Mercredi 7 novembre 2018
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Internet très haut débit par satellite - Table ronde autour de MM. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques d'Orange, Riadh Cammoun, vice-président en charge des relations institutionnelles de Thales Alenia Space et Jean-François Bureau, directeur des affaires institutionnelles et internationales d'Eutelsat
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui les représentants d'Eutelsat, d'Orange et de Thales en vue de les interroger sur l'internet à très haut débit par satellite et plus particulièrement sur l'accord que ces trois entreprises ont signé le 5 avril dernier.
J'ai donc le plaisir d'accueillir, pour Eutelsat, M. Jean-François Bureau, directeur des affaires institutionnelles et internationales, pour Orange, M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques, et pour Thales, M. Riadh Cammoun, vice-président en charge des relations institutionnelles de Thales Alenia Space. Je vous remercie tous les trois d'être présents.
Je rappellerai d'abord quelques éléments de contexte. Notre commission des affaires économiques est compétente à la fois sur les communications électroniques et sur le spatial, c'est pourquoi elle s'interroge depuis plusieurs années sur la place du satellite dans les solutions de connectivité. À l'automne dernier, en adoptant l'avis budgétaire de notre collègue Anne-Catherine Loisier, la commission avait plaidé pour que les nouvelles technologies satellitaires soient mises à profit en France, selon une double logique économique. Une logique d'aménagement du territoire, d'abord, considérant que le satellite devrait permettre à notre pays d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixés en matière de couverture numérique alors que le coût de la fibre reste prohibitif dans les zones les plus reculées. Une logique industrielle, ensuite, afin de permettre la mobilisation d'une solution franco-européenne sur notre territoire. Nous nous sommes donc logiquement réjouis lorsque, le 5 avril dernier, vos trois entreprises ont publié un communiqué de presse commun annonçant un accord sur le lancement d'un satellite de nouvelle génération en 2021 en vue notamment d'offrir, je cite Rodolphe Belmer : « un service comparable à la fibre, tant en termes de prix que de débit ». Voilà un exemple rare de collaboration entre le monde des télécoms terrestres et le monde des télécoms spatiales.
Vous pourrez donc tour à tour revenir, d'abord, sur le contexte de cet accord et sur les raisons ayant poussé chacun d'entre vous à s'engager sur cette voie. Vous pourrez également nous présenter les modalités de mise en oeuvre de cet accord : le calendrier, les éléments financiers, les modalités de distribution de la solution satellitaire etc.
Messieurs, je vous laisse désormais la parole. Après votre intervention, mes collègues vous questionneront et je vous inviterai à répondre à l'issue de l'ensemble de leurs questions.
M. Riadh Cammoun, vice-président en charge des relations institutionnelles de Thales Alenia Space. - Merci pour cette occasion de vous présenter un projet important non seulement pour l'industrie française du satellite, mais aussi pour nos concitoyens et leur accès à l'information, où qu'ils soient sur le territoire national.
Permettez-moi de débuter mon propos avec quelques mots sur Thales Alenia Space qui est une société commune entre les groupes Thales, à hauteur de 67%, et Leonardo, pour 33%. Avec un chiffre d'affaires pour 2017 supérieur à 2,5 milliards d'euros, Thales Alenia Space est l'acteur mondial de référence dans les domaines des télécommunications, de l'observation de la terre, de la navigation, de la science et de l'exploration de l'univers. Thales Alenia Space représente 14 sites industriels en Europe où oeuvrent 8 100 personnes, dont 4 500 en France, 2 000 en Italie et le reste réparti en Espagne, Allemagne, Belgique et, depuis peu, au Royaume-Uni, en Pologne et en Suisse. Notre entreprise est donc très européenne.
Concrètement, Thales Alenia Space est le plus important industriel français et européen du satellite. Ceci s'illustre par une implantation à près de 60 % en termes d'emplois sur le territoire national, en particulier pour ce qui concerne nos activités dans le domaine des charges utiles d'observation optique et de télécommunication. À titre d'exemple, lorsque nous vendons un satellite de télécommunication géostationnaire, comme Konnect VHTS, dont on parle aujourd'hui, les trois quarts sont fabriqués en France, ce qui permet d'alimenter un large tissu national de PME, d'ETI, d'équipementiers et de laboratoires de recherche.
Dans le domaine des télécommunications, Thales Alenia Space, c'est aussi la conception et le développement de constellations, puisque nous sommes l'unique industriel au monde à avoir conçu et développé les trois constellations de télécommunications aujourd'hui opérationnelles, à savoir Globalstar, O3b et Iridium Next. Ce leadership a été rendu possible grâce à un investissement soutenu dans l'innovation ; levier primordial de notre compétitivité sur un marché mondial où la compétition est exacerbée. Dans ce contexte, l'accord entre Eutelsat, Orange et Thales, sur le déploiement d'un satellite de nouvelle génération Konnect VHTS pour apporter le très haut débit partout en Europe est stratégique pour plusieurs raisons.
D'une part, l'industrie française est en pointe sur le VHTS, qui est la technologie du futur pour les télécommunications. Avec cet accord, Thales confirme son ancrage dans la technologie broad band, initié avec notre contrat-export au Brésil avec SGDC, puis les projets Konnect avec Eutelstat pour l'Afrique et SES-17 pour la mobilité en avion. Notre satellite embarque également de nouvelles technologies, comme le Spacebus Neo haut de gamme, capable d'embarquer plus de 500 gigabits et 6,5 tonnes au lancement. Ce satellite bénéficie également de la charge utile numérique la plus avancée au monde, sur la base du processeur numérique DTP 5G, apportant la flexibilité d'utilisation de sa capacité. Outre le satellite, Thales fournit une partie du segment sol, avec le déploiement, à grande échelle, des technologies SpaceGate et SpaceOps. Enfin, grâce à ces technologies, Thales Alenia Space se positionne dans le cercle restreint des trois industriels - les deux autres étant les américains Boeing et SSL - capables, au monde, de déployer un tel système VHTS flexible.
D'autre part, le soutien à l'innovation est la pierre angulaire de notre compétitivité. S'agissant du programme Konnect VHTS, durant la période 2012-2018, Thales Alenia Space a bénéficié du soutien du Centre national d'études spatiales (CNES), de l'Agence spatiale européenne (ESA) et du programme THD-SAT cofinancé par le PIA qui a couvert le développement d'équipements de charge utiles en bande Ka, Q et V, ainsi que de composants sol de la solution SpaceGate permettant l'accès au satellite. Il est clair que sans ce soutien institutionnel, Thales Alenia Space n'aurait pas été en mesure de proposer à ses partenaires Eutelsat et Orange une solution Konnect VHTS aussi compétitive.
Enfin, des accords de distribution renforcent le modèle économique de cet investissement privé majeur. Le projet s'appuie sur des accords pluriannuels de distribution. Thales et la « Space Alliance » se sont engagées dans ce partenariat pour la distribution de services de connectivité aux gouvernements. La constitution de cette équipe de France, portée par la décision du Cospace ministériel du 24 octobre 2017 de favoriser l'émergence d'une solution française a été décisive pour la faisabilité d'un projet plus compétitif que le projet Viasat3 initial.
En conclusion, le développement d'un tel projet, en plus d'avoir permis de repousser une situation de dépendance française et européenne à une solution américaine propriétaire, représente une opportunité unique de conforter une expertise française de premier plan mondial dans ce domaine technologique et d'assurer l'activité de 1 500 emplois industriels, hautement qualifiés, sur trois ans, dans la production des satellites, du système sol et du lancement.
Au-delà du projet Konnect-VHTS, la filière française du satellite a aujourd'hui les capacités pour reproduire ce succès à l'exportation vers les pays qui, comme la France, veulent développer la connectivité et combattre la fracture numérique sur leur territoire.
Dans la perspective de la prochaine ministérielle de l'ESA, qui aura lieu en avril 2019, le soutien de la France à la filière satellitaire française et, tout particulièrement à celle de nos satellites de télécommunications, est vital pour rester dans cette course mondiale où la compétition est exacerbée.
M. Jean-François Bureau, directeur des affaires institutionnelles et internationales d'Eutelsat. - Pour Eutelsat, ce programme représente une étape essentielle pour sa stratégie de développement. Troisième opérateur mondial de satellites de télécommunications, avec 39 satellites, 1,5 milliard d'euros de chiffres d'affaires, Eutelsat s'engage avec ses deux prochains programmes Konnect et Konnect VHTS àapporter de l'internet à haut débit, puis à très haut débit, à nos concitoyens afin de lutter contre la fracture numérique.
L'accord intervenu entre Eutelsat, Thalès et Orange, le 5 avril 2018, marque une étape très importante dans le déploiement des infrastructures du haut et du très haut débit en France et en Europe. Eutelsat a ainsi commandé à Thales Alenia Space le satellite Konnect VHTS destiné au très haut débit, qui sera, en 2021, le plus puissant au monde avec 500 Gigabits, ce qui donnera à l'industrie européenne des satellites, très présente en France, l'occasion de mettre sur le marché mondial une offre satellitaire très compétitive par rapport aux solutions proposées par les constructeurs américains. Eutelsat achète les satellites aux fabricants, les fait lancer et en commercialise les capacités. L'offre européenne doit être compétitive face à la concurrence américaine. Durant son histoire, Eutelsat a commandé 90% de ses satellites à l'industrie européenne et, ce faisant, à l'industrie française. Nous souhaitons continuer à le faire à l'avenir, d'où l'importance de ce programme. Il s'agit, pour l'industrie spatiale française, d'une solution technologique du plus haut standard pour l'internet qui lui permettra de se maintenir au plus haut rang de la compétition mondiale.
Cet accord est une étape vers notre plus grande capacité à offrir une connexion internet par satellite. En 2019, un premier satellite - initialement destiné à couvrir les pays africains avant d'être reconfiguré pour couvrir les pays d'Europe de l'Ouest -va être lancé. Il vise notamment à répondre aux besoins identifiés par l'État pour lutter contre la fracture numérique et apporter une connexion de 8 mégabits par seconde (Mbps) pour tous dont la mise en oeuvre est prévue pour 2020, par le plan « France très haut débit ». Notre satellite sera en mesure de répondre à 20% des besoins, évalués par l'Agence du numérique à quelques deux millions de foyers.
Le second aspect de l'accord concerne le lancement, en 2021, d'un satellite beaucoup plus puissant et à partir duquel les services seront comparables à ceux de la fibre, tant en prix qu'en débit. La dimension satellitaire s'inscrit ainsi dans la mobilisation de toutes les technologies destinées à lutter contre la fracture numérique et à répondre aux objectifs d'aménagement numérique du territoire.
Le troisième aspect de l'accord est innovant et concerne les relations entre l'opérateur, l'industriel et le grand acteur qu'est Orange dans le domaine du numérique. L'engagement de ceux-ci a contribué à sécuriser l'investissement engagé par Eutelsat. Cet accord illustre les rapports gagnant-gagnant créés par des partenariats innovants et qui tirent pleinement parti de la complémentarité des différentes solutions techniques ; le satellite étant un complément indispensable aux réseaux terrestres.
Comment ces programmes vont-ils être mis en oeuvre pour répondre aux attentes de nos concitoyens et répondre à l'objectif majeur de réduire la fracture numérique ? Notre premier objectif, commun à Thalss Alenia Space, vise à garantir un accès plus modique à l'équipement de réception. Aujourd'hui, l'offre européenne en matière de segment sol - les équipements destinés aux utilisateurs - n'est pas encore structurée et devrait être consolidée grâce à ce programme. Face à une concurrence exacerbée dans ce secteur, nos objectifs de diminution du prix d'accès de ces matériels de réception demeurent extrêmement ambitieux : un prix inférieur à 200 euros au lieu des 350 euros actuellement pratiqués. Ces derniers coûts s'avèrent souvent exorbitants pour les foyers isolés géographiquement et dont le pouvoir d'achat est généralement faible. Nous travaillons avec l'Agence du numérique et les services de l'État afin que le guichet numérique, qui va être mis en oeuvre en janvier et est ouvert à l'utilisation du satellite, prenne en compte le coût potentiellement supérieur de l'équipement pour les foyers. Si l'aide de 150 euros prévue par le guichet pour tous les foyers privés d'un accès d'au moins 8 Mbps a été élargie, celle-ci ne couvre cependant pas l'ensemble des frais générés par cette installation. Aussi, ai-je sollicité l'ensemble des conseils départementaux pour leur rappeler l'importance de leur aide complémentaire à celle de l'État dans ce domaine. Nous sommes à la disposition des collectivités locales pour les aider dans cette démarche.
L'internet par satellite est le futur des satellites de télécommunication. L'innovation technologique est considérable dans ce domaine et les aides de l'Agence spatiale européenne, du CNES, ont été déterminantes pour la mise en oeuvre et la définition du programme VHTS. Il apporte une réponse incontournable à la fracture numérique. Depuis 2010, la puissance et la qualité du service offert par les satellites ont été multipliées par dix et devraient prochainement être comparables à celles de la fibre. L'internet satellitaire permettra de servir les personnes en mobilité, impliquant des couvertures de territoires entiers allant bien au-delà des zones urbaines. Nous faisons ces investissements pour assurer la couverture totale du territoire.
M. Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques d'Orange. - Je suis très heureux d'évoquer dans cette table-ronde l'accès aux communications à très haut débit, et plus particulièrement l'accès à très haut débit par le satellite. Pour Orange, le satellite s'inscrit d'abord dans un mix technologique que nous articulons pour offrir à tous nos clients, particuliers et entreprises, mais aussi partout où nous opérons et accompagnons nos clients entreprises dans le monde, la meilleure collectivité possible.
Depuis 2010, Orange a déployé une stratégie très ambitieuse pour asseoir son leadership. Présent dans 28 pays, Orange est le douzième opérateur mondial en terme de chiffre d'affaires - 41,1 milliards d'euros en 2017 - et couvre 210 millions de clients. 70 % de son chiffre d'affaires sont réalisés en Europe. En France, il détient 40 % de parts de marché en volume sur le « broadband » et 43% de son chiffre d'affaires y est encore réalisé. Son leadership, en termes de qualité de services, est reconnu dans 19 pays sur 25. Notre stratégie vise à devenir un opérateur prémium, ce qui implique de mettre à disposition de nos clients des services de grande qualité.
Orange a investi 3,4 milliards d'euros dans la fibre optique ces trois dernières années et, pour la huitième année consécutive, Orange est reconnu comme le meilleur réseau mobile de France. Cette stratégie volontariste, qui exige des investissements massifs, n'est pas toujours facilitée par la régulation européenne et française, qui a trop longtemps promu un modèle d'hyper-concurrence par les prix, au détriment d'une concurrence par l'investissement et l'innovation. S'il doit être souligné que la France est au 24ème rang européen en matière d'accès au très haut débit (THD) fixe, elle est, en revanche, la première pour le coût d'accès aux offres à l'internet.
Le Gouvernement ne s'est pas contenté de reprendre à son compte l'objectif du THD pour tous d'ici 2022. Avec le soutien des élus, de leurs associations, de l'ensemble des pouvoirs publics, avec le régulateur, il a pris acte de l'engagement d'Orange de rendre éligibles d'ici fin 2020 20 millions de foyers à une offre d'accès en fibre optique jusqu'à l'abonné (FttH). Orange a fait le choix pionnier de la fibre optique, devenue un standard technologique en France. Nous avons déjà raccordé 8,5 millions de foyers et avons accéléré puisque, ce trimestre, sur les 828 000 foyers rendus raccordables, 554 000 l'ont été par Orange. Sur la 4G, un changement de paradigme est intervenu. En effet, l'accord signé en janvier dernier va permettre de densifier la couverture mobile sur l'ensemble du territoire national.
Apporter cette connectivité le plus rapidement possible, en tenant compte des particularités des territoires représente un savoir-faire industriel qui repose sur la connaissance approfondie des technologies, de leur temps de déploiement, de la pertinence de leurs usages sur les différents territoires ainsi que des contraintes opérationnelles associées. Orange a toujours défendu le mix technologique comme solution pragmatique pour que tous nos concitoyens, tous nos clients, puissent connaître l'amélioration de leur connectivité le plus rapidement possible. Là où il ne sera pas possible d'apporter rapidement la fibre, bien souvent dans les zones les plus reculées, dans les territoires hyper-ruraux, nous devons articuler toutes les technologies possibles pour amener un bon débit et un THD à tous, à savoir : la montée en débit du réseau cuivre, dont nous nous employons à résoudre les problèmes de maintenance, le développement de la 4G fixe et le satellite, par lequel nous commercialisons déjà des offres d'accès à internet, grâce à notre filiale Nordnet, et à notre partenariat avec Thales et Eutelsat.
Avec cet accord, nous allons pouvoir compléter nos offres THD auprès de nos clients résidentiels et professionnels qui n'auront pas immédiatement accès au THD filaire ou mobile. Orange sera ainsi en mesure de proposer, pour un prix comparable au prix actuel, des débits près de dix fois supérieurs. Il s'agit bel et bien d'une rupture technologique. Des freins devront être levés : le guichet ouvert par l'État permettra de prendre en charge une partie des coûts induits par l'équipement - parabole et terminal - qui reste une barrière à l'entrée pour le développement du marché satellitaire. Les collectivités locales, qui ont été précurseurs, doivent être encouragées à subventionner les équipements. Dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales, l'harmonisation du système de subventions apporterait plus de visibilité à nos compatriotes qui souhaitent accéder à ce service. Enfin, comme industriel, Orange est fier de participer à ce projet français d'envergure européenne.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Cette table ronde est importante, elle nous permet de faire le point sur la situation du satellite dans les solutions d'accès à internet. Je me réjouis également de l'accord d'avril dernier, essentiel à la couverture numérique de notre territoire, et que le Gouvernement avait publiquement soutenu. Est-il toujours à vos côtés ? Le satellite a pu être décrié, par le passé, comme une solution trop chère ou guère efficace. Avec ce satellite de nouvelle génération, nous garantissez-vous des offres au même tarif et des débits comparables à ceux de la fibre en 2022 sur l'ensemble du territoire ?
Le coût de l'équipement - parabole et modems - représente un enjeu. Les « kits » satellitaires, créés dans les départements, pourraient faciliter son accès. D'autres équipements, destinés aux particuliers et désormais obsolètes, doivent aussi être renouvelés. Les départements devraient-ils y contribuer ?
Par ailleurs, y aura-t-il des offres satellitaires concurrentes sur le marché ? Le satellite Konnect VHTS sera-t-il directement concerné par les projets de constellation ? En 2025, la fibre aura encore progressé sur notre territoire et la 5-G aura émergé. Quelle sera la place du satellite ? Sera-t-il repositionné sur des solutions de mobilité ? S'agissant de la distribution, Orange compte-t-il commercialiser cette nouvelle offre satellitaire sous la marque Nordnet, pourtant peu identifiée par le grand public et privée de la notoriété d'Orange auprès du grand public ? Quelle est la place de Thales sur le marché de la connectivité des gouvernements ? Cet accord vous permettra-t-il de renforcer votre position ?
M. Jean-Pierre Decool.- En juillet dernier, le président de la République fixait l'objectif de 100 % des foyers couverts par le très haut débit d'ici 2022. Pour ce faire, l'État prévoit un investissement à hauteur de 3,3 milliards d'euros. Nous nous réjouissons de l'accord entre vos trois entreprises qui vont mener à bien le développement d'une technologie compétitive. À quelle échéance les 541 communes constitutives des zones blanches auront-elles accès à internet et au réseau téléphonique ?
Mme Evelyne Renaud-Garabedian. - Le réseau social Facebook ambitionne de connecter le monde entier à internet. À cette fin, il envisage de lancer, en 2019, son propre réseau satellite et couvrira les zones qui ne le sont pas ou insuffisamment. Que pensez-vous de ce projet ? Mobilise-t-il la même technologie que celle dont vous nous avez parlé aujourd'hui ?
M. Martial Bourquin. - On enregistre des retards importants dans le déploiement du très haut débit : l'existence d'établissements publics et d'entreprises est menacée, faute de connexion. Il nous faut des réponses précises. Les opérateurs doivent déployer ces réseaux en priorité vers ces établissements et entreprises, situés en ruralité et dans les petites villes. C'est un drame, dans les zones blanches, que la connectivité des téléphones mobiles ne soit pas assurée. L'ARCEP évoque la mésentente entre les deux opérateurs qui freine le câblage des territoires. Le temps presse ! Les zones blanches perdurent. Faut-il imposer des contraintes, voire des amendes, pour que cette connectivité, qui relève du service public, soit enfin assurée ?
M. Laurent Duplomb. - Le choix du téléphone mobile, au détriment de la « CB », a été une réussite depuis les années 1990. La qualité des appels s'amenuise dans certains secteurs du département de la Haute-Loire. Or, la perspective annoncée de pouvoir bénéficier d'une connexion mobile continue sur l'ensemble des routes accueillant plus de 4 500 véhicules par jour me laisse perplexe ! Comment comptez-vous y parvenir ?
M. Yves Bouloux. - Nous sommes tous des élus des territoires et avons à coeur que nos concitoyens bénéficient d'un traitement équitable. Je me réjouis de votre regroupement. Si votre programme satellitaire représente la solution pour les zones blanches, encore faut-il nous en garantir l'efficacité !
M. Marc Daunis. - En tant qu'élu des Alpes-Maritimes, je ne peux que me féliciter de votre regroupement. Néanmoins, un malaise demeure sur l'usage de satellites dans la stratégie des opérateurs. L'écart entre les engagements des opérateurs et la réalité territoriale est frappant. Depuis quatre ans, je ne parviens toujours pas à obtenir une connexion internet, alors que ma résidence se trouve à cinq cent mètres du pôle technologique Sophia-Antipolis ! Sur l'autoroute, qui est pourtant l'une des plus fréquentées de France, nous connaissons fréquemment des coupures de télécommunication ! Une telle situation n'est plus acceptable pour nos concitoyens. Votre partenariat dispose-t-il d'un zonage que vous pouvez nous communiquer, ainsi que d'un plan d'équipement secteur par secteur et annuellement chiffré ?
M. Jean-Claude Tissot. - Certains territoires, comme le mien, ont consacré de nombreux efforts pour déployer la fibre. Quelle sera la complémentarité de votre système et les infrastructures existantes ? Ainsi, les intempéries survenues en Loire et Haute-Loire ont provoqué la rupture de nombreux câbles. Aucun délai ne nous a été communiqué pour leur réparation. Je reste dubitatif quant à la bonne maintenance du réseau cuivre qu'évoquais le directeur d'Orange. Que signifie, selon vous, un entretien renforcé ?
M. Jackie Pierre. - Un marché, d'une valeur de 1,4 milliard d'euros, vient d'être passé par la région Grand-Est en vue de fibrer le territoire. Quelle sera la place du satellite dans un tel contexte ?
M. Michel Magras. - Je me souviens de la mission France Très haut débit et de ses premières réunions. On nous expliquait alors que le numérique n'avait d'avenir qu'à travers la fibre et que le satellite n'était destiné qu'aux territoires éloignés et étendus. Le satellite semble avoir retrouvé une nouvelle vie, fût-elle transitoire. L'outremer a-t-il sa place dans votre programme ?
Mme Anne Chain-Larché. - On peut se féliciter de la confluence de vos talents, qui permettra d'offrir une technologie complémentaire à celles déjà existantes, notamment dans les zones isolées et les territoires montagneux. Les réseaux téléphoniques en cuivre, notamment dans les zones rurale où les personnes âgées n'ont pas d'accès à l'internet, faute de moyens, peuvent s'avérer obsolètes, voire dangereux. Chaque fois, nous faisons remonter au congrès des maires de telles situations. Il est inadmissible que les réseaux demeurent dans cet état. Nous vous adressons une forme d'ultimatum.
M. Laurent Duplomb. - D'autant plus que les contribuables les ont payés !
Mme Anne Chain-Larché. - Vous avez souligné la nécessaire harmonisation des prises en charge par les collectivités. En Seine-et-Marne, nous avons un syndicat. Est-il possible de faire évoluer la législation pour assurer cette harmonisation entre les territoires que vous appelez de vos voeux ?
Mme Michelle Gréaume. - Le transfert des technologies a conduit Thales Alenia Space à former quarante-cinq ingénieurs au Brésil qui concevront, à l'avenir, la prochaine génération de satellites brésiliens. Mes craintes portent sur l'espionnage industriel : des procédures spécifiques ont-elles été mises en oeuvre pour la protection des données ?
M. Fabien Gay. - Le département de Seine-Saint-Denis connaît aussi des problèmes de connexion. La fracture numérique représente un coût pour les ménages : l'accès et l'équipement s'avèrent, pour certains, dirimants. Avez-vous conduit une réflexion sur l'accès de l'ensemble de notre population à l'internet à haut débit ?
Mme Viviane Artigalas. - De nombreux territoires en zone de montagne sont inaccessibles à la fibre. La mobilité téléphonique y est un facteur de sécurité et peut contribuer au sauvetage des personnes. Quand pensez-vous développer la mobilité dans ces zones ?
M. Jean-Marie Janssens. - Le Loir-et-Cher a fusionné avec l'Indre-et-Loire. Sans attendre le satellite, nous allons déployer la fibre optique sur l'ensemble des territoires, sous l'impulsion des communautés de communes, du département et de la région. En 2022, les habitants qui le souhaitent bénéficieront d'un raccordement gratuit !
Mme Sophie Primas. - De nombreuses questions portent sur les déploiements et la qualité de service, assez éloignées de l'accord que vous êtes venus nous présenter, mais elles rejoignent les questions de la complémentarité du satellite avec la fibre et de la compétitivité des différentes solutions pour fournir de l'internet sur tout le territoire, enjeux qui vous concernent tous les trois !
M. Jean-françois Bureau. - Notre séquence - l'arrivée de Konnect l'année prochaine, puis celle de Konnect VHTS - s'adosse à la réalisation de la montée en débit soutenue par l'État. L'objectif plancher de 8 Mbps en 2020 demeure, avant d'atteindre celui des 30 Mbps pour tous en 2022. L'ensemble de ces deux satellites représente la moitié, en investissement, d'une année de chiffre d'affaires. Quelle stratégie suivons-nous pour assurer la complémentarité du satellite avec d'autres solutions, comme la fibre ? Notre démarche se veut pérenne. Les satellites devraient couvrir l'ensemble du territoire métropolitain. Notre stratégie de déploiement se fonde sur la cartographie des zones dressée par l'Agence du numérique, département par département. Pour faciliter ce dispositif, le même équipement recevra successivement les satellites Konnect et Konnect VHTS. Le même équipement permettra d'être connecté aux satellites de 2019 et de 2021. L'offre satellitaire en Europe, en très haut débit, va continuer de croître et arrivera avant 2025. Les ménages pourront choisir des offres alternatives à la nôtre.
Nous visons un coût global - équipement et installation - de l'ordre de 300 euros. Nos coûts à la prise sont ainsi comparables aux montants prévus par les plans fibre pour les villes moyennes et les grandes agglomérations. La solution satellitaire doit rester compétitive. En 2010, nous ne disposions que d'un seul satellite qui a été rempli beaucoup plus vite que nous l'avions anticipé. L'ensemble des solutions proposées au consommateur garantira-t-il le niveau de connectivité dont il a besoin ? Notre objectif est d'offrir un service sans limitation quantitative. Le plafond de consommation mensuelle, qui caractérise jusqu'à présent l'offre satellitaire, contribue à sa dévalorisation. Les offres que proposeront nos distributeurs seront, quant à elles, sans limitation quantitative.
La lutte contre la désertification médicale et le maintien des entreprises exige la connectivité. Nous sommes partenaires avec le CNES d'un programme sur l'e-santé à travers le satellite, qui assure le maintien des médecins en zone rurale. Les artisans, les architectes ou encore les avocats sont également des professions intéressées par la technologie satellitaire.
Plus nos offres internet seront en mobilité, plus la technologie du satellite sera indispensable. Aux États-Unis, l'offre internet par satellite pour les avions fonctionne parfaitement ! D'autres applications verront le jour à partir de 2025.
Tout ce que nous avons dit correspond à la métropole. Nous avons investi en Outremer en lançant un satellite EUTELSAT-65 West dans la zone Antilles-Guyane. Nous participons d'ailleurs à l'appel d'offres de la société publique pour l'aménagement numérique de la Guyane (SPLANG). Fort de notre qualité de principal transporteur de télévisions au niveau national, nous continuerons à diffuser la technologie numérique en Outremer.
M. Riadh Cammoun. - Comment ce système VHTS se positionne-t-il par rapport aux autres ? Notre offre est plus compétitive que la solution américaine Viasat 3, en raison de la recherche et développement conduite en France. Des solutions concurrentes existent, mais la France est capable de mieux faire.
Thales a gagné une compétition très âpre au Brésil ; le contrat remporté de ce satellite dual impliquait la formation d'ingénieurs brésiliens à l'utilisation de ce type de technologies. Cependant, le SGDC 2 ne sera pas fait avec les Brésiliens, mais dans le cadre d'une compétition mondiale que nous espérons gagner pour développer l'emploi en France. Un satellite géostationnaire développé par Thales Alenia Space représente 75 % de valeur ajoutée et irrigue l'ensemble de notre économie.
Konnect VHTS proposera des services gouvernementaux car Thales et la Space Alliance s'y sont engagés. C'est, au demeurant, un marché sur lequel tant Thales que Telepazio sont déjà bien implantés. Ce contrat de distribution a permis cet investissement majeur de Konnect VHTS, qui reste privé.. Elle s'inscrit également dans le programme GOVSATCOM lancé par la Commission européenne qui vise la mutualisation des besoins gouvernementaux. La France disposera d'un satellite extrêmement performant, en 2022 au moment où débutera le prochain programme cadre européen, pour fournir à la Commission européenne des services sécurisés grâce à Konnect VHTS.
M. Laurentino Lavezzi. - La distribution des offres satellitaires par Orange, en marque propre, n'a pas été finalisée. Aujourd'hui, les offres de notre distributeur Nordnet ne sont pas encore compétitives par rapport à la fibre. Bien que peu connue du grand public, cette marque bénéficie cependant d'une réelle notoriété dans les zones ciblées : dans les zones disposant d'un débit inférieur à 3 Mbps, 25 % des personnes interrogées dans le cadre d'une enquête réalisée par nos services citent spontanément la marque Nordnet, et 62 % l'identifient parmi une liste d'opérateurs. Elle est en outre distribuée dans les boutiques Orange et l'on trouve le logo Orange sur chacun des documents commerciaux de la marque Nordnet.
L'harmonisation des dispositifs pourrait consister en l'articulation des aides avec celle de l'État. Un dialogue, avec l'Agence du numérique et la Mission très haut débit, devrait demeurer incitatif, sans passer par la voie législative.
Convenez cependant que le nombre des foyers qui ne disposent pas du haut débit va diminuant ! Ces trois dernières années, 3,4 milliards d'euros ont été investis dans la fibre optique en France !
Bien évidemment, les déploiements de fibre optique ont débuté dans les zones très denses, conformément à une logique de rentabilité commerciale. Désormais, les déploiements sont effectués dans des zones moins denses, sur lesquelles Orange et SFR se sont bien articulés. Ces investissements en fonds propres portent sur les zones moins denses.
Sur le mobile, la couverture 4G n'est pas satisfaisante aujourd'hui. Nos obligations de couverture, adossées à nos autorisations d'utilisation de fréquences hertziennes, étaient bien en-deçà de nos réalisations, mais très en retard par rapport aux attentes des Français. La mauvaise volonté des opérateurs n'est pas en cause ! Pour autant, notre couverture ne répond pas aux attentes des Français et de leurs représentants.
Le téléphone mobile est quasiment gratuit, avec des puces à douze euros ! C'est là une équation économique assez folle. Aujourd'hui, le résultat des réflexions menées par l'État et les opérateurs est le suivant: plutôt que de mettre les licences aux enchères, il vaudrait mieux inciter les opérateurs à investir trois milliards d'euros dans les réseaux mobiles et à contribuer à l'implantation des nouveaux sites arrêtés par les collectivités.
Tous ces éléments doivent concourir, avec les offres satellitaires, à la réalisation des objectifs fixés par le Gouvernement sur le fixe en 2020 (« bon » haut débit) et en 2022 (très haut débit). Ces échéances sont rassurantes et contractuellement opposables. Nous sommes contractuellement engagés avec l'État et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep), qui contrôle désormais les engagements, et peut prendre des sanctions.
La qualité de service des lignes en cuivre peut s'avérer problématique. Loin de désinvestir sur le cuivre, le budget d'entretien est passé de 480 millions d'euros en 2015 à plus de 500 millions d'euros cette année. Le coût de maintenance préventive de la ligne est, dans le même temps, passé de 2,80 euros en 2014 à 3,40 euros en 2017. Les événements climatiques d'une violence inouïe de cet été ont mis au jour nos difficultés d'organisation et les faiblesses de notre pilotage de la sous-traitance. Nos départs en retraite ont été mal gérés. Orange pourrait d'ailleurs, dans le cadre d'une nouvelle audition, vous présenter le plan qu'il compte mettre en oeuvre.
M. Marc Daunis. - On ne peut investir simultanément sur les différentes technologies du numérique ! Il faut, à un moment donné, faire un choix. Avez-vous intégré la solution satellitaire, y compris dans les zones denses qui connaissent des disparités, dans une réelle planification géographique du bouquet technologique ? On ne saurait vouloir tout et son contraire !
M. Jean-François Bureau. - Je vous l'accorde. Le cadre de référence reste fixé par l'État, qui est toujours présent, via ses acteurs de la politique numérique. Le suivi de l'accord d'avril est réel. Les départements, au niveau des schémas directeurs d'aménagement départementaux, ont élaboré leur plan d'aménagement numérique qui ont été agrégés par l'Agence du numérique. Le satellite devrait apporter une réponse à tous ces foyers, de l'ordre de plusieurs milliers dans chaque département, qui se trouvent dans les zones blanches. Cette situation de mise à niveau de tous les foyers français à 8 Mbps est un préalable, avant de passer à la diffusion du standard européen à 30 Mbps. Les plans que les collectivités locales ont élaborés fournissent ainsi notre feuille de route !
M. Riadh Cammoun. - La compétitivité de nos solutions se fonde sur une technologie avancée et, ainsi, sur l'innovation. La qualité de service est essentielle : nous avons multiplié par dix la capacité des satellites à un même coût. Le rôle du CNES a été fondamental dans cette démarche de compétitivité. Le marché va très vite ! Pour preuve, SSL, encore leader mondial il y a trois ans, sort du marché. À Cannes et Toulouse se trouvent deux centres de compétence à la pointe mondiale. La France doit se positionner dans ce domaine innovant et la prochaine réunion ministérielle de l'ESA nécessitera un positionnement fort de la France dans la technologie satellitaire, c'est ce qui permettra, à terme, le lancement d'un futur satellite Konnect VHTS 2, qui devrait offrir une qualité de service accrue à nos concitoyens.
Mme Sophie Primas, présidente. - J'espère qu'Ariane 6 sera le lanceur de Konnect VHTS ! Cet investissement est stratégique et répondra au déploiement de nouvelles formes de mobilité, comme les nouveaux véhicules. C'est un bel exemple d'accord européen.
Mme Anne-Catherine Loisier. - L'innovation est véloce et doit être soutenue. Pourrions-nous avoir une autre réunion avec ces interlocuteurs sur les nouveaux enjeux technologiques et industriels de la filière, comme les constellations de satellites ?
Mme Sophie Primas, présidente. . - Je prends note de votre demande. Merci, Messieurs, pour votre participation.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est levée à 12 h 10.
La réunion est close à 12 h 10.