Jeudi 17 janvier 2019
- Présidence de M. Jean Bizet, président -
La réunion est ouverte à 09 h 00
Institutions européennes - Audition de M. Luca Niculescu, ambassadeur de Roumanie en France
M. Jean Bizet, président. - Monsieur l'Ambassadeur, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Sénat. Merci d'avoir répondu à notre invitation. Votre pays vient de prendre la présidence de l'Union européenne, c'est une première pour la Roumanie qui a adhéré à l'Union en 2007, il y a tout juste 12 ans. Ce semestre de présidence roumaine sera stratégique puisque, à court terme, il sera nourri d'événements majeurs : d'abord le Brexit « sans accord ». C'est la pire des solutions après le rejet par les Communes du projet élaboré entre l'Union et le gouvernement britannique, qui sera effectif - sauf prorogation - dès le 30 mars prochain. Puis le lancement, dans des conditions très difficiles, des négociations sur les relations futures. Enfin, en mai, les élections au Parlement européen constitueront aussi un enjeu essentiel, tant politique qu'institutionnel, pour l'Union européenne.
Mais il s'agit aussi de préparer l'avenir. Votre Gouvernement a défini quatre priorités : la convergence, la sécurité, le rôle mondial de l'Union et, enfin, la promotion de ses valeurs communes.
Je retiens que la première priorité, celle de la convergence, regroupe plusieurs thématiques que notre assemblée met en avant depuis longtemps : une politique de cohésion ambitieuse, une meilleure compétitivité industrielle fondée sur le développement numérique, l'innovation et l'intelligence artificielle, sans oublier la finalisation du marché européen des capitaux.
De même, les propositions législatives pour la Politique Agricole Commune post-2020 vont très vite occuper une part importante de vos travaux. Le Cadre Financier Pluriannuel 2021-2027 suppose également des négociations ardues pour aboutir à un accord à l'automne prochain.
Les migrations, la défense de l'Europe, l'attention portée aux Balkans occidentaux font aussi partie des quatre priorités de votre présidence.
Le 9 mai, le Sommet européen de Sibiu, dédié à l'avenir d'une Europe à refonder, ouvrira une nouvelle ère pour l'Union : privée d'un de ses membres, elle devra se donner des orientations ambitieuses à la veille d'élections dont beaucoup redoutent, à tort ou à raison, qu'elles traduisent, au prochain Parlement européen, des courants d'opinions eurosceptiques, voire hostiles au projet européen.
Monsieur l'Ambassadeur je vous laisse la parole.
M. Luca Niculescu, ambassadeur de Roumanie en France. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je tiens à vous remercier pour cette invitation à m'exprimer devant la commission des affaires européennes. C'est un grand honneur pour moi. Tout d'abord, permettez-moi de vous adresser mes meilleurs voeux pour cette année 2019, pour vous, pour ceux qui vous sont proches, pour le Sénat, pour cette commission et pour l'Europe.
Une année qui a commencé avec la présidence roumaine du Conseil de l'Union européenne. C'est notre première présidence, douze ans après l'adhésion à l'Union européenne, et je peux vous assurer que nous en sommes très fiers.
En même temps, nous assurons cette présidence dans une période qui n'est pas simple, avec des moments forts sur l'agenda européen. Il y aura une séquence institutionnelle particulière avec les élections européennes au mois de mai. Il y a aussi un contexte politique et économique marqué par des défis, qui demandent un profond débat sur les orientations des politiques européennes et l'avenir de l'Europe. La présidence roumaine sera marquée par ces élections européennes, ce qui nous pousse à avancer ou à finaliser des dossiers plus rapidement que d'autres présidences. Il y a aussi le Brexit - et on ne peut pas dire que le vote d'avant-hier ait dissipé le brouillard Outre-Manche -, il y a les lignes du nouveau Cadre financier pluriannuel, pour ne citer que quelques-uns des dossiers les plus importants.
Dans ce contexte, la présidence roumaine se propose d'être réaliste, souhaitant finaliser le plus grand nombre de dossiers durant l'actuelle législature.
Elle se propose d'être à la fois ambitieuse compte tenu du programme législatif chargé mais aussi du nombre des réunions formelles et informelles du Conseil et de nombreux évènements qui seront organisés en Roumanie. Avec votre permission, je vais en citer quelques-uns :
Ø la très proche réunion de la COSAC, les 20-21 janvier,
Ø beaucoup de réunions de travail sur le changement climatique,
Ø le StartUp Europe summit, le 21 mars,
Ø la Conférence sur la réforme de la PAC, le 22 mars à Bucarest,
Ø la Conférence sur la jeunesse européenne, le 25 mars (un thème phare de la présidence roumaine),
Ø le Sommet de Sibiu (le 9 mai) sur l'avenir de l'Union européenne.
La voie sur laquelle nous nous engageons durant les six prochains mois est celle de la cohésion pour une Europe plus unie, plus convergente et plus solidaire. D'ailleurs, le motto de la présidence est « la Cohésion, une valeur commune européenne ». Nous pensons que c'est un moment où les divisions qui n'existaient pas il y a quelque temps risquent d'apparaitre au grand jour, on aimerait donc se concentrer sur ce qui nous rassemble et pas sur ce qui nous divise. C'est pour cela que le mot « cohésion » a toute sa place dans le projet européen de la Roumanie, d'autant plus que nous savons ce que la cohésion européenne a apporté à notre pays.
C'est une cohésion que nous comprenons dans ses trois dimensions : économique, sociale et politique.
Notre rôle lors de cette présidence sera d'être un « honest broker », comme on dit en anglais, mais je préfère l'expression française : médiateur impartial, c'est-à-dire aider à la recherche du consensus parmi les États membres.
Il y a quatre priorités autour desquelles la Roumanie va articuler sa présidence :
- la première est « l'Europe de la convergence » : convergence et cohésion par la croissance de la compétitivité et la réduction des décalages de développement ;
- la deuxième est « une Europe plus sûre » : renforcer la coopération des États membres pour mieux répondre aux défis sécuritaires. À cet égard, les efforts seront canalisés pour la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. La Roumanie soutient ainsi la consolidation de l'espace Schengen, la sécurité interne et aux frontières extérieures de l'Union européenne. Dans le même temps, nous sommes amenés à continuer le travail sur la question de la politique migratoire ;
- la troisième priorité est « l'Europe, un acteur global ». Il s'agit de consolider le rôle global de l'Europe par le renforcement du multilatéralisme et la modernisation du système commercial international, comme la réforme OMC, où la France est fer de lance. Les efforts seront canalisés pour la consolidation du Partenariat stratégique UE/OTAN et pour l'accroissement de l'efficacité de l'action extérieure. Nos priorités sont également la politique de l'élargissement en direction des Balkans occidentaux pour un contexte régional plus stable, les dix ans du Partenariat Oriental, et la confirmation de l'importance stratégique de la mer Noire pour l'Europe ;
- enfin, le quatrième axe est « l'Europe des valeurs communes » - promotion des politiques pour combattre la discrimination, la xénophobie, l'antisémitisme, les derniers chiffres sont alarmants à cet égard. Il y a aussi un sujet de forte actualité auquel on attache une grande importance : la lutte contre les fausses informations, les « infox ». Nous espérons avoir d'ici deux mois un système d'alerte rapide entre les institutions de l'Union européenne et les États membres afin de faciliter le partage des données et des analyses des campagnes de désinformation, et pour signaler les menaces de désinformation en temps réel. Nous estimons que ce système peut s'avérer utile lors de la campagne pour les élections européennes afin qu'elles soient libres, équitables et sûres.
Nous allons promouvoir également l'égalité de genre, qui est une priorité pour notre présidence. Une place importante sera accordée aux jeunes. Il s'agit d'une thématique transversale : coopération pour le développement, éducation et formation, meilleur accès au marché du travail. Nous allons stimuler les politiques qui auront des conséquences tangibles sur la vie des citoyens : c'est pourquoi nous nous sommes impliqués dans les consultations citoyennes que nous avons organisées. Selon les conclusions de ces consultations chez nous, les Roumains souhaitent que la Roumanie assume davantage son appartenance à l'Union européenne et souhaitent contribuer à la consolidation du projet européen.
Un autre repère significatif de notre présidence sera le Sommet de Sibiu le 9 mai, un sommet important pour le futur de l'Europe. On recueillera à cette occasion la réflexion des responsables européens pour l'adoption du nouvel Agenda stratégique 2019-2024 sur l'avenir de l'Union européenne.
Avant de terminer mon intervention, je souhaiterais dire encore deux choses :
Tout d'abord, faire un bref bilan de l'appartenance de mon pays a l'Union européenne. L'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne le 1er janvier 2007 a été accueillie par les Roumains avec beaucoup d'enthousiasme et beaucoup d'espoir pour l'avenir - vous vous rappelez peut-être de la ferveur avec laquelle des centaines de milliers de Roumains ont célébré l'entrée dans l'Union européenne dans les rues de Bucarest et des autres villes de Roumanie. Aujourd'hui encore, la Roumanie est un des pays les plus attachés au projet européen ; tous les sondages montrent que la confiance en l'Europe est au-dessus de la moyenne.
Par son appartenance à l'Union européenne, la Roumanie est aussi l'un des pays européens avec l'un des plus grands taux de croissance. C'est simple, entre 2007 - date de l'adhésion à l'Union européenne - et aujourd'hui, le PIB de la Roumanie a doublé. C'est également un marché très intégré, plus de 80 % du commerce s'effectue avec l'Union européenne.
Parmi les choses que l'on peut aussi mettre en évidence, c'est que la Roumanie est un pays orienté vers les nouvelles technologies : la contribution du secteur des nouvelles technologies au PIB roumain est l'une des plus importantes en Europe et certaines « boîtes » du secteur digital roumain sont parmi les meilleures en Europe.
La Roumanie a toujours été, mais je pense qu'elle l'est encore davantage après l'adhésion à l'Union européenne, un pays créatif : avec l'une des scènes culturelles et artistiques les plus vibrantes en Europe - que ce soit le cinéma, les arts visuels, la musique, le design -, et je continue ce moment de promotion en vous invitant à visiter les manifestations, les spectacles, les expositions que nous organisons cette année lors de la Saison croisée France-Roumanie.
Et puis, parce que j'ai évoqué cette Saison, je veux parler également de la place toute particulière qu'occupe la France dans le coeur des Roumains, Récemment, nous avons célébré les cent ans de la création de la Roumanie moderne, après la première guerre mondiale, une Roumanie qui n'aurait pas été telle qu'elle est si la France n'avait pas été là, notamment grâce à la mission du Général Berthelot. Depuis deux siècles, les liens avec la France sont plus qu'étroits, je dirais qu'il n'y a pas un autre pays en Europe avec lequel la Roumanie entretient de telles relations. Que ce soit au 19ème siècle ou entre les deux Guerres, où la Roumanie était le plus grand acheteur de livres français en Europe, que ce soit même pendant l'époque de la dictature communiste, où la visite du Général de Gaulle en 1968 a beaucoup contribué à la relance de la francophonie en Roumanie. D'ailleurs, ma francophonie est un héritage de cette visite. Que ce soit aujourd'hui où nous sommes liés par un partenariat stratégique et par des centaines de jumelages ou coopérations décentralisées : la Roumanie est le pays avec lequel la France a le plus grand nombre d'opérations de coopération décentralisée, après l'Allemagne, tout cela fait que notre lien est très fort.
Nous sommes francophones, francophiles, nous avons des relations économiques excellentes avec pratiquement toutes les entreprises du CAC 40 qui sont présentes en Roumanie... et même si on n'est pas tout proches géographiquement à l'échelle de l'Europe, nous avons une relation spéciale et nous comptons aussi beaucoup sur l'appui de la France pour que cette présidence soit une réussite.
M. Jean Bizet, président. - Merci, monsieur l'Ambassadeur, pour cette intervention dans un français éblouissant qui prouve qu'il y a d'excellentes institutions à Strasbourg. Je vais maintenant donner la parole à mes collègues.
M. Jean-Yves Leconte. - Soyez vivement remercié pour votre intervention, monsieur l'Ambassadeur. J'espère que la Roumanie parviendra à convaincre les États membres que l'Europe à plusieurs vitesses n'est pas un objectif souhaitable. Vous avez évoqué la mer Noire et la situation en mer d'Azov, la construction de ce pont et surtout ces marins ukrainiens prisonniers des Russes. Allons-nous, selon vous, vers des sanctions plus fortes à l'encontre de la Russie ? Comment la Roumanie se situe-t-elle dans cette affaire ?
Mme Fabienne Keller. - Merci pour votre excellente présentation et surtout pour votre enthousiasme. Nous avons plutôt tendance à regarder comme douloureux les deux derniers élargissements, mais à vous entendre, il devient possible de mesurer ce qu'ils ont eu de positif. On peut dire que vous avez contribué au dynamisme de l'Europe. Quant à votre première présidence, vous êtes sévère avec vous-même en parlant d'examen de passage. Vous avez un très beau programme avec, entre autres choses, ce très prometteur sommet de Sibiu - Hermannstadt en allemand, Nagyszeben en hongrois et Seleste en français - il faut le rappeler. Cependant, pouvez-vous nous donner vos priorités et ce sur quoi vous travaillez en ce moment-même ?
Sur le Brexit, nous aimerions connaître votre regard et votre appréciation de la situation présente. Ce départ est le choix des Britanniques. C'est un choix que nous regrettons. Les Vingt-Sept ont montré une belle cohésion, mais personne n'a intérêt que ce retrait se passe mal. Le Royaume-Uni est un grand pays qui s'est trouvé à nos côtés pendant les heures sombres de notre histoire récente. Pour votre présidence, il sera difficile de passer de 28 à 27.
M. Simon Sutour. - Nous avons toujours eu des liens forts avec la Roumanie. Notre commission s'y est rendue il y a cinq ans et nous sommes même allés jusqu'en Bucovine. À l'époque, l'adhésion à Schengen était une perspective et le mécanisme de coopération et de vérification était déjà en place et devait être provisoire. Or, ce sont deux sujets qui sont toujours d'actualité et donc j'admire votre volontarisme, mais avons-nous avancé ?
Votre présidence va se trouver au contact de problèmes nombreux : ce qui se passe en mer d'Azov, le Brexit, et même quelque chose qui passe inaperçu pour l'instant : la visite du Président Poutine à Belgrade. On dit même que la Serbie pourrait adhérer à l'Union eurasiatique. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean Bizet, président. - La question est pertinente. Il y a une opposition entre le Partenariat oriental et l'Union eurasiatique et je dirais que c'est une forme de guerre d'influence. Malheureusement, l'approche politique du Partenariat oriental n'a pas toujours été très claire. Quelle perception en avez-vous ?
M. André Reichardt. - Pourriez-vous être un peu plus explicite sur la politique européenne d'immigration ? Comment pensez-vous faire avancer le projet « Asile » qui est aujourd'hui au point mort. Enfin, la Roumanie francophone que vous représentez pourrait-elle faire quelque chose en faveur du maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg ?
Mme Gisèle Jourda. - Les dix ans du Partenariat oriental donnent une orientation à votre présidence, mais vous allez aussi devoir affronter les coupes budgétaires de la PAC. Sur ce point, quelles seront vos priorités ?
M. Luca Niculescu, ambassadeur de Roumanie en France. - Je tiens à remercier les Sénateurs pour leurs nombreuses questions, qui témoignent d'un vif intérêt, tant pour la Roumanie que pour la présidence roumaine de l'Union européenne.
Nos relations avec la France sont, vous le savez, fondées sur des liens historiques, culturels et affectifs très forts. Je crois que l'on peut véritablement parler d'une « francophonie d'amour ». À titre d'illustration, pas moins d'un quart de la population roumaine parle et comprend aujourd'hui le français. Symboliquement, la place située en face du Parlement roumain, à Bucarest, porte d'ailleurs le nom de « Place de la francophonie ».
En ce qui concerne la question du maintien du double siège du Parlement européen à Strasbourg, nous sommes fermement convaincus que l'Europe ne saurait être proche des citoyens si les institutions européennes venaient à être regroupées dans une seule ville. J'ajoute, à titre personnel, que j'ai eu l'occasion d'apprécier la ville de Strasbourg, dès 1993, lorsque la Roumanie est devenue membre du Conseil de l'Europe.
S'agissant de la Russie, l'avenir des relations avec l'Union européenne dépendra du respect du droit international : au regard de ce principe, tant l'annexion de la Crimée que les récentes actions russes en mer d'Azov ne sont pas justifiables. La préoccupation des autorités roumaines est naturellement fondée sur notre proximité géographique en mer Noire. Au demeurant, on peine à discerner, sur la question ukrainienne, des signes de désescalade de la part de Moscou. Dans ce contexte, l'idée mise en avant, par certains observateurs, d'un possible allègement des sanctions à l'encontre de la Russie ne semble guère appropriée.
D'une façon générale, la Roumanie s'est donnée pour priorité de sensibiliser l'Union européenne à l'importance de la mer Noire : les autres États membres doivent avoir conscience que cette zone géographique fait pleinement partie de l'Europe. Très récemment, les partenaires de la Roumanie ont su démontrer leur attachement à la sécurité des Pays baltes en y déployant une présence militaire. Le flanc sud-est de l'Union européenne mérite, lui aussi, une attention soutenue.
Comme je vous l'indiquais lors de mon exposé liminaire, la présidence roumaine s'attachera à la mise en oeuvre du Plan d'action élaboré en décembre par la Commission européenne et la Haute Représentante et notamment la création du système d'alerte commun avant le mois de mars pour éviter des tentatives : nous voulons éviter, par là même, que des tentatives de manipulation de l'opinion publique ne puissent fausser le déroulement des scrutins électoraux, à commencer par les élections au Parlement européen du 26 mai 2019.
La réforme de l'espace Schengen, la sécurité intérieure, ainsi que le renforcement de la politique migratoire seront d'autres priorités de la présidence roumaine. Je profite de cette rencontre pour souligner que la Roumanie joue pleinement le jeu de la solidarité avec ses partenaires. En effet, au titre du plan de relocation, la Roumanie a accueilli sur son territoire approximativement 700 personnes. Nous prendrons en charge une partie des personnes qui se trouvaient très récemment à Malte. Ces gestes politiques forts témoignent de l'engagement de la Roumanie au sein de l'Union, alors que les consultations citoyennes, organisées l'an passé, ont mis en évidence une forte sensibilité de la population roumaine face au défi migratoire.
S'agissant du Brexit, nous regrettons que le projet d'accord ait été rejeté par la Chambre des communes, le 15 janvier dernier. Nous attendons de connaître les initiatives à intervenir au cours des prochains jours afin de trouver une issue à la crise. Quoi qu'il en soit, la présidence roumaine sera attentive à la poursuite du dialogue avec la partie britannique, dans le cadre d'une approche unitaire au sein de l'Union européenne. Ce point mérite d'être mis en avant, car il n'est pas forcément facile de préserver, en toutes circonstances, la cohésion européenne à 27.
En ce qui concerne « le mécanisme de coopération et de vérification », à l'oeuvre depuis 2007, il a permis d'enregistrer d'importants progrès. Mais, douze ans plus tard, la perpétuation d'un tel dispositif transitoire, en lieu et place d'une adhésion pleine et entière, déçoit mes compatriotes et apparaît comme un symbole négatif pour l'opinion publique roumaine. La Roumanie a pourtant réalisé de réels efforts. Dans ces conditions, nous espérions, à tout le moins, une adhésion en deux temps, commençant par les frontières aériennes avant les frontières terrestres. Le maintien de la Roumanie en dehors de la zone Schengen est assurément mal vécu par les citoyens roumains.
En réponse à votre question portant sur la visite officielle du Président russe Vladimir Poutine en Serbie, je tiens à faire valoir l'utilité de donner une perspective et un calendrier aux pays des Balkans occidentaux. En effet, si on ne le fait pas, d'autres puissances ne partageant pas les mêmes valeurs que nous s'intéresseront à cette zone géographique. La Roumanie s'était vue offrir en 1999 - grâce en particulier au soutien de la France - la perspective d'une adhésion à l'Union à l'horizon 2007. Cette période de huit ans semblait alors fort longue mais demeurait en quelque sorte « à portée de vue » pour les citoyens. Elle a été utilement mise à profit pour mobiliser les énergies. Il est important de respecter le calendrier et de poursuivre l'avancement des négociations d'adhésion avec les pays candidats, sur la base des progrès réalisés par ces derniers.
Nous ne devons pas non plus oublier l'importance de la politique de voisinage de l'Union européenne : parmi les pays concernés par ce que l'on appelle le « Partenariat oriental », la République de Moldavie revêt naturellement une importance particulière pour la Roumanie. Je m'y suis moi-même rendu il y a cinq ans : l'Europe y faisait figure de référence, pour ainsi dire de « rêve », aux yeux d'un grand nombre de nos interlocuteurs. Il faut qu'il en soit toujours ainsi. Cela suppose que nous gardions ces pays voisins dans le giron européen !
Quant à la Politique agricole commune (PAC), je puis vous assurer que la Roumanie défend des positions similaires à celles de la France. Nous sommes un pays avec un secteur agricole important. Nous demeurons donc logiquement attachés à conserver une PAC forte ! Nous avons d'ailleurs déjà beaucoup bénéficié de la Politique agricole commune, ce dont témoigne la renaissance des vignobles roumains depuis les années 1990. Grâce à l'aide de viticulteurs français et italiens, nos productions ont renoué avec la qualité, qui avait fortement diminué durant les décennies de la dictature. Cette filière occupe aujourd'hui 200 000 hectares. L'essor de l'agriculture roumaine est également illustré par le développement des grandes cultures céréalières, notamment le maïs, dont la Roumanie est devenue le premier producteur mondial en 2018.
M. Jean Bizet, président. - L'avenir de la PAC est une priorité pour le Sénat. Nous serons ainsi particulièrement attentifs à la prochaine réforme, en cours d'élaboration et destinée à couvrir la période du prochain Cadre financier pluriannuel 2021-2027. Les sénateurs membres de la commission des affaires européennes ont constitué, pour ce faire, avec leurs collègues de la commission des affaires économiques, un comité de suivi à l'origine de deux résolutions européennes. Parallèlement, nous avions déjà réuni à Paris, au printemps 2017, les parlementaires de plusieurs États membres pour signer une déclaration commune ayant pour objet de sensibiliser les autorités européennes au respect de quelques grands principes. Nous souhaiterions rééditer cette initiative et savoir si la Roumanie souhaiterait s'y associer.
Le cas de la République de Moldavie, que vous venez de citer, nous conduit à nous interroger collectivement sur la politique d'influence menée par la Russie. Il en va d'ailleurs de même en matière énergétique, avec la question des grands réseaux de transport gazier.
M. Luca Niculescu, ambassadeur de Roumanie en France. - La Roumanie veillera à défendre la PAC mais le statut de médiateur impartial est susceptible d'empêcher une association à de telles initiatives durant la présidence du Conseil de l'Union européenne jusqu'au 30 juin 2019. Je ferai néanmoins passer le message à mes collègues.
S'agissant de la République de Moldavie, des élections auront lieu dans ce pays. Le soutien aux valeurs européennes et aux normes démocratiques doit être mis en avant. Sur le plan diplomatique, il convient de souligner l'existence d'un groupe des pays amis de la Moldavie - le Groupe pour l'Action Européenne de la République de Moldavie. Nous souhaitons une implication plus active de la France dans ce format, coparrainé par la France et la Roumanie. Au demeurant, ce pays, voisin du nôtre, est, comme nous, très attaché à la francophonie.
Quant à la question des infrastructures et des oléoducs gaziers, elle souligne, à l'évidence, la nécessité de promouvoir l'Europe de l'énergie, dans le respect du principe de diversification des routes et des sources.
Questions diverses
M. Jean Bizet, président. - Je rappelle que notre commission des affaires européennes interviendra en qualité de commission pour avis lors du débat sur la proposition de résolution européenne déposée par notre collègue Bruno Retailleau sur « l'appui de l'Union européenne à la mise en place d'un mécanisme de justice transitionnelle à dimension internationale en Irak ». Cette proposition de résolution européenne fera l'objet d'un débat en séance publique le mardi 22 janvier.
La réunion est close à 09 h 55.