- Mercredi 20 juin 2018
- Économie circulaire - Audition de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
- Projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous - Examen des amendements du rapporteur au texte de la commission
- Questions diverses
- Jeudi 21 juin 2018
Mercredi 20 juin 2018
- Présidence de M. Hervé Maurey, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Économie circulaire - Audition de Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire
M. Hervé Maurey, président. - Nous accueillons aujourd'hui Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, qui vient pour la première fois devant notre commission. Nous avons souhaité qu'elle vienne nous présenter la feuille de route Économie circulaire. Ce document, dévoilé en avril dernier par le Gouvernement, comprend pas moins de 50 mesures visant une économie « 100 % circulaire ».
Les objectifs sont ambitieux : réduire de moitié les déchets mis en décharge et tendre vers 100 % de plastique recyclé d'ici 2025. Je rappelle que la France n'est pas très bien placée sur cette question, puisqu'elle n'est aujourd'hui qu'au 25e rang européen avec seulement 22 % de recyclage du plastique, tandis que les meilleurs élèves, en Europe du Nord notamment, atteignent plutôt 40 %.
Nous savons bien qu'il est toujours tentant de fixer un objectif ambitieux, mais est-il vraiment crédible d'imaginer que dans un peu plus de cinq ans nous recyclions la totalité de nos déchets plastique ?
Cette feuille de route a été élaborée après une phase de consultation du public et de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés autour de quatre principaux sujets : comment déployer l'économie circulaire dans les territoires ; les plastiques et l'économie circulaire ; la consommation et la production durable ; enfin, les instruments économiques, la fiscalité et les financements.
Malgré cette phase préparatoire, des inquiétudes et des interrogations demeurent, notamment pour les collectivités territoriales. Nombre d'entre elles sont notamment inquiètes du projet d'augmentation de la composante « déchets » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et beaucoup d'associations d'élus estiment que le bilan financier présenté dans la feuille de route est contestable : le surcoût global est estimé entre 300 et 400 millions d'euros. Elles plaident pour l'idée d'une TGAP « amont » sur les produits non recyclables voués à être stockés ou incinérés. Pourquoi la feuille de route n'a-t-elle pas exploré cette piste ? Pourrez-vous nous en dire un mot ?
Vous pourrez aussi nous éclairer de manière précise sur la question de la mise en place d'un système de consigne pour la collecte des bouteilles en plastique et des canettes. Il s'agit, d'après la feuille de route, de tester un dispositif de « consigne solidaire » dans les collectivités territoriales qui le souhaitent. Quel serait l'impact d'une telle mesure sur les ressources des collectivités territoriales, sur les éco-organismes concernés, mais aussi sur le pouvoir d'achat des consommateurs ?
Enfin, comment la feuille de route prend-elle en compte les orientations prises récemment par la Commission européenne avec sa proposition de directive sur les déchets marins ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. - Monsieur le président, je vous remercie de m'accueillir parmi vous, pour la première fois en effet, et je me réjouis de débattre de la question de l'économie circulaire avec les sénateurs, qui sont des élus proches des territoires.
Quelques chiffres pour commencer : en France, nous produisons chaque année 5 tonnes de déchets par habitant et le taux de valorisation des déchets ménagers atteint 39 % contre 65 % en Allemagne et 50 % en Belgique. Vous le voyez, les performances sont très différentes, à seulement quelques kilomètres de distance... Le taux de collecte des bouteilles en plastique s'élève à 55 % en France contre 90 % dans les pays nordiques.
La France obtient donc des résultats moyens, que certains qualifient même de mauvais. Qui plus est, alors que notre pays était plutôt moteur sur ces questions dans les années 1990, période où nous sommes passés d'un système visant à assurer l'hygiène et la salubrité publiques à une logique industrielle, les statistiques montrent que les choses ne s'améliorent plus et que nous plafonnons. La France a été le premier pays à lancer le système innovant de la responsabilité élargie des producteurs, la « REP », sur les emballages ménagers, qui a été repris par plusieurs pays européens. Mais maintenant, nous plafonnons !
La feuille de route sur l'économie circulaire que je viens vous présenter vise à dépasser ce plafond, à opérer un basculement, à bouleverser les équilibres. Pour cela, il faut définir clairement les objectifs et mettre en place des outils puissants et concrets pour qu'ils soient efficaces. Cette feuille de route doit enclencher un mouvement qui implique nos concitoyens afin que la question des déchets soit une préoccupation quotidienne pour tous.
Pour engager cette dynamique, nous avons la chance d'avoir un Président de la République, qui...
Plusieurs sénateurs de différents groupes. - Ah !
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Je suis heureuse de voir que vous partagez mon enthousiasme !
Nous avons donc la chance d'avoir un Président de la République qui a annoncé des objectifs ambitieux durant la campagne électorale, notamment celui de 100 % de plastique recyclé d'ici 2025 et celui d'une réduction de moitié de réduire de moitié de la mise en décharge. Ces objectifs reprennent - il faut avoir l'humilité de le dire - ceux fixés dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Fixer des objectifs ambitieux représente déjà un dixième du chemin à parcourir, mais enclencher la phase de mise en oeuvre est le plus difficile. Nous devons modifier profondément la perception que nous avons d'un déchet, car nous devons le penser comme une ressource. Pour cela, il faut réfléchir, en amont, à la manière dont il pourra être réutilisé. Je fais parfois une comparaison ; il faut penser à un produit en termes de « karma » : on le fabrique, on le consomme et, ensuite, il se réincarne en autre chose.
Le Premier ministre a présenté cette feuille de route le 23 avril dernier, ce qui montre l'importance de ce sujet dans l'agenda politique du Gouvernement. En effet, en voulant transformer la manière d'appréhender les déchets, nous touchons à la compétitivité de la France comme à l'écologie du quotidien.
La feuille de route est le fruit d'une large concertation. Le démarrage a été difficile, parce qu'il fallait expliquer le besoin profond d'ouvrir ce chantier et d'aller plus loin, alors même que le système de la REP fonctionnait - ronronnait, devrais-je dire ! - depuis de nombreuses années. Ainsi, nous avons mis en place un comité de pilotage, des ateliers se sont réunis pendant six mois et un rapport a été confié à un expert, Jacques Vernier, sur l'avenir des filières à responsabilité élargie des producteurs.
Vous le voyez, la méthode du Gouvernement est toujours la même. Nous l'avons utilisée pour la réforme de la SNCF ou Notre-Dame-des-Landes : objectiver la situation, rationaliser le problème et dégager, sans a priori idéologique, des pistes concrètes de transformation.
La feuille de route repose sur quatre axes structurants : mieux produire ; mieux consommer ; mieux gérer nos déchets ; mobiliser tous les acteurs sur l'ensemble du territoire - c'est notamment à ce titre que vous avez un rôle particulier à jouer.
Durant les six mois de concertation, nous avons constaté un intérêt croissant de l'opinion publique pour l'économie circulaire ; nos concitoyens sont sensibles aux questions de déchets et de gaspillage. D'ailleurs, les contributions et connexions au site internet ont été particulièrement nombreuses, il faut le noter.
Pour autant, la transition ne se fera pas spontanément, nous avons besoin de la mobilisation de chacun, notamment des collectivités territoriales. De son côté, l'État doit mener une action volontariste, créer un cadre incitatif et, c'est crucial, structurer les filières de production. C'est le seul moyen d'enclencher un cercle vertueux, qui passe par la collecte, le recyclage et la création de débouchés pour les matières recyclées. Nos efforts doivent donc porter sur toute la chaîne, de l'amont à l'aval, et être répartis de manière équilibrée entre tous les acteurs. C'est pourquoi la feuille de route contient 50 mesures phares, que nous avons présentées en même temps.
Je ne vais pas citer l'ensemble des mesures, mais je vais prendre quelques exemples.
Nous voulons lutter contre la double arnaque que constitue la durée de vie limitée des produits, l'obsolescence programmée. Je parle de double arnaque, parce qu'elle affecte le portefeuille des Français et est en même temps néfaste pour la planète. Pour mieux protéger les consommateurs, en particulier les plus modestes, nous voulons notamment mettre en place un indice de réparabilité des produits. C'est une mesure très importante pour nos concitoyens.
Nous voulons aussi lutter contre l'arnaque liée à l'extension des garanties. Pour cela, nous devrons mobiliser nos partenaires européens et étendre la durée actuelle qui est de deux ans.
Nos concitoyens doivent jouer un rôle actif dans l'économie circulaire et je suis persuadée qu'ils sont prêts à le faire, contrairement à ce que certains pourraient parfois laisser croire. C'est pourquoi nous voulons faciliter le geste de tri, par exemple en harmonisant les couleurs des poubelles d'ici 2022. Aujourd'hui, ces couleurs varient d'une commune à l'autre, ce qui empêche le développement d'automatismes. Nous voulons aussi mettre en place des systèmes de consignes solidaires pour faciliter la collecte et le recyclage des bouteilles et emballages plastiques, ainsi que des canettes.
Il nous faut avancer de manière plus résolue vers une écoconception des produits grâce à la mise en place d'un système de bonus-malus, une telle modulation permettant d'envoyer un véritable signal sur les prix.
La feuille de route repose également sur un ensemble de mesures fiscales. Nous sommes aujourd'hui dans une situation absurde, puisqu'il est moins cher de mettre en décharge que de recycler, alors même que les ressources de la planète s'épuisent. C'est pourquoi il faut changer les signaux économiques adressés aux différents acteurs. Certes, les taxes de mise en décharge et d'incinération ont été réformées en 2016, mais l'effet a été faible sur les investissements et nous sommes encore loin de ce qui se pratique chez nos partenaires européens.
J'entends parfois des inquiétudes, mais notre objectif n'est pas d'alourdir la pression fiscale. Il s'agit plutôt de la répartir autrement, de manière cohérente avec nos objectifs de politique publique. Cela nécessitera du temps. Si nous voulons changer le système de manière durable, nous ne devons pas brutaliser les collectivités ou les entreprises, qui doivent avoir le temps de s'adapter.
Nous voulons améliorer la gouvernance du système de gestion des déchets de façon à le rendre plus efficace. Cela passe en particulier par une refonte des filières REP et une extension de ces filières aux jouets et aux articles de sport et de jardinage. Nous voulons simplifier la gestion des éco-organismes et leur fixer des objectifs en termes de résultats plutôt que de moyens.
Monsieur le Président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est maintenant que tout commence ! Une fois les objectifs définis, les grandes lignes tracées, il faut se mettre concrètement en route et déployer rapidement les mesures annoncées. Depuis la présentation de la feuille de route par le Premier ministre le 23 avril, nous avons continué de travailler et le comité de pilotage que nous avions mis en place pour la concertation se réunira à nouveau dès le 23 juillet afin de définir un calendrier précis de mise en oeuvre. Ces mesures nécessitent un important travail administratif, certaines devront trouver une traduction législative ; en tout état de cause, nous profiterons aussi de la transposition de la directive déchets.
En ce qui concerne la fiscalité, j'ai d'ores et déjà présenté les grands axes de la feuille de route et des chiffres concrets à la Conférence nationale des territoires. Notre objectif est de rendre neutre pour les collectivités l'effort de bascule vers une politique de tri et de valorisation plus efficace.
Je dois aussi vous dire que le mouvement que nous avons créé en France, notamment grâce aux groupes de travail que nous avons réunis, suscite beaucoup d'intérêt au niveau européen.
Certaines propositions vont être mises en oeuvre dans des délais courts, comme l'incorporation de matières premières recyclées, la gestion des décharges sauvages et des déchets du bâtiment, les nouvelles filières REP, la collecte des biodéchets, l'information du consommateur...
Je peux aussi vous assurer que, d'ici le 2 juillet, les industriels auront pris des engagements volontaires concernant les volumes de plastique recyclé incorporé dans leurs produits : il est essentiel que les matières plastiques recyclées trouvent des débouchés.
J'annoncerai la semaine prochaine à Nancy, à l'occasion du World Materials Forum, d'autres initiatives relatives à la gestion des plastiques et nous publierons un plan national de gestion des ressources, en particulier pour celles qui sont critiques. La question de la rareté des ressources montre que l'économie circulaire constitue un enjeu à la fois en termes de protection de l'environnement et de compétitivité pour la France. Je crois que nous devrions mettre en place, comme pour l'énergie, une programmation pluriannuelle en matière de ressources.
Les premières expériences de consignes solidaires commenceront dès le mois prochain sur des territoires pilotes que nous avons identifiés. Nous souhaitons ainsi renforcer notre capacité à mieux collecter les emballages alimentaires, en récompensant cette collecte par l'abondement d'une grande cause.
Par ailleurs, j'ai convoqué les industriels du tabac pour avancer sur la question de la lutte contre la pollution des mégots ; ils doivent me proposer des mesures très concrètes à la fin de l'été.
En conclusion, je dois vous dire que nous avons besoin de vous pour faire vivre cette feuille de route de l'économie circulaire, car il est très important d'identifier toutes les initiatives locales. Il y a urgence. Nous nous sommes engagés à sortir d'une économie linéaire, ce qui représente une profonde transformation de notre société et nécessite d'associer étroitement l'ensemble des Français.
M. Hervé Maurey, président. - La parole est à M. Didier Mandelli, qui est président du groupe d'études sur l'économie circulaire.
M. Didier Mandelli. - J'ai participé à plusieurs réunions du comité de pilotage qui a été évoqué et je partage l'essentiel des problématiques qui se sont alors dégagées et des orientations de la feuille de route. La concertation a été réelle, mais plusieurs pistes restent à travailler.
Ainsi, certaines filières économiques échappent encore à la REP.
Aujourd'hui, la fiscalité n'est pas sélective, puisque le produit de la TGAP n'est pas affecté au secteur qui produit la ressource - à peine un tiers du montant de cette taxe est affecté à des programmes liés aux déchets, le reste alimentant le budget général de l'État. On pourrait envisager que l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, en bénéficie davantage.
Un autre sujet est essentiel pour les collectivités territoriales : la redevance incitative. Je suis inquiet, car seulement 5 millions de Français y sont soumis et les collectivités ne sont pas particulièrement encouragées à la mettre en place. Qui plus est, en cas de fusion d'intercommunalités, beaucoup font marche arrière et reviennent au système de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui est moins vertueux.
Madame la secrétaire d'État, quelles seront les traductions législatives de la feuille de route sur l'économie circulaire et quelles sont les échéances ?
Mme Nadia Sollogoub. - Madame la secrétaire d'État, j'étais très heureuse de vous entendre parler de l'harmonisation des consignes de tri ; désormais, les gens déménagent régulièrement et ne peuvent pas acquérir d'automatismes sur ce sujet, ce qui est dommageable.
Je profite de votre présence pour vous poser une question sur un sujet différent : quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne le taux de TVA réduit sur les travaux de rénovation énergétique des bâtiments ?
Mme Nelly Tocqueville. - Il a été question de mobilisation des acteurs, mais pas de formation. Les jeunes sont les citoyens de demain et il est important de les former, dès l'école, au tri, à la gestion des déchets ou aux conséquences des modes de consommation en général. Ils doivent acquérir des réflexes. Pouvez-vous nous indiquer ce que prévoit le Gouvernement en la matière ?
M. Éric Gold. - Face à la prolifération des plastiques, qui constitue un enjeu planétaire essentiel, la grande distribution joue un rôle important. En France, les supermarchés ont dû remplacer en 2016 les sachets plastiques des rayons fruits et légumes par des sacs biosourcés. C'est un premier pas, mais il est timide, surtout au regard des pratiques de nos voisins en Europe. Je prends un exemple : un supermarché « 100 % sans plastique » a récemment ouvert aux Pays-Bas, le magasin utilise des cartons, du verre ou des biofilms végétaux innovants et totalement dégradables au bout de douze semaines dans un composteur. L'enseigne compte généraliser cette démarche à l'ensemble de ses magasins.
La France est en retard pour la valorisation de ses déchets. Les marges de manoeuvre sont importantes et la grande distribution est une porte d'entrée intéressante à la fois pour tester de nouveaux matériaux, fruits de l'innovation de nos entreprises, et pour sensibiliser le consommateur. Que pensez-vous, madame la secrétaire d'État, des expériences étrangères en la matière ?
M. Jean-François Longeot. - Je voudrais interroger le Gouvernement sur le devenir des barquettes en polypropylène, qui servent au réchauffage des repas, lorsque ceux-ci sont préparés dans une cuisine centrale, et sont à usage unique et recyclables. Une éventuelle suppression de ce type de barquettes entraînerait des problèmes importants pour les collectivités locales. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?
Par ailleurs, il est vrai que beaucoup de plastiques se retrouvent dans les océans, mais n'existe-t-il pas d'autres solutions qu'une simple interdiction ? Ne serait-il pas tout aussi pertinent de sensibiliser nos concitoyens à cette question ?
M. Christophe Priou. - Madame la secrétaire d'État, vous dites que vous avez besoin de nous. Je vous rappelle que le Sénat a déjà contribué à la sortie de la crise à la SNCF... Il n'est pas inutile d'insister sur ce point.
Vous parlez aussi de réincarnation ; moi, je vous cite un enterrement, celui de l'État de droit, de la justice et du vote populaire, je fais évidemment référence au dossier de Notre-Dame-des-Landes...
Vous parlez de recyclage, mais vous pourrez demander au Premier ministre de recycler correctement les panneaux de limitation de vitesse à 90 kilomètres-heure...
Vous dites que beaucoup de choses ont été faites en termes de gestion des déchets. C'est vrai ! Il y a vingt-cinq ans, des agglomérations comme celle du Havre - celle d'Édouard Philippe - mettaient leurs déchets au plus près : dans la mer, dans les zones humides ou dans des carrières abandonnées...
La prise de conscience a donc eu lieu, mais nous devons trouver un second souffle. Nous aurons à transposer différentes décisions européennes. La question du financement est évidemment essentielle : les ressources de la TGAP devraient croître, mais la taxe alimente en fait le budget général de l'État. Ne serait-il pas plus juste d'affecter son produit à l'ADEME ou aux régions ? Comment envisagez-vous la gouvernance des mesures de votre feuille de route ? Comment les financer ? Avec quels partenaires ?
M. Frédéric Marchand. - En France, nous avons la chance d'avoir des entreprises qui sont de véritables pépites dans des secteurs stratégiques pour l'économie circulaire. Je prends l'exemple de Hainaut Plast Industry dans le Nord, qui est producteur de polyvinyl butyral, matière utilisée pour les pare-brise de voitures ou les vitrages feuilletés ; cette entreprise travaille beaucoup à l'export, mais ne réussit pas à diffuser son savoir-faire en France. Comment faire en sorte que les entreprises qui contribuent au recyclage de matières très difficiles puissent trouver des marchés dans notre pays ?
Par ailleurs, quel lien faites-vous entre votre feuille de route et l'économie sociale et solidaire, un secteur d'activité qui emploie souvent des personnes peu qualifiées ? Sur ce sujet, je pense notamment au secteur du textile que nous connaissons bien dans mon département.
M. Jean-Marc Boyer. - Madame la secrétaire d'État, vous avez dit : « c'est maintenant que tout commence ! »
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Oui, dans la mise en oeuvre de la feuille de route ! J'ai rappelé l'historique et le fait que nous ne partions pas de zéro. Dans les années 1990, la France a été un moteur de l'innovation.
M. Jean-Marc Boyer. - Vous me rassurez !
Je voulais vous interroger sur la fin éventuelle de l'utilisation des bouteilles en plastique, qui suscite beaucoup d'interrogations. Les industriels de l'embouteillage d'eau sont inquiets et avancent plusieurs arguments : sanitaire - l'eau en bouteille ne contient pas de perturbateurs endocriniens - ; environnemental - les bouteilles plastiques d'eau sont recyclées à 100 % - ; économique - le nombre d'emplois concernés est élevé. On finit par ne plus rien faire quand on pousse trop loin le principe de précaution, alors même que des efforts de recherche et développement très importants sont faits !
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. - Madame la secrétaire d'État, vous avez indiqué que tout le monde devait jouer le jeu. Aujourd'hui, les modes de consommation sont de plus en plus nomades, ce qui pose la question de la responsabilité des fabricants de bouteilles et des distributeurs de boissons. Pour prendre réellement en compte la notion d'économie circulaire, il faut renforcer leurs obligations.
Par ailleurs, comment accompagner les collectivités - je rappelle qu'elles sont compétentes en matière de gestion des déchets - dans les évolutions que vous évoquez ? Beaucoup d'associations d'élus sont défavorables à l'augmentation de la TGAP, elles préfèrent une exonération jusqu'à 150 kilos. Envisagez-vous de travailler sur la création d'une TGAP « en amont », qui permettrait une meilleure sensibilisation et serait peut-être plus efficace ?
Mme Nicole Bonnefoy. - Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur la prise en charge par l'assurance maladie du matériel médical technique d'aide à la personne, qui est souvent du matériel d'occasion et qui semble être un angle mort de votre feuille de route sur l'économie circulaire.
Deux éléments se conjuguent : ce type de matériel d'occasion est en quantité importante et le nombre de personnes en perte d'autonomie qui ne peuvent pas s'équiper convenablement en raison de leurs faibles revenus augmente sensiblement. Nous pourrions donc à la fois limiter le gaspillage, permettre à ces personnes de s'équiper à des coûts abordables et développer un secteur économique intéressant - je pense par exemple au réseau Envie qui travaille sur le reconditionnement et la mise en conformité de ces matériels.
Je vous ai écrit à ce sujet au mois de mai, je n'ai pas encore obtenu de réponse à ce stade. Pouvez-vous m'indiquer les propositions du Gouvernement pour favoriser la prise en charge du matériel médical technique d'aide à la personne d'occasion ?
M. Benoît Huré. - Je pense, madame la secrétaire d'État, que nous partageons tous une grande partie de votre approche ; ce dossier fait en effet partie des sujets transpartisans. Vous disiez : c'est maintenant que tout commence ; je dirais plutôt : c'est maintenant qu'on passe à la vitesse supérieure.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Exactement !
M. Benoît Huré. - Par ailleurs, je crois que nous ne devons plus utiliser le mot « décharge » et lui préférer celui de « stockage » pour accréditer l'idée qu'en fonction des technologies il sera possible de recycler les produits ultérieurement.
Comment s'articule votre feuille de route sur l'économie circulaire avec l'économie sociale et solidaire ? Quel sera son impact économique, en particulier en termes d'emplois ? Je rappelle que les emplois concernés sont peu délocalisables et souvent accessibles à des personnes peu qualifiées.
Les évolutions seront progressives et doivent s'accompagner de beaucoup de pédagogie. En particulier, la sensibilisation des jeunes, voire des très jeunes, constitue un excellent investissement sur l'avenir. Le public scolaire est très réceptif et permet de toucher indirectement les parents.
Madame la secrétaire d'État, vous avez dit que vous aviez besoin de nous. Je vous remercie et j'espère que vous le direz en d'autres lieux... En tout cas, vous pouvez compter sur nous !
Enfin, un mot sur le monde associatif : ce secteur est essentiel, mais il est aujourd'hui déstructuré et a besoin d'être réorganisé.
M. Jean-Michel Houllegatte. - J'évoquerai le même thème. Vous souhaitez passer d'une économie linéaire à une économie circulaire, et votre secrétariat d'État est rattaché au ministère de la transition écologique et solidaire - ce qui comprend toutes les composantes du développement durable. Les acteurs de l'économie sociale et solidaire jouent un rôle essentiel, mais je n'ai pas vu, dans vos quatre axes et vos cinquante mesures, de réelle articulation entre économie circulaire et économie sociale et solidaire.
Mme Évelyne Perrot. - Je suis un peu gênée : de très nombreux élus gèrent toutes ces filières, entre autres le ramassage des ordures ménagères et le tri sélectif. Nous avons depuis longtemps des poubelles de couleur !
Vous êtes-vous rapprochée de la filière agricole et forestière pour les emballages ? Dans l'Aube, nous produisons beaucoup de maïs et de pomme de terre à fécule à cette fin. C'est un produit d'avenir, or les agriculteurs ne sont pas incités à s'engager dans cette filière.
Mme Michèle Vullien. - Le Sénat est une maison très consommatrice de papier...
M. Hervé Maurey, président. - Pas notre commission, qui a dématérialisé l'examen de ses documents bien avant l'Assemblée nationale !
Mme Michèle Vullien. - Je parlais surtout de l'hémicycle ! Vous n'avez pas évoqué les Agendas 21, or l'économie circulaire en est l'un des axes. Dans l'agglomération lyonnaise, j'avais créé le Club des villes durables. Comment motiver les collectivités territoriales ? Alors maire de Dardilly, j'avais initié le changement au sein de ma commune, afin d'entraîner ensuite nos concitoyens. Il faut agir avant de prêcher la bonne parole ! Vous pouvez apporter de l'aide aux petites communes en leur proposant un recueil de bonnes pratiques, pour elles-mêmes et pour inciter leurs habitants.
Comment transformer le déchet final en énergie, notamment grâce à la méthanisation, et comment être plus proactifs pour inciter ces filières ?
Mme Martine Filleul. - Dans votre feuille de route, vous avez évoqué quatre filières à responsabilité élargie du producteur (REP), mais vous avez oublié le secteur du bâtiment. Est-ce en raison de la mobilisation des professionnels ?
Des objectifs de résultat seraient assignés aux éco-organismes, mais seront-ils assortis de contraintes, ou sont-ce des prescriptions sans obligation ?
Chaque habitant produit 160 kilogrammes de déchets ménagers par an, mais seulement 40 kilos de déchets récupérables dans le cadre d'une REP. Comment améliorer cela ?
En 2016, la France était très innovante sur le plastique durable, en interdisant les gobelets et les assiettes jetables en plastique. Désormais, nous sommes devancés par nos voisins européens.
Mme Marta de Cidrac. - Madame la ministre, je partage un grand nombre de vos propositions. La mise en décharge coûterait moins cher que le recyclage. Quels investissements sont prévus dans les usines de recyclage ou de valorisation des déchets ?
Concernant les déchets d'équipements technologiques ou électroniques, vous avez évoqué deux pistes de travail : le tri vers les populations les plus vulnérables, et l'indice de réparabilité. Pouvez-vous détailler le calcul de cet indice ? Pensez-vous qu'il aura un réel impact ? L'obsolescence concerne les fabricants...
M. Guillaume Gontard. - Où en est le groupe de travail sur le bâtiment ? Il faut travailler sur le traitement des déchets et l'utilisation de matériaux revalorisables dans la construction. Comment agir dès l'amont ? Il faudrait favoriser, par la réglementation, les avis techniques sur les mises en marché de nouveaux matériaux biosourcés, prévoir des aides ciblées de l'État, et utiliser le levier de la commande publique.
M. Joël Bigot. - Une volonté politique forte est nécessaire pour mettre en place ce programme d'économie circulaire, auprès des deux leviers que sont les activités économiques et les particuliers. La réduction des déchets est un axe important, et les collectivités ont utilisé de nombreux leviers, comme les apports volontaires et la redevance incitative. Comment aider les collectivités ? En 2022, 15 millions de foyers devront être assujettis à la redevance incitative - contre 5 000 actuellement. Les déchets sont une ressource. L'obsolescence programmée reste importante, car il est plus onéreux de réutiliser du fer que d'utiliser du minerai. Il faudrait qu'une réglementation européenne protège le consommateur et les ressources.
Les ressourceries sont un véritable enjeu : elles réutilisent les produits et créent de l'emploi local. Je sais qu'on met « un pognon dingue » dans les aides sociales, mais est-il prévu d'aider ces emplois ?
M. Guillaume Chevrollier. - « On a besoin de vous », dites-vous, Madame la ministre. Je m'en réjouis, mais quand vous présentez avec le Premier ministre votre plan sur l'économie circulaire en Mayenne, vous ne conviez pas les sénateurs du territoire lors de votre visite de l'usine Seb. C'est regrettable, alors que le député, lui, était présent... En 2013 - mais c'était l'ancien monde - j'avais présenté avec un collègue socialiste un rapport d'information sur la gestion des déchets dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs (« filières REP »). Un grand nombre de vos propositions étaient déjà présentes dans ce rapport. Nous voulions faire du recyclage un des axes stratégiques de la politique industrielle de notre pays.
Comment allez-vous simplifier la gestion des éco-organismes, et rationaliser leur communication ? Comment renforcer le contrôle de l'État ? Comment renforcer les moyens de contrôle et de coordination européens lorsque le metteur sur le marché est étranger, mais vend en France sur internet ? Je m'étonne également que vous n'ayez pas évoqué le rôle de l'économie sociale et solidaire dans l'économie circulaire, alors qu'elle occupe une place importante dans les territoires.
M. Charles Revet. - Mieux vaut prévenir que guérir, dit-on. Un sixième continent de déchets, et notamment de plastiques imputrescibles, serait en train de dériver. Mais à partir de végétaux, on peut fabriquer du plastique dégradable en quelques mois. Que ferez-vous pour favoriser ces productions ? Sinon, cela aura des conséquences pour la planète.
Monsieur le président, nous disons au Gouvernement que le Sénat fait de nombreux rapports de qualité, tout en restant en circuit fermé. Je vous avais proposé que notre commission aille voir l'immeuble Le Signal sur le terrain. Venez aussi en Seine-Maritime visiter une de nos entreprises qui travaille avec du plastique renouvelable. C'est ainsi que nous marquerons les esprits...
Mme Françoise Cartron. - Passer d'une gestion des déchets à une gestion des ressources, tel est l'objectif porté par le Président de la République. Il l'a rêvé, la Gironde l'a fait. Je ne vous parlerai pas du Signal mais d'une expérience portée par le Smicval (Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation du Libournais Haute-Gironde), avec une troisième génération de déchetterie, le Smicval Market, supermarché où le déchet est revalorisé et remis dans le circuit commercial. Depuis sa mise en place, il n'y a plus de dépôt sauvage ni d'incivilité, les déchets enfouis ont été réduits de 65%, et le taux de recyclage atteint 80% - contre 65 % pour une décharge classique. Les relations ont été apaisées avec les habitants et surtout, nombreux sont ceux, notamment modestes, qui sont enthousiastes sur ce projet, trouvant là les moyens de se réapprovisionner. Ce projet a vu le jour grâce à une volonté très forte des élus locaux - ce n'est pas une démarche venue d'en haut - aux confins de l'économie sociale et solidaire. Plus de 30 emplois ont été créés, non délocalisables, avec des qualifications différentes. Venez voir cette démarche positive !
Les collectivités demandent un calendrier précis et un discours clair et articulé avec la faisabilité technique et financière.
Comment surmonter les difficultés et notamment garantir une qualité satisfaisante des digestats de méthanisation, au risque sinon d'entraver la confiance des agriculteurs ?
Mme Angèle Préville. - Un volontarisme fort est nécessaire et constitue un véritable changement de paradigme. J'espère que ce ne sont pas des demi-mesures. Je n'ai pas entendu parler de réduction des emballages et des matières plastiques. Or nous trouvons déjà, sur nos côtes, du plastique dans les poissons. Tout commence aujourd'hui. Sachez que les professeurs sont suffisamment inventifs pour éveiller les enfants à l'écologie - j'y ai moi-même participé. Que fait-on du matériel informatique qui n'est pas recyclé mais envoyé dans d'autres pays dans des conditions épouvantables ?
M. Cyril Pellevat. - Le protocole de Kyoto a été prolongé jusqu'en 2020 et concerne plus de 190 pays - dont la France. Le traité prévoit notamment différents mécanismes de flexibilité dont les permis d'émission pour vendre ou acheter des droits à émettre entre pays industrialisés. Cependant, rien n'est inscrit sur cette procédure parmi les 50 mesures de votre feuille de route, alors qu'elle est un bon moyen de contrôler les émissions de gaz à effet de serre et la pollution.
La 28ème mesure prévoit que les sanctions financières seront renforcées en cas de non-atteinte des objectifs réglementaires. Ces sanctions vont-elles également s'appliquer aux partenaires étrangers de la France, si ces derniers ne respectent pas les objectifs ? Je ne pourrai être pas être présent lors de votre visite, vendredi, en Haute-Savoie, mais si votre emploi du temps le permet, nous pourrions vous organiser la visite d'une petite entreprise leader dans la valorisation des déchets, à proximité d'Annecy.
M. Olivier Jacquin. - Le traitement des déchets par incitation donne des résultats : les déchets résiduels ont diminué de 40 %, et la collecte de déchets recyclables s'est améliorée de 40 % - mais elle ne concerne que 6 millions d'habitants, avec une fracture territoriale manifeste : l'incitation est moindre dans le Sud. Il faut aussi beaucoup de temps pour créer les bons réflexes - je l'ai vécu dans mon ancienne communauté de communes - et adapter le dispositif au territoire. Mme Cartron soulignait la créativité des élus. Il y a un potentiel important et une demande citoyenne pour collecter les déchets.
Il y a deux champs d'amélioration tant pour la redevance incitative que pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMI) : en cas de fusion, il peut y avoir une régression liée à des contraintes techniques ; il faut aussi apporter plus de souplesse à la TEOMI. Comment accélérer la diffusion du modèle en France ?
Voulez-vous recycler les panneaux de limitation de vitesse à 90 km/h des routes ? Faites-en des tables de bistrot, avec des pattes en polypropylène - celui des pailles en plastique - avec la mention du taux maximal d'alcoolémie. Il y en aurait plus de 30 000, soit quasiment un par commune ! Ce serait compatible avec l'économie sociale et solidaire et conforterait le lien social...
M. François Bonhomme. - J'entends vos fermes résolutions d'aller plus vite et plus fort, mais pas brutalement. Vous utilisez de nombreuses incantations d'usage comme « accompagner », « faciliter »... On irait beaucoup plus vite en se concentrant sur d'autres mesures. Vous avez pris une position ferme sur les mégots, mais vous ne souhaitez pas mettre en place une taxe sur les 30 milliards de mégots Allez-vous aussi convoquer les cigarettiers ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - C'est fait.
M. François Bonhomme. - Quelles sont les pistes concrètes sur l'indice de réparabilité, au-delà des incantations ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Merci pour la grande qualité et la diversité de vos questions. Cela montre que le sujet est transpartisan et part des territoires. Nous en attendons beaucoup. Je vous remercie de votre rôle actif sur l'économie circulaire, vous avez donné de bonnes pistes. Certains d'entre vous font preuve d'une remarquable créativité !
Petit rappel de méthode, la feuille de route sur l'économie circulaire commence à s'appliquer maintenant. Beaucoup a été fait précédemment -des rapports ou des actions sur le terrain. Nombre d'entre vous sont en première ligne sur les centres de tri ou les campagnes de communication, et je vous en remercie. Nous devons passer à la vitesse supérieure, avec une volonté politique forte. Les entreprises sont motivées, les citoyens le demandent.
Dès l'origine, nous aurions pu utiliser comme moyen la sanction. Cette feuille de route a été construite sur la base d'un consensus. Certains de vos collègues tiraient dans l'autre sens, il a fallu construire un équilibre. Nous avons des objectifs précis, débattons des moyens. Faisons confiance aux acteurs avant de les contrôler. Mais à la date butoir, nous serons intransigeants, et si les objectifs ne sont pas respectés, nous sanctionnerons.
Un groupe de travail réfléchit actuellement sur les engagements volontaires pour intégrer des matières plastiques recyclées dans les produits sur le marché. Les industriels ont bien compris qu'il leur fallait être ambitieux. Si d'ici deux ans les résultats ne sont pas suffisants, les mesures deviendront obligatoires. Beaucoup d'acteurs préfèrent anticiper.
En France, à l'échelle des collectivités, il est malheureusement moins cher de mettre en décharge que de recycler des déchets. Notre taux de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est largement inférieur à celui des pays voisins. Nous augmenterons la TGAP. Mais il est trop facile de tout faire peser sur les collectivités. Nous voulons que cette hausse soit neutre pour les collectivités, et nous avons pris des mesures en ce sens. Certaines mesures s'appliqueront dès le prochain projet de loi de finances, la hausse de la TGAP intervenant plus tardivement.
Nous avons repris l'idée d'une TGAP amont à travers les nouvelles filières REP. Il y en a 14, nous allons en créer de nouvelles pour alléger les poubelles, notamment pour les jouets, le bricolage, les articles sportifs. Nous avons engagé des discussions pour réformer le système de gouvernance des filières actuelles afin de leur donner des objectifs de résultats et alléger le cahier des charges, et que ces éco-organismes soient plus créatifs.
Pour rééquilibrer la hausse de la TGAP, nous abaisserons le taux de TVA de 10 à 5 % pour la prévention, la collecte, le tri, la valorisation des déchets. L'objectif du service public de gestion des déchets est de rendre le recyclage plus compétitif que la mise en décharge. Nous allons réduire drastiquement, mais temporairement, les frais de gestion perçus par l'État pour le recouvrement de la TEOMI, qui passeront de 8 à 3%. J'ai reçu la semaine dernière les industriels du tabac. Comme pour les bouteilles en plastique et le mobilier, ils doivent s'organiser et créer des éco-organismes pour les produits mis sur le marché. Ramasser des mégots, c'est un coût de 30 milliards d'euros par an, supporté par l'ensemble des contribuables, fumeurs ou non. Nous voulons que ces industriels participent à la lutte contre ce fléau. Ils devront faire des propositions d'ici septembre.
Nous allons mettre en place le paquet fiscal le plus neutre pour les collectivités territoriales. Il est nécessaire de rééquilibrer la fiscalité pour que la mise en décharge soit moins compétitive et moins attractive.
Je n'ai pas suffisamment parlé de l'économie sociale et solidaire dans mon introduction, faute de temps, car je souhaitais privilégier l'échange avec vous. L'économie sociale et solidaire est un axe essentiel de l'économie circulaire. L'économie circulaire est une opportunité pour la France, d'autant que la Chine a fermé ses frontières à l'importation de plastiques de mauvaise qualité. Une politique industrielle en faveur du recyclage créerait potentiellement 300 000 nouveaux emplois en France. Avec le ministère du travail, nous avons mis en place un groupe de travail sur la montée en compétences. Nous avons largement défriché le sujet de l'économie circulaire durant l'élaboration de notre feuille de route. Les acteurs de l'économie sociale et solidaire et de l'insertion par l'activité économique dans les filières de réemploi, de recyclage et de réparation sont engagés depuis longtemps, et sont des vigies et éclaireurs de nombreuses actions. Ainsi, une partie des jouets pourrait être transférée à ces acteurs de l'économie sociale et solidaire pour réparation et réemploi.
Nous souhaitons nous inspirer du plan de lutte contre le gaspillage alimentaire du précédent gouvernement - nous reconnaissons les bonnes idées ! - pour faire la même chose sur le textile. Trop souvent, les industriels, une fois la saison passée, brûlent les vêtements invendus, alors qu'ils pourraient être transférés vers l'économie sociale et solidaire.
Dans les secteurs de la mobilité douce et de l'autopartage, la promotion des circuits courts alimentaires, l'écoconstruction, l'éco-réhabilitation, nous voulons utiliser l'économie sociale et solidaire dans ses trois dimensions : le développement économique et l'emploi, l'innovation sociale, la mobilisation des citoyens.
Le réemploi du matériel pour les personnes à mobilité réduite ou handicapées est une question cruciale, portée par le réseau Envie - en passe de devenir une société nationale Envie Autonomie. C'est un élément essentiel de la lutte contre les inégalités sociales, et qui est bénéfique pour l'emploi et la planète.
Nous voulons reprendre ces principes innovants et aller plus loin, notamment pour que le système de santé ne distribue plus systématiquement du matériel neuf : lorsqu'il est pris en charge totalement ou partiellement, ce matériel devrait être restituable. Cela favoriserait aussi l'emploi par l'insertion et la rénovation du matériel.
Les déchets du secteur du bâtiment constituent la grande majorité - 70 % - des déchets en France. Depuis le 1er janvier 2017, la reprise de leurs déchets par les professionnels du bâtiment est obligatoire. La majorité des distributeurs ont donc mis en place des solutions, qui ne sont malheureusement pas à la hauteur de l'urgence environnementale. Freins essentiels, tous les distributeurs ne sont pas concernés et la reprise n'est pas gratuite. Nous devons aller plus loin et améliorer la gestion des déchets et le remploi des matériaux. Le périmètre du diagnostic déchets doit être revu. Nous voulons aussi rendre la collecte de ces déchets plus efficace pour lutter contre les dépôts sauvages. Je préconise l'instauration d'une filière REP pour les déchets du bâtiment, pour parvenir à la gratuité de la reprise des déchets. Il faut aussi multiplier les installations de traitement nécessaires pour le remploi. Un groupe de travail réunissant les acteurs du secteur a été lancé la semaine dernière.
Avec l'indice de réparabilité, nous voulons rappeler que l'obsolescence programmée est un délit. Nous allons renforcer l'obligation des fabricants et des distributeurs en matière d'information sur la disponibilité des pièces détachées. L'indice serait un chiffre de 1 à 10, à côté du prix, pour évaluer la robustesse, la durabilité et la réparabilité du produit. Cela créerait une concurrence par le haut entre les acteurs. Ce doit être un facteur de compétitivité pour une entreprise, comme Seb, qui s'est spécialisée en produits de très bonne qualité avec une durée de vie importante. C'est bon pour l'environnement et l'emploi.
Le ministre de l'éducation est très favorable à des actions dans les écoles. La semaine prochaine, nous allons travailler sur une initiative concrète sur les piles usagées, et nous ferons des annonces plus structurantes. Je vous solliciterai à l'avenir, nous avons besoin de vous.
Mme Cartron, vous avez souligné l'initiative remarquable du Smicval. Alain Marois est l'un des ambassadeurs de l'économie circulaire, et je serai ravie de me rendre en Gironde. Nous sommes aussi actifs sur l'immeuble Le Signal. Nous réfléchissons aussi sur le recyclage des bouteilles en plastique.
M. Hervé Maurey, président. - Nous avons beaucoup débattu de ce sujet lors des États généraux de l'alimentation.
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État. - Nous sommes très mauvais sur la collecte des bouteilles en plastique. De nombreux industriels veulent en faire davantage. Nous travaillons avec eux pour qu'elles ne cannibalisent pas nos poubelles jaunes, ressources pour les collectivités territoriales. Plusieurs entreprises veulent expérimenter un système de consigne. Avançons tous ensemble, pour que cela ne se fasse pas au détriment des collectivités. En juillet, une expérience pilote de consignes sera menée dans plusieurs villes sur les emballages plastiques et les bouteilles. Coca Cola, Danone et Nestlé sont moteurs. Cette convergence est positive, et rejoint la demande des consommateurs. Nous accompagnons le mouvement d'interdiction des gobelets et des microplastiques comme les touillettes. Je reste à votre disposition pour discuter plus en détail de ces mesures, et vous remercie de votre mobilisation.
M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous - Examen des amendements du rapporteur au texte de la commission
M. Hervé Maurey, président. - Nous examinons les amendements du rapporteur Pierre Médevielle sur le texte adopté par la commission des affaires économiques sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, notamment sur les articles délégués au fond.
M. Pierre Médevielle, rapporteur. - L'amendement DEVDUR.1 apporte une amélioration rédactionnelle et précise le champ d'application de l'obligation d'utilisation de contenants réutilisables ou recyclables : sont visés les établissements de restauration commerciale qui proposent une activité de vente à emporter ainsi que les entreprises qui distribuent des produits alimentaires dans le cadre d'une activité de vente à emporter.
L'amendement DEVDUR.1 est adopté.
M. Pierre Médevielle, rapporteur. - L'amendement DEVDUR.2 rétablit une mention expresse des plantes utilisées en alimentation animale ou humaine dans le dispositif d'autorisation et d'évaluation simplifiée des substances naturelles à usage biostimulant, afin de prévoir, par voie réglementaire, une procédure adaptée à ces substances pour faciliter leur utilisation, sans les soustraire à toute évaluation préalable.
L'amendement DEVDUR.2 est adopté.
M. Pierre Médevielle, rapporteur. - L'amendement DEVDUR.3 supprime l'article 14 quater AA inséré en commission des affaires économiques contre l'avis du rapporteur. Cet article déroge à l'interdiction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques dans les espaces verts et par les utilisateurs professionnels, dès lors qu'il faut lutter contre des dangers sanitaires visés par le code rural et de la pêche maritime. Mais le code prévoit déjà des dérogations lorsque seuls ces produits permettent de répondre à certains problèmes précis, en particulier pour lutter contre des organismes nuisibles ou en cas de danger sanitaire grave. L'article 14 quater AA remet en cause trop largement des dispositions importantes pour limiter l'exposition de la population aux produits phytopharmaceutiques.
L'amendement DEVDUR.3 est adopté.
Article additionnel après l'article 14 sexies
M. Pierre Médevielle, rapporteur. - L'amendement DEVDUR.4 propose un dispositif amélioré pour que le préfet puisse définir des mesures d'interdiction ou d'encadrement de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et des mesures de protection adaptées dans les zones attenantes aux bâtiments habités.
L'amendement DEVDUR.4 est adopté.
M. Pierre Médevielle, rapporteur. - L'amendement DEVDUR.5 rétablit l'article 14 septies supprimé, contre l'avis du rapporteur, par la commission des affaires économiques. Il consolide l'interdiction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes en évitant son contournement par des produits présentant des modes d'action identiques. Cette extension mesurée du périmètre du II de l'article L.253-8 conforte la décision prise par le législateur lors de l'adoption de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. La rédaction reprend la proposition de notre commission de faire précéder le décret d'application de cette extension d'un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
L'amendement DEVDUR.5 est adopté.
Questions diverses
M. Hervé Maurey, président. - Le bureau de notre commission s'est réuni mercredi 13 juin. La réunion a permis de faire le point sur l'activité de la commission entre janvier et juin, très soutenue tant en matière législative qu'en matière de contrôle. Notre commission a examiné dix textes, et elle a publié trois rapports d'information, sur la sécurité routière, la pollution de l'air, et la politique du loup.
Elle a organisé trois tables rondes : sur les Assises de la mobilité, sur la gestion et le stockage des déchets radioactifs et sur les produits phytosanitaires. Elle a procédé à 19 auditions dont 5 au titre de l'article 13 de la Constitution.
La semaine prochaine, nous examinerons le rapport pour avis de M. Chaize et les éventuels amendements de séance sur les articles qui nous sont délégués au fond sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et nous entendrons Mme Corina Cre?u, commissaire européenne à la politique régionale. Nous entendrons le 4 juillet M. Éric Lombard, nouveau directeur de la Caisse des dépôts - une audition difficile à obtenir - je vous invite à venir nombreux.
La semaine du 11 juillet, nous avions envisagé d'organiser une table ronde sur le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes, mais il apparaît plus opportun de la remplacer par une table ronde sur l'inscription du changement climatique dans la Constitution. En effet, à l'Assemblée nationale, la commission du développement durable - qui s'est saisie pour avis, de même que la commission des finances et la commission des affaires sociales, - a proposé de modifier l'article 1er de la Constitution et de compléter la charte de l'environnement. Dans ce contexte, il est logique que notre commission se saisisse également pour avis du texte, et je vous propose, pour éclairer nos débats, d'organiser une table-ronde sur ce sujet à la mi-juillet.
Le programme de nos déplacements au premier semestre a été limité à la visite de la RATP, en raison des difficultés liées aux grèves. Nous avons prévu le 12 juillet un déplacement à Bruxelles pour rencontrer la commissaire européenne aux transports, Mme Violetta Bulc, et peut-être le commissaire à l'environnement.
À la rentrée, nous procéderons aux auditions de Nicolas Hulot et du président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), dans le cadre de l'examen de la loi de finances.
Nous nous déplacerons au Japon la première semaine de septembre. La délégation qui se rendra à la COP 24 en Pologne vers le 10 décembre pourrait être de taille limitée, ce qui permettrait de prévoir un troisième déplacement d'ici la fin de l'année.
Sont également prévus un déplacement à Bure, sur le site d'enfouissement de Cigéo, au mois de septembre, et un déplacement sur le site du CEA à Marcoule, le 8 octobre. Nous essaierons à l'automne d'aller à Rouen, pour voir le projet de navettes collectives autonomes, qui devraient être en état de fonctionnement.
Pour ce qui concerne les travaux de contrôle, le groupe de travail sur les déserts médicaux pourra commencer ses travaux à l'automne, et le groupe de travail sur le véhicule propre, proposé par notre collègue Gérard Cornu, pourrait se transformer en groupe de travail chargé de préparer l'examen de la loi d'orientation pour les mobilités, qui pourrait commencer ses auditions à l'automne. Il n'est pas inutile de commencer les travaux bien en amont du dépôt au Sénat du projet de loi, comme nous l'avons fait sur notre proposition de loi sur la réforme ferroviaire. Le projet de loi devrait être présenté en septembre en Conseil des ministres, mais cela ne veut rien dire : la loi relative à la biodiversité a été examinée au Sénat deux ans après son passage en Conseil des ministres... Je ne crois pas que ce texte sera examiné avant le début de l'année 2019, même si la ministre souhaiterait une adoption plus rapide en raison du volet de programmation financière.
M. Philippe Pemezec. - En Ile-de-France, Autolib sera mis en faillite lors de la prochaine réunion du conseil d'administration, et les collectivités locales risquent de devoir payer des sommes considérables. Notre commission pourrait-elle créer une commission d'enquête sur ce sujet ?
M. Hervé Maurey, président. - Une commission d'enquête est une structure assez lourde qui relève plutôt de la mise en oeuvre par les groupes politiques de leur droit de tirage. Je vous propose d'en reparler prochainement.
La réunion est close à 11h45.
Jeudi 21 juin 2018
- Coprésidence de M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Politique de cohésion de l'Union européenne - Proposition de résolution européenne du groupe de suivi
M. Jean Bizet, coprésident. - Nous entendons une communication de MM. André Reichardt et Bernard Delcros et de Mme Angèle Préville sur la politique de cohésion régionale 2021-2027. Nos collègues présenteront la proposition de résolution européenne qui a été finalisée au sein du groupe de suivi commun aux commissions des affaires européennes, des finances et de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Le Sénat a adopté récemment une résolution européenne portant sur la politique agricole commune (PAC). Nous avons ainsi signalé notre vive préoccupation face aux nombreuses et sombres perspectives financières pesant sur cette politique fondatrice de la construction européenne. Il était également important de mener un travail sur la politique de cohésion, qui joue un rôle très important dans nos territoires. Les fonds européens ont souvent un effet de levier décisif pour mener à bien des projets structurants de développement territorial. Il est donc nécessaire que cette politique dispose de moyens financiers pour mener ses missions à bien.
La carte qui figure dans le rapport montre bien le parallélisme qui existe dans les différents territoires britanniques entre le taux de rattrapage du pouvoir d'achat et le vote du 23 juin 2016.
Soulignons aussi l'exigence de simplification dans la mise en oeuvre des fonds européens, que les élus locaux réclament souvent.
Je me félicite de ce travail commun à nos trois commissions. Nous entendrons le 27 juin prochain la commissaire européenne, Mme Corina Cretu ; nous pourrons lui faire part de nos réflexions d'aujourd'hui. Au-delà de cette proposition de résolution européenne, le groupe de suivi devra évaluer de manière plus approfondie les conditions de mise en oeuvre de la politique de cohésion dans nos territoires. Sur le fondement de ses conclusions, nous pourrons avoir un débat en séance publique avec le Gouvernement.
M. Hervé Maurey, coprésident. - Je salue l'initiative du président Bizet, grâce à laquelle a été constitué ce groupe de travail commun. C'est une très bonne idée, qui devrait permettre au Sénat de faire entendre sa voix dans la perspective de l'élaboration du prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne pour 2021-2027 et dans la perspective de la prochaine conférence des territoires qui doit se tenir à la mi-juillet.
Si la commission des affaires européennes adopte la proposition de résolution européenne, son texte sera envoyé à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond.
Il s'agit d'un sujet essentiel puisque la politique de cohésion territoriale est l'une des principales politiques de l'Union européenne, avec la PAC. Dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, elle représentait environ 34 % du budget de l'Union, soit 369 milliards d'euros, au travers de ses trois fonds principaux : le Fonds européen de développement régional (Feder), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de cohésion, qui concerne principalement les pays en phase de rattrapage.
L'annonce des premières propositions de la Commission européenne au début du mois de mai a soulevé de nombreuses inquiétudes quant au maintien d'une capacité budgétaire permettant de soutenir le développement économique et social des territoires.
La baisse des fonds alloués à la France sera d'environ 5 %, alors que certains pays, comme l'Allemagne, connaîtront une baisse forte, de l'ordre de 20 %. Toutefois, nous devons rester vigilants sur ce point, d'autant que toutes les régions françaises, dans leur ancien périmètre, sauf l'Île-de-France et la région Rhône-Alpes, font désormais partie de la catégorie intermédiaire des « régions en transition », dont le PIB par habitant est compris entre 75 % et 100 % de la moyenne européenne. Les régions d'Europe de l'Est ont accompli un formidable processus de rattrapage économique, et il y a lieu de s'inquiéter de notre relative stagnation.
La politique de cohésion européenne est un pilier fondamental de l'Union européenne, non seulement parce qu'elle contribue à rendre visible son action auprès des citoyens, mais aussi parce que son objectif est de contribuer à un développement harmonieux et coordonné de nos territoires. En ce sens, elle devrait contribuer à résorber les multiples fractures qui traversent nos territoires et au sujet desquelles notre commission continue d'alerter, que ce soit dans l'accès aux soins, dans l'accès aux services publics et à l'éducation, dans l'accès au numérique ou encore dans le domaine de la mobilité.
Les récents débats que nous avons eus au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur le rapport de notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ au sujet de la création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, dont Serge Morvan, nouveau commissaire général à l'égalité des territoires, doit assurer la préfiguration, montrent à la fois l'attente des territoires sur ce sujet de la cohésion territoriale et la détermination de la Haute Assemblée à proposer des solutions innovantes pour ces territoires.
Le prochain cadre financier pluriannuel devra remédier aux fragilités du précédent, que ce soit en matière de simplification administrative, de gestion partagée et d'objectifs, sans remettre en cause le caractère universel de la politique de cohésion, condition essentielle de son avenir.
Je me félicite donc de cette initiative et j'espère que le Gouvernement tiendra bon sur ce front. Les prochains mois, sous présidence autrichienne du Conseil de l'Union européenne, seront décisifs pour valider les orientations portées par la France.
M. André Reichardt, corapporteur. - Mme Angèle Préville, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, M. Bernard Delcros, au nom de la commission des finances et moi-même, au nom de la commission des affaires européennes, allons vous présenter une proposition de résolution européenne cosignée par tous les membres du groupe de suivi sur la politique de cohésion régionale. Cette proposition exprime ce qui devrait orienter la politique de cohésion régionale 2021-2027, en particulier pour la France.
Le groupe de suivi a procédé à trois auditions, celle de M. Serge Morvan, commissaire général à l'égalité des territoires et préfigurateur de l'agence nationale de la cohésion des territoires, celle de M. Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et président de la commission « Europe » de Régions de France, et, enfin, celle des deux secrétaires généraux adjoints du Secrétariat général des affaires européennes.
Cette proposition de résolution s'inscrit dans le calendrier budgétaire européen : tous les sept ans, la Commission européenne propose au Conseil et au Parlement européen un cadre financier pluriannuel, le prochain devant couvrir la période 2021-2027. Les propositions concernant la future la politique de cohésion ont été publiées très récemment, au début de ce mois ; les personnes que nous avons entendues venaient juste d'en prendre connaissance.
À l'heure de la réduction des ressources que le Brexit va occasionner, au moment où l'Union européenne s'est donné de nouvelles priorités - la défense, la sécurité, le climat, les migrations -, la politique de cohésion paraissait menacée aux yeux de nombre d'entre nous. De fait, si le cadre financier pluriannuel 2021-2027 prévoit une quasi-stabilité du Feder (+1 %) et une réduction de moins 6 % pour le FSE+, il prévoit une diminution de 46 % du seul Fonds de cohésion. La France n'est pas éligible à ce fonds, mais cette diminution, si elle était confirmée, affecterait particulièrement les pays dits « de Visegrád », la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et la Pologne.
La Commission prend ainsi acte des croissances dynamiques des pays de l'Est de l'Europe dans la période écoulée - la carte que le président Maurey vient d'évoquer le montre -, due en partie à l'effet positif de la politique de cohésion dont ces pays ont été jusqu'à présent les principaux bénéficiaires - il peut d'ailleurs leur arriver de l'oublier... Les ressources réduites seraient donc réorientées vers les États du sud, confrontés à des difficultés persistantes, comme la Grèce, l'Espagne, l'Italie, la Roumanie ou la Bulgarie, dont les dotations prévisionnelles augmentent.
Quelques mots des éléments transversaux de la politique de cohésion telle que la Commission européenne la propose. Le Feder se concentrera sur cinq objectifs stratégiques : une Europe plus intelligente grâce à la transformation économique innovante ; une Europe plus verte et à faible émission de carbone ; une Europe plus connectée ; une Europe plus sociale grâce à la mise en oeuvre du socle européen des droits sociaux ; une Europe plus proche des citoyens grâce au développement durable et intégré des zones urbaines, rurales et côtières au moyen d'initiatives locales. Il faudra décliner ces différentes priorités, qui sont très importantes pour notre pays.
Le FSE+ investira dans trois grands domaines : l'éducation, la formation et l'apprentissage tout au long de la vie ; les marchés du travail et l'égalité d'accès à un emploi de qualité ; l'inclusion sociale, la santé et la lutte contre la pauvreté. Ce fonds regroupera cinq fonds : trois fonds en gestion partagée - le FSE proprement dit, l'initiative pour l'emploi des jeunes et l'aide aux plus démunis - et deux fonds gérés par la Commission, liés à l'inclusion sociale et à la santé.
La Commission propose ensuite, en réponse à une critique générale, plusieurs mesures de simplification : un règlement unique couvrant désormais sept fonds, dont le Feder, le FSE+ et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp) mais pas le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ; la suppression des longues procédures d'accréditation des autorités de gestion ; la suppression de la certification et de la réserve de performance ; l'instauration de l'audit unique ; la différenciation dans l'intensité des contrôles européens en fonction de l'ampleur des projets et des performances administratives respectives des États membres.
La programmation se veut aussi plus flexible, elle sera faite pour cinq ans avec un examen à mi-parcours en 2025 pour les deux dernières années. Une appréciation sera alors portée sur la performance des projets, et d'éventuelles réorientations des priorités pourraient être décidées pour la dernière phase de programmation.
Le lien avec les observations de la Commission dans le cadre du semestre européen est renforcé, surtout pour le FSE+. La prise en compte de ces recommandations spécifiques par État serait faite par la Commission en début et en milieu de programmation. Les éventuelles suspensions des concours financiers qui pourraient ultimement résulter du non-respect par un État membre de ces recommandations seraient toutefois limitées aux engagements et non aux paiements, et elles seraient plafonnées.
Autre innovation, l'instauration d'une conditionnalité de respect de l'État de droit pour bénéficier des financements européens. Cette condition vise les cas où des législations nationales mettraient en cause, par exemple, le principe d'indépendance de la justice, risquant ainsi de porter atteinte à une saine gestion des fonds publics européens. Il s'agit, en clair, d'écarter les risques de corruption. Quel en est le mécanisme ? La Commission proposerait au Conseil de suspendre ou d'interrompre les versements des fonds de cohésion. Cette proposition ne pourrait être rejetée par le Conseil qu'à la majorité qualifiée inversée, difficile à réunir. Cela étant, afin de ne pas pénaliser les bénéficiaires finaux des fonds, l'État en cause devrait se substituer à la Commission pour assurer le financement des projets.
M. Bernard Delcros, corapporteur. - Je vais apporter quelques précisions complémentaires et indiquer les points sur lesquels la France devra faire preuve de vigilance lors des négociations qui s'engagent.
Globalement, le budget européen augmente, passant de 1 % à 1,1 % du revenu national brut, soit une augmentation de 10 %. Néanmoins, il est difficile d'étudier la répartition du budget, car les chiffres fournis divergent. Le Parlement européen a ainsi manifesté sa surprise et son inquiétude quand il a reçu les chiffres de la Commission.
Par rapport à la programmation précédente, on peut déceler deux évolutions majeures : un glissement des cibles, des pays de l'est vers le sud, notamment vers l'Espagne et la Grèce, en raison de l'évolution relative de leur PIB ; et des priorités revues, notamment autour de la recherche et l'innovation, l'économie numérique, de la jeunesse, de la gestion des frontières, de la sécurité et de la défense.
Cette double évolution a deux conséquences : le budget de la PAC baisse considérablement. Je le précise, même si ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, car au sein du bloc de la PAC se trouve le Feader, qui est le principal outil de développement rural, davantage que le Feder. La politique de cohésion augmentera légèrement en euros courants mais elle diminuera d'environ 5 % en euros constants. Au total, si l'on compare les deux périodes, la part de la politique de cohésion et de la PAC dans le budget de l'Union européenne passera de 70 % à 58 %.
Notre pays est relativement préservé de la baisse des crédits de la politique de cohésion, pour deux raisons. D'une part, la principale baisse porte sur le Fonds de cohésion, auquel la France n'est pas éligible. D'autre part, les critères de PIB dans la classification des régions sont révisés dans un sens qui nous est favorable.
Le classement des régions en trois catégories est conservé : régions les moins développées, régions en transition et régions les plus développées. En outre, alors que, dans la période 2014-2020, la catégorie des régions en transition se définit par un PIB compris entre 75 % et 90 % du PIB moyen européen, la Commission propose de faire passer la borne haute à 100 %. Par conséquent, les régions ayant un PIB compris entre 75 % et 100 % seront incluses dans les régions en transition. La France passe ainsi de 10 régions en transition et de 12 régions parmi les plus développées à 21 régions en transition et à 2 régions parmi les plus développées. À titre de comparaison, l'Allemagne, avec une baisse de 21 %, est beaucoup plus pénalisée par la baisse des crédits que la France, qui subit un recul de 5,4 %.
Les sujets à défendre prioritairement dans la négociation qui s'ouvre sont la question de l'enveloppe, la possibilité de garder les trois catégories de région (ce qui est contesté par certains pays) et la possibilité de conserver les périmètres des anciennes régions. Ainsi l'Auvergne, région en transition, a été intégrée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui fait partie des deux régions les plus développées en France, avec l'Île-de-France. À l'intérieur des grandes régions, il y a des métropoles qui ont un PIB important et des territoires en difficulté. La Commission propose de caler les catégories de région sur le périmètre des anciennes régions, mais ce n'est pas acquis, certains pays le remettent en cause. C'est un point extrêmement important pour nous.
Un autre réside dans la question des cofinancements. Dans le programme précédent, pour les régions les moins développées - cinq en France -, le cofinancement à la charge des territoires représentait 15 % du financement et les fonds de la politique de cohésion représentaient 85 %. La Commission propose d'abaisser cette proportion à 70 %, ce qui appellera un cofinancement supérieur pour les territoires. Cela vaut aussi pour les régions en transition, pour lesquelles le financement de la politique de cohésion passe de 60 % à 55 % et pour les régions les plus développées, où l'on passe de 50 % à 40 %. Les cofinancements issus des États membres - État, régions, départements - devront alors être plus importants, dans un contexte de baisse des moyens des régions et des départements. Les régions qui passeront de la catégorie de région développée à la catégorie de région en transition vont donc gagner des financements européens, mais les régions qui étaient déjà en transition vont en perdre.
La France doit être très mobilisée sur ces sujets, car nombreux sont les pays qui refusent la classification en trois types de régions et le cofinancement qui l'accompagne.
Autre sujet important : le dégagement d'office, autrement dit le délai à partir duquel le pays perd les crédits qui lui sont alloués. Le cadre précédent prévoyait trois ans, et la Commission propose de passer à deux ans, afin d'accélérer la consommation des crédits. Or les procédures sont si compliquées que beaucoup de crédits pourraient être perdus !
La Commission propose de mutualiser les fonds Feder et FSE, cela me semble positif.
Enfin, la simplification. Nous avons tous construit des dossiers de financement européen ; c'est un processus extrêmement long et compliqué. Il est nécessaire de simplifier les procédures, mais prenons garde d'ajouter de nouvelles complications nationales !
Enfin, je veux aborder la question du Feader, même si cela ne rentre pas dans le cadre de notre débat d'aujourd'hui : car les territoires ruraux sont concernés. Ce fond passerait de 100 milliards à 78,8 milliards d'euros, en euros courants : les territoires ruraux en subiraient les conséquences. Les programmes de Liaison entre actions de développement de l'économie rurale (Leader), pourtant excellents, seraient même remis en cause.
Un mot du calendrier des négociations. Il y aura des élections européennes mi-2019 ; certains plaident pour aller vite et régler la question avant ces élections, d'autres pour prendre le temps de construire un bon accord, indépendamment de cette échéance.
Globalement, la France s'en sort plutôt bien, mais rien n'est gagné. Les pays de l'Est sont vent debout, car ils étaient très bénéficiaires du Fonds de cohésion. Les pays du nord de l'Europe et l'Italie veulent supprimer la catégorie des régions en transition, ce qui serait négatif pour la France, car ce qui nous avantage, c'est précisément l'augmentation de la borne haute de cette catégorie. Les avis sont aussi très différents sur les taux de cofinancement. Enfin, sur la conditionnalité, seules la France et l'Allemagne sont aujourd'hui d'accord.
Les propositions de la Commission ne sont pas des acquis ; il y a des sujets essentiels pour la France, sur lesquels il faudra tenir bon, notamment les catégories de région et les cofinancements.
Mme Angèle Préville, corapporteure. - Il me semble nécessaire d'adopter ce cadre financier pluriannuel avant les élections européennes de 2019, sans quoi l'efficacité de la politique de cohésion serait remise en cause, en raison des retards que cela entraînerait.
Je rappelle l'importance de la politique de cohésion de l'Union européenne pour la dynamique de nos territoires ; elle est un puissant levier d'investissement, qui stimule l'innovation, la croissance durable et inclusive, l'emploi et le développement des infrastructures.
La politique de cohésion européenne est donc un acquis à préserver, même si des inflexions peuvent lui être apportées. Elle doit, en effet, contribuer à assurer la convergence entre les territoires de l'Union européenne, métropolitains, frontaliers et d'outre-mer, marqués par des disparités importantes, auxquelles s'ajoutent des disparités infrarégionales.
La politique de cohésion me semble particulièrement intéressante parce qu'elle donne d'importantes prérogatives aux régions ; je suis convaincue de l'intérêt de cette gestion décentralisée, au plus près des besoins des territoires et des projets locaux. C'est tout le sens du principe de subsidiarité placé au plus haut de l'ordonnancement juridique européen.
J'ajoute deux remarques à ce qui a été dit, et je souhaite vous faire part de deux inquiétudes.
D'abord, la politique de cohésion ne saurait être uniquement un instrument au service du rattrapage de certaines régions ; elle doit soutenir et accompagner tous les territoires dans leur développement et contribuer à résorber, dans les États dits « riches », les poches de pauvreté qui subsistent. Les récents événements politiques en Italie, en Pologne, en Grèce et la montée de l'extrême droite en Allemagne démontrent l'importance de préserver l'universalité de la politique de cohésion ; tous les États, dont la France, doivent continuer d'en bénéficier. À défaut, c'est le ressentiment à l'égard de l'Europe qui pourrait se renforcer.
Notre proposition de résolution européenne souligne d'ailleurs cet aspect de la politique de cohésion : c'est une politique de solidarité concrète et bénéfique dans la vie quotidienne des citoyens mais dont la visibilité pourrait être accrue.
Ensuite, j'insiste sur l'importance de la politique de cohésion pour contribuer à la réduction des fractures qui traversent nos territoires. L'Union européenne encourage le développement de la spécialisation intelligente et de l'économie verte et décarbonée, mais cela ne doit pas faire oublier la nécessité d'un partage territorial cohérent et équitable de la valeur ajoutée produite dans les métropoles. Mieux soutenir les projets locaux des territoires ruraux et périurbains favoriserait le développement dans ces zones, et une interaction réciproquement bénéfique avec les grands ensembles urbains. Ces territoires sont explicitement mentionnés dans la proposition de résolution européenne.
Dans le contexte, le projet d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, dont le préfet Serge Morvan, nouveau Commissaire général à l'égalité des territoires, doit assurer la préfiguration, est particulièrement attendu.
Enfin, en tant que membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, je me félicite que la lutte contre le changement climatique et l'objectif d'accompagnement de la transition écologique dans les territoires constituent des priorités des fonds de cohésion. La pollution de l'air, la préservation du patrimoine culturel, la revitalisation des territoires et plus largement le développement équilibré et durable doivent être au centre de nos préoccupations.
J'ai deux inquiétudes. La première concerne le renforcement de la conditionnalité pour bénéficier des fonds de la politique de cohésion. Si la conditionnalité dite « État de droit » me semble nécessaire, je suis plus réticente sur le nouveau volet macroéconomique des conditionnalités, lié au semestre européen. Cela me paraît aller dans le sens d'un renforcement des contraintes pesant sur les États. La gestion budgétaire s'inscrit dans une temporalité bien différente de l'approche de long terme qui doit présider à la gestion des fonds de cohésion.
Ma seconde inquiétude concerne la gestion des fonds de cohésion. Il est absolument nécessaire que ces fonds soient gérés au plus près des territoires, de façon décentralisée, pour mieux prendre en compte les besoins et les difficultés. Tout ce qui va dans le sens d'une responsabilisation des régions et d'une plus grande dotation de fonds doit être encouragé.
M. Jean Bizet, coprésident. - Je remercie les trois rapporteurs de la qualité de leur travail.
On ne sait pas encore si le cadre financier pluriannuel sera adopté avant la fin du mandat actuel du Parlement ; si ce n'est pas le cas, cela entraînera des votes par annualité sur le fondement des anciens montants. Je reviens de Bulgarie et, à part le Portugal, je n'ai pas vu de délégation manifester beaucoup d'aigreur sur cette première proposition de la Commission.
Par ailleurs, la France est relativement épargnée par cette nouvelle proposition, mais cela veut dire que la progression du PIB par habitant n'a pas été à la hauteur de que l'on aurait souhaité...
En outre, il y aura des cofinancements importants de l'État et de la région, dans cette nouvelle configuration. Les régions sont désormais des autorités de gestion et les dégagements d'office seront raccourcis, donc les régions devront faire preuve de plus de sévérité.
Enfin, je me désole également de l'effondrement des crédits du Feader, le deuxième pilier de la PAC. La ruralité est véritablement en danger.
M. Hervé Maurey, coprésident. - Je remercie à mon tour les trois rapporteurs.
M. Jean-Michel Houllegatte. - J'aurai deux remarques.
Pour ce qui concerne le périmètre retenu, il faut se battre pour maintenir le périmètre des anciennes régions ; c'est le périmètre historique, qui permet la comparaison dans le temps, et cela correspond aux unités territoriales statistiques, qui sont des échelles de comparaison entre territoires européens.
Pour ce qui concerne l'évaluation, dont vous n'avez pas parlé, il me semble important que les critères d'évaluation permettent d'avoir une approche plus territoriale. Il faut connaître l'impact des fonds européens sur les territoires ruraux et sur les villes moyennes. En effet, les objectifs de la stratégie Göteborg-Lisbonne sont intéressants et ambitieux, mais on observe un transfert des fonctions tertiaires supérieures des villes moyennes au profit des métropoles. Il est normal que celles-ci aient effet d'entraînement, mais une grande partie des fonds européens sont souvent captés par les elles, au détriment des territoires ruraux et des villes moyennes, en raison de l'élitisme prévalant dans la rédaction des documents stratégiques et de programmation et des documents de mise en oeuvre.
M. Claude Bérit-Débat. - Ma préoccupation rejoint celle de Jean-Michel Houllegatte : quid des territoires ruraux, si l'on suit cette trajectoire ? La baisse du Feader est inquiétante ; il y a une aspiration, par les métropoles, de certains projets et de financements. Il faut inciter le Gouvernement à avoir une politique dirigée vers les territoires ruraux car il y aura une dichotomie forte entre territoires. Il faut tenir compte de cette réalité, la baisse drastique du Feader peut nous conduire dans une impasse, d'autant que le cofinancement à la charge des collectivités territoriales augmentera de façon très sensible.
M. Olivier Henno. - Je me félicite du maintien, globalement, des fonds de cohésion mais je suis préoccupé par l'évolution des PIB, il y a un transfert de la croissance vers l'est et un décrochage dans les pays autour de la Méditerranée. L'évolution relative du PIB de la France par rapport aux autres pays est elle-même frappante.
J'ai deux remarques. Sur la question des cofinancements, le Nord-Pas de Calais, notamment le Hainaut-Cambrésis, a bénéficié rapidement de l'objectif 1, de convergence. L'impact en a été d'autant plus conséquent que le cofinancement des collectivités territoriales était faible. Si le cofinancement devient plus important, les territoires en difficulté ne pourront peut-être plus appeler les fonds européens. Comme le disait André Diligent, « on nous ruine à coup de subventions ». Soyons vigilants sur cette question de cofinancement.
Par ailleurs, Renaud Muselier nous a appelés à la vigilance sur la gestion des fonds européens ; il craignait notamment de voir l'État récupérer la gestion des fonds du Feder. Avez-vous des informations sur cette question ?
M. René Danesi. - La proposition de résolution européenne est plutôt centrée sur la France, et c'est bien normal. Les nouvelles conditions d'octroi des fonds de cohésion et la revue générale des priorités ont pour conséquence les évolutions suivantes : - 24 % pour l'Estonie - qui restera toutefois, avec 317 euros par tête, le premier récipiendaire par habitant - 23,3 % pour la Hongrie, - 24 % pour la Tchéquie, - 21,7 % pour la Slovaquie. Le groupe de Viegrad est touché-coulé ! Bien entendu, sans avoir été visé... Ce qu'on nous présente comme la simple application des règles ressemble en réalité à une sanction financière du refus d'accueillir des migrants. Mais l'Italie, depuis peu, rue à son tour dans les brancards. Allons-nous revoir ses + 6,4 % ? On allègue, pour cette baisse, le critère de l'État de droit. Pourtant, nul ne s'est préoccupé de la corruption, du népotisme et de l'évasion fiscale qui sévissaient en Grèce, et qui a conduit ce pays à la quasi faillite qui coûte cher à plusieurs pays européens. Les pays d'Europe centrale ont le sentiment d'être punis de n'avoir pas suivi la ligne.
Cela peut les rendre sensibles au chant des sirènes venu de Pékin. Le 27 novembre 2017, le Premier ministre chinois s'est rendu à Budapest, où étaient réunis les représentants de seize pays européens - dont les trois Baltes, qu'on suppose toujours bons élèves. Il a annoncé 3 milliards d'euros, et une aide pour la modernisation du chemin de fer qui va du Pirée à Budapest en passant par Belgrade. Le Président tchèque a déclaré : « nous sommes le guichet d'entrée de la République populaire de Chine dans l'Union européenne ». Le Premier ministre grec a souligné que, alors que l'Europe a eu comme priorité de punir les Grecs par l'austérité, les Chinois ont saisi cette occasion pour investir. De fait, l'Europe a obligé la Grèce à mettre à l'encan le port du Pirée tout en se montrant incapable de trouver un acheteur. Résultat : ce sont les Chinois qui en sont devenus propriétaires.
Certes, la Chine est à l'opposé de l'Union européenne. Peu regardante sur l'État de droit - et on comprend bien pourquoi - elle ne conditionne pas son soutien financier à l'accueil des migrants. L'enfer est pavé de bonnes intentions : au moment où l'Union européenne risque la dislocation face à un mouvement migratoire incontrôlé, ce n'est peut-être pas très astucieux d'inciter les pays du groupe de Viegrad, et en général des pays d'Europe centrale, orientale et balkanique, à regarder vers Pékin. Mieux vaudrait les pousser à continuer à regarder vers Bruxelles et vers Washington, puisque chacun sait que c'est surtout l'adhésion à l'Otan qui les a motivés.
M. Jordi Ginesta. - Vous dites que le budget a augmenté de 10 %, mais on ne parle que de diminutions. Y a-t-il bien une augmentation en valeur absolue ? Combien coûtera le départ du Royaume-Uni ? Combien coûtera-t-il au Royaume-Uni lui-même ? Sera-t-il gagnant ?
M. Georges Patient. - Les régions françaises d'outre-mer ont une position particulière en Europe. On les a classées comme RUP en raison de certains handicaps, et elles bénéficient de 27 % des fonds de cohésion touchés par la France. L'impact des nouvelles dispositions sera fortement négatif pour elles. Sont-elles des variables d'ajustement ? La Martinique, notamment, va passer de « région moins développée » à « région en transition », alors que ses handicaps demeurent évidemment : éloignement, petite superficie, coût élevé de la main-d'oeuvre... Le plus grave est que le taux de cofinancement passera de 80 % à 70 % : avec le dégagement d'office, et vu la baisse des dotations, il n'est pas sûr que les fonds accordés pourront être utilisés en totalité.
Mme Laurence Harribey. - Finalement, la France ne s'en sort pas si mal. Nombre de nos régions sont désormais en transition, ce qui n'était pas le cas auparavant. C'est révélateur de notre mauvaise utilisation des fonds, même si le maintien d'un mode de calcul basé sur le dessin des anciennes régions nous est favorable. De plus, on observe une mutation structurelle du budget communautaire, qui est en quelque sorte le retour de bâton de la subsidiarité : il est logique que les politiques régionales territoriales finissent par ne plus être considérées comme étant de la responsabilité communautaire ! En quelque sorte, revendiquer la subsidiarité, c'est tendre le bâton pour se faire battre... La parade sera de faire rentrer la politique de cohésion et la politique régionale dans les priorités communautaires. À cet égard, la mention du développement territorial est intéressante, car cela donnera une légitimité à la politique régionale.
Enfin, ce qui nous est proposé peut se retourner contre le principe de gestion partagée. J'ai bien aimé la formule « on me ruine à coup de subventions », très révélatrice. Quand on regarde dans le détail les difficultés actuelles des leaders, qui doivent gérer jusqu'à 30 programmes avec deux ou trois personnes, sans participation des services de l'État, on se pose la question de l'ingénierie : les milieux urbains s'en sortent mieux parce qu'ils bénéficient de l'ingénierie des métropoles. La recentralisation actuelle m'inquiète, à cet égard, pour les territoires ruraux, et pour l'effectivité de l'autorité de gestion régionale.
M. Guillaume Chevrollier. - Les fonds à destination des territoires ruraux sont en baisse, c'est un constat alarmant. Mais nous donnons-nous vraiment les moyens de consommer tous les crédits qui arrivent de l'Union européenne ? Sur la qualité de l'eau, par exemple, en France, tous les fonds européens ne sont pas consommés.
M. Patrice Joly. - Les territoires ruraux ne sont guère dans les radars des responsables politiques. La baisse de la PAC et la baisse des crédits du premier et du deuxième pilier auront des conséquences en termes de développement local : ces crédits irriguent nos territoires ruraux et participent à leur développement et à leur économie. Si on y ajoute l'élargissement des périmètres des régions bénéficiaires des fonds de cohésion, on voit que les territoires les plus fragiles, notamment parce qu'ils manquent d'ingénierie, risquent de se voir pénalisés. L'augmentation des taux de cofinancement aura aussi un impact négatif sur les territoires les plus fragiles et les collectivités les plus faibles.
Il faudrait que les autorités de gestion soient moins des gestionnaires de procédure que des responsables stratégiques. Quand on est maître d'ouvrage, on voit que le travail porte plus souvent sur la conformité des dossiers que sur un accompagnement de la mise en oeuvre d'un projet territorial, ce qui est dommage. Une approche multi-fonds est donc loin d'être aboutie. J'ai rencontré à Bruxelles, mardi dernier, un directeur de la Commission européenne, M. Eric von Breska : dans son esprit, il n'était absolument pas question de remettre en cause l'utilisation de l'ancien découpage régional. Pour les programmes 2021-2027, ce sont les nouvelles régions qui seront autorités de gestion.
M. Benoît Huré. - Ce travail arrive à point nommé. Sur l'évolution budgétaire, il faut toujours être prudent avec les pourcentages : quels sont les chiffres ? Comment évoluent les politiques ? La baisse de la PAC est préoccupante quand la plupart des grands pays font une priorité forte de leur agriculture, y voyant un enjeu de souveraineté et de sécurité alimentaire. Puis, l'importance de ce budget s'explique aussi par le fait que, quand les pays fondateurs ont décidé de signer le traité de Rome, c'est à la PAC qu'ils ont transféré l'essentiel des moyens qu'ils y consacraient : aujourd'hui, un agriculteur reçoit neuf fois plus de l'Union européenne que de l'État français. Oui, de nouvelles politiques sont devenues nécessaires et urgentes, sur l'environnement et les migrations notamment. Cela dit, on ne fait pas des politiques nouvelles en restreignant les politiques existantes, mais en y mettant les moyens adéquats ! Pour cela, il faut que chaque État transfère à l'Union européenne les moyens qu'il consacrait à ces politiques. Après tout, quand les communes se sont rassemblées en communautés de communes, elles ont transféré les moyens qu'elles consacraient aux politiques assumées désormais par la communauté de communes.
Sur le rôle des régions, soyons prudents : dans notre pays, on constate un très grand écart de richesse entre les régions, qui s'est creusé au cours des dernières années pour aller de 1 à 30, voire 35. Que l'État, qui est peut-être seul à pouvoir corriger ces écarts par une péréquation verticale, examine aussi comment il peut mobiliser les fonds européens à cet effet, cela ne me choque pas complètement. Tout est une question de partage des responsabilités.
M. Hervé Maurey, coprésident. - En effet, il y a une vraie inquiétude sur la diminution de ces concours, qui serait d'autant plus préoccupante que la politique de cohésion est parfois le seul élément qui permet d'identifier, dans nos campagnes, l'aspect positif de la politique européenne - avec la PAC, bien sûr. Son recul ne ferait qu'accroître le rejet de l'Europe dans nos territoires.
- Coprésidence de Mme Nelly Tocqueville, vice-présidente de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et de M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes -
M. André Reichardt, corapporteur. - Vos questions et remarques portaient sur trois thèmes : le volume des aides, leurs bénéficiaires et les modalités de leur distribution.
Le budget de l'Union européenne augmente, effectivement, de 10 % environ. C'est vrai qu'on entend parler surtout de baisses. Où va la différence ? Aux orientations nouvelles : défense commune, sécurité, climat, migrations... Il s'agit de faire face aux défis, et cela consommera des crédits, au détriment des politiques traditionnelles que sont la PAC et la politique de cohésion. La baisse des taux de cofinancement européen fera monter les parts nationales. C'est un vrai problème pour les bénéficiaires des aides.
Les baisses annoncées pour les pays de l'Europe de l'Est sont-elles punitives ? Je ne le crois pas. En tout cas, à l'avenir, ceux qui ne rempliront pas la conditionnalité d'Etat de droit pourraient en souffrir. Les chiffres actuels résultent simplement, nous dit-on, des critères classiques, comme l'évolution du PIB.
M. René Danesi. - Bien sûr !
M. André Reichardt, corapporteur. - Les pays qui ont bénéficié d'une manne importante, qui leur a permis de progresser, sont devenus moins éligibles que certains États-membres du Sud, comme la Grèce.
La Commission conserve bien l'ancien découpage régional français. Par ailleurs, les régions garderont leurs prérogatives sur la gestion des fonds. Le Commissaire général à l'égalité des territoires, que nous avons reçu, nous a donné quelques assurances en la matière - mais il faudra rester vigilant.
Le Brexit fera perdre 14 milliards d'euros par an au budget de l'Union européenne. Le Royaume-Uni avait perçu 10,5 milliards d'euros en fonds de cohésion pour la période 2014-2020.
M. Jordi Ginesta. - Ce sont des contribuables nets...
M. André Reichardt, corapporteur. - Certes. Quant aux RUP, si la Martinique devient « région en transition », elle continuera à bénéficier du traitement spécifique aux régions ultramarines - les quatre autres restant dans la catégorie des régions moins développées. En revanche, là aussi, le taux de cofinancement local va augmenter, ce qui posera des problèmes, qu'il faudra traiter au plan national !
Les programmes seront soumis à une évaluation régulière, avec des critères de performance, des indicateurs de résultats et de réalisation. Son intérêt sera surtout visible à la cinquième année, pour réorienter, au besoin, les priorités. Et les indicateurs de réalisation seront autant d'éléments permettant d'éviter les dégagements d'office.
M. Bernard Delcros, corapporteur. - Oui, le budget de l'Europe augmente : il passe de 1 082 milliards d'euros à 1 279 milliards d'euros en euros courants. Même en euros constants, il croît. Cela dit, la part de la PAC et de la politique de cohésion passe de 70 % à 58 %.
En ce qui concerne la politique de cohésion, la France s'en tire plutôt bien : - 5,4 % en euros constants, contre - 20 % pour l'Allemagne. Pourquoi ? Parce qu'elle n'est pas éligible au fonds de cohésion, et pour des raisons liées au découpage régional. Entre 2014 et 2020, douze de nos régions étaient parmi les plus développées. Il n'y en a plus que deux. Et, alors que dix régions figuraient parmi les régions en transition, nous en avons désormais 21. Ces évolutions sont liées à celles des PIB, mais surtout à la modification du critère, car le seuil passe de 90 % à 100 %.
Du coup, en matière de co-financement, il y a des gagnants et des perdants : les dix régions qui étaient parmi les plus développées et deviennent des régions en transition passeront de 50 % à 55 % ; mais celles qui était en transition perdront, puisque le cofinancement baisse de 60 % à 55 %. Il est extrêmement important de conserver les périmètres des anciennes régions, et ce n'est pas acquis.
Dans l'ensemble, le grand perdant, c'est la ruralité, non tant à cause des fonds de la politique de cohésion qu'à cause de la baisse du Feder, qui passe de 100 milliards d'euros à moins de 80 milliards d'euros. Oui, la ruralité sort des écrans radars. Il faut que l'État en tienne compte et apporte des corrections aux pertes de crédits européens, car le secteur urbain, lui, est préservé par le Feader. La Martinique aussi perdra beaucoup, car son taux de cofinancement passera de 85 % à 55 %.
La France est contributrice nette au budget européen : pour 19 milliards d'euros de contribution, elle perçoit environ 12 milliards d'euros de crédits en retour.
L'ingénierie reste un sujet primordial, notamment dans les zones rurales, car les moyens n'y sont pas les mêmes que dans les métropoles.
La consommation des crédits est un vrai sujet, et le risque de non-consommation ne fera que s'accroître si nous raccourcissons le délai de dégagement d'office de trois à deux ans, comme le prévoit la commission.
Il faut revoir, enfin, les appels à projets : appels à projets européens, nationaux, régionaux, départementaux... Nous sommes sans cesse à chercher à faire rentrer nos actions dans leur cadre, alors qu'il faut partir, à l'inverse, du territoire, dont les crédits doivent venir accompagner le développement. Avec tous ces appels à projet, on s'éloigne d'une logique globale de développement territorial.
Mme Angèle Préville, corapporteure. - Entièrement d'accord sur le point des appels à projets. Les critères, monsieur Danesi, sont fondés à 85 % sur l'évolution du PIB. Sans doute, nous n'avons pas assez bien communiqué sur les politiques européennes dans les pays que vous évoquez, pour éviter que les peuples ne se détournent de l'Europe.
La révision des taux de cofinancement va pénaliser d'abord les régions les moins développées, qui les verront passer de 85 % à 70 %, ce qui est la plus forte baisse ! Je suis persuadée que les présidents de région habitent complètement leur fonction. J'aurais donc tendance à leur faire confiance, à condition de prendre en compte le fait que certaines régions ont été classées en région de transition, et qu'il faudra tenir compte de la ruralité. Les régions doivent s'emparer de ce défi.
Quant à l'ingénierie, espérons que la création d'une Agence nationale de cohésion des territoires remédiera aux lacunes !
Enfin, la condition d'État de droit est certainement une bonne chose.
Si l'on compare nos régions à celles d'Allemagne et d'Italie du Nord, leur spécificité est d'avoir une faible densité de population sur certains territoires. Mon département, par exemple, compte très peu d'habitants, et de très petites villes. Cette spécificité française joue peut-être dans les résultats que nous vous avons présentés.
M. Jean Bizet, coprésident. - Je demande aux membres de la commission des affaires européennes de voter.
À l'issue du débat, la proposition de résolution européenne est adoptée, à l'unanimité, par la commission des affaires européennes dans la rédaction suivante :
Mme Nelly Tocqueville, coprésidente. - Je demande à mes collègues de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'ils sont d'accord pour adopter dès aujourd'hui cette PPRE, en application de l'alinéa 3 de l'article 73 quinquies du Règlement.
Il en est ainsi décidé.
La proposition de résolution européenne est adoptée sans modification par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
M. Jean Bizet, coprésident. - Le groupe de suivi pourra communiquer afin de souligner notamment la fragilisation de la ruralité qui résultera de cette politique. Au sein du premier pilier, on observera une accélération des convergences, que nous n'avons toutefois pas encore quantifiée. La PAC baissera de 3,9 % dans nos territoires d'outre-mer, alors que leurs handicaps naturels demeurent. Sur l'optimisation de la consommation des crédits, le groupe de suivi fera des propositions aux autorités de gestion que sont les régions. Il faudra les inviter, avec les EPCI, à mobiliser de l'expertise en matière d'ingénierie pour une consommation optimale. Le Brexit fait sortir un contributeur net à hauteur de 14 milliards d'euros... Et nous ne connaissons pas encore le coût des barrières tarifaires, et non-tarifaires, qui seront instaurées ensuite ! Le groupe de suivi sur le Brexit les évalue à 4 milliards d'euros au minimum pour la France, sachant que les régions les plus impactées seront les Hauts-de-France et la Picardie, et que la filière de l'agroalimentaire - et donc la ruralité - souffrira particulièrement.
C'est Pascal Allizard qui sera le mieux placé avec Gisèle Jourda pour nous faire le point sur la route de la soie, à la suite du travail qu'ils ont mené sur la question. Ce projet est en train de déstabiliser indirectement certains pays européens. D'un côté, l'Europe propose des subventions assorties de règles et de valeurs. De l'autre, l'Empire du Milieu apporte des prêts, mais sans critères, sans code des marchés publics, sans valeurs et assortis d'une grande rapidité d'exécution. Cela peut séduire, mais hypothèque l'État qui les accepte ! De plus un arc islamique est en train de s'établir, avec l'implication de la Turquie de l'Arabie Saoudite.
Je vous propose d'adresser la proposition de résolution européenne à la Commission.
Il en est ainsi décidé.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 10 h 35.