessairement l'électricité. On sait tous que la chaleur renouvelable est un levier particulièrement puissant, avec un coût d'abattement de la tonne carbone compétitif. Il est également possible de recourir à la géothermie. Ce n'est pas un gigantesque gisement, mais c'est quand même une énergie intéressante et permanente. Il ne faut donc pas se limiter à la seule solution de l'électricité.
Plus on anticipe, plus on laisse le temps aux filières industrielles et aux filières des services de s'organiser pour permettre ces changements lorsque la chaudière est hors d'usage. Ne pas remplacer du fossile par du fossile paraît assez naturel. On peut, à cette fin, recourir à des options d'accélération, un peu comme avec la prime à la casse pour les véhicules thermiques. Si on veut atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut anticiper ces sujets.
La peur n'excluant pas le danger, il nous semble important de poser le sujet de la manière la plus sereine possible et de tracer des perspectives ambitieuses d'accompagnement de la filière et des ménages.
Je souhaite enfin que nous intensifiions nos efforts sur le nombre de rénovations performantes au sens de la loi, c'est-à-dire celles qui permettent un gain énergétique de l'ordre de 50 %, en offrant surtout aux ménages vivant dans les passoires thermiques une réduction durable de leurs factures d'énergie. On en comptait 70 000 l'année dernière. Elles ont représenté 10 % des rénovations aidées par MaPrimeRénov' en 2021 et 2022. C'est beaucoup plus qu'avec le CITE, mais notre objectif est de tripler le nombre de rénovations en 2024.
On a multiplié par dix le nombre de dossiers de rénovation entre le début du précédent quinquennat et la fin de celui-ci. L'objectif est d'accélérer le mouvement en structurant les solutions et les filières pour que cela fonctionne.
Dans cette perspective, le Gouvernement entend structurer les aides autour de deux piliers dès 2024, pour plus de lisibilité et un meilleur ciblage des opérations, ainsi qu'une optimisation de nos ressources. Le pilier « performances » comprend des aides renforcées, avec un accompagnement obligatoire pour les rénovations d'ampleur et pour les passoires thermiques. Le pilier « efficacité » va permettre de réaliser des travaux dans les logements occupés autour de bouquets efficaces, en couplant la rénovation, l'isolation et le changement de chaudière, voire proposer un simple changement de chaudière dès lors que le bâtiment est récent et a des qualités d'isolation acceptables. Cela va permettre d'accélérer les choses. Il faut avoir à l'esprit que certains travaux ne peuvent se faire dans des logements occupés. Déménager pour six mois n'est pas simple.
Concrètement, nous allons nous appuyer sur plusieurs leviers structurels pour mettre en oeuvre ces deux évolutions. Nous devons renforcer l'attractivité des opérations de rénovation auprès des ménages en les accompagnant mieux. L'idée est de renforcer le conseil de proximité et l'accompagnement de bout en bout. On dispose aujourd'hui de 550 guichets physiques France Rénov'. Notre objectif serait d'en avoir un par intercommunalité, qu'il s'agisse d'un guichet dédié, d'une maison France services avec une personne formée ou d'un service de l'intercommunalité labellisé France Rénov'. On voit bien l'enjeu de ces contrats et l'importance de travailler main dans la main avec les élus locaux et les collectivités locales.
Un accompagnement technique neutre, fiable et de qualité est nécessaire. C'est le sens du dispositif Mon Accompagnateur Rénov'. Il s'agit de proposer aux ménages un interlocuteur de confiance qui les accompagne dans un projet de rénovation approfondi, car on sait que ce sont des projets plus complexes.
Pour les ménages les plus précaires, la Première ministre a acté, comme je le défendais, un « reste à charge zéro » en matière d'accompagnement. L'objectif est de créer un conseil de service public où l'on garantit qu'il n'y a pas d'interférence avec des intérêts favorisant tel type de technologie ou de travaux, ce qui permet de boucler l'ensemble du dossier dans sa dimension financière et technique.
Ce nouveau programme, qui est financé par les certificats d'économies d'énergie (CEE) portés par mon ministère, sera doté d'environ 300 millions d'euros. C'est l'estimation que nous en faisons aujourd'hui pour deux à trois ans.
Les niveaux de prise en charge pour les autres ménages seront précisés la semaine prochaine. Je vous confirme qu'ils resteront très importants, également pour les ménages dits modestes.
Je rappelle que nous avons engagé en mai une concertation avec les collectivités locales mobilisées sur les thématiques de rénovation et d'habitat pour garantir la bonne structuration de ce service sur le territoire. Nous aurons aussi besoin de capitaliser sur l'action et le volontarisme des collectivités locales, qui sont des partenaires financiers étroits de l'État et de l'Anah sur ces thématiques.
Nous devons en outre poursuivre notre travail pour rendre plus incitatives les aides et mieux les adapter à la situation des ménages, en particulier les plus modestes, d'abord en facilitant leur cumul. Il existe pour ce faire deux aspects structurants. Le premier est de faciliter le cumul de MaPrimeRénov' et des CEE. Or nous savons qu'ils ont été conçus avec des logiques différentes et qu'il n'est pas si simple de les empiler. Les critères sont donc différents. Il nous semble que ce n'est pas aux ménages - en particulier les plus modestes - de réaliser toute l'ingénierie financière et de remplir les dossiers. Cela peut constituer un rôle important de Mon Accompagnateur Rénov'. Je défends le couplage des aides CEE et MaPrimeRénov' au niveau de l'Anah.
Il convient par ailleurs de faciliter le financement du reste à charge grâce aux facilités bancaires. Sur ce point, il faut retravailler le financement et étudier tous les freins qui existent, qu'il s'agisse de l'éco-PTZ ou du prêt avance-rénovation. Le prêt bancaire vise notamment à prendre en compte la situation de surendettement, d'endettement ou la capacité de remboursement des personnes les plus fragiles. Si celles-ci se distinguent précisément par un revenu fiscal de référence qui ne leur permet pas de justifier du niveau de remboursement qui leur est demandé, le serpent se mord la queue. Il y a là un sujet d'accompagnement. Des dispositifs de garantie d'État ont été mis en place.
Je suis d'accord avec vous à propos de la notion de dignité que vous évoquez à propos du « reste à charge zéro ». Pour que cela fonctionne, il faut aussi que les ménages soient les acteurs de la rénovation, qu'ils choisissent leur niveau de confort. Ce projet leur appartient, mais il faut être conscient que certains de nos dispositifs ne sont pas activés parce que ces ménages ne remplissent pas les cases pour un prêt bancaire classique ou même renforcé. Peut-être faut-il d'ailleurs se poser la question de la façon dont on peut engager le financement sur la base des perspectives d'économies d'énergie. Je n'ai pas de réponse à ce stade, mais ce sont des éléments qu'il faut regarder plus précisément.
Nous devons ensuite travailler pour rendre les rénovations performantes plus incitatives que les aides monogestes, grâce à une évolution des barèmes qui rende plus intéressant le fait de réaliser trois ou quatre gestes plutôt qu'un simple changement de chaudière. C'est ce que je défendrai dans les discussions interministérielles dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. La Première ministre a indiqué hier que les aides à la rénovation performante augmenteront l'année prochaine.
Je pense qu'il peut être intéressant d'envisager un ticket modérateur pour s'assurer du sérieux des projets, mais j'invite chacun à regarder à quel point il s'agit de sommes considérables pour les ménages dont nous parlons.
Je renvoie ces sujets aux futures discussions budgétaires, mais également à la discussion avec les collectivités locales, qui sont nos partenaires financiers, en particulier pour accompagner les publics fragiles.
Il faudra évidemment intégrer dans cette approche les CEE gérées par mon ministère. Ils représentent environ 3 milliards par an pour le logement résidentiel. Dès 2024, ils permettront de financer la montée en puissance des rénovations d'ampleur avec Mon Accompagnateur Rénov'.
Enfin, la réalisation de rénovations performantes ne déprendra pas seulement des aides et de l'ingénierie financière. Il nous faut aussi plus de professionnels en mesure de proposer ces rénovations d'ampleur et des groupements d'artisans en mesure de le faire. C'est un point assez consensuel dans toutes les discussions que moi j'ai pu avoir avec le Parlement.
La seconde édition des Assises du bâtiment a vocation à identifier les freins, mais aussi les leviers à activer, comme les recrutements et les reconversions dans les métiers de la rénovation énergétique. Sur ces différents enjeux, on le sait, la mobilisation de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la Fédération française du bâtiment (FFB) sera déterminante. J'espère que les évolutions que nous apportons en matière de lycée professionnel, d'enseignement professionnel, de reconversion et tout le travail que nous réalisons en faveur de France Travail pourront alimenter la mise en place de ces filières.
Un dernier mot avant de conclure pour vous faire part du travail entrepris avec les ministres Attal, Grégoire et Barrot sur la lutte contre la fraude aux travaux de rénovation énergétique. Il est impossible, aujourd'hui, de naviguer sur Internet sans tomber sur des publicités agressives et peu crédibles sur la rénovation thermique. Chacun a en tête des exemples déplaisants de devis forcés, voire de vente forcée, de travaux mal réalisés ou de faux dossiers. C'est un sujet sur lequel nous devons être intraitables au regard des sommes que nous voulons mettre en oeuvre en plus dans cette politique et de la nécessaire confiance que doivent avoir nos concitoyens dans le système et la qualité des travaux menés.
On aura prochainement l'occasion de détailler ces mesures anti-fraudes et anti-arnaques. Elles sont d'autant plus utiles que, si l'on veut faire de l'« aller vers », il faut bien distinguer le vrai fonctionnaire qui appelle un ménage qui vit dans une passoire thermique du démarcheur qui est là pour placer des pompes à chaleur achetées en Asie.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement poursuit la montée en puissance de sa politique de rénovation de logements dans le but de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, notre consommation énergétique et éradiquer les passoires thermiques grâce à la mise en place d'un écosystème performant qui regroupe pouvoirs publics, professionnels du bâtiment, acteurs du financement et collectivités locales, qui seront absolument clés, notamment pour fournir la connaissance du tissu artisanal et de l'écosystème local afin d'aller plus vite.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Vous avez fait référence au prochain projet de loi de finances, dans le cadre duquel certaines mesures pourront bien évidemment être discutées, voire votées. Cependant, vous n'avez pas parlé de la loi pluriannuelle sur l'énergie à venir. Cela signifie-t-il qu'il y aura aussi dans cette loi des points qui concerneront cette politique de rénovation énergétique des logements ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Tout à fait, car vous l'avez souhaité. Je rappelle que la loi de programmation Énergie-climat doit contenir les objectifs de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment pour deux périodes successives de cinq ans, en cohérence avec l'objectif de disposer, à l'horizon 2050, d'un parc de bâtiments sobres en énergie, etc., via la mise en oeuvre d'un système stable d'aides budgétaires, d'aides fiscales de l'État, accessibles à l'ensemble des ménages et modulées selon leurs ressources. Il faut également tenir compte des spécificités territoriales liées notamment aux typologies d'habitation et aux conditions climatiques.
Les rénovations portent notamment sur les gestes à accomplir dans le cadre de travaux, les bouquets de travaux, ainsi que sur les rénovations énergétiques performantes et globales. Tout est déjà dans la loi Climat et résilience. Nous y travaillons. C'est l'un des objets du groupe de travail sur l'efficacité énergétique pour lequel nous vous avions sollicités.
M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Il est vrai que l'on pourrait être tenté, en matière de rénovation thermique, de changer d'équipement de chauffage et ainsi aller vers l'électrique pour décarboner. Comment faire pour ne pas tomber dans cette dérive ? Jusqu'à présent, on ne peut pas dire que l'on soit sur de la rénovation globale, mais plutôt sur des changements de chaudières.
J'entends bien que l'objectif est de se passer de tous les moyens de chauffage recourant aux hydrocarbures, mais le fait de se passer totalement du gaz pose aussi la question de savoir comment on aborde ce changement au niveau de chaque territoire. Il serait surprenant qu'on propose une pompe à chaleur plutôt que des chaudières à gaz lorsqu'il existe des projets de méthanisation.
Il en va de même pour les réseaux de chaleur : on a pu préconiser des pompes à chaleur lorsqu'il existe déjà un réseau de chaleur et qu'il aurait été plus logique d'intervenir à ce niveau. Est-il prévu de développer le fonds chaleur ? Dans les collectivités où existaient déjà un accompagnement et des plateformes de rénovation, les résultats sont intéressants et fluides. Attention à ne pas créer un nouveau dispositif et à ne pas revenir en arrière. Comment inscrivez-vous votre dispositif dans cette démarche locale ?
Le fait de disposer d'une maison France services par intercommunalité paraît intéressant. Encore faut-il que les collectivités en aient les moyens. Les maisons France services sont financées en grande partie par les collectivités. Ce biais local me paraît particulièrement important.
S'agissant du DPE, tout le monde se dit qu'il s'agit globalement d'un thermomètre plutôt intéressant, mais il faut l'améliorer. De quelle manière l'applique-t-on ? On avait tout à l'heure une table ronde avec les représentants des copropriétés. La question du DPE collectif est un vrai sujet. Comment faire en sorte de ne pas se retrouver avec des logements individuels qu'on ne peut plus louer et où le propriétaire ne peut rien faire ?
Par ailleurs, les accompagnateurs du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' vont faire partie d'un dispositif assez important. On n'a pas encore compris leur périmètre d'intervention. S'agit-il d'un simple accompagnement administratif - recherche de subventions, etc. ? On nous a parlé de missions de 150 à 200 euros.
On nous a aussi parlé d'un super accompagnateur qui suivrait la totalité de la mission avec une quasi-maîtrise d'oeuvre, pour des prestations de l'ordre de 2 000 euros ou 3 000 euros, ce qui n'est pas neutre pour les ménages modestes. Cela change aussi le rôle de l'accompagnateur.
S'agissant de la fraude, on trouve sur Internet des sites de toutes sortes, dont ceux d'Engie ou de Total, qui ne sont pas de petites entreprises et qui orientent leurs clients vers un changement de chaudière. Quelqu'un qui veut simplement faire des économies va être totalement exclu de tout accompagnement.
Le fait de généraliser le DPE permettrait une meilleure visibilité globale de l'ensemble des bâtiments et nécessiterait surtout d'en disposer pour toute demande de subvention, ce qui permettrait d'éviter d'être mal orienté et de se faire une idée des premiers travaux à réaliser.
Enfin, comment imaginez-vous l'harmonisation des CEE et de MaPrimeRénov' pour que les choses soient plus simples pour l'utilisateur et qu'il n'existe pas trop d'orientations différentes - combles à un euro, chaudières à un euro ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Tout d'abord, il n'est pas de notre intérêt de faire du « tout électrique », même si nous sommes très « électro-centrés » en France, a fortiori quand on a des réseaux de chaleur disponibles ou des projets de réseaux.
Vous avez mentionné le fonds Chaleur. Avec Christophe Béchu, nous sommes très clairs : aujourd'hui, le fonds Chaleur est l'outil qui fonctionne le mieux dans les projets de collectivités locales, les projets industriels ou les projets en faveur des ménages, comme le soutien à la géothermie. Plus de 900 millions d'euros de dossiers sont déposés. On était à 320 millions d'euros de crédit il y a deux ans. On est passé à 570 millions d'euros cette année, et cela ne fait qu'augmenter. Or ce ne sont pas de mauvais projets. Le coût d'abattement de la tonne carbone de ces projets est très compétitif. Ce sont des projets qui doivent être soutenus. On peut avoir des doutes sur certains sujets. Certains relèvent de la transition. Ce n'est pas le cas ici.
S'agissant de la méthanisation et des réseaux de gaz, parle-t-on de boucles courtes, qui peuvent inciter à conserver la même situation, ou d'injections dans le réseau ? Ce n'est pas tout à fait la même chose. Si l'on constate mécaniquement une diminution du recours au gaz, le coût du réseau de distribution sera supporté par un nombre toujours décroissant de personnes, avec un risque pour elles de ne pouvoir payer. Cela doit se faire en bon ordre et avec différents scénarios. C'est pourquoi j'invite à la vigilance et à se poser les bonnes questions tout de suite.
Toutefois, la pompe à chaleur hybride permet, dans des zones froides, d'avoir de l'électricité les trois quarts du temps et de faire face aux pics de froid grâce au bon dimensionnement du chauffage. Il n'y a donc pas de façon unique de faire.
De même, on peut pousser à la progression des renouvelables dans le réseau de chaleur, mais on ne peut changer de logique du jour au lendemain. Les Pays-Bas et l'Allemagne ont été amenés à revoir certains paramètres. Ceci est riche d'enseignements. Les filières industrielles sont très importantes pour nous. Beaucoup d'acteurs sont très bons en matière de chaudière gaz, mais ont déjà une offre de pompes à chaleur, comme Atlantic et autres producteurs français. Le marché européen va totalement décoller. Il faut faire en sorte que le basculement vers ce nouveau marché soit réalisé dans les temps pour que nos industriels puissent suivre et adapter leur appareil de production. Aujourd'hui, on a des produits de meilleure qualité que ce que l'on peut voir hors de l'Europe.
Pour ce qui est des collectivités locales, je suis totalement d'accord avec vous. Les maisons France services peuvent être remplacées par un point France services ou un guichet de la collectivité locale qui a déjà l'expérience et qu'on labellise France Rénov' à telle ou telle condition contractuelle. L'enjeu est d'avoir un point d'entrée France Rénov' dans toutes les intercommunalités, en utilisant les voies les plus évidentes dans le dispositif physique dont nous disposons, soit le guichet de l'intercommunalité, soit un guichet qui existe déjà mais qui n'est pas spécialisé en matière de rénovation, soit un guichet déjà spécialisé dans la rénovation. Il ne faut pas casser ce qui existe. On risquerait de retarder les politiques que nous portons.
S'agissant du diagnostic et du collectif, je pense qu'Olivier Klein et Christophe Béchu vous répondront plus directement sur ces sujets. Nous avons effectivement un plan d'action pour améliorer la qualité des DPE. Il s'agit de renforcer les compétences des diagnostiqueurs - sensibilisation, formation, meilleur outillage des organismes de certification des diagnostiqueurs et plus grand nombre de contrôles sur le terrain. Pour ce qui est des décisions collectives, il convient également de réfléchir aux modalités de prise de décisions en copropriété. Ce sont des points qui ont été déjà traités en matière de bornes de recharge.
Mon Accompagnateur Rénov' a bien une mission approfondie. Il s'agit plus de plusieurs milliers d'euros que d'une centaine d'euros. Ce dispositif comporte trois objectifs. Le premier consiste en un accompagnement technique - audit énergétique, recommandations de scénario de travaux, orientation vers des artisans reconnus garants de l'environnement (RGE) et aide à l'analyse des devis. Le deuxième objectif concerne l'accompagnement financier - aide à la mobilisation financière pour réduire le reste à charge, possibilité d'accompagnement administratif dans la réalisation des démarches.
C'est là qu'un travail est à faire en matière d'alignement des CEE et de MaPrimeRénov'. J'ai l'habitude de dire à mes équipes que les Français veulent des prestations. À nous de savoir de quel numéro de programme cela dépend et qui le gère. Ce devrait être totalement transparent du point de vue des ménages. C'est plus facile à dire qu'à faire mais c'est vers cela qu'il faut tendre.
J'ai fait une proposition qu'il faut approfondir. On dispose de données opérationnelles sur les logements. Grâce à Enedis et Gazpar, on connaît les consommations et le nombre de mètres carrés grâce aux fichiers fiscaux. Tout ce champ devrait être investigué pour sécuriser des parcours plus efficaces en termes d'objectifs et toucher les bonnes personnes.
Le troisième objectif de Mon Accompagnateur Rénov' est celui de l'accompagnement social dans les situations de précarité énergétique, d'habitat indigne ou de perte d'autonomie. Mon Accompagnateur Rénov' peut réaliser des missions supplémentaires.
Quant au DPE obligatoire, il peut aussi constituer un frein au passage à l'acte. Si vous rapprochez les données de consommation du nombre de mètres carrés, on est capable dans 90 % des cas, de pointer des écarts par rapport à la moyenne. Si on place la barre trop haut, on risque un refus d'obstacle. C'est pourquoi on cherche à positionner les politiques publiques au bon niveau.
M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Le DPE permet quand même de franchir l'obstacle.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Mais cela représente une étape de plus.
M. Jean-Pierre Corbisez. - Madame la ministre, vous avez parlé d'amplification, de massification et de rénovation énergétique performante. Il faudra cependant un chef d'orchestre pour organiser tout cela. Certains de nos collègues sont déjà intervenus dans l'hémicycle à propos du dossier informatique de MaPrimeRénov', qui constitue un véritable parcours du combattant. Ne faudrait-il pas mettre en place un pilote unique de façon à être vraiment efficace ?
Par ailleurs, les Pays-Bas ont reculé la date butoir de l'utilisation du gaz fossile pour des raisons financières. Quand le gaz vert va arriver, ceux qui sont déjà propriétaires d'une chaudière au gaz n'auront rien à faire pour changer de système. Or on reçoit tous les jours une publicité pour dire que la région des Hauts-de-France finance pour un euro une pompe à chaleur ou les panneaux photovoltaïques, etc. Beaucoup de gens modestes se font démarcher pour changer leur chaudière à gaz et passer à d'autres systèmes comme les pellets, la pompe à chaleur ou le photovoltaïque. Ne peut-on accélérer la production du gaz vert ?
Dans mon territoire, un des derniers grands groupes français, Atlantic, vient de sortir un modèle innovant de chaudière gaz-pompe à chaleur, qui est le meilleur système existant. Ce genre de projet a déjà des débouchés aux Pays-Bas, mais la mauvaise réputation des chaudières à gaz actuelles fait que les groupes industriels sont très inquiets sur leur avenir. Comment pourriez-vous intervenir pour éviter les publicités mensongères qui commencent à fleurir ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Pour ce qui est des acteurs, l'Anah est aujourd'hui le pivot de notre politique de rénovation thermique, mais va aussi accompagner les enjeux d'accessibilité, de vieillissement de la population et d'habitat indigne. C'est un pivot naturel qui a vocation à accompagner les personnes.
Avec Christophe Béchu, nous faisons le pari qu'il existe une voie pour contractualiser avec les intercommunalités qui y sont prêtes, même s'il faut les moyens, la structure, les personnes pour déléguer ces crédits de rénovation et permettre un accompagnement en toute confiance dans le cadre d'un cahier des charges précis.
Ce sont autant d'éléments qui ne sont pas négligeables et qui peuvent permettre des passages à l'acte. Il faut effectivement mettre en oeuvre toutes les ressources disponibles en matière d'information et de données. Je pense qu'on ne va pas suffisamment loin aujourd'hui dans ce domaine. On touche à l'intime et la nature de l'accompagnement reste essentielle.
S'agissant du gaz vert, de quoi parle-t-on ? On parle de 480 TWh de gaz fossile. De façon très caricaturale, notre mix énergétique comporte 500 TWh de carburant, 500 TWh de gaz, 500 TWh d'électricité. La capacité à injecter du biogaz dans le réseau est aujourd'hui de 10 TWh, soit 2 %.
La biomasse disponible - biocarburants, biogaz, alimentation d'un certain nombre de réseaux, etc. - sujet sur lequel nous travaillons avec Marc Fresneau, a par construction trois priorités : nous nourrir, nourrir les animaux d'élevage et préserver le puits de carbone. On est donc dans une équation qui n'est pas simple. Il faut cesser de penser qu'il suffit d'attendre que le gaz vert arrive pour enlever et remettre la prise. Ce ne sera pas si simple. On aura la faculté de le faire dans certains endroits déterminés, mais on aura à chaque fois une question de priorité des utilisations entre biomasse, biométhane et alternatives.
Notre objectif est d'utiliser la biomasse en fonction de son adéquation, en commençant par l'alimentation et en sécurisant les besoins pour lesquels il n'existe pas d'alternative décarbonée. On sait par exemple que la haute température n'offre pas tant d'alternatives et que le biogaz, pour l'industrie, n'est pas totalement une ineptie.
En revanche, dans une maison de ville, il faut peut-être privilégier le réseau de chaleur, la pompe à chaleur classique ou recourir à la géothermie, comme à Nice, par exemple. Notre ambition, au travers de la planification énergétique, est d'amener tous les territoires à se poser ces questions. Quelles sont les énergies les plus accessibles compte tenu de la géographie, quels sont les problèmes les plus criants ? La réponse est multifactorielle.
Nous sommes garants des grands équilibres nationaux. On ne fera jamais 500 TWh de biogaz. C'est faux ! Il ne faut pas mentir. En revanche, il serait bon d'arriver à produire autour de 50 TWh. La filière existe. Elle est quasiment intégralement française. On a les compétences. Il faut maintenant lever les obstacles. C'est ce que je fais en signant des textes sur les arrêtés tarifaires relatifs au biogaz, etc. Le gaz de mine sera une réponse à certains territoires du Pas-de-Calais, mais seules dix communes peut-être pourront en bénéficier.
Quant à la publicité, je pense qu'il s'agit d'un problème majeur. Jean-Noël Barrot a introduit tous les outils dans son projet de loi sur la fraude et les sites Internet. Il faut les utiliser, de même qu'il faut utiliser SignalConso de la DGCCRF et probablement être drastique quant à toutes formes de démarchage.
J'avais porté la loi interdisant le démarchage téléphonique sur la rénovation thermique. Cela a été extraordinairement efficace, on le voit, puisque nous continuerons tous à être démarchés, jusque sur notre téléphone portable ! Nous constatons, comme sur beaucoup de sujets où on retrouve de l'argent public, qu'il existe des schémas de fraude internationaux qui relèvent du grand banditisme. Gabriel Attal a entamé un grand cycle sur les fraudes aux aides publiques. Nous nous sommes dit que c'est un objet qui mérite d'être traité.
M. Michel Dagbert. - Ma question concerne l'« aller vers », notamment pour les gens en précarité énergétique. Ils sont aussi bien souvent en précarité tout court. Parfois, franchir le pas, passer au guichet ou aller à la rencontre des accompagnateurs peut représenter une difficulté.
On a évoqué le concours que pourraient apporter un certain nombre de collectivités. On a déjà vu des collectivités régionales ou départementales s'engager. Pour autant, elles ont parfois elles-mêmes un patrimoine assez conséquent. Les départements ont bien sûr les collèges, mais aussi des partenaires dans la sphère médico-sociale. Un département comme le mien compte 115 foyers-logements qui datent des années 1970-1975.
Nous intervenons auprès d'associations qui accueillent des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) et qui les hébergent dans de grandes maisons de maître, qui ont des plafonds très hauts et sont très mal isolées. Le département risque donc d'être également sollicité par ces associations lorsqu'elles vont devoir améliorer le confort des enfants qu'elles accueillent, mais aussi leurs factures d'énergie.
M. Pierre Médevielle. - Madame la ministre, on a beaucoup parlé du résidentiel. Pensez-vous qu'il existe des solutions spécifiques pour les bâtiments tertiaires ? Ne souffre-t-on pas d'un problème de réactivité ? D'autres pays mettent en oeuvre des solutions simples qui pourraient être appliquées en France, me semble-t-il. Je pense à un exemple que nous avons vu dans un salon à Tel-Aviv. Il s'agit d'un bâtiment tertiaire qui est construit alternativement avec des panneaux pleins d'eau et des panneaux pleins d'huile. C'est simple comme la joie et fonctionne avec des panneaux photovoltaïques. L'été, on glace l'eau, l'hiver, on chauffe l'huile, et c'est autonome.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Concernant les bâtiments publics, qu'il s'agisse des bâtiments de l'État, des bâtiments des collectivités locales ou des bâtiments tertiaires, il faut un véritable travail de fond qui parte de la sobriété. Quels bâtiments et quels mètres carrés conserve-t-on ? La première façon de compacter nos émissions de CO2 dans le bâtiment, c'est d'avoir moins de mètres carrés. Pour les bâtiments tertiaires, ce n'est pas complètement indifférent, car il existe un gisement en la matière.
Vous mentionnez des logements dans des bâtiments qui n'ont pas été conçus pour cela initialement. Ne faut-il pas trouver d'autres lieux pour accueillir ce type de personnes ? Je vois très bien à quoi vous faites référence.
Il faut aussi des budgets. Avec Christophe Béchu, nous poussons pour une augmentation du fonds vert et une allocation pour la décarbonation des bâtiments publics, avec une trajectoire. Les directives européennes sur les bâtiments publics fixent des objectifs plus élevés que dans le privé, auxquels on a un peu de mal à échapper. Il vaut donc mieux s'en préoccuper en 2023, plutôt que se réveiller en 2028 avec un sentiment d'inachevé.
S'agissant de la question du « aller vers », la précarité énergétique n'est pas nécessairement la précarité tout court. Un ménage peut avoir des revenus moyens, entre 1 600 euros et 1 700 euros par mois par personne, mais vivre dans une passoire thermique et payer une facture énergétique totalement décalée par rapport au nombre de mètres carrés qu'il occupe. Les fins de mois sont difficiles malgré une situation salariale stable, dans la fonction publique, etc.
Il faut aller au-devant de ces situations. C'est pourquoi j'interroge le sujet des données de consommation d'énergie. Nous avons - et il faut en être fier - le réseau de distribution électrique le plus digitalisé au monde. Il est classé en première position par les experts de Singapour. La qualité de nos données n'a pas d'égal dans le monde, logement par logement. Il faut l'utiliser, et il est dommage qu'on ne soit pas allé jusqu'au bout.
De même, je pense qu'on pourrait demander aux énergéticiens de réaliser des alertes pour indiquer aux consommateurs que leur facture est un peu élevée par rapport à leur logement et leur remettre le numéro vert de France services ou leur proposer un rendez-vous téléphonique, le sujet étant de séparer le bon grain de l'ivraie. Plus on fera d'« aller vers », plus on remédiera au problème du démarchage agressif pour placer des pompes à chaleur ou autres et réaliser des travaux de mauvaise qualité.
C'est pourquoi je pense que le rôle des collectivités locales est le meilleur pour sécuriser le trajet. On connaît son maire, on connaît les services, sauf dans les très grandes villes : on est donc sûrs des personnes entre les mains desquelles on remet le destin de son logement.
Quant aux bâtiments tertiaires, vous avez mentionné une technique que je ne connais pas. Vous me l'expliquerez en aparté.
Nous faisons la différence entre les surfaces de plus de 1 000 m2 et de moins de 1 000 m2. Dans le cas des surfaces de plus de 1 000 m2, nous considérons qu'on a affaire à des acteurs raisonnablement structurés, qui se sont déjà emparés du décret sur le tertiaire. Les données de consommation sont récupérées par une plateforme qui mérite d'être fiabilisée. C'est la première année qu'elle est à notre disposition. Elle va nous permettre de suivre la réalité des données de consommation et réaliser des rapprochements et des sollicitations.
Il me semble que la loi Climat et résilience comporte une sanction administrative qui doit être, de mémoire, de 7 000 euros par bâtiment. Ce n'est pas considérable. Pour un grand groupe logistique ou un grand magasin, ce n'est pas une incitation à passer à l'action. Si on fait payer la réalité des émissions de CO2 par rapport au prix ce celui-ci, je pense que la prise de conscience sera plus forte. Cela permet aussi d'éviter les « passagers clandestins ». Là encore, ce sont des idées pour l'après 2030. On a encore le temps de préciser la stratégie.
Il faut ensuite accompagner les surfaces de moins de 1 000 m2 et de moins de 500 m2 - cordonniers, boulangers, commerçants - dans leurs obligations au regard des décrets. Olivia Grégoire et Christophe Béchu montent un portail sur la transition écologique à destination des PME recensant les aides et les obligations. Voilà le type d'outils que l'on met en place, mais il est clair qu'il va y avoir un accompagnement avec une granularité qui n'est pas tout à fait la même pour les 5 000 entreprises aujourd'hui structurées pour faire face et les 2 millions d'entreprises pour lesquelles il va encore y avoir quelque chose à faire, qu'on doit accompagner et auprès desquelles on doit faire de la pédagogie. Qu'y a-t-il à gagner dans tout cela ? De moindres factures, des aides. Le sentiment de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique est quelque chose à valoriser vis-à-vis de ces acteurs mais, là encore, c'est plus facile à dire qu'à faire.
Mme Amel Gacquerre. - Madame la ministre, on ne peut parler du défi majeur de la rénovation énergétique sans parler des besoins massifs de compétences dans les métiers du bâtiment. Comme dans d'autres secteurs, l'activité de la rénovation énergétique fait face à la problématique de la main-d'oeuvre disponible et qualifiée, en particulier de personnes nouvellement diplômées dans les métiers de rénovation thermique, qui demandent des compétences spécifiques.
L'Anah estimait à 150 000 recrutements nécessaires pour renforcer ce marché d'ici 2024, et ce dans tous types de métiers. Une grande partie des besoins vise notamment les métiers de l'artisanat - maçons, couvreurs, menuisiers -, professions recherchées à qui on demande de nouvelles compétences, l'usage de nouveaux matériaux, de nouvelles techniques, et des connaissances en termes de réglementation. C'est un point essentiel qu'il faut aborder.
Un autre enjeu réside dans l'attrait de ces métiers auprès de nos jeunes. Peut-on dire que les formations initiales sont suffisantes ? Intègrent-elles les enseignements adaptés à ces enjeux ? Souvent, les professionnels que nous rencontrons nous disent qu'ils doivent former ces jeunes sur le terrain.
Y a-t-il enfin un effort massif en matière de formation et de recrutement ?
Mme Daphné Ract-Madoux. - Madame la ministre, je voudrais revenir à l'élargissement par rapport aux objectifs de 2050. L'effort à réaliser va être considérable. Cela passe par une transformation de la consommation et de la sobriété qui, avec la hausse du coût de l'énergie, a été contrainte pour un certain nombre de personnes et même de collectivités. Il faut arriver à pérenniser ces baisses. On voit qu'après une rénovation globale, on perd ses habitudes de sobriété. Il y a donc un véritable enjeu sur cette question.
Je reviens sur la précarité d'été, trop peu prise en compte et sous-évaluée dans les réflexions, jusque dans le formulaire et l'accompagnement de MaPrimeRénov'. Il est extrêmement important de l'accompagner.
Mon dernier point concerne les agences locales de l'énergie et du climat (Alec). Nous en avons un certain nombre dans l'Essonne, et cela fonctionne extrêmement bien. Elles permettent de bénéficier d'un tiers de confiance et d'être accompagné. C'est une des clés de la rénovation globale.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Pour ce qui est des compétences, on est en train de mettre le doigt sur un élément essentiel : la transition énergétique va produire des besoins dans des métiers bien rémunérés, qui constituent autant d'opportunités pour nos territoires. Je pense que c'est aussi sous cet angle qu'il faut le présenter. On le voit bien dans la filière nucléaire.
Vous avez mentionné le chiffre de 150 000 recrutements nécessaires en matière de rénovation thermique. C'est probablement du même ordre pour les énergies renouvelables. Je n'ai pas encore le chiffre. On parle d'emplois à tous les niveaux, de formations qui ne sont pas réservées à tel type de catégorie, mais qui sont des bacs pros, des bacs pros + 2, des techniciens, qui peuvent ensuite avoir de beaux parcours et être salariés ou à leur propre compte. Il y a donc différentes possibilités pour construire une carrière professionnelle dont on aura besoin sur tout le territoire.
Ce sont des opportunités extraordinairement importantes. C'est important de les valoriser, au moment où certains voudraient nous faire croire que la transition énergétique se fait contre les classes populaires, au détriment des plus pauvres : c'est un avenir que l'on construit pour nos jeunes.
Comment s'y prendre concrètement ? Je l'ai indiqué : il faut mobiliser les acteurs de la formation initiale, en passant par la formation continue et la reconversion. Les régions ont un rôle important à jouer, vous êtes bien placés pour le savoir. On a besoin de mobiliser la filière du bâtiment. C'est tout l'enjeu des deuxièmes Assises du bâtiment. Nous avons demandé à la Capeb et à la FFB de travailler sur des propositions sur la manière de construire ces filières, notamment en termes de formation initiale et de formation continue des professionnels, en vue d'une meilleure qualité des travaux. Il faut à la fois traiter le flux, mais aussi le stock, qui n'a pas été formé à ces nouvelles technologies ni à ces enjeux.
Dans le lycée professionnel Salvador Allende de Béthune, dont la proviseure est Séverine Gosselin, que vous connaissez bien, les sections qui font le plein aujourd'hui sont des sections qui gravitent autour de la transition énergétique, du génie électrique, etc. - pose de panneaux photovoltaïques, systèmes électriques. C'est un élément attractif pour les jeunes.
Il faut, dès la 5e, présenter les métiers, les perspectives, alors qu'il n'y a pas encore d'enjeu afin, en arrivant en 3e, d'expérimenter une journée ou une semaine pour voir comment cela se passe. C'est comme cela que le lycée fonctionne.
Il faut aussi faire sauter l'obstacle de jeunes qui ne veulent pas aller en mécanique parce que c'est à 10 kilomètres de la maison et qu'ils préfèrent faire BTP, qui est à 5 kilomètres, alors qu'ils peuvent y aller à vélo ! En outre, ce n'est pas si mal desservi.
Il faut mettre ces métiers qui participent à la lutte contre le réchauffement climatique en valeur dans Parcoursup, expliquer que chacun est partie prenante d'un projet collectif, celui de rendre notre planète plus vivable.
À l'autre bout de la chaîne se trouve l'emploi des seniors, dont il me semble que le rôle est aussi essentiel en termes d'accompagnement et de transmission. Peut-être ne sont-ils pas formés à la rénovation thermique, mais ils connaissent les bonnes attitudes. On peut même penser à du cumul emploi-retraite. Il faut jouer sur les deux tableaux, sur les reconversions, mettre en place les filières.
Ce qui nous manque aujourd'hui, ce sont les structures de formation. J'observe qu'on commence à avoir un switch - je le vois sur le nucléaire, notamment dans les formations supérieures -, avec de plus en plus de candidats que de places. En termes d'attractivité, les choses sont en train de bouger, mais il faut les accompagner.
Vous ne pouvez demander à un jeune qui n'a aucun modèle dans sa famille de ne pas avoir des préjugés sur les métiers en question. Cela se travaille dès la 6e et la 5e. Cela se travaille aussi avec les parents d'élèves. Cela se travaille enfin avec le corps enseignant, qui n'a pas nécessairement été exposé à ces métiers. La proviseure du lycée professionnel de Béthune me disait combien il était important de faire venir les enseignants et le corps enseignant des établissements à caractère général pour leur montrer comment cela se passe.
Rien de pire qu'une orientation par défaut parce que, géographiquement, c'est plus proche de la maison, ou parce qu'on a été mauvais en maths pendant toute l'année, alors que ce n'est pas le sujet.
Madame la sénatrice Ract-Madoux, vous avez raison de pointer du doigt le fait qu'il faut coupler efficacité et sobriété. Ce n'est pas encore évident. J'aimerais qu'on arrive à mettre en place des contrats de performance qui permettent de valoriser la réalité de la diminution de la consommation d'énergie, à la fois comme modèle de financement, mais également comme engagement pour finaliser, par exemple, le paiement du soutien. Cela permet aussi de former les ménages à l'utilisation de l'équipement.
Concernant la précarité d'été, nous allons, dans le cadre de l'acte 2 du plan de sobriété, élaborer un volet sur les bons gestes, à la fois dans le bâtiment et également par rapport aux carburants, notamment avec la question de la climatisation, que la loi a traitée, puisque nous ne sommes pas censés démarrer la climatisation à moins de 26 degrés.
Beaucoup d'éléments existent, dont la question de l'adaptation au changement climatique. Dans les écoles, le plan comporte un volet été afin d'éviter que les enfants aient 35 degrés dans leur salle de classe et que cela gêne leur travail.
Quant au conseil de service public, c'est tout le sujet de Mon Accompagnateur Rénov'. Il s'agit d'avoir un conseil neutre qui puisse permettre d'établir une relation de confiance avec les ménages. Je partage donc votre point de vue sur le fait que ce service public doit être renforcé. C'est ce que nous faisons.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci, madame la ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Audition de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous achevons la semaine prochaine nos travaux sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, que nous avons entamés fin janvier. Nous avions commencé par l'audition de l'ensemble des ministres qui, depuis 2012, ont eu en charge les portefeuilles de la transition écologique, de la transition énergétique ou du logement.
Monsieur le ministre, nous venons d'auditionner Mme Agnès Pannier-Runacher. Nous allons à présent vous entendre avant de recevoir, la semaine prochaine, le ministre du logement, Olivier Klein.
Vous occupez cette fonction depuis juillet 2022. Auparavant, vous avez eu de nombreux mandats électifs, et plus particulièrement ceux de maire d'Angers, de 2014 à 2022, de sénateur, de 2011 à 2017, de président du Conseil général de Maine-et-Loire de 2004 à 2011, et de député européen de 2009 à 2011.
Nous avons demandé à tous vos prédécesseurs depuis les dix dernières années de tirer un bilan de la politique publique de rénovation énergétique, des freins qu'ils ont pu constater et des améliorations préconisées pour améliorer à la fois l'efficacité de cette politique et son pilotage, au niveau ministériel, mais aussi au niveau administratif.
J'aimerais également connaître votre réponse à cette question, à l'exception du bilan, puisque vous avez pris récemment vos responsabilités ministérielles.
Nous avons entendu un grand nombre d'acteurs de la rénovation énergétique. Le sujet de la confiance est ressorti très souvent de ces auditions. Face aux fraudes, face aux malfaçons, à l'instabilité normative, comment peut-on redonner confiance dans la politique publique de rénovation énergétique ?
Seriez-vous favorable à une plus grande mutualisation des contrôles de chantiers de rénovation, ainsi qu'à une évolution vers une conditionnalité des aides à des contrôles a posteriori ?
Le dispositif Mon Accompagnateur Rénov', qui va se mettre en place à partir du 1er septembre et qui permettra à des acteurs privés d'accompagner les ménages dans leur parcours de rénovation énergétique ne risque-t-il pas de renforcer ce manque de confiance ? Ne faudrait-il pas plutôt s'appuyer sur le réseau d'accompagnement public existant, qui revêt un gage de neutralité évident, et qui est très souvent mis en place par les collectivités ?
Les personnes entendues nous ont également soumis de nombreuses propositions. Que pensez-vous de l'idée d'une loi de programmation pluriannuelle de la rénovation énergétique pour permettre aux ménages, mais aussi au secteur, de disposer d'une plus grande visibilité ?
Vous avez été pendant de nombreuses années élu local. Comment comptez-vous parvenir à une plus grande association des collectivités et des acteurs locaux à la mise en oeuvre des politiques publiques de rénovation énergétique ?
Aujourd'hui, même les antennes locales de l'Anah n'ont aucune prise sur MaPrimeRénov' pour aider nos concitoyens qui sont souvent perdus ou en attente de réponses, et qui risquent donc de se décourager. Ne faut-il pas également remettre les entreprises artisanales de nos territoires au coeur de cette politique en débloquant leur accès au label « reconnu garant de l'environnement » (RGE) ?
J'aimerais également que vous reveniez sur le Conseil national de la transition écologique, le 22 mai dernier, présidé par Mme la Première ministre, durant lequel l'interdiction des chaudières à gaz, dans la lignée de celle des chaudières au fioul, a été annoncée. Pourriez-vous revenir sur cette mesure ? Nous identifions deux potentiels effets de bord. D'une part, une telle mesure peut encourager le changement des systèmes de chauffage au détriment de l'isolation des logements. D'autre part, une électrification accélérée des chauffages interroge sur la capacité des réseaux d'électricité à faire face à une telle évolution. Quelles réponses pouvez-vous apporter à ces deux craintes ?
Enfin, comment ne pas évoquer la réelle déception, à l'issue du Conseil national de la refondation sur le logement, au regard du travail fourni par le groupe consacré à la transition écologique des logements ? Renouveler les annonces sur le déploiement de France Rénov' et de Mon Accompagnateur Rénov' ou indiquer une mesure technique sur le prêt avance rénovation, dont pas plus d'une centaine a été accordée à ce jour, nous semble vraiment peu de choses.
Quant à porter le nombre de rénovations performantes à 200 000 en 2024 grâce au renforcement de MaPrimeRénov', c'est bien, mais c'est une ambition sans guère de perspectives aujourd'hui, alors que la stratégie nationale bas-carbone en programmait plus de 500 000 en moyenne et 700 000 dans les années à venir.
Avant de vous laisser la parole pour répondre à ces premières questions, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet du Sénat et qu'un compte rendu sera publié.
Je dois également vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois ans à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende à 100 000 euros d'amende.
Je vous invite donc, monsieur le ministre, comme pour toute commission d'enquête, à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Béchu prête serment.
Je vous laisse la parole avant que notre rapporteur et nos collègues puissent vous poser un certain nombre de questions complémentaires.
M. Christophe Béchu, ministre. - En vous écoutant, je me demande si je vais vous infliger une intervention ou si je ne vais pas tout de suite répondre aux questions que vous me posez.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Cela nous convient très bien.
M. Christophe Béchu, ministre. - Comme l'a sans doute dit Agnès Pannier-Runacher, MaPrimeRénov' a peut-être des défauts, mais elle a le mérite d'exister. 1,5 million de rénovations ont eu lieu, des dispositifs de lutte contre la fraude se sont mis en place et il existe des réflexions sur la manière de les intensifier.
Tout d'abord, je me réjouis qu'on prenne le temps de se pencher sur ce qui est un des principaux leviers de la planification écologique. On sait qu'un certain nombre de transformations provoquent des irritants parce qu'elles conduisent à des changements de comportement ou à des alourdissements de frais qui fragilisent une partie de nos concitoyens, les interrogent et les font assimiler la transition écologique à un prétexte pour augmenter les impôts et faire en sorte de restreindre un certain nombre de libertés.
La rénovation est sans doute le lieu où on peut concilier quelque chose qui est bon pour la planète, bon pour l'emploi et pour les retombées économiques, mais également pour le pouvoir d'achat, en faisant en sorte de diminuer une partie des factures qui y sont liées.
C'est donc un combat qui est aussi consensuel que l'est le photovoltaïque en matière d'énergies renouvelables, non que je souhaite pointer des domaines qui le seraient moins, mais nous savons que le chemin de la transition écologique nécessite une certaine ampleur dans la baisse de nos émissions. Or certains domaines de la transition écologique sont plus irritants que d'autres. Cela ne veut pas dire que tout est simple - vous avez parlé des chaudières à gaz, et je vais évidemment répondre à votre question -, mais on sent bien qu'il existe un domaine dans lequel on peut faire en sorte que la transition écologique au sens large ne soit pas seulement une occasion d'affrontement. On en a profondément besoin à bien des égards.
Cette politique de rénovation énergétique comporte un angle mort, celui des bâtiments publics. On a globalement un dispositif qui a été conçu pour les particuliers, avec ses avantages et ses défauts, mais il n'y avait rien auparavant - ou très peu de choses - pour les autres bâtiments. En parallèle, un milliard de mètres carrés abritent des bâtiments tertiaires. Environ 40 % relèvent des collectivités locales et de l'État, avec des dispositifs qu'on doit faire monter en puissance en termes de rénovation énergétique.
La rénovation est le premier motif de demande de fonds vert à l'échelle des collectivités locales. Lundi dernier, nous étions à 12 116 dossiers déposés, dont environ 4 800 portant sur la rénovation thermique de bâtiments. Si vous ajoutez à cela un peu plus de 2 000 dossiers concernant les réseaux d'éclairage public, environ 50 % des collectivités ont déposé un dossier.
Le tiers financement est une première réponse. Le texte qui a été voté à l'unanimité par le Sénat et l'Assemblée nationale fait l'objet de décrets d'application depuis quelques jours. Nous essayons de tirer de cette loi un mode d'application simplifiée pour les collectivités locales en faisant travailler le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) sur une fiche-type. Nous allons réunir quelques collectivités de divers niveaux - départements pour les collèges, villes pour plusieurs bâtiments - de manière à tester le dispositif et à étudier comment ce levier complémentaire au dispositif et aux aides pourrait être mis en place.
Il faut évidemment ne pas oublier les dispositifs collectifs, comme le fonds Chaleur de l'Ademe qui permet, indépendamment de tous les gestes de particuliers, de proposer des solutions d'évolution énergétique puissantes afin de conduire une politique à la fois écologique et sociale.
Une de mes fiertés en tant que maire d'Angers est d'avoir lancé deux réseaux de chaleur dans les deux quartiers de la politique de la ville où nous réalisions le tram, en profitant des trous dans les rues causés par l'arrivée des rails pour poser des canalisations permettant, dans un quartier composé à 66 % de logements sociaux et un autre à 52 %, de bénéficier de réseaux de ce type.
Vous m'avez posé un certain nombre de questions précises, et je vais faire en sorte d'y répondre autant que possible.
Je commencerai par la plus stratégique, qui porte sur l'intérêt qu'il y aurait à bénéficier d'une loi de programmation pluriannuelle de la rénovation.
La stratégie nationale bas-carbone est complétée par une programmation pluriannuelle de l'énergie. La loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) doit comporter un volet sur la rénovation énergétique. Plutôt qu'une loi de programmation proprement dite, je pense que le Parlement doit s'assurer que cette dimension est bien prise en compte.
Le rapport Pisani-Ferry est d'ailleurs très explicite sur le fait que la rénovation sera l'un des domaines où l'argent public devra être mobilisé dans les années qui viennent. Il y aurait une vraie logique, dans la continuité de tous ces rapports, à faire en sorte de s'assurer qu'il existe une déclinaison dans la LPEC dédiée à la rénovation énergétique.
Je relie ce sujet à la question des chaudières...
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Qui n'a pas fini de faire parler !
M. Christophe Béchu, ministre. - Qui va commencer à faire parler, jusqu'au 28 juillet...
Ce qui a été posé, c'est le lancement de la concertation sur les perspectives que nous avons. Nous sommes globalement à un peu plus de 25 % de baisse de nos émissions par rapport à 1990. Le chemin qui nous reste à parcourir est équivalent à celui qu'on a déjà fait. Tenir cette ambition en 2030 suppose de doubler le rythme.
La planification consiste à prendre les 408 millions de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre que nous avons au 1er janvier 2023, à regarder les 270 millions de tonnes auxquels nous devons être à la fin de l'année 2030 et nous demander comment aller chercher la diminution secteur par secteur.
Je ne sais si ce travail vous avez été présenté dans sa vision globale, mais quand on regarde les choses en détail, on s'aperçoit que ce qui est aujourd'hui majeur dans les émissions du secteur hors construction, ce sont les émissions liées aux énergies fossiles, le gaz pour beaucoup, le fioul énormément.
Tenir la trajectoire veut dire globalement être en capacité de baisser de manière continue le nombre de chaudières au fioul dans ce pays. De ce point de vue, le mécanisme est enclenché. On atteint depuis le milieu du dernier quinquennat approximativement 180 000 à 200 000 remplacements de chaudières par an. Pour tenir le rythme fixé par la planification, il faudrait être aux alentours de 300 000 remplacements, ce qui ne nous semble pas inatteignable.
La question de la chaudière à gaz est différente. Vous avez pointé deux risques : j'en ajoute un troisième. Vous attiriez l'attention sur le fait qu'on pourrait ne plus se préoccuper d'isolation pour se concentrer sur le mode de chauffage et sur la capacité de notre système électrique à faire face à cette évolution. Nous sommes plutôt compétents en matière d'installation et de production de chaudière à gaz. Les pompes à chaleur sont, en matière de chauffage, ce que les voitures électriques sont aux voitures thermiques, avec une domination chinoise sur une partie de ce secteur. À une nuance près : il y a d'excellents fabricants, en particulier dans l'Est de la France, qui sont en train de monter en puissance et en gamme. On a déjà une filière européenne - en particulier polonaise - relativement forte, mais je nous invite à intégrer, dès la planification écologique de l'évolution des chaudières à gaz, ce que nous sommes en train de faire pour les voitures, c'est-à-dire la modification de certains critères.
Personne ne peut contester le fait que, si l'on veut baisser nos émissions, il nous faut diminuer la part de gaz naturel dans nos intérieurs. En revanche, on sait qu'on a quelques angles morts, comme les bâtiments collectifs. À partir d'une certaine puissance, la pompe à chaleur ou la biomasse ne suffisent pas, et il nous faut une part de gaz. Cette réalité nous incite à ne pas exclure le biogaz de l'équation. On en a besoin dans le mix énergétique. Il faut faire preuve d'humilité, surtout avec l'hiver qu'on a vécu.
La hauteur de la marche liée à l'électrification est forte. Les changements de motorisation et d'énergie ne doivent pas nous faire oublier que sobriété et efficacité énergétiques sont toujours les premiers leviers sur lesquels il faut jouer. Paradoxalement, isoler un logement pour diminuer la quantité d'énergie dont on a besoin est toujours pertinent avant de changer une chaudière, de manière à ne pas trop tirer sur le secteur.
Vous avez évoqué Mon Accompagnateur Rénov' et l'appui des collectivités locales. Dans ce domaine, je pense qu'il faut aller plus loin dans la décentralisation et la déconcentration. Ma conviction est que, sur le modèle de la délégation des aides à la pierre, qui fonctionne, où l'État transfère les crédits et les objectifs, nous gagnerions à nous appuyer sur les collectivités volontaires pour mettre en oeuvre MaPrimeRénov'.
Je ne dis pas que c'est une position qui est partagée par tout le monde, mais, pour la cohésion des territoires et la transition écologique que je représente, le maire ou le président de l'intercommunalité - parce qu'il est vraisemblable qu'il ne faille pas descendre à un niveau municipal pour une compétence de ce type - est le tiers de confiance qui peut rassurer celui qui cherche une aide pour rénover son logement et fiabiliser le processus de recrutement des accompagnateurs. On peut être certain qu'il veillera à ce que ceux qui sont enregistrés dans une commune de taille humaine soient capables d'accompagner leurs concitoyens, une part de service public pouvant remplacer ou accompagner ce qui se fait. La tendance naturelle pour tenir les objectifs sera d'ajouter un peu de moyens ou assurer davantage de communication pour que les choses fonctionnent.
La délégation des aides à la pierre, aujourd'hui, fonctionne avec un double standard : la possibilité d'une prise de compétence départementale et la possibilité pour les agglomérations de plein droit de demander la compétence, les deux systèmes pouvant cohabiter dans certains départements ou dans des endroits, au contraire, où aucun des deux niveaux de la collectivité n'a pris la responsabilité. Je pense que ce serait un bon système qui nous permettrait de réaliser une partie de la quadrature du cercle, qui répond à la question de savoir si le réseau public ne serait pas plus efficace que celui des accompagnateurs, et dans quelle mesure les collectivités devraient s'engager.
Enfin, vous avez évoqué la conditionnalité des aides. Je ne vais pas dire qu'on est passé d'un standard à l'autre, mais on est passé globalement d'un dispositif où on traitait beaucoup d'aides, et où on s'est demandé tout d'un coup s'il n'existait pas un risque de fraude important, à un dispositif dans lequel la mise en place d'un certain nombre de contrôles a conduit à allonger les délais de paiement et à justifier une forme d'insatisfaction.
Je pense que la confiance de nos concitoyens dans le dispositif est majeure. Je préfère un délai de paiement un peu plus long, mais avoir l'assurance qu'il n'y a pas de fraude, plutôt que de se retrouver rattrapé par une autre patrouille sur le fait que nous aurions été inconséquents avec les deniers publics.
De quoi parlons-nous ? On parle de délais qui sont globalement aux alentours de 28 jours pour l'attribution de la subvention, cette durée constituant une moyenne et étant moins importante lorsque le dossier est complet. Ce n'est pas un mauvais score, même si cela peut refléter des disparités. Nous avons peu évolué concernant ce délai.
Là où le délai s'est envolé, c'est en matière de paiement. Globalement, en août 2022, nous étions à un délai d'un peu moins de 30 jours. Nous sommes à 45 jours d'après les derniers chiffres que j'ai en ma possession, qui datent du mois d'avril 2023.
J'ai pris août 2022 comme référence, parce que c'est le moment où un certain nombre de décisions ont été arrêtées, dans la continuité du rapport de l'IGF, mais le délai de paiement était encore un peu plus faible au printemps 2022.
Néanmoins, ces contrôles sur place ont permis de fiabiliser un dispositif. Faut-il payer d'abord et faire en sorte de récupérer l'argent après ? On s'aperçoit malheureusement à l'usage que, dans un certain nombre de cas, quand les choses sont organisées, une fois que les crédits ont été versés, il est beaucoup plus compliqué de retrouver les sommes versées.
Je plaide donc pour que le dispositif actuel soit maintenu. Des délégations de compétences seraient un moyen de pouvoir expérimenter des dispositifs sur une partie du territoire national et de pouvoir recueillir les bonnes pratiques.
Enfin, vous avez abordé le Conseil national de la refondation et la manière dont, hier soir, ce conseil a clôturé sa phase de concertation. Vous ne m'interrogez pas sur le logement neuf et la situation globale de la remontée des taux d'intérêt, mais, je l'ai bien compris, sur la partie plus spécifique qui concerne nos ambitions de rénovation et de planification.
J'ai lu beaucoup de choses sur ce Conseil, à défaut d'avoir pu y participer hier. Certains en ont fait une sorte de rendez-vous définitif sur ces questions de logement, alors que cela n'était qu'un point d'étape, en particulier pour ce qui concerne la planification. Il serait baroque de prétendre établir les conclusions définitives d'un sujet aussi vaste début juin au milieu de toutes les évolutions que nous connaissons, alors que la planification écologique globale est prévue pour début juillet et qu'il existe, en parallèle, un certain nombre de rendez-vous, avec un autre angle mort, celui du logement social, que vous connaissez parfaitement, madame la présidente, pour lequel il existe un dispositif pour les particuliers et un dispositif pour les collectivités publiques dont j'ai dit un mot et qui doit faire l'objet d'une montée en puissance, sans parler de la question plus large des bailleurs sociaux.
Le parc moyen de ces bailleurs sociaux est globalement mieux entretenu que le parc global. Cependant, une hausse d'un point de livret A représente l'équivalent de 1,3 milliard d'euros de « charges » entre guillemets sur les fonds propres associés au livret. Il s'agit d'un coût comparable au coût de la réduction du loyer de solidarité (RLS), mais, dans la tendance que nous connaissons, on mesure l'impact sur les fonds propres. Si on le couple aux augmentations des prix des matériaux, on mesure les difficultés que rencontre le secteur du logement social.
Il faut donc, au-delà de la question de la production de logements, ne pas oublier la question de la rénovation. 1,5 million de logements sont vides, tout comme 3 millions de mètres carrés de bureaux à Paris et en Île-de-France. La question des bailleurs sociaux mérite par ailleurs d'être traitée.
Le point de rendez-vous, c'est le pacte de confiance avec les bailleurs sociaux. Un des principaux leviers réside sans doute dans le dispositif Deuxième vie. À partir d'un certain niveau de rénovation, il serait pertinent de pouvoir rouvrir les droits aux exonérations. Je ne dis pas que cela suffise, parce qu'il y a aussi la question des fonds propres, mais cela permettrait de délivrer de nouveau un agrément. C'est très important culturellement de gagner la bataille de la rénovation pour ne pas laisser penser qu'il y aurait d'un côté ce qui serait noble - faire un logement neuf - et, de l'autre côté, ce qui serait une forme d'investissement au rabais, qui consisterait à investir dans la rénovation.
Le sujet du soutien à la production de logements neufs est donc à corréler à d'autres sujets. Celui de la rénovation, de manière plus spécifique, n'est pas le seul.
M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Je partage avec vous l'idée que la transition écologique apporte des solutions efficaces et constitue une vraie réponse sociale, quelles que soient les orientations dans lesquelles on s'engage.
Je rappelle que le but de cette commission d'enquête est d'évaluer les politiques publiques depuis les dix à quinze dernières années, et de voir comment l'argent public a été utilisé. La commission s'est volontairement concentrée sur le logement, qui constitue un sujet déjà très vaste.
On peut diviser le logement en trois blocs, le logement individuel privé, où on trouve le dispositif MaPrimeRénov', la copropriété, qui présente d'autres dispositifs auxquels il faut réfléchir, et le logement social, qui est plutôt en avance, avec des bâtiments qui ont déjà, pour la plupart, fait l'objet d'une rénovation.
Le logement social est un levier très fort. Les opérateurs et les bailleurs sont prêts, d'après ce qu'ils nous ont dit lors des auditions, à tenir les objectifs dont ils ont l'expertise. En outre, la rénovation thermique permet d'améliorer globalement le logement en termes de confort, d'espace urbain, etc.
La seule chose qui manque, c'est le financement. On peut estimer que ce secteur pourrait permettre de booster très rapidement la rénovation thermique s'il était correctement financé. Pourquoi ne pas prioriser le financement de la rénovation du parc social ?
Pour ce qui est des copropriétés, un certain nombre de réflexions sont à mener en matière de prise de décisions et de financement. Un DPE collectif permettrait peut-être d'accélérer les prises de décisions.
En matière de logement individuel, 600 à 700 000 dispositifs MaPrimeRénov' ont été débloqués. Les choses sont donc plutôt positives, mais, si l'on regarde de plus près, on est plutôt sur un changement de chaudières. Certes, cela fait chuter très rapidement les émissions de carbone, mais on est très en deçà des objectifs, et on voit bien qu'on pèche vraiment en matière de rénovation globale. C'est peut-être le point sur lequel on doit réfléchir plus précisément s'agissant des dispositifs à mettre en place pour simplifier ce parcours.
On entend un discours qui consiste à dire qu'il faut s'appuyer sur ce qui existe. On a cependant le sentiment que les collectivités locales pour lesquelles cela a fonctionné ont l'impression de devoir se réadapter et sont parfois court-circuitées, alors que l'ingénierie avait déjà été mise en place par le biais des plateformes de rénovation ou des agences locales de l'énergie et du climat (Alec). Les collectivités peuvent donc estimer que ce n'est plus la peine de s'en charger.
La question du financement des collectivités locales se pose également. Faire fonctionner de plateformes de rénovation et d'ingénierie locale nécessite d'augmenter les budgets de fonctionnement. Comment en tenir compte dans le cadre de la rénovation thermique et, plus généralement, de la transition écologique ? Comment mieux s'adapter localement ?
Par ailleurs, quelle est votre perception du pilotage national de la rénovation énergétique et la coordination qui peut exister entre les différents ministères ? Les anciens ministres que nous avons auditionnés nous ont souvent fait part du lien entre le ministère du logement et celui de l'écologie, qui avait son importance. Comment améliorer la coordination ?
Enfin, quel est votre bilan de la coordination interministérielle du plan de rénovation ? Pensez-vous que son action soit suffisante par rapport à l'ensemble des politiques des différents ministères ?
M. Christophe Béchu, ministre. - Action Logement a finalisé son plan global de décarbonation. Sa puissance de feu n'est évidemment pas comparable à tous les bailleurs, mais ils vont avoir l'occasion de détailler leur action. Ce n'est pas neutre puisque cela représente 30 % du parc social. D'une manière générale, il est toujours bon, quels que soient les domaines, d'avoir des exemples qu'on peut ensuite suivre pour étalonner les éléments.
On ne part pas de rien. Je veux ici rendre hommage à quantités d'offices gérés par des élus locaux qui n'ont pas attendu que la cathédrale soit complète pour lancer des opérations. Des maires ont fixé des objectifs à leur bailleur et ont fait en sorte d'accompagner les différents dispositifs.
Je partage l'idée que c'est un moyen d'avoir des résultats rapides. On le sait, une des difficultés vient du fait que MaPrimeRénov', en moyenne, fonctionne mieux pour les maisons individuelles, les copropriétés ralentissant une partie de la prise de décision.
La principale difficulté pour faire des travaux dans les copropriétés n'est donc pas l'unanimité, puisqu'il y a généralement une unicité de décision - sauf quelques cas très particuliers.
En outre, la part du gaz dans les logements sociaux est plus importante : quatre logements sur dix sont généralement chauffés au gaz. Cette proportion dépasse les six sur dix dans le parc social, l'inquiétude n'étant pas la même sur le reste à charge et la manière d'avancer, les réseaux de chaleur urbains ou de dispositifs de ce type pouvant participer à une meilleure visibilité des prix et avoir un impact social par rapport aux décisions qui sont prises.
La dynamique est double, avec une articulation financière et une difficulté conjoncturelle supplémentaire.
Je n'irai guère plus loin aujourd'hui, puisque ce sera le coeur de mes discussions dans les prochains jours, en particulier avec l'Union sociale pour l'habitat (USH) pour trouver la manière de signer ce pacte de confiance autour de l'enjeu de la rénovation.
On est tous d'accord sur le fait qu'il est préférable de faire plusieurs gestes plutôt qu'un seul. Je ne sais ce que j'aurais fait si j'avais été amené à concevoir le dispositif. Je ne me mettrai pas à la place de ceux qui en avaient la charge à l'époque. Il n'est pas certain qu'on ait mesuré que peu de dispositifs iraient plus loin.
En moyenne, ceux qui ont conduit ces opérations de rénovation ont réalisé 793 euros d'économies, ce qui n'est pas rien et constitue une vraie réussite en matière de ciblage social. Certaines choses sont à améliorer pour en avoir davantage pour son argent d'un point de vue climatique, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain - si j'ose dire.
On a enclenché une dynamique, on se demande comment l'améliorer et l'approfondir. Elle a le mérite d'exister, car on trouvait peu de choses auparavant. C'est la limite par rapport aux Alec. C'est le jour et la nuit en termes d'échelle, de montants, de dispositifs financiers et de suivi.
Vous avez raison : on ne pourra pas transférer le système d'accompagnement aux collectivités locales en leur disant de se débrouiller. Ce n'est pas le sens de ma proposition. Le sujet au coeur des discussions que nous avons en matière de logement est celui des compétences qu'il serait pertinent de décentraliser, car les situations sont très disparates d'un endroit à l'autre.
C'est vrai pour la rénovation, mais cela peut l'être dans d'autres domaines. Est-ce que les zonages doivent forcément être déterminés depuis Paris ? Les expériences du Pinel breton permettant d'imaginer des dispositifs de soutien à l'opération ne pourraient-elles pas être reprises ? Je salue néanmoins la fin du dispositif, car il n'était pas suffisamment ciblé. Il avait le mérite de soutenir la promotion, mais je ne suis pas sûr que, d'un point de vue social et climatique, on en ait eu pour notre argent. Cela a permis de soutenir l'effort de construction, mais le ciblage méritait sans doute d'évoluer.
Vous évoquez la question du pilotage et de la coordination du dispositif. Le simple fait que vous soyez amenés à recevoir trois d'entre nous dans le cadre de cette commission d'enquête permet de mesurer qu'il existe des marges d'amélioration dans ce domaine.
Je plaide simplement pour qu'on tienne compte du fait qu'on passe d'un système à l'autre et qu'il y a aussi des améliorations que nous sommes en train de tester. L'organisation est particulière. Le Président de la République et la Première ministre ont souhaité avoir un ministère de la transition écologique qui englobe des secteurs très émetteurs - transports et logement - qui ont de grandes latitudes dans beaucoup de domaines, mais qui peuvent être rattachés sur la question de la planification, ce qui me vaut le plaisir d'être ici aujourd'hui.
Je pense que ce n'est pas une erreur d'avoir un ministère de la transition écologique en lien direct avec des ministères très émetteurs. Cela permet une forme d'unicité dans la vision et la planification. D'autre part, le contexte que nous connaissons depuis quelques mois avec la volatilité des prix de l'énergie et la hauteur de la marche en matière d'électrification, d'urgence de la relance du programme nucléaire et d'accélération des énergies renouvelables justifie pleinement une ministre en charge de ces questions.
Il existe un coordinateur gouvernemental. Les contacts sont constants. On a sans doute besoin de davantage de coordination, mais le pilotage de la transition écologique au sens large est forcément collectif.
J'ai échangé avec le ministre Roland Lescure à propos de la question de la fabrication des pompes à chaleur. De la même manière, on ne peut pas négliger les constructeurs automobiles, les collectivités locales gestionnaires de réseaux de transport de proximité, les régions qui gèrent les TER ou les pistes cyclables qui permettent de favoriser les mobilités actives. On est, par définition, très imbriqué dans ces sujets.
Il faut parfois une logique de chef de filât ou de chef d'orchestre, mais on ne peut résumer l'orchestre de la rénovation énergétique à une personne. Ce n'est pas possible. On a besoin de partenaires. J'ai évoqué l'Ademe, mais il y en a d'autres.
M. Franck Montaugé. - Monsieur le ministre, quelle forme concrète pourrait prendre la planification aux différents niveaux que vous avez évoqués, jusqu'au niveau territorial des communes ou des EPCI ? Avez-vous dans l'idée de contractualiser avec ces différents échelons territoriaux par rapport aux objectifs qui doivent être atteints, eu égard à la question du logement et autres aspects que vous venez d'évoquer à l'instant ?
Par ailleurs, le contenu du plan d'action est-il aujourd'hui cerné autour des différentes thématiques qui ont un effet sur les objectifs à atteindre ?
M. Christophe Béchu, ministre. - J'ai réuni toutes les associations d'élus le 11 mai dernier et je leur ai présenté, avec le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), la feuille de route globale de la planification en leur expliquant qu'il allait falloir trouver comment atterrir, ces associations étant concernées par la moitié des cases.
Certaines ont besoin d'argent, d'autres d'une délégation de compétences. Dans d'autres cas, il faut discuter. J'ai demandé au représentant de l'Association des maires de France (AMF), sur la partie stockage de carbone, de nous aider à défendre les haies afin de les sanctuariser dans le cadre des plans locaux d'urbanisme. On les subventionne, on sait que c'est une forme de forêt en termes de stockage. Si on n'a pas les moyens de s'opposer à une opération de démembrement ou de remembrement, on n'a pas de levier permettant de préserver un investissement qui s'inscrit dans une stratégie de planification.
M. Franck Montaugé. - Le monde de l'agriculture est partie prenante du sujet !
M. Christophe Béchu, ministre. - Bien sûr. Je vous apporte ici le témoignage de ce que me dit l'AMF. Cela ne veut pas dire que cela se fait en opposition aux Safer ou aux chambres d'agriculture qui, dans beaucoup de cas, sont sur la même ligne. J'ai eu l'occasion d'échanger avec le ministre Marc Fesneau il y a quelques jours. Non seulement il ne s'y oppose pas, mais il se demande même comment on pourrait éviter trop d'allers-retours sur ces sujets. Je ne voulais pas ouvrir ici un débat sur les haies, mais donner cet exemple pour montrer que cela va plus loin.
Je pense que les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) pourraient être la bonne échelle de planification. On en a un peu plus de 1 000. On pourrait discuter de leurs ambitions et les décliner dans les différents domaines. La rénovation est évidemment un levier très important, mais on aura aussi besoin des collectivités en matière de transport et de stockage, de lutte contre l'étalement urbain.
J'aurai le grand bonheur d'échanger avec le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires en sortant de cette audition pour discuter du texte qui arrive au Sénat, en commission la semaine prochaine et dans l'hémicycle dans quinze jours. Rendre le dispositif applicable et tenir l'objectif de diviser par deux la consommation d'énergie est crucial pour tenir la ligne de la planification écologique au sens large.
Je pense qu'il existe des marges. Par exemple, nous n'avons pas eu le temps de l'évoquer, mais il y aura la question de la fiscalité du zéro artificialisation nette (ZAN). Il faudra qu'on donne les moyens aux maires de renchérir le coût de l'artificialisation, parce qu'on ne peut pas seulement raisonner en termes d'argent public pour dépolluer les friches s'il est plus coûteux de s'y attaquer plutôt que de faire en sorte de limiter une partie de l'impact.
Je vais aller plus loin : je pense qu'il faudrait baisser la taxe sur le foncier non bâti. L'agriculture va globalement devoir se passer d'une partie des intrants et faire face à des difficultés de ressources. Plus le niveau de l'impôt est fort, plus on incite à aller vers des rendements élevés. Sans être dans une logique de décroissance, je pense qu'il ne serait pas stupide d'avoir une réflexion sur le foncier non bâti si on veut soutenir une agriculture de production qui permet de favoriser les produits courts.
Tout le chantier de la transition fiscale et la manière dont on le connectera aux CRTE sont devant nous. On ne pourra pas continuer à raisonner de manière française sur la question des poids lourds qui viennent sur une partie de notre territoire et qui, ne payant pas la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui sert à assurer l'entretien des infrastructures, ne participent pas au financement de la décarbonation rendu possible par l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afit).
Je ne veux pas ouvrir tous les débats, mais simplement dire que, lorsqu'on commence à tirer le fil de la planification, il faut ouvrir ce sujet. Je crois aux CRTE et je crois au fonds vert. Il faut en établir un véritable bilan et, idéalement, en augmenter le montant pour le connecter à ce projet. Il a certainement des défauts et il faudra qu'on vérifie qu'il n'y a pas eu trop d'applications disparates sur le territoire, mais le montant de crédits demandé, de 4,2 milliards d'euros, qui génèrent 17 milliards d'euros d'investissement dans la transition écologique au sens large, exactement la hauteur de la marche qu'il faudrait que les collectivités assurent, comme l'expliquent les think tanks, permet d'avoir une idée des effets de levier sur lesquels on peut jouer.
C'est aussi un angle nouveau, pour lequel nous faisons confiance aux collectivités locales en mettant les crédits et en demandant ensuite aux préfets de regarder quelle est la bonne porte en matière de biodiversité et de rénovation, sans en ouvrir autant que de sujets.
Je pense qu'on a besoin de ce message de confiance, car il permet à nos concitoyens de s'approprier ces enjeux de transition. Je n'évacue pas la question du fonctionnement. Ne mesure-t-on pas qu'il peut y avoir un besoin d'ingénierie spécifique dans le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou dans les dispositifs de soutien ? C'est une certitude. Cela doit-il passer par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les agences, France services, les opérateurs de l'État, ou prendre la forme d'un soutien direct ? Ce sont des choix dont on peut discuter.
Je suis frappé par la capacité d'un hémicycle à s'invectiver - nettement moins ici qu'à l'Assemblée nationale - en faisant comme s'il était scandaleux que tout n'aille pas plus vite. Qu'on me cite un pays au monde qui, aujourd'hui, en termes de lutte contre le dérèglement climatique, a trouvé le bon tempo, à part le Costa Rica, dans un contexte très différent et avec un pays dont la taille est très différente de la nôtre ! Ce n'est pas comme s'il existait un exemple à suivre à l'échelle de la planète. Dans certains domaines, des pays font mieux que nous. Dans d'autres, c'est nous qui faisons mieux qu'eux. Aujourd'hui, tout le monde cherche le chemin.
Le gouvernement allemand qui vient d'autoriser 144 projets routiers au grand dam de son aile verte, en expliquant qu'il fallait tenir compte d'une partie de l'aspect social, a temporisé sur la partie gaz, là où le calendrier était assez ambitieux pour aller vers une diminution du parc.
Le Royaume-Uni qui, à bien des égards, n'est pas un exemple, est un modèle en matière d'éolien offshore. Ils ont vraiment réussi, sous l'impulsion de Boris Johnson, à aller très loin.
Il y a des exemples dont on peut s'inspirer dans les pays scandinaves, mais il n'existe pas aujourd'hui de matrice pour dire ce qu'il conviendrait de faire, et les pays dans lesquels des écologistes sont aux responsabilités ne font pas en moyenne mieux que ceux dans lesquels il n'y en a pas.
M. Franck Montaugé. - Je suis étonné de votre réponse. Les données scientifiques mesurent de mieux en mieux les phénomènes et les impacts.
Je m'interroge sur la mobilisation des parties prenantes dans les territoires. Je pense qu'il faut indiquer des objectifs clairs en matière de consommation d'énergie, en tonne équivalent carbone économisée ou en trajectoire d'émission carbone. Il faut des objectifs parlants pour les élus qui vont être en charge de faire vivre ces contrats et de mener l'action, mais c'est tout aussi utile, voire davantage, pour les citoyennes et les citoyens français. Il est nécessaire d'embarquer tout le monde. C'est absolument fondamental pour la réussite finale du plan.
C'est le sens de la question que je vous posais par rapport aux indicateurs qui nous serviront à réaliser le suivi de l'action et de son efficacité.
M. Christophe Béchu, ministre. - J'ai compris votre question comme étant la suite de la planification au sens large et du dialogue global avec les élus, tous secteurs confondus.
Mais revenons-en à la rénovation. Il existe bien sûr beaucoup de données. On a d'abord toutes celles qui permettent d'arrêter les pseudo-débats sur le fait de savoir s'il y a ou non un dérèglement climatique. Il n'y a pas de sujet : il est causé par l'homme ! Je le dis car certains reconnaissent le changement climatique, mais estiment maintenant qu'il s'agit d'un phénomène cyclique et naturel.
Je vous invite à lire le dernier rapport de la Fédération Jean Jaurès sur le complotisme : selon 41 % des sondés, le dérèglement climatique sert de prétexte pour restreindre les libertés des peuples.
Nous disposons d'énormément de données. Nous pouvons en fiabiliser deux ou trois. Je ne veux pas esquiver le sujet lié au DPE. Il peut arriver que, faute de formation, il existe des écarts. On devrait améliorer la situation dans les semaines qui viennent. Il reste deux sujets, l'un sur les petits logements avec des soupentes et l'autre sur les logements en altitude, pour lesquels les données scientifiques peuvent semer le trouble alors qu'il est difficile de changer de classe.
Il faut se méfier de la généralisation de certains processus qui sont simples, comme l'isolation par l'extérieur, notamment pour des maisons en pierre, où l'on peut produire de la condensation intérieure. Il faut tenir compte des matériaux utilisés, de la réalité du site sur lequel on se trouve. Il faut parfois réintroduire un peu de subtilité.
Sur le fond, mon rêve est que l'on compte en carbone et, en tant que ministre de la transition écologique, que la planification débouche un jour sur un budget carbone, sur un amendement d'irrecevabilité climatique, une sorte d'article 40 - sans lien avec l'actualité à l'Assemblée nationale. On pourrait considérer qu'un texte qui propose une augmentation des émissions doive faire l'objet d'une compensation ou d'une justification solide pour lever le gage. Je pense qu'on aurait intérêt à publier des chiffres tous les mois si l'on veut s'apercevoir de difficultés en cours d'année et établir une sorte de budget climatique rectificatif pour aller rechercher du carbone là où on n'en a pas trouvé.
Je suis tout à fait prêt à aller plus loin, mais basons cela sur la science, avec des éléments objectifs, pas uniquement une comptabilité en euros, et en passant un pacte avec les collectivités locales.
Mme Sabine Drexler. - Monsieur le ministre, en Alsace, mais aussi ailleurs en France, les propriétaires bailleurs réalisent des travaux d'isolation et appliquent sur des maisons en pierre ou à pans de bois des techniques et des matériaux inadaptés qui vont conduire à une altération définitive de ce type de bâti.
Il ne s'agit pas uniquement du patrimoine monumental, mais aussi du patrimoine résidentiel, des maisons à colombage, des petits hameaux du Massif central. Beaucoup pensent bien faire, mais la majorité des acteurs ne sont pas informés des caractéristiques propres à ce type de bâti.
D'autres renoncent à engager des travaux, parce que c'est trop compliqué ou qu'ils n'ont pas l'argent pour le faire. Les maisons sont délaissées et se dégradent très vite. Les promoteurs cherchent alors à acquérir les terrains et démolissent ces maisons. Je crains que le ZAN accentue ce phénomène, avec une banalisation de nos régions et la disparition du patrimoine bâti.
Nous étions hier au Parlement européen, à Bruxelles. On nous a parlé d'une possible flexibilité pour le patrimoine dans les directives à venir. De quel type de patrimoine parle-t-on ? Il est très important de ne pas oublier ce petit patrimoine qui fait la France. Ne faut-il pas passer par une identification de celui-ci, voire une inscription dans les documents d'urbanisme ?
Une autre de mes questions porte sur les matériaux spécifiques à ce type de bâti, biosourcés, locaux, qu'on utilisait lorsqu'on a construit ces maisons. Où en est-on des normes si on veut pouvoir développer l'isolation du bâti résidentiel ancien avec ce type de matériaux ?
Enfin, ne faudrait-il pas s'accorder un temps pour créer une sorte de DPE adapté au bâti ancien, qui prendrait ses spécificités en compte ? Je pense par exemple à l'inertie ou au confort d'été.
M. Christophe Béchu, ministre. - Il me semble que vous avez auditionné il y a quelques jours un architecte des Bâtiments de France, Gabriel Turquet de Beauregard, accompagné d'associations du patrimoine. Je l'ai moi-même reçu au ministère pour avoir une discussion. Il m'a indiqué que j'allais recevoir ses préconisations sur le DPE, le bâti ancien et les matériaux à la fin de cette semaine.
J'ai demandé qu'on m'aide à y voir plus clair afin d'éviter de trop normaliser les choses et tenir compte de cette spécificité, en particulier parce que l'isolation par l'extérieur risque de faire disparaître nos façades et pose donc une difficulté. Cela en soulève d'autres, parfois dans des secteurs qui n'ont pas forcément beaucoup d'intérêt, comme l'impact éventuel que cela peut avoir sur la rupture des alignements de façades voire, dans certains secteurs où on a calculé les choses au plus juste parce qu'on a hérité de rues étroites, quelques conséquences sur les largeurs disponibles par rapport à d'autres obligations touchant les personnes à mobilité réduite (PMR). Je ne dis pas que c'est la norme, mais il faut qu'on fasse très attention à ne pas se retrouver face à des logiques qui se télescopent.
Je ne peux cependant pas être d'accord avec une partie de ce que vous dites. Il ne faut pas accuser le ZAN de tous les maux. Je crois à vrai dire exactement l'inverse. Je pense que si l'on ne préserve pas notre patrimoine naturel, on aura du mal à valoriser notre patrimoine tout court.
Ce qui fait la beauté de nombre de coins de France, ce sont les vides qu'on a été capable de préserver. Je ne suis pas certain que les quarante dernières années soient celles qui aient marqué le génie du patrimoine français. Je pense que les endroits les plus nobles ne sont pas toujours les moins denses. Des alignements de façades sont parfois plus majestueux que des pavillons entourés par des jardins de 1 500 m2. Je comprends le souhait de beaucoup de nos concitoyens d'y vivre, et ce n'est absolument pas une critique, mais une remarque par rapport à la question du patrimoine et de la rénovation.
On peut discuter de l'impact du ZAN sur le prix. C'est objectif, et c'est un débat que je comprends. On peut discuter de la difficulté de le mettre en oeuvre en fonction des trajectoires et des évolutions, mais je pense que, s'agissant de la question de la rénovation, le débat n'est pas crucial. Si on soulève de faux débats, on aura du mal à se concentrer sur les vraies réponses.
Nous avons des marges d'amélioration concernant le patrimoine, mais je suis frappé de voir que, s'agissant des passoires énergétiques, on a tendance à oublier les locataires. On plaint le propriétaire qui va devoir faire des travaux, faute de quoi il ne pourra plus louer sa passoire énergétique. Je le comprends, mais je suis parfois choqué que l'on fasse comme s'il n'y avait personne dans le logement, alors que les prix du chauffage ne cessent d'augmenter parce qu'un minimum de travaux d'isolation n'a pas été réalisé. Après tout, ce patrimoine peut malgré tout se vendre, et d'autres feront peut-être les travaux. Cela s'inscrit dans une logique qui permet de ne pas figer la situation.
Vous avez pleinement raison sur le fait qu'il faut faire attention à ne pas se focaliser uniquement sur le grand patrimoine. Le petit patrimoine participe du charme de notre territoire. A-t-on suffisamment inscrit ou classé le patrimoine dans un certain nombre de secteurs ? Tout le débat que l'on a sur la rénovation énergétique doit aussi reposer sur la fréquence d'utilisation. Une église qui est une passoire thermique ou énergétique ne fait pas l'objet d'un usage quotidien. L'investissement n'est donc écologiquement pas souhaitable par rapport aux matériaux et au montant financier nécessaire. Concentrons-nous sur les logements occupés par des gens modestes. C'est la priorité absolue, sans insulter l'avenir.
Mme Sabine Drexler. - Je suis totalement d'accord avec vous pour ce qui est du ZAN, qui peut constituer une magnifique opportunité pour le patrimoine si on le réinvestit comme il faut, mais en Alsace, on a détruit une maison au nom du ZAN. Je pense qu'il faut rester vigilant.
Mme Daphné Ract-Madoux. - Je voudrais revenir sur la question de la prise en compte de la réversibilité immobilière et urbaine ainsi que de la surélévation, corollaires du ZAN et de l'objectif de rénovation des bâtiments. Les professionnels nous en ont parlé tout à l'heure.
La question de la réversibilité, qui figure dans nos textes actuels et dans le code de l'urbanisme, est trop peu prise en compte pour permettre l'accélération des PLU et des permis de construire avec des usages évolutifs. Ce qu'on est capable de faire sur les bâtiments des JO 2024, on doit pouvoir être capable de le faire de manière plus large, mais il faut accélérer.
L'inflation des règles, la question assurantielle ou celle de la certification technique freinent également les choses. Les matériaux biosourcés, par exemple, permettent de répondre à deux objectifs, la décarbonation du secteur de la construction et le confort énergétique. L'entreprise Qarnot, qui chauffe les bâtiments grâce à la chaleur émise par les données numériques, a mis du temps à obtenir les certifications lui permettant de développer un système adapté aux entrepôts, aux entreprises et aux logements collectifs. L'homogénéisation des règles en matière de réglementation incendie doit aussi permettre la réversibilité dans les bâtiments et les matériaux.
Enfin, pour pouvoir conserver nos puits de carbone, il faut renforcer selon moi les moyens à la disposition des collectivités. Une fois que des arbres et des haies sont coupés, les maires ont trop peu de moyens pour être efficaces dans ce domaine.
M. Christophe Béchu, ministre. - Je n'ai aucun désaccord avec ce qui vient d'être dit. Il existe, en particulier sur les matériaux biosourcés, des injonctions contradictoires. Le dépérissement de la forêt, qui s'accélère sous l'ampleur du dérèglement climatique, conduit à ce que nous ne soyons pas au rendez-vous en matière de stockage.
Pourtant, la forêt progresse, mais d'une manière qui n'est pas organisée. Dès lors, cela ne permet pas le stockage. Il faut donc réaliser un stockage dans les meubles ou dans les structures.
En ce moment, un des sujets porte sur la réglementation incendie des immeubles à l'intérieur desquels on trouve une part de bois prépondérante. Des discussions ont lieu cette semaine pour éviter de se placer dans la même logique qui conduisait, il y a encore trois mois, à estimer qu'il fallait de l'eau potable au fond des toilettes au nom d'une sorte de principe de précaution qui fait qu'on ne bouge rien. Penser qu'on affrontera ce qui arrive sans rien changer est pure folie. Là encore, il faut trouver le bon équilibre.
S'agissant de la réversibilité, la loi Climat et résilience a posé un principe qu'elle s'efforce de favoriser en insistant sur la potentialité. On n'a pas encore le bon réflexe. Pourtant, cela devrait profondément changer une partie de ce que nous faisons. Un des meilleurs exemples est celui des parkings souterrains, qui ont été longtemps la norme, et qui présentent quelques inconvénients, en particulier en matière d'artificialisation du sous-sol et par rapport aux conséquences que cela peut avoir vis-à-vis du géothermique. À l'inverse, le rez-de-chaussée à usage de parking qui peut être transformé s'il y a un jour moins de voitures est un modèle qui a une certaine utilité.
La mauvaise foi qui consiste à faire porter le coût de la réversibilité sur un équipement destiné aux voitures peut freiner les choses. Il faut le faire entrer dans les têtes et être capable d'expliquer que la réversibilité est une forme d'assurance contre une mauvaise adaptation. Je pense que cela fait sens.
Je ne reprendrai pas l'exemple de Qarnot. Le fait de s'appuyer sur de telles entreprises est un sujet extrêmement important en termes de rénovation des logements.
Enfin, 3 millions de mètres carrés de bureaux sont disponibles, même si certains maires ne voient pas nécessairement d'un bon oeil l'abandon de mètres carrés par rapport au rendement de la cotisation foncière des entreprises. Les bâtiments ne sont en outre pas forcément adaptés, et il peut exister une difficulté fiscale pour l'entreprise qui possède ces bureaux compte tenu de la valorisation.
Quant à la surélévation, elle représente un véritable enjeu, mais on n'est plus tout à fait dans la rénovation au sens large. On se rapproche au contraire de la forme urbaine et d'autres questions de ce type.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Si ce n'est, monsieur le ministre, qu'on est quand même dans la rénovation énergétique, ne serait-ce que pour les copropriétés. Un projet de surélévation peut permettre de trouver des fonds qui vont permettre aux copropriétés d'engager la rénovation énergétique de leurs logements. C'est dans cette perspective qu'on a débattu avec les professionnels de l'immobilier.
M. Christophe Béchu, ministre. - Je n'ai aucun tabou sur le sujet. Je suis intimement convaincu que cela peut être la bonne solution dans certains endroits. La difficulté vient plutôt des vis-à-vis et du contexte urbain, ainsi que la nature technique du bâtiment. En revanche, cela permet de diviser la charge par un nombre de mètres carrés plus grand et d'avoir une réserve d'urbanisation.
De toute façon, nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion sur le vote des travaux de rénovation en copropriété. Dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités, quand il s'agit d'aller poser des bornes de recharge, le principe de la majorité s'apprécie de manière différente. Je m'interroge sur le fait de savoir dans quelle mesure il ne faudrait pas assouplir les possibilités de vote pour permettre la rénovation énergétique.
Cela pose une difficulté potentielle, celle des niveaux d'avance souhaitables par rapport à l'hétérogénéité des situations des propriétaires. Il faut simplifier le vote pour avoir une majorité plus simple, mais il faut aussi qu'une sorte d'avance puisse être versée à la copropriété pour éviter que certains ne doivent sortir des sommes qu'ils n'ont pas.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - On peut accorder un prêt collectif aux syndics de copropriété.
M. Christophe Béchu, ministre. - C'est ce que je pense, et je vais plus loin : la difficulté vient du fait que le refus de la copropriété de réaliser certains travaux peut empêcher le changement de classe de certains biens. Le propriétaire d'un appartement au nord, au rez-de-chaussée, pourra faire tout ce qu'il veut, il va se retrouver face à une déperdition potentielle de son bien le jour où il le vendra, son étiquette énergétique conduisant à ce que l'acquéreur en profite pour faire baisser le prix. Je suis profondément démocrate : s'il existe une large majorité favorable et que les systèmes de vote empêchent de faire les travaux, il faut qu'on trouve quelque chose pour modifier cela.
M. Jean-Jacques Michau. - Monsieur le ministre, le DPE va certes devenir un thermomètre fiable et objectif dans les semaines à venir, mais aujourd'hui, cet élément n'engendre pas la confiance des personnes.
Par ailleurs, les propriétaires bailleurs de passoires énergétiques ont bien compris les enjeux, mais ce n'est pas le cas des propriétaires occupants qui, bien souvent, ne voient pas le retour sur investissement dans un délai raisonnable. Comment peut-on les inciter à réaliser des travaux, lorsque la copropriété compte des propriétaires bailleurs et des propriétaires occupants pour qu'ils n'en viennent pas aux mains lors des prochaines années ?
M. Christophe Béchu, ministre. - On a un sujet sur les droits de vote et la solvabilité. Le ministre délégué à la ville et au logement sera heureux de vous en parler et d'aborder le sujet des copropriétés dégradées. À certains égards, peut-être faudrait-il une agence nationale pour la rénovation des copropriétés, sur le modèle de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru).
M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Pour faire le lien avec le DPE, quel est le calendrier ?
M. Christophe Béchu, ministre. - La feuille de route devrait être publiée à l'été 2023.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci beaucoup.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 heures.