Mardi 25 juillet 2017
- Présidence de M. Jean Claude Lenoir, président -La réunion est ouverte à 16 heures.
Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances
La commission procède à l'audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances.
M. Jean Claude Lenoir, président. - Je suis heureux de recevoir, pour la première fois en sa qualité de ministre de l'économie et des finances, mon compatriote normand Bruno Le Maire. Il sera question, monsieur le ministre, de compétitivité et de croissance, de l'accent que vous mettez sur la recherche et l'innovation, des outils pour accompagner les PME et les très petites entreprises. Vous nous parlerez également de la filière nucléaire, sujet auquel nous prêtons la plus grande attention : vous nous direz où en sont la recapitalisation et la gouvernance d'Areva et d'EDF. S'agissant du secteur automobile, vous nous parlerez du dossier GM&S, dans lequel vous êtes fortement impliqué. Bien d'autres sujets mériteront également d'être abordés, comme celui de l'industrie pétrolière et de la pétrochimie, et c'est pourquoi, sachant que le temps nous est compté, je ne m'étendrai pas davantage.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. - Je vous remercie de votre accueil et veux dire à Jean-Claude Lenoir que je n'oublie pas le rôle décisif qu'il a joué il y a quelques années lors d'une opération que nous avons menée autour de Gaz de France. Je veux saluer ici son efficacité dans ce travail conjoint qui peut servir de modèle pour les décisions futures que nous avons à prendre.
Un mot, pour commencer, sur la situation économique dans laquelle nous nous trouvons. Des signaux positifs, on le sait, se font sentir : le retour de la croissance dans la zone euro, le niveau de la croissance mondiale, l'indicateur de confiance des entrepreneurs, positif dans beaucoup de secteurs, comme le bâtiment ou les services. Les vents semblent donc légèrement plus favorables - je pèse mes mots, car nous sommes encore loin d'avoir renoué avec une croissance forte et puissante.
Nous avons aussi à faire face à cette réalité plus structurelle qu'est la révolution des technologies. Je pense à l'irruption des données numériques, à l'intelligence artificielle, qui vont bouleverser un certain nombre de secteurs industriels, de services, et de conceptions même du travail. Ce bouleversement appelle à une réflexion sur notre modèle économique mais aussi en matière d'éducation, de formation, d'apprentissage, d'alternance, de conception de la vie professionnelle. Je crois, pour ma part, que cette révolution technologique est une chance considérable pour la France.
Nous nous trouvons, enfin, dans un environnement commercial tendu. Les relations entre les grandes puissances, notamment les Etats-Unis et la Chine, sur la question de l'acier, sont extraordinairement dures, avec les risques de conflit économique que cela comporte, non seulement entre ces deux puissances mais aussi avec l'Union européenne. J'ai pu le constater il y a quelques jours encore, au G20. Ces tensions, sur l'acier, sur l'accès aux marchés publics, peuvent conduire à des guerres commerciales et affecter la croissance.
Dans ce contexte, comment se situe la France ? Bien du point de vue du potentiel, mal du point de vue de la réalisation. En termes de technologie, de tissu industriel, de formation, de savoir-faire, d'intelligence et de compétitivité de nos salariés, nous disposons d'atouts exceptionnels, mais nous évoluons dans un modèle économique et social dépassé, dont témoignent les chiffres que vous connaissez : le niveau de dépense publique est en France le plus élevé de tous les pays européens, à 56,2 % du PIB, contre 46 % en moyenne dans les autres Etats européens ; nos prélèvements obligatoires sont parmi les plus élevés de l'Union européenne, à 44 %, contre 40 % en moyenne, alors même que nos performances économiques sont moins bonnes que celles des autres Etats européens - croissance plus faible, chômage plus fort. J'invite tous ceux qui disent que la dépense publique est la solution à considérer ces résultats. Si tel était le cas, vu notre niveau de dépense, nous devrions avoir le taux de chômage le plus faible et le niveau de croissance le plus élevé ; or, c'est le contraire. À tous ceux qui critiquent nos décisions, sur les APL, les aides personnalisées au logement, sur le budget de la Défense, je pose la question : où réduire la dépense publique ? Ce ne sont jamais des choix faciles, car il y a toujours une bonne raison de dépenser davantage d'argent public. Bien sûr que l'on aimerait augmenter les retraites des plus modestes, donner plus d'APL aux étudiants, rembourser mieux les soins, soutenir l'investissement des collectivités territoriales, doter nos armées d'équipements flambant neuf, recruter plus de policiers, d'enseignants... Mais à ce compte, chaque dépense se justifie, on reste sur la même ligne, et nous sombrons.
Le choix que nous avons fait avec le Premier ministre, avec le Président de la République est un choix totalement différent, et nous l'assumons. C'est celui d'une transformation en profondeur du modèle économique et du modèle social français.
Cette transformation passe d'abord par des réformes de structure. Priorité a ainsi été donnée à la refondation du marché du travail, et je salue ici l'action exceptionnelle de Muriel Pénicaud. Le projet de loi d'habilitation qu'elle porte s'appuie sur quatre volets : nouvelle articulation des accords d'entreprise et de branche, simplification du dialogue social, sécurisation des relations de travail, notamment en matière de licenciement, plafonnement des indemnités prud'homales. Cette transformation du code du travail n'est que la première des transformations que nous porterons, avec le Premier ministre, à compter de la fin de cette année : la modernisation de l'assurance chômage, la modernisation et la simplification des régimes de retraite, la transformation du système de formation professionnelle, celle de notre système de construction et d'aide au logement, qu'a annoncée ce matin Jacques Mézard. Si nous voulons que la France exploite à plein les qualités dont elle dispose, il faut opérer ces transformations structurelles. Comme ministre de l'économie et des finances, je suis le gardien de cet engagement, au nom des orientations fixées par le Président de la République. L'autre volet important de ces transformations réside dans le soutien aux entrepreneurs et à l'innovation - j'y reviendrai.
Deuxième grand chantier, la fiscalité. Transformer notre modèle économique, c'est aussi transformer notre système fiscal, avec un objectif stratégique, baisser les impôts d'un point sur cinq ans, tant pour les ménages que pour les entreprises. Au profit de ceux qui travaillent, nous faisons un choix tout simple : le travail doit payer. C'est pourquoi nous avons décidé de supprimer toutes les cotisations salariales sur l'assurance chômage et sur l'assurance maladie, en finançant la mesure - et nous l'assumons - par une augmentation de 1,7 point de CSG au 1er janvier 2018. Le soutien aux ménages, c'est aussi la suppression progressive de la taxe d'habitation - qui, je n'en doute pas, fait ici débat - pour 80 % des ménages. Nous la réaliserons en trois tranches, la première débutant au 1er janvier 2018.
Les entreprises aussi doivent bénéficier de cet allègement de la fiscalité, car par rapport aux entreprises européennes, en particulier allemandes, notre niveau de fiscalité est trop lourd et trop complexe. Nous entendons donc ramener l'impôt sur les sociétés à 25 %, contre 33 % actuellement, sur l'ensemble du quinquennat. C'est une transformation majeure de notre système fiscal pour les entreprises. Alléger, c'est aussi transformer le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, en allègement de charges direct, afin de simplifier le dispositif au bénéfice des PME et des TPE. Nous le ferons à partir de 2019. Soutenir les entreprises et l'investissement, c'est supprimer l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune), et nous l'assumons. En supprimant la part qui porte sur les valeurs mobilières, pour ne le faire plus porter que sur les valeurs immobilières, nous en supprimons les trois quarts. Nous ne le faisons pas pour faire plaisir « aux riches », comme j'entends dire ici ou là ; nous le faisons parce que c'est ce qui permettra de financer l'investissement, de soutenir le risque, l'audace, le placement dans des valeurs mobilières plutôt qu'immobilières, pour financer notre économie. Il n'y a là aucun cadeau, mais un choix politique, celui de soutenir les entrepreneurs, le risque, ce qui créera de la richesse pour les Français. La simplification, enfin, passera par la mise en place d'un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital en lieu et place de la myriade des dispositifs actuels, complexes et illisibles. C'est un facteur d'attractivité pour notre économie.
Le troisième grand chantier est celui de l'innovation. Une économie qui réussit, c'est une économie qui innove vite, qui innove bien, qui innove fort. Vous le voyez tous dans vos territoires. Ce peut être dans l'agriculture de précision, comme nous l'avons vu avec Sophie Primas dans les Yvelines ; ce peut être avec la viticulture nouvelle et la biodynamique ; ce peut être dans l'industrie de pointe, dans les nanotechnologies, dans la robotisation et la numérisation, comme on le voit pour le décolletage dans la vallée de l'Arve. Nous maintiendrons donc le crédit d'impôt recherche, le CIR, qui a fait ses preuves : aucune raison de le modifier, sans compter qu'un peu de stabilité ne nuira pas à notre système fiscal. Nous mettrons en place un fond de 10 milliards d'euros pour l'innovation de rupture, qui sera financé à compter de septembre prochain par la cession d'actifs de l'Etat dans des entreprises du secteur concurrentiel. Et là aussi, j'assume totalement ce choix. Plutôt qu'avoir de l'argent de l'Etat placé dans des entreprises pour rapporter des dividendes qui sont reversés au budget et alimentent la dépense publique, nous préférons investir sur l'innovation de rupture.
Car quel doit être le rôle de l'Etat dans l'économie ? Son rôle, ce n'est pas de gérer des entreprises à la place des entrepreneurs. L'Etat a d'abord un rôle de régulation ; c'est lui qui fixe les règles, le cap. Cela vaut à l'échelle locale, nationale et internationale. Nous nous battrons donc, au niveau national, pour lutter contre la fraude fiscale et faire en sorte que chacun respecte les règles de notre économie de marché. Nous le ferons aussi à l'échelle européenne. Gérald Darmanin a annoncé ce matin que nous ouvrions la porte à un accord avec Google, pour parvenir, sur une base transactionnelle, à un règlement du contentieux qui nous oppose à cette grande entreprise. Ce que je souhaite, comme ministre de l'économie et des finances, c'est que les GAFA, les grandes entreprises du numérique que sont Google, Amazon, Facebook, Apple, payent aux Etats les impôts qu'elles leur doivent. On ne peut pas admettre que de grandes entreprises de taille mondiale, qui utilisent des millions de clients en Europe, ne payent pas d'impôts aux Etats européens ; que ces grandes entreprises, qui utilisent les données de millions de consommateurs français, payent des sommes dérisoires au Trésor public français. Ces entreprises sont les bienvenues en Europe, pour y commercer, mais elles doivent être taxées à hauteur du chiffre d'affaires qu'elles réalisent dans les pays européens. A compter du prochain conseil des ministres européens de Tallinn, mi-septembre, nous porterons, avec nos amis allemands, une nouvelle proposition, pour obtenir la taxation des GAFA à hauteur du chiffre d'affaires qu'ils réalisent sur le territoire européen. La notion d'établissement stable, qui sert aujourd'hui de référence à la taxation, ne fonctionne pas correctement. Nous continuerons d'appuyer les initiatives engagées au niveau de l'Europe et de l'OCDE, mais je pense qu'il faut aller plus vite, et reprendre la main, car pas un citoyen, pas un chef d'entreprise ne peut comprendre qu'il ait à payer ses impôts à un niveau aussi élevé tandis que les géants du numérique, dont le chiffre d'affaires s'élève à des centaines de milliards d'euros ne payent pas, en France ni en Europe, les sommes qui sont dues.
Le rôle de l'Etat, c'est également de rester présent dans des secteurs stratégiques et de veiller à la défense des intérêts stratégiques de notre nation - je pense au nucléaire, à l'énergie, à la Défense, à tous les secteurs vitaux pour notre économie. Il a vocation à empêcher les investissements offensifs sur des activités stratégiques, quel que soit le secteur d'activité. Nous garantirons la protection de nos intérêts économiques stratégiques face aux investisseurs prédateurs qui ne sont pas là pour développer notre économie mais pour récupérer une mise financière au détriment de l'emploi et de la croissance en France.
Enfin, le rôle de l'Etat est aussi d'être attentif aux plus faibles. Il n'y a pas d'un côté la France qui réussit et de l'autre la France qui échoue. Il y a une seule France. Il n'y a pas d'un côté des Français engagés dans la mondialisation, ouverts sur la numérisation de la société, bien formés, qui ont des emplois et, de l'autre, des Français qui seraient voués au chômage de longue durée, dépourvus des qualifications nécessaires, dans des territoires abandonnés de la République. Il y a un seul peuple français et tout le peuple français doit bénéficier du retour de la croissance et de la transformation économique. C'est pour cela que, avec Benjamin Griveaux, nous nous battons autant pour GM&S, quand certains, parfois, nous disent que nous devrions laisser tomber, jugeant qu'une usine d'emboutissage dans la Creuse est sans avenir. Je suis allé à La Souterraine : j'ai rencontré les ouvriers qui, à la cinquantaine, ont consacré trente années de leur vie à cette usine, j'ai pu voir que les machines sont en bon état de marche. Aller leur dire que pour eux c'est fini ? C'est trop facile. Je me battrai jusqu'au bout, avec toute l'énergie nécessaire, pour que l'entreprise GM&S continue à se développer dans les années qui viennent. C'est dur, je n'ai aucune garantie de résultat, je ne puis vous dire aujourd'hui si l'entreprise restera ouverte, si les salariés feront ce choix ; il y a beaucoup d'obstacles sur le chemin, mais je puis vous garantir qu'avec Benjamin Griveaux, avec le Premier ministre, avec le Président de la République, nous mettrons toute l'énergie nécessaire pour affirmer que l'industrie, dans les territoires, ce n'est pas fini. La désindustrialisation commence au jour où l'on baisse les bras. Nous, nous ne baissons pas les bras.
Vous qui êtes les représentants des territoires, vous savez que cette bataille pour le maintien de l'industrie dans les territoires, pour la numérisation des territoires ruraux, pour le soutien au commerce et à l'artisanat, auxquels je suis tant attaché, sont des batailles difficiles. Mais il faut les livrer. Il serait trop facile au ministre de l'économie de n'investir son énergie que dans les hautes technologies, les start up, l'économie innovante, ouverte sur le monde et qui marche bien. Il y a aussi des secteurs en difficulté, du commerce, de l'artisanat, de l'industrie qui souffrent et le rôle du ministre de l'économie est de permettre à ces activités de réussir aussi bien que les autres.
Telles sont les grandes orientations qui sont les miennes.
Mme Élisabeth Lamure. - Vous avez dit d'emblée, monsieur le ministre, vouloir transformer notre modèle économique. Et si vous commenciez par la simplification, au bénéfice de l'économie, des collectivités territoriales, de l'ensemble des citoyens ? Lorsque nous rencontrons les entreprises sur le terrain, c'est la préoccupation qui domine. Au poids du fardeau administratif et normatif s'ajoutent l'instabilité des règles, les tracasseries administratives, les contrôles, qui freinent leur développement. Le Conseil de la simplification pour les entreprises, qui a, trois ans durant, dépensé beaucoup d'énergie, a pris un certain nombre de mesures utiles, mais ses membres estiment qu'ils ont manqué d'un accompagnement de l'administration lorsqu'ils avançaient des propositions audacieuses. Ce Conseil va-t-il être reconduit ? Modifié ? Pensez-vous mettre en place une vraie politique de la simplification dont pourraient se saisir les ministères dans leur ensemble ? Ce serait un grand service à rendre aux entreprises, au bénéfice de la croissance et de l'emploi.
M. Yannick Vaugrenard. - Je réagirai à votre propos, qui se situe dans le prolongement du programme du candidat Emmanuel Macron, par quelques questions circonscrites.
L'Etat, dans le cadre de la logique des participations publiques, doit se définir, dites-vous, comme stratège. Emmanuel Macron, lorsqu'il était ministre de l'économie, avait défendu l'idée du vote double. Reste-t-elle d'actualité ?
La vente d'actions de l'Etat ne comporte-t-elle pas un risque ? On peut comprendre qu'il soit utile de vendre des actions publiques pour réduire le déficit de la nation, mais les dividendes rapportent près de quatre milliards d'euros par an, ils ont rapporté plus de quarante milliards entre 2006 et 2015. Quid, à court terme, des recettes du budget de l'Etat ? A vendre les bijoux de famille, ne risque-t-on pas de faire souffrir la vie de famille ? Qu'est-ce qu'un Etat dépourvu de ressources ?
Vous avez accompagné à Saint-Nazaire, pour le lancement du Meraviglia, le Président de la République, qui a annoncé qu'il fallait revoir la prise de participation de l'Etat dans le cadre de la vente de STX à Fincantieri. Sachant que la participation de l'Etat est d'un tiers, et que DCNS, devenue Naval Group, est entrée dans le capital, il reste quelque 10 % à répartir, soit entre les salariés, via un pôle d'entreprise régional, soit même avec un acheteur de paquebots. Où en est-on ? Je sais que la décision devrait être prise dans le courant de cette semaine. Vous mesurez certainement l'inquiétude des salariés, et de la région pour son économie. Comment s'assurer de la maîtrise de ce que l'on peut considérer comme une pépite industrielle, tant au plan européen que mondial ?
M. Joël Labbé. - On parle beaucoup du verrou de Bercy - et j'espère que l'Assemblée nationale aura la sagesse du Sénat, qui entend le faire sauter. Mais je veux vous parler d'un autre verrou : l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, chargée des autorisations de mise sur le marché des produits pesticides, a pris deux ans de retard, non seulement sur les autorisations classiques mais aussi sur une liste de 700 préparations naturelles peu préoccupantes et de produits de biocontrôle. Le fait est que le nombre d'emplois à l'Anses est plafonné. J'ai posé la question au ministère de l'écologie, au ministère de l'agriculture, qui me renvoient à Bercy. Je vous pose donc la question, monsieur le ministre.
Après l'annonce d'une économie de 13 milliards à supporter par les collectivités territoriales, vous devez déjà entendre les bruits qui montent de nos campagnes, de nos villes, de nos quartiers. A quoi s'ajoute l'inquiétude suscitée par l'annonce du Président de la République d'une réduction du nombre des élus locaux. Ces élus, ce sont 521 668 conseillères et conseillers municipaux. Sachant que seuls les maires et adjoints sont indemnisés, à hauteur de 1,2 milliard d'euros, on mesure en quoi le travail réalisé par les conseillères et conseillers municipaux, si on le valorise, représente une véritable mine d'or. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer ?
M. Gérard Bailly. - Le Sénat a opposé une question préalable au budget 2017, qu'il jugeait insincère. Ce que confirme, à présent, la Cour des comptes. Je suis donc surpris que cela semble une découverte pour le Président de la République, le Premier ministre et l'ensemble du gouvernement. C'est pour moi la dernière occasion d'intervenir en commission, et mon propos sera, hélas, teinté d'un peu d'amertume. Après seize ans passés au Sénat, j'ai le sentiment que l'on a beaucoup prêché dans le désert. Président du groupe d'étude de l'élevage, je suis intervenu sur tous les budgets de l'agriculture, et si je vous suis reconnaissant, monsieur le ministre, pour votre action à la tête de ce ministère, je constate cependant que l'agriculture se trouve dans une situation qui n'a jamais été aussi mauvaise. Comment admettre que des éleveurs doivent vivre avec 300 ou 400 euros par mois ? On se demande à quoi notre travail a servi. C'est la question que je me pose à la veille de mon départ.
Quand on parle de l'agriculture, on dit toujours : « C'est la faute à Bercy. » Bruno Le Maire est aujourd'hui à Bercy, monsieur le ministre, et l'on ne pourra pas dire que le ministre de l'économie ne connaît pas le monde agricole. Pensez-vous avoir les coudées franches pour vous faire, à Bercy, le défenseur de l'agriculture, afin que l'on ne revive pas ce que l'on a vécu ces dernières décennies ? Cela me donnerait un peu d'espoir.
Mme Delphine Bataille. - La France a perdu plus de deux millions d'emplois industriels en l'espace d'une trentaine d'années. Dans le contexte de concurrence parfois sauvage d'une mondialisation exacerbée, le rôle de l'Etat peut être décisif. Elue d'une grande région automobile, je sais que cette industrie n'aurait pas connu un tel développement sans la volonté de l'Etat en matière d'aménagement du territoire et de reconversion industrielle. Nous avons aujourd'hui des usines compétitives, qui exportent dans le monde entier. Pourvu que cela dure... En revanche, la sidérurgie, longtemps portée par les pouvoirs publics, souffre aujourd'hui d'une forme d'abandon, même si l'on peut se réjouir de l'impulsion que l'Etat veut donner à la recherche - je pense notamment à l'entreprise Vallourec. Développer l'industrie existante reste nécessaire pour maintenir l'emploi dans nos territoires, même si certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais-Picardie avec Rev3, la « troisième révolution industrielle », se sont engagées sur de nouvelles voies. Quelle est votre stratégie pour accompagner les politiques industrielles dans les territoires qui ont beaucoup donné à la nation ? Je pense, dans le Nord, à feu l'exploitation minière, ce qui m'amène à ma deuxième question. L'évolution des marchés des matières premières critiques et stratégiques est préoccupante. Les solutions envisagées aujourd'hui par les chercheurs et les industriels peuvent être mises en oeuvre, sans même qu'il soit besoin de décider d'une inflexion politique majeure. Êtes-vous sensible, monsieur le ministre, à la mise en place d'une stratégie à moyen et long terme dans la perspective d'une nouvelle politique minière ?
M. Daniel Dubois. - Alors que la croissance frémit légèrement, vous préconisez une économie de 13 milliards pour les collectivités territoriales, dont on sait qu'elles sont, via les travaux publics, un levier pour la croissance, et vous engagez une réforme profonde des APL et de la politique du logement. Ne craignez-vous pas d'altérer ce frémissement de reprise ?
La loi travail n'aborde pas véritablement la notion de seuil, importante pour les très petites entreprises, qui sont créatrices d'emploi. Le seuil de 10 salariés est pour elles un vrai sujet. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de la démarche ?
Ma troisième interrogation porte sur la simplification des normes. Quand on veut faire des économies et que l'on n'a pas le sou, on simplifie. Y a-t-il une vraie volonté d'aller loin, d'aller jusqu'au bout dans la simplification ?
M. Michel Le Scouarnec. - Je veux parler de GM&S. Comment expliquer, sachant que c'est loin d'être la première fois que l'on voit mettre en oeuvre un plan social dans notre pays, que l'on puisse encore en arriver à des solutions aussi dramatiques ? Faut-il donc en venir toujours à licencier la moitié du personnel, quand ce n'est pas plus, pour sauver un bout de l'entreprise, comme on l'a vu à STX Lorient/Lanester ? N'y a-t-il pas moyen de mettre en place, en amont, un système d'emploi-formation ? Car pour suivre l'innovation, il faut aider les salariés, afin de les rendre capables de changer de métier.
La Poste, qui a reçu 350 millions d'euros de CICE, a pourtant supprimé énormément d'emplois. Les collectivités locales et les populations sont attachées à leur poste, qui représente un levier économique de proximité. Quelles sont les orientations du gouvernement en la matière ? Vous voulez moins d'impôt, c'est à dire moins de recettes fiscales. Comment répondrez-vous à tous les besoins de la population ? Dans le Morbihan, que je connais bien, les maires sont tous déçus par la baisse des dotations. Ils ont tenu le coup jusque-là, mais il craignent à présent de vraies difficultés. Non seulement ils ne remplacent pas les départs en retraite, mais ils ne peuvent plus investir. Avez-vous, monsieur le ministre, engagé une réflexion, qui manque encore, sur le CICE ?
M. Alain Chatillon. - Durant neuf mois, j'ai animé un groupe de travail, avec plusieurs collègues ici présents, sur l'économie, et vous remettrai, à l'issue de cette audition, un exemplaire de notre rapport, que vous connaissez peut-être déjà. Je ne reviendrai donc pas sur la question des allègements et de la simplification, pour m'en tenir à une question. Pourquoi ne pas jouer sur la TVA ? Un point de TVA représente un peu plus de 8 milliards d'euros. Avec deux points et demi, on arrive à 20 milliards, dont 10 sont payés par les produits étrangers. Vous connaissez la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée qui est la mienne. Il y passe des processions de camions, chargés de produits agricoles en provenance d'Espagne. On sait qu'il en vient aussi d'Italie, d'Allemagne. Alors que les pays d'Europe du Nord retiennent des taux de TVA beaucoup plus importants que les nôtres, pourquoi ne pas jouer sur deux points et demi de TVA, étant entendu que ceux qui sont le plus en difficulté, en deçà d'un SMIC et demi, vont bénéficier des allègements de charges que vous prévoyez ?
A entendre le discours du Président de la République, nous craignons de voir les métropoles prendre le dessus sur le rural. Tout le territoire doit être irrigué, disiez-vous tout à l'heure. Encore faut-il que les métropoles ne s'emparent pas de toutes les terres agricoles alentour, créant des bunkers qui les séparent du rural profond. Si l'on supprime une moitié des départements, il faudra être vigilants, sauf à passer sous le contrôle des métropoles.
Sous la IVème République, dans une région que vous connaissez bien, entre Mazamet et Castres, où le secteur du textile subissait des variations de prix très importantes, la fiscalisation n'intervenait qu'à la quatrième année. Ne pourrait-on renouer avec un tel système au profit des agriculteurs, ce qui leur éviterait d'avoir à se tourner vers le Crédit agricole et vers l'Etat ? Ce serait là une simplification bienvenue.
M. Roland Courteau. - Ma première question concerne l'attractivité de la place de Paris dans le cadre du Brexit. Quelles mesures pour la renforcer ?
Parmi les priorités du gouvernement figure la réussite de la transition énergétique et de la croissance verte. Compte-t-il mettre en place des financements conséquents, notamment pour la rénovation thermique des logements, qui pourraient être financés par une augmentation de la contribution carbone ? Et selon quel calendrier ?
Pour rebondir, enfin, sur la question très pertinente de Yannick Vaugrenard, je m'interroge sur le fonds d'investissement de 10 milliards que vous annoncez, et qui serait alimenté par des cessions d'actifs, limitées, précisez-vous, aux participations non stratégiques. Pouvez-vous indiquer quels sont les secteurs concernés, et selon quel calendrier ? Stratégiques ou non, les entreprises industrielles s'inscrivent dans le temps long et pourraient être déstabilisées par un retrait rapide de l'Etat.
M. Daniel Gremillet. - Notre potentiel est bon, mais nous péchons par notre modèle économique, avez-vous dit. L'un des secteurs où nous peinons est celui des entreprises de taille intermédiaire. Quelle est, en ce domaine, la stratégie de votre ministère, sachant que la compétence économique est, pour une grande part, sous la responsabilité des régions, d'où un vrai problème de financement.
Vous confirmez le maintien du CIR. C'est important en termes de visibilité. Mais il ne faudrait pas que la France, avec une recherche qui sait trouver, reste ensuite incapable de mener les développements industriels. C'est là une question stratégique, pour la croissance et l'emploi. Quels moyens entendez-vous déployer pour accompagner les entreprises à cette fin ?
Un mot sur l'énergie. Alors que le ministre des finances que vous êtes parle d'économies, nous avons besoin de visibilité sur le mix énergétique, et en particulier sur le nucléaire. Fermer un certain nombre de centrales serait un pur gaspillage financier et économique. Le président Lenoir ne me contredira pas.
Comment allez-vous parer à l'insincérité budgétaire en matière agricole ? Il semblerait que le trou de financement pour l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicap naturel, soit de 853 millions à l'horizon 2019-2020.
Ce que vous dites, enfin, de La Souterraine est juste, mais il existe des cas semblables dans tous les territoires. On ne peut pas se contenter de leur parler d'économies. Ils ont besoin de services publics. Comment attirer des cadres avec leur famille si l'on n'y apporte pas réponse ? Je crains une scission entre les espaces métropolitains et le reste de la France.
M. Alain Duran. - Je reviens sur votre projet de suppression de la taxe d'habitation. Certes, l'idée a plu à nos concitoyens, qui l'ont exprimé par leur vote, mais elle est, pour moi, mauvaise. On va rendre plus injuste encore un impôt qui l'est déjà en le faisant supporter par 20 % des foyers. Plutôt que de supprimer l'impôt, il convient, à mon sens, de le réhabiliter, en le rendant plus juste. Nos concitoyens doivent comprendre que l'entretien des routes, les cars publics, la construction d'une école, d'une maison de service public ont un coût. Et que chacun doit y apporter sa contribution de manière juste et solidaire. Les maires sont nombreux à dire que cette suppression va pénaliser l'autonomie fiscale et financière de leur collectivité. Je ne crois pas aux compensations, fussent-elles « dynamiques ». Vous dites l'Etat impécunieux tout en parlant de 10 milliards de compensation. Qu'en sera-t-il vraiment ? Au détriment de quoi ? de qui ? Ce dont nos collectivités ont besoin, c'est d'une véritable réforme fiscale. Quelles sont les intentions du gouvernement en la matière ? Nos collectivités ont besoin de ressources propres dynamiques.
Mme Sophie Primas. - Je partage nombre de vos engagements de principe et m'étais battue, lors de la campagne, sur le thème, notamment, de la nécessaire réduction des dépenses de l'Etat. Mais en ce début de mandat, le gouvernement donne le sentiment de prendre ses décisions dans la précipitation plus que dans la stratégie. Peut-être peut-on le comprendre et attendre du budget 2018 les éléments stratégiques...
Sur la question de l'innovation, mon engagement reste entier. C'est pourquoi j'estime qu'il importe de sécuriser les procédures du CIR, que certaines entreprises hésitent à demander, craignant le risque d'un redressement fiscal. J'abonderai dans le sens de Daniel Gremillet : comment mieux soutenir le lien entre recherche fondamentale et transformation en PME ou ETI ? J'ai vu, à Lyon, trop d'entreprises partir aux Etats-Unis faute de trouver en France des financements. Comment faire prendre plus de risques à la BPI sur des domaines qu'elle connaît mal, où elle n'a pas de réassurance et reste très frileuse ?
On ne pourra remédier à la désindustrialisation sans mener la bataille au niveau européen. Quelle sera votre action en faveur de la nécessaire convergence fiscale et sociale.
Je veux dire, pour finir, mon total désaccord sur la taxe d'habitation. Si le diagnostic est juste, le remède est mauvais et peut avoir des effets contre-productifs sur le logement, car les maires ne s'engageront plus.
M. Henri Cabanel. - Lundi dernier, le Président de la République a ouvert la Conférence nationale des territoires. Il a expliqué sa volonté, que je salue, de mener des études d'impacts avant toute décision de légiférer, mais cela en même temps qu'il annonçait une économie de 13 milliards sur les collectivités territoriales. Or, sous le quinquennat précédent, il y a eu plus de 10 milliards d'euros d'économies. En avez-vous évalué les effets sur l'investissement des collectivités ? Quid de l'impact de ces 13 milliards annoncés, puisqu'une étude d'impact a été promise ?
Mme Anne-Catherine Loisier. - Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure le prochain conseil des ministres de l'économie et des finances, qui se déroulera à Tallinn. À cette occasion, avez-vous l'intention d'évoquer la révision de la directive TVA ? Quelle est votre position sur ce sujet ? Êtes-vous favorable à une révision de la liste européenne des taux réduits ou bien à un retour de la compétence en question aux États membres ?
Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre position sur la fiscalité relative à la filière équine, qui souhaite bénéficier de nouveau du taux réduit de TVA propre à l'ensemble des activités agricoles.
Concernant le FPIC, le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, envisagez-vous de revenir sur des modalités de calcul particulièrement injustes, notamment du fait de l'absence de prise en compte des budgets annexes ? Dans mon département, cela conduit à des situations aberrantes, avec des communes classées en zone de revitalisation rurale, mais contributrices nettes au FPIC.
Enfin, j'attire votre attention sur le cas de l'entreprise Johnson & Johnson, qui a racheté des entreprises familiales de Côte-d'Or, avant de les fermer pour regrouper les personnels sur la région parisienne. Il s'agit d'un problème de concentration d'emplois dans les métropoles et de déménagement économique des territoires. Comment lutter contre ce phénomène, de plus en plus fréquent ?
M. Marc Daunis. - Monsieur le ministre, vous êtes responsable d'un domaine pour lequel l'évaluation des politiques publiques est particulièrement souhaitable. Si l'on s'interroge souvent sur l'efficacité des services publics, on s'intéresse peu aux politiques menées en matière économique, sauf dans le cadre de l'élaboration d'un plan, c'est-à-dire au moment où le dispositif précédent semble porteur de tous les maux.
Quelle sera donc votre stratégie en matière d'évaluation des politiques publiques, dans un domaine particulièrement stratégique pour notre pays ? Je pense notamment au crédit d'impôt recherche, excellent dispositif, qui peut toutefois comporter quelques perversions.
Vous avez parlé de la taxation des GAFA, ô combien morale et nécessaire ! Je tiens à le rappeler, des plateformes de collaboration et des moteurs de recherche sont développés en France, notamment dans les Alpes-Maritimes. Quelle est donc la stratégie française et européenne pour se mesurer, à terme, aux GAFA ?
M. Jean Claude Lenoir, président. - Le sujet du nucléaire a été évoqué par plusieurs de mes collègues. Il est perturbant d'apprendre que des centrales nucléaires, qui fonctionnent bien et sont amorties, seront fermées sans raison, alors même que nous cherchons à vendre des centrales à l'étranger. Est-ce ainsi, monsieur le ministre, que nous aurons une force de frappe commerciale suffisante pour convaincre nos partenaires ? Pourrions-nous vendre des Airbus si l'on interdisait aux Français d'utiliser l'avion pour circuler ?
La semaine dernière, nous avons entendu Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, lequel nous a confirmé sa volonté d'interdire toute exploration et exploitation de nos gisements en hydrocarbures. On commet trop souvent l'erreur de considérer que le pétrole est surtout utilisé comme carburant pour les véhicules et le chauffage des bâtiments. N'oublions pas l'industrie pétrochimique, qui représente un atout considérable et se développe de façon très importante ! J'ai eu l'occasion d'effectuer une mission aux États-Unis sur les gaz issus des roches-mères, et j'ai été impressionné de voir l'ampleur du développement de l'industrie pétrochimique aux États-Unis.
J'évoquerai également les problèmes de trésorerie des PME. Si je ne veux pas engager ici le procès des banques, force est de constater que des entreprises ayant un vrai potentiel et un grand savoir-faire sont pressurées par les donneurs d'ordre et rencontrent des difficultés. L'impact sur les territoires ruraux est considérable.
Enfin, je veux poser la question du FISAC, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce. Son effet de levier sur le commerce local est sensible. Permettez-moi de prendre l'exemple des stations-services, qui disparaissent. Cela oblige les automobilistes à se rapprocher des grandes surfaces, où l'on trouve désormais les points d'approvisionnement. Une solution ingénieuse, qui consiste à mettre en place une station-service communale, est aujourd'hui promue par un certain nombre de collectivités locales. Or le FISAC a pour mission de soutenir de telles initiatives. Toutefois, je crains que les coups de rabots à venir ne fassent perdre à ce fonds sa capacité à soutenir l'activité des petites entreprises dans le monde rural.
M. Bruno Le Maire, ministre. - Monsieur le président, la filière nucléaire est une filière d'excellence française, qu'il n'a jamais été question de fragiliser. C'est la mauvaise gestion passée de certaines entreprises comme Areva qui a entraîné sa fragilisation plus que la transition énergétique, que tout le monde sait nécessaire et qui ne remet pas en cause la place du nucléaire en France, en termes de coût de l'énergie et de savoir-faire technologique.
Nous avons discuté de cette question avec Nicolas Hulot. Nous ferons la transition énergétique telle qu'annoncée par le Président de la République : cela n'entraînera pas la fin du nucléaire français.
Un certain nombre d'indications sont données par l'Autorité de sûreté nucléaire, et les décisions seront prises en fonction de ses recommandations. Je le répète, la filière nucléaire est une filière d'excellence, qui a vocation à garantir un coût de l'énergie le plus bas possible pour les ménages et les entrepreneurs. Elle est parfaitement compatible avec une transition énergétique rapide et réussie.
Nous conservons un potentiel français à l'exportation, j'en suis convaincu, pour ce qui concerne les réacteurs de nouvelle génération. Nous devons simplement nous assurer que ces réalisations se font dans de bonnes conditions, en respectant les délais et les engagements contractuels. Ne reproduisons pas le fiasco de l'installation en Finlande de l'EPR ! On nous avait assuré, en 2005, que celui-ci serait en état de marche deux ou trois ans plus tard. Aujourd'hui, soit douze ans plus tard, tel n'est pas le cas. Selon moi, l'industrie nucléaire française ne s'honore pas en prenant de tels retards.
S'agissant du FISAC, je partage totalement votre analyse, monsieur le président. Ce fonds, très utile pour l'activité commerciale dans les centres-bourgs et les communes rurales, a effectivement besoin d'être défendu. (Très bien ! sur les travées)
Je reviendrai tout à l'heure sur la question des PME et des donneurs d'ordre, dans le cadre plus général de la loi de transformation des entreprises que nous défendrons. Madame Lamure, la simplification est bien sûr un enjeu décisif pour nos entreprises.
M. Gérard César. - C'est sûr !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Le Conseil de la simplification a formulé des recommandations, qui devront être mises en oeuvre. Je souhaite également qu'on engage une revue des surtranspositions de la réglementation européenne, dans tous les secteurs, industrie, services et agriculture.
Mme Sophie Primas. - Eh oui, on en rajoute !
M. Bruno Le Maire, ministre. - La règle doit être simple : nous transposons les directives, nous ne les surtransposons pas ! Sinon, nous mettons une épine dans le pied de nos industriels, de nos paysans et de nos entrepreneurs. Changeons de logiciel ! Il existe d'autres moyens d'intervention que la norme, que la tradition française produit à tout-va, y compris au Sénat et à l'Assemblée nationale.
M. Daniel Gremillet. - Sans oublier les ministères...
M. Bruno Le Maire, ministre. - On peut exister non pas en créant des normes, mais en en supprimant et en faisant confiance aux initiatives privées.
Monsieur Yannick Vaugrenard, vous m'avez interrogé sur les droits de vote double, introduits par Emmanuel Macron dans le cadre de l'entreprise Renault. C'est une possibilité dont l'État peut faire usage s'il le souhaite.
S'agissant des participations de l'État, elles rapportent des dividendes et permettent d'abonder le budget de l'État. Ce sont des recettes qui ne sont pas dynamiques et ne sont pas consacrées à l'investissement et à l'innovation. Notre choix, que nous assumons, est de vendre un certain nombre de participations de l'État dans des entreprises du secteur concurrentiel - il ne s'agit pas de toucher à des entreprises du secteur dit stratégique pour les intérêts nationaux, de placer ces sommes dans un fonds et d'en utiliser les recettes pour financer l'innovation et la création de richesses, et non plus la dépense publique. Encore faut-il garantir un niveau de rémunération stable et satisfaisant des 10 milliards d'euros en question et s'assurer que les sommes dégagées sont effectivement dirigées vers l'innovation de rupture.
Aux entreprises de nous dire dans quels secteurs on peut apporter des solutions. L'État, pour résoudre les problèmes qui se posent à lui - mobilité électrique, domotique, stockage de l'énergie renouvelable -, ouvrira un concours auquel toutes les entreprises qui le souhaitent pourront participer. Nous financerons les projets d'innovation de rupture apportant les meilleures solutions.
Ce fonds sera progressivement mis en oeuvre. Nous n'allons pas récolter 10 milliards d'euros de cessions de participations de l'État en un mois ! La première série de cessions aura lieu au mois de septembre prochain. Le fonds montera ensuite en puissance, pour atteindre l'objectif de 10 milliards d'euros. Il s'agit d'un véritable choix politique en faveur de l'innovation. Il est raisonnable, car il permet de garantir la bonne utilisation des deniers publics.
STX France est, de fait, une pépite industrielle, comme en attestent ses commandes de plus de 4 milliards d'euros. La preuve est faite que, en matière de chantier naval, on fait difficilement mieux ! La société italienne Fincantieri a décidé d'investir dans ce chantier, et elle est la bienvenue. Après tout, nous avons beaucoup d'investissements français en Italie, et il n'est pas illégitime que les Italiens investissent également en France. Cependant, la base participative envisagée par le précédent gouvernement ne garantissait pas suffisamment les intérêts stratégiques des chantiers navals de Saint-Nazaire. Nous avons donc demandé à revoir cet accord, qui prévoyait un peu moins de 50 % pour Fincantieri et une participation de la fondation Trieste à hauteur de 6 %, ce qui aboutissait à une prise de contrôle de STX à échéance de la conclusion du contrat. Pour sécuriser l'avenir de STX, nous privilégions un partage moitié-moitié. Cette proposition a été transmise, par le Président de la République, aux autorités italiennes. J'ai expliqué au ministre des finances italien le sens de ce choix de structure capitalistique : nos amis italiens sont les bienvenus, mais nous souhaitons rester dans le capital de STX sur une base 50-50. Je lui ai également fait valoir que nous avons des perspectives de coopération très importantes en matière de naval militaire entre la France et l'Italie. Je souhaite donc que, sur la base de cet accord, nous puissions également ouvrir une vraie coopération en ce dernier domaine. Et je suis prêt, avec Florence Parly, à prendre des engagements importants en la matière, dans l'intérêt de nos deux pays. Nous attendons la réponse du gouvernement italien cette semaine. Si elle n'était pas positive, nous devrons en tirer toutes les conséquences.
Monsieur Joël Labbé, vous m'avez interrogé sur l'ANSES. Bercy n'est pas un verrou !
Mme Sophie Primas. - C'est nouveau !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je montrerai dans les mois qui viennent que le ministère de l'économie et des finances est ouvert à tous.
M. Gérard César. - Il y a du travail !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Vous y êtes tous les bienvenus ! Nous proposerons un projet de loi sur la transformation des entreprises françaises, pour qu'elles deviennent de vraies entreprises de taille intermédiaire. Nous souhaitons créer un Mittelstand à la française, capable d'exporter et de prendre des parts de marché à l'exportation. Apportez vos idées et vos propositions, mesdames, messieurs les sénateurs ! Je mettrai également en place les rencontres économiques de Bercy, d'ici à la fin de l'année 2017, qui associeront des chercheurs, des économistes et des représentants de très haut niveau du monde économique, pour échanger sur un certain nombre de sujets, notamment la question, qui me tient très à coeur, des inégalités.
Selon moi, les inégalités sont défavorables à la croissance. Ainsi, lutter contre les inégalités permet de porter la croissance. Quand cette dernière ne profite qu'à un petit nombre, elle est faible. C'est cette idée très simple, mais très juste à mes yeux, qui pourra faire l'objet des rencontres de Bercy. Nous sommes non pas un verrou, mais une porte d'entrée vers le monde de l'économie et de la finance.
J'en viens à la suppression, pour 80 % des Français, de la taxe d'habitation et aux 13 milliards d'euros d'économies demandés aux collectivités locales. C'est un effort important, nous en avons parfaitement conscience. Je le rappelle, nous imposons également à l'État des efforts considérables. La baisse de l'APL, l'aide personnalisée au logement de 5 euros par mois d'ici à la fin de l'année 2017 fait également couler de l'encre. À un moment donné, il faut bien faire des économies quelque part ! Pour diminuer la dépense publique, il est nécessaire d'assumer certaines décisions courageuses. C'est ainsi que nous construirons un nouveau modèle français : nous ne serons plus les champions du monde de la dépense publique.
Même si les collectivités locales ont déjà réalisé des efforts importants, il est désormais nécessaire d'examiner la question de la fonction publique territoriale. Donner plus de souplesse à celle-ci et simplifier les normes devraient permettre de réaliser des économies dans de meilleures conditions.
S'agissant de la taxe d'habitation, le Président de la République a ouvert la voie à une compensation, sous la forme d'une recette pérenne - CSG ou CRDS. Mais ne pensez pas une seconde que nous laissons tomber les collectivités locales ! (Exclamations.) Cela fait au moins dix ans qu'on dit qu'il faut réviser les bases foncières ! Cela n'a jamais été fait !
Mme Sophie Primas. - Faisons-le !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Nous sommes au bout de l'exercice. Je souhaite que, d'ici à cinq ans, il y ait moins de dépenses publiques et plus de richesse nationale. Cela ne m'interdit pas d'être ouvert aux critiques, aux remarques et aux propositions visant à améliorer les décisions prises.
J'ai été très ému par les propos de mon ami Gérard Bailly. Il a, en somme, posé la question de l'efficacité des décisions politiques que nous prenons. Cela fait vingt ans qu'on dit qu'il faut baisser la dépense publique ! Cela fait vingt ans qu'on dit qu'il faut renoncer au chômage de masse ! Cela fait vingt ans qu'on dit qu'il faut arrêter la désindustrialisation ! Vos remarques, cher Gérard Bailly, valent pour tous les secteurs. Nous pays est noué et il faut le dénouer. Sinon, on se contente de petites réformes homéopathiques. Je revendique notre choix, qui est celui de la baisse des dépenses publiques et des impôts. Il faut aller loin et fort, sinon il ne se passe rien !
Dans le secteur de l'agriculture, nous n'avons pas fait suffisamment. Nous n'avons pas clarifié le modèle que nous souhaitions pour les paysans. Nous ne leur avons pas dit où nous voulions aller en termes de production. Notre rôle n'est pas de décider de tout, mais de donner le cap. Celui que nous nous fixons pour l'industrie est très simple : favoriser l'industrie de matière grise et d'innovation, pour éviter la disparition.
Pour l'agriculture, c'est la même chose : soit nous avons des produits de qualité que nous exportons sur les marchés étrangers, soit nous maintenons nos agriculteurs dans le mythe qu'on peut tout produire n'importe comment, dans de mauvaises conditions et sans compétitivité.
Cher Gérard Bailly, vous avez fait du bon travail pour l'agriculture. Je pense notamment au Groupe export France destiné à favoriser l'exportation de la viande bovine française. Notre message en faveur de l'exportation a été entendu également dans le secteur de l'élevage porcin. Certes, on peut se battre pour une meilleure répartition des marges, mais il faut surtout exporter, c'est ce qui permettra à nos éleveurs de s'en sortir. Le prix du kilo de porc s'est établi, de 2016 à 2017, à 1 euro. À ce niveau-là, les paysans crèvent. Il a ensuite atteint 1,30 euro, parce que les Chinois ont demandé 75 000 tonnes de porc supplémentaires ! C'est la raison pour laquelle il faut créer de nouveaux débouchés et penser différemment notre agriculture, avec des produits de qualité, que nous exporterons sur les marchés en croissance. Il n'y a pas d'avenir en France pour les produits bas de gamme, sans goût, sans saveur, sans qualité sanitaire, sans respect du bien-être animal.
M. Daniel Gremillet. - Comme en Chine !
M. Bruno Le Maire, ministre. - On dit toujours qu'il faut regarder les indicateurs de croissance et d'emploi. La réalité, c'est que la puissance économique d'un pays se juge principalement au niveau de sa balance commerciale extérieure. L'un de mes objectifs est d'enrayer la chute vertigineuse de la balance commerciale extérieure française, due au fait que nos produits ne sont compétitifs ni en termes de coûts ni pour ce qui concerne la qualité. Quand on baisse l'impôt sur les sociétés à 25 %, quand on finance l'innovation, quand on allège les charges, avec la transformation du CICE, on répond au défi de la compétitivité-coûts des entreprises industrielles. Quand on fait un effort massif pour l'innovation, pour que les produits montent en gamme, on répond à la question de la compétitivité hors coûts de notre industrie.
Cette question me permet de préciser ma vision de l'économie française : elle doit continuer à reposer sur les services, l'industrie et l'agriculture. Le renoncement à un secteur constituerait une faute contre notre identité nationale.
Et cessons de taper sur ce qui marche ! Contrairement à ce qu'a pu dire un ancien Président de la République, la finance n'est pas l'ennemi ! Elle représente 800 000 emplois dans notre pays et a créé 30 000 emplois supplémentaires l'année dernière ! Ainsi, il y aurait de bons et de mauvais emplois... L'ennemi, c'est le chômage ! Je me bats, avec le Premier ministre, pour faire revenir des emplois de la finance en France, et j'en suis fier. Ils sont bien rémunérés et stables. Avec 6 millions de chômeurs, on ne peut pas se permettre d'insulter les emplois de service, même s'ils sont financiers.
M. Marc Daunis. - Propos politique !
M. Bruno Le Maire, ministre. - Je ne suis pas d'accord avec vous ! En tenant des propos idéologiques sur la finance, on fait mal à l'économie française. Je le rappelle, les grandes institutions bancaires européennes sont françaises. Pourquoi dévaloriserait-on nos atouts ? Ce sont les mêmes qui tapent sur Total, Renault ou Peugeot ! Je suis fier de ces entreprises qui se portent bien. Notre discours, qui traduit notre vision de l'économie, est très important, parce qu'il est écouté au-delà de nos frontières. En tant que ministre de l'économie et des finances, je n'ai pas l'intention de trier entre les bons et les mauvais emplois : un emploi est un bon emploi ; je n'ai pas l'intention de trier entre les bonnes et les mauvaises industries : tout ce qui est industriel est bon pour notre pays.
J'en viens à la question des matières premières et de la sidérurgie. Notre surcapacité est liée à la production chinoise, laquelle conduit à un effondrement des cours et à un dumping dramatique dans un secteur qui continue d'employer 40 000 personnes en France. La bataille sera difficile, dans la mesure où la réduction de la production chinoise et la fermeture de sites de production menacent des centaines de milliers d'emplois en Chine. Nous avons conscience du problème, dont nous discutons avec les États-Unis et la Chine. Pour autant, je ne peux pas vous assurer que le problème sera réglé dans quelques mois !
Monsieur Dubois, vous avez évoqué la notion de seuil, qui est d'ores et déjà présente dans le cadre de la loi travail. En effet, le regroupement des différentes instances de représentation du personnel permet de facto de faire bouger les seuils. Faut-il aller plus loin ? Ouvrons la discussion dans le cadre de la discussion du projet de loi de transformation des entreprises françaises !
Monsieur Le Scouarnec, je ne suis pas hostile à une évaluation plus précise des effets du CICE, qui est destiné à soutenir les entreprises ayant un problème de compétitivité-coûts avec des charges trop élevées. Il doit bénéficier en priorité aux TPE et PME. Pourquoi ne pas renforcer le rôle de contrôle des politiques publiques du Parlement ? Si on veut éviter l'inflation législative, donner davantage de poids à ce contrôle me paraît une excellente idée.
Monsieur Chatillon, l'augmentation de la TVA, pour les services de Bercy, constitue bien entendu la solution miracle ! Cela entraîne des recettes importantes, qui rendent inutiles l'effort d'économie sur les dépenses. Avec Gérald Darmanin, nous nous sommes opposés à cette solution de facilité, qui augmente encore le niveau des prélèvements obligatoires en France. Si vous ouvrez cette boîte de Pandore, vous ne faites plus aucune économie ! Une telle mesure pèse certes en partie sur les importations, mais aussi sur les consommateurs français, surtout les plus modestes.
Mme Sophie Primas. - Et la CSG ?
M. Bruno Le Maire, ministre. - J'assume notre choix de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires au-delà de ce qui a été annoncé pendant la campagne présidentielle. Cette ligne est difficile à défendre, car il est plus facile d'augmenter la TVA que de fermer des perceptions, demander des économies aux collectivités locales ou diminuer des remboursements ou des dépenses sociales. La bonne politique, ce n'est pas d'augmenter les impôts, comme on l'a fait depuis trente ans, mais de baisser la dépense !
La dévitalisation des territoires agricoles au profit des métropoles représente un enjeu majeur. Sur ce sujet, le Sénat pourrait faire des propositions. Comment éviter que les grandes métropoles captent toutes les richesses au détriment des territoires ruraux ? Je suis très preneur de propositions en la matière !
Monsieur Courteau, vous m'avez interrogé sur l'attractivité de la place de Paris. Nous voulons effectivement faire venir des emplois financiers à Paris, en prenant un certain nombre de décisions. Le précédent gouvernement avait fait voter une taxe infrajournalière sur les transactions financières, qui était unique au sein de l'Union européenne. Les grandes institutions financières mondiales ne s'installaient donc pas dans notre pays. Nous proposerons, dans le cadre du prochain projet de loi de finances, de supprimer cette taxe.
Nous avons des atouts considérables : un système de régulation solide, les banques les plus solides d'Europe, un savoir-faire exceptionnel en termes de logiciels et d'intelligence artificielle. Nous continuerons donc à faire le maximum pour attirer en France des emplois liés à la finance.
Pour ce qui concerne les cessions de participations de l'Etat, je ne peux vous apporter aucune précision. Ce serait un délit d'initié !
L'un des grands enjeux économiques de notre pays est de faire grandir nos entreprises, qui doivent atteindre une taille critique pour affronter les marchés russes ou américains. C'est l'un des objets de la loi de transformation des entreprises à venir.
S'agissant du financement de l'ICHN, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, j'ai été saisi par la nouvelle présidente de la FNSEA. Le Gouvernement examinera, notamment dans le cadre de la PAC et des différents piliers, ce qui doit être fait. Pour avoir été trois ans ministre de l'agriculture, je sais à quel point cette question est sensible.
Madame Primas, merci de vos remarques sur la réduction des dépenses de l'État et la sécurisation du crédit d'impôt recherche.
L'effort budgétaire en faveur des armées est considérable. Le budget de la Défense sera le seul à augmenter l'an prochain, et l'effort atteindra 50 milliards d'euros à l'horizon 2025. Je ne peux pas laisser dire que nous ne ferions pas le nécessaire pour garantir la protection des Français. Le Président de la République a pleinement conscience de la nécessité de renforcer l'outil militaire français.
Sur la BPI, je vous rejoins : il faut qu'elle prenne plus de risques. Nous allons lui faire des propositions à cette fin.
La convergence fiscale dans l'Union européenne est un enjeu majeur. Nous ferons, avec nos amis allemands, des propositions. L'idée est de nous mettre d'accord sur une convergence de l'impôt sur les sociétés en 2018, afin que les autres pays européens suivent le mouvement et que nous parvenions à la convergence fiscale, décisive pour faire de la zone euro, au-delà d'une union monétaire, une union économique, capable de rivaliser avec la Chine et les États-Unis. C'est non seulement sur la transformation économique du pays mais aussi là-dessus que je serai jugé, comme ministre de l'économie. Et sachez que ce n'est pas simple, alors que l'on entend nos homologues irlandais ou néerlandais nous dire, tout net, que le dumping fiscal est au coeur de leur modèle économique, et qu'ils attirent les entreprises en faisant valoir un impôt sur les sociétés à 13 %, quand il est à 33 % en France. Tant qu'existera un tel affrontement fiscal entre les Etats membres de la zone euro, elle ne sera pas une puissance économique. Il y a donc urgence à accélérer l'intégration, c'est un engagement fort du Président de la République sur lequel je suis totalement mobilisé. Et nous commencerons par cette initiative franco-allemande, en 2018.
Je crois avoir répondu à Henri Cabanel sur la taxe d'habitation.
Anne-Catherine Loisier pose la question de la TVA sur la filière équine. C'est une question que j'ai eue à traiter comme ministre de l'agriculture, et dont je comprends tout l'enjeu. La filière équine est très importante en France. Nos partenaires européens sont très hostiles à l'idée d'une TVA réduite, que j'ai défendue. Je suis prêt à revenir à la charge, mais l'arbitrage, pour l'heure, n'a pas été rendu. Je vous demande donc un peu de temps.
Sur la fermeture du site de Johnson & Johnson en Côte d'Or, je vous entends. Les entreprises qui ont des filiales doivent jouer le jeu de la présence sur les territoires ruraux.
À Marc Daunis, je réponds que je suis favorable à une évaluation des politiques publiques, dans laquelle le Parlement a un rôle à jouer.
Sur les GAFA, je le répète, à la suite de la décision annoncée ce matin par Gérald Darmanin, nous ferons, dès le prochain conseil des ministres des finances à Tallinn, mi-septembre, des propositions pour que les géants du numérique américain payent ce qu'ils doivent au Trésor public français. C'est une question de justice fiscale essentielle pour nos compatriotes, qui ne peuvent accepter de voir leurs entreprises, leurs TPE, leurs PME, leurs commerces soumis à des impôts qui restent à des niveaux très élevés tandis que les géants du numérique, parce qu'ils n'ont pas d'établissement stable en France, que toutes leurs opérations sont dématérialisées ou viennent de centres de production à l'extérieur des frontières françaises n'acquittent que des sommes dérisoires au Trésor public.
M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses. Comme c'est pour moi aussi la dernière occasion de m'exprimer, permettez-moi de vous remercier de ce que vous avez dit de moi sur le gros dossier que fut la privatisation de Gaz de France et pour le passage que vous avez consacré à ma personne dans votre ouvrage Des hommes d'Etat (Applaudissements).
La réunion est close à 17 h 50.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.