Jeudi 5 juillet 2018
- Présidence de M. Jean Bizet, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Institutions européennes - Audition de S. E. M. Walter Grahammer, ambassadeur d'Autriche en France
M. Jean Bizet, président. - Nous sommes heureux de vous recevoir, monsieur l'ambassadeur, à l'aube de la présidence par votre pays de l'Union européenne. Le programme que vous proposez autour d'une « Europe qui protège » et de trois priorités thématiques nous paraît bien en phase avec l'importance des défis à relever. La crise migratoire est une source de divisions profondes et témoigne d'une forme d'impuissance à agir de l'Union. Elle constitue une menace directe pour la construction européenne.
Si nous prenons acte de certains progrès, comme le renforcement, dans le prochain cadre financier pluriannuel, de Frontex, la réforme du système européen d'asile est enlisée. On ressent un grand décalage entre la lenteur du processus européen et l'urgence des réponses à apporter. Le dernier Conseil européen a tracé des pistes ; comment votre présidence entend-elle les traduire en actes ?
La compétitivité par le développement du numérique est une autre de vos priorités. Nous y avons beaucoup travaillé et nous avons adopté une résolution européenne sur le supercalculateur européen. L'Europe ne peut être un simple espace de consommation du numérique, elle doit être productrice. Elle doit donc développer une stratégie industrielle qui passe par une nouvelle approche de la politique de la concurrence. L'Europe est en retard sur l'industrie numérique, notamment par rapport aux États-Unis, mais elle est en pointe sur l'éthique, à telle enseigne que la Californie s'est approprié le RGPD.
Nous soutiendrons aussi votre volonté de stabiliser le voisinage régional et de favoriser le rapprochement des Balkans occidentaux, que vous connaissez bien. Toutefois, ils ont encore beaucoup de chemin à faire pour maîtriser l'acquis communautaire, et la priorité doit être donnée, selon nous, à des progrès significatifs tant sur l'organisation institutionnelle, l'État de droit, que sur le plan économique. Il faut aussi prendre en compte l'état de nos opinions publiques très réticentes face à un processus d'élargissement non maîtrisé. Nous avons ainsi visité la Serbie et le Monténégro, qui ne sont clairement pas prêts à intégrer l'Union. Cela dit, il faut aussi être attentif aux actions d'un grand voisin imprévisible, la Russie, et de la Chine, présente au travers de la route de la soie.
Le prochain cadre financier pluriannuel sera négocié sous votre présidence. Pour le Sénat, la PAC et la politique de cohésion ne peuvent servir de variables d'ajustement. Quel est votre calendrier, au regard des élections européennes de 2019 ? Souhaitez-vous procéder rapidement, avant l'élection, ou laisser au futur Parlement le soin d'approuver ou de rejeter le cadre financier pluriannuel ?
Enfin, pendant votre présidence, la négociation du Brexit sera un autre défi. Nous soutenons le négociateur de l'Union européenne. La question irlandaise n'est pas résolue. Nous mesurons en outre l'impact économique désastreux du Brexit. Il faut garantir l'intégrité du marché unique. Comment appréhendez-vous ce difficile dossier ?
Nous rentrons de Londres, Dublin et Belfast ; nous ne sommes pas rassurés. La République d'Irlande souhaite rester très étroitement liée aux Vingt-sept, et la situation de Belfast est très inquiétante. Dans les quartiers délicats, la situation reste très tendue. J'imaginais naïvement que, pour éviter une frontière dure, une solution pouvait passer par la réunification, mais on se rend compte en quelques minutes que c'est impossible. De leur côté, les Britanniques disent que c'est à nous de faire la frontière pour protéger notre marché unique.
M. Walter Grahammer, ambassadeur d'Autriche en France. - Merci de me recevoir. C'est la troisième présidence de l'Autriche, après 1998 et 2006. C'est toujours un grand défi pour un pays de cette taille. Néanmoins, nous savons que la présidence est destinée non à faire passer ses propres idées mais à servir l'Union européenne, à faire avancer les dossiers et à réagir à tout évènement imprévu. Par exemple, en 2006, deux jours avant le début de notre présidence, l'approvisionnement de l'Europe occidentale en gaz russe avait été coupé en Ukraine.
Assumer la présidence, c'est aussi prêter une oreille attentive à tous les pays membres, et faire un travail réaliste de recherche de majorité. L'Autriche est au carrefour de l'Europe. Nous avons vu la crise de 1956 en Hongrie, celle de 1968 en Tchécoslovaquie et celle de 1994 en Yougoslavie. À l'occasion de chacun de ces évènements, des vagues de migration ont passé par l'Autriche. En 1956, beaucoup sont allés au Canada et aux États-Unis, mais en 1968 et en 1994, les migrants sont plutôt restés en Europe. Nous avons donc une certaine expérience en la matière, mais nous n'avons pas de solution parfaite ; nous essayons de créer des passerelles, de dialoguer avec les partenaires.
Nous sommes confrontés à de nombreux défis, au sein même de l'Union européenne et à l'extérieur. Nous essaierons d'apporter notre contribution au traitement de ces défis.
Les défis internes sont les négociations avec le Royaume-Uni sur le Brexit et l'adoption du cadre financier pluriannuel 2021-2027.
Sur le Brexit, nous entrons dans la phase finale des négociations, car le traité prévoit un délai précis de deux ans. C'est un sujet complexe, les modalités de sortie ne seront pas faciles à négocier. Il y aura en outre la question importante de la phase de transition. L'Union européenne a une grande expérience de l'élargissement, mais aucune expérience de sortie. Comment régler le montant qu'un pays sortant doit payer pour ce qu'il a reçu au cours des années antérieures et pour les engagements qu'il a pris ?
Nous devrons préserver l'unité des Vingt-sept, il ne faut pas se diviser sur cette question. En effet, nous devons créer des bases constructives pour nos futures relations avec le Royaume-Uni, car la géographie, elle, ne changera pas. C'est un pays voisin avec lequel on a beaucoup de relations commerciales. Néanmoins, il ne faut pas non plus donner envie à d'autres pays membres de suivre ce chemin. La sortie ne peut pas apparaître plus avantageuse.
M. Jean-François Rapin. - Absolument.
Walter Grahammer. - Sur le cadre financier pluriannuel, nos collègues bulgares ont commencé la négociation, nous allons la poursuivre. Je ne sais si nous pourrons terminer les négociations avant la fin du mandat du Parlement. Nous ferons notre possible, mais les réactions sont diverses et les négociations seront difficiles. Chaque État membre a ses priorités.
Au niveau international, l'Europe doit s'adapter aux nouvelles réalités géopolitiques. Plusieurs crises ont ébranlé la confiance des citoyens, la concurrence internationale est de plus en plus dure, on ressent des tensions. « L'Europe qui protège » sera là aussi notre ligne de conduite. Nous misons pour cela sur un renforcement de la subsidiarité. L'Union européenne doit se concentrer sur les questions importantes, qui requièrent une solution commune, mais elle doit laisser les États membres et les régions décider sur les questions correspondant à leur niveau. En la matière, nous faisons nôtre la devise de l'Europe « Unis dans la diversité ».
Nous aurons donc trois axes de travail : la sécurité et la lutte contre l'immigration illégale, la compétitivité par le numérique et la stabilité du voisinage, notamment en Europe du Sud-est.
La sécurité et les migrations sont des thématiques complexes et porteuses d'une grande dimension humaine. Le dernier Conseil européen a témoigné de l'importance du sujet. Il faut augmenter la résilience de l'Union, garantir sa capacité d'action contre l'immigration illégale. Une protection efficace des frontières extérieures est essentielle. Schengen ne peut fonctionner qu'avec des contrôles réels et fiables des frontières extérieures ; c'est à cette condition que l'on peut ouvrir les frontières internes. Pour cela, il faut un accord politique sur l'élargissement du mandat de Frontex. Les chefs d'État et de gouvernement se réuniront le 20 septembre à Salzbourg pour en parler. Il faut améliorer le système d'information, réviser le code des frontières et aboutir à l'interopérabilité des systèmes d'information de l'Union européenne en matière de frontière.
La réforme de l'asile dans l'Union européenne est également nécessaire. Vous connaissez l'accord de Dublin ; il a été remis en question récemment, en raison notamment de ce qui s'est passé en Italie et en Grèce. Il faut trouver des réponses. Sur le volet externe, on a la coopération avec les États tiers. Dans les années 2000, on a mis beaucoup de choses en place, comme le programme MEDA, pour aider les pays voisins à se développer et à faire émerger une classe moyenne. On a obtenu certains succès ; j'étais moi-même responsable d'un projet de microcrédit pour les femmes en Tunisie, qui avait bien fonctionné, mais le printemps arabe a tout balayé.
On avait aussi pensé au problème démographique de l'Union européenne. La population des États membres vieillit de plus en plus, la moyenne d'âge augmente et le nombre d'enfants par famille diminue. On pensait que l'on aurait peut-être besoin de main d'oeuvre issue d'autres pays.
Le deuxième sujet est la numérisation. L'Europe économique est en pleine mutation. On regarde de près ce qui se passe aux États-Unis. L'Europe est la première puissance commerciale et le premier marché intérieur du monde mais la part de l'Europe dans le PIB mondial recule. Il faut trouver les moyens pour y remédier et pour garantir la prospérité de l'Union. Il ne faut pas sur-réglementer, il faut aider les industries classiques et technologiques. L'enjeu est d'attirer de nouvelles industries qui créeront les emplois de demain. Toutefois, il faut taxer les profits là où ils sont réalisés.
Le dernier défi est la stabilité dans le voisinage, et en Europe du Sud-est. Nous sommes liés à ces régions par un héritage historique et culturel commun. Un voisinage immédiat stable et sûr garantit la stabilité de la paix et aura des répercussions immédiates sur notre sécurité. Nous allons tâcher d'améliorer les relations entre l'Union européenne et les voisins.
En outre, nous souhaitons façonner une Europe plus proche des citoyens. Les citoyens doivent être convaincus que le futur européen a des avantages. L'Europe doit être plus palpable. « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes », disait Jean Monnet. C'était l'esprit des consultations citoyennes, et de la grande conférence consultative du 21 juin dernier, à laquelle participait Nathalie Loiseau.
Tels sont les grands axes de travail de notre présidence, et l'Autriche ne ménagera pas ses efforts pour contribuer au futur commun de l'Europe.
M. Jean-Yves Leconte. - Je veux évoquer une inquiétude des Français qui vivent en Autriche sur les réformes du Gouvernement relatives aux minima sociaux pour les résidents européens. Le ministre de la famille semble vouloir conditionner l'octroi de ces aides à la connaissance de l'allemand et à un séjour de 5 ans minimum en Autriche.
En outre, vous avez évoqué l'élargissement vers les Balkans ; l'Autriche a toujours poussé dans ce sens, et je partage cette position. Sur ce sujet, la France s'est longtemps cachée derrière le conflit entre la Grèce et la République de Macédoine du Nord. Cette question étant résolue, entrevoyez-vous des possibilités de faire évoluer la position de la France ?
Enfin, vous avez évoqué la crise migratoire, mais le défi de l'Union européenne est faible au regard de ceux auxquels font face les autres régions du monde ; en Afrique, en Asie, en Amérique latine, c'est pire. Nous ne pouvons pas nous reporter sur nos voisins, je pense notamment à la Turquie. La relation entre l'Autriche et la Turquie n'est pas très bonne, mais comment pouvons-nous aboutir à une solution ? Que pensez-vous de la situation turque après la dernière élection ?
M. André Gattolin. - L'économie autrichienne est assez florissante, avec 2,9 % de croissance et 5,5 % de chômage. En ce qui concerne le cadre financier pluriannuel, je voudrais aborder la question du rabais sur le rabais, dont l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Autriche bénéficient, alors que ces pays se portent bien, alors que l'Italie et l'Espagne sur-contribuent. C'est un sujet tabou, mais est-ce qu'il va être traité ?
Sur les technologies, le projet de supercalculateur européen nous permettra de disposer de nos instruments de calcul et d'avoir une souveraineté européenne sur le data processing. L'Autriche n'a pas pris position pour participer à ce projet. Sera-t-elle amenée à évoluer sur cette question ?
M. Jean-François Rapin. - La présidence autrichienne relancera-t-elle le dossier, cher à la France mais mis de côté pour le moment, de la surveillance des marchés financiers au niveau européen ?
Une loi autrichienne devrait porter à 12 heures par jour, soit 60 heures par semaine, la durée légale maximale du travail. Vous avez annoncé votre intention de rechercher le consensus, mais une présidence peut exercer une influence sur certains dossiers. Est-ce votre intention sur celui-ci ?
M. Didier Marie. - Lors du récent sommet européen sur l'immigration, la création de hot spots en dehors de l'Union européenne a été envisagée ; cela nous inquiète au point de vue des droits des demandeurs d'asile, d'autant que ces sites pourraient être installés dans des pays aussi peu sûrs que la Libye. Quelle est la position de la présidence autrichienne sur ce sujet ?
Nous nous sommes récemment rendus en Irlande et au Royaume-Uni avec M. Bizet et Mme Jourda. Mme May présentera prochainement un livre blanc sur les futures relations avec l'Union européenne. La frontière entre l'Irlande et l'Irlande du Nord reste le principal point de crispation : pour le moment il est hors de question de rétablir la frontière terrestre ou de créer une frontière maritime en mer d'Irlande. Or il faudra bien trouver une solution...
Enfin, votre présidence compte-t-elle accélérer les négociations des accords de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie et la Nouvelle-Zélande d'une part, avec le Mercosur d'autre part ? Il est vrai que ces dernières semblent mal engagées.
Mme Gisèle Jourda. - Vous avez souligné que l'Autriche ne profiterait pas de sa présidence européenne pour promouvoir ses positions nationales. Or une note des autorités autrichiennes révélée ce matin par Le Monde propose qu'aucune demande d'asile ne soit plus déposée sur le sol européen. C'est une position très dure. Comme vous l'avez dit, l'Europe doit se montrer résiliente, mais de telles intentions ne nous mettent pas en confiance...
M. Walter Grahammer, ambassadeur. - En matière de protection sociale comme de droit du travail, l'Autriche respectera la législation européenne, en particulier la directive sur le temps de travail à l'élaboration - difficile - de laquelle j'ai participé. La Commission européenne veille à la bonne transposition des directives. Le chiffre de douze heures de travail par jour peut choquer ; mais en réalité, en Autriche, à Paris ou ailleurs, beaucoup de travailleurs dépassent déjà ce seuil. De plus, le temps de travail est pris en compte sur une durée de plusieurs mois, et des conventions peuvent être négociées.
La législation sur l'immigration extra-européenne relève pour le moment du niveau national. C'est pourquoi l'Autriche impose la connaissance de l'allemand aux immigrants pakistanais, mais pas aux ressortissants européens, pour qui ce sont les règles européennes qui s'appliquent.
Je connais les réticences que peut susciter en France l'élargissement à certains pays balkaniques. Pour l'Autriche - et je parle ici de la position de l'État, non de la présidence - cet élargissement donnera une sécurité juridique à nos investissements, qui sont très importants dans ces pays. Quoi qu'il en soit, un État tiers comme l'Albanie ne peut accéder à l'Union européenne que s'il remplit les conditions nécessaires, à commencer par le respect de la législation européenne. C'est aussi vrai pour le Turquie. En raison des récents développements dans ce pays, inquiétants pour la démocratie, le gouvernement autrichien est partisan d'une suspension des négociations. C'est un processus lourd et coûteux, et un arrêt donnera un signal clair au gouvernement turc.
Monsieur Gattolin, la perte d'un contributeur net important au budget européen doit se traduire soit par une augmentation des versements, soit par une baisse du budget. Pour le gouvernement autrichien, les contributeurs nets ne devraient pas payer davantage ; il faudra donc réviser le budget et modifier certaines orientations, même si c'est difficile à faire accepter. Quant au supercalculateur, je ne connais pas les détails du dossier, mais nous vous ferons parvenir une réponse.
Le fait que les pays de la zone euro se soient mis d'accord sur une supervision des principales banques et compagnies d'assurances au niveau européen est un progrès considérable, dans un monde où l'activité des établissements bancaires n'est plus confinée au niveau national.
La directive sur le temps de travail ne peut être modifiée que sur proposition de la Commission européenne. Ce n'est pas prévu pour le moment, et il est difficile de dire quelles seront les intentions de la prochaine Commission...
M. Jean Bizet, président. - La directive services vous donne-t-elle satisfaction ?
M. Walter Grahammer, ambassadeur. - Elle ne suscite pas de griefs particuliers en Autriche. Les services transfrontaliers ne sont pas un objet de débat.
Je n'ignore pas qu'organiser le dépôt des demandes d'asile en dehors de l'Union européenne n'est pas conforme aux conventions internationales sur le droit d'asile, mais nous sommes confrontés à une crise grave, avec des noyades quotidiennes dans la Méditerranée. Il est préférable, pour éviter de tels drames, d'informer ceux qui ne seront pas éligibles à l'asile avant qu'ils ne prennent la mer.
Ce que vous évoquez, madame Jourda, est une simple note. Les lois et règlements européens sont le fruit de mois, voire d'années de discussions. Je l'ai dit, une présidence n'a pas vocation à imposer ses idées, mais à trouver un dénominateur commun et à dégager des majorités. Cela étant dit, nous prenons note de votre inquiétude.
Le rétablissement de la frontière entre l'Irlande du Nord et l'Irlande est l'un des points de blocage entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Rétablir une frontière n'est jamais une bonne chose. C'est une question qui concerne d'abord l'Irlande et le Royaume-Uni, mais c'est aussi un sujet important pour les Vingt-Sept. Il y a deux méthodes pour traiter des blocages : soit s'y attaquer dès le début de la négociation, soit, au contraire, les laisser de côté pour y revenir à l'extrême fin des discussions. Je ne puis en dire davantage ; la présidence autrichienne attendra les propositions du négociateur, M. Barnier.
M. Jean Bizet, président. - Nous sommes assez désabusés vis-à-vis de la posture britannique. Aucune des parties n'envisage la reconstitution d'une frontière physique, qui engendrerait inévitablement une campagne de violences. Or, pour le Royaume-Uni, c'est à l'Union européenne de rétablir la frontière si elle le juge nécessaire. Cette position intellectuellement malhonnête rappelle l'attitude britannique vis-à-vis de l'afflux de migrants dans le Calaisis.
Le marché unique, une des grandes réussites de l'Union européenne, a été construit en quatre décennies. En refusant de s'engager sur la question de la frontière irlandaise, les Britanniques montrent qu'ils le considèrent comme un libre-service, et non comme une entité impliquant le respect des quatre libertés. C'est la quadrature du cercle. 80 à 90 % des ressortissants de la République d'Irlande veulent le maintien dans l'Union européenne, mais aussi 60 à 65 % des habitants de l'Ulster. Mais le principal parti protestant, le DUP, très lié au Royaume-Uni et favorable au Brexit, est la force d'appoint de la coalition dirigée par Theresa May... C'est insoluble.
Mme Gisèle Jourda. - Il ne faudrait pas que cela se retourne contre la République d'Irlande. Faute de réussir à s'accorder sur une frontière invisible, nous risquons de voir l'Ulster rétablir une frontière physique. C'est particulièrement vicieux.
M. Jean Bizet, président. - Les Britanniques n'ont fait aucune proposition quant à la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord ; quant à la proposition de M. Barnier de déplacer la frontière en mer d'Irlande, ils ne veulent pas en entendre parler ! Ils se drapent dans une certaine candeur ; or c'est leur décision de quitter l'Union européenne qui a causé le déclenchement de l'article 50... La présidence autrichienne, monsieur l'ambassadeur, sera confrontée à ce sujet délicat qui ne sera sans doute pas réglé en six mois. La délégation du groupe de suivi sur le Brexit est revenue de son déplacement plus inquiète qu'au départ. Jusqu'à fin mars 2019, nous ne recevrons probablement aucune proposition britannique sur le sujet.
Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie de vos réponses. Le dossier de l'immigration sera le plus difficile de votre présidence. Quant à l'élargissement, il ne faut certes pas désespérer les Balkans ; à titre individuel, ces pays veulent une citoyenneté européenne à part entière. Leur adhésion devra toutefois être ratifiée par tous les États membres et, pour certains d'entre eux, par référendum. Le Président de la République a pris une position courageuse sur la question.
M. Jean-Yves Leconte. - Il n'est pas particulièrement courageux de suivre l'opinion publique de son pays...
La réunion est close à 10 h 15.