- Jeudi 9 février 2017
- Institutions européennes - Simplification du droit européen : rapport d'information, proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, Claude Kern, Didier Marie, Daniel Raoul et Simon Sutour
- Économie, finances et fiscalité - Paquet « Connectivité » : rapport d'information, proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Pascal Allizard et Daniel Raoul
- Questions sociales et santé - Coordination des régimes de sécurité sociale : avis motivé de M. Alain Vasselle
- Questions diverses
Jeudi 9 février 2017
- Présidence de M. Jean Bizet, président -La réunion est ouverte à 8 h 30.
Institutions européennes - Simplification du droit européen : rapport d'information, proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, Claude Kern, Didier Marie, Daniel Raoul et Simon Sutour
M. Jean Bizet, président. - Nous commençons par l'examen du rapport d'information sur la simplification du droit européen. Il s'agit d'un travail collectif ; je remercie nos différents rapporteurs de leur implication.
Si l'on veut une Europe plus proche des citoyens, il faut aussi que la législation européenne soit compréhensible, accessible et réponde à de vrais besoins. La compétitivité passe aussi par une réglementation efficace.
Nous voulons une Europe recentrée sur l'essentiel, là où sa plus-value est évidente. Nous devons donc refuser les textes inutiles par lesquels l'Union dérive vers une tentation bureaucratique, une bureaucratie sans visage, comme disent nos amis anglais. À cet égard, nous devons une nouvelle fois saluer les efforts de la Commission Juncker pour recentrer l'action de la Commission sur un petit nombre de priorités. M. Timmermans joue un rôle clé pour écarter les textes inutiles qui ne suivent pas ces priorités. La plus-value européenne devrait d'ailleurs être l'un des axes préconisés par le groupe de suivi sur le Brexit et la refondation de l'Union européenne.
Je me félicite de la mobilisation du Sénat sur ce sujet. Les messages des élus locaux nous ont déterminés à le prendre très au sérieux. La commission des affaires économiques a travaillé sur les normes agricoles. La délégation aux entreprises mène une réflexion importante sur les moyens d'alléger le fardeau administratif des entreprises pour améliorer leur compétitivité. Je veux aussi mentionner les réflexions universitaires françaises et allemandes dans le domaine du droit des affaires. Un colloque sur ce sujet extrêmement particulier, sur lequel le juriste Paul Bayzelon a accompli un très gros travail, aura lieu le 30 mars.
Il peut être complexe d'appréhender la réalité de la production normative européenne. Aux projets de directive et de règlement, que nous traitons régulièrement, s'ajoutent les actes délégués et les actes d'exécution, en nombre important, pour lesquels nous demandons plus de transparence. Même si ces actes traitent de sujets très techniques, tout ne doit pas se dérouler, comme aujourd'hui, hors des Parlements nationaux. Nous devons aussi prendre en compte tout ce qui relève de la normalisation, qui fait intervenir les acteurs privés. À ce titre, sous couvert de réalisation du marché unique, on adopte des normes qui satisfont certains intérêts particuliers, mais qui se retournent, en réalité, contre la concurrence en favorisant les concentrations, pénalisant les PME et les TPE. Nous avons tous à l'esprit des normes saugrenues, très mal vécues dans nos territoires, qui discréditent l'idée européenne.
M. Daniel Raoul. - Je retiens essentiellement deux enseignements du travail mené avec Pascal Allizard sur le processus normatif européen, l'un assez classique, l'autre plus original ; ce fut une découverte pour moi.
Le premier enseignement est qu'à l'initiative de la Commission Juncker, des efforts sont déployés pour que l'Europe intervienne là où on l'attend et ne complique pas les choses là où on ne l'attend pas, c'est-à-dire pour décider au plus près des réalités et des besoins. Je n'insisterai pas sur les exemples tels que le volume des cuves de toilettes et la taille des bananes. C'est le fameux « mieux légiférer » européen, qui a donné lieu en avril 2016 à un accord entre les trois grandes institutions bruxelloises. Cela n'a pas empêché des ratés comme le récent projet de directive sur les armes à feu, mais je retiens toutefois deux points qui nous donnent espoir : tout d'abord, ce « mieux légiférer » s'applique aussi au passé ; nous l'avions évoqué lors d'une réunion précédente de notre commission. Il concerne le stock de propositions de la Commission dans lequel un grand ménage a été fait depuis deux ans et s'applique au stock de réglementations européennes inutiles ou trop complexes qui sont passées au crible de la plateforme REFIT, rénovée l'an dernier. Notre commission se souvient du texte sur le plomb dans le cristal ou du projet de directive stupide qui interdisait tout simplement l'utilisation des scanners et des IRM, car on était en présence d'un champ électromagnétique.
Ensuite, ce « mieux légiférer » ne semble pas être une simple réforme de processus administratif, mais procède d'une véritable volonté politique portée en particulier par le premier vice-président de la Commission, M. Timmermans. Il est en effet urgent de rendre plus efficace le processus normatif européen vis-à-vis des citoyens. Nous n'avons plus le temps de modifier les traités, personne n'envisage d'en écrire un nouveau, tout cela doit donc être engagé dans le cadre institutionnel existant. Nous sommes d'avis que le « mieux légiférer » combiné au meilleur respect du principe de subsidiarité et de proportionnalité posé par le traité de Lisbonne peut donner des résultats. Cela se fera notamment si la nouvelle procédure d'études d'impact inclut davantage les PME, qui sont les grandes exclues des processus de normalisation, notamment en étendant la pratique des tests PME ; si ces études s'appliquent aux actes délégués et aux actes d'exécution, qui en ont souvent le plus besoin ; si les évaluations ex post sont vraiment pratiquées ; si nos administrations nationales jouent le jeu. Or à ce jour, alors qu'on parle de « mieux légiférer » à Bruxelles et de « choc de simplification » à Paris, il serait souhaitable que les deux initiatives s'articulent.
Le deuxième enseignement concerne un aspect moins connu du processus normatif européen : de nombreuses normes européennes sont des coproductions public-privé. On pourrait presque parler d'un partenariat public-privé, ou PPP, où le maître d'ouvrage est la Commission ; les PME souffrent d'un manque de représentativité, la participation aux différents groupes de travail n'étant pas à leur portée.
Je ne parle pas du lobbying classique par lequel les grands groupes tentent trop souvent d'imposer des normes qui finissent par tuer la concurrence, en particulier parce que les PME ne peuvent les satisfaire, ni des procédures de consultations publiques, mais d'un phénomène qui porte un nom un peu barbare, le « mandat de normalisation », qui prend une importance considérable depuis quinze ou vingt ans. Dans un grand nombre de secteurs, les directives européennes se contentent de fixer les caractéristiques générales auxquelles les produits européens doivent répondre et renvoient, pour les éléments plus précis, à des normes négociées essentiellement entre les professionnels au sein du Comité européen de normalisation, le CEN, qui est l'AFNOR européen. Si elles sont validées par la Commission, ces normes ne sont plus de simples normes volontaires de type ISO ou AFNOR, mais pas non plus des normes obligatoires. Elles sont dans un entre-deux : les produits qui répondent à ces normes bénéficient d'une présomption de conformité pour obtenir le marquage CE qui ouvre les portes du marché intérieur. Il est toujours possible de respecter la directive par d'autres procédés, si on le prouve. Évidemment, il y a là encore deux poids, deux mesures : les PME ont moins les moyens d'administrer cette preuve et d'échapper à la norme que les grandes entreprises, ce qui peut mettre en danger leur capacité d'innovation vis-à-vis des grands groupes.
Les normes du CEN adoptées sous mandat ont donc in fine un caractère quasi obligatoire. C'est un élément de simplification qui évite d'avoir des législations européennes trop détaillées ou peu flexibles. Mais ce faisant, cela crée aussi une zone grise qui complexifie la notion de norme européenne.
Le rapport propose quelques améliorations pour clarifier les procédures du CEN, vers moins de lobbys et plus de représentativité, et pour simplifier l'accès de nos entreprises à ces normes. En effet, même dans le cas où elles sont rendues obligatoires par l'État français, l'accès à ces normes est payant. C'est notamment très sensible dans le domaine du bâtiment. « Nul n'est censé ignorer la loi », dira-t-on à nos PME, mais quand cette loi est complexe à identifier et de surcroît payante, cela fait beaucoup !
M. Pascal Allizard. - Le cas des mandats de normalisation montre bien à quel point la notion de norme européenne va bien au-delà des textes adoptés par le législateur européen. Elle est une réalité à géométrie variable ce qui ne simplifie rien lorsqu'il s'agit d'imputer la responsabilité de tels ou tels dysfonctionnements. Cette notion n'englobe pas seulement les normes d'origine privée, celles du CEN, mais aussi les mesures de transposition prises à l'échelon national.
Lorsque l'on surtranspose une directive européenne en disant que les règles viennent de l'Europe, ce n'est pas très honnête politiquement. Surtout, juridiquement, les mesures nationales de transposition font bien partie du droit communautaire : ne pas respecter nos propres lois, c'est s'exposer à une condamnation devant la Cour de justice de l'Union européenne. Dans notre rapport, nous soulignons la complexité du terme de norme européenne, un véritable « OPMI », objet politique mal identifié, en particulier en matière de responsabilités.
Le questionnaire que nous avons adressé à de nombreux secteurs d'activités économiques et nos auditions ont confirmé que la surtransposition de directives était un véritable sport national ; je pense aux valeurs limites d'émissions de polluants de substances chimiques ou à la récente transposition, très problématique, d'une directive technique de 2014 sur les ascenseurs. Au-delà des directives, la France fait figure d'exception en interprétant de façon très contraignante le droit européen. Nous sommes ainsi le seul pays, avec le Danemark, à interdire le perchloréthylène, allant bien au-delà des textes européens, ce qui aboutit concrètement à la fermeture des petits pressings. Au nom du principe de précaution, on veut laver plus blanc que blanc... Les travaux de nos collègues du groupe de travail sénatorial sur les normes agricoles n'ont pu qu'en donner de nouvelles illustrations. En résumé, au cadre général européen s'ajoutent toutes les règles que nous édictons nationalement.
Ces surtranspositions ou surinterprétations ne doivent toutefois pas être systématiquement condamnées. Certaines méritent d'être débattues, telles que les règles françaises sur le contrôle des travailleurs détachés présents sur notre sol. Il est aussi important de défendre certaines règles et d'éviter qu'elles ne soient tirées vers le bas : je pense à nos anciens travaux sur le vin rosé il y a quelques années ou à la défense de la garantie décennale face au droit européen des assurances. Il faut faire preuve de pragmatisme et voir au cas par cas.
On constate, bien souvent, qu'il n'y a manifestement pas eu d'étude de l'impact de ces textes nationaux au regard de la compétitivité de la France en Europe ; les PME sont souvent les plus pénalisées. J'évoquais la directive 2014/33 sur les ascenseurs pour laquelle le droit français ajoute une contrainte de détail, mais qui peut désorganiser la chaîne logistique, surtout des PME. A-t-on dressé le bilan coût-avantages ? Nous demandons des évolutions sur ce point.
L'exception française consiste aussi à agir unilatéralement pour montrer l'exemple avant même qu'un texte européen soit pris, alors que ces règles sont parfois déjà irréalistes en France. Ce n'est sans doute pas la meilleure méthode pour peser dans le processus décisionnel communautaire.
J'exprimerai enfin un regret. Lors du Conseil de simplification du 1er juin 2015, le Gouvernement avait pris d'excellentes résolutions, dont une évaluation systématique des écarts de transposition et de leurs justifications, y compris pour le stock de textes déjà pris. Nous savons que ce travail très précieux a été accompli et qu'il fait l'objet d'un rapport. Nous n'avons - hélas ! - pas pu nous le faire communiquer. Nous tenons à remercier le président Bizet d'avoir écrit au ministre pour que nous disposions prochainement de ce document sans doute riche d'enseignements.
Quant au processus normatif et au choix entre règlements et directives, la subsidiarité est de toute évidence le grand principe autour duquel la simplification doit se faire, et même la refondation de l'Union européenne. Cela n'implique pas nécessairement de privilégier les directives au détriment des règlements. Le recours aux directives complique parfois la situation en étant un facteur d'incertitude et d'aléa, surtout dans une Union à 28. À 27, le raisonnement sera le même. Les règlements sont parfois préférables : il vaut mieux une législation complète et cohérente plutôt qu'un secteur à moitié réglementé. Pour le choix du bon véhicule législatif à l'échelon européen, là encore, il faut essayer de faire preuve de pragmatisme.
M. Jean Bizet, président. - Le marché unique constitue un enjeu essentiel pour cette simplification. Je donne la parole à Didier Marie.
M. Didier Marie. - Veuillez excuser M. Emorine, qui ne peut pas être avec nous ce matin.
La simplification du droit européen applicable au marché unique et la qualité des normes contribuent à favoriser un environnement compétitif pour l'économie européenne.
Nous avons abordé ce sujet en replaçant ce secteur, qui est à la fois un fondement et l'une des plus grandes réussites de l'Union européenne, dans le cadre de l'initiative « mieux légiférer » de la Commission européenne, en rappelant la résolution du Sénat du 20 novembre 2015, adoptée sur le rapport de MM. Bizet et Sutour. Sans vouloir empiéter sur les travaux de MM. Allizard et Raoul qui portent plus précisément sur la normalisation européenne, nous avons cherché à montrer comment de meilleures normes européennes relatives au marché unique peuvent contribuer à optimiser son fonctionnement. Nous avons aussi abordé, du point de vue de la réglementation intelligente, la stratégie pour le marché unique présentée par la Commission le 28 octobre 2015.
Cette stratégie a pour but d'actualiser et de simplifier les règles de circulation des produits et des services et de lever les obstacles qui continuent d'entraver leur libre circulation, ainsi que d'assurer une plus grande cohérence dans l'application de la législation, tout en simplifiant sa mise en oeuvre.
L'objectif de simplification de la réglementation doit être lié avec l'initiative « mieux légiférer », ce qui est relativement logique dans la mesure où le secteur du marché intérieur concentrerait environ un quart des normes européennes, même si beaucoup ont une portée plus réglementaire que législative. Je rappelle que, de son côté, le gouvernement français a engagé, en mars 2013, un « choc de simplification ».
Naturellement, il ne s'agit pas d'entrer dans le détail d'une réglementation extrêmement abondante et souvent technique, mais plutôt de proposer une méthode. De manière générale, l'accord interinstitutionnel « mieux légiférer » du 13 avril 2016 fixe des objectifs communs d'amélioration et de simplification de la législation européenne pour éviter la réglementation excessive et faciliter sa transposition en droit national. Selon les informations obtenues au cours de nos auditions, la plupart des cas de surtransposition seraient d'origine nationale, plusieurs ministères introduisant des normes qui alourdissent la mise en oeuvre de la norme européenne initiale. Un gouvernement peut surtransposer pour des questions d'intérêt national ou de choix politique. Le Secrétariat général du Gouvernement, notamment chargé de la qualité des textes, effectue un repérage des dispositions qui s'ajoutent aux mesures de transposition et les signale au cabinet du Premier ministre pour arbitrage.
Concernant la gouvernance, le rôle du Conseil Compétitivité a été récemment revalorisé, ce qui est positif. C'est en effet en son sein que sont définies un nombre restreint de priorités qui poursuivent des objectifs opérationnels, par exemple sur les PME et les start-ups ou les services.
En revanche, il reste une marge de progression à l'échelon national. Ainsi, le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, le SGMAP, rattaché au SGG, ne semble guère investi sur les questions européennes. C'est dommage ; il conviendrait qu'à l'avenir, les mesures de simplification régulièrement annoncées à l'échelon national soient véritablement coordonnées avec les initiatives de la Commission.
De même, le Conseil national de l'industrie, chargé notamment d'émettre des avis et de formuler des propositions et recommandations au Gouvernement pour améliorer la compétitivité de l'industrie, qui donc se prononce sur des cas de surtransposition des directives et de surréglementation, conduit ses activités à une échelle peut-être trop nationale. Ses sections thématiques Europe et Réglementation et simplification n'entretiennent pas de relations véritables entre elles ni avec les institutions européennes.
Enfin, compte tenu de son volume et de son importance pour l'économie, la réglementation européenne relative au marché unique devrait être soumise aux procédures et outils mis en place par la Commission pour améliorer la qualité du droit : d'une part, une évaluation par la plateforme REFIT, instituée au titre de l'initiative « mieux légiférer », et, d'autre part, un examen de la qualité des études d'impact préalables et des évaluations ex post relatives à cette réglementation par le comité d'examen de la réglementation.
J'en viens au secteur des services, sur lequel je me suis concentré à la fois parce que la stratégie pour le marché unique de la Commission européenne lui consacre d'importants développements et parce que, contrairement au marché des biens, il reste excessivement morcelé et encore marqué par la prégnance des traditions et spécificités nationales qui rendent l'harmonisation très délicate.
Pourtant, les services représentent près des deux tiers de l'économie européenne. Le bon fonctionnement du marché des services peut donc apporter des gains significatifs de croissance et d'emplois et contribuer à dynamiser la compétitivité européenne.
La directive « services » de 2006 - pour schématiser, celle du plombier polonais - constitue le texte de référence pour l'intégration du marché intérieur des services. Je rappelle que cette directive avait suscité des polémiques liées au risque du projet initial de la Commission de suivre le principe du pays d'origine, finalement écarté au profit de l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires et de la libre circulation des services.
Cependant, la transposition de cette directive, sur laquelle le président Jean Bizet a travaillé voilà quelques années, qui devait être achevée fin 2009, a pris du retard dans la plupart des États membres - la France a notifié la fin de l'exercice à la Commission en mars 2011. En outre, son application ne serait guère satisfaisante et resterait inégale selon les États membres : de nombreuses entraves à l'exercice d'activités transnationales perdurent. Alors que la Commission avait eu des velléités de réviser ce texte, en particulier pour élargir son champ d'application à des secteurs actuellement exclus ou pour réintroduire le principe du pays d'origine, la révision de la directive « services » n'est plus à l'ordre du jour. Il paraît en effet préférable de rechercher sa meilleure application.
La plus grande intégration du marché unique des services doit être favorisée par l'amélioration et la simplification de son cadre réglementaire. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens. En premier lieu, les institutions européennes ont réaffirmé cet objectif politique, tel le Conseil européen, le 28 juin 2016. La Commission a inscrit dans son programme de travail pour 2017 le secteur des services parmi les priorités du processus de normalisation européenne. Le comité européen de normalisation s'est également vu confier l'élaboration d'une stratégie de normalisation dans le secteur des services pour faciliter leur compatibilité ; les normes relatives aux services ne représentent en effet que 2 % des normes européennes.
Une attention particulière est portée aux PME, comme l'a souligné le Conseil Compétitivité, le 29 février 2016. L'Union a notamment introduit le test PME, qui est une modalité de consultation innovante pour évaluer directement avec les entreprises les conséquences d'une réglementation et y apporter des modifications afin de la simplifier et de la rendre plus facilement applicable. Bien que ce test PME existe depuis 2008, il connaît un regain d'intérêt, y compris à l'échelon national, où il est intégré au « choc de simplification ». Il a fait l'objet d'une réunion du groupe de travail « mieux légiférer » du Conseil, le 15 mars 2016. Ce test reste inégalement appliqué. Il conviendrait de le mettre en oeuvre de façon systématique et harmonisée.
Enfin, la Commission avait mis en avant, il y a plusieurs mois déjà, le nouveau projet de passeport de services, aujourd'hui renommé carte européenne des services. Selon la Commission, ce dispositif constituerait une attestation prouvant que les prestataires satisfont aux prescriptions applicables dans l'État membre dans lequel ils envisagent de fournir leurs services. Inspirée de la carte professionnelle européenne instituée pour la reconnaissance des qualifications professionnelles entre les États membres, elle est longtemps restée un projet aux contours extrêmement flous.
La Commission a précisé quelque peu ce projet, le 10 janvier dernier, dans ses propositions pour améliorer l'effectivité du marché intérieur dans le domaine des services. Elle préconise notamment de faciliter la prestation de services dans un autre pays de l'Union en permettant aux entrepreneurs d'introduire leurs demandes par Internet et dans leur langue auprès d'un organisme national. Il reviendra à ce dernier de prendre contact avec le pays visé, qui délivrera une carte électronique à moindre coût administratif. Pour éviter d'en arriver aux procédures d'infraction, la Commission souhaite aussi introduire un test de proportionnalité pour s'assurer que les critères d'installation, de qualité de services ou de diplômes exigés par les États membres sont réellement justifiés.
Il paraît sage, compte tenu à la fois des objectifs généraux de simplification fixés au niveau européen et des dispositifs existants dans la directive « services », de limiter la carte européenne de services à la seule facilitation des formalités entre administrations nationales, sans surcharge pour les acteurs économiques. Surtout, nous devons prendre garde à ce que ce projet ne conduise pas, de façon subreptice, à réintroduire le principe du pays d'origine.
M. Jean Bizet, président. - Nous allons maintenant entendre Claude Kern nous présenter les travaux sur l'environnement et l'énergie qu'il a conduits avec Michel Delebarre.
M. Claude Kern. - Je vous prie d'excuser notre collègue Michel Delebarre, qui est actuellement retenu à Bruxelles. Je le remercie pour sa confiance, puisqu'il m'a demandé de m'exprimer aujourd'hui en notre nom commun, sur la simplification du droit européen dans les domaines de l'énergie et de l'environnement. Nous avons abordé ce vaste champ dans un esprit de critique constructive associant regrets et suggestions.
Les empiètements ou tentatives d'empiètement de la Commission européenne sur les compétences des États membres sont manifestes dans le domaine de l'énergie. S'affranchir des limites explicitement fixées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne semble une tentation difficilement résistible aux yeux de la Commission, avec plusieurs illustrations frappantes, dont je ne reprendrai que celle relative aux accords intergouvernementaux gaziers.
Sur ce sujet, notre commission a adopté un avis motivé contre les pouvoirs exorbitants du droit de l'Union que la Commission voulait se voir attribuer dans la négociation d'accords intergouvernementaux sur la fourniture de gaz par des États tiers. La Commission européenne voulait même être associée aux discussions... Et un processus identique aurait dû s'appliquer même aux engagements non contraignants, tels que les protocoles d'accord ou de déclaration commune. On croit rêver ! Heureusement, ces dispositions ont soit disparu, soit été largement atténuées. Il n'en reste pas moins que le processus législatif de l'Union serait plus simple et plus rapide s'il ne fallait commencer par éliminer des dispositions contraires à la répartition des compétences entre l'Union et les États membres, tel qu'elle figure dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
La Commission européenne complique parfois l'examen de ces propositions, en négligeant l'esprit de la construction européenne. Je vise notamment la propension à ne pas se contenter d'objectifs communs dont la Commission devrait vérifier qu'ils sont bien poursuivis par chacun des États membres.
Un exemple à la fois manifeste et récent est fourni par la proposition de règlement sur la préparation au risque dans le secteur de l'électricité. Présentée dans le cadre du paquet « Énergie propre pour tous », cette proposition de règlement est motivée aux yeux de la Commission européenne par le fait que la directive du 18 janvier 2006 « se borne à fixer des objectifs généraux en matière de sécurité d'approvisionnement et laisse aux États membres le soin de décider comment les atteindre. Ainsi, la réglementation autorise les États membres à prendre des « mesures de sauvegarde » en cas de crise, mais ne précise pas comment ils devraient s'y préparer et gérer ». En d'autres termes, un nouveau texte est proposé précisément parce que les dispositions applicables paraissent conformes au principe de la construction européenne, à savoir des objectifs harmonisés, mais pas ou peu de dispositifs uniformisés.
La seule exception peut concerner des obligations dont le respect à l'identique est indispensable pour éviter toute distorsion de concurrence. On la rencontre plutôt dans le domaine de l'environnement, ce qui ne justifie d'ailleurs pas l'adoption de textes absurdes. Cesser de perdre du temps à expertiser une nouvelle fois ce que l'on connaît déjà parfaitement, pour pérenniser une dérogation inévitable, serait une authentique simplification. Vous vous rappelez sans doute la présentation, faite ici même par notre collègue René Danesi, de la reconduction de l'exemption qui autorise pendant cinq ans l'utilisation de plomb pour la fabrication des lustres en cristal. Les caractéristiques chimiques des éléments ne changent pas tous les cinq ans, non plus que celles du cristal, dont la principale pour ce qui nous occupe est de piéger l'oxyde de plomb dans le verre. Pourtant, le droit de l'Union impose de procéder tous les cinq ans à une expertise scientifique aux résultats répétitifs, puis à une consultation du public dépourvue de tout suspense. En conclusion, je ferai mienne l'opinion de M. Danesi, qui évoquait « un voyage en Absurdie ».
J'espère que ces trois orientations apporteront leur pierre à l'édification d'une Union européenne plus intelligible par chacun et surtout plus proche des citoyens.
M. Jean Bizet, président. - Nous allons maintenant examiner quelles simplifications peuvent être envisagées sur les questions de justice et d'affaires intérieures. Simon Sutour et Philippe Bonnecarrère vont nous apporter les réponses.
M. Simon Sutour. - Nous en venons à l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Nous évoquerons d'abord le sommet, c'est-à-dire le niveau institutionnel, pour terminer par les possibles simplifications de la vie quotidienne des citoyens européens, et en particulier des transfrontaliers.
S'agissant tout d'abord de la simplification de l'architecture institutionnelle européenne, on rappellera que jusqu'au traité de Lisbonne, la coopération policière et judiciaire en Europe relevait de ce que l'on appelait le « troisième pilier », géré selon la méthode intergouvernementale.
Le système des piliers a été à l'origine - on s'en souvient - de maints blocages, avec des recoupements et superpositions de compétences, les décisions dans le domaine des libertés, de la sécurité et de la justice, par exemple, requérant le plus souvent l'unanimité.
Le traité de Lisbonne a radicalement simplifié la situation, en fusionnant les trois piliers. C'est désormais la procédure législative ordinaire qui s'applique, en règle générale, à ces questions, c'est-à-dire la codécision entre le Conseil et le Parlement européen, ainsi que la règle de la majorité qualifiée au Conseil. En outre, le traité répartit les compétences entre compétences exclusives, compétences partagées et compétences d'appui.
Le traité de Lisbonne a, par ailleurs, fait preuve de pragmatisme, en facilitant par exemple les coopérations renforcées, notamment dans les domaines où les décisions continuent à être prises à l'unanimité, comme c'est le cas, nous le verrons, pour le parquet européen.
Ainsi, le souci d'une plus grande intégration des politiques européennes, priorité évidente du traité de Lisbonne, aura aussi généré une simplification de l'architecture institutionnelle de l'Union. De manière générale, on voit bien que ce traité, tant controversé, a apporté nombre de points positifs, en particulier d'un point de vue démocratique.
M. Philippe Bonnecarrère. - En ce qui concerne le recentrage des priorités dans le domaine de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme, le Conseil européen a souhaité, dès fin 2014, rénover la stratégie en la matière et la Commission européenne a proposé, en avril 2015, de redistribuer les priorités autour de sept actions-clés, notamment pour tarir les ressources financières du terrorisme, renforcer le cadre juridique relatif aux armes à feu, améliorer la lutte contre la cybercriminalité et développer les capacités d'Europol. Cette stratégie appelait à la mise en place d'opérations communes de renseignement, coordonnées au niveau de l'Union, et au développement de la coopération et de l'échange d'informations, ainsi qu'à l'adoption rapide du PNR.
Après les attentats terroristes sanglants commis en France, en Belgique et en Allemagne en 2015 et 2016, l'Union européenne doit, à l'évidence, se recentrer sur quelques missions fondamentales, un « coeur de métier » représentatif de la valeur ajoutée susceptible d'être apportée aux États membres. En effet, le choc de la crise migratoire a perturbé les agendas et suscité des dissensions internes qui ne sont toujours pas surmontées ; le climat d'euroscepticisme et la fronde de certains pays d'Europe centrale et orientale s'ajoutent à ces difficultés. Le président Juncker est parfaitement conscient de cette nécessité de recentrage.
Je souhaite maintenant évoquer deux exemples : le parquet européen et le mandat d'arrêt européen.
L'article 86 du traité de Lisbonne permet au Conseil d'instituer un parquet européen, à partir d'Eurojust, pour combattre les infractions les plus graves. C'est dans ce cadre que la Commission a présenté en 2013 une proposition de règlement portant création d'un parquet européen ; elle envisageait la mise en place de procureurs délégués, faisant partie à la fois du parquet européen et des ministères publics nationaux.
Un débat a alors porté sur la structure du parquet européen, sur l'extension de sa compétence et sur la notion de compétence partagée du parquet européen avec celle des autorités judiciaires des États membres. Dans ce domaine, l'esprit de souveraineté est évidemment très présent.
Le Sénat a adopté deux résolutions européennes et un avis motivé, qui, grâce à l'appui de plusieurs parlements nationaux, vaut « carton jaune ». Cet avis exprime une préférence pour un parquet de forme collégiale, avec éventuellement une rotation entre les pays, s'appuyant sur des délégués nationaux.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? La situation s'est plutôt dégradée et le noyau de pays favorables au parquet européen s'est réduit. Les réticences plus ou moins fortes de pays tels que le Royaume-Uni, l'Irlande, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas, la Pologne et la Hongrie devraient déboucher sur une solution de coopération renforcée.
La compétence du parquet européen en matière de fraude à la TVA fait également l'objet de discussions. Le ministère français de l'économie n'y était pas favorable, mais l'ampleur de la fraude est considérable.
Second exemple - plus positif, celui-là - : le mandat d'arrêt européen. Entré en vigueur le 1er janvier 2004, il fonctionne. Il s'agit d'une procédure exclusivement judiciaire. La décision de remettre ou non une personne sur la base d'un mandat d'arrêt européen ne relève que des autorités judiciaires, contrairement à la procédure d'extradition qui fait intervenir l'État, donc l'autorité politique.
Pour 32 catégories d'infractions graves, c'est-à-dire un champ d'action très large, le mandat d'arrêt européen supprime le principe de double incrimination, selon lequel le comportement au titre duquel la remise est demandée doit constituer une infraction pénale, tant dans l'État requérant que dans l'État où la personne recherchée est arrêtée.
Les États membres ne peuvent pas refuser de remettre leurs propres ressortissants, à moins de se charger eux-mêmes des poursuites ou de l'exécution de la peine d'emprisonnement. Toutefois, le mandat d'arrêt européen peut être refusé quand il s'oppose à certains grands principes du droit, comme le non bis in idem par exemple.
Les délais prévus sont brefs. L'État dans lequel la personne est arrêtée doit renvoyer cette personne dans l'État qui a émis le mandat d'arrêt européen dans un délai maximal de 90 jours à compter de son arrestation. Si la personne intéressée consent à sa remise, la décision doit être prise dans un délai de 10 jours.
Le mandat d'arrêt européen est opérationnel dans les 28 États membres et les évaluations montrent qu'il fonctionne bien. Il est devenu un outil classique pour nos juridictions. De 2005 à 2014, les mandats délivrés ont ainsi été multipliés par deux, passant de 7 000 à 14 000 environ, et les personnes remises sont passées de 1 500 à 5 500. Il s'agit donc d'une procédure qui est à l'honneur de la construction européenne.
M. Simon Sutour. - Dans l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice, la simplification concerne aussi la vie quotidienne des citoyens européens, s'agissant notamment de la libre circulation. Nous nous y sommes intéressés lors de notre déplacement à Strasbourg, en évoquant les questions transfrontalières.
Avec l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, de même qu'avec la Suisse, les domaines dans lesquels les difficultés apparaissent les plus sensibles touchent à la santé, à l'emploi et aux prestations sociales.
En matière de santé, par exemple, il semble exister entre la France et l'Allemagne une discontinuité territoriale plus forte pour les patients qu'elle ne l'est entre la France et la Belgique. On relève des difficultés quant à l'accès à certains équipements médicaux situés de l'autre côté de la frontière. Les IRM, par exemple, sont soumises à un régime d'autorisation préalable. S'agissant du remboursement des soins, on constate un manque d'information pour les usagers et l'extrême lenteur des procédures.
Dans le domaine de la formation et de l'emploi, la difficile reconnaissance des diplômes constitue un frein très sensible à la mobilité professionnelle transfrontalière, faisant obstacle à des recrutements, alors que les besoins et les opportunités existent. Cette situation intéresse évidemment les professions réglementées, notamment médicales, mais aussi certains métiers de la filière technique.
Enfin, en matière de droits sociaux, les citoyens européens se trouvent souvent confrontés à des problèmes de cumul d'emplois et de détermination de la législation sociale applicable entre deux pays frontaliers, en ce qui concerne notamment l'invalidité ou la dépendance.
On évoquera encore des difficultés plus spécifiques comme, par exemple, l'immatriculation en France de certains véhicules achetés en Allemagne.
Des solutions concrètes existent. Elles ont notamment été identifiées dans une étude réalisée par le conseil régional d'Alsace Champagne-Ardenne Lorraine en 2015. Pour l'essentiel, elles résident dans une meilleure coordination des administrations entre elles, mais aussi avec les acteurs locaux - des services fiscaux aux agents des caisses locales de sécurité sociale -, dans une meilleure coordination entre les territoires frontaliers, notamment lorsqu'ils transposent les législations européennes, mais aussi dans l'action même de l'Union européenne, en particulier lorsqu'elle adopte des mesures relatives au principe de libre circulation.
S'atteler aux moyens de résoudre les difficultés quotidiennes que rencontrent les citoyens européens lorsqu'ils souhaitent l'application concrète du principe de la libre circulation pourrait constituer un nouveau chantier prioritaire de simplification.
M. Jean Bizet, président. - La politique de cohésion mérite, incontestablement, d'être simplifiée. Philippe Bonnecarrère avait déjà appelé notre attention sur les pistes envisageables. Je lui donne la parole.
M. Philippe Bonnecarrère. - La politique de cohésion territoriale est emblématique de la nécessaire simplification qui doit irriguer nombre des politiques de l'Union.
Il faut, pour commencer, alléger drastiquement la réglementation, dont la lourdeur, la complexité et l'instabilité sont exponentielles. Les normes réglementaires européennes en la matière s'avèrent à la fois formellement excessives et juridiquement instables, puisque de nouvelles normes viennent se substituer à celles en cours avec effet rétroactif. Surtout, elles sont souvent opaques et génèrent à leur tour des notes interprétatives ou des directives de la Commission, qui viennent se superposer aux règles existantes. Enfin, de nombreux États membres viennent encore surajouter à cet ensemble des normes plus strictes et complexes que celles établies au niveau de l'Union.
Il serait de bon sens, ensuite, de promouvoir une forme de proportionnalité. C'est-à-dire adapter les procédures de contrôles et d'audits, structurellement redondantes, aux caractéristiques du projet concerné, selon le niveau de ressources et de risques qu'il met en oeuvre.
Par ailleurs, et même si une telle démarche peut soulever quelques susceptibilités politiques, il serait judicieux d'ajuster les procédures européennes de contrôle et d'audit à la capacité administrative de chaque État membre. Tous n'ont pas la même expérience du contrôle administratif de la dépense publique : un système européen unique et excessivement exigeant, comme c'est le cas actuellement, n'est pas adapté.
Sujet plus sensible, il faut a minima harmoniser les règles entre les différents fonds européens, gérés directement par la Commission européenne. Tout particulièrement sur la question des aides d'État et des marchés publics, où les procédures sont différentes entre fonds structurels et autres fonds européens, alors qu'ils ont en commun d'être financés par le budget de l'Union. Surtout, la fusion des quatre principaux fonds en un seul « fonds européen pour le développement régional » contribuerait grandement à la dynamique de clarification et de simplification. Elle accroîtrait la visibilité d'une politique, qui correspond aux priorités de l'Union et qui peut être une réponse économique et sociale concrète à 1'euroscepticisme ambiant.
La politique de cohésion régionale représente une valeur ajoutée européenne indéniable, dont l'impact positif sur le terrain local n'est pas contestable. Il est essentiel d'aboutir rapidement, avant la programmation 2021-2027, à une simplification radicale de ses règles. C'est une démarche indispensable à son appropriation par les porteurs de projets et les bénéficiaires, pour qu'elle donne la pleine mesure de ses potentialités auprès des citoyens européens.
M. Jean Bizet, président. - Je remercie l'ensemble des rapporteurs de leur travail sur ce vaste et important dossier, qui est directement lié au bon fonctionnement du marché intérieur, sans cesse évoqué.
Même si les comparaisons ne sont pas aisées, je note que selon un certain nombre d'études, les échanges entre les différents États des États-Unis d'Amérique sont quatre fois supérieurs à ceux qui existent entre les États membres de l'Union européenne. Certes, nous ne sommes pas un État fédéral...
En tout cas, ces questions doivent être abordées avec rationalité et efficacité, en particulier dans l'optique de la sortie du Royaume-Uni.
Mes chers collègues, avez-vous des remarques à formuler, en particulier sur la proposition de résolution qui vous a été adressée ?
M. Didier Marie. - Je souhaite faire deux courtes remarques. Au point 13 de la proposition de résolution, qui évoque une réglementation de qualité, ne pourrions-nous ajouter, outre le respect des normes sociales, leur « promotion » ? Il me semble que nous pouvons être offensifs, et pas seulement défensifs, sur cette question. Au point 37, pouvez-vous m'indiquer ce que vous entendez par « la mise en place d'un fonds européen unique pour le développement régional » ?
M. Jean Bizet, président. - Je consulte la commission. Il me semble que tout le monde est d'accord pour la proposition de modification du point 13.
En ce qui concerne votre seconde question, il est proposé de simplifier les fonds existants, en les fusionnant. Il s'agit d'une demande de l'Association des régions de France, qui me semble judicieuse à partir du moment où les régions sont les autorités de gestion des fonds européens.
M. Philippe Bonnecarrère. - C'est en effet un élément important : soit nous allons vers une harmonisation des méthodes entre les différents fonds, soit il faut les fusionner pour permettre une gestion globale.
Ce sujet relève certes de l'Union européenne, mais il soulève aussi une question strictement française. Les contradictions sont très fortes entre le FEADER, qui reste du ressort du ministère de l'agriculture, et les autres fonds. Nous n'avons même pas les mêmes logiciels de gestion. Qui plus est, on connaît bien les défaillances du logiciel Osiris du ministère de l'agriculture.
M. Alain Vasselle. - La proposition concernerait-elle tous les crédits en matière agricole et entraînerait-elle une fongibilité ? Dans cette hypothèse, nous devons être particulièrement vigilants pour les crédits dédiés à l'agriculture, qui risquent de faire les frais de cette évolution.
M. Philippe Bonnecarrère. - Nous n'en sommes pas encore aux modalités concrètes, mais il faut savoir que la situation actuelle est peu favorable aux crédits en matière agricole, puisque le taux d'exécution du FEADER est médiocre. Comme vous le savez, les retards sont considérables. De nos entretiens préparatoires, il est ressorti qu'en fait, le ministère de l'agriculture n'a jamais accepté la délégation des crédits et fait blocage. On peut penser que le mauvais fonctionnement d'Osiris va durer un certain temps... Le monde agricole n'aurait donc rien à perdre à un fonctionnement plus opérationnel. Certes, une telle opération ne résoudrait pas tous les problèmes, mais elle constitue une piste raisonnable pour alléger le carcan réglementaire, non pas européen, mais français, qui existe en la matière.
Mme Patricia Schillinger. - Je remercie les rapporteurs, notamment Simon Sutour, d'avoir abordé la question des transfrontaliers, en particulier de ceux qui vivent près de la Suisse, de l'Allemagne ou de la Belgique. Mais ceux qui habitent à côté de l'Italie ou de l'Espagne, dont on parle beaucoup moins, vivent-ils les mêmes problématiques ? Nous pourrions, le cas échéant, apprendre de ces exemples, si certaines choses fonctionnent bien.
M. Jean Bizet, président. - Les interdépendances économiques et humaines sont moins fortes avec ces pays. Je vous rappelle qu'à la suite de notre déplacement à Strasbourg, j'ai adressé un courrier au secrétaire d'État chargé des affaires européennes pour lister les points problématiques pour les transfrontaliers. À nous de faire le point régulièrement sur ces sujets !
M. Simon Sutour. - Mon département est proche tant de l'Italie que de l'Espagne et il est vrai que nous avons des bassins d'emploi différents, contrairement à ce qui peut se passer à côté de la Suisse, de l'Allemagne, de la Belgique ou du Luxembourg. Nous avons des frontières géographiques souvent marquées et il n'existe pas de phénomène transfrontalier massif comme avec ces pays.
Mme Gisèle Jourda. - Il existe aussi des raisons historiques, que ce soit la guerre civile en Espagne ou le fascisme en Italie. Le contexte est différent et, finalement, la notion de transfrontalier n'existe pas vraiment. Certaines personnes s'installent de l'autre côté de la frontière, mais il n'y a pas de mouvements journaliers comme avec la Suisse.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne, dans la rédaction suivante :
Économie, finances et fiscalité - Paquet « Connectivité » : rapport d'information, proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Pascal Allizard et Daniel Raoul
M. Jean Bizet, président. - Nous allons maintenant examiner le rapport d'information, la proposition de résolution européenne et l'avis politique présentés par Pascal Allizard et Daniel Raoul sur le paquet « Connectivité ». Ce sujet revêt, pour nos territoires, une importance considérable.
Dans le cadre du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne, nous avons entendu M. Mestrallet, président-directeur général de Paris Europlace, et M. Benoît Potier, président-directeur général d'Air Liquide et président de la table ronde des industriels européens. Ils ont mis l'accent sur la digitalisation de l'économie, qui constitue une mutation exceptionnelle. Mais pour cela, nos territoires doivent être connectés...
M. Daniel Raoul. - Monsieur le Président, mes chers collègues, ce nouveau paquet télécoms est un vaste sujet et nous allons essayer de vous le présenter de façon synthétique, sans entrer dans des détails trop techniques. Je vous parlerai des principaux enjeux, en particulier ceux liés à la 5G, avant que Pascal Allizard ne revienne sur les points qui nous posent problème et sur l'initiative à destination des collectivités locales « Wifi pour tous ».
Le premier enjeu, c'est celui du très haut débit pour tous. La Commission européenne estime, à juste titre, que l'Europe doit se doter des réseaux les plus performants pour rester dans la course à l'innovation numérique et pour répondre aux attentes de l'ensemble des citoyens européens, qui vivent de plus en plus connectés. Et ce phénomène va s'accentuer. Demain, nous aurons besoin d'un débit internet bien plus important qu'aujourd'hui. C'est pourquoi la Commission veut moderniser nos infrastructures et nous entraîner vers une société du gigabit.
Pour cela, elle fixe l'objectif général d'une connexion permettant une vitesse de téléchargement de 100 mégabits par seconde et pouvant être convertie en gigabits. Certains centres socio-économiques stratégiques devront disposer d'une connexion en gigabits et les zones urbaines, ainsi que les principaux axes de transports devront disposer d'une connexion en 5G.
Le deuxième enjeu, c'est le calendrier. L'objectif est fixé à 2025, soit un délai très court. Le précédent paquet télécoms avait été initié en 2007 et adopté en 2009 ; il fixait des objectifs pour 2020. Nous n'en sommes qu'au début de l'instruction des propositions et il faudra aller vite. Très vite !
Troisième enjeu, le montant : il est estimé à plus de 500 milliards d'euros d'investissements. Les deux tiers proviendraient des opérateurs privés, mais de l'argent public sera nécessaire. Or, l'actuel cadre financier pluriannuel se termine en 2020. Les choix qui seront faits aujourd'hui devront donc être confirmés dans le prochain cadre financier. Il faudra aussi, certainement, recourir au plan Juncker, car, nous le savons tous ici, dans certaines régions, les opérateurs privés n'investiront pas seuls et les subventions ne suffiront pas.
Le quatrième enjeu, c'est de savoir comment réguler les nouveaux acteurs en ligne. Ils proposent des services en ligne équivalents à ceux des opérateurs, mais ne participent pas aux investissements, ne paient pas d'impôts dans les pays où ils gagnent de l'argent et sont à peine encadrés juridiquement. Le projet de code propose certaines obligations judicieuses, mais qui, de notre avis, ne vont pas assez loin.
Enfin, dernier enjeu, et pas des moindres, c'est celui de l'aménagement du territoire et de la connectivité pour tous. Dans les constats qu'elle fait, la Commission européenne explique que le taux global de connexion au haut débit est satisfaisant : 71 % des foyers européens disposaient d'une connexion à un internet fixe rapide à la mi-2015 et jusqu'à 86 % bénéficiaient de la 4G en téléphonie mobile. Il faut voir ces chiffres comme des moyennes européennes, qui agrègent des situations, en particulier géographiques, fort différentes. La Commission relève toutefois que, dans les zones rurales, il n'y avait que 28 % des foyers connectés au haut débit fixe et 36 % à la 4G. Puisque la connexion se mesure à la vitesse des données transmises par seconde, on peut bien parler ici d'une Europe à deux vitesses !
Et ce qui est intéressant, c'est que la Commission propose de combler cet écart, en fixant un objectif nouveau au futur code des télécoms : la généralisation de l'accès à la connectivité à très haute capacité pour l'ensemble de l'Union. Des solutions devront donc être trouvées pour tous les territoires. Faire autrement n'aurait d'ailleurs pas de sens. Prenons l'exemple des voitures connectées et sans pilote : comment imaginer qu'elles traversent une zone sans couverture à haut débit ? L'avenir de toutes ces innovations passe donc bien par la couverture de l'ensemble du territoire...
Ces orientations confortent les choix faits en France de généraliser la fibre optique pour le fixe. C'est la technologie d'avenir, qui pourra permettre demain des débits plus élevés. C'est ce qui justifie aussi que la Commission européenne soutienne cette technologie et ne se cantonne plus au principe de neutralité technologique, comme cela était le cas jusqu'à présent.
Cela signifie aussi, de ce point de vue, que notre pays, qui a déjà fait certains investissements, pourrait disposer d'un avantage concurrentiel sur ses voisins européens. En effet, d'autres pays n'ont pas fait le choix de la fibre. C'est notamment le cas de l'Allemagne, qui a choisi le coax, de l'Italie, de la Pologne et aussi du Royaume-Uni. Pour eux, les besoins en investissements seront bien plus importants.
Concernant les réseaux pour le mobile, il n'y avait que 55 % de la population française qui bénéficiait de la 4G à la fin de 2016. Mais il ressort des auditions que nous atteindrons 90 % à la fin de 2017. On a pris un peu de retard, mais on va y arriver !
Cela m'amène au plan d'action proposé par la Commission européenne pour la 5G, c'est-à-dire la cinquième génération de réseaux de téléphonie mobile.
Tout comme la fibre optique pour le fixe, la 5G permettra un flux de données de l'ordre du gigabit, au-delà de 100 mégabits. Surtout, elle se révélera déterminante pour l'essor des objets connectés, des véhicules autonomes ou encore des solutions dématérialisées, comme l'informatique en nuage, les fameux clouds. C'est la raison pour laquelle des pays comme les États-Unis ou la Corée du Sud ont adopté un plan pour le déploiement de la 5G dans les années qui viennent.
Comme vous le savez, dans la course à l'innovation actuelle, celui qui dispose de la meilleure technologie va pouvoir développer une multitude d'applications et de services qui feront croître son économie. Il pourra aussi imposer ses normes au niveau mondial. C'est pourquoi nous pensons que la Commission a raison de prévoir un plan d'action pour la 5G. Il y a urgence : il faut mobiliser et agir.
Le problème est que le spectre des fréquences relève de la souveraineté des États, qui attribuent des licences pour les exploiter. On ne peut pas se permettre une attribution trop dispersée pour la 5G, comme cela a été le cas pour la 3G et la 4G. C'est pourquoi nous soutenons une harmonisation des calendriers, et nous demandons que la France et l'Allemagne soient les premiers à montrer l'exemple en ce domaine.
M. Pascal Allizard. - Je vais évoquer le projet de code européen des communications électroniques.
Actuellement, les télécommunications sont régies par cinq directives différentes. La Commission propose de rassembler quatre d'entre elles dans un même texte, un code européen des télécoms. Ce sera plus simple et plus clair. Cela nous convient parfaitement. Le cinquième texte concerne la vie privée en ligne. Il fera bientôt l'objet d'une nouvelle proposition législative.
Sur le fond, le code conserve les grandes lignes de la régulation européenne : le renforcement de la concurrence dans le secteur des télécommunications, la stimulation des investissements, des services de qualité proposés à des tarifs abordables et le développement des choix offerts aux consommateurs.
Des améliorations sont proposées pour ces derniers, avec notamment de nouveaux droits en cas d'offres groupées ou en matière de service universel. C'est détaillé dans le rapport.
M. Raoul vous a parlé de 500 milliards d'euros d'investissements nécessaires. Sur ce montant global, la Commission estime que, au rythme actuel, il va manquer 155 milliards d'euros. Il faut les trouver, notamment pour équiper les zones les moins densément peuplées, nouvel objectif.
Pour y parvenir, la Commission s'inspire de solutions mises en oeuvre dans notre pays qui sont fondées sur la possibilité de co-investissements et de partenariats public-privé pour les zones où l'on sait que le secteur privé ne viendra pas investir seul. Ces solutions pragmatiques ont fait leurs preuves, et nous soutenons leur application à d'autres pays européens.
Concernant la transformation de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques en agence de l'Union européenne, il y a un problème. C'est cette proposition qui avait fait l'objet d'un avis motivé au titre du contrôle de subsidiarité, sur l'initiative de nos collègues Colette Mélot et André Gattolin. Ils relevaient déjà le risque de voir un organe rassemblant des régulateurs indépendants au niveau national tomber sous la dépendance de la Commission européenne.
Notre analyse et nos auditions nous ont montré que c'est bien ce qui est envisagé. Le système proposé aboutirait, après revue par les pairs, à un droit de veto de la Commission sur une décision d'un régulateur national. Ce n'est tout simplement pas admissible. Si la revue par les pairs est utile, car elle permet une analyse conjointe sur la base d'expériences partagées, elle doit déboucher sur un simple avis. Pour ces raisons, en plus de celles soulevées par nos collègues concernant le rôle prépondérant du directeur exécutif, nous nous opposons à la création de cette agence telle qu'elle est envisagée.
J'en viens maintenant à l'initiative « WiFi pour tous », qui propose d'apporter une aide financière aux communes souhaitant proposer du wifi à haut débit gratuit dans les principaux lieux de vie sociale : les places, les parcs, les bibliothèques, ainsi que les autres lieux et bâtiments publics. Cette initiative est dotée d'une enveloppe budgétaire initiale de 120 millions d'euros. Ces fonds proviendraient du mécanisme d'interconnexion pour l'Europe, et 100 % des coûts seraient éligibles, sans préjudice de cofinancement. Ce sont des petites sommes, environ 20 000 euros par commune, qui sont envisagées. Sont visées 8 000 à 10 000 communes, avec des appels d'offres qui pourraient être lancés dès le deuxième semestre 2017.
L'aide s'adresserait à toutes les collectivités locales qui veulent proposer le wifi là où il n'existe pas d'offre similaire, publique ou privée. Cette dernière clause est importante, car on ne sera pas éligible s'il existe déjà un réseau wifi gratuit dans le périmètre visé. La participation viendrait aider à l'achat du matériel et des équipements que la commune s'engagerait à entretenir pour maintenir son offre de service durant plusieurs années.
L'aide serait attribuée selon le principe : « premier arrivé, premier servi ». Il existe quand même une clause pour assurer une répartition géographique équitable, mais on peine encore à savoir comment ces deux principes vont s'articuler.
La question qui se pose est de savoir à qui exactement va s'adresser cette aide. Il y a 90 000 communes en Europe, et on n'en cible que 10 000. Ensuite, il y a la question du budget : 120 millions d'euros, ce n'est pas rien, mais par comparaison avec 500 milliards d'euros, cela ne fait pas beaucoup. Enfin, comme toujours, l'Union européenne met en avant la simplicité pour les demandes. Mais quand on fait intervenir des financements croisés et plusieurs autorités décisionnaires, on sait ce qu'il advient de la simplicité.
Pourtant, nous retenons que cette proposition relève d'une volonté de la Commission d'être plus proche du terrain et des citoyens. Durant nos auditions, on a parlé d'une initiative post-Brexit. En cela, elle mérite une certaine bienveillance. On ne peut pas reprocher à l'Union européenne d'être loin des citoyens et ne pas la soutenir quand elle fait un effort.
Sur l'enveloppe budgétaire, il faut bien voir que la Commission ne peut pas raisonner au-delà de 2020 et du cadre financier actuel. Donc, elle propose cette initiative modeste pour les trois ans qui viennent et, si elle rencontre le succès, elle pourra éventuellement être prolongée.
Ensuite, l'initiative n'est pas là pour remplacer une vraie politique d'investissement dans les réseaux et d'aménagement du territoire. Elle est un projet auxiliaire visant à donner un coup de pouce financier aux communes qui ne pourraient financer seules leur projet. Mais en raison du nombre de communes qu'elle pourrait toucher, elle pourrait avoir un impact au niveau de l'ensemble de l'Union européenne.
Ce sera peut-être moins le cas en France, notamment avec la généralisation de la 4G cette année. Mais elle pourrait apporter un plus, et c'est pour cela que nous souhaitons la soutenir. Pour aider à sa réussite, nous proposons de faciliter au maximum le montage des dossiers pour les élus locaux et de permettre que des groupements de collectivités puissent porter les demandes.
M. Jean Bizet, président. - C'est un dossier très important, qui contribuera à moderniser notre société et à favoriser le développement de nos PME.
Je souhaiterais que vous élaboriez une petite note technique à destination des élus, notamment des maires. Je n'aime pas faire des effets d'annonce qui peuvent être des annonces non suivies d'effets. La note devrait être précise, car les besoins sont réels dans certains territoires.
Avec la création des communes nouvelles et le redimensionnement institutionnel de notre paysage local, il faut cibler les niveaux d'appels d'offres pertinents. Le dispositif proposé devrait plutôt concerner des endroits très à l'écart, sans doute essentiellement des territoires de montagne.
M. Daniel Raoul. - D'une manière générale, j'ai quelques réticences par rapport au wifi, qui n'assure pas des connexions sécurisées ; j'en ai eu la démonstration récemment dans le hall de Montparnasse. Cela pose des problèmes pour l'interactif.
En plus, je crains que le wifi n'apparaisse comme un substitut à la 5G et qu'il n'en freine les efforts de développement.
M. Pascal Allizard. - Je suis d'accord. Le wifi pour tous n'est pas une solution définitive. Il s'agit simplement de permettre aux habitants des zones peu ou pas desservies d'avoir une pratique dans l'attente de solutions plus durables, sachant que le plan s'échelonne jusqu'en 2025.
Ne refaisons pas l'erreur passée ; autrefois, on nous a présenté des solutions satellitaires qui étaient extrêmement coûteuses et dont les débits n'étaient pas satisfaisants.
Le wifi revient finalement à dématérialiser le découpage. Si c'est interprété comme une solution temporaire, c'est intéressant. En l'occurrence, nous parlons du wifi dans l'espace public. Il s'agit de micro-solutions, de desserte fine. Cela permet à l'Europe d'apporter des solutions de terrain.
M. Daniel Raoul. - Le wifi ne peut être qu'une mesure transitoire, pas un objectif définitif.
M. Didier Marie. - Le sujet est important. Nous sommes entrés dans l'ère du numérique. Je considère qu'il s'agit de la troisième révolution industrielle.
Il serait intéressant d'avoir un focus sur le plan France numérique, qui a permis d'engager la couverture du territoire, en mobilisant des financements de l'Union européenne, de l'État et des collectivités territoriales.
J'ai toujours trouvé fort regrettable que l'attribution des licences aux opérateurs n'ait pas été assortie d'une obligation de couverture des territoires. Aujourd'hui, le soin d'assurer cette couverture est laissé à la puissance publique, alors que les opérateurs se portent plutôt bien... Il y a une sorte de jeu de dupes ; la rentabilité prime la couverture du territoire. Il serait donc intéressant d'assortir l'attribution des licences d'une obligation de déploiement, moyennant éventuellement des paliers, sachant que de nouvelles fréquences vont être attribuées, notamment pour la 5G.
Il serait aussi important d'avoir un point spécifique sur la protection des données personnelles. Aujourd'hui, on peut savoir où vous êtes, ce qu'il y a dans votre téléphone, ce que vous dites...
M. Jean Bizet, président. - Avec le recul, quel regard porte-t-on sur la démarche, que j'avais trouvée pertinente à l'époque, de l'opérateur historique, qui avait lancé les chartes « Département innovant » ?
Est-il encore temps d'obliger les opérateurs à s'engager dans le déploiement ?
Mme Gisèle Jourda. - Les communes et les départements des zones blanches ou grises font beaucoup d'efforts pour avoir la fibre ou le wifi. Les situations sont très disparates selon les territoires. Je connais même une commune qui n'a pas accès aux réseaux alors qu'un pylône est implanté sur son territoire !
M. Alain Vasselle. - Je remercie nos deux collègues, qui nous ont éclairés.
M. Raoul a fixé l'horizon de 2025. Quels moyens financiers l'Europe et les pays concernés sont-ils prêts à mobiliser pour tenir les délais ? N'est-on pas en train de nous bercer d'illusions ?
Compte tenu des difficultés que rencontrent déjà les communes pour monter les dossiers de demandes de subventions, comment fonctionnera concrètement l'attribution de l'aide forfaitaire évoquée par M. Allizard ? Comme tout le monde ne pourra pas être servi, il faudra identifier les communes qui en auront le plus besoin ; j'ai entendu parler de principe : « premier arrivé, premier servi ». Il me semble qu'il y aurait un travail de coordination et de planification à effectuer. Ne faudrait-il pas agir de concert avec l'Association des maires de France et les présidents des intercommunalités, qui sont les interlocuteurs pertinents ? Il ne faut pas croire que seules les zones de montagne ont besoin d'être désenclavées.
Aujourd'hui, on nous demande de tout dématérialiser. Or nous n'en aurons pas les moyens ? Quand la fibre arrivera-t-elle ?
M. Claude Kern. - En réponse à notre collègue Alain Vasselle, je souhaite mentionner une expérience initiée par l'ancienne région Alsace, qui a lancé un programme de mise en place de la fibre optique, avec pour objectif que toutes les communes soient reliées d'ici à 2021. Les communes ou les intercommunalités participent à hauteur de 175 euros par prise, le reste étant pris en charge par la région, sachant que la fibre optique est déployée gratuitement par les opérateurs dans les grandes villes.
M. Pascal Allizard. - Il serait effectivement intéressant de faire le bilan des fonds européens et nationaux mobilisés en faveur du déploiement.
Le très haut débit et la fibre, ce n'est pas la même chose. La seule obligation est d'avoir du très haut débit ; on peut y parvenir par la fibre, mais pas seulement. C'est le débat sur la neutralité technologique. Notre position est de sortir de la neutralité technologique. La fibre nous semble aujourd'hui le meilleur moyen technique pour atteindre l'objectif. Mais des opérateurs affirment fournir le très haut débit sans forcément la fibre.
Il y a un calendrier sur les attributions aux opérateurs. Est-ce pour vingt-cinq ans ? Pour quinze ans ? Y a-t-il des clauses de revoyure ? La discussion n'est pas fermée. Il serait intéressant d'avoir des objectifs chiffrés.
La mesure de la couverture est faite non au niveau des territoires, mais sur des objectifs de population. Il est évidemment intéressant d'avoir des solutions de remplacement temporaires, mais on ne sait pas quel sera le coût de la dernière prise dans les zones les moins denses.
La protection des données personnelles, c'est le cinquième texte. C'est un véritable sujet. Avec le wifi ou le Bluetooth, votre voisin peut pénétrer dans votre téléphone.
Sur les conditions d'attribution des 20 000 euros, il y a deux aspects : le principe du « premier arrivé, premier servi » est très simple, mais assez peu juste ; la régulation géographique avec un cofinancement, ce n'est pas simple du tout.
M. Daniel Raoul. - Chère Gisèle Jourda, d'un point de vue technique, il est tout à fait normal qu'il n'y ait pas de signal dans un périmètre autour du pylône ; c'est même le cas au pied de la Tour Eiffel. La commune qui a donné une autorisation de travaux a bien dû l'accepter.
À mon sens, le wifi suppose une arrivée par la fibre. C'est un palliatif par rapport au développement de la 4G.
M. Jean Bizet, président. - Je remercie nos collègues et réitère ma demande d'une note technique à destination des élus locaux ; veillons à ne pas créer d'espoirs déçus.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne, dans la rédaction suivante :
Questions sociales et santé - Coordination des régimes de sécurité sociale : avis motivé de M. Alain Vasselle
M. Jean Bizet, président. - Nous allons entendre la communication d'Alain Vasselle sur la coordination des régimes de sécurité sociale. Notre collègue a procédé à un examen au titre de subsidiarité après que notre groupe de travail avait considéré qu'un problème pouvait être identifié.
Il a préparé un avis motivé qui vous a été adressé.
M. Alain Vasselle. - La Commission européenne a présenté en décembre dernier une proposition de révision des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale de 2004 et 2009. Le texte est destiné à faciliter la mobilité des travailleurs, assurer un traitement équitable entre contribuables et travailleurs mobiles et améliorer la coopération entre les autorités administratives des États membres. Les modifications proposées tiennent notamment compte des arrêts Dano et Alimanovic, rendus par la Cour de justice de l'Union européenne en 2014 et 2015, qui ont mis en lumière le phénomène dénoncé par plusieurs pays de « tourisme social » : des ressortissants d'États membres s'installant dans d'autres États membres pour y bénéficier des prestations sociales.
Je vous rappelle que, conformément à l'article 48 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la coordination des systèmes de sécurité sociale ne détermine pas qui peut bénéficier de l'assurance prévue par la législation nationale ni le type de prestations à accorder ; ces questions relevant des États membres. L'intervention de l'Union permet uniquement d'établir des critères pour définir le système dont relève tout citoyen mobile.
Le projet de règlement présenté par la Commission européenne a notamment pour objectif que les autorités nationales disposent des outils nécessaires pour vérifier le statut des travailleurs détachés au regard de la sécurité sociale. Il comporte ainsi une disposition visant les certificats A1. Ces documents permettent d'attester l'affiliation du travailleur détaché au régime de sécurité sociale du pays d'envoi. Les différents rapports de notre commission sur le sujet ont fait état des risques de fraude entourant ces certificats.
Le projet de la Commission prévoit une uniformisation de la procédure de délivrance et du contenu des formulaires A1. Celle-ci serait effectuée par des actes d'exécution adoptés par la Commission. Le recours aux actes d'exécution doit en principe porter sur un élément non essentiel d'un projet de texte européen. Or il n'en est rien, puisqu'il s'agit de renforcer la lutte contre la fraude. Je vous rappelle en outre que les actes d'exécution ne sont pas transmis aux parlements nationaux pour contrôle du respect du principe de subsidiarité.
Face à la multiplication des cas de falsification de formulaire A1, il apparaît indispensable de sécuriser ce document, de prévoir sa déqualification devant une juridiction en cas de doute sur sa véracité et de mettre en place une procédure de déclaration préalable. Tout cela suscite des débats approfondis entre les co-législateurs, que ne permet pas un recours aux actes d'exécution. Cela implique également un contrôle du respect du principe de subsidiarité par les parlements nationaux.
La Cour de justice de l'Union européenne estime d'ailleurs qu'une marge d'appréciation doit être laissée aux États membres quant à l'utilisation des formulaires de détachement aux fins de contrôle par les États membres d'accueil. Les restrictions à la libre prestation de services sont ainsi admises s'il existe une raison impérieuse d'intérêt général qui ne soit pas déjà sauvegardée, propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et que la mesure restrictive soit proportionnée. Or l'uniformisation proposée par la Commission européenne contredit cette position en imposant une procédure de détermination des situations dans lesquels le document est délivré, ainsi que les éléments qu'il contient.
Pour ces raisons, nous pouvons estimer que ce texte ne respecte pas le principe de subsidiarité. Je vous propose d'adopter l'avis motivé qui vous a été distribué.
M. Jean Bizet, président. - Ce texte est important. Nous sommes au coeur du principe de subsidiarité. Il existe une forme de dumping de la part de certains pays de l'Est.
À l'issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne portant avis motivé dans la rédaction suivante :
Questions diverses
M. Jean Bizet, président. - Je vous propose de désigner Mmes Colette Mélot et Patricia Schillinger sur le projet d'un Erasmus des apprentis que nous avons évoqué la semaine dernière.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 10 h 35.