- Jeudi 1er février
2018
- Économie, finances et fiscalité - Agences de surveillance européennes : avis politique de MM. Jean-François Rapin et Claude Raynal
- Institutions européennes - Programme de travail de la Commission européenne pour 2018 : proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Jean Bizet et Simon Sutour
- Institutions européennes - Initiative citoyenne européenne : proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Jean Bizet et Simon Sutour
- Questions diverses
Jeudi 1er février 2018
- Présidence de M. Jean Bizet, président -
La réunion est ouverte à 8 h 30.
Économie, finances et fiscalité - Agences de surveillance européennes : avis politique de MM. Jean-François Rapin et Claude Raynal
M. Jean Bizet, président. - Nous allons examiner l'avis politique de Jean-François Rapin et Claude Raynal sur les agences de surveillance européennes, un sujet délicat mais très intéressant, surtout dans le contexte de l'affirmation de la place financière de Paris.
Notre collègue Richard Yung a beaucoup travaillé sur cette question au cours de la dernière mandature. Je remercie nos rapporteurs d'avoir repris le dossier.
À la suite de la crise financière de 2008, l'Union européenne a entrepris un travail important pour mettre en place une indispensable supervision financière. Il était prévu d'opérer une revue de fonctionnement du cadre de surveillance en 2017. Tel est l'objet des initiatives qu'a présentées la Commission européenne. C'est l'occasion de faire le point sur l'efficacité du dispositif mis en place et d'évaluer les voies d'amélioration possibles. Retenu par un groupe d'amitié, M. Raynal nous rejoindra dans quelques instants. Monsieur Rapin, je vous propose donc de prendre la parole en premier.
M. Jean-François Rapin. - Merci, monsieur le président, pour la confiance que vous avez accordée à Claude Raynal et à moi-même sur ce sujet extrêmement technique.
La situation a évolué ces dernières heures, puisqu'il semble qu'un front se mette en place entre l'Allemagne, l'Irlande et le Luxembourg pour faire échec aux propositions de réforme. Depuis la crise financière de 2008, l'Union européenne a adopté près de quarante propositions législatives pour le seul secteur financier. Dès 2010, un système européen de surveillance financière a été mis en place pour combler les lacunes de la supervision européenne révélées par la crise. Une revue de fonctionnement de ce cadre de surveillance était prévue en 2017.
La Commission a présenté l'année dernière quatre textes afin de proposer des améliorations ciblées. Cette révision est fortement contrainte par le calendrier électoral européen : l'absence d'accord d'ici aux élections européennes en repousserait l'adoption en 2021, au plus tôt. La proposition de la Commission s'inscrit par ailleurs dans un contexte d'urgence face au compte à rebours du Brexit, qui constitue paradoxalement aussi une opportunité pour accompagner la volonté politique de relancer l'Union des marchés de capitaux et le développement d'une supervision crédible des marchés.
Je vous présenterai brièvement les enseignements qu'il convient de tirer après sept années de fonctionnement du système européen de surveillance financière. Ce système est organisé autour des autorités nationales de surveillance et de trois autorités européennes de surveillance, dites AES. Dès l'origine, certains États membres étaient très réticents à l'idée de mettre en place des autorités européennes trop puissantes. Celles-ci ont pourtant progressivement acquis leur légitimité et, aujourd'hui, leur pérennité n'est pas remise en question.
Il serait cependant plus juste de parler d'autorités européennes de régulation, leur rôle en matière de supervision effective étant quasi inexistant : il se limite à favoriser la convergence des pratiques de supervision des autorités de surveillance nationales. Ces autorités sont, en revanche, chargées de l'élaboration des projets de normes techniques, c'est-à-dire de la législation dite de niveau 2.
L'infrastructure de surveillance est ainsi répartie entre le niveau national, avec les autorités sectorielles compétentes de chaque État, et le niveau européen, avec les trois AES. Le processus de décision fait la part belle aux autorités nationales, qui siègent au Conseil des superviseurs de chaque AES. Cette gouvernance intergouvernementale ne favorise ni la prise en compte de l'intérêt général de l'Union ni l'efficacité de la prise de décision.
Depuis 2010, l'évolution a été considérable, les États membres ayant consenti un transfert de souveraineté important lors de la crise des dettes souveraines. Depuis 2014, la supervision des plus grandes banques de la zone euro est confiée à la Banque centrale européenne, dans le cadre de l'Union bancaire. Dès lors, l'Autorité bancaire européenne a vocation à rester cantonnée, pour l'essentiel, dans des missions de régulation, sans prérogative de supervision directe sur les banques.
Il en est tout autrement de l'Autorité européenne des marchés financiers, l'AEMF, qui, en l'absence d'un superviseur européen des marchés financiers, s'est vu confier progressivement des missions de supervision directe sur certains secteurs, comme les agences de notation et, partiellement, les chambres de compensation. L'AEMF, avec son pouvoir effectif de supervision, fait donc figure d'exception. C'est d'ailleurs sur son développement que se concentre le projet de refonte proposé par la Commission.
L'initiative d'Union des marchés de capitaux a pour ambition de faciliter le développement du financement de l'économie par des marchés financiers européens intégrés. Elle demeure aujourd'hui largement imparfaite, alors qu'il s'agit d'un enjeu majeur pour le développement de notre économie et la stabilité financière de l'Union, mais aussi la protection des intérêts des investisseurs et de l'épargne de nos citoyens. Or, le développement d'une supervision européenne unique des marchés financiers est l'un des éléments indispensables à la poursuite de cette initiative.
Pour maintenir l'indépendance et la prépondérance de la place de Londres, le Royaume-Uni s'y refusait catégoriquement. Dorénavant, l'impulsion politique autour des marchés financiers européens doit reprendre et permettre enfin le développement d'une autorité européenne des marchés.
Quelle que soit l'issue des négociations sur le Brexit, la configuration des marchés financiers européens sera durablement modifiée, même si la place de Londres conservera un poids important. Les relocalisations d'activités au sein de l'Union européenne préfigurent une organisation multipolaire autour de différentes places, parmi lesquelles l'attractivité de Paris pourra s'exercer. Cet état de concurrence accrue incitera les différentes places à des arbitrages réglementaires qui devront être supervisés par une autorité européenne.
Faute d'une relocalisation au sein de l'Union ouvrant droit au passeport européen, les acteurs financiers implantés au Royaume-Uni verront leur accès aux pays de l'Union conditionné à des accords d'équivalence des pays tiers. Dans ce contexte, la gestion des relations avec les pays tiers et la surveillance des éventuels recours excessifs à des délégations d'activité ou à des accords d'externalisation revêtent une importance stratégique pour la défense des intérêts de l'Union.
La refonte du système de surveillance prend la forme d'un paquet législatif important, composé de quatre propositions distinctes, dont la plupart datent de septembre 2017 : deux propositions pour la révision des trois règlements fondateurs des AES, un texte pour des modifications ciblées du Comité européen du risque systémique, et une proposition, de juin 2017, consacrée au sujet, hautement stratégique, des chambres de compensation centrales, dites CCP.
Les dispositions essentielles du paquet législatif concernent l'amélioration de la gouvernance et l'évolution du cadre de financement des trois AES, ainsi que, plus spécifiquement, le renforcement des pouvoirs de l'AEMF.
Les deux premiers éléments du dispositif semblent consensuels et nous paraissent aller dans la bonne direction. La Commission européenne propose, en effet, de mettre en place une structure de gouvernance plus autonome et, partant, plus efficace, en introduisant dans chaque autorité européenne un conseil exécutif indépendant composé du président et de membres indépendants permanents. Ce conseil sera notamment chargé de préparer les décisions qui seront adoptées par le Conseil des autorités de surveillance et disposera de pouvoirs discrétionnaires à l'égard des particuliers et des autorités nationales de supervision.
La révision du cadre de financement consacre deux ambitions : asseoir le fonctionnement autonome des AES et permettre à la Commission européenne de se désengager budgétairement en faisant reposer le financement de leurs budgets, actuellement jugés insuffisants, sur des cotisations annuelles versées par les institutions financières. Une contribution d'équilibrage de l'Union, fixée à l'avance dans le cadre financier pluriannuel, serait maintenue, mais plafonnée à 40 % des recettes globales des AES. Les modalités de calcul des contributions annuelles des établissements financiers seront définies dans des actes délégués de la Commission, qui mériteront toute notre attention.
Permettez-moi de vous livrer quelques chiffres pour mettre en perspective les enjeux budgétaires. Concernant l'AEMF, et dans l'hypothèse de l'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions proposées par la Commission, 193 créations de postes seraient envisagées, portant l'effectif global à 450 personnes environ, pour un budget de l'ordre de 90 millions d'euros. À titre de comparaison, le montant des redevances de surveillance prudentielle collectées par la BCE en 2017 s'élève à 424 millions d'euros, et le budget de la Securities and Exchange Commission américaine s'établit à 1,7 milliard de dollars.
La Commission propose de renforcer l'AEMF en lui confiant des compétences de supervision directe dans des domaines spécifiques. C'est sur ce point que se focalisent les discussions en cours. Le transfert de compétences des autorités de marché nationales vers l'AEMF pose des questions de subsidiarité et suscite l'opposition de certains États, qui y voient une menace pour l'indépendance et la pérennité de leur industrie financière nationale.
Le 23 novembre dernier, le groupe de travail « subsidiarité » de notre commission a considéré que ces textes ne portaient pas atteinte au principe de subsidiarité. Au reste, les transferts de compétences dont il s'agit sont équivalents à ceux consentis à la BCE dans le cadre de la supervision bancaire. Il n'y a donc pas matière à soulever une question de subsidiarité, sauf à la poser également pour la BCE. Ce transfert de compétences nous semble indispensable afin d'éviter, dans la mesure du possible, des arbitrages réglementaires préjudiciables aux intérêts de l'Union.
À ce stade, d'ailleurs, les dispositions envisagées par la Commission pourraient bénéficier d'une ambition plus large en ce qui concerne les produits, secteurs et infrastructures visés : la supervision des prospectus est prévue de façon trop hétérogène et les places boursières et dépositaires centraux sont exclus du dispositif.
Le constat est identique en ce qui concerne les sanctions : il aurait été opportun d'établir un régime certes efficace et proportionné, mais aussi suffisamment dissuasif, en prévoyant, comme le demande l'AEMF, la possibilité d'amendes proportionnelles au chiffre d'affaires.
L'AEMF se verra aussi confier un pouvoir en matière de délégation et de sous-traitance par des entités régulées à des entités de pays tiers. Ce dernier point revêt une importance particulière, car il s'agit de contrôler l'implantation au sein de l'Union de structures « boîtes aux lettres », dont une partie substantielle des activités serait déléguée à des structures dans des pays tiers, permettant ainsi de sécuriser l'accès au marché européen à travers le passeport européen sans prendre le risque de l'incertitude des accords d'équivalence.
Enfin, l'AEMF jouera un rôle central dans la préparation des décisions d'équivalence des régimes de pays tiers et - ce qui est nouveau - dans le suivi de ces décisions. Le retrait du Royaume-Uni rend nécessaire à court terme le renforcement des moyens de gestion des relations avec les pays tiers. C'est d'ailleurs dans cette logique que la Commission a proposé, avant l'été, de renforcer le rôle de l'AEMF en ce qui concerne la supervision des chambres de compensation.
On trouve dans ce projet la refonte de la gouvernance, avec la création d'un Conseil des autorités de surveillance en session exécutive des chambres de compensation, le renforcement des compétences de supervision directe, avec des contrôles sur place, ainsi que la possibilité, sur la base de critères spécifiques, d'imposer une localisation au sein de l'Union européenne pour les chambres de compensation identifiées comme les plus systémiques et pour lesquelles la supervision directe serait considérée comme insuffisante. L'AEMF serait aussi en charge du mécanisme d'équivalence avec les pays tiers.
C'est sur la base de ces remarques que nous vous proposons d'examiner l'avis politique qui vous est soumis. Ce travail est le fruit de plusieurs auditions, mais d'autres sont encore à venir. M. Raynal et moi-même nous rendrons à Bruxelles le 19 février sur ces sujets.
M. Jean Bizet, président. - La situation doit être considérée à travers le prisme du Brexit, de la localisation de l'Autorité bancaire européenne à Paris et du redimensionnement de l'Autorité européenne des marchés financiers, qui jouera un rôle accru en ce qui concerne les équivalences avec un certain nombre de pays tiers. La place de Paris prend une importance croissante, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
M. André Gattolin. - M. Rapin a commencé son exposé en évoquant la position allemande. Les travaux précédemment menés par Richard Yung ont mis en évidence que les réticences de l'Allemagne en matière de supervision bancaire tiennent à l'organisation de ses banques régionales, extrêmement dépendantes du pouvoir politique au niveau des Länder. Certains engagements pris par ces banques sont très risqués, ce qui explique sans doute une partie des réticences allemandes au sujet d'une supervision européenne qui ferait apparaître un système bancaire globalement efficace pour le soutien de l'industrie allemande au niveau régional, mais parfois un peu hors normes sur le plan financier.
M. Pascal Allizard. - La transparence et la protection des épargnants contre les risques systémiques, c'est extrêmement important, mais il faut aussi garder à l'esprit que la frilosité de certaines banques pour financer des projets risqués à l'étranger est liée à l'extraterritorialité du droit américain. Paradoxalement, sur les projets difficiles à financer, il y a toujours une présence allemande, via les banques régionales... La transparence, oui, mais il faut aussi protéger les intérêts stratégiques !
M. Philippe Bonnecarrère. - Je voudrais comprendre ce qui relève du contrôle des marchés dans le cadre de la construction européenne et ce qui relève de la gouvernance de l'euro. À côté du dispositif général de surveillance, des évolutions plus rapides sont-elles proposées dans le cadre d'une future gouvernance de l'euro ?
La situation des banques régionales allemandes est l'une des difficultés, mais il y a aussi l'absence d'accord européen en matière de garantie des dépôts.
On voit bien qu'il y a deux modèles possibles : on peut travailler soit sur une solidarité entre les banques, soit sur les modalités de surveillance de celles-ci. Le dispositif qui nous est présenté, qui va plus loin en matière de surveillance, est-il une manière de contourner l'impossibilité de réaliser une Union bancaire européenne aboutie ? Ou bien les deux questions sont-elles déconnectées ?
M. André Gattolin. - Excellente question !
M. Jean-François Rapin. - Nous avons appris que l'Allemagne semblait faire front avec le Luxembourg et l'Irlande. Au moment où nous avons réalisé nos auditions, la position allemande n'était pas aussi tranchée. L'influence des banques régionales, qui s'inquiètent d'une approche européenne, et non plus nationale, de la supervision, est certainement l'une des raisons de l'orientation choisie par l'Allemagne. J'attends beaucoup des auditions que nous aurons prochainement, mais il est clair que si ces trois pays s'opposent à la réforme, le texte a peu de chances de passer...
Même avec le renforcement prévu, les moyens de l'AEMF restent très limités par rapport à ceux de l'organe de supervision américain.
Monsieur Bonnecarrère, il n'y a rien de particulier dans ce projet en ce qui concerne la gouvernance de l'euro. Si l'intégration des marchés de capitaux est indispensable au bon fonctionnement de la zone euro, la supervision et la dynamique de l'euro sont deux sujets distincts.
Je ne crois pas non plus qu'il s'agisse d'un contournement de la situation encore inaboutie pour la garantie des dépôts en Europe.
J'ai été frappé par l'importance des moyens de la BCE par rapport à ceux des organismes de supervision. Même renforcées, les capacités de l'AEMF, par exemple, resteront très subsidiaires par comparaison avec celles de la BCE. J'ai même relevé une certaine forme d'ingérence de la BCE parce qu'elle a plus de moyens que les organismes de supervision européens pour déclencher des actions de surveillance.
Le Brexit est un vrai sujet, mais ses conséquences devront être évaluées en ce qui concerne les chambres de compensation. Le sujet sensible est surtout la gestion des relations avec les pays tiers.
M. Jacques Bigot. - Il me semble que la proposition de règlement ne concerne pas l'Autorité européenne des assurances et des pensions. Me le confirmez-vous ?
M. Jean-François Rapin. - Effectivement, elle ne prévoit pas le renforcement de ses missions de supervision.
M. Didier Marie. - Nous découvrons, pour nombre d'entre nous, les subtilités de la surveillance des marchés européens, mais, même sans bien connaître le sujet, nous sommes tous conscients, à la suite de la crise de 2008 et de la crise grecque, qu'une surveillance est nécessaire au niveau européen et qu'il faut faire appel à une forme de solidarité en prévision d'éventuelles crises.
Le Brexit est une opportunité pour remettre sur la table les négociations touchant aux marchés financiers. Monsieur Rapin, vous avez expliqué qu'un front se dessinait contre ces mesures. Quelles sont les modalités de prise de décision dans ce domaine ?
M. Jean-François Rapin. - Il s'agit d'une codécision entre le Conseil et le Parlement européen.
Mme Fabienne Keller. - En application des directives Mifid et Emir, un nombre plus important de transactions devraient passer par les chambres de compensation et être enregistrées, ce qui devrait faciliter le contrôle des opérations de marché. Ne faudrait-il pas établir un lien avec le suivi des transactions ? En effet, l'objectif est non seulement d'avoir un dispositif sécurisé, mais que celui-ci embrasse le plus grand nombre possible d'opérations financières.
M. Claude Raynal. - Pardonnez-moi de n'avoir pas pu participer au début de ce débat. Les propositions sur la table recueillent un avis favorable de la France, très en pointe dans cette affaire. Alors que, sur nombre de sujets financiers, il y a des nuances entre la position de la France et celle de l'Europe, l'accord est en l'occurrence complet, à quelques détails près. Dans ce contexte, l'avis politique qui vous est soumis est utile pour affirmer le point de vue de la France et soutenir l'action du Gouvernement. La BCE dispose aujourd'hui d'outils pour intervenir indirectement sur les chambres de compensation. Il est important d'avancer vite pour qu'on revienne à un système normal de régulation.
M. Jean-François Rapin. - Madame Keller, il est effectivement prévu que l'AEMF supervise plus avant les activités des chambres de compensation et les transactions financières.
M. Jean Bizet, président. - Mes chers collègues, vous avez pris connaissance du projet d'avis politique. Y a-t-il des observations ?
M. André Reichardt. - Le point 22 fait référence à un modèle multipolaire de marchés financiers. Les rapporteurs peuvent-ils préciser leur pensée ?
M. Claude Raynal. - Le pôle londonien est aujourd'hui extrêmement fort. Dans le contexte post-Brexit, il restera certes important, mais d'autres places se renforceront sur certains types de marchés, à commencer par Paris, Francfort et Luxembourg. Le système sera donc moins centré, plus multipolaire.
M. André Reichardt. - Si je vous comprends bien, certaines places existantes se renforceront un peu, mais il n'y aura pas de place nouvelle.
M. Claude Raynal. - En effet, il s'agira d'un renforcement.
M. Philippe Bonnecarrère. - Dans cette tectonique des places, comment les Suisses se positionnent-ils ? Souhaiteront-ils s'associer par voie de convention aux mécanismes européens pour participer au rééquilibrage par rapport à la place de Londres ? Voudront-ils rester indépendants ?
M. Claude Raynal. - Peut-être un débat s'ouvrira-t-il avec la Suisse dans une phase future, mais, pour l'instant, elle reste totalement indépendante et avec un statut de pays tiers.
M. Philippe Bonnecarrère. - La Suisse pourrait être un acteur intéressant au soutien des places continentales.
M. Claude Raynal. - Elle peut aussi chercher à tirer son épingle du jeu toute seule...
M. Jean Bizet, président. - Il est certain que le système allemand est un peu particulier, compte tenu de l'architecture des banques des Länder.
M. Allizard a évoqué l'extraterritorialité des lois américaines. Il sera intéressant que nous approfondissions ce sujet. Les États-Unis ont encore une force, qu'ils veulent morale, avec laquelle ils essaient d'avoir un droit de regard planétaire. L'Europe a toute autorité pour s'extraire de tout cela. Le travail accompli dans ce domaine doit être salué, d'autant que, l'Union européenne n'étant pas une entité fédérale, c'est beaucoup moins facile pour elle que pour les États-Unis.
Je me félicite des nouvelles missions confiées à l'AEMF, qui devra veiller à ne pas délivrer des passeports européens n'importe comment.
Même si l'expertise financière de la Grande-Bretagne restera importante - les grands acteurs du pays du Golfe devraient rester clients de la place de Londres -, elle le sera un peu moins dans le cadre d'un système davantage multipolaire. La place de Paris commence à prendre toute sa dimension, ce qui est une excellente chose.
À l'issue du débat, la commission adopte, à l'unanimité, l'avis politique qui sera adressé à la Commission européenne.
Institutions européennes - Programme de travail de la Commission européenne pour 2018 : proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Jean Bizet et Simon Sutour
M. Jean Bizet, président. - M. Sutour et moi-même allons maintenant vous présenter le programme de travail de la Commission européenne pour 2018.
M. Simon Sutour. - La Commission européenne a présenté, le 24 octobre dernier, son programme de travail pour 2018, destiné à accompagner le « regain de dynamisme » de l'Union. Ce programme est très charpenté et comprend des propositions fortes, parfois anguleuses, parce que se profilent la fin du mandat du collège actuel et l'élection d'un nouveau Parlement. La proposition de résolution que nous vous soumettons revêt donc cette année une importance particulière.
La Commission entend continuer à privilégier la qualité des normes et leurs résultats à leur quantité. Elle souligne que 80 % des propositions annoncées au début de son mandat ont d'ores et déjà été présentées. Elle rappelle néanmoins que soixante-dix propositions sont toujours en cours d'adoption.
Deux types d'actions sont envisagés : des propositions législatives ciblées visant à parachever le travail dans les domaines prioritaires et des initiatives ambitieuses davantage tournées vers l'avenir, avec comme perspective 2025. J'aborderai rapidement les premières.
Le programme de travail contient onze initiatives législatives considérées comme prioritaires. Certaines ont déjà été présentées à la fin du dernier trimestre 2017. Les autres devront l'être avant mai 2018. Il s'agit de permettre au Parlement et au Conseil d'adopter ces textes avant les élections européennes de juin 2019.
La Commission entend, en premier lieu, continuer à développer des mesures en faveur de la compétitivité et de la croissance. Une attention particulière sera portée au marché unique numérique. Nous sommes heureux de constater que, conformément à ce que nous avons souhaité à l'occasion de l'examen des programmes de travail pour 2016 et 2017, la Commission se penche sur la régulation des grandes plateformes de l'économie numérique. Il convient de saluer les propositions de la Commission en la matière, d'autant qu'elles abordent également le volet fiscal.
L'Union doit s'orienter vers une taxation plus juste des GAFA, permettant de compenser la réduction du manque à gagner fiscal pour les États sur le territoire desquels ils exercent leur activité, sans fragiliser la poursuite du développement numérique - le risque est faible... L'Union doit également réfléchir aux modalités d'application de sa politique de la concurrence dans ce secteur.
Les questions environnementales et énergétiques ne sont pas oubliées, tant elles contribuent, selon la Commission, à la compétitivité de l'économie européenne. Il s'agira d'être vigilant sur l'économie circulaire, car les précédents projets de la Commission portaient atteinte au principe de subsidiarité et mésestimaient l'impact pour les collectivités territoriales. Dans le domaine énergétique, nous rappelons que toute intervention de l'Union européenne doit être traitée sans préjudice de la compétence reconnue à chaque État de déterminer le mix énergétique sur son territoire. Je me souviens d'une réunion avec M. Oettinger, quand il était en charge de l'énergie : il avait réussi à parler de l'avenir énergétique sans prononcer une seule fois le mot « nucléaire » !
S'agissant de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, la Commission a déjà présenté sa feuille de route. Nous la détaillons dans notre rapport. L'ensemble semble manquer un peu d'ambition, en particulier en ce qui concerne le Fonds monétaire européen : si certains trouvent que c'est déjà trop, il ne s'agit selon nous que d'une communautarisation du Mécanisme européen de stabilité, sans moyens nouveaux.
Dans le domaine social, la Commission entend traduire dans les faits le socle européen des droits sociaux qu'elle a contribué à faire adopter en novembre dernier. Deux textes devraient être présentés en mars permettant la création d'une autorité européenne du travail et la mise en place d'un numéro européen de sécurité sociale. Nous devons encourager une telle démarche en faveur de la lutte contre le dumping social. Pour être pleinement efficace, elle devra sans doute aboutir à la création d'une banque-carrefour de la sécurité sociale permettant aux services sociaux de mieux coopérer entre eux et d'être plus réactifs face aux cas de fraude transfrontalière.
S'agissant enfin de la place de l'Union européenne dans le monde, avec en filigrane les questions de sécurité et de migration, nous ne pouvons que saluer les propositions de la Commission sur l'interopérabilité des bases de données en matière de lutte contre le terrorisme. Il faut désormais aller plus loin sur le chiffrement sur internet. Concernant les migrations, au-delà du toilettage annoncé des textes en vigueur, c'est la gouvernance de l'espace Schengen, aujourd'hui peu lisible, qui doit être améliorée.
La Commission annonce enfin vouloir mettre au point de nouveaux accords avec le Japon, Singapour et le Viêtnam. Nous rappelons la position du Sénat sur la politique commerciale de l'Union européenne : elle doit concilier transparence et défense des intérêts européens, dans un cadre de réciprocité et d'affirmation d'une Europe-puissance.
M. Jean Bizet, président. - Cet exercice annuel est un peu convenu, mais malgré tout essentiel.
La Commission européenne a souhaité intégrer dans son programme de travail dix initiatives s'inscrivant dans une réflexion plus large sur l'avenir de l'Union européenne à l'horizon de 2025. Elles répondent pour partie aux observations contenues dans le livre blanc publié en mars 2017 par la Commission sur l'avenir de l'Union européenne.
Ce document envisage différents scenarii pour l'Union européenne après la sortie du Royaume-Uni, prévue le 30 mars 2019. La Commission souhaite ainsi préparer sa contribution politique au Conseil européen qui se réunira à Sibiu, en Roumanie, en mai 2019 et qui sera consacré à l'avenir de l'Union européenne. Souhaitant utiliser le « potentiel inexploité » des traités, elle ne propose pas de modification de ceux-ci. Sa réflexion est concentrée sur trois axes, qui ne sont pas nouveaux : une Union plus démocratique, une Union plus unie, une Union plus forte.
S'agissant du premier thème, la Commission souhaite engager une réflexion sur les institutions. Elle entend notamment aborder la question des listes transnationales aux élections européennes. Je vous rappelle que nous avons adopté en mars 2016 une position unanime très réservée sur ce sujet, en jugeant notamment que le dispositif ne garantissait pas une meilleure visibilité au scrutin européen.
La Commission entend également poser la question de la fusion des postes de président de la Commission et de président du Conseil. Je crois me souvenir que c'est Michel Barnier qui a le premier émis cette idée. Dans son rapport sur la refondation, notre groupe de suivi a émis des objections sur ce point, ciblant notamment l'équilibre des institutions : la Commission européenne serait-elle absorbée par le Conseil européen ou, à l'inverse, celui-ci serait-il mis de côté par la Commission ? Il paraît plus opportun de réfléchir au renforcement de la légitimité du président du Conseil européen. M. Tusk est certainement très compétent, mais sa visibilité n'est pas extraordinaire...
Le rôle des parlements nationaux n'est pas évoqué par la Commission. Nous ne pouvons que rappeler notre position de principe en faveur d'un véritable droit d'initiative des parlements nationaux - le carton vert - et d'une meilleure représentation de ceux-ci à l'échelle de l'Union. Le groupe de suivi proposait une réunion permanente, une sorte de COSAC renforcée. C'est une piste à creuser. Ceux qui fréquentent cette structure savent que des informations s'y échangent et que des propositions s'y concrétisent au fil du temps.
Le débat prévu le 21 février en séance sur l'accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie montre qu'il est essentiel de revenir vers les parlements nationaux, sans quoi l'on crispera les peuples, et même on les révoltera.
La Commission européenne souhaite enfin aborder la question de la subsidiarité. Nous sommes également favorables à une amélioration de la procédure de contrôle, permettant de réviser les délais d'examen et d'étendre le contrôle aux actes délégués et d'exécution, sur lesquels M. Sutour avait le premier attiré notre attention. Un renforcement du « carton orange » pourrait également être envisagé.
Je ne puis d'ailleurs que me réjouir que la conférence des présidents ait confié à notre commission un travail systématique de veille pour détecter les éventuelles surtranspositions.
Une réflexion sur les institutions de l'Union économique et monétaire devrait également être engagée. La Commission a présenté une feuille de route insuffisamment précise en la matière. La création d'un poste de ministre des finances de la zone laisse songeur, faute de définition de ses contours. Par ailleurs, aucune allusion n'est faite au rôle des parlements nationaux dans le cadre de la conférence de l'article 13.
La Commission européenne souhaite également rendre l'Europe plus unie, annonçant en filigrane une relance de l'élargissement, après la pause décidée en 2014. Pour nous, celle-ci fait encore sens : il s'agit aujourd'hui avant tout de consolider les fondations avant d'agrandir la maison et de prendre en compte la fatigue à l'égard de l'élargissement au sein de l'opinion publique européenne. Une attention toute particulière doit cependant être portée au développement et à la stabilité des Balkans occidentaux. Nous devons veiller à ne pas désespérer un certain nombre d'États qui frappent à la porte de l'Union, notamment la Serbie et le Monténégro, à partir desquels des déstabilisations sont possibles.
La Commission propose enfin plusieurs actions couvrant différents domaines en vue de renforcer l'Union européenne. Nous suivrons particulièrement les négociations budgétaires : le futur cadre financier pluriannuel doit refléter une vraie ambition en matière de cohésion et garantir un budget stable à la politique agricole commune. Avec le départ du Royaume-Uni et les nouvelles politiques à mettre en place, 25 milliards d'euros sont à trouver, avec une participation des États membres qui restera limitée en pourcentage du RNB européen... Ce qui pose la question des ressources propres, sur la base d'un rapport Monti que j'ai toujours trouvé décevant - je ne dis pas que c'était facile.
La force de l'Union passe également, pour la Commission, par une amélioration de l'efficacité de la prise de décision. Elle présentera ainsi plusieurs communications mettant en avant l'utilisation des « clauses passerelles », qui permettent le passage du vote à l'unanimité au vote à la majorité qualifiée dans les domaines de l'énergie et des affaires étrangères. Il conviendra d'être vigilant sur leur utilisation dans ces deux domaines.
À l'inverse, la mise en oeuvre d'une « clause passerelle » dans le domaine de la fiscalité doit également faire figure de priorité si l'Union européenne entend agir efficacement contre les distorsions de concurrence en son sein. Une absence de progrès en la matière signerait une forme d'inertie de l'Union.
Vous retrouverez la plupart de ces observations dans la proposition de résolution européenne que nous vous soumettons. Elle sera doublée d'un avis politique, qui en reprend les termes mais sera directement adressé à la Commission européenne.
M. Didier Marie. - Dont acte.
M. Claude Haut. - Je partage la très grande majorité des propositions que vous nous avez présentées. Vous comprendrez néanmoins que je m'abstienne, au nom du groupe La République en Marche : le point 25 s'éloigne nettement de la position exprimée par le Président de la République sur les listes transnationales pour les élections au Parlement européen.
M. Simon Sutour. - Habituellement, nous reprenons dans les propositions de résolution européenne les positions exprimées majoritairement par notre commission. La rédaction du point 25, qui reprend les termes de la résolution de mars 2016 de nos collègues Fabienne Keller et Jean-Yves Leconte sur la proposition de réforme de la loi électorale de l'Union européenne que le Parlement européen avait formulée, ne déroge pas à cette règle. Le Brexit, qui libère au Parlement européen les sièges des députés britanniques, nous permet d'avoir une appréciation concrète de cette question. Le Président de la République s'est effectivement prononcé en faveur de l'instauration de listes électorales transnationales. Nous partageons a contrario la position de nos collègues : un Parlement européen à 751 députés est déjà colossal. Dans la perspective de l'intégration de nouveaux États - je pense notamment à la Serbie et au Monténégro -, il nous semble préférable de répartir les sièges britanniques entre les pays membres.
M. Jean Bizet, président. - Notre proposition est cohérente avec les précédents travaux de notre commission sur ce sujet.
M. Claude Haut. - Et ma position s'accorde avec celle de mon parti.
M. Simon Sutour. - Il me semble pourtant avoir souvenir qu'en mars 2016, notre commission, dont vous étiez déjà membre, était unanime en la matière.
M. Claude Haut. - Les avis peuvent évoluer.
M. René Danesi. - J'apporte mon soutien à cette proposition de résolution, qui reflète parfaitement l'esprit de nos récents travaux. Permettez-moi néanmoins d'exprimer quelques remarques. Le point 21 évite fort raisonnablement de citer le terme de « relocalisations », véritable « chiffon rouge » pour certains États d'Europe centrale, qui n'ont pas au sujet des migrations la mauvaise conscience des anciennes puissances coloniales. Leur imposer des relocalisations aurait porté un risque de fracture de l'Union européenne.
Le point 22 relatif aux négociations commerciales affirme l'objectif d'une plus grande transparence. Comment ne pas s'en réjouir lorsqu'on se souvient de l'opacité des discussions avec les États-Unis sur le projet de traité transatlantique, projet heureusement abandonné depuis ? J'approuve également les termes de la proposition de résolution, qui, enfin, définit l'Europe comme une puissance commerciale centrée sur la défense de ses intérêts. Après avoir tant souffert des conséquences économiques de la désindustrialisation et d'une politique européenne semblant privilégier les intérêts de certaines multinationales, cette évolution vers, en somme et sans provocation, un principe « Europa first » représente un soulagement.
Je m'interroge, au point 28, sur le choix du terme « élargissement ». Le système, reconnaissons-le, ne fonctionne pas en l'état avec vingt-huit pays. L'unanimité est paralysante et le restera tant que le principe d'une Europe à deux ou trois vitesses, sur le modèle de cercles concentriques, ne sera pas approuvé. À défaut, il est vain d'envisager un nouvel élargissement. Personne, d'ailleurs, n'imagine plus une entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Quant aux pays balkaniques, pourquoi ne pas leur offrir ce que le chancelier Kohl avait jadis proposé à la Turquie : des accords économiques et commerciaux favorables à leur développement et à leur stabilité politique ? Cette solution me semble préférable à une intégration, qui donnerait à ces pays un droit de veto au sein de l'Union européenne. Certains de ces États présentent, en effet, d'inquiétantes difficultés : à titre d'illustration, les Albanais constituent la première minorité étrangère à comparaître devant des juridictions françaises, triste record qui explique le récent déplacement de Gérard Collomb à Tirana. Je ne crois nullement qu'une intégration permette à ces pays de résoudre leurs difficultés.
M. Pierre Ouzoulias. - J'ai pour ma part la conviction, généreuse voire utopique, qu'il faut, pour faire émerger une citoyenneté européenne, refonder l'Union européenne autour de valeurs partagées fondées sur les droits de l'Homme et, évidemment, ceux de la femme. Au nom de mon groupe, je m'abstiendrai sur la présente proposition de résolution.
Mme Colette Mélot. - Dans l'intérêt du développement économique et de la stabilité politique des Balkans, nous ne pouvons traiter différemment les pays de la région. Je considère à cet égard que de simples accords de développement avec la Serbie et le Monténégro, comme le propose notre collègue René Danesi, alors que la Croatie, par exemple, a pu entrer dans l'Union, seraient absolument insuffisants. Ces États ne comprendraient pas une telle mise à l'écart ! Leur intégration constituerait également un signal d'espoir pour la Bosnie, comme pour l'Albanie, et les inciterait à poursuivre leurs efforts.
M. Simon Sutour. - Les règles relatives à l'élargissement de l'Union européenne dans les Balkans, géographiquement au coeur de l'Europe, sont parfaitement établies pour les années à venir. D'abord, le président Juncker a indiqué qu'au cours des cinq années de son mandat à la tête de la Commission européenne, il n'y aurait aucune nouvelle adhésion. Ensuite, la position européenne s'agissant de l'intégration des pays des Balkans occidentaux repose sur des considérations historiques liées à la guerre civile qui a déchiré ses États : l'Union considère que leur adhésion sera favorable à leur stabilité politique, raison pour laquelle elle a accueilli d'abord la Slovénie, puis la Croatie, avant d'accepter la candidature du Monténégro et de la Serbie. Ces derniers réalisent des efforts considérables dans la perspective de leur intégration, qui a vocation à se réaliser ; l'Europe en a pris l'engagement. Enfin, et ce dernier point constitue une réponse à M. Danesi, s'il est exact que le système de décision européen patine quelque peu, cette difficulté est la conséquence, non pas du nombre de pays membres, mais de la règle extrêmement bloquante de l'unanimité. Un plus grand nombre de sujets doit pouvoir relever de la majorité qualifiée.
M. Jean Bizet, président. - Les pays balkaniques sont certes modestes par la taille, mais leur situation géopolitique les rend importants pour l'Union européenne. À l'instar de notre collègue René Danesi, je salue la politique initiée par le président Juncker en vue de donner à l'Europe une dimension économique ambitieuse. À l'heure où les États-Unis se replient sur leurs frontières, l'occasion est belle de pouvoir imposer au niveau mondial des normes européennes plutôt qu'américaines et de renforcer ainsi ce que l'on pourrait appeler notre « magistère moral ». Je note donc que deux groupes de notre commission s'abstiennent sur la présente proposition de résolution européenne.
M. André Gattolin. - Comme s'en est fait l'écho mon collègue Claude Haut, le groupe La République en Marche ne partage pas la position des rapporteurs sur le point 25. Je suis moi-même depuis fort longtemps favorable à l'instauration de listes électorales transnationales, avec une circonscription par État membre. Elles auraient l'avantage d'une meilleure cohérence de la politique européenne en évitant la nationalisation des votes au Parlement, où les groupes politiques sont en réalité partagés par des clivages nationaux. Ainsi, Joseph Daul, président du parti populaire européen (PPE) qualifie-t-il Viktor Orban, premier ministre hongrois, d'« enfant terrible », alors qu'ils appartiennent à la même famille politique. L'argument de la proximité avec les électeurs, utilisé par les détracteurs des listes transnationales, me semble illusoire : depuis que la France a été morcelée en huit circonscriptions en 2003, la participation aux élections européennes n'a jamais été si faible. Il doit revenir aux partis d'inscrire sur les listes des personnalités disposant d'une expertise sur l'Europe et investies sur leur territoire. En 1976, l'Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel prévoyait une circonscription nationale unique. Nous avons hélas dérogé à ce principe sous la pression de la Grande-Bretagne, qui estimait qu'il allait à l'encontre de ses règles constitutionnelles. Au final, le système est illisible pour qui n'en est pas spécialiste et, conséquence de ce manque de visibilité, les médias s'y intéressent peu. J'espère qu'à tout le moins le service public français consentira cette fois à diffuser le prochain débat entre les spitzenkandidaten à la présidence de la Commission européenne. Ne reproduisons pas le silence honteux de 2014 !
M. Simon Sutour. - Comme je l'indiquais précédemment à Claude Haut, notre commission, comme à son habitude, a repris sur la question des listes transnationales la position qu'elle avait adoptée sur proposition de Fabienne Keller et de Jean-Yves Leconte.
M. André Gattolin. - Je m'étais déjà, à l'époque, abstenu.
M. Simon Sutour. - J'ai pourtant souvenir que nous avions été unanimes. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que la légitimé de nos députés européens ressort de leur ancrage local, trop souvent insuffisant d'ailleurs. Je vous citerai, à titre d'illustration, une anecdote : lors d'une récente réunion à la représentation française auprès de l'Union européenne, un vice-président du Parlement européen, député français, ignorait qui j'étais. Or, il était élu dans ma circonscription... Cessons d'inscrire sur les listes européennes ceux qui n'ont pu se faire élire ailleurs ! Cette habitude des partis nuit grandement à la représentativité du Parlement européen pour nos concitoyens.
M. André Gattolin. - Au Sénat comme à l'Assemblée nationale, grâce à une communication transparente et au travail d'associations comme Regards citoyens, l'implication des parlementaires est connue du public. Exception faite du VoteWatch, circonscrit aux votes, l'activité des eurodéputés n'est en revanche pas disponible, ce qui peut la rendre douteuse.
M. Jean Bizet, président. - Au-delà du débat relatif au périmètre souhaitable des circonscriptions électorales, l'enjeu, pour les partis, doit être de favoriser l'élection d'experts de l'Europe, sur le modèle des eurodéputés allemands. Cessons de recycler au Parlement européen des battus de la scène nationale !
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté - MM. André Gattolin, Claude Haut et Pierre Ouzoulias s'abstenant - la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :
Institutions européennes - Initiative citoyenne européenne : proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Jean Bizet et Simon Sutour
M. Simon Sutour. - La Commission européenne a présenté, le 13 septembre dernier une proposition de règlement réformant l'Initiative citoyenne européenne (ICE), introduite par le traité de Lisbonne puis précisée, s'agissant de son cadre juridique, par un règlement de 2011. Le dispositif permet aux citoyens européens de proposer à la Commission une action dans un domaine relevant de ses attributions.
L'ICE doit être élaborée par un « groupe de citoyens » composé d'au moins sept citoyens en âge de voter aux élections européennes et résidant dans au moins sept États membres différents. Avant d'être diffusée, elle doit être préalablement enregistrée par la Commission européenne, qui juge alors sa recevabilité juridique. L'action proposée doit manifestement relever des attributions de la Commission ; elle ne doit pas être abusive, fantaisiste ou vexatoire, ni contraire aux valeurs de l'Union. L'ICE doit, en outre, pouvoir conduire la Commission à présenter une proposition d'acte juridique, conforme aux traités. L'étape de l'enregistrement préalable n'est pas anodine et deux projets d'ICE ont déjà suscité un débat à ce stade. À titre d'illustration, l'initiative « Stop Brexit », qui visait à remettre en cause la sortie annoncée du Royaume-Uni de l'Union européenne, a été rejetée par la Commission, le 22 mars dernier, car les conditions d'enregistrement n'étaient pas remplies. Une fois enregistrée, l'initiative doit être soutenue, dans les douze mois, par un million de citoyens issus d'au moins un quart des États membres, un nombre minimum de citoyens étant requis au sein de chaque pays. Tout citoyen européen en âge de voter aux élections européennes peut être signataire. Une fois ces seuils atteints, la Commission dispose d'un délai de trois mois pour répondre aux pétitionnaires et proposer, si elle le souhaite, une action. Le refus de donner suite à cette pétition doit être justifié.
Sur les quarante-sept ICE enregistrées depuis la mise en place du dispositif en 2012, seules quatre, remplissant tous les critères, ont donné lieu à un avis de la Commission européenne. Les trois premières concernaient la vivisection, les droits de l'embryon humain et l'accès à l'eau. Elles ont donné lieu, chacune, à une communication de la Commission européenne, qui n'y a pas donné suite. Le 6 octobre dernier, l'initiative proposant une interdiction du glyphosate et des pesticides toxiques a également rempli les conditions d'enregistrement, ouvrant ainsi le délai de réponse de la Commission.
Dans un rapport présenté en 2015, la Commission européenne a fait valoir la nécessité d'améliorer la procédure, en ciblant principalement le système de collecte des signatures en ligne et les exigences en matière de données pour les signataires. Le Parlement européen, a, pour sa part, jugé l'ensemble du dispositif complexe. Nous ne pouvons que partager ce constat. Les propositions de la Commission visent avant tout à rendre plus accessible et plus transparent le recours à l'ICE : elle doit permettre de participer au rapprochement entre citoyens et institutions de l'Union européenne. Si nous appuyons cette ambition, deux aménagements proposés par la Commission soulèvent des interrogations.
Le premier concerne l'obligation d'information et d'assistance, assignée à la Commission et aux États membres. La Commission devra ainsi fournir des informations et une assistance aux citoyens et aux organisateurs d'une ICE, mettre à disposition une plateforme collaborative en ligne, la traduction du contenu de l'initiative et installer un système d'échange de fichiers pour assurer le transfert de déclarations de soutien. Les États membres seront tenus, de leur côté, de mettre en place un ou plusieurs points de contact en vue d'informer et d'assister les organisateurs, alors que le règlement de 2011 les place sous la responsabilité de la Commission. Nous doutons à cet égard que les États membres soient plus à même de jouer ce rôle.
M. Jean Bizet, président. - Notre seconde et principale objection tient à la fixation à seize ans de l'âge minimal pour pouvoir être signataire d'une ICE, qui constitue, par essence, un premier acte citoyen au niveau européen. La citoyenneté européenne a été introduite par le Traité de Maastricht, aux termes duquel les citoyens de l'Union disposent du « droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen, ainsi qu'aux élections municipales dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ». L'abaissement de l'âge minimal pour être signataire d'une ICE conduit, de fait, à le distinguer, dans une très large majorité des États membres, de celui retenu pour voter aux élections européennes. En effet, aujourd'hui, seule l'Autriche a retenu l'âge de seize ans pour pouvoir participer au scrutin. En Allemagne, le droit de vote à seize ans a été introduit dans certains Länder pour les élections régionales et locales. Une telle option peut donc constituer une première atteinte à la définition par chaque État membre de la majorité électorale. Elle remet en cause l'équilibre trouvé dans les traités concernant l'articulation entre citoyenneté nationale et citoyenneté européenne. Il convient de rappeler que le Parlement européen est favorable à la fixation à seize ans de l'âge requis pour voter aux élections européennes, mais n'a toutefois pas retenu cette option dans une résolution adoptée en 2015 sur la réforme de la loi électorale. L'initiative de la Commission semble dans ces conditions peu pertinente.
Le choix d'abaisser l'âge minimal pour la signature d'une ICE apparaît d'autant plus étonnant que les jeunes européens ne considèrent pas cette procédure comme le moyen le plus efficace de participer à la vie de l'Union européenne. L'enquête Eurobaromètre sur la jeunesse européenne, commandée en 2016 par le Parlement européen, indique ainsi que seuls 17 % des jeunes européens âgés de seize à trente ans jugent que l'ICE constitue le « meilleur moyen de participer efficacement à la vie publique » au sein de l'Union européenne. Ils privilégient à 51 % le vote aux élections européennes. Il y a donc lieu de s'interroger sur l'opportunité d'une mesure destinée à accroître l'utilisation par les plus jeunes d'un dispositif qu'ils ne considèrent pas efficace.
Dans ces conditions, peut-on considérer que l'ICE rénovée garantira une meilleure association des citoyens à la procédure législative européenne ? Le dispositif peut, en effet, susciter un certain scepticisme à la lecture des intitulés des textes ayant donné lieu à une réponse de la Commission, qui relèvent plus de l'incantation que de la proposition législative. Selon le sondage Eurobaromètre, deux solutions apparaissent évidentes si l'on entend, comme la Commission le souhaite, oeuvrer pleinement au rapprochement entre citoyens européens et institutions de l'Union : utiliser le biais du Parlement européen et renforcer l'interaction avec les citoyens sur les projets législatifs en cours d'adoption. S'agissant du Parlement européen, la priorité réside dans le renforcement de sa légitimité démocratique. Une réforme de sa composition apparaît à ce titre indispensable, afin de mieux garantir sa représentativité en prenant mieux en compte le critère démographique. Il convient de rappeler que le suffrage d'un État membre à faible population est presque douze fois supérieur à celui d'un État membre très peuplé. En ce qui concerne l'association des citoyens au processus d'adoption des textes, des efforts ont déjà été accomplis depuis 2002.
Au-delà de ces deux axes, il apparaît indispensable de renforcer l'association des parlements nationaux, qui incarnent l'expression des citoyens des États membres, au processus législatif européen, en créant un véritable droit d'initiative ou « carton vert », qui leur confère la possibilité de proposer des actions à mener par l'Union européenne ou d'amender la législation existante. Dans cette perspective, notre commission a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit. Elle sera doublée d'un avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé directement à la Commission européenne.
M. Didier Marie. - Je partage la circonspection de nos rapporteurs sur les deux points précités, ainsi, globalement que leur analyse de l'ICE : l'intention, qui vise à rapprocher l'Union européenne des citoyens, est louable, mais la mise en oeuvre du dispositif s'avère technocratique et complexe. Vous l'avez rappelé, seules quatre ICE sur quarante-sept ont été jugées examinables par la Commission européenne et aucune n'a encore abouti. Je m'interroge également sur la fixation à seize ans de l'âge ouvrant droit de participation à une ICE, alors que la majorité électorale varie d'un État membre à l'autre. Cette démarche tend indirectement à inciter à l'harmonisation d'une mesure, qui ressort de la liberté de chaque État. Enfin, je souscris à votre proposition tendant à mieux associer les parlements nationaux. Le renforcement du lien entre les citoyens et les institutions européennes ne pourra faire l'économie d'une réflexion en matière d'information et de pédagogie, dans laquelle il me semble que les réseaux sociaux devront jouer un rôle stratégique. Il nécessitera également l'approfondissement de certaines initiatives ; je pense notamment aux échanges universitaires par Erasmus, qui rendent effective auprès des jeunes la citoyenneté européenne. S'agissant du Parlement européen, je ne suis pas non plus convaincu de l'intérêt d'instaurer des listes électorales transnationales pour les élections des eurodéputés ; je crains un éloignement dommageable des élus et des citoyens.
M. André Gattolin. - En 2013, j'ai présenté un rapport sur la citoyenneté européenne devant cette commission. Il relevait les insuffisances de l'ICE. J'avais, à cette occasion, rencontré l'eurodéputé Gerald Häfner, qui fut l'un des rapporteurs du règlement de 2011 visant à rendre le dispositif de l'ICE opérationnel. En réalité, la faute incombe aux États, qui pour certains ont considérablement complexifié la procédure : en France, par exemple, le taux de participation aux ICE est trente fois inférieur à celui enregistré dans d'autres États membres. Pour autant, le dispositif, s'il demeure consultatif, n'est pas absolument inutile. À titre d'illustration, Michel Barnier, alors commissaire européen au marché intérieur et aux services, a retiré l'eau et l'assainissement du champ d'application de la directive « Concessions » en tenant compte d'une ICE sur cette question. D'ailleurs, si le droit de pétition est régulièrement utilisé en France, peut-on considérer, au regard des suites qui lui sont apportées, que la procédure fasse montre d'efficacité ? N'opposons donc pas, mes chers collègues, l'expression des citoyens, des gouvernements, des parlements nationaux et des institutions européennes ! Ils ne sont pas concurrents, mais complémentaires.
Ne confondons pas non plus le seuil de seize ans proposé par la Commission européenne pour la participation à une ICE et la majorité électorale fixée par chaque État membre. La citoyenneté européenne ne doit pas être définie par l'appartenance à une citoyenneté nationale dont l'âge varie. Pour lui donner de la valeur, encore faudrait-il ne pas la brader ! J'ai récemment rencontré les trois fils de Daphne Caruana Galizia, la journaliste maltaise assassinée il y a quelques mois dans des circonstances troublantes, qui m'ont raconté qu'il y a encore peu de temps, Malte vendait aux enchères, pour quelques centaines de milliers d'euros, passeport et citoyenneté européenne. Je ne crois donc nullement qu'offrir la possibilité à un jeune de seize ans de participer à une ICE pose la moindre difficulté : il s'agit seulement de lui permettre d'exprimer un avis, d'autant que, compte tenu des délais de procédure, il est fort probable qu'il ait atteint la majorité lorsqu'interviendront, le cas échéant, les auditions par la Commission européenne. La proposition de réforme de l'ICE vise en réalité, et c'est heureux, à donner une cohérence au dispositif, afin d'en améliorer l'efficacité.
M. Philippe Bonnecarrère. - La rédaction de la proposition de résolution que vous nous avez présentée me satisfait. Je partage votre analyse sur la nécessaire amélioration de la légitimité démocratique de l'Union européenne et approuve votre proposition relative à la création d'un droit d'initiative au bénéfice des parlements nationaux. Ce dispositif constituerait le pendant positif, un « carton vert » plus qu'un « carton orange », à la procédure de véto des parlements nationaux prévue par le paquet dit Tusk en réponse aux demandes britanniques faisant suite au référendum sur le Brexit. Sur l'ICE, j'entends certes les arguments de M. Gattolin, mais j'ai de sérieuses interrogations sur les effets de seuil en matière d'âge. Si je n'ai guère d'illusion sur l'efficacité du dispositif, il n'en demeure pas moins nécessaire de le renforcer. En effet, un mouvement puissant en faveur d'une démocratie participative, complémentaire, il me semble, de la démocratie représentative, est à l'oeuvre dans notre société avec, par exemple, l'émergence des « civi tech », les technologies adaptées à la citoyenneté. Cette aspiration doit à la fois être respectée, canalisée et intégrée dans nos fonctionnements démocratiques. Je conclus sur une remarque : le Président de la République a annoncé vouloir transformer le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en « chambre du futur » ; il aurait été à mon sens judicieux que l'Assemblée nationale et le Sénat, dans un souci de modernisation, modifient leur règlement pour prendre plus efficacement en compte le droit de pétition.
M. René Danesi. - Je souscris moi aussi aux propositions de nos rapporteurs. Les chiffres qu'ils ont évoqués montrent le côté un peu « gadget » des ICE : malgré un nombre élevé de signatures, les résultats sont nuls. Au lieu de réfléchir aux raisons de cet échec, la Commission européenne propose, avec un abaissement de l'âge légal de participation, un piètre dérivatif, qui fait la part belle au jeunisme tant à la mode. Or, mes chers collègues, les jeunes ne votent que trop peu ! Souvenez-vous du référendum sur le Brexit : les jeunes, majoritairement favorables au maintien de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne, ne se sont guère déplacés. Ils ont ensuite contesté le résultat, approuvant une ICE demandant l'arrêt du Brexit. Il est souvent plus facile d'appuyer sur le bouton « like » sur un réseau social que de se déplacer et de se retrouver face à sa conscience dans un isoloir. Je ne suis donc pas convaincu que l'abaissement à seize ans de l'âge légal de participation renforce d'une quelconque manière l'efficacité de l'ICE. Si la Commission européenne parvient à faire aboutir son projet, il est à craindre, en outre, que dans les États membres, des minorités agissantes exigent l'abaissement du droit de vote à seize ans. Que nous apprend pourtant l'exemple de l'Autriche, qui a adopté une telle mesure ? Les plus jeunes électeurs, par manque d'expérience et de réflexion, y ont massivement voté pour l'extrême droite. Vous l'aurez compris, je suis plus que réservé sur toute disposition qui tend à éloigner nos institutions des principes d'une démocratie classique, exercée à un âge raisonnable, au profit d'une démocratie citoyenne. L'adjectif « citoyen » est d'ailleurs utilisé à tort et à travers, et surtout pour s'opposer. Si certaines procédures européennes doivent être démocratisées, je considère que les parlements nationaux disposent pour ce faire d'une légitimité établie et réfléchie.
Mme Colette Mélot. - Tout en partageant l'esprit de la présente proposition de résolution, j'estime que la jeunesse doit être préparée, en milieu scolaire comme ailleurs, à l'exercice de la citoyenneté. Certes, il n'est pas forcément utile d'abaisser à seize ans l'âge légal de participation à une ICE alors que la majorité électorale est fixée à dix-huit ans, mais je ne suis pas opposée à ce principe. En revanche, notre collègue René Danesi a raison lorsqu'il dénonce l'abstentionnisme des jeunes générations aux élections.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté à l'unanimité la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :
M. Jean Bizet, président. - Je retiens particulièrement de notre débat les propos de notre collègue Philippe Bonnecarrère sur le respect et la normalisation que nous devons apporter au mouvement « civi tech ».
Pour conclure, mes chers collègues, je vous propose de nommer, en accord avec la commission des lois, Jacques Bigot et Sophie Joissains au groupe de contrôle parlementaire Europol.
Questions diverses
M. Jean Bizet, président. - Je souhaite vous communiquer trois informations importantes.
La Conférence des présidents hier soir a élargi les compétences de notre commission : nous serons désormais chargés d'un travail de veille systématique sur les surtranspositions éventuelles. Cette mission nous est confiée à titre expérimental pour une durée d'un an...
M. Simon Sutour. - On nous met à l'épreuve !
M. Jean Bizet, président. - ...mais je ne suis pas inquiet quant à sa pérennisation, d'autant que la mesure a reçu l'aval de tous les présidents de commission.
Par ailleurs, Christine Herzog, sénatrice de la Moselle, a démissionné de notre commission. Elle est remplacée par Claudine Kauffmann, sénatrice du Var.
Enfin, la Conférence des présidents a inscrit à l'ordre du jour du mercredi 21 février l'examen de la proposition de résolution européenne sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, la Nouvelle-Zélande, d'autre part. Notre commission, qui est à l'origine de ce texte, s'en saisira également pour avis.
Ce débat sera d'autant plus important que les propositions de la Commission européenne sur l'accord de libre-échange avec le Mercosur comprennent, notamment dans certaines filières, des ouvertures qui provoqueront quelques turbulences. En Conférence des présidents, il a été clairement rappelé l'intérêt de travailler très en amont sur ces questions.
M. Simon Sutour. - J'ai donc eu raison d'insister pour présenter une communication sur cette question...
M. Jean Bizet, président. - Absolument, mon cher collègue !
Je vous propose, en conséquence, de désigner nos deux rapporteurs à l'origine de cette proposition, Pascal Allizard et Didier Marie, pour nous représenter en séance publique.
Nous devons également nommer les cinq membres de notre commission qui participeront au groupe de suivi sur la politique de cohésion, que nous mettons en place avec la commission des finances et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
D'après les indications que m'ont données les groupes politiques, il s'agira de M M. Jean-François Rapin et André Reichardt pour le groupe Les Républicains, M. Jean-Marie Mizzon pour le groupe Union centriste, Mme Laurence Harribey pour le groupe Socialiste et républicain, et M. Georges Patient pour le groupe La République En Marche.
Pour ce qui est du travail sur les doubles standards en matière alimentaire, nous pourrions désigner nos collègues Yannick Botrel et Michel Raison. Ce travail permettra de remettre en lumière les structures existantes en matière de surveillance des crises alimentaires.
Je vous propose par ailleurs, en accord avec la commission des lois, de désigner pour nous représenter au sein du groupe de contrôle parlementaire d'Europol, M. Jacques Bigot et Mme Sophie Joissains.
M. André Reichardt. - Monsieur le président, êtes-vous intervenu auprès de la commission des affaires étrangères, comme je l'ai demandé lors de notre précédente réunion, sur la politique de la Turquie à l'égard des Kurdes ? Le problème ne fait que s'aggraver : on parle même maintenant d'une invasion turque dans le nord de la Syrie...
M. Jean Bizet, président. - La question lui a été posée, mais nous n'avons pas encore reçu de réponse définitive. La commission des affaires étrangères doit avoir des auditions sur le sujet à la mi-février. Rien n'empêche que nous tenions des auditions communes, mais c'est elle qui est en première ligne.
M. Simon Sutour. - Dans la mesure où la Turquie est un pays candidat à l'entrée dans l'Union européenne, j'estime que nous sommes tout autant en première ligne. Il ne faudrait pas attendre qu'il y ait des milliers de morts et que le nord de la Syrie soit occupé pour entendre l'ambassadeur ! Je sais que certains défendent la Turquie quoi qu'elle fasse, mais il y a un problème par rapport aux standards fondamentaux de l'Union européenne. Il est urgent de faire passer un message à travers l'ambassadeur !
M. Jean Bizet, président. - Je reprendrai l'attache du président de la commission des affaires étrangères.
La réunion est close à 10 h 40.