- Mercredi 4 mars 2020
- Institutions européennes - Programme de travail de la Commission européenne pour 2020 - Examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique de MM. Jean Bizet et Simon Sutour
- Budget communautaire - Lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre de la politique de voisinage - Examen d'une proposition de résolution européenne et d'un avis politique
Mercredi 4 mars 2020
- Présidence de M. Jean Bizet -
La réunion est ouverte à 13 h 30.
Institutions européennes - Programme de travail de la Commission européenne pour 2020 - Examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique de MM. Jean Bizet et Simon Sutour
M. Jean Bizet, président. - La Commission européenne a adopté fin janvier son programme de travail : elle y présente les actions qu'elle mènera cette année pour mettre en oeuvre les orientations politiques de sa présidente. Comme de coutume, notre commission pourrait réagir à ce document par une proposition de résolution européenne (PPRE) que je vous propose, avec Simon Sutour.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Le 29 janvier dernier, la Commission européenne a présenté son programme de travail pour 2020, le premier depuis le renouvellement des institutions européennes en 2019. Il s'agit de mettre en oeuvre les priorités qu'Ursula von der Leyen, alors candidate à la présidence de la Commission, avait exposées en juillet 2019 devant les députés européens élus quelques semaines auparavant.
Le Conseil européen du 20 juin 2019 avait lui-même adopté un nouveau programme stratégique, « destiné à orienter les travaux des institutions au cours des cinq prochaines années » et articulé autour de quatre grandes priorités : protéger les citoyens et les libertés ; mettre en place une base économique solide et dynamique ; construire une Europe neutre pour le climat, verte, équitable et sociale ; promouvoir les intérêts et les valeurs de l'Europe sur la scène mondiale.
Le programme de travail de la Commission est cohérent avec ces conclusions du Conseil européen. Maro efèoviè, vice-président de la Commission en charge des relations interinstitutionnelles et de la prospective, a annoncé, pour mai prochain, la présentation d'une programmation pluriannuelle entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil, destinée à convenir de priorités législatives. Cet exercice nouveau serait sans doute bienvenu mais, faute d'accord en interne, le Parlement européen n'est pas parvenu, jusqu'à présent, à formaliser sa propre position par le vote d'une résolution.
Une Union plus ambitieuse, tel est l'intitulé du programme de travail de la Commission pour cette année. Ambitieux, ce texte l'est indubitablement, ne serait-ce que parce qu'il affiche un objectif pour les cent premiers jours ! C'est pourquoi il nous paraît important de veiller à une programmation rigoureuse des travaux législatifs annoncés et, surtout, à sa mise en oeuvre effective. L'Union européenne doit se garder d'effets d'annonce sans suite. Au contraire doit-elle être en mesure de présenter rapidement des résultats concrets aux citoyens européens, dans un contexte d'euroscepticisme et de refondation de son action. À ce titre, le premier discours sur l'état de l'Union de la présidente von der Leyen, traditionnellement prononcé au mois de septembre, devra permettre de dresser un premier bilan de l'action de la nouvelle Commission.
Par ailleurs, il nous faut veiller à ce que ce programme de travail soit conduit dans le respect du principe de subsidiarité et selon les modalités arrêtées dans notre résolution européenne de 2017 sur la simplification du droit européen.
À titre liminaire, le programme de la Commission souligne plusieurs éléments importants : l'indispensable transition écologique et numérique, le fonctionnement inclusif, l'affirmation des valeurs européennes, et la nécessité d'une Union européenne forte et unie dans un monde incertain, marqué par des tensions et des conflits. Quand la Commission Juncker se voulait « politique », la Commission von der Leyen s'affirme « géopolitique ». Le programme de travail évoque naturellement un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni, mais mentionne aussi deux points qui ne sont curieusement pas développés par la suite : le soutien à un droit d'initiative pour le Parlement européen - sans mention des parlements nationaux ; nous devons toujours rappeler notre existence... - et le recours accru à la prospective stratégique. Le 18 février dernier, Maro efèoviè a réitéré cet engagement en faveur du droit d'initiative devant la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, en précisant que cette procédure devrait être accompagnée d'un travail en amont avec ses services afin de prendre un certain nombre de précautions juridiques.
Le programme de travail comporte 43 actions, réparties selon les six grandes ambitions définies dans les orientations politiques d'Ursula von der Leyen : le Pacte vert pour l'Europe (8 actions), l'Europe adaptée à l'ère du numérique (9 actions), l'économie au service des personnes (6 actions), l'Europe plus forte sur la scène internationale (7 actions), la promotion de notre mode de vie européen (4 actions) et un nouvel élan pour la démocratie européenne (9 actions).
Au total, ces 43 actions devraient être mises en oeuvre à travers 96 initiatives, dont 29 initiatives de nature législative et 67 initiatives de nature non législative (à surveiller aussi), selon un calendrier prévisionnel établi de façon trimestrielle. La Commission prend bien soin toutefois de préciser que ces informations restent indicatives. Le président Bizet précisera le contenu de ces diverses initiatives, dont quelques-unes ont déjà été rendues publiques.
Par ailleurs, le programme de travail présente également les révisions, évaluations et bilans de qualité auxquels la Commission envisage de procéder au cours de l'année, au titre du programme pour une réglementation affûtée et performante (REFIT), qui est un programme de simplification. 44 initiatives sont prévues dans ce cadre, dont 18 au titre du Pacte vert pour l'Europe et 15 au titre de l'objectif « Une Europe adaptée à l'ère du numérique ». Je peux ainsi citer la révision du règlement sur les réseaux transeuropéens d'énergie, la révision de la directive sur les batteries, le bilan de qualité de la législation européenne sur les perturbateurs endocriniens, l'évaluation de la stratégie européenne pour le bien-être animal, le réexamen de la directive sur la réduction des coûts du haut débit, l'évaluation de la directive sur les services postaux, le bilan de qualité en matière de publication d'informations par les entreprises, l'évaluation du volet commercial des six accords d'association de l'Union européenne avec les pays euro-méditerranéens ou encore la révision de la directive sur la sécurité générale des produits.
La Commission dresse également la liste des 126 textes présentés par la Commission Juncker et considérés comme prioritaires, mais dont l'examen législatif reste en cours. Il s'agit en particulier des 56 textes relatifs au cadre financier pluriannuel 2021-2027, mais aussi, hors de cette catégorie, des propositions législatives concernant, par exemple, le paquet « asile ».
Le programme de travail indique aussi que seront retirées, d'ici juillet prochain, 32 propositions législatives, dont 15 relèvent de l'orientation politique correspondant au Pacte vert pour l'Europe. Ces retraits peuvent être motivés par l'obsolescence : c'est le cas d'une proposition de règlement de 2014 prévoyant une interdiction de la pêche au filet dérivant, ou encore d'une proposition de décision du Conseil de 2009 relative à la conclusion d'un accord avec la Corée du Sud sur certains aspects des services aériens, dont les dispositions ont finalement été intégrées dans d'autres textes. Ils peuvent également être motivés par l'absence de perspective d'accord ; tel est le cas, par exemple, de deux propositions de directive de 2013, la première relative à la mise sur le marché des denrées alimentaires obtenues à partir d'animaux clonés - ce qui est un peu effrayant - et la seconde sur le cadre juridique de l'Union régissant les infractions douanières et les sanctions qui y sont applicables.
Enfin, la Commission envisage d'abroger deux textes en vigueur dont les dispositions sont devenues obsolètes : un règlement de 1970 instaurant une comptabilité des dépenses afférentes aux infrastructures de transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, et un autre de 1986 relatif à la suppression de certaines redevances postales de présentation à la douane.
M. Jean Bizet, président. - La Commission a un programme de travail extrêmement ambitieux, qui comporte de nombreuses initiatives. Je centrerai mon propos sur les principales d'entre elles.
Le Pacte vert pour l'Europe comporte de nombreuses propositions, dont certaines ont déjà été présentées, par exemple dans la communication, de nature transversale, faite par la Commission en décembre 2019. La majorité des propositions sur la transition climatique et la protection de l'environnement sont de nature non législative. C'est le cas du pacte européen pour le climat, dont l'objectif est de mobiliser les collectivités territoriales, les entreprises et la société civile ; du plan d'investissement du Pacte vert, lui aussi déjà présenté par la Commission, et qui ambitionne de financer des investissements durables au cours des dix ans à venir, en lien avec InvestEU, à hauteur de 1 000 milliards d'euros ; des contributions de la Commission à la COP 26, qui doit se tenir à Glasgow ; de la stratégie « De la ferme à la table » sur la durabilité des systèmes alimentaires ; des textes sur la décarbonation de l'énergie ; ou encore de la stratégie européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030. En revanche, parmi les propositions législatives les plus emblématiques, je citerai la fixation de l'objectif de neutralité climatique à l'horizon de 2050, ainsi que la proposition de règlement, présentée en janvier, instituant le Fonds pour une transition juste, destiné à accompagner les régions et secteurs les plus touchés par la transition climatique. Nous devons relativiser : l'Union européenne émet moins de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète. C'est surtout la Pologne qui bénéficiera du Fonds pour une transition juste, en raison du nombre d'entreprises y utilisant du charbon. Il faudra bien assurer cette mutation énergétique.
Sur l'objectif d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, la part des propositions législatives est plus importante, puisqu'il s'agit d'adapter ou de modifier des directives et règlements, par exemple sur les services numériques, sur la sécurité des réseaux et des systèmes d'information, sur les chargeurs universels pour appareils portables, sur l'itinérance ou encore sur les redevances aéroportuaires. Ces initiatives interviendront pour renforcer l'intelligence artificielle et la cybersécurité, et aussi pour améliorer les services numériques aux consommateurs. Les initiatives non législatives, toutefois, ne manqueront pas, avec en particulier une stratégie européenne en matière de données, qui vient d'être présentée par Thierry Breton, mais aussi au titre de la nouvelle stratégie industrielle pour l'Europe, par exemple en faveur des PME, ou de la recherche. Je me réjouis de la nomination de Thierry Breton comme commissaire européen : ancien responsable d'Atos, il sait de quoi il parle et il est extrêmement volontariste. Dans un contexte de compétition exacerbée, nous ne devons pas être seulement les spectateurs de la lutte entre la Chine et les États-Unis. Globalement, ces diverses actions devraient contribuer à renforcer le marché unique numérique.
Les propositions de nature législative permettront également de donner un contenu concret à l'objectif d'une économie au service des personnes, notamment en matière sociale puisque la Commission annonce pour la fin de l'année un texte sur un régime européen de réassurance chômage, qui devrait soutenir un objectif de reconversion professionnelle. Il est prévu aussi d'approfondir l'Union des marchés de capitaux, par un réexamen de la réglementation applicable aux entreprises d'investissement et aux opérateurs de marché, et d'achever l'Union bancaire, avec un réexamen de la législation relative aux exigences de fonds propres. Je crains que notre partenaire principal, l'Allemagne, ait du mal à appréhender ce sujet avec autant d'entrain... L'Union des marchés de capitaux est pourtant essentielle pour donner à l'euro sa dimension de monnaie internationale. Il faut dire que l'épargne des Européens, de certains pays en particulier, est investie dans des fonds de pension qui participent au développement économique des États-Unis. Les entreprises européennes sont financées essentiellement par les réseaux bancaires, les entreprises américaines par le marché. Tant que nous n'aurons pas une union des marchés des capitaux, l'Union européenne ne pourra pas pleinement développer le marché unique. Je regrette que nous n'avancions pas plus vite avec nos amis allemands à cet égard. Enfin, le guichet unique douanier annoncé devrait renforcer la protection des frontières et simplifier les procédures administratives pour les entreprises. D'autres sujets seront abordés en 2020, mais de façon plus prospective, par exemple le renforcement de la garantie pour la jeunesse, le réexamen du cadre de gouvernance économique, la lutte contre le blanchiment de capitaux, la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle ou encore un plan d'action sur l'Union douanière.
Il paraît assez logique que l'objectif d'une Europe plus forte sur la scène internationale soit surtout poursuivi au moyen d'initiatives non législatives. Plusieurs d'entre elles viseront ainsi : une stratégie globale avec l'Afrique, pour « approfondir le partenariat dans tous les domaines » ; la réforme, déjà en partie présentée, de la procédure d'élargissement, visant surtout les Balkans occidentaux après l'ajournement de l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord et l'Albanie ; la refonte du Partenariat oriental après 2020, « assorti d'un nouvel ensemble d'objectifs stratégiques à long terme » ; une initiative sur la réforme de l'OMC, annoncée pour la fin de l'année ; des plans d'action en faveur des droits de l'Homme et de la démocratie et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Une communication sur le renforcement de la souveraineté économique et financière de l'Europe est annoncée pour le troisième trimestre. Elle devrait rechercher l'accroissement du rôle international de l'euro et explorer la façon de neutraliser les sanctions extraterritoriales prises par des États tiers, un dispositif étant annoncé sur ce sujet en 2021. La principale initiative législative consistera en la conclusion de nouveaux accords de partenariat entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), appelés à remplacer l'accord de Cotonou.
La promotion de notre mode de vie européen donnera également lieu à de nombreuses initiatives non législatives pour la promotion des compétences, de l'éducation et de l'inclusion, au travers, par exemple, de la mise en place d'un espace européen de l'éducation, et aussi pour des stratégies européennes en faveur de la lutte contre les abus sexuels commis contre les enfants et en vue de l'éradication de la traite des êtres humains.
La protection de la santé donnera lieu à la présentation, en fin d'année, d'un plan européen de lutte contre le cancer et d'une stratégie pharmaceutique pour l'Europe. Une telle stratégie est importante, sachant que certains médicaments basiques sont majoritairement fabriqués en Asie, en particulier en Chine.
Les questions de migration et d'asile occupent naturellement une place importante dans ce programme de travail. Un nouveau pacte sur la migration et l'asile, qui comportera à la fois des dispositions législatives et non législatives, est prévu au mois de mars. Il s'agit de repartir sur de nouvelles bases après l'échec à réformer le règlement de Dublin et de repenser la gouvernance de l'espace Schengen. Frontex, dont les moyens ont été revalorisés, fonctionne assez bien, avec l'appui des garde-frontières des États membres qui le souhaitent. Enfin, en matière de sécurité, une nouvelle stratégie pour l'Union de la sécurité est annoncée pour le deuxième trimestre et une révision du mandat d'Europol visera à intensifier la coopération policière, après le départ du Royaume-Uni. Il est essentiel, dans les domaines de la défense et du renseignement, que nos liens avec le Royaume-Uni restent les plus étroits possible.
De nombreuses initiatives, essentiellement non législatives, seront prises en faveur d'un nouvel élan pour la démocratie, dans des domaines variés : la protection des consommateurs ; les conséquences de l'évolution démographique, un livre vert sur le vieillissement étant prévu pour la fin de l'année ; l'égalité et la non-discrimination, concernant en particulier les personnes LGBTI et les Roms ; un plan d'action pour la démocratie européenne, également à la fin de l'année ; le fonctionnement de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui a déjà donné lieu à une communication - nous vous ferons quelques propositions à cet égard - ; l'État de droit, avec la présentation du rapport annuel au troisième trimestre ; les droits fondamentaux, dont la défense et l'affirmation se traduiront par une nouvelle stratégie pour la mise en oeuvre de la Charte des droits fondamentaux, une autre stratégie en matière de droits des victimes et un rapport sur l'application du règlement général sur la protection des données. La Commission devrait également publier, au deuxième trimestre, une communication sur l'amélioration de la réglementation et son rapport annuel de prospective. Enfin, une initiative législative concernera des mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations à des fins d'égalité hommes-femmes.
Vous le voyez, le programme est particulièrement nourri !
Sur la base de cette présentation générale, Simon Sutour et moi avons établi un projet de proposition de résolution européenne, qui vous a été préalablement distribué, et qui fixe ou rappelle nos positions sur le programme de travail de la Commission pour 2020.
M. André Gattolin. - Il est important que notre commission prenne position sur le programme de travail de la Commission, même si le cadre financier pluriannuel se chargera de limiter les marges d'action. Ne pourrait-on pas inclure, dans le chapitre intitulé Sur la promotion de notre mode de vie européen, un point sur le respect des droits des enfants bi-nationaux euro-japonais et de leurs parents ? Je rappelle que le Sénat s'est prononcé sur ce sujet sensible, à la fois dans notre commission et en séance publique.
M. Jean-Yves Leconte. - Nous avons adopté une proposition de résolution sur les moyens financiers de l'Union européenne. Il importe d'en adopter une relative aux politiques de l'Union européenne. Je suis très gêné par le fait que le nouveau pacte sur la migration et l'asile figure dans le chapitre sur la promotion du mode de vie européen. Cela ne me paraît pas adapté.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Nous avons repris l'intitulé officiel des rubriques figurant dans le programme de travail de la Commission.
M. Jean-Yves Leconte. - Il me paraît contre-productif, quand on parle de l'Afrique, de n'envisager que les risques migratoires ou l'explosion démographique. Il faut aussi voir quelles opportunités offre ce continent, compte tenu de sa richesse et de l'évolution de sa croissance économique.
Enfin, j'accepte la formulation de l'alinéa 52, dans lequel est saluée la reprise des négociations en vue de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme et où nous appelons à la conclusion rapide d'un accord d'adhésion qui préserve l'autonomie du droit de l'Union européenne et la compétence exclusive de la Cour de justice de l'Union européenne pour l'interpréter. Pour autant, ce paragraphe ne doit pas être lu comme un refus de notre part de tout contrôle externe, l'objectif de l'adhésion étant le contrôle externe de la Cour de Strasbourg sur l'ensemble du droit européen ayant des effets sur les droits fondamentaux. Le traité de Lisbonne prévoyant l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme, la Cour de justice de l'Union européenne ne saurait s'y opposer sans se mettre en dehors du droit européen.
Mme Pascale Gruny. - Le verdissement de la politique agricole commune conduit à interdire l'utilisation de certains produits aux agriculteurs. Or, aucune solution ne leur est proposée pour remplacer ces produits. La recherche européenne dans ce domaine est insuffisante.
Par ailleurs, les véhicules électriques manquent d'autonomie. Où en est la recherche sur les batteries et l'autonomie de ces véhicules ?
M. André Reichardt. - Ce projet de résolution européenne me convient dans ses grandes lignes. Je me suis plus particulièrement intéressé au chapitre intitulé Sur une Europe plus forte sur la scène internationale. Comme Jean-Yves Leconte, je déplore qu'on n'aborde l'Afrique que sous l'angle de la sécurité et des migrations. Je suis de ceux qui pensent qu'une occasion est en train d'être manquée avec la transformation du franc CFA en éco. L'Europe devrait se substituer à la France pour garantir les réserves de change et nouer avec l'Afrique un partenariat sur des sujets dépassant les migrations ou la sécurité.
Sur Frontex, j'aimerais qu'on dépasse le stade des mots.
Enfin, la méthodologie de l'élargissement de l'Union européenne mentionnée à l'alinéa 35 existe déjà. La Turquie nous reproche d'ailleurs de la faire lanterner alors que d'autres États ont bénéficié d'une ouverture de chapitres beaucoup plus rapide. J'ajoute qu'il serait temps qu'on adopte une position forte à l'égard de la Turquie, compte tenu de ce qu'il se passe actuellement.
Mme Gisèle Jourda. - Je m'interroge sur le respect des critères pour la libéralisation des visas prévus dans le cadre du Partenariat oriental. On exige des pays qui souscrivent des contrats dans ce cadre qu'ils respectent des critères qu'on n'impose pas à des pays membres de l'Union, sachant en outre que le contrôle et le suivi de ces accords par l'Union européenne sont faibles. Comment va-t-on renforcer les accords de libre-échange existants ? Seront-ils modifiés ? Les moyens seront-ils au rendez-vous ?
M. Jean-Yves Leconte. - À l'alinéa 35, il faut supprimer, selon moi, le terme « réversible » pour qualifier la nouvelle procédure d'élargissement de l'Union européenne. On peut imaginer une réversibilité dans certaines situations, si des évolutions surviennent en cours de négociation, notamment sur l'État de droit. En revanche, certaines actions ne sont pas réversibles, je pense aux décisions en matière de concurrence ou d'aides publiques. Si on écrit juste : « cette réforme doit rapidement aboutir à une procédure rigoureuse et individualisée », on aura tout dit.
M. Jean Bizet, président. - Cette ligne directrice a été validée par une majorité d'États membres. Peut-être pourrait-on écrire « en partie réversible » ?
M. Jean-Yves Leconte. - Je propose de remplacer le mot « réversible » par le mot « financée ». Dans une négociation, on lâche certaines choses quand on sait que cela va changer la donne. Ces concessions ne peuvent pas ensuite être remises en cause.
M. Simon Sutour, rapporteur. - Cette proposition de résolution n'est sans doute pas parfaite, mais il nous faut rester cohérents. Si on a intitulé un chapitre Sur la promotion de notre mode de vie européen, c'est parce qu'un commissaire européen est chargé de cette question. Et puis, au risque de choquer, je trouve que notre mode de vie n'est pas si mauvais que cela. Il y a pire dans le monde !
L'alinéa sur la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux est important. Le Président de la République a mis son veto à l'ouverture des négociations avec l'Albanie et la Macédoine du Nord, alors que ces pays sont déjà candidats à l'adhésion. Il s'agissait juste d'ouvrir les négociations. Alors que j'étais très opposé à cette position, je trouve que d'un mal peut sortir un bien. Avec la nouvelle procédure envisagée, il sera possible de réétudier les chapitres. J'ajoute que ce serait bien que la réversibilité s'applique à la Turquie. Comment un pays qui occupe Chypre, un État membre de l'Union européenne, peut-il encore être candidat à l'adhésion ? Et je ne parle pas ce qui est en train de se passer... J'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet, car je me suis rendu en Grèce récemment, où j'ai rencontré le chef du bureau de Frontex. Ce qui s'y passe est dramatique. Enfin, je pense qu'il faut conserver le mot « réversible » et s'en tenir à notre proposition.
M. André Gattolin. - J'appelle votre attention sur l'application effective des règles. L'Union européenne ne fonctionnera pas si on ne vérifie pas régulièrement que les accords conclus sont appliqués. À titre d'exemple, l'initiative « Tout sauf les armes » de l'Union européenne en faveur des pays les moins avancés n'a donné lieu à des vérifications qu'au bout de quinze ans, et encore seulement en Birmanie et au Cambodge. On s'est alors rendu compte qu'on ouvrait nos frontières au Cambodge à des conditions qui n'étaient pas respectées. C'est dans de telles situations que se pose la question de la réversibilité.
Mme Gisèle Jourda. - Je reviens sur le Partenariat oriental. Je souhaite qu'on supprime de la phrase à l'alinéa 36 les mots : « et des critères à respecter pour la libéralisation des visas » car ces critères sont déjà établis et ne sauraient être durcis.
M. Jean Bizet, président. - Nous nous contenterons de rappeler l'existence de ces critères. Nous veillerons aussi à insister sur la protection des enfants même hors des frontières de l'Union européenne via son action extérieure. Je précise à Pascale Gruny que sa remarque est en partie satisfaite, dans la mesure où l'alinéa 5 insiste sur l'objectif de réduction de l'utilisation des antibiotiques et des produits phytosanitaires, en précisant qu'il doit être atteint « conformément aux avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments ».
Sur le volet « Recherche et développement » regardant la mobilité, ce sera traité dans le cadre du Green Deal.
En réponse à André Reichardt, j'indique que, à l'alinéa 33, le texte demande « que les crédits de la politique européenne de voisinage bénéficiant au Sud soient ciblés, en priorité, sur la protection du climat et de l'environnement, sur le développement des échanges et sur les migrations », ce qui traduit une approche positive de l'Afrique. Mais nous pouvons encore l'améliorer en ce sens.
À l'issue du débat, la commission adopte la proposition de résolution européenne, dans la rédaction suivante, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne :
Budget communautaire - Lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre de la politique de voisinage - Examen d'une proposition de résolution européenne et d'un avis politique
M. Jean Bizet, président. - Il nous revient maintenant d'examiner la proposition de résolution européenne n° 309, déposée le 6 février dernier par notre collègue Nathalie Goulet, visant à améliorer la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre de la politique de voisinage.
Nous allons entendre le rapport d'André Reichardt, qui nous a récemment soumis une proposition de résolution européenne qui plaidait elle aussi pour mieux lutter contre la fraude, mais dans le domaine social. Notre collègue anime le groupe de suivi sur le Partenariat oriental, lequel constitue un volet important de la politique européenne de voisinage.
M. André Reichardt, rapporteur. - Notre commission est saisie d'une proposition de résolution européenne visant à améliorer la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage, présentée par notre collègue Nathalie Goulet.
L'exposé des motifs de cette proposition de résolution vise clairement à lutter contre la fraude aux finances publiques européennes. Il souligne le rejet par les opinions publiques de la fraude, des détournements de subventions et aides internationales et, plus largement, de la corruption, phénomènes qui leur sont devenus intolérables. L'exposé des motifs cible plus particulièrement les pays liés à l'Union européenne par les politiques de voisinage ou les partenariats particuliers. Il cite trois pays : l'Ukraine, l'Égypte et le Liban. Il évoque notamment les manifestations au Liban et l'action des lanceurs d'alerte en faveur de « plus de transparence sur l'usage des multiples financements européens reçus au cours des dernières années par l'État libanais ».
Enfin, il mentionne le rôle de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) dans la conduite d'enquêtes sur l'utilisation du budget de l'Union européenne, enquêtes qui peuvent donner lieu à des poursuites et sanctions au niveau national. Au total, cette proposition de résolution européenne invite le Gouvernement, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, à soutenir le renforcement du contrôle de l'OLAF sur les fonds européens alloués aux pays liés à l'Union européenne par la politique de voisinage ou un partenariat particulier. Nous ne pouvons que souscrire a priori à cet objectif.
Pour apprécier la proposition de notre collègue, je souhaiterais tout d'abord faire un rappel rapide sur la politique européenne de voisinage avant d'apporter des précisions sur le contrôle des crédits d'ores et déjà alloués à cette politique.
La politique européenne de voisinage (PEV) a été lancée en 2004 à la suite du processus de Barcelone, lui-même engagé en 1995 pour dépasser des relations jusqu'alors exclusivement bilatérales. Elle vise à développer des liens privilégiés avec seize pays voisins de l'Union européenne, dix au titre du voisinage Sud, six au titre du voisinage Est.
Il s'agit de créer un espace de prospérité et de valeurs partagées, fondé sur une intégration économique accrue, des relations politiques et culturelles plus intenses, une coopération transfrontalière renforcée et une prévention conjointe des conflits. La PEV soutient des réformes dans quatre domaines prioritaires : la bonne gouvernance de la démocratie, l'État de droit et les droits de l'Homme, le développement économique comme vecteur de stabilisation, la sécurité et, enfin, la migration et la mobilité. Elle est distincte de la politique d'élargissement et ne saurait constituer l'antichambre de l'adhésion - il s'agit là d'une position politique forte de la France.
La PEV fait l'objet d'un financement spécifique d'un montant total de 15,4 milliards d'euros pour les années 2014 à 2020, mobilisé par l'Instrument européen de voisinage (IEV). Ces crédits, mis en oeuvre sous la forme de programmes ciblés, sont alloués de trois façons différentes : des programmes bilatéraux, des programmes multi-pays et des programmes de coopération transfrontalière. L'Autorité palestinienne est la première bénéficiaire de l'aide européenne au titre de l'IEV, soit 2,2 milliards d'euros, suivie du Maroc et de la Tunisie. L'Égypte reçoit 924 millions d'euros, le Liban 385 millions d'euros. La Commission européenne a proposé de faire passer les crédits de la PEV de 15,4 à 22 milliards d'euros dans le cadre du cadre financier pluriannuel 2021-2027.
Le voisinage Sud bénéficie traditionnellement des deux tiers des crédits globaux de la PEV. Les dix pays concernés entretiennent avec l'Union européenne des relations très hétérogènes. Alors que ni la Libye ni la Syrie ne disposent d'un accord d'association, le Maroc et la Jordanie bénéficient d'un statut avancé, et la Tunisie d'un partenariat privilégié.
Ainsi, les crédits de la PEV permettent de financer diverses actions dans ces seize pays liés à l'Union européenne. Il faut les distinguer des fonds structurels mis en place au titre de la politique de cohésion, tels que le Fonds européen de développement régional (FEDER) ou le Fonds social européen (FSE) qui, eux, sont destinés à réduire les écarts de développement entre régions européennes au sein même de l'Union européenne.
Cette précision est importante car la rédaction de la proposition de résolution européenne me paraît quelque peu confuse sur ce point. En effet, parmi ses visas, elle cite le rapport de la mission d'information du Sénat sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France, établi par notre collègue Colette Mélot, qui estimait que les fonds européens faisaient davantage l'objet d'un « sur-contrôle » que d'un « sous-contrôle ». La rédaction de cette proposition de résolution n'est pas satisfaisante car elle ne permet pas d'atteindre l'objectif que semble poursuivre l'auteure du texte, à savoir le renforcement du contrôle des crédits de la PEV.
J'en viens maintenant à mon second point, la question de l'opportunité de soumettre ces crédits à un contrôle renforcé.
L'auteure de la présente proposition de résolution propose de renforcer le contrôle de l'OLAF sur « l'allocation des fonds européens ». Je l'ai dit, cette rédaction ne permet pas de viser la PEV. En outre, employer le terme « allocation » semble signifier que l'OLAF doit exercer un contrôle d'opportunité, et non de régularité, sur l'utilisation des crédits. J'y vois une seconde difficulté rédactionnelle.
Les crédits de la politique européenne de voisinage font déjà l'objet de divers contrôles.
La Commission effectue un audit systématique de tous les programmes financés dans le cadre de l'IEV. Elle réalise également des rapports d'évaluation, ainsi qu'un rapport annuel examinant les progrès accomplis. Celui-ci comporte des informations sur les mesures financées, le résultat des activités de suivi et d'évaluation, l'engagement des partenaires concernés et l'exécution des engagements budgétaires et des crédits de paiement sur la base d'indicateurs prédéfinis et mesurables, que la Commission transmet au Conseil et au Parlement européen. Par ailleurs, la Commission établit, en collaboration avec les États membres, un rapport annuel sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne et la lutte contre la fraude.
L'OLAF est compétent au titre du contrôle interne, comme le relève justement le texte qui nous est soumis. Créé en 1999, l'Office est une direction de la Commission, mais dispose d'une autonomie budgétaire et administrative destinée à garantir son indépendance opérationnelle. Il établit son propre rapport annuel sous l'autorité de son directeur général.
La mission de l'OLAF est de détecter les cas de fraude pour toutes les dépenses du budget de l'Union européenne. L'OLAF mène des enquêtes, y compris transfrontalières, sur signalement des États membres, des institutions européennes ou anonyme, sur la fraude et la corruption portant atteinte à la protection des intérêts financiers de l'Union. Il s'agit d'enquêtes internes au sein des administrations européennes, et externes dans les États membres et dans certains pays avec lesquels des accords de coopération ont été conclus.
Ses enquêtes sont administratives. L'OLAF ne dispose pas d'attributions judiciaires, même s'il peut adresser des recommandations aux autorités judiciaires des États membres. La création du Parquet européen, qui doit être opérationnel à la fin du mois de novembre prochain, vise précisément à surmonter cet obstacle. La lutte contre la fraude s'en trouvera ainsi renforcée.
Selon le rapport de notre collègue Patrice Joly pour la commission des finances, « entre 2010 et 2017, l'OLAF a conduit près de 1 800 enquêtes et a recommandé le recouvrement de près de 6,6 milliards d'euros pour le budget de l'Union européenne ».
Pour ce qui concerne plus précisément les pays relevant de la PEV, l'OLAF a clôturé vingt et un dossiers d'enquête entre 2015 et 2020. En 2019, l'un d'entre eux, accompagné de recommandations financières, concernait le Liban. Par ailleurs, douze enquêtes sont en cours. On ne peut demander à l'OLAF de renforcer ses contrôles sans accroître ses moyens et, donc, ses dépenses de fonctionnement. Dans le contexte budgétaire tant européen que national, est-ce souhaitable et réaliste ? Il me semble que nous pourrions au moins réclamer que l'OLAF dispose de ressources suffisantes pour assurer ses missions dans des conditions normales.
Enfin, la Cour des comptes européenne détient, elle aussi, un pouvoir d'audit. Elle effectue également des contrôles sur l'utilisation des crédits de la PEV. Son dernier rapport annuel, publié en octobre dernier, évoque certains cas de fraude présumée communiqués à l'OLAF. Il étudie la performance des opérations financées ou cofinancées par le budget de l'Union européenne. Sur la base d'un contrôle par échantillonnage, la Cour émet en outre des recommandations visant à améliorer la gestion de ces fonds.
La Cour des comptes européenne établit également des rapports spéciaux sur des sujets plus circonscrits ou sur des pays, dont le but est de présenter les résultats des audits de la performance et des audits de conformité. Je citerai le rapport spécial de 2018 sur la mise en oeuvre de fonds de l'Union européenne par des organisations non gouvernementales, ou le rapport de 2019 sur le soutien de l'Union au Maroc.
Enfin, la Cour est appelée à émettre un avis sur les propositions de règlement de la Commission au titre du prochain cadre financier pluriannuel. C'est ce qu'elle a fait sur la proposition de règlement établissant l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVDCI). Elle formule plusieurs recommandations dans cet avis.
Ce nouvel instrument financier, qui regrouperait de nombreux dispositifs de l'actuel cadre financier pluriannuel, dont l'IEV, devrait également contribuer à renforcer le contrôle des crédits de la PEV. Aux termes du considérant 44 et des articles 31 et 32 de la proposition de règlement, la Commission sera tenue de prévoir que les accords conclus pour la mise en oeuvre de l'IVDCI comportent des dispositions expresses sur les compétences de la Commission, de l'OLAF et de la Cour des comptes européenne en matière d'audit et de contrôle.
Naturellement, le Parlement européen, en particulier à travers sa commission des affaires étrangères, peut exercer un contrôle parlementaire sur la PEV.
Pour terminer, je voudrais rappeler que la toute récente résolution européenne du Sénat sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 comporte une disposition, au titre des enjeux liés à la gestion des migrations, qui « souligne la nécessité de veiller au contrôle de l'usage des fonds [de la politique de développement] et au suivi de l'efficacité des actions menées à cette fin dans le cadre de l'instrument unique de voisinage, de développement et de coopération internationale ».
Mes chers collègues, pour l'ensemble des raisons que je viens d'exposer, je vous propose de modifier substantiellement cette proposition de résolution européenne, en précisant la rédaction tant de ses visas que de son dispositif, selon le texte que vous avez préalablement reçu. Il s'agit moins de renforcer le contrôle des crédits de la PEV, puisque ce contrôle existe déjà et que son renforcement est annoncé, que d'accorder une plus grande attention, dans la procédure de contrôle, à cette politique particulière, sans doute insuffisamment prise en considération aujourd'hui. Je vous propose également d'adresser un avis politique à la Commission au titre du dialogue politique, afin qu'elle puisse nous informer directement de ses initiatives en la matière.
M. Jean Bizet, président. - Cette proposition de résolution européenne, bien qu'imparfaite dans sa rédaction initiale, a le mérite d'appeler notre attention sur le sujet. Le travail de notre rapporteur permettra de clarifier les enjeux et de préciser les missions de l'OLAF. À cet égard, il est utile de rappeler que la Cour des comptes européenne et le Parlement européen exercent également une mission de contrôle.
M. Jean-Yves Leconte. - Merci pour ce rapport et les modifications que vous suggérez, Monsieur le Rapporteur. Je pense qu'il est indispensable d'insister sur la nécessaire transparence de l'utilisation des financements européens. L'absence de transparence, réelle ou supposée, est un sujet primordial aujourd'hui. Un certain nombre d'ONG et de populations du Maghreb et du Liban, notamment, se demandent où passe l'argent versé par l'Union européenne.
Je m'interroge sur la conditionnalité des aides versées aux pays tiers. De plus en plus, certains pays refusent les conditions exigées par l'Union, notamment en matière de droits de l'Homme, pour verser les aides. Que faire pour faire respecter ces conditions ?
J'ai également une question sur les compétences de l'OLAF. Peut-on renvoyer à la justice de pays non membres de l'Union européenne le soin de sanctionner en cas de fraude ou de détournement de fonds européens ? Quel est le rôle de l'OLAF à ce titre ?
M. Benoît Huré. - Je voterai cette proposition de résolution européenne en raison de l'important travail de réécriture qui a été effectué. Pour des raisons de lisibilité, je pense néanmoins qu'il faut veiller à éviter la multiplication de textes sur tous les sujets. Par ailleurs, dans le contexte actuel d'eurobashing, je crains que l'objet de la proposition de résolution ne puisse laisser entendre que l'on ne faisait rien jusqu'à présent.
M. René Danesi. - Je voterai également le texte, ainsi modifié. Toutefois, je suis étonné d'entendre que l'on envisage de faire passer les crédits de la politique européenne de voisinage de 15 à 22 milliards d'euros au moment même où l'on mégote sur les crédits de la défense européenne ou de la politique agricole commune (PAC).
Ces 7 milliards d'euros supplémentaires ne seront certainement pas perdus pour tout le monde. Je le dis d'autant plus volontiers que les priorités fixées par l'Union européenne à certains pays sont parfois surprenantes. Je pense à la Géorgie, pays encore rural, auquel on impose de réaliser des travaux d'assainissement dans tous les villages. Il y a sans doute une multinationale pour laquelle ces chantiers seront une aubaine...
Je constate par ailleurs que l'objectif de stabilité visé par cette politique de voisinage n'est toujours pas atteint. Dans le Sud, cette stabilité n'existe qu'au Maroc et en Égypte, au prix de régimes autoritaires.
M. André Reichardt, rapporteur. - Pour répondre à René Danesi, cette hausse de 7 milliards d'euros, qui est en effet importante, n'est pas définitive. Il s'agit de la proposition de la Commission ; or le cadre financier pluriannuel n'est pas encore adopté. Si l'argent était dépensé correctement, cette politique, dont les ambitions sont très nobles, serait plus efficace.
J'indique à Jean-Yves Leconte que l'OLAF ne vérifie pas si les conditions posées ont été remplies. Son rôle est exclusivement financier. En revanche, la Commission effectue un audit systématique de tous les programmes financiers, établit des rapports d'évaluation et un rapport annuel examinant les progrès accomplis.
M. Jean Bizet, président. - Merci pour la qualité de la réflexion et du travail accompli.
À l'issue du débat, la commission adopte la proposition de résolution européenne, dans la rédaction suivante, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne :
La réunion est close à 15 heures.