Mercredi 26 mai 2021
- Présidence de Mme Colette Mélot, présidente d'âge -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Réunion constitutive
Mme Colette Mélot, présidente. - En ma qualité de présidente d'âge, il me revient d'ouvrir cette réunion constitutive de la mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Ce rôle sera de courte durée, puisque je céderai ma place au président ou à la présidente de cette mission après son élection.
Je vous rappelle que cette mission a été créée en application du droit de tirage des groupes politiques prévu par l'article 6 bis du Règlement du Sénat. Le groupe Les Indépendants-République et Territoires en a formulé la demande lors de la Conférence des présidents du 6 mai dernier. La Conférence des présidents en a pris acte, tout en précisant que ses travaux devraient s'achever à la fin du mois de septembre prochain.
Les 23 membres de la mission ont été nommés, sur proposition de l'ensemble des groupes politiques, lors de la séance publique du mercredi 12 mai dernier. Nous devons désigner le président de la mission. J'ai reçu la candidature de notre collègue Mme Sabine Van Heghe.
La mission d'information procède à la désignation de sa présidente, Mme Sabine Van Heghe.
- Présidence de Mme Sabine Van Heghe, présidente -
Mme Sabine Van Heghe, présidente. - Je vous remercie de la confiance que vous m'accordez pour présider nos travaux.
Je vous propose de procéder à la désignation du Bureau de la mission, en commençant par le, ou la, rapporteur. Le groupe Les Indépendants-République et Territoires, qui est à l'origine de notre mission d'information, propose notre collègue Mme Colette Mélot. En application de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, le groupe à l'origine du droit de tirage se voit attribuer cette fonction s'il le demande.
La mission d'information procède à la désignation de sa rapporteure, Mme Colette Mélot.
Mme Sabine Van Heghe, présidente. - Nous allons maintenant désigner les vice-présidents et secrétaires. Compte tenu des désignations de la présidente et de la rapporteure qui viennent d'avoir lieu, la répartition des postes de vice-présidents et de secrétaires est la suivante : pour le groupe Les Républicains, deux vice-présidents et un secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un vice-président ; pour le groupe Union Centriste, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, un vice-président ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, un vice-président ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, un vice-président ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un vice-président.
Je suis saisi des candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Mme Céline Boulay-Espéronnier et M. Jacques Grosperrin comme vice-présidents et Mme Jacqueline Eustache-Brinio comme secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Mme Claudine Lepage comme vice-présidente ; pour le groupe Union Centriste, Mme Jocelyne Guidez comme vice-présidente et M. Claude Kern comme secrétaire ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Mme Nadège Havet comme vice-présidente ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, M. Pierre Ouzoulias comme vice-président ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, Mme Véronique Guillotin comme vice-présidente ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, M. Thomas Dossus comme vice-président.
La mission d'information procède à la désignation de ses vice-présidents : Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Jacques Grosperrin, Mme Claudine Lepage, Mme Jocelyne Guidez, Mme Nadège Havet, M. Pierre Ouzoulias, Mme Véronique Guillotin et M. Thomas Dossus. Mme Jacqueline Eustache-Brinio et M. Claude Kern sont désignés secrétaires.
Mme Sabine Van Heghe, présidente. - Comme l'a indiqué notre collègue Collette Mélot, la Conférence des présidents a précisé que les travaux de la mission d'information devraient s'achever à la fin du mois de septembre prochain. Notre mission devra ainsi travailler dans des délais très contraints.
Nous sommes convenues, avec la rapporteure, de concentrer nos travaux aux mois de juin et de juillet, pour terminer nos auditions d'ici la mi-juillet, compte tenu de la durée prévisible de la session extraordinaire du mois de juillet. Nous devrons bien entendu respecter les travaux en séance publique ainsi qu'en commission et délégation. De ce fait, nous serons naturellement conduits à effectuer nos auditions pendant les six semaines à venir les mercredis après-midi à l'issue des questions au Gouvernement, soit de 16 h 30 à 19 heures, et les jeudis matins entre 10 h 30 et 13 heures. Ce cycle d'auditions se terminera le 7 ou le 8 juillet. En effet, le 14 juillet est un mercredi, ce qui empêchera, sauf nécessité absolue, de pouvoir nous réunir cette semaine-là.
Pour ce qui concerne la semaine prochaine, nous envisageons d'effectuer des auditions le mercredi 2 juin de 16 h 30 à 19 heures ; le jeudi 3 juin entre 10 h 30 et 13 heures, compte tenu des réunions de délégations ou de la commission des affaires européennes.
Vous serez bien entendu destinataires par voie électronique, chaque semaine, d'une convocation récapitulant les auditions prévues la semaine suivante. Par ailleurs, dès que le programme des auditions que nous présentera la rapporteure sera suffisamment avancé, je vous ferai parvenir un calendrier prévisionnel de plusieurs semaines afin que vous puissiez vous organiser au mieux.
En raison de la pandémie, et sous réserve d'une évolution des pratiques sanitaires que nous connaissons au Sénat, ces auditions se tiendront toutes, sauf contre-indication expresse, en présentiel et en téléconférence. Nous pourrions présenter nos conclusions début septembre, soit avant la fin réglementaire de nos travaux, mais, surtout, au moment de la rentrée scolaire, compte tenu de l'objet même de notre mission. Nous en maximiserons la visibilité et la portée.
Ainsi, nous aurons très certainement à nous réunir pour finaliser nos travaux d'ici au 15 septembre au plus tard. Je tenais d'ores et déjà à vous en avertir.
Mme Colette Mélot, rapporteure. - Mes premiers mots seront vous pour dire combien je suis heureuse et honorée d'être la rapporteure de cette mission, initiée à la demande de mon groupe parlementaire, le groupe Les Indépendants-République et Territoires. Comme Mme la présidente l'a opportunément souligné, la mission s'inscrit dans un agenda contraint, car elle s'achèvera au début du mois de septembre.
Le harcèlement scolaire est malheureusement d'une forte actualité pour beaucoup de nos jeunes scolarisés et leur famille, dont il bouleverse au sens propre l'existence. Tout récemment encore, le tribunal administratif de Melun vient de reconnaître comme liberté fondamentale le droit de l'élève à ne pas être harcelé à l'école.
L'âge scolaire devrait être celui de la joie de la découverte, d'un « vivre ensemble » apaisé, l'âge des amitiés dont certaines se nouent pour de nombreuses années, de l'apprentissage de nouveaux champs du savoir.
La malveillance des harceleurs et la souffrance des harcelés se trouvent démultipliées par la puissance des réseaux sociaux qui, telle la langue d'Ésope, peuvent être capables, parfois du meilleur, et souvent du pire, en protégeant indûment le bourreau derrière un anonymat qui est le terreau de la lâcheté.
Dans ces conditions, comme notre mission porte sur le « harcèlement scolaire et le cyberharcèlement », il nous faudra d'emblée bien en circonscrire le champ, pour s'intéresser à celui qui vise le jeune, non pas en tant que tel, mais dans le cadre scolaire et, naturellement, en ne traitant pas de toutes les violences que le milieu scolaire peut connaître. Je pense donc que ce travail préalable de définition, avec non seulement les hauts responsables du ministère, mais également des chercheurs ayant travaillé sur le sujet, nous permettra d'être sur la bonne voie.
Pour ma part, et à ce stade, je m'inspirerai de la circulaire du 13 août 2013, pour définir le harcèlement comme le fait de soumettre de façon répétée et sur le long terme un élève du même établissement scolaire à des comportements agressifs - quels que soient leur nature et leur canal - afin de lui porter préjudice, le blesser ou le mettre en difficulté.
Ainsi, et en souhaitant être aussi exhaustive que possible, notre mission sera amenée à s'intéresser à cette question au travers de différents prismes, en diversifiant les approches pour bien cerner le phénomène et pouvoir faire des propositions innovantes et réalistes.
Nous examinerons d'abord la vision qu'en ont les acteurs institutionnels chargés de l'enseignement en France, à savoir le directeur général de l'enseignement scolaire et, le cas échéant, la mission de prévention des violences en milieu scolaire, ainsi que des recteurs académiques pour une déclinaison territoriale. Nous entendrons aussi sans tarder dans ce cadre des représentants d'associations de prévention du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement. Ces dernières ont souvent été créées par des enfants harcelés ou leurs parents. Il nous faudra aussi, probablement dans un format audition de rapporteur, pour des contraintes de temps, rencontrer un ou deux spécialistes qui nous en présenteront leur vision, alliant recul et perspective historique, ainsi que notre collègue député Erwan Balanant, qui a rendu en octobre dernier au garde des sceaux et au ministre de l'éducation nationale un rapport sur la thématique d'ensemble du harcèlement scolaire.
Puis nous devrons nous pencher sur la manière dont les représentants syndicaux perçoivent le harcèlement scolaire. Il s'agira alors, notamment sous forme de tables rondes pour fluidifier les échanges et confronter les points de vue, d'entendre les syndicats d'enseignants, mais aussi ceux des personnels de direction, sans oublier les trois principales associations de parents d'élèves.
Une fois ce premier et large tour d'horizon accompli, il me paraît judicieux d'entamer une série d'auditions des partenaires de la lutte contre le cyberharcèlement qui, de fait, ont à en connaître. Il importera alors, en fonction de nos disponibilités, d'être à l'écoute des autorités ad hoc de la police, de la gendarmerie et de la justice, des services déconcentrés de préfecture, sans oublier les intervenants sociaux et médico-sociaux en milieu scolaire ou les compagnies d'assurance scolaire, qui mettent en place des tutoriels pour venir en aide aux victimes.
À ce stade de nos réflexions, et compte tenu du libellé même de notre mission, il nous faudra bien évidemment entendre les représentants des réseaux sociaux, car ils ont une place et un rôle majeurs. Cela a été encore rappelé la semaine dernière à l'Assemblée nationale lors d'une question d'actualité adressée au ministre de l'éducation nationale : il faut mettre ces réseaux sociaux face à leur responsabilité, car leurs algorithmes propagent la violence. Ce sont bien les gestionnaires de ces réseaux qui doivent développer la protection de leurs utilisateurs, en particulier mineurs, en concertation avec les acteurs publics et associatifs. Aussi, je compléterais bien volontiers ce volet par l'audition d'associations lycéennes. Mais comme le temps risque de nous manquer, j'envisageais de les tenir, là aussi, au format d'auditions de rapporteur, auxquelles vous serez naturellement tous invités. Cela allégera notre calendrier de travail en session plénière, sans aucune déperdition d'information.
Pour clore ce programme copieux, vers le 7 ou le 8 juillet, il me semble indispensable que nous entendions les responsables ministériels. Plusieurs d'entre eux sont chargés du dossier : M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, naturellement, mais également Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté, ou M. Adrien Taquet secrétaire d'État en charge de l'enfance et des familles auprès du ministre des solidarités et de la santé. Cette audition ministérielle serait captée et diffusée.
Ce programme est ambitieux et copieux. Il saura aussi être évolutif et s'adapter si besoin, en fonction du déroulé de nos travaux, si une thématique nous paraissait devoir être approfondie. Mais j'attire votre attention sur le butoir temporel qui est le nôtre, compte tenu de la création tardive de cette mission.
Aussi, pour ces raisons de contrainte calendaire, et parce que cela risquerait de se prêter à des dérapages difficilement contrôlables, je n'envisage pas de consultation en ligne ou d'espace participatif, ni de recourir à des auditions excessivement médiatiques, comme celle de la jeune Mila. Au demeurant, celle-ci est mineure et son cas ne concerne pas formellement le cyberharcèlement scolaire - son audition risquerait de déchaîner inutilement trop de bashing et de polémiques inutiles. Il nous faut impérativement privilégier le travail de fond et l'écoute des acteurs au plus près du terrain, marque de fabrique du Sénat.
J'envisage donc dès la seconde quinzaine de juin, avant que les écoles, collèges et lycées ne ferment ou ne soient absorbés par les examens de fin d'année, deux déplacements sur le terrain. Ils devront nous permettre d'apprécier la portée et l'efficacité des actions opérationnelles conduites au quotidien. Outre le recteur et le référent harcèlement, nous irions ainsi à la rencontre des élèves dans les établissements et de leurs encadrants, en préservant naturellement l'anonymat des mineurs.
Nos travaux, vous l'avez bien compris, nous permettront d'établir des constats, de disposer de données aussi précises que possible, de dresser un bilan des politiques publiques, mais aussi, j'en suis certaine, de formuler des propositions consensuelles et concrètes.
Un travail passionnant nous attend donc, dont le rayonnement et la portée dépendront, outre notre indéniable savoir-faire, de notre capacité à faire savoir, à faire connaître nos préconisations auprès du plus grand nombre possible de publics divers. En plein accord avec la présidente, je veillerai donc à la lisibilité de nos travaux, à leur accessibilité au plus grand nombre et, en premier lieu, aux publics scolaires, en utilisant tous les moyens adéquats. Je pense à l'infographie ou à la réalisation de vidéos informatives et didactiques pour bien expliciter les conclusions de nos travaux.
Avant de vous laisser la parole, permettez-moi de terminer mon intervention en vous livrant deux informations pratiques pour la suite de nos travaux. Tout d'abord, avant chaque audition, le secrétariat de la mission veillera à vous fournir une documentation ad hoc sur les personnes entendues et leurs travaux les plus saillants, de sorte que vous puissiez la préparer au mieux. Je vous en remercie par avance et me réjouis pour notre travail commun à venir.
Mme Annick Billon. - Je me réjouis de la création de cette mission. Nous devrons, je crois, nous intéresser à la médecine scolaire, car elle joue un rôle crucial en matière de détection et d'accompagnement des victimes de harcèlement à l'école.
Il est aussi important de mettre l'accent sur la formation aux réseaux sociaux, qui occupent une place de plus en plus grande dans notre société. Les programmes scolaires doivent donc être adaptés et la formation réalisée par des personnes compétentes.
Enfin, je viens de lire Les enfants sont rois de Delphine de Vigan, livre terrible sur l'utilisation et l'exploitation des enfants par leurs parents. Il faut s'assurer que la loi protège les enfants pour éviter que leurs parents ne les exposent, sans leur accord et de manière parfois durable, à des situations difficiles, dont les effets sont susceptibles de se faire sentir tout au long de leur vie.
Mme Micheline Jacques. - Je souscris à ce que vient de dire Mme Billon. Directrice d'école, j'ai été confrontée à la problématique du harcèlement scolaire, et cette mission me touche particulièrement. Il me semble que nous devrions aussi nous intéresser aux harceleurs et, en particulier, chercher à comprendre comment un enfant peut devenir harceleur : des enfants qui vivent des situations familiales compliquées reproduisent ce qu'ils subissent à l'école et déversent leur haine sur leurs camarades plus fragiles. Enfin, vous avez évoqué les déplacements sur le terrain : élue d'outre-mer, je suis prête, si vous le souhaitez, à aller à la rencontre d'élèves à la Martinique ou à Saint-Barthélemy pour étudier cette question.
Mme Colette Mélot, rapporteure. - Je vous remercie pour vos analyses et suggestions. L'éclairage d'Annick Billon, en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, sera précieux pour notre mission. Je remercie aussi Micheline Jacques pour sa proposition de nous apporter un témoignage sur la situation outre-mer. Le harcèlement est une relation à trois, entre la victime, le harceleur, dont nous devons essayer de comprendre les motivations, et, il ne faut pas les oublier, les témoins, qui peuvent être actifs ou passifs.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je comprends très bien que l'on ne puisse pas interroger Mila, ne serait-ce que pour des raisons médiatiques, mais on ne peut pas dire qu'il ne s'agissait pas de harcèlement scolaire : elle a quand même dû être déscolarisée ! Cet exemple montre que le harcèlement peut aller jusqu'à la déscolarisation.
Mme Colette Mélot, rapporteure. - Vous avez raison, mais il faut rappeler que, dans son cas, le harcèlement ne s'est pas limité à l'école, même si celui-ci a rejailli sur sa scolarité.
Mme Véronique Guillotin. - Cette mission concerne un sujet important, dont on parle de plus en plus : est-ce parce que nous sommes collectivement davantage sensibilisés à cette question, ou bien au contraire parce que le phénomène se développe ? Je ne sais pas. En tout cas, les conséquences peuvent être dramatiques : déscolarisation, suicide, etc. Je suis ravie de faire partie de cette mission.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Il me semble important de réaliser une comparaison internationale pour voir ce qui se passe dans les pays étrangers. Certains sont très en avance sur nous - je pense notamment aux pays scandinaves - et nous pourrions nous en inspirer.
Mme Colette Mélot, rapporteure. - En effet. J'avais d'ailleurs travaillé sur ce sujet, voilà quelques années, avec l'ambassade de Finlande.
Mme Sabine Van Heghe, présidente. - Je vous informe d'ores et déjà que nous avons prévu d'auditionner mercredi prochain M. Édouard Geffray directeur général de l'enseignement scolaire et M. Christophe Kerrero, recteur de l'académie de Paris, puis Me Laurent Bayon, avocat au barreau de Paris. Jeudi, nous organiserons une table ronde avec les associations « Marion la main tendue », « Hugo ! », et « e-Enfance ».
La réunion est close à 14 h 35.